:
Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je suis ravi de pouvoir m'entretenir avec votre comité. C'est la première fois en 23 ans sur la Colline du Parlement que je me trouve assis dans la chaise du témoin plutôt qu'à la table des médias.
Des députés: Bravo!
M. Paul Wells: Je suis content de remarquer que mes collègues font ce que je fais habituellement, c'est-à-dire l'école buissonnière pendant une séance de comité. Mais ne vous inquiétez pas, je n'ai aucunement l'intention d'en faire une habitude.
Je dois souligner que si je suis un employé de Maclean's et de Rogers et que je fais toujours très attention à ce qui est bon pour mes employeurs, je ne prends pas la parole aujourd'hui en tant que représentant de mes employeurs, mais à titre personnel.
Je comparais ici à l'invitation du Comité. On ne m'a pas expliqué pourquoi, mais je ne peux que supposer que c'est parce que j'ai modéré le débat national des chefs de Maclean's en 2015. C'était la première fois dans l'histoire des élections au Canada qu'un débat n'était pas organisé par un consortium de télédiffuseurs. Ainsi, la chose a dérangé certaines personnes, mais je crois que nous avons fait du bon journalisme.
[Français]
Je pourrai peut-être vous être utile aujourd'hui en expliquant pourquoi la campagne de 2015 était différente des 11 campagnes précédentes, au cours desquelles les seuls débats étaient ceux qui étaient organisés par des consortiums de télédiffuseurs. Je vous expliquerai pourquoi je crois, et j'espère, que 2015 n'était pas qu'une aberration, mais plutôt l'aube d'une nouvelle ère, prometteuse pour la démocratie canadienne.
J'expliquerai d'abord pourquoi le modèle de consortium fut nécessaire à l'époque, pourquoi il l'est moins ou plus du tout aujourd'hui, et pourquoi toute tentative d'imposer une nouvelle version du vieux modèle monolithique risque de s'avérer très contre-productive.
[Traduction]
Comment les débats du consortium sont-ils nés? Au départ, c'était à la fois une question de véritable sens civique et une nécessité. Il y avait une véritable générosité dans la décision des réseaux de télédiffuseurs d'organiser le débat des chefs en 1968. Il faut dire aussi qu'il y a presque 50 ans, seules l'expertise combinée de plusieurs réseaux et la combinaison de leurs budgets de nouvelles pouvaient permettre de faire entrer des caméras et la télévision en direct dans l'édifice du Centre.
Pendant le plus clair de ma vie, il n'a jamais été réaliste d'envisager autre chose qu'un débat organisé par un consortium de télédiffuseurs. Au cours des 20 dernières années, les choses ont changé. Premièrement, la CPAC et une constellation de nouveaux petits réseaux, puis Internet et les médias sociaux sont devenus des courroies de transmission viables pour l'information qu'un débat permet de communiquer. En 2015, il était rendu possible pour d'autres d'organiser des débats sans la participation des grands réseaux. Au moins deux chefs de partis, soit Stephen Harper du Parti conservateur et Tom Mulcair du NPD, ont vu l'intérêt tactique à encourager ce genre d'effort. Maclean's a donc organisé un débat, tout comme The Globe and Mail a organisé d'une certaine façon les débats Munk. Il y a aussi les partenariats de deux diffuseurs francophones au Québec. Les vieux réseaux ont refusé de diffuser le signal offert par les organisateurs du débat en anglais. Par conséquent, les électeurs ont été moins nombreux à voir les débats de 2015 que lors des précédentes campagnes électorales. C'est une grave lacune.
Cependant, comme la l'a dit l'autre jour, 1,6 million de téléspectateurs ont vu notre débat à la télévision, mais elle n'a pas précisé qu'il avait également été vu par beaucoup de personnes de diverses sources numériques, dont des sites Web de nouvelles, YouTube, Facebook et bien d'autres. Tous les débats ont reçu une couverture médiatique à saturation, et les sondages laissent croire qu'ils ont influencé l'opinion publique.
Ainsi, mon principal argument aujourd'hui, c'est que la révolution technologique qui a rendu les débats de 2015 possibles se continue et s'accélère. L'organisation d'une télédiffusion en direct ne coûte pratiquement plus rien. D'ici 2019 et 2023, le nombre d'organisations qui auront les moyens d'organiser des débats et de les diffuser à grande échelle seront beaucoup plus nombreuses encore qu'en 2015.
Il serait donc curieux de recréer, par la politique publique, un simulacre de l'ancien monopole naturel du consortium des télédiffuseurs si longtemps après que les conditions favorables à la création de ce monopole se soient dissipées. Comme Paul Adams de l'Université Carleton le disait au Comité la semaine dernière, les partenaires du consortium gardaient toujours des considérations très pragmatiques dans l'organisation de leurs premiers débats, comme le nombre de spectateurs et les conflits d'horaire. Tant mieux pour eux. C'était légitime. N'importe qui d'autre garderait ces considérations à l'esprit, et c'est ce que nous avons fait, mais le fait est que le modèle des débats avec lequel vous avez grandi n'a pas été gravé sur des pierres par un Dieu parfait. C'était le produit de son temps, avec ses lacunes et ses forces. Mais les temps ont changé.
