PROC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 20 mars 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Bonjour et bienvenue à cette 93e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Conformément au mandat du Comité, soit examiner les procédures et pratiques de la Chambre et de ses comités et en faire rapport, nous amorçons aujourd'hui une étude sur l'utilisation potentielle des langues autochtones dans les délibérations de la Chambre des communes.
Les membres se souviendront que le 20 juin 2017, le Président a tranché sur une question de privilège soulevée lors de la séance précédente par le député de Winnipeg-Centre concernant les services d'interprétation simultanée offerts aux députés qui ont recours aux langues autochtones à la Chambre. Même si le Président a jugé qu'à première vue la question de privilège n'était pas fondée, il a proposé que le Comité étudie la possibilité d'étudier la question.
À cette fin, nous sommes heureux d'accueillir Charles Robert, greffier de la Chambre des communes, et André Gagnon, sous-greffier, Procédure.
Merci à vous deux d'avoir accepté notre invitation.
À titre de précision technique, c'est Services publics et Approvisionnement Canada qui fournit ces services, à la fois la traduction et la documentation. Nous accueillerons plus tard des représentants du ministère qui pourront répondre aux questions techniques qu'auront les membres après avoir entendu les témoignages. Les parties ont fourni une liste importante de témoins. Donc, les discussions devraient être très intéressantes.
Monsieur le greffier, nous vous laissons la parole pour votre exposé. Merci d'avoir accepté notre invitation. Je sais que vous aurez un horaire chargé. Donc, nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui.
Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et je tiens à remercier le Comité de m'avoir invité à comparaître pour parler de l'utilisation des langues autochtones à la Chambre des communes.
Le droit des députés de s'adresser à la Chambre en français ou en anglais est garanti par l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. L'interprétation simultanée existe à la Chambre depuis janvier 1959 et permet à tous les députés de comprendre ce qui est dit à la Chambre des communes, que ce soit en français ou en anglais.
Au fil des ans, divers députés se sont aussi adressés à la Chambre dans d'autres langues. La question s'est alors posée à savoir comment ces interventions pourraient être comprises de l'ensemble des députés de la Chambre et des gens dans leurs foyers. La plupart du temps, ces interventions se sont limitées à quelques mots prononcés dans le cadre des Déclarations de députés.
Même si l'interprétation simultanée en anglais ou en français sur le parquet de la Chambre ne peut être offerte dans ces cas, une note est ajoutée dans les Débats pour expliquer que le député a parlé dans une autre langue. Si une version traduite des remarques est fournie à la Direction des publications parlementaires pendant les Déclarations de députés, celle-ci sera également consignée. Par exemple, on lira dans les Débats: « Le député s'exprime en cri et fournit le texte suivant: », suivi du texte traduit de la déclaration.
[Français]
Des députés ont choisi de parler une autre langue à d'autres moments, notamment pendant le débat sur un projet de loi ou sur une motion, ou même pendant les questions orales. Lorsqu'un député parle dans une langue autre que l'anglais ou le français, en dehors des déclarations des députés, on ajoute une note dans les Débats de la Chambre des communes indiquant la langue, sans ajouter la traduction, de la façon suivante: « [Le député s'exprime en cri.] ».
Pour faciliter la compréhension de tout ce qui est dit à la Chambre, le Président encourage généralement les députés à répéter leurs observations dans l'une des deux langues officielles, afin qu'elles soient traduites par les interprètes. Ainsi, les interventions sont consignées dans les Débats de la Chambre des communes.
En réponse à une question de privilège soulevée par le député de Winnipeg-Centre M. Ouellette, le Président Regan a réitéré, le 20 juin 2017, que:
[...] étant donné que les moyens techniques et l'espace nécessaires à l'interprétation sont limités, les députés qui souhaitent que leurs interventions prononcées dans une autre langue que le français ou l'anglais soient comprises par ceux qui suivent les délibérations et qu'elles soient consignées dans les Débats de la Chambre des communes doivent faire un effort supplémentaire. Plus précisément, les députés doivent répéter leurs observations dans l'une ou l'autre des deux langues officielles, afin que les interprètes puissent les traduire et que les observations soient consignées dans les Débats de la Chambre des communes dans leur intégralité. Ainsi, tous les députés et les membres du public pourront pleinement apprécier la richesse de ces interventions.
Je reconnais qu'aller plus loin et appuyer davantage l'usage d'autres langues soulèvent des considérations importantes du point de vue de la capacité technique et physique, de l'expertise linguistique et des besoins en informatique, qu'il faudrait bien entendu étudier à fond.
[Traduction]
Nous pourrions certes nous inspirer de l'expérience d'autres assemblées législatives, mais il est important de reconnaître le caractère unique de chaque contexte afin de comprendre les possibilités réelles pour la Chambre des communes. Il convient de souligner la récente expérience du Sénat, puisque les défis pratiques sont probablement semblables à ceux auxquels la Chambre serait confrontée si elle décidait d'appuyer l'utilisation d'autres langues dans ses délibérations, notamment l'embauche d'interprètes qualifiés, sans compter les limites logistiques et techniques.
Peu importe la décision relative à l'inclusion d'autres langues dans les délibérations de la Chambre, l'Administration fera le nécessaire pour vous aider dans vos discussions et mettre en oeuvre vos décisions.
Cela dit, je serai heureux de répondre à vos questions avec l'aide d'André Gagnon.
[Français]
Merci.
[Traduction]
Masi cho. Gunalchéesh. Sóga senlá.
Je tiens à préciser aux membres du Comité que plusieurs députés et sénateurs viendront témoigner. Nous accueillerons également plusieurs organisations de traduction et assemblées législatives du Canada et de partout dans le monde qui utilisent des langues différentes. Donc, nous serons exposés à différents modèles.
Nous allons maintenant amorcer notre première série de questions.
Monsieur Graham, vous avez la parole.
Merci à vous deux d'avoir accepté notre invitation.
Je dirais premièrement que de par leur nature, les députés sont considérés comme des gens honorables. Donc, qu'est-ce qui les empêche de fournir une traduction aux interprètes que ceux-ci pourraient utiliser le moment venu? Si je ne m'abuse, lorsque le député de Winnipeg Centre a amorcé son intervention, c'était son intention, soit de fournir le texte en anglais et en français aux interprètes, mais il n'allait pas s'exprimer dans l'une de ces langues.
Vous vous souviendrez, monsieur Graham, que ce genre de situation survient lorsque des députés font une déclaration à la Chambre. Ils fournissent le texte pour le hansard, mais pas aux fins d'interprétation.
Vous pourrez certainement poser la question aux services d'interprétation, mais, selon ce que nous avons pu comprendre, les interprètes ne sont pas en mesure de qualifier ou, à tout le moins, de définir la qualité de l'interprétation qui leur est fournie.
C'est ce que je veux dire. Les députés sont considérés comme des gens honorables. Donc, nous pouvons présumer que le texte qu'ils fournissent est en réalité exact. N'est-ce pas?
Je vois. D'accord.
Vous avez parlé, vers la fin de votre exposé, de l'expérience du Sénat. Pourriez-vous nous fournir un peu plus de détail sur votre point de vue par rapport à l'expérience du Sénat, puisque, j'imagine, vous y avez participé?
Oui. D'ailleurs, c'est moi qui étais responsable de cette expérience. À l'époque, j'étais le greffier principal de la Chambre et de la procédure. Le Sénat a convenu de mener une expérience et d'utiliser l'Inuktitut. Des sénateurs s'exprimaient dans cette langue et il a été reconnu que nous devrions respecter leur langue maternelle et leur permettre de l'utiliser au Sénat.
Dans le cadre de ce programme, nous avons demandé aux sénateurs de fournir un préavis. Le but n'était pas de les décourager, mais de travailler avec les services d'interprétation afin de trouver quelqu'un, à Ottawa, capable de fournir l'interprétation de l'Inuktitut vers l'anglais. Nous n'avions pas cette capacité vers le français.
Les sénateurs Willie Adams et Charlie Watt se sont prévalus de cette option. En ce sens qu'on les a encouragés à utiliser leur langue, l'expérience a été raisonnablement réussie, mais l'exercice demandait toujours beaucoup de préparation et un long préavis. Si nous n'étions pas en mesure de retenir les services d'un interprète, soit l'intervention était repoussée, soit nous expliquions aux sénateurs concernés que nous ne pouvions pas fournir le service d'interprétation espéré.
Vous dites que ce service ne pouvait être offert que vers l'anglais. N'aurait-il pas été possible de fournir une interprétation à relais vers le français?
Oui, mais cela représente un défi en soi que les interprètes pourront vous expliquer. Lorsque l'on passe d'une langue à l'autre, il y a toujours une perte. C'est une peu, disons, comme la caverne de Plato: elle devient de moins en moins profonde. Si vous passez de l'Inuktitut vers l'anglais, puis vers le français, cette perte est deux fois plus importante.
