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Avant d'en arriver à l'objet de la réunion, je veux faire le point dans deux dossiers avec le Comité.
Premièrement, le Comité de liaison nous a demandé où nous allions nous rendre entre mars et juin. J'ai parlé de la Nouvelle-Zélande, mais les membres n'étaient pas d'accord. Je présume que nous allons simplement indiquer que nous n'avons pas besoin d'argent pour cela.
Et deuxièmement — et cela concerne principalement David Graham —, vous vous souviendrez que les Services de la Cité parlementaire avaient indiqué dans le budget qu'ils allaient acheter des voitures banalisées avec les nouveaux fonds. Vous avez sans doute remarqué la présence de nouvelles voitures identifiées. Les Services de la Cité parlementaire tenaient à vous informer qu'elles avaient été achetées avec les anciens fonds. Les nouvelles voitures banalisées ne sont pas encore arrivées.
De plus, il a été convenu que dans la seconde moitié, plutôt que d'aller en sous-comité, nous allons poursuivre en comité complet, puisqu'il faudrait passer en sous-comité de toute façon.
[Français]
Bonjour, je vous souhaite la bienvenue à la 135e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Aujourd'hui, nous allons examiner le quatrième rapport du Sous-comité des affaires émanant des députés présenté au greffier du Comité, le jeudi 22 novembre. Le Sous-comité a recommandé que le projet de loi soit désigné non votable.
Conformément à l'article 92(2) du Règlement, nous sommes heureux d'avoir parmi nous le parrain du projet de loi, M. Mario Beaulieu, député de La Pointe-de-l'Île, pour expliquer pourquoi il estime que ce projet de loi devrait pouvoir être mis aux voix. Il est accompagné de M. Marc-André Roche, recherchiste au Bloc québécois.
Je vous remercie d'être ici, monsieur Beaulieu. À titre informatif, la correspondance que vous avez envoyée mardi a été distribuée aux membres du Comité. Vous pouvez maintenant faire votre présentation au Comité.
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Monsieur le président et chers membres du Comité, je vous remercie de nous recevoir.
Comme je vous l'ai indiqué dans ma lettre, le Sous-comité a eu beau juger que mon projet de loi était clairement inconstitutionnel, il n'a pas spécifié à quel article de la Constitution ou de la Charte il aurait supposément contrevenu. Faute d'indication précise, je vais faire un survol de l'ensemble des dispositions qui pourraient être pertinentes. J'espère que cela va répondre à votre questionnement. Sinon, je suis à votre disposition pour répondre aux questions.
Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de M. Marc-André Roche, l'adjoint de mon collègue le député de . Comme nous n'avons pas d'équipe de recherche, il m'a donné un coup de main.
Comme vous le savez, la norme utilisée pour évaluer si un projet de loi est inconstitutionnel n'est pas très élevée. À la page 1143, le Bosc et Gagnon indique:
Les projets de loi et les motions ne doivent pas transgresser clairement les lois constitutionnelles de 1867 à 1982, y compris la Charte canadienne des droits et libertés;
J'insiste sur les mots « transgresser clairement les lois constitutionnelles ». Il est établi de longue date qu'un désaccord sur la constitutionnalité d'un projet de loi ne suffit pas à le rendre non votable. J'ai l'impression que votre décision ne sera pas difficile à prendre.
À l'heure actuelle, les résidents permanents doivent respecter un certain nombre de critères pour obtenir la citoyenneté canadienne. Parmi ceux-ci, ils doivent réussir deux tests de compétence: un test de connaissances générales sur leur société d'accueil et un test de compétences linguistiques, où ils doivent démontrer qu'ils possèdent une connaissance suffisante du français ou de l'anglais.
Le projet de loi est assez simple. Il modifie la Loi sur la citoyenneté pour faire en sorte que les résidents permanents qui résident habituellement au Québec doivent démontrer qu'ils ont une connaissance suffisante du français.
Le premier critère de constitutionnalité est le partage des compétences. La citoyenneté relève de la compétence fédérale en vertu de l'article 91.25 de la Loi de 1867 sur l'Amérique du Nord britannique, qui précise que la naturalisation et les aubains relèvent de la compétence du Parlement. Manifestement, mon projet de loi satisfait à cette condition.
Il reste la Charte. Comme le Sous-comité n'a indiqué aucune disposition précise pour appuyer sa décision, je vais faire le tour aussi rapidement que possible.
D'abord, il y a la liberté de circulation et d'établissement. Le paragraphe 6(2) de la Charte précise que les citoyens et les résidents permanents ont le droit de se déplacer partout au Canada, de s'établir dans n'importe quelle province et d'y gagner leur vie. Que le projet de loi soit adopté ou non, rien n'empêcherait un résident permanent qui résiderait dans une autre province de déménager au Québec, de s'y établir et d'y travailler. Rien n'empêcherait un résident permanent qui réside dans une autre province d'y obtenir la citoyenneté canadienne, puis de déménager au Québec et de jouir de tous les droits et privilèges associés à la citoyenneté canadienne.