[Français]
Depuis quelques années, j'aime dire à des amis que le modèle qu'on peut envisager pour les débats des chefs dans un avenir rapproché est celui d'un citoyen ou d'une citoyenne ordinaire de Regina ou de Moncton qui invite les chefs de parti chez elle, autour de sa table de cuisine, et qui diffuse leurs délibérations d'un océan à l'autre sur Periscope ou sur Facebook Live. Pour moi, l'avenir ressemble beaucoup plus à cela qu'au vieux modèle monolithique que l'on connaît.
[Traduction]
À tout le moins, c'est un avenir possible si ce comité et le gouvernement n'essaient pas d'emprisonner le passé dans une bouteille en imposant un modèle de débat unique, monolithique pour toutes les campagnes électorales.
J'ai été sidéré de constater que tous les témoins que vous avez entendus la semaine dernière ont réclamé la création d'une commission des débats souple et conviviale qui évaluerait, et dans certains cas endosserait les propositions de débat, des propositions qui pourraient parfois être surprenantes et inattendues et qui viendraient de toutes sortes de parties extérieures, tous sauf la ministre. La ministre a dit qu'elle voulait institutionnaliser les débats et que « l'entité et ses organes consultatifs doivent comprendre un large éventail de représentants pour être représentatifs de la société canadienne, et veiller à ce que l'inclusion de femmes, de jeunes, d'Autochtones et de personnes handicapées sous-tendent ses activités. »
Je ne peux que louanger l'instinct qui se cache derrière cette affirmation, mais les mots choisis me font penser aux mots utilisés par sa prédécesseure pendant la brève tentative du gouvernement, en début de piste, à réformer le régime électoral l'an dernier. Cette formule me semble ouvrir la porte à une argumentation sans fin sur la procédure interne, qui mènerait à des débats d'environ six heures pendant lesquelles les chefs de sept ou neuf partis seraient interrogés par une quarantaine de juristes choisis à l'issue d'un processus de sélection qu'on qualifierait sûrement d'être ouvert, transparent et fondé sur le mérite, mais qui ne prêterait pas moins le flanc à la critique pour autant.
Les représentants des petites entreprises, de l'Association médicale canadienne, des ordres professionnels ou les défenseurs de la représentation proportionnelle seraient-ils inclus? Pourquoi ou pourquoi pas? Un modérateur unique n'aurait-il jamais plus la latitude d'acculer les chefs au pied du mur s'ils essaient de répondre de façon partielle ou évasive, comme Stéphan Bureau et Steve Paikin l'ont fait lors de quelques-uns des meilleurs débats jamais tenus ou le processus deviendrait-il si lourd et sérieux que n'importe quel chef politique digne de ce nom pourrait facilement se défiler?
La diversité des débats de 2015 était rafraîchissante, ce n'était pas une anomalie. Des questions intéressantes ont été posées. Elizabeth May ou Gilles Duceppe devraient-ils être invités à y participer? Devrait-il y avoir un public dans la salle? Devrait-il y avoir un sujet cible ou un vaste éventail de sujets? Les différents organisateurs ont répondu différemment à ces différentes questions. Surtout, les chefs n'ont pas eu la chance de passer des mois à apprendre comment battre la formule, parce qu'ils ne pouvaient pas savoir à l'avance à quelle formule s'attendre.
La variété et la surprise sont des atouts pendant les débats, aussi, parce qu'on sait à quel point la vie sert toujours des deux en abondance à nos élus. Je serais donc fortement en désaccord avec un cadre qui ne permettrait la diffusion que des débats conçus par une commission des débats ou le réseau hôte désigné. Le cadre doit permettre la réalisation de propositions nouvelles et sortant des sentiers battus. La commission pourrait favoriser ce genre de propositions en déclarant que certains débats imaginés par des sources externes doivent absolument être diffusés par les télédiffuseurs traditionnels et que les chefs politiques doivent absolument y participer. Je vous souhaite bonne chance pour faire appliquer cette dernière proposition, toutefois. Les enjeux sont tellement élevés en campagne électorale que bien honnêtement, tous les chefs feront ce qu'ils jugeront dans leur intérêt, comme toujours.
Quoi que vous recommandiez, je vous prie de favoriser des structures souples plutôt que lourdes et le plus de convivialité possible. Les techniques de campagne et le milieu des médias changent rapidement. Si les débats électoraux devenaient le seul élément des campagnes modernes à ne pas changer, les stratèges électoraux apprendraient rapidement à les court-circuiter ou à s'en servir à leurs fins partisanes.
J'ai bien hâte d'entendre ce que les autres témoins ont à dire, ainsi que vos questions.