À l'époque, nous avions demandé un préavis de cinq jours. Encore une fois, c'est parce que nous devions retenir les services de l'interprète.
Dans quelle mesure est-ce difficile de trouver ces interprètes? Y a-t-il des entreprises dans la région qui fournissent des interprètes sur appel? Par exemple, si nous devions institutionnaliser ces services, pourrions-nous obtenir en l'espace de 24 heures des interprètes dans une variété de langues?
Je crois que ce serait beaucoup plus facile s'il s'agissait de langues étrangères couramment parlées. J'ignore à quel point il serait difficile — ou même facile, pour adopter une perspective plus positive — de trouver des interprètes dans des langues autochtones. Il est plus probable que ce soit plus facile avec les langues populaires. En fait, nous avons eu de la difficulté à trouver des interprètes pour l'inuktitut, pas nécessairement en raison du peu de députés qui s'expriment dans la langue, mais simplement parce qu'ils n'habitent pas à Ottawa.
D'accord.
Sur le plan de la logistique, serait-il facile d'ajouter un interprète à la Chambre, dans la nouvelle Chambre du bloc de l'Ouest ou dans la future Chambre dans l'édifice du Centre?
André aurait peut-être plus d'information à vous fournir à ce sujet, mais je crois qu'il y aura plus de souplesse à cet égard dans la nouvelle Chambre de l'édifice de l'Ouest que dans la Chambre actuelle. À mon avis, les cabines d'interprétation sont comme des cabines téléphoniques placées dans le coin de la Chambre. Elles ne me paraissent pas très spacieuses. Je ne crois pas que les interprètes les aiment beaucoup, mais ils les tolèrent. Si l'on devait ajouter une autre personne dans la cabine, je crois que l'on commencerait à parler du trou noir de Calcutta.
Des voix: Oh, oh!
Oui. Il y aura une troisième cabine dans la Chambre des communes, pour les délibérations de la Chambre. Elle ne sera pas située dans la pièce comme les deux autres, mais, oui, il y aura une troisième cabine. Pour les comités, nous aurons recours à la même solution que nous utilisons aujourd'hui, soit d'avoir des cabines supplémentaires dans la pièce.
D'accord.
Vous avez dit plus tôt que la traduction est fournie aux fins du Hansard. Cette pratique existe déjà, n'est-ce pas?
Seulement s'il y a un interprète pour la langue concernée. La langue étrangère parlée ne figurera pas nécessairement dans le Hansard. L'intégrité de l'anglais et du français serait maintenue dans la version correspondante du Hansard. Il y aurait simplement une note pour signifier qu'un député s'est exprimé dans une troisième langue. Je crois que la troisième langue serait entendue uniquement dans l'audio des délibérations.
D'accord. Maintenant, si je ne m'abuse, le Hansard lui-même n'est pas techniquement publié avant que le Parlement soit dissous, n'est-ce pas? La version définitive est publiée à la fin...?
Est-il réaliste de penser que la version éditée ne serait pas traduite par le député qui s'exprime, mais qu'à tout moment où un député s'exprime dans une langue autochtone — et ceci serait limité aux langues autochtones parlées à la Chambre —, un traducteur professionnel se chargerait de traduire les propos du député pour le Hansard, plutôt que de demander au député concerné de fournir une traduction? Est-ce réaliste?
Je vais laisser André vous en parler, mais je présume que si la Chambre a pris cette décision, elle devra vivre avec la possibilité d'un retard dans la publication du hansard.
C'est une bonne question, monsieur Graham. Comme vous le savez, lorsque nous discutons des déclarations aux termes de l'article 31, des déclarations de députés, l'intervenant fait une déclaration, qui est consignée au compte rendu et qui peut être ajoutée subséquemment.
Le problème — et il appartient au Comité de décider de ce qu'il veut faire —, c'est si, pendant la période des questions, par exemple, ou durant un débat, une personne fait une déclaration dans une langue qui n'est pas connue de l'autre personne ou qui ne peut pas être interprétée immédiatement. Vous êtes alors dans un trou noir en quelque sorte.
Imaginez ce qui se passe par la suite, où cette intervention serait incluse dans les Débats par après ou quelques jours plus tard. Il est difficile de voir comment, dans les Débats, il y aurait une continuité entre l'intervention faite par le député et l'autre député, qui n'a pas répondu du tout aux observations formulées, parce qu'il n'était pas en mesure de le faire. C'est pourquoi, au fil des ans, aux services d'interprétation et au hansard, on le fait principalement dans les déclarations des députés.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je peux, peut-être, commencer par revenir à la façon dont on règle les affaires au Sénat. Je pense que j'ai raison de dire que le Règlement du Sénat a été reformulé précisément pour autoriser l'utilisation de l'inuktitut dans certaines circonstances restreintes. Je pense que c'est exact.
L'approche que vous avez adoptée était essentiellement de dire que nous interviendrons lorsque la demande est faite. J'imagine que c'est la façon la plus facile de résumer la situation.
En fait, il y avait à l'époque d'autres sénateurs autochtones qui parlaient des langues autres que l'inuktitut. Nous avions un sénateur qui parlait le salish et un autre qui parlait le montagnais. C'était une expérience. Il y avait un projet pilote. Il y avait une entente pour voir comment nous pourrions gérer cette situation. Là encore, en raison de la technologie et des contraintes d'espace, nous voulions voir si nous pourrions ou non gérer cette situation au Sénat.
D'accord.
Vous avez dit avoir du mal à trouver des traducteurs pour traduire vers l'inuktitut et de l'inuktitut vers une autre langue. J'imagine que c'était seulement de l'inuktitut vers une autre langue. N'est-ce pas?
C'est exact. C'était de l'inuktitut vers l'anglais. Je ne crois pas que nous ayons eu du mal à trouver une personne pour traduire vers l'inuktitut, car les sénateurs maîtrisaient l'anglais, alors ce n'était pas vraiment nécessaire.
Exactement. Ottawa est l'endroit où il y a des vols aller-retour en partance et à destination d'Iqaluit, la capitale du Nunavut et, par conséquent, si l'on compare aux villes canadiennes, nous avons un bassin beaucoup plus important de personnes qui parlent l'inuktitut ici qu'ailleurs au pays. Lorsque vous parlez une langue comme le salish, j'imagine que ce n'est pas autant le cas.
Et il en va de même pour de nombreuses autres langues. Je m'interroge au sujet des considérations pratiques que nous devrons prendre en compte. D'une part, il me semble que vous étiez en mesure de présenter au Sénat le projet pilote sur l'inuktitut, car vous aviez le consentement des gens qui parlent le montagnais et le salish. Ils n'ont pas dit que ce projet semblait inéquitable pour eux. Ils comprenaient que nous mettions à l'essai un projet qui ne crée pas une hiérarchie parmi les langues.
La question que je veux poser essentiellement — et c'est peut-être une question injuste à poser à une personne qui occupe ce poste — est la suivante: comment pouvons-nous éviter de créer cette hiérarchie où les langues les plus couramment parlées et celles qui sont « locales », et j'ouvre les guillemets ici, mais vous comprenez ce que je veux dire...? Comment évitons-nous cette hiérarchie?
Je pense que vous devez collaborer avec les services d'interprétation et vous faire une idée de la disponibilité des personnes qui pourraient être disposées à offrir des services d'interprétation dans une langue donnée. Comme M. Graham l'a souligné, il y a toujours la possibilité d'essayer de le faire à partir d'un emplacement éloigné. Cette solution présente son lot de défis, mais elle peut réduire la période de préavis que nous avions au Sénat si les services d'interprétation disent que c'est une option viable.
Monsieur Reid, si je peux ajouter quelque chose, je passais en revue mes notes, et l'une des assemblées au Canada a relevé, je pense, neuf langues autochtones, et elle a décidé de faire une rotation pour que ce soit une langue par semaine.
C'est les Territoires du Nord-Ouest, oui. Ils ont trois langues officielles au Nunavut: le français, l'anglais et l'inuktitut.
Ce ne sont pas des langues officielles, mais le territoire prend des dispositions. C'est dans le rapport de recherche que vous avez. Tout le monde a reçu un rapport qui décrit la situation dans d'autres instances, et au Yukon, il y a des dispositions, mais ce n'est pas une langue officielle. Elle n'est pas très utilisée.
[Français]
J'aimerais poser une autre question à propos des deux langues officielles.
Si l'anglais est utilisé comme langue intermédiaire lorsqu'on traduit de l'inuktitut en français, ne créons-nous pas une situation où on n'accorde pas la même importance aux deux langues officielles?
Dans ce cas, l'anglais ne sera-t-il pas vu comme étant un peu supérieur au français?
Justement, j'ai parlé de cette possibilité quand j'ai répondu à la question de M. Graham. Oui, il y a là un risque, mais ce sont vraiment les interprètes qui peuvent vous informer de l'importance de ce risque et de la façon dont il peut être géré.
