:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Merci beaucoup de me recevoir. Je suis heureuse d'être de retour devant le Comité.
Je tiens à remercier le Comité d'avoir entrepris une étude sur ce à quoi pourrait ressembler une commission chargée d'organiser des débats politiques fédéraux au Canada. J'en ai déjà parlé à beaucoup d'entre vous, et j'ai hâte de lire votre rapport.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi ce préambule. Pourquoi est-ce important? Pour les Canadiens, les débats des chefs sont l'occasion de voir en action ceux qui aspirent à devenir leur premier ministre, et d'avoir un avant-goût de leur personnalité. Nous allons discuter de l'avenir des débats et du rôle primordial qu'ils jouent dans la vie politique du Canada, mais d'abord, il pourrait être utile de rappeler rapidement l'histoire des débats des chefs fédéraux au Canada.
[Français]
Le premier débat télévisé des chefs au Canada n'a pas eu lieu sur la scène fédérale. Il s'est déroulé lors de l'élection provinciale de 1962 au Québec, entre Daniel Johnson et Jean Lesage. Il faudra attendre encore six ans avant qu'un débat télévisé des chefs fédéraux ne se tienne au Canada. Le débat opposa Pierre Elliott Trudeau, Tommy Douglas, Robert Stanfield et Réal Caouette.
[Traduction]
Lors de l’élection générale de 1968, on a tenu un seul débat des chefs, diffusé sur tous les réseaux. Il était bilingue, et les chefs de tous les partis ayant un siège à la Chambre y ont participé. Aucun débat télévisé n'a eu lieu pour les deux cycles électoraux suivants, et ce n'est qu'en 1979 qu'un débat a de nouveau été diffusé. Les débats de 1979 ont attiré près de 7,5 millions de téléspectateurs, soit environ la moitié des Canadiens ayant droit de vote à l'époque.
Il n’y a pas eu de débats télévisés nationaux lors de l'élection générale de 1980. Cependant, des débats ont eu lieu en 1984 et, dès 1988, ils faisaient partie des traditions électorales du Canada. Depuis 1984, des débats télévisés ont eu lieu à chacune des élections générales fédérales, jusqu’en 2015. La campagne de 2015 a cependant fait exception aux précédentes, puisqu'aucun débat n'a été présenté par nos diffuseurs nationaux.
[Français]
Au cours du dernier demi-siècle, les débats des chefs au Canada ont généralement été organisés à l'occasion de chaque élection générale, sous la direction d'un consortium des grands radiodiffuseurs, soit CBC, SRC, Global, CTV et TVA, négociant avec les partis politiques afin de préciser les dates, les participants et le format.
[Traduction]
Il importe de souligner l'importante contribution du consortium de radiodiffuseurs. Afin de mieux servir le public et de veiller à ce que les Canadiens puissent regarder le débat des chefs de leur foyer, les partenaires du consortium ont convenu de mettre de côté leurs propres intérêts concurrentiels.
[Français]
Cela étant dit, il n'y a pas de format défini. En effet, les débats télévisés sont un peu différents d'une élection à l'autre, que ce soit en raison du nombre, du format ou des partis qui y participent.
[Traduction]
Lors de la dernière élection générale fédérale, des organisations médiatiques extérieures au consortium établi ont organisé les débats selon de nouveaux formats et autour de nouveaux thèmes.
L’expérience de l’élection de 2015 a marqué une rupture avec les pratiques établies. Alors qu’en 2015 il y a eu plus de débats que lors de l’élection générale précédente, les téléspectateurs ont été beaucoup moins nombreux, pour les débats en anglais comme pour ceux en français. Les débats de 2006, de 2008 et de 2011 ont attiré en moyenne plus de trois millions de téléspectateurs, bien plus que chacun des débats tenus en 2015. C'est 1,5 million de personnes qui ont regardé celui de Maclean's. Le débat en français diffusé par TVA a attiré un peu moins d'un million de téléspectateurs. Pour celui du Globe and Mail et de Google Canada, c'était 780 000 personnes; pour Munk, 490 000 personnes; et le débat du consortium des médias francophones a attiré environ 290 000 téléspectateurs.
[Français]
La couverture des débats électoraux en 2015 a également démontré un intérêt public réel envers l'organisation des débats, la détermination des critères de participation aux débats, le choix des formats et des thèmes, ainsi que l'accessibilité accrue par le développement de nouveaux moyens de diffusion de l'information utilisés par les médias canadiens traditionnels ainsi que l'apparition de nouveaux joueurs médiatiques.