:
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
[Français]
Je tiens à remercier le président, ainsi que les distingués membres du Comité, de leur invitation à participer à leurs travaux aujourd'hui.
Bien que je travaille au Collège Emerson, à Boston, depuis le mois d'août 2014, je suis un citoyen canadien qui a complété ses études de maîtrise au Département d'information et de communication de l'Université Laval et ses études doctorales à l'École de journalisme et de communication de l'Université Carleton, non loin de là où vous vous trouvez aujourd'hui.
Mes intérêts de recherche se situent sur les plans de la communication politique, du journalisme, des médias sociaux et des campagnes électorales. Au cours des dernières années, mes activités de recherche m'ont poussé à m'intéresser de plus en plus au format des débats électoraux durant les élections.
[Traduction]
Depuis le premier débat des chefs télévisé lors des élections fédérales canadiennes de 1968, les débats télévisés sont devenus un moment charnière pendant les campagnes électorales au Canada. D'une part, les débats offrent aux chefs des partis politiques l'occasion unique de communiquer avec une vaste partie de l'électorat dans les deux langues officielles. Ils peuvent faire valoir leurs positions sur divers enjeux politiques. D'autre part, ils représentent une source d'information importante pour le public. Ils leur permettent de comprendre plus en détail les enjeux électoraux, puis de comparer les positions des chefs de parti. Certains débats des chefs sont la principale source d'information des électeurs pour se faire une idée en vue du jour des élections.
Plusieurs études universitaires, certaines plus anciennes et d'autres plus récentes, confirment l'incidence des débats des chefs sur l'attitude du public, le niveau de mobilisation et les intentions de vote. Malgré les changements profonds attribuables à l'expansion et à la diversification des médias, de même qu'à la montée des nouvelles générations de citoyens qui affichent des préférences différentes de celles des 50 dernières années, le format et la mécanique des débats des chefs sont essentiellement restés les mêmes. Parallèlement, les audiences des débats des chefs ont diminué progressivement. En fait, les débats des chefs pendant les élections fédérales canadiennes de 2015 ont attiré une très faible audience comparativement aux débats des chefs tenus pendant les élections précédentes.
Il faut souligner que pendant cette période, les tactiques de campagne déployées par les divers partis et candidats politiques ont également beaucoup évolué. Tout cela a évidemment beaucoup changé la façon dont les électeurs accèdent à l'information, ce qui peut parfois jouer un rôle central dans leur aptitude à choisir le candidat à appuyer le jour des élections.
On peut donc se poser les questions suivantes. Le format des débats des chefs et leur organisation sont-ils toujours adaptés à l'environnement social, politique et médiatique du Canada? Conviendrait-il de les revoir pour mieux servir la population canadienne?
Je n'ai pas de boule de cristal pour répondre à ces questions, mais j'espère que mes observations et mes réponses à vos questions d'aujourd'hui pourront vous porter à réfléchir, surtout si vous envisagez la création d'un commissaire indépendant chargé des débats des chefs.
Je peux d'abord vous dire que les jeunes adultes affluent vers les médias sociaux pour obtenir et partager de l'information sur la politique, ainsi que pour engager des discussions politiques avec leurs pairs. Cette dynamique est particulièrement présente le soir des débats des chefs, un phénomène qu'on appelle parfois le « multiécran ». Un nombre croissant de téléspectateurs suivent la diffusion en direct des débats à la télévision, tout en partageant leurs opinions et en interagissant avec leurs pairs sur les médias sociaux à l'aide d'un ordinateur ou d'un appareil portable comme une tablette ou un téléphone intelligent. Des chefs adoptent eux aussi cette pratique. Par exemple, la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, qui n'était pas incluse dans le débat des chefs pendant l'élection fédérale de 2015, s'est tournée vers Twitter pour diffuser ses opinions et partager ses réflexions sur les positions des autres chefs de partis pendant le débat. En somme, on peut faire valoir que la dynamique du multiécran fait en sorte qu'il y a un débat public décentralisé en ligne pendant les débats entre les candidats politiques sur les écrans de télévision.
Ensuite, on a vu apparaître au cours des dernières décennies des générations de citoyens aux préférences, aux intérêts et aux objectifs différents. On peut se demander si ces citoyens sont bien servis par les modes de communication politique classiques, y compris par les débats des chefs tenus pendant les campagnes et toute la structure de ce qu'on appelle le discours politique général. Autrement dit, les débats des chefs répondent-ils aux besoins et aux désirs adéquatement? Contribuent-ils au désintérêt et au désengagement des citoyens envers la politique et sa forme officielle?
Je crois que si les débats des chefs représentent toujours un aspect vital des campagnes électorales et dans une certaine mesure, de la vie démocratique au Canada, leur format et leur organisation ne sont plus adaptés à l'environnement social, politique et médiatique du Canada. Plus encore, la situation décrite un peu plus tôt dans mon exposé ne constitue à mon avis qu'une dimension du plus vaste débat qui a cours sur la déconnexion grandissante entre les élites politiques et les membres de la société civile au Canada. Il faut toutefois souligner les efforts déployés par certains politiciens pour rectifier le tir et réinventer leur mode de communication et de connexion avec le public.