[Traduction]
J'allais faire une dernière observation. C'est plus une observation qu'une question. En ce qui concerne les langues relais, j'ai trouvé votre analogie avec la caverne de Platon intéressante. Vous êtes plus érudit que moi. Je croyais que c'était davantage comme le jeu du téléphone auquel se prêtent les enfants, où ils sont tous assis en cercle, ou comme l'utilisation de Google Translate pour passer d'une langue à une autre. Quelqu'un a utilisé la rime célèbre de Dorothy Parker, « Les hommes draguent rarement les filles qui portent des lunettes » et l'a traduite à l'aide de cet outil — en portugais, je crois —, pour ensuite la retraduire en anglais, ce qui a donné ceci: « Les navires qui transportent des hommes n'arrêtent pas aux icebergs qui transportent des femmes. »
Des députés: Oh, oh!
M. Scott Reid: Je pense que c'est une question légitime.
Il y a aussi la question pratique où, si vous vous lancez dans un débat — par opposition à une déclaration d'un député en vertu de l'article 31 du Règlement —, si une langue relais est utilisée, il n'est alors plus possible d'avoir une interprétation simultanée. Il y aura un délai. À l'occasion, lorsque j'ai présidé des audiences au Sous-comité des droits internationaux de la personne, lorsque nous avions un témoin qui s'adressait à nous dans une langue non officielle comme le farsi, cela ralentissait énormément le processus. Avez-vous songé à la façon de gérer cette question pratique particulière?
En fait, c'est un véritable problème, mais je pense que ceux qui pourraient vous éclairer le mieux à ce sujet seraient les interprètes. Ce sont eux qui doivent essayer de travailler avec les langues et d'offrir aux députés le meilleur service possible. Je sais que lorsque la question était à l'étude au Sénat, nous avons pris en considération leurs préférences du mieux que nous le pouvions, même si André a dit qu'à l'emplacement de la nouvelle chambre, l'interprétation de la troisième langue — et je vais utiliser les termes de M. Graham — se fera à partir d'un site éloigné. Les interprètes détestent cela.
Ils n'ont pas l'impression qu'ils peuvent offrir le meilleur service possible lorsqu'ils sont dans cette situation. Ils tireront le meilleur parti possible de l'environnement qu'on leur offre, mais ils vous avertiront qu'ils ne pourront pas faire du mieux qu'ils peuvent.
On mentionne le mot « temps » pour communiquer le message; il faut plus de temps. Nous devons penser au temps nécessaire dans la solution que nous adopterons.
Monsieur Christopherson.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être ici.
Je dois dire que c'est un projet intéressant. J'avais très hâte de l'examiner. Le Canada est encore un travail inachevé, un travail en cours, et cela fait partie de l'édification du pays. Cela en dit long sur l'importance du rapport de la Commission de vérité et de réconciliation, et je le mentionne, car le gouvernement est résolu à mettre en oeuvre chacune de ces recommandations.
Je tiens à souligner qu'à la page 321, sous la rubrique « Langue et culture », au numéro 14, la commission exhorte le gouvernement fédéral à adopter une loi sur les langues autochtones qui incorpore les principes suivants:
i. les langues autochtones représentent une composante fondamentale et valorisée de la culture et de la société canadiennes, et il y a urgence de les préserver [...]
iii. le gouvernement fédéral a la responsabilité de fournir des fonds suffisants pour la revitalisation et la préservation des langues autochtones [...]
v. le financement accordé pour les besoins des initiatives liées aux langues autochtones doit refléter la diversité de ces langues.
C'est intéressant, et je vais en saisir mes collègues. Ce peut être un point de départ pour aborder cette promesse, puisque je considère l'édification du pays comme étant un dossier qui doit être prioritaire pour nous tous. Au numéro 15, la commission déclare ceci dans son rapport:
Nous demandons au gouvernement fédéral de nommer, à la suite de consultations avec les groupes autochtones, un commissaire aux langues autochtones. Plus précisément, nous demandons que ce commissaire soit chargé de contribuer à la promotion des langues autochtones et de présenter des comptes rendus sur l'efficacité du financement fédéral destiné aux initiatives liées aux langues autochtones.
Il serait peut-être possible d'utiliser ces requêtes pour commencer à respecter cette promesse, puisqu'il y a évidemment des liens.
Cela étant dit, je n'ai pas beaucoup de questions. Je sais que nous devons commencer à élaborer votre cadre, mais j'aimerais savoir, en dépit des remarques que vous avez faites, ce que vous estimez être le plus gros défi administratif pour les députés qui veulent créer ce cadre. Quel est le plus grand défi?
Je pense que j'y ai fait allusion. C'est le concept des conséquences imprévues qui risque d'être considéré comme étant un effort de bonne foi d'incorporer une troisième langue. Nous parlons dans le contexte des langues autochtones, monsieur Christopherson, et c'est la raison pour laquelle il faut les reconnaître. Elles font partie de l'identité canadienne et il faut en faire la promotion. Mais il y a d'autres sénateurs et membres qui voudraient peut-être parler dans une autre langue, et si nous ouvrons la porte, ils devraient avoir le même droit. Il ne devrait y avoir aucune discrimination.
Le problème, c'est lorsqu'on n'arrive pas à trouver un interprète qui peut travailler en français ou un interprète qui peut travailler en anglais. Pour incorporer la troisième langue, il faut avoir deux personnes si vous voulez vous assurer de ne pas compromettre, comme M. Reid l'a signalé, la communication du message et le temps de traitement.
Je ne pense pas que ce soit un défi insurmontable, mais je pense que ce comité pourrait négliger un élément qui pourrait devenir un problème grave s'il ne se penche pas sur cette situation et n'en prend pas conscience.
D'accord. Je présume qu'il y a probablement des leçons à tirer d'autres pays qui sont passés par là.
Oui. Je me rappelle avoir écouté une émission sur le Parlement européen et sur les 28 langues qui sont utilisées en Europe. Les interprètes avaient beaucoup de difficulté à trouver une personne qui pouvait traduire du danois vers le grec. Ils ont trouvé des interprètes pour toutes les autres langues, mais cette combinaison était problématique. Au final, je pense qu'il y avait quelque 500 combinaisons. En fait, pour le Parlement européen, c'est le poste de dépenses le plus important du budget dans le cadre de ses activités.
J'ai assisté à une réunion du Conseil européen en tant que délégué, et le périmètre de la chambre du conseil est rempli d'interprètes.
C'est possible, car il réussit à trouver des interprètes qui peuvent traduire dans toutes les langues sans intermédiaire.
C'est bien, monsieur le président. Toute autre question que je pourrais avoir sera destinée aux autres témoins.
Merci beaucoup, et bon travail.
Pourriez-vous expliquer les détails techniques que doit régler le ministère qui s'occupe de ces services de traduction? Embauchez-vous les interprètes? Ces dépenses sont-elles prévues dans votre budget?
Il n'y a pas de budget, à tout le moins, pas lorsque je travaillais à ce dossier au Sénat. J'imagine qu'il en va de même à la Chambre. Nous avons un protocole d'entente, et les interprètes offrent le service. Ils traduisent un nombre incalculable de mots par année; ils produisent de nombreuses pages. C'est comme lorsque vous louez une voiture. Vous essayez d'évaluer le kilométrage que vous ferez pour éviter les paiements supplémentaires. Vous travaillez avec eux pour qu'ils puissent comprendre. S'ils doivent traduire tant de mots, nous devons embaucher tant d'interprètes. Nous devons établir le budget en conséquence. Ce sont les paramètres du protocole d'entente que nous établissons avec cette division de Travaux publics.
Merci de votre présence ici aujourd'hui.
Ai-je bien compris que l'édifice de l'Ouest a une cabine supplémentaire, mais qu'elle ne se trouve pas dans la chambre?
Je suis désolé; je n'ai pas cette information.
La cabine ne donne pas directement sur la Chambre. On installera probablement un écran pour permettre aux gens de voir la personne qui s'exprime à la Chambre.
Cela fait un certain temps, à mon avis. Je pense que les gens de Travaux publics et de l'Administration de la Chambre sont au courant de l'intérêt des députés pour l'utilisation d'autres langues que l'anglais et le français.
On a tenu compte de ce qui se passait au Sénat, où la télédiffusion des délibérations a été retardée. Le Sénat a peut-être agi plus rapidement que la Chambre pour permettre l'utilisation régulière de langues tierces.
Donc, vous avez prévu le coup et c'est pourquoi on a prévu l'aménagement d'une cabine supplémentaire, mais dont les détails restent à déterminer. Nous avons au moins prévu l'emplacement.
Vous vous souvenez peut-être que dans le passé, des personnalités internationales ont prononcé un discours à la Chambre, et qu'il est arrivé fréquemment qu'ils parlent une langue tierce.