[Traduction]
En tant que ministre des Institutions démocratiques, j’ai reçu du le mandat de présenter des options pour créer un poste de commissaire indépendant chargé d’organiser les débats des chefs des partis politiques lors des futures campagnes électorales fédérales, et ayant le rôle d’améliorer les connaissances des Canadiens et des Canadiennes en ce qui concerne les partis, leurs chefs et leurs positions stratégiques.
[Français]
Étant donné que les débats sont un élément important de notre démocratie, la création d'un poste de commissaire indépendant chargé d'organiser les débats aiderait à ce que les intérêts des citoyens jouent un rôle central dans l'organisation et la diffusion des débats.
[Traduction]
Une commission ou un commissaire serait chargé d’envisager l’avenir des débats des chefs dans un environnement numérique en constante évolution et d’examiner la façon dont les débats devraient être diffusés pour faire en sorte qu’un large segment de la population puisse les suivre.
[Français]
Cette nouvelle structure des débats doit allier les intérêts de tous les intervenants, à savoir le public, les partis politiques, les radiodiffuseurs, les nouvelles organisations médiatiques et la société civile. Plus important encore, je m'engage à faire en sorte que les citoyens soient au centre de ce nouveau processus.
[Traduction]
Diverses approches peuvent être adoptées pour organiser les débats des chefs, et j’ai hâte de recevoir les commentaires et les recommandations du Comité.
Par exemple, en 1991, la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis a recommandé d'améliorer le modèle du consortium en nommant une partie indépendante pour présider les négociations entre les groupes médiatiques et les partis politiques. Peut-être que dans cette approche, le consortium pourrait s’élargir pour inclure de nouveaux médias, des groupes d’intérêt public, des universitaires et d'autres groupes pertinents.
Par ailleurs, en 2016, les auteurs d'un rapport de colloque sur l'avenir des débats des chefs en campagne électorale fédérale recommandaient plutôt la nomination d'un diffuseur hôte ou d'un groupe responsable de l'organisation des débats des chefs. Les auteurs du rapport ont avancé que La Chaîne d'affaires publiques par câble, ou CPAC, était bien placée pour concevoir un débat qui ferait avancer l'exercice démocratique.
[Français]
Tirée d'exemples à l'international, une autre approche serait d'établir une nouvelle organisation ou un comité consultatif composé de différents groupes, par exemples des gens provenant de groupes d'intérêt public, d'universités et de médias. Ce comité pourrait prendre la forme d'une organisation parlementaire, d'une organisation sans but lucratif ou d'une organisation gouvernementale indépendante qui donnerait des conseils et qui organiserait les débats des chefs. La commission américaine sur les débats présidentiels pourrait servir de modèle.
[Traduction]
Dans l’ensemble, les options suggérées visent à stimuler la réflexion et la discussion sur ce à quoi pourrait ressembler le rôle de commissaire.
[Français]
Bien sûr, il reste encore beaucoup de travail à faire pour nouer le dialogue entre les parlementaires, les radiodiffuseurs, les partis politiques, les experts et les Canadiens.
[Traduction]
L’étude de votre comité et le rapport qui sera produit éclaireront certainement la décision du gouvernement sur la question.
[Français]
Les débats sont un exercice démocratique important. Au-delà de votre étude, je nouerai le dialogue avec des intervenants, le milieu universitaire et les Canadiens directement.
Nous sommes à mettre la dernière main à nos plans et je rendrai public notre plan général de mobilisation dans les prochaines semaines.
À l'avenir, nous devrons défendre la notion que les débats électoraux sont beaucoup plus que de simples événements médiatiques: il s'agit d'un exercice fondamental en démocratie.
[Traduction]
Les débats des chefs constituent un bien public. À ce titre, ils doivent être organisés d’une manière ouverte et transparente, au moyen d’un processus qui inclut la représentation indépendante de l’intérêt public.
Cet exercice sera guidé par les cinq objectifs suivants.
Le premier objectif est l'indépendance et l'impartialité. L'entité doit être guidée par l'intérêt public et doit organiser les débats des chefs de manière ouverte, équitable et transparente.
[Français]
Le deuxième objectif est la crédibilité. L'entité doit jouir de la confiance et du soutien des Canadiens et des intervenants.
[Traduction]
Le troisième est la citoyenneté démocratique. L'entité doit faire en sorte que les débats des chefs soient une institution démocratique fondamentale et veiller à ce que des débats des chefs soient organisés à chaque élection.
[Français]
Le quatrième objectif est l'éducation civique. L'entité doit nouer le dialogue avec les Canadiens aussi largement que possible et améliorer la connaissance qu'ont les Canadiens des partis, de leurs chefs et de leurs positions de principe, de manière à ce qu'ils soient bien préparés pour exercer leur droit de vote dans une société démocratique moderne.