Je crois que la création d'un commissaire indépendant chargé des débats des chefs ou l'institutionnalisation de l'organisation des débats des chefs serait bénéfique pour remédier à ces problèmes et répondre aux préoccupations d'autres personnes qui comparaîtront devant le Comité. Je ne suis pas certain que les médias soient les mieux placés pour effectuer un changement bénéfique pour le public et la vie démocratique au Canada. Le commissaire indépendant pourrait servir d'arbitre neutre capable de tenir compte des désirs et des besoins de tous les acteurs dans le contexte des débats des chefs au Canada: des partis et des candidats politiques, des organisations des médias qui diffusent les débats et des membres du public. Autrement dit, un commissaire indépendant pourrait offrir une perspective qui permettrait d'adapter les débats des chefs à l'environnement social, politique et médiatique actuel et futur du Canada.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, j'espère que mon témoignage vous aidera dans votre travail. Je souhaite vous remercier encore de m'avoir invité aujourd'hui. Veuillez noter que je suis prêt à répondre à toutes vos questions dans les deux langues officielles.
[Français]
Monsieur le président, membres distingués du Comité, j'espère que ma participation à vos travaux vous sera bénéfique.
Je tiens à vous remercier de votre invitation à me joindre à vous aujourd'hui, et je demeure disponible pour répondre à vos questions dans les deux langues officielles.
:
Monsieur le président, bonjour.
Je remercie les membres du Comité permanent de me recevoir.
Je veux aussi saluer mes collègues, MM. Raynauld, Cameron et Marland. Je suis heureux de partager ce moment avec eux.
Je m'appelle Thierry Giasson. Je suis professeur titulaire au Département de science politique à l'Université Laval. Je suis également directeur du Groupe de recherche en communication politique et je suis membre du Centre pour l'étude de la citoyenneté démocratique.
Je tiens d'abord à vous remercier de cette invitation à venir partager avec vous certaines de mes réflexions sur l'organisation des débats des chefs, dans le cadre de votre étude de la proposition du de créer un poste de commissaire indépendant chargé des débats des chefs.
J'ai également pris connaissance des interventions des témoins qui ont comparu devant vous depuis le 21 novembre et de certains documents auxquels vous avez eu accès, comme le rapport synthèse du colloque sur l'avenir des débats télévisés, organisé en 2015 par l'Institut de recherche en politiques publiques, soit l'IRPP, et l'Université Carleton, de même que l'étude des Services d'information et de recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement sur les modes d'organisations des débats des chefs dans d'autres démocraties.
Afin d'éviter de répéter des informations qui vous ont déjà été présentées, je préfère axer mon intervention sur l'objectif qui, selon moi, devrait guider l'organisation des débats des chefs lors des élections au Canada. Mon intervention va se diviser en trois sections.
Premièrement, je vais exposer la fonction d'un débat des chefs dans le cadre d'une élection. Je vais présenter l'objectif qui, en accord avec cette fonction, devrait guider l'organisation et la diffusion d'un débat. Troisièmement, je vais exposer les intérêts compétitifs qui compliqueraient l'atteinte de cet objectif dans le contexte actuel d'organisation des débats, qui se déroule lors d'une négociation à huis clos entre les médias et les partis politiques.
Enfin, troisièmement, je vais soulever des éléments contextuels qui, selon moi, doivent baliser la réflexion de ce comité sur la création d'un poste de commissaire indépendant chargé des débats des chefs.
Quelle est la fonction d'un débat des chefs dans le cadre d'une élection? Les travaux de recherche sur ces émissions posent que le rôle des débats télévisés en démocratie est de présenter aux électeurs indécis une occasion d'effectuer une évaluation comparative des positions des principaux partis politiques qui s'opposent, dans la campagne, sur les enjeux qui marquent la société au moment où l'élection se déroule.
Cette émission permet aux citoyens d'avoir accès simultanément aux propositions programmatiques des partis sur les enjeux et aussi, ce qui est important, à la proposition de leadership qu'incarne chaque chef des formations partisanes qui prend part à l'émission.
Ainsi, les citoyens ont accès à une information électorale à double volet, qui se présente à eux de manière synthétisée et comparative. La fonction d'un débat des chefs est donc, avant tout, informative. L'émission trouve sa raison d'être dans sa capacité à offrir aux citoyens qui en ont besoin une information facile à consulter, diversifiée et transparente, qui est donc à forte valeur ajoutée et qui va être utile à la réflexion menant à la prise de décision électorale.
Le débat joue donc un rôle de premier plan dans la vie démocratique, puisqu'il est le seul format communicationnel à offrir aux citoyens ce contexte d'information électorale unique. Par l'écoute des débats des chefs, l'effort de collecte d'informations exigé du citoyen est minime, voire minimal, mais le retour informationnel, par contre, peut être, lui, très important.