Comme le projet de loi est sans effet sur la liberté de circulation et d'établissement, j'en comprends que ce n'est pas sur cette base que le Sous-comité a jugé que le projet de loi était « clairement inconstitutionnel ».
Ensuite, il y a la langue de communication avec les institutions fédérales. Le paragraphe 20(1) de la Charte précise que la population peut communiquer à son choix en français ou en anglais avec l'administration fédérale, et que celle-ci doit être en mesure de lui fournir les services en français ou en anglais lorsque le nombre ou la nature du service le justifie.
Le projet de loi est sans effet sur la langue de communication entre la population et l'administration fédérale. Que ce projet de loi soit adopté ou non, un résident permanent pourra toujours communiquer soit en français, soit en anglais avec l'administration fédérale.
De même, la prestation du serment de citoyenneté pourra continuer à s'effectuer soit en français, soit en anglais, au Québec comme ailleurs au Canada. J'aurais préféré qu'il en soit autrement, mais cela aurait rendu mon projet de loi inconstitutionnel. C'est pourquoi je ne l'ai pas proposé.
Le projet de loi se contente d'exiger que le résident permanent qui habite au Québec démontre qu'il possède des connaissances suffisantes de la langue française, la langue officielle et la langue normale des communications au Québec.
Je vous rappelle qu'il existe déjà une dose d'asymétrie dans l'application de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Au Québec, c'est le gouvernement du Québec qui sélectionne et qui accompagne les immigrants et qui met en place les programmes d'intégration. La connaissance du français occupe une place de premier ordre dans toutes ces étapes.
Le projet de loi vient appuyer les efforts du Québec et étendre l'octroi de la citoyenneté, ce qui existe déjà aux étapes précédentes, soit la sélection, l'accompagnement et l'intégration. La sélection, l'accueil et l'intégration des immigrants et l'octroi de la citoyenneté sont quatre éléments d'un même processus. Je vois mal comment la connaissance du français serait constitutionnelle aux trois premières étapes, mais inconstitutionnelle à la quatrième. De toute façon, le projet de loi C-421 est sans effet sur la langue de communication entre la population et les institutions fédérales, ce qui règle la question de sa conformité au paragraphe 20(1) de la Charte.
Restent les dispositions sur les langues officielles.
Le paragraphe 16(1) de la Charte précise ceci:
Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.
J'insiste sur les mots « droits et privilèges égaux quant à leur usage ». Le projet de loi ne contient aucune disposition ou prescription à propos de l'usage du français ou de l'anglais. Il ne concerne que la connaissance du français. La connaissance et l'usage, ce sont deux choses complètement différentes. De plus, le paragraphe 16(3) précise la portée de la Charte:
La présente charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais.
Ce paragraphe de la Charte parle de « l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais » au Canada. La Cour suprême reconnaît même que c'est le français qui est minoritaire au Canada. Elle reconnaît que, pour que le français et l'anglais progressent vers l'égalité au Canada, il faut que le français prédomine au Québec. Dans l'arrêt de l'affaire Nguyen, en 2009, elle a statué ceci:
[...] notre Cour a déjà reconnu que l'objectif général de protection de la langue française représentait un objectif important et légitime [...] eu égard à la situation linguistique et culturelle particulière de la province de Québec [...]
Cela permet à la Cour de conclure que:
la politique linguistique sous-tendant la Charte de la langue française vise un objectif important et légitime. [Les documents] révèlent les inquiétudes à l'égard de la survie de la langue française et le besoin ressenti d'une solution législative à ce problème [...]
C'est d'un jugement à portée constitutionnelle que je parle ici.
Les mesures pour assurer la primauté du français au Québec viennent, dans les faits, favoriser l'égalité de statut ou d'usage du français au Canada. On pourrait même estimer que la pratique actuelle du gouvernement visant à rendre le Québec bilingue y contrevient, puisqu'en affaiblissant le français au Québec, elle ne favorise pas l'égalité des deux langues au Canada. Cela dit, il s'agit d'un débat qu'il est inutile d'entreprendre ici.
Je devais vous démontrer que mon projet de loi n'est pas « clairement inconstitutionnel ». Je pense que c'est fait.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Merci, monsieur le président et membres du Comité.
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Prenez mon cas, je suis francophone. Il n'y a pas plus francophone que le nom Lapointe. J'ai été élevée à Laval, j'ai toujours travaillé à Boisbriand, je fais la promotion du français à la Chambre auprès de tous mes collègues.
N'est-ce pas, chers collègues? Dites oui. Dites que je vous parle en français tout le temps. Même quand vous ne comprenez pas, vous réussissez à comprendre.
Je fais la promotion du français et je fais tout pour que les gens puissent devenir bilingues. Selon moi, le plus haut sera le taux de bilinguisme au Canada, le mieux ce sera.
J'ai siégé au Comité permanent des langues officielles aux côtés de M. Nater et de Mme Kusie. Ce sont des gens qui sont convaincus autant que moi de la valeur du bilinguisme.
Je veux dire que nous sommes des promoteurs du bilinguisme et, selon moi, en ce qui concerne le français, il faut aller encore plus loin. Votre projet de loi me met mal à l'aise.