[Traduction]
Et cinquième objectif, l'inclusion. L’entité et ses organes consultatifs doivent comprendre un large éventail de représentants pour être représentatifs de la société canadienne, et veiller à ce que l'inclusion de femmes, de jeunes, d'Autochtones et de personnes handicapées sous-tende ses activités.
[Français]
En gardant ces objectifs à l'esprit, je vous fais part de certaines des questions que je me pose et au sujet desquelles j'aimerais entendre vos réflexions, si cela vous plaît.
Qui devrait organiser les débats?
Quel rôle le gouvernement devrait-il jouer dans l'organisation des débats électoraux?
[Traduction]
Comment pouvons-nous accueillir les propositions législatives et non législatives?
Comment joindre le plus de Canadiens possible?
[Français]
Comment pourrait-on faire en sorte que les débats soient accessibles à tous les Canadiens?
Le commissaire devrait-il établir un nombre minimum de débats dans les deux langues officielles?
[Traduction]
Quels devraient être les critères pour l'inclusion et la participation? Où et comment les débats devraient-ils être diffusés?
[Français]
Comment les coûts de production devraient-ils être couverts par les intervenants pertinents?
Comment le mandat du commissaire indépendant, en matière d'éducation, pourrait-il être structuré?
Je vous remercie encore une fois d'avoir entrepris cette étude et de m'avoir invitée aujourd'hui.
Comme je l'ai dit précédemment, les débats sont un exercice important de notre démocratie. Nous tous, autour de cette table, avons participé à des débats locaux et nous savons à quel point il est important pour les électeurs de voir les politiciens défendre leurs politiques et leurs valeurs.
[Traduction]
La diffusion à l’échelle nationale des débats des chefs permet aux Canadiens d’observer leurs chefs pendant un débat et de comparer leurs points de vue, ce qui veut dire qu’ils peuvent prendre des décisions plus éclairées à propos de la personne qui dirigera leur pays.
Cela dit, je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions et d’entendre vos commentaires.
[Français]
Merci.
:
Monsieur le président, je n'ai jamais rencontré un autre comité aussi généreux et courtois que celui-ci. Je ne saurais trop vous remercier.
Vous savez sans doute, y compris la ministre, que j'ai été l'une des chefs à mener ce que j'appellerais la guerre des débats. J'ai rencontré le consortium. Je sais que les radiodiffuseurs avaient des règles, dont une avait été annoncée publiquement, selon laquelle il fallait avoir au moins un député élu. Au départ, le Bloc québécois était formé de membres qui arrivaient d'autres partis, et le Parti réformiste a participé au débat national des chefs pour la première fois avant l'élection de Preston Manning, mais lorsque Deb Grey a été élue, les règles ont changé.
Je sais que je ne suis pas ici pour témoigner. Je vous suis d'ailleurs reconnaissante d'avoir invité le Parti vert à comparaître, et sachez que le vice-président du parti sera ici jeudi.
J'aimerais tout d'abord, si vous me permettez, étoffer la réponse de la ministre au sujet de l'importance des débats des chefs, et poser ensuite quelques questions.
Étant donné que je suis chef d'un plus petit parti, je sais que les médias nationaux déterminent les partis qui feront l'objet d'une couverture médiatique régulière durant la campagne électorale en fonction de leur inclusion dans ce débat. En fait, c'est une chose qui a été contrôlée par les médias. Il est très difficile de comprendre ce processus opaque, parce que les médias eux-mêmes n’expliquent pas bien leurs décisions.
Les décisions concernant l'inclusion ou la non-inclusion ont une grande influence sur l'information du public au sujet des partis. C'est comme si les médias nationaux disaient: « Ce parti est un vrai parti, mais celui-ci n'en est pas un. » Même là, ayant remporté un siège, j'aimerais ajouter qu'en 2015, on a dérogé à ce qui se faisait auparavant. Le Parti vert a été invité à participer aux débats télévisés anglophone et francophone, mais lorsque le premier ministre a dit qu'il ne se présenterait pas aux débats, c'est à partir de là que les choses se sont gâtées.
J'aimerais savoir quels sont vos plans pour l'avenir. Je suis très reconnaissante que le gouvernement prenne des mesures pour établir des règles et créer un poste de commissaire. En ce qui concerne les règles, serait-il avantageux d'avoir une certaine continuité des pratiques antérieures, par exemple qu'un parti soit considéré un parti lorsqu'il a au moins un siège? Serait-ce un critère raisonnable?