Cela m'amène naturellement au second point de mon intervention, qui est d'identifier l'objectif qui devrait guider l'organisation des débats des chefs au Canada. La mission qui, selon moi, devrait guider l'organisation d'un débat devrait être d'assurer cette fonction informative de l'émission, fonction centrale dans le cadre d'élections démocratiques.
Comme je le disais tout à l'heure, l'émission de débats des chefs offre une valeur ajoutée par rapport à d'autres formats communicationnels et informationnels que les citoyens ne retrouvent nulle part ailleurs. L'objectif devrait donc être de développer une émission qui réponde à cet impératif informationnel, qui sert la citoyenneté et facilite la prise de décisions électorales.
Je vais le répéter plus tard, mais, selon moi, le débat des chefs appartient d'abord et avant tout aux citoyens et à la démocratie. À mon avis, ce principe milite en faveur de la mise en place d'un processus plus transparent, indépendant et libre d'intérêts particuliers et qui assure le respect de ce principe fondamental. Il me semble important d'ajouter que le contexte actuel d'organisation des débats des chefs, où le contenu et le format de l'émission se négocient à huis clos entre représentants des médias et des partis politiques, pourrait compromettre l'atteinte de cet objectif, puisque les partenaires obligés qui se retrouvent à la table des négociations y arrivent avec leurs priorités stratégiques.
Quels sont donc ces objectifs qui peuvent être divergents? D'une part, il y a les organisations médiatiques, qui semblent envisager le débat comme un exercice journalistique leur permettant de mettre en valeur leur rôle de gardiens d'intérêts publics et de reddition de comptes des acteurs politiques. D'ailleurs, le rapport synthèse de l'IRPP montre que cette perception était très présente dans les échanges qui ont eu lieu au sein des représentants des médias qui y ont pris part au colloque .
Les médias sont également des entreprises qui répondent à des impératifs économiques qui leur imposent de rentabiliser leur production en attirant des auditoires importants.
Cette pression conduit les organisations à privilégier des formats d'émission où vont dominer la confrontation, le spectaculaire et la mise en scène. C'est d'ailleurs ce qu'a invoqué le réseau TVA lorsqu'il a quitté le Consortium des radiodiffuseurs afin de produire des débats des chefs en format de duel qui offriraient aux téléspectateurs des échanges soi-disant plus soutenus et plus divertissants.
Bien que divertissantes, ces mises en scène dramatiques où domine la confrontation ne répondent peut-être pas à l'objectif d'offrir aux citoyens une information électorale à valeur ajoutée. De plus, elles limitent l'accès des citoyens à une diversité de points de vue politique, puisqu'il n'y a, dans un duel, que deux points de vue qui s'opposent.
L'intérêt des médias à produire un bon spectacle de télé — je devrais peut-être dire un bon spectacle, tout simplement, parce que le débat peut être visionné sur différentes plateformes — ne correspond peut-être pas aux besoins des citoyens d'obtenir de l'information électorale diversifiée, synthétisée et utile.
De plus, comme nous l'avons vu en 2015, entre autres, la multiplication des débats diminue leur importance dans l'électorat. L'intérêt des citoyens est dilué par la tenue d'un trop grand nombre de débats, puisque le besoin d'information des citoyens décroît avec le temps au cours d'une campagne.
Il devient donc plutôt inutile de démultiplier ces émissions, puisque le public potentiel décroît théoriquement avec la campagne qui avance. Il est néanmoins honorable que des chefs de parti acceptent, comme ce fut le cas en 2015, de participer à plusieurs débats thématiques, mais je pense qu'il est important d'assurer qu'on organise au moins un débat présenté dans chacune des langues officielles en présence de tous les chefs des principaux partis politiques dans le cadre d'une campagne.
D'autre part, il y a l'autre groupe d'acteurs qui arrive à la table des négociations, soit les partis politiques. Ces derniers se présentent avec leurs propres intérêts stratégiques. Leur objectif central est de présenter leurs propositions à des électeurs ciblés, tout en limitant les risques de dérapages.
L'obsession stratégique va amener les politiciens à livrer des performances très calculées, très prudentes et très répétitives, qui vont manquer parfois d'authenticité, parfois de profondeur, et qui peuvent être mal reçues par les citoyens. Ces intérêts stratégiques mènent d'ailleurs certains partis à refuser de participer aux débats, comme ce fut le cas du Parti conservateur du Canada, qui a refusé de participer au débat en anglais organisé par le Consortium des médias, en 2015.
C'est parfaitement normal que les formations politiques aient des objectifs stratégiques liés à leur participation au débat des chefs. Toutefois, il me semble difficilement justifiable que ces formations et leurs chefs refusent de se présenter devant les Canadiens pour expliquer leur programme, défendre leur bilan et répondre à des questions sur les enjeux qui préoccupent la population lorsqu'une élection est déclenchée.