En ce qui concerne les problèmes et les défis que vous avez connus au Sénat, il s'agit d'une bonne expérience qui vous permet de répondre à nos questions aujourd'hui.
Vous avez parlé d'offrir ce service, mais en évoquant la possibilité qu'il ne puisse être offert à temps. Que fait-on au Sénat dans de tels cas? Par exemple, une personne doit prononcer un discours et vous apprenez soudainement que l'interprétation ne peut être offerte. Cette personne devrait-elle céder son tour? Comment cela fonctionne-t-il?
C'était un projet pilote, une initiative menée de bonne foi. Les sénateurs qui ont participé ont collaboré et fait preuve de compréhension. Le véritable problème se trouve ailleurs. Dans le cas du français et de l'anglais, nous comptons sur un effectif hautement qualifié et compétent. Le français et l'anglais sont les langues officielles; la formation en interprétation et en traduction dans ces langues se fait à l'université. Sommes-nous certains qu'une formation de haut niveau pourra aussi être offerte pour former des interprètes dans les quelque 40 langues autochtones parlées au pays?
Je me rappelle bien l'histoire, lorsque le pays a pris un engagement accru à l'égard des langues officielles, le gouvernement fédéral a appuyé l'établissement de programmes de formation en interprétation adéquats par l'intermédiaire du financement des universités.
Très bien.
En ce qui concerne la langue qui a été choisie pour le Sénat, vous avez indiqué que c'était la langue autochtone parlée par...
Étant donné votre expérience avec ces deux sénateurs, quel modèle nous recommanderiez-vous pour le choix des langues si la Chambre des communes souhaitait agir en ce sens?
Je pense que vous devrez d'abord discuter avec Services publics et Approvisionnement Canada pour connaître l'effectif disponible et définir les modalités. Nous savons que M. Ouellette souhaite vraiment avoir l'occasion de parler en cri. Vous voudrez certainement le consulter. D'autres pourraient vouloir utiliser une langue tierce, pas nécessairement une langue autochtone. Vous pourriez examiner la question pour voir ce qui est réalisable et sensé.
Très bien. Donc, nous pourrions faire un sondage auprès des députés pour savoir quelle langue ils souhaiteraient utiliser à la Chambre. On s'entend que nous parlons ici de langues autochtones.
J'ai aimé votre analogie avec le kilométrage d'une voiture. Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur des coûts de l'essai réalisé au Sénat? Combien cela a-t-il coûté?
Je ne me rappelle pas avoir vu le montant des coûts, car nous n'avons pas dépassé la limite établie par négociation.
En fait, les coûts sont assumés par le ministère et, puisqu'il s'était engagé à offrir le service, les négociations ont toujours été fructueuses et tournées vers le même objectif. Il s'agissait d'avoir une compréhension mutuelle, de satisfaire aux besoins et de fournir une qualité de service acceptable pour le ministère.
Quelles seraient vos recommandations, si nous choisissions d'aller de l'avant? J'ai trouvé intéressant que vous souligniez la grande souplesse dont les sénateurs ont fait preuve, étant donné qu'il s'agissait d'un essai. Quelles seraient vos suggestions pour la Chambre des communes, si nous choisissions d'aller de l'avant?
Je pense que vous aurez une bonne idée des options qui s'offrent réellement à vous après avoir discuté avec d'autres. Par exemple, les députés pourront vous dire à quel point ils tiennent à s'exprimer dans leur langue maternelle, et le ministère pourra vous informer de ses capacités actuelles pour fournir ces services et des perspectives d'avenir à cet égard, si la Chambre souhaite vraiment aller dans cette direction. Je suppose que vous pourriez établir un calendrier pour tenir compte des besoins de ces députés.
Je vous dirais que la solution que l'on examine actuellement est une proposition très progressiste qui vise à refléter un respect manifeste. Cette solution doit être significative et doit être mise en oeuvre correctement. Vous devez examiner avec soin quelles ressources vous sont offertes pour mettre cela en place.
Comme je l'ai mentionné à la fin de mon exposé, le personnel de l'Administration est déterminé à vous offrir toute l'aide possible. Si cela doit être mis en oeuvre, nous souhaitons, comme vous, que ce soit une réussite.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Gagnon, monsieur Robert, merci encore d'être avec nous ce matin. C'est toujours un plaisir d'accueillir le personnel du greffier pour obtenir des observations.
J'aimerais revenir brièvement sur une question de Mme Tassi sur la capacité des députés de parler une langue autochtone. Je sais que nous savons très bien quels députés peuvent parler les deux langues officielles. Dois-je supposer que nous ne savons pas vraiment, actuellement, quels députés — ou combien — peuvent parler une langue autochtone?
Puisque nous ne posons pas la question, je dirais que notre seule façon de le savoir, c'est lorsqu'un député insiste pour parler une langue donnée.
Très bien.
J'aimerais revenir quelque peu en arrière. Nous avons parlé de l'interprétation à distance. Cela ne plaît pas vraiment à nos interprètes, et je suis certain que cela s'accompagnerait de difficultés uniques. J'aimerais toutefois pousser la réflexion plus loin et parler de la question du privilège parlementaire, qui pourrait s'appliquer aux installations offrant des services d'interprétation à distance. M. Bosc a d'ailleurs abordé ce sujet au Comité dans le passé. J'espérais que vous pourriez nous fournir un contexte ou des observations sur l'application du privilège parlementaire pour un site à distance, site qui pourrait être dans la Cité parlementaire ou ailleurs, plus probablement. Le privilège parlementaire s'appliquerait-il toujours dans de tels cas?
C'est une question intéressante.
Étant donné que ces fonctions sont directement liées aux affaires de la Chambre, on pourrait faire valoir qu'elles seraient protégées par le privilège parlementaire. Lorsque le Comité se déplace à l'extérieur de la Cité parlementaire, à l'extérieur d'Ottawa, et se réunit ailleurs au pays, le privilège s'applique.
Très bien.
Partant de l'idée que le Sénat demande un service d'interprétation de l'inuktitut à l'anglais, on peut supposer que la difficulté serait liée à l'interprétation simultanée de l'anglais au français, à la Chambre des communes. Aux termes de la Loi sur les langues officielles, serait-il acceptable que l'interprétation se fasse uniquement vers l'une ou l'autre des deux langues officielles?
C'est à vous d'en décider. Vous pourriez consulter les interprètes chargés d'offrir ce service pour connaître le pourcentage perdu. Il vous reviendrait alors de déterminer si vous sortez de votre zone de confort et si le seuil vous semble acceptable ou non.
Je ne suis pas qualifié, et je ne pense pas qu'André le soit non plus. Nous préférons donc nous abstenir de répondre. Nous avons fait notre travail en soulevant la question et en attirant votre attention là-dessus.
J'ai siégé au Comité des langues officielles pendant environ un an et demi. D'après ce que j'ai entendu des interprètes professionnels, je sais qu'ils s'imposent des normes très élevées.
Si je me fie à mon expérience ici, je suis toujours extrêmement impressionné de voir à quel point ils réussissent à interpréter les pensées que nous exprimons parfois maladroitement, et je leur en suis vraiment reconnaissant.
Nos amis interprètes battent certainement des records de vitesse de lecture. Je leur en suis reconnaissant.
Il me reste deux petites questions.
La première porte sur les recommandations que pourrait faire le Comité. Vous avez indiqué que vous aimeriez avoir la capacité de les mettre en oeuvre le mieux possible. À cet égard, seriez-vous prêts à revenir au Comité, vers la fin de notre étude, pour entendre certaines suggestions que nous aurions à ce moment-là et nous dire comment elles pourraient être mises en oeuvre dans...
Avec plaisir. En fait, nous travaillerons avec le greffier et les analystes pour veiller à faire un suivi des délibérations. Plus nous aurons le temps de prendre connaissance de votre orientation, mieux nous serons en mesure de vous renseigner sur la façon dont nous pourrions mettre en oeuvre vos propositions.
Monsieur le président, j'ai une petite question qui est légèrement hors sujet. Je vous demanderais donc de m'arrêter si je vais trop loin. C'est davantage une demande.
Concernant le déménagement dans le nouvel édifice de l'Ouest, je crois comprendre qu'un comité de l'Administration de la Chambre étudie actuellement la façon de préserver certaines fonctions protocolaires lorsque nous serons répartis dans divers édifices. Le pauvre huissier du bâton noir devra peut-être enfourcher son vélo pour venir à la Chambre des communes. Je crois comprendre qu'un groupe est chargé d'étudier cet aspect. Je me demande simplement si nous aurons une mise à jour, un moment donné, sur les mesures qui seront prises pour préserver les fonctions protocolaires après le déménagement.