Je ne suis pas une spécialiste de la Constitution. Il y a des gens qui sont justement là pour nous aider au besoin. Les gens qui travaillent à la Bibliothèque du Parlement peuvent nous aider. Je suis simplement mal à l'aise devant ce projet de loi.
Ce n'est pas moi qui décide. Si on me dit qu'un projet de loi n'est pas constitutionnel, je ne peux pas le contester comme le ferait un avocat. J'ai fait un baccalauréat en administration des affaires. Je n'ai pas du tout la prétention d'être avocate.
Je me vois mal dire aux citoyens anglophones de ma circonscription, qui ont le droit d'être résidents permanents au Québec, qui contribuent à la société à leur façon même s'il parlent anglais, qu'ils ne deviendront pas citoyens canadiens et qu'ils vont simplement demeurer des résidents permanents.
Je ne sais pas si des collègues veulent ajouter quelque chose.
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Je veux que le français soit parlé partout au Canada. Nous défendons toutes les communautés francophones et acadiennes. Le Québec, c'est un peu le foyer de la langue française.
Je ne veux pas trop m'aventurer dans le débat politique. Je pense qu'il est préférable de rester dans le débat constitutionnel. Partout au monde, les régimes basés uniquement sur un bilinguisme institutionnel, mur à mur, finissent toujours par constater l'assimilation des langues minoritaires.
Il y a plusieurs pays où il se parle plus d'une langue nationale. En Belgique, en Suisse ou au Cameroun, par exemple, il y a une langue commune pour un territoire donné. Cela n'empêche pas les gens de très bien connaître cinq ou six langues secondes, mais cela fait en sorte de protéger leur langue. Si vous allez en Belgique flamande, vous constaterez que le néerlandais — qui n'est guère parlé dans le monde — n'est pas menacé dans cette partie de la Belgique, où il est la langue commune.
De façon générale, la Constitution a pour principe de protéger la dualité linguistique. Au Canada, la langue menacée est le français. Il faut que cette langue puisse continuer d'exister et de s'épanouir dans notre pays, ce qui explique les pouvoirs supplémentaires qui ont été accordées au Québec, notamment par l'entente Cullen-Couture sur l'immigration.
La Charte de la langue française du Québec, dont certains ont dit qu'elle était une grande loi canadienne, vise à faire du français la langue commune au Québec pour permettre aux francophones de travailler et de vivre dans leur langue. Je ne crois pas qu'elle soit anticonstitutionnelle.
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Je pense qu'il est constitutionnel. Les arguments que vous avez soulevés sont davantage d'ordre politique. Vous avez donné l'exemple de votre conjointe, qui est un cas particulier, mais la Constitution vise toute la collectivité et l'ensemble de la population du Canada.
Selon votre raisonnement, vous seriez contre toutes les mesures qu'a prises le Québec pour favoriser le français parce que vous les jugeriez anticonstitutionnelles. Vous diriez que le critère lié à la connaissance du français pour sélectionner des immigrants au Québec est anticonstitutionnel. C'est la même chose.
Nous n'empêchons pas les gens de communiquer en anglais ou en français avec le gouvernement. Tout ce que nous voulons, c'est un incitatif. Nous voulons que les gens démontrent qu'ils connaissent le français. La Loi sur la citoyenneté exige déjà une connaissance du français ou de l'anglais, et si une personne n'a pas de connaissance d'une de ces langues, sa demande est rejetée.
Nous croyons qu'au Québec, la connaissance du français devrait être exigée des immigrants parce que c'est la langue commune. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas important de connaître l'anglais ou d'être bilingue sur le plan individuel. Au Québec, il faut renforcer le français. Je ne veux pas entrer dans un débat politique, mais à Montréal, le français est en déclin. Les indicateurs démontrent qu'il y a un déclin du français parce qu'on ne réussit pas à franciser suffisamment les nouveaux arrivants. Ce n'est pas une exigence farfelue que nous voulons utiliser pour écraser qui que ce soit, c'est une exigence qui vise à assurer l'avenir du français au Québec.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les deux d'être avec nous. Je reconnais les mérites de la discussion.
Parlons de la Constitution, et concentrons-nous sur l'aspect juridique, même si, avec tout le respect que je vous dois, votre exposé semble beaucoup plus... Je comprends la passion — le discours passionné et politique par opposition au discours juridique — mais concentrons-nous sur l'aspect juridique.
J'ai eu l'occasion de siéger au comité de la justice et j'ai entendu beaucoup d'arguments constitutionnels. Je n'en ai entendu aucun dans votre déclaration préliminaire. J'ai regardé votre déclaration subséquente, et on y parle de l'affaire Nguyen, qui porte sur l'article 23 de la Charte, mais vos arguments portent sur les articles 16 et 20.
Pourquoi ne pas présenter d'affaires qui portent sur ces articles? Si on traite d'une question juridique très particulière, pourquoi choisissez-vous un paragraphe dans une affaire qui porte sur un article différent de la Charte pour appuyer des arguments à propos des articles 16 et 20?