Je voudrais finalement conclure mon intervention en soulignant certains éléments qui, selon moi, doivent guider votre réflexion sur la création d'un poste de commissaire indépendant chargé des débats des chefs.
Tout d'abord, je pense que la démarche de réforme de l'organisation des débats des chefs doit d'abord et avant tout être guidée par l'intérêt du citoyen, puisqu'il est l'acteur central du processus démocratique canadien.
Toute forme de réforme devrait être consacrée à la reconnaissance de ce principe et du besoin des citoyens en période électorale à obtenir une information politique diversifiée, transparente et utile à leur prise de décision. Le débat des chefs n'appartient ni aux médias ni aux partis politiques. En fait, il appartient aux citoyens et à la démocratie canadienne. Cette réalité doit guider tout projet de réforme, selon moi.
Je pense qu'une réforme de l'organisation des débats est désirable afin de redonner plus d'importance à ces activités de communication électorale dans le cadre de nos élections au Canada. Plusieurs électeurs en ont encore besoin pour prendre une décision éclairée, comme en témoignent les mesures d'audience, qui étaient malgré tout importantes lors des débats de 2015.
Le contexte médiatique hybride qui prévaut au Canada pose toutefois que ces débats vont devoir aussi être diffusés sur une multitude de plateformes médiatiques. Ils vont être consommés, comme M. Raynauld l'expliquait, sur une multitude de plateformes médiatiques.
Leur organisation doit également assurer le respect de l'objectif d'offrir aux électeurs indécis une émission électorale où les principaux chefs de parti viennent rendre compte à la population canadienne de leur bilan et de leurs positionnements programmatiques.
Je pense aussi que ce travail d'organisation doit être mené par une instance indépendante des médias et des partis politiques, afin de limiter l'impact négatif des intérêts stratégiques et corporatistes sur le rôle démocratique que jouent les débats.
Toutefois, je ne sais pas si la création d'un nouveau poste de commissaire indépendant chargé des débats des chefs est la voie à privilégier pour concrétiser cette réforme. On trouve, au sein d'organisations déjà existantes, des ressources qui pourraient assumer le travail de coordination de l'organisation des débats. Je pense spontanément à l'arbitre en matière de radiodiffusion électorale, dont la mission est de veiller, à l'approche des élections, à la répartition du temps d'antenne gratuit entre les partis politiques.
Ce poste, qui est actuellement temporaire, pourrait être pérennisé et se voir octroyer des responsabilités plus larges, entre autres, l'organisation des débats, mais aussi peut-être la veille aux activités publicitaires des partis politiques à l'extérieur des périodes électorales officielles.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais conclure mon intervention en évoquant une mise en garde.
Vos propositions seront évaluées par une population canadienne qui, comme le confirment de nombreuses études depuis plus de 20 ans, est sceptique et méfiante envers la classe politique.
Le malaise démocratique est présent au Canada, et les échecs récents du gouvernement en matière de réforme démocratique contribuent peut-être à fragiliser la perception de certains Canadiens envers les dirigeants politiques. Leurs attentes sont importantes, mais les déceptions semblent s'accumuler. Selon moi, il serait judicieux d'éviter de les décevoir à nouveau.
Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez consacré et je suis disposé à répondre à vos questions.
:
Je disais donc qu'un débat au sujet des débats peut absorber une partie de l'attention qui devrait être accordée aux questions de politique publique.
Cependant, n'allons surtout pas croire que les tractations stratégiques cesseraient comme par enchantement. Comme pour n'importe quel commissaire, je m'interroge sur le mode de nomination utilisé ainsi que sur les chances que ce commissaire soit vraiment indépendant. Il faut absolument trouver un moyen de faire en sorte que tous les partis politiques appuient la nomination. Autrement, au plus fort d'une campagne électorale, tel ou tel parti sera enclin à tourner la commission ou le commissaire en dérision en invoquant sa prétendue allégeance partisane pour délégitimiser tout le processus des débats. Les stratèges et les chefs politiques qui évitent actuellement de se plaindre du consortium des radiodiffuseurs seraient moins hésitants à le faire au sujet de quelqu'un dont il percevrait la nomination comme étant de nature partisane.
Cela m'amène à vous présenter l'argument principal que je souhaite porter à votre attention. J'estime que l'angle proposé qui met l'accent sur les débats des chefs est trop restreint. L'intention est sans doute bonne. Or, cette approche est problématique pour les raisons que je vous explique à l'instant.
Je crois qu'il faut élargir le champ d'action du futur commissaire. Il faudrait que les mots « des chefs » n'apparaissent plus dans son titre. Il en résulterait des changements importants et des répercussions positives pour tout notre système politique. Je fais partie des nombreux experts qui sont préoccupés par l'accent excessif mis sur les chefs de parti au Canada. L'attention des médias accroît le pouvoir de la garde rapprochée des chefs et diminue celui de ceux et celles qui n'en font pas partie. On entend souvent dire que la tendance à intensifier la concentration du pouvoir dans cette prétendue garde rapprochée remonte aux années 1970. Depuis lors, les débats des chefs sont le point de mire des campagnes électorales. Les stratèges politiques désignent la période préalable aux débats comme étant « la drôle de guerre » parce que, jusqu'à ce stade-là, les gens ne s'intéressent pas à la campagne.