Je précise que cette initiative ne concerne pas seulement l'Administration de la Chambre. Le gouvernement y participe aussi. La cérémonie du discours du Trône, la sanction royale, et l'invitation faite aux députés d'élire le Président de la Chambre sont toutes des fonctions relevant en quelque sorte du pouvoir exécutif et de la prérogative de la Couronne. Toute proposition que nous pourrions avoir devrait essentiellement être faite en collaboration avec le pouvoir exécutif. Il vous serait probablement utile de discuter avec les gens en poste.
Votre témoignage a été très utile. Je pense en particulier à ce que vous avez indiqué, dans votre exposé, concernant le fait que l'interprétation dans les deux langues officielles, le français et l'anglais, n'a pas toujours été offerte à la Chambre des communes, et qu'il y a eu une période de transition en 1959. Vous n'étiez pas là à l'époque, évidemment, mais avez-vous lu à ce sujet, ou avez-vous des informations sur cette transition? Lorsque le service d'interprétation a été lancé, cela fonctionnait-il comme aujourd'hui, ou a-t-il fallu tirer des leçons? Y a-t-il eu une période de transition pour améliorer le service?
Je peux vous en parler, car j'ai eu l'occasion de lire des pages du hansard d'avant 1959, où tout n'était qu'en anglais ou en français. Essentiellement, si une personne ne parlait ou ne comprenait pas l'autre langue, c'était tant pis, car selon la façon dont on interprétait l'article 133, on pouvait employer l'une ou l'autre langue. Or, si aucun service de traduction ou d'interprétation n'était offert, rien ne garantissait le droit de travailler dans l'une ou l'autre langue.
Les passages que j'ai lus portaient sur les tensions qui ont eu lieu avant l'entrée du Canada dans la Première Guerre mondiale. Le Canada souhaitait ardemment participer et contribuer à l'effort de guerre, et les projets de loi présentés à la Chambre des communes et au Sénat n'étaient présentés que dans une langue. Eh bien, les sénateurs francophones, les députés francophones — tous les francophones — étaient furieux. Concrètement, on les empêchait de jouer leur rôle de parlementaires parce qu'ils ne pouvaient pas consulter les projets de loi dans leur langue.
C'était un problème, et j'imagine qu'il en a été ainsi de 1867 à 1959. À mon avis, tous devaient être heureux de constater que la technologie avait assez progressé pour qu'on puisse offrir des services d'interprétation simultanée. Je pense que c'est ce qui a permis au Parlement de mieux atteindre les objectifs de l'article 133.
Vous avez toutefois indiqué que le gouvernement fédéral avait financé la formation des interprètes; je suppose que c'était probablement parce qu'on n'avait pas assez de personnel qualifié selon les normes que nous exigeons pour faire l'interprétation dans les deux langues.
Oui et je crois que c'est avec sa politique visant à favoriser le bilinguisme officiel que le gouvernement a reconnu qu'il fallait que les interprètes soient bien formés.
Il y a probablement eu une période difficile lorsqu'on tentait de faire la transition vers d'autres langues. Je comprends qu'on veuille bien faire les choses, mais je crois qu'il faut être réaliste. Si l'on veut respecter nos premières langues et les élever à ce niveau pour qu'elles soient utilisées dans la Chambre des communes, nous allons traverser une période difficile avant que les choses se passent aussi bien qu'elles se passent aujourd'hui. Mais je crois que le financement...
Je crois qu'il s'agit d'un risque réel et c'est pourquoi les échanges avec le service d'interprétation sont si importants.
En fouillant nos dossiers, on a trouvé quelques exemples de langues qui ont été utilisées dans la Chambre des communes jusqu'à maintenant. Au cours de votre carrière, est-ce que des gens vous ont demandé de pouvoir s'exprimer dans d'autres langues autochtones, que nous n'avons pas encore entendues à la Chambre?
C'est arrivé non pas pour des langues autochtones, mais pour des langues étrangères. Nous avons travaillé avec des interprètes relais, comme l'a dit M. Reid, ou qui faisaient une interprétation simultanée. Lorsqu'il est impossible d'avoir une interprétation simultanée, cela a une incidence sur le déroulement des réunions.
Je crois que c'est cela qui devient un peu problématique, lorsqu'on parle de faire le relai de l'anglais au français.
Selon ce que je comprends, cela n'arriverait pas très souvent. Vous avez dit que d'autres personnes avaient le droit de s'exprimer dans une langue non autochtone.
Pourquoi êtes-vous de cet avis?
Je sais que certains sénateurs sont très fiers de leur héritage culturel; ils veulent s'exprimer dans leur langue. Je crois que cela pourrait également se produire à la Chambre. Nous nous félicitons — à juste titre — d'être une société multiculturelle; nous formons une belle mosaïque qui travaille dans l'harmonie. Eh bien, si nous voulons le prouver, il se peut que la Chambre reconnaisse le droit des députés de s'exprimer non seulement dans les deux langues officielles, mais aussi dans d'autres langues parlées au pays.
Merci, monsieur le président.
Je vais revenir à un sujet dont on a beaucoup parlé: votre expérience au Sénat. Je ne crois pas vous avoir entendu répondre aux questions que je vais poser.
Ma première question a trait à l'entente qui a été conclue en vue de l'interprétation de l'inuktitut. Je crois qu'il fallait émettre un avis pour cela. Est-ce exact? Quel est le délai associé à cela? Cinq jours?
Je dirais que c'est surtout parce que c'était très difficile. Qui sait, ce sera peut-être plus facile s'il y a plus de demandes.
Si la demande est plus importante, alors il sera plus facile de mettre en place l'infrastructure à l'appui du programme. Ce sera plus facile à justifier. Dans la mesure où la demande est marginale, on aura de la difficulté à trouver des interprètes qui seront prêts à faire le travail à court préavis et à offrir un service qui ne durera que 15 minutes, tout au plus.
Lorsque vous parlez de difficultés, vous faites référence à la difficulté de trouver des interprètes disponibles alors que les demandes sont rares. Est-ce que c'est cela qui rend la chose difficile?
D'accord.
Vous avez dit que vous pouviez compter le nombre de demandes sur les doigts d'une main. De quels types d'interventions s'agissait-il? Vous en souvenez-vous? Est-ce que c'était des déclarations, des hommages, des discours?
Je me souviens d'un cas, c'était un long discours. Je crois que c'était pour un projet de loi présenté par un député en vue de traiter du coût de l'acheminement des denrées dans le Nord. Je crois que M. Bagnell sait à quel point cela coûte cher.
Le projet de loi visait une sorte d'allégement fiscal pour les habitants des régions nordiques. Le député était très motivé... parce qu'il parlait à son peuple de ce qu'il voulait faire pour lui.
C'est un de mes souvenirs, mais c'est vague.
Comme je l'ai dit, les occasions étaient assez rares. On s'est exprimé dans d'autres langues pour des déclarations, mais dans ce cas en particulier, je me souviens qu'il s'agissait d'une longue intervention en langue autochtone.
Dans ce cas-ci, si vous vous en souvenez, et dans les quelques autres cas, avait-on fourni un texte à l'avance? Est-ce que c'était une exigence?
Nous avions reçu le texte à l'avance, en anglais. Nous l'avons fait traduire en français. Nous n'avons donc pas eu besoin de relais. Comme nous avions la traduction dans les deux langues, nous avons réussi à suivre le discours du député. C'est l'une des raisons pour lesquelles une longue période de préavis est utile pour éviter ce problème.
Selon votre souvenir, est-il déjà arrivé qu'on n'ait pas fourni de texte à l'avance et que les services d'interprètes relais soient nécessaires?
Il faudrait que je revoie les dossiers et que je parle à des gens qui ont une meilleure mémoire que moi.
Ce que vous dites, toutefois, c'est qu'il est très utile de produire le texte à l'avance pour assurer la ponctualité du service, parce que le relais prend plus de temps.
En fait, on pourrait s'éviter le relais en obtenant une version anglaise de ce qui se dira en inuktitut.
Si l'on avait le temps, on pourrait le traduire.
Le travail de traduction diffère de celui d'interprétation, qui se fait en simultané. Les interprètes doivent écouter dans une langue et parler dans une autre en même temps. Cela demande beaucoup plus de concentration. Si l'on veut avoir la possibilité de traduire un texte de l'anglais au français, alors on ne parle pas d'interprétation, mais bien d'une lecture.
Exactement.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne sais pas comment font les interprètes. Leur capacité d'écouter et de parler en même temps me fascine.
C'est là où je voulais en venir. Je crois que ce que vous dites, c'est qu'il est beaucoup plus facile, tant pour la qualité de la traduction ou de l'interprétation que pour l'utilisation efficace du temps, d'avoir le texte à l'avance. Il faudra peut-être prendre cela en compte lorsque nous prendrons des décisions. On pourrait peut-être en faire une exigence.
Encore une fois, je vais faire preuve de positivisme et vous dire que si l'infrastructure est appropriée, alors le délai de préavis pourra être plus court. Ainsi, les gens ne se sentiront pas floués lorsqu'ils voudront s'exprimer dans une autre langue que l'anglais ou le français.
Selon votre rôle actuel, dans le cadre de l'élaboration de l'accord au Sénat ou de la préparation de cette étude, avez-vous parlé à d'autres administrations qui offrent des services d'interprétation dans plusieurs langues? Si oui, pouvez-vous nous en parler?
La seule personne à qui j'ai parlé, c'est le secrétaire général du Parlement européen, qui a dit que c'était tout un défi. Il a 10 000 employés, qui se déplacent entre Strasbourg et Bruxelles. C'est toute une opération. Ils semblent toutefois bien réussir, parce qu'ils ne travaillent pas seulement dans deux langues officielles plus une, mais bien dans 28 langues.
Ce que les gens ont fait valoir, aussi, c'est que si l'on parle une langue — disons l'inuktitut — dans un lieu où bon nombre de gens la parlent au Canada et qu'il y a un public, alors cela aura une incidence pour une chaîne comme CPAC; les gens pourront entendre ce discours.
Merci beaucoup. Nous vous remercions de votre présence ici aujourd'hui. Nous allons suspendre les travaux un instant afin que les interprètes du cri puissent s'installer. Si quelqu'un souhaite vous parler, je suis certain que vous allez rester ici quelques minutes.
Drin gwiinzih shalakat. Bonjour. Nous reprenons la 93e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Nous allons poursuivre notre étude sur l'utilisation des langues autochtones dans les délibérations de la Chambre des communes.
Nous allons entendre Romeo Saganash, député d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou. À titre informatif, M. Saganash prononcera son discours préliminaire en cri. Pour la réunion d'aujourd'hui, nous avons prévu une interprétation simultanée en anglais et en français. Le greffier va vous expliquer le fonctionnement technique.
Allez-y, monsieur le greffier.
Dans le système d'interprétation, le canal 0 correspond à la langue du parquet. Ainsi, lorsqu'une personne s'exprimera en cri, vous pourrez l'entendre à ce canal. L'interprète effectuera l'interprétation du cri à l'anglais et nos interprètes se chargeront de l'interprétation de l'anglais au français, que vous pourrez entendre au canal 2.
Monsieur Saganash, nous vous remercions de votre présence. Nous sommes heureux de vous recevoir et avons hâte d'entendre vos commentaires.
Je vous remercie tous de m'avoir invité à vous faire part de mes idées alors que vous étudiez la question et que vous tentez d'intégrer d'autres langues à vos réunions.
Je suis aussi très heureux de pouvoir me prononcer sur le sujet.
Je tiens à vous dire que je parlerai en anglais de temps à autre lorsque j'aborderai certaines questions. Vous ne comprendrez peut-être pas si je parle uniquement en cri. Ainsi, lorsque je parlerai de la Constitution, je m'adresserai à vous en anglais.
Je sais que nous en avons déjà parlé dans le passé. J'aimerais discuter d'une chose: je sais qu'on peut facilement faire venir des gens ici pour que nos peuples puissent s'exprimer dans leur langue autochtone et je peux vous aider à cet égard. Je sais que nous pourrons nous exprimer en cri. Je vous avise toujours à l'avance des sujets que je vais aborder. Je peux vous donner mon avis et je crois que c'est facile.
Pouvez-vous entendre l'interprétation de Priscilla en arrière-plan? Je tiens à la remercier. Elle est ici pour nous aider aujourd'hui.
Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps pour vous parler, mais je vais essayer d'aborder les sujets essentiels.
Je crois vraiment que vous allez aider les gens, surtout les Autochtones, en leur permettant de parler dans leur langue. Cela nous aide beaucoup. Vous savez probablement qu'avant qu'on ne m'envoie ici, il n'y avait pas de titre pour les gens qui font mon travail. On ne savait pas quel titre donner à ce que vous appelez un député. Nous avons tenté de trouver un nom. Aujourd'hui, je peux vous dire que nous les appelons « les gens qui parlent en notre nom, en leur nom. » C'est ainsi qu'on m'appelle et c'est ce que je fais ici à Ottawa. Nous n'avions pas cela avant. Vous aviez des représentants, mais nous n'en avions pas. Maintenant, nous avons ce qu'on appelle le « patron des mots ».
C'est comme cela qu'on peut s'entraider... en permettant aux Autochtones de s'exprimer dans leur langue. Je crois que nous nous attardons trop à la Constitution. Il faut tenir compte de l'article 16 de la partie I de la Constitution, mais ce n'est pas la seule disposition à étudier. Il faut aussi tenir compte des articles 22, 25, 26 et 34, de façon tout aussi importante, afin de comprendre d'où nous venons, quelles sont nos connaissances et comment nous pouvons parler notre langue.
Monsieur le président, j'ai lu des choses que le Sénat a faites dans le passé concernant la faisabilité de ce que je propose depuis mon élection en 2011. Est-ce faisable? D'après moi, ce l'est, absolument.
Comme je l'ai dit en cri, ceux qui souhaitent parler leur langue autochtone peuvent le faire savoir à l'avance, que ce soit pour poser une question, faire une déclaration ou prononcer un discours. L'avis peut être adapté en conséquence. Créer un bassin d'interprètes comme Priscilla est facile. Cela devrait se faire de concert avec le député. Il y a des interprètes connus dans ma circonscription, dont un bon nombre parle le cri. Je crois qu'il s'agit de résoudre les questions de technologie et d'espace requis. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui ont visité les cubicules que les interprètes utilisent à la Chambre des communes. Ils sont très petits. Ce ne serait pas possible aujourd'hui, à cause de cela.
J'ai aussi mentionné dans ma déclaration que la reconnaissance de mon droit de parler le cri à la Chambre des communes sera bénéfique pour toutes les langues autochtones. Si nous tenons vraiment à reconnaître les droits, dans ce pays, nous devons le faire. Je vais parler de l'aspect constitutionnel tout à l'heure.
La protection et la préservation des langues autochtones sont une chose, mais il y a aussi l'aspect du développement des langues autochtones, une fois qu'on reconnaît le droit des Autochtones de parler leur langue à la Chambre des communes. J'ai donné deux exemples. Nous n'avions pas de mot en cri pour désigner un député jusqu'à ce que je me fasse élire, et il a fallu en concevoir un.
J'ai expliqué aux anciens ce qu'un député fait. Ils ont suggéré quelques mots, et nous avons opté pour yimstimagesu, qui signifie « celui ou celle qui parle en notre nom ». Nous avons fait de même avec « Président ».
Je sais que mon temps passe rapidement, mais je voulais vraiment parler de certains aspects particuliers. Nous semblons nous concentrer trop sur l'article 16 de la partie I de notre Constitution, qui reconnaît les deux langues officielles du Canada et de la Chambre des communes. Nous devons lire l'article 16 en parallèle avec les articles 22, 25, 26 et, bien sûr, 35 de la Constitution du Canada. Je crois que si vous faites cela, vous constaterez que j'ai manifestement le droit constitutionnel de le faire à la Chambre des communes.
En plus de cela, depuis notre Constitution, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, a été adoptée en 2007 par l'Assemblée générale des Nations unies, et on peut y lire, à l'article 13.2:
Les États prennent des mesures efficaces pour protéger ce droit et faire en sorte que les peuples autochtones puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques, juridiques et administratives, en fournissant, si nécessaire, des services d'interprétation ou d'autres moyens appropriés.
D'après moi, il y a dans la DNUDPA un article pertinent. Je crois que le gouvernement actuel s'est engagé à respecter cette déclaration et à la mettre en oeuvre, ce qui comprend, dans une certaine mesure, l'article 5 également.
La Commission de vérité et de réconciliation a également recommandé ce qui suit au gouvernement, dans l'appel à l'action 13:
Nous demandons au gouvernement fédéral de reconnaître que les droits des Autochtones comprennent les droits linguistiques autochtones.
C'est l'appel à l'action 13. Je crois que le gouvernement actuel a approuvé les 94 appels à l'action. Je crois que le Comité doit se pencher sur ces deux choses.
C'est le cadre que nous voulions présenter, monsieur le président.
J'ai écouté attentivement les exposés des greffiers. J'ai soulevé ces enjeux constitutionnels et ces droits constitutionnels, car je ne veux pas qu'on me dise, parce que je suis autochtone: « Oui, nous allons vous permettre de parler votre langue; oui, nous allons vous donner la permission de parler votre langue à la Chambre des communes. » C'est de la charité, et je n'en veux pas. Je veux qu'on reconnaisse et qu'on respecte mes droits dans ce lieu. J'ai toujours défendu ces droits, et je vais continuer de le faire.