Ce n'est pas comme si les débats suscitaient de grandes discussions stratégiques. Les médias sont à l'affût du coup décisif qui leur permettra de déclarer sur-le-champ qui va remporter les élections. Ils se mettent ensuite à suivre la tournée des chefs. En outre, des recherches ont démontré que les débats des chefs sont principalement un spectacle médiatique, plutôt qu'un mécanisme d'information du public. La plupart des gens n'en tirent que des indications superficielles. Les chercheurs ont même constaté que certains en arrivent à former leur jugement en fonction des comportements gestuels des candidats.
Ce qui compte, et ce qui me préoccupe, c'est que tous les projecteurs sont braqués sur les chefs lors de ces débats. Cela a des répercussions tout au long de la campagne ainsi que sur la gouvernance. Selon moi, vous avez l'occasion de faire quelque chose à ce sujet. En nommant un « commissaire indépendant chargé d'organiser les débats » entre les chefs des partis politiques, le Parlement consacrerait encore plus le pouvoir et l'autorité de ces chefs. C'est le genre de mesure qui va à encontre de l'esprit de la Loi instituant des réformes adoptée par le Parlement en 2015. Je crois qu'il faudrait supprimer les mots « des chefs » de la description du poste proposé.
Si l'on parlait plutôt d'un « commissaire indépendant chargé d'organiser les débats entre les partis politiques », on réduirait d'autant l'importance accordée aux chefs de parti. Il serait dès lors possible d'élargir le mandat de la commission ou du commissaire. Cela pourrait déboucher sur la création d'une ressource organisationnelle fort nécessaire et utile pour les campagnes menées dans les circonscriptions où les débats entre candidats pullulent. Le commissaire pourrait et devrait fournir des lignes directrices et des exemples de pratiques à suivre aux organisateurs des débats dans les 338 circonscriptions électorales du Canada. Après tout, c'est là que sont mis en vedette les candidats pour lesquels les Canadiens votent directement, et les médias locaux sont eux aussi de la partie.
En outre, les débats nationaux peuvent et doivent mettre l'accent sur le parti en tant qu'équipe, plutôt que sur le chef à titre individuel. La suppression des mots « des chefs » pourrait mener à des débats nationaux auxquels prendraient part des candidats que les chefs croiraient aptes à occuper un poste au sein du Cabinet. On peut raisonnablement penser que la perspective étroite consistant à inclure les mots « des chefs » dans la description du poste exclurait la possibilité de le faire.
Je dirais en guise de conclusion que, plus les règles et les processus institutionnels mettent en exergue le chef de parti, plus les candidats, les députés d'arrière-ban et même les ministres deviennent les illustres inconnus de la scène politique sur la Colline du Parlement. Nous devons trouver des moyens d'uniformiser les règles du jeu. En créant un poste de commissaire indépendant chargé d'organiser les débats entre les chefs de parti, on assimile notre système parlementaire à un régime politique présidentiel. Nous devrions éviter d'officialiser le tout encore davantage.
Le Comité et le Parlement ont l'occasion de remédier à la concentration des pouvoirs au sein de la garde rapprochée des chefs des partis politiques. Je vous invite donc à envisager la possibilité de supprimer les mots « des chefs » du titre du poste proposé de commissaire.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité. J'en suis ravi d'autant plus que j'appuie vivement le projet d'instaurer une commission ou un poste de commissaire qui s'occupera d'organiser les débats entre les partis fédéraux.
Selon moi, le statu quo pose problème à bien des égards importants. Ma principale préoccupation tient au manque de transparence, de reddition de comptes et de participation publique dans l'organisation des débats. Les débats politiques font certes partie intégrante de la démocratie, mais leur organisation n'est pas particulièrement démocratique.
L'instauration d'une commission ou d'un poste de commissaire devrait rendre possibles une participation publique et des délibérations plus significatives lors des campagnes électorales. On pourrait améliorer autant la forme et le fond des débats que leur processus d'organisation.
Une commission ou un poste de commissaire permettrait aussi d'élargir l'éventail de voix qui peuvent se faire entendre au sein de la société canadienne, y compris celles des membres des Premières Nations et des minorités, des jeunes et des femmes.
Plus important encore, à mon avis, il faut aussi contrecarrer la fragmentation de la vie publique qui est en train de détruire la démocratie. Nous n'en voyons que les premiers effets.
De plus en plus de Canadiens accèdent aux nouvelles via les médias sociaux qui nous divisent en segments d'auditoire de plus en plus petits, au lieu de nous unir en un seul. Les débats publics font partie des rares moments où l'ensemble de la population converge pour participer à une activité commune.