Il y a un autre aspect qu'il faut mentionner, et c'est que dans son arrêt le plus important, rendu en juin 2014, l'arrêt Tsilhqot'in, la Cour suprême a parlé pour la première fois des droits de la personne dans le contexte des peuples autochtones. La Cour suprême a dit, dans cette décision, que la Charte des droits et libertés formant la partie I de la Constitution et l'article 35 de la partie II de la Constitution sont apparentées. Il faut donc voir mon droit de parler le cri à la Chambre des communes comme un droit constitutionnel et un droit de la personne.
Je ne sais pas s'il me reste beaucoup de temps, monsieur le président, mais...
M. Romeo Saganash (Traduction de l'interprétation):
Pour terminer, je tiens à vous dire à tous que je suis vraiment content de voir qu'on travaille à cela. C'est une chose que les Autochtones espèrent, et ce, depuis toujours — que je puisse vous parler dans ma langue. Nous attendons cela depuis longtemps. Je crois que nous avons tous dit que nous travaillerions ensemble à entretenir de bonnes relations, et nous avons appelé cela la réconciliation. Il y a un mot dans notre langue pour cela. Nous l'avions, et nous avons toujours fait cela dans le passé: le désir de pouvoir travailler avec vous. Quand j'ai commencé à travailler avec vous, j'ai vraiment essayé de le faire de façon étroite et ouverte. C'est ainsi que je veux poursuivre cette relation de travail. Je veux une bonne relation de travail avec chacun de vous, et je veux que vous soyez capable de m'entendre quand je vous parle dans ma langue, chaque fois que je me lève, lors de nos réunions. Je veux toujours savoir que je peux parler ma langue autochtone, et je vous remercie.
Merci. Mahsi cho.Gunalchéesh. C'est un premier discours historique, dans le cadre d'audiences historiques. Nous nous réjouissons d'avance de cette évolution vers la réconciliation, comme vous l'avez décrit.
Nous allons laisser la parole à notre premier intervenant, M. Simms.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Saganash, merci beaucoup.
Je vais commencer par vous interroger sur le mot que vous avez utilisé et que vous avez en fait créé à votre arrivée pour décrire ce que vous faites à titre de député. Pouvez-vous l'épeler pour moi, je vous prie?
D'accord. Je vais ressayer plus tard.
La raison pour laquelle je dis cela est que, si c'est correct, j'aimerais utiliser cela sur mon papier à en-tête parce que cela lance une conversation. Je peux alors relater votre histoire. En quelle année avez-vous été élu pour la première fois?
Exactement. Imaginez qu'en 2011, il n'y avait pas de mot pour désigner cela dans votre langue, alors que c'est un principe démocratique fondamental qui existe pour nous depuis même avant 1867. Je trouve cela tout à fait renversant. Je vais vous consulter de nouveau là-dessus ultérieurement.
L'une des choses que tous les députés peuvent faire ad nauseam — nous avons tous cela en commun —, c'est nous vanter de nos circonscriptions. Nous pouvons passer des jours à dire à quel point elles sont magnifiques. Je vais vous demander de me parler de la vôtre.
Dans quelle collectivité de votre circonscription d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou vivez-vous?
Pouvez-vous me faire une ventilation des gens selon ceux qui parlent la langue et ceux qui ne la parlent pas, dans cette collectivité? Dans quelle mesure est-elle utilisée dans votre secteur?
C'est une question importante. Quand la Commission de vérité et de réconciliation parle des droits des Autochtones, ce qui comprend les droits linguistiques, je pense qu'elle a raison à ce sujet. Longtemps, nous n'étions pas d'accord avec la teneur de l'article 35, et le concept des droits autochtones était si vague. De nos jours, on s'entend dans une certaine mesure sur certaines choses qui sont prévues à l'article 35, notamment sur l'autonomie gouvernementale.
Nous, les Cris, avons la chance d'avoir signé le premier traité moderne du pays, en 1975, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, qui prévoit un décret visant l'élaboration de programmes d'enseignement en cri. Tous nos enfants, pendant leurs quatre premières années à l'école, profitent d'un enseignement en cri, et c'est grâce à cela que plus de 90 % des Cris parlent toujours leur langue aujourd'hui.
Dans vos interactions avec le monde extérieur, si vous sortez de votre collectivité et que vous les représentez dans des endroits comme celui-ci, dans quelle mesure obtiennent-ils de l'information en langue crie, en ce moment?
Tous les débats du gouvernement de la nation crie se tiennent en cri. Dans beaucoup de nos rapports avec le Québec, avec Hydro-Québec ou avec d'autres institutions, ils prennent le temps de traduire les documents en cri, ce qui est important pour nos aînés. Ma mère, qui vient d'avoir 89 ans — lors de la Journée internationale des femmes —, ne parle que le cri. La plupart de nos aînés ne parlent que le cri, ce qui aide également. C'est ainsi que nous avons pu créer ces mots. C'est pourquoi la préservation et la revitalisation sont importantes, mais le développement de la langue est aussi important, parallèlement à cela.
Nous avons tous des bulletins parlementaires. Pour ceux qui nous écoutent, c'est le dépliant que vous recevez tous les quatre mois de votre député.
Dans quelle langue envoyez-vous vos bulletins parlementaires?
J'utilise les cinq principales langues parlées dans ma circonscription: l'inuktitut, le cri, l'algonquin, le français et l'anglais.
Eh bien, félicitations.
Encore une fois, je me suis fait coller.
Avez-vous des frictions? Combien faut-il de temps pour faire cela? Avez-vous de la difficulté avec la traduction?
Il semble logique, alors, d'utiliser l'interprétation des débats qui se fait ici. Ce serait une prochaine étape logique.
C'est ce que j'ai dit en cri. Nous attendons cela depuis très longtemps; depuis 150 ans. Je pense que cela aurait dû se faire bien avant. En Nouvelle-Zélande, cela s'est fait vers la fin des années 1800.
Je vais céder la parole à David Graham, car il a une question qui porte, je crois, sur la prochaine étape.
C'est à vous.
Oui, apparemment.
Quelle approche progressive envisagez-vous? Comment procédons-nous pour nous rendre là où nous devrions être? De toute évidence, nous ne commencerons pas dès demain à offrir des services d'interprétation de toutes les langues autochtones dans les deux sens. Quelle approche progressive envisagez-vous?
Je ne crois pas que ce sera si difficile. Il y a quelque 50 langues autochtones toujours parlées au pays. En ce moment, nous avons environ 10 députés autochtones. Je ne crois pas qu'ils parlent tous leur langue — pas couramment, du moins. Ma collègue Georgina parle couramment sa langue. Il n'y aura pas un afflux massif de députés autochtones, même si je le souhaite. J'aimerais que nous soyons plus nombreux à la Chambre des communes. Je crois que ce sera facile.
Je n'ai pas visité l'édifice de l'Ouest. Je ne sais donc pas de quoi cela a l'air du point de vue de la technologie et je ne sais pas si ce sera possible quand nous y déménagerons, mais nous ne devrions pas avoir peur parce qu'il y a toujours 52 langues autochtones parlées. C'est la raison pour laquelle je dis que la collaboration sera toujours là pour les Autochtones qui souhaitent parler leur langue à la Chambre des communes.
Nous savons qu'il y a de nombreux interprètes. Je connais ceux qui sont capables de faire l'interprétation du cri à l'anglais et du cri au français. Ces interprètes existent, et nous les connaissons tous. Il faut donc développer cela de concert avec les députés.
Merci.
Je suis également ravi de votre présence.
J'ai plusieurs questions, mais je vais commencer par ceci. Vous avez dit dans votre déclaration liminaire — et je paraphrase un peu — que vous nous le diriez toujours à l'avance si vous alliez parler en cri. Je pense que cela correspond assez bien à ce que vous avez dit en juin, quand la question de privilège a fait surface, ce qui nous a essentiellement amenés au point où nous en sommes maintenant. Vous avez dit que vous aviez essayé de négocier une solution selon laquelle il y aurait un avis de 24 heures ou de 48 heures, pour qu'il soit possible de retenir les services d'un interprète.
Est-ce bien ce que vous pensez de cela? Trouvez-vous que la meilleure façon serait de donner un avis qui permettrait qu'on retienne les services d'un interprète pour un moment prédéterminé?
Je crois que le principe, c'est l'avis, et que nous devons de là déterminer le temps qu'il faut. Si les interprètes sont à la baie James ou au Nunavik, il faut penser aux frais de déplacement et au temps qu'il faut pour le déplacement. S'ils sont à Ottawa, c'est une autre histoire. C'est le genre de facteurs à tenir en compte.
D'accord. Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur la langue crie? Est-ce que le cri est votre langue maternelle?
Je crois qu'il y a divers dialectes. Ce n'est peut-être pas le bon terme, mais est-ce juste? Savez-vous combien il y en a?
Je crois que c'est une question qui a été soulevée par des anthropologues et des ethnologues. J'ai passé 23 ans aux Nations unies, à négocier la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et chaque fois que nous rencontrions les membres de la délégation canadienne et que nous ne voulions pas qu'ils nous comprennent, mon frère de l'Alberta — Wilton Littlechild, qui est cri — et moi parlions en cri entre nous. Il me comprenait parfaitement, et je le comprenais parfaitement. Il parlait supposément le cri des Plaines, mais il n'y avait pas grand différence.