À mes yeux, il importe de tout mettre en oeuvre pour assurer l'épanouissement de la participation citoyenne. Il faut créer des avenues propices au dialogue, à la délibération et à l'engagement du public dans la vie politique.
C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai créé il y a quelques années avec mes collègues de l'Université de la Colombie-Britannique une école pour politiciens. L'Institut d'été pour les futurs législateurs a été mis sur pied en vue de favoriser l'acquisition des compétences et des connaissances nécessaires pour devenir un bon citoyen et un bon politicien.
Les participants à l'Institut apprennent notamment à débattre. Ils participent aussi à des périodes des questions ainsi qu'à des réunions de caucus. Ils organisent des séances de comité et entendent des témoins. Ils rédigent des lois et en débattent en première et en deuxième lectures.
Il est vraiment fascinant d'observer la vitesse à laquelle les participants se laissent prendre par l'esprit d'équipe et la partisanerie. Parallèlement à cela, ils entreprennent l'activité, un peu à l'instar de la plupart de ceux qui entrent sur la scène politique, en étant vivement motivés par l'engagement envers la chose publique et la recherche du bien commun. Nous les voyons donc être tiraillés entre ces deux objectifs contradictoires. Ce tiraillement reflète bien l'essence même de la vie politique et de la participation citoyenne.
Je crois qu'il faut offrir aux gens l'occasion d'acquérir ces compétences et de les développer. Malheureusement, les citoyens ont trop rarement la possibilité d'acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour délibérer, conclure des compromis, trouver l'équilibre entre les intérêts de tous et prendre des décisions collectives. Ce sont autant de compétences que l'on n'apprend pas dans les livres de sciences politiques, mais bien par la pratique.
J'estime que les débats nous offrent une occasion unique de favoriser la participation citoyenne. Pour ce faire, ils ne doivent toutefois pas être monopolisés par les médias et les partis politiques. Je ne suis aucunement en train de laisser entendre que les partis politiques et les médias n'ont pas un rôle essentiel à jouer. Leur contribution est cruciale, autant à l'égard de la teneur même des débats que pour leur organisation.
Il y a un équilibre à trouver pour que la société civile puisse elle aussi prendre part aux débats de telle sorte que ceux-ci ne visent pas simplement à divertir en servant des intérêts partisans. Ils doivent contribuer à la promotion d'une participation citoyenne active et éclairée. Je pense que nous pouvons songer à bien des façons d'organiser les débats en leur donnant une forme et un contenu qui serviraient mieux l'intérêt public que le système actuel.
Permettez-moi de vous soumettre très brièvement quelques idées qui iraient dans le sens de cet objectif. Premièrement, la commission ou le commissaire pourrait profiter de l'aide d'un comité consultatif qui refléterait la diversité du Canada. La commission ou le commissaire pourrait aussi être autorisé à confier l'organisation des débats à une entité indépendante qui compterait des représentants des partis, des médias, des groupes de la société civile, des universités et des citoyens. Je crois que les universités pourraient avoir un rôle important à jouer en la matière étant donné qu'elles sont présentes partout au pays et qu'elles ont noué des liens étroits avec la société civile. Je pense qu'il ne serait pas sage de confier cette tâche à Élections Canada, car il faut une organisation qui reste au-dessus de la mêlée.
L'organisation des débats devrait bénéficier d'une participation publique ouverte et transparente afin que les décisions sur le choix des participants, les questions à poser, le format et les autres enjeux soient aussi représentatives que possible de l'intérêt public. Comme l'ont également fait valoir certains témoins qui m'ont précédé, on pourrait, dans l'esprit du régime de Westminster, adjoindre aux débats des chefs d'autres débats qui seraient tenus dans différentes circonscriptions du pays ou porteraient sur des sujets précis avec la participation de parlementaires qui ne seraient pas nécessairement chefs de leur parti. Ces débats pourraient facilement être enregistrés et diffusés sur un site Web accessible à tous.
Enfin, et c'est peut-être ce qui sera le plus difficile, il faut inciter la population à participer aux débats en tenant des réunions locales avec de petits groupes ou des assemblées de taille moyenne. Cela pourrait se faire dans le cadre de ce que les politologues Bruce Ackerman et James Fishkin ont appelé une journée de la délibération, un jour férié national précédant de quelques semaines l'élection à proprement parler. Les citoyens seraient alors encouragés à prendre le temps de rencontrer leurs voisins, d'organiser des activités et de débattre entre eux des grands enjeux électoraux pour notre pays.
Bon nombre de ces idées ont déjà été articulées dans d'autres contextes. Il vaudrait notamment certes la peine de tenir compte de l'excellent travail accompli il y a quelques années à ce sujet par mon collègue Taylor Owen en compagnie de Rudyard Griffiths.
Il va sans dire que la démocratisation des débats est un objectif ambitieux que nous n'atteindrons pas du jour au lendemain. J'estime tout de même que l'instauration d'une commission ou d'un poste de commissaire indépendant serait un excellent premier pas dans cette direction.
Merci beaucoup.