D'accord. Cela répond peut-être à ma prochaine question. Est-ce qu'il pourrait être nécessaire d'avoir des services d'interprétation pour les différentes formes du cri? D'après ce que vous dites, ce ne serait pas nécessaire.
D'accord. Vous pourriez m'en dire un peu sur vos expériences dans votre circonscription. On en a parlé un peu, mais à quelle fréquence communiquez-vous en cri avec vos électeurs? Qu'en est-il des autres langues autochtones? Les utilisez-vous aussi, dans vos communications orales ou écrites, par exemple?
Peu importe que je participe à une réunion ou une assemblée, ou que je prononce un discours, j'utilise le cri. Remarquez que, quand les Innus, les Algonquins ou les Attikameks parlent, je peux comprendre plus de la moitié de ce qu'ils disent.
Cela fonctionne manifestement bien pour les communications personnelles. Cela convient pour les réunions en personne, et peut-être même pour les petites séances de discussion ouverte. Qu'en est-il des communications sur les sites Web, dans les bulletins parlementaires et ce genre de choses? Est-ce que vous faites traduire tout cela en diverses langues?
Avez-vous eu besoin d'utiliser des services d'interprétation ou de traduction dans vos communications à l'échelle de votre circonscription, que ce soit pour des communications écrites ou pour des séances de discussion ouverte, par exemple?
Étonnamment, même si les Inuits sont nos voisins depuis des milliers d'années, le cri et l'inuktitut diffèrent beaucoup. En fait, le cri n'a pas adopté un seul mot inuktitut, et l'inverse est aussi vrai. Ce sont les deux solitudes du Nord.
Autrement dit, vous me dites que vous avez probablement eu besoin de services d'interprétation et de traduction.
Cela me mène à ma prochaine question, et vous avez abordé un peu le sujet plus tôt. D'après vous, combien y a-t-il d'interprètes qui peuvent traduire du cri vers l'anglais et le français? Avez-vous une idée du nombre et savez-vous si les personnes que vous connaissez pourraient satisfaire les normes et les critères du Bureau de la traduction?
Il y a beaucoup d'interprètes. Le gouvernement régional cri de la baie James, pas le gouvernement de la nation crie, est structuré de manière à ce que la moitié des représentants soient cris et à ce que l'autre moitié soit issue des collectivités non autochtones de la circonscription. C'est le gouvernement régional dans le Nord du Québec. Dans les délibérations, la traduction simultanée se fait en cri, en français et en anglais. Les services existent et sont faciles d'accès. En fait, je vous suggère de communiquer avec ce gouvernement régional pour parler des services offerts et de la façon dont cela fonctionne.
Vous n'êtes donc pas préoccupé par le problème dont on a déjà parlé à quelques reprises, à savoir l'idée qu'il pourrait y avoir un nombre limité d'interprètes pour assurer la traduction directe en français et éviter ainsi une interprétation à relais, n'est-ce pas?
Merci.
J'ai juste oublié de mentionner que nous n'avons pas pu avoir une salle équipée pour la télédiffusion et que c'est la raison pour laquelle il y a une caméra de la chaîne APTN.
Je vais juste poser une question au Comité avant d'oublier. L'un des journalistes a demandé un exemplaire du rapport de recherche sur les différentes administrations. Quelqu'un y voit-il une objection?
Des députés: Non.
Le président: Bien. Merci.
Nous allons maintenant passer à M. Christopherson.
Merci, monsieur le président, et je tiens également à remercier mon collègue Romeo d'être ici aujourd'hui.
Je siège à des Parlements depuis 1990, tant à l'échelle provinciale que fédérale, et bien que nous soyons tous égaux, j'ai constaté que dans chaque Parlement, certaines personnes se démarquent. C'est à cause de qui elles sont et du sérieux qu'elles dégagent. M. Irwin Cotler et M. Ed Broadbent sont deux personnes avec qui j'ai siégé qui tombent dans cette catégorie.
Romeo, je tiens à dire que vous en faites partie, et je suis très honoré de siéger en même temps que vous compte tenu du rôle important que vous jouez dans l'édification de notre pays, pour donner vie à la Constitution — et avec classe, à défaut de penser à un autre mot, et quasi-élégance. La force qui sous-tend votre passion est manifeste.
Cela dit, chers collègues, je me suis demandé si je devais aborder la question, mais je pense que oui. Même si le succès de nos démarches est perçu comme un aspect positif pour poursuivre l'édification de notre pays, je crois que nous devons reconnaître, d'après ce que notre ami et collègue Romeo a dit ce matin, que le coût d'un échec est si élevé que ce n'est pas une option.
Nous avons commencé nos délibérations en nous demandant si le moment était venu et comment nous pourrions procéder, et c'était un peu théorique, mais maintenant que nous nous sommes engagés dans cette voie et que nous avons énoncé les considérations historiques de l'importance de cette question pour beaucoup de nos concitoyens, l'échec de nos démarches signifierait que les efforts que nous déployons au Parlement feraient plus de tort que de mal, car nos bonnes intentions initiales se traduiraient par un échec. Je vais juste dire que je pense que maintenant que nous nous sommes engagés dans cette voie, nous devons réussir. Nous devons trouver un moyen de faire comprendre à nos concitoyens que nous sommes sérieux pour ce qui est de leur donner des droits d'une manière respectueuse et de reconnaître ceux qu'ils ont déjà.
Tout cela pour dire que nous faisons habituellement des choses qui seraient bien et que si cela ne fonctionne pas, eh bien, vous savez, nous y reviendrons dans une autre législature. Nous n'avons pas cette option. Nous devons vraiment faire en sorte que cela fonctionne, et j'ai l'impression que ce sera le cas.
Je suis comme mon compagnon de vote, M. Simms — seuls les initiés pourraient comprendre — à propos des 150 années qui se sont écoulées. J'ai de la difficulté à me faire à l'idée qu'il n'y avait même pas de mot pour rendre le terme « député ». Était-ce à défaut d'élire assez de personnes pour que cela devienne un problème? Est-ce à cause d'un fossé que le besoin ne se faisait pas sentir?
Pouvez-vous juste m'aider à comprendre un peu, Romeo, comment nous pourrions en arriver au fait? Je suis comme Scotty: 150 ans pour trouver un mot qui décrit ce que fait un député, puisque c'est la base de notre démocratie constitutionnelle... Aidez-moi à comprendre, Romeo. Comment en sommes-nous arrivés là?
Eh bien, c'est pour toutes les raisons que vous avez mentionnées. C'est aussi parce qu'aucun Cri du Nord du Québec n'avait été élu au Parlement...
... et c'était donc la première occasion de trouver un mot.
Au cours de ma carrière, j'ai été intronisé au Temple de la renommée du hockey, et ce n'est pas grâce à mes talents de joueur de hockey, même si je jouais. Dans les années 1980, quand j'étais à la faculté de droit, j'avais un deuxième emploi en tant qu'animateur de radio, en cri. J'ai participé à un projet qui visait à commenter un match entre les Canadiens de Montréal et les Nordiques de Québec. L'une des choses que nous avons dû faire, c'est trouver un mot pour « rondelle »...
Des voix: Oh, oh!
M. Romeo Saganash: ... et « arbitre ». C'est le genre de mots qui n'existaient pas. J'ai continué tout au long de ma carrière en faisant la même chose pour la terminologie juridique, et je le fais maintenant pour les travaux parlementaires. C'était une belle occasion de s'asseoir avec les aînés et d'expliquer ce que je fais en tant que député. Après avoir compris le concept, ils ont proposé quelques mots. Je pense que le meilleur était yimstimagesu.
Je vois, merci. Cela m'a frappé.
Vous avez donné l'exemple de la Nouvelle-Zélande dans vos observations, et nous avons évidemment celui des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. Nous recommanderiez-vous de prendre ces exemples comme modèles, ou en avez-vous d'autres que nous devrions examiner en détail, plus particulièrement alors que nous nous penchons sur les principes fondamentaux?
Ce que je peux faire, monsieur le président, c'est ajouter à mon mémoire, qui contient mon exposé et des références, des propositions d'autres modèles que vous pourriez examiner.
Je pense que ce serait important.
À mon retour, j'ai essayé de trouver une jurisprudence sur l'interprétation de l'article 22 de la Constitution, car il fait allusion à d'autres langues, mis à part l'anglais et le français. Je n'en ai pas encore trouvé, mais je continue de chercher, car, comme je l'ai dit, nous devons lire l'article 22 en même temps que les articles 25, 26 et 35 de la Constitution afin de déterminer si le droit dont je parle, c'est-à-dire s'exprimer en cri au Parlement, est un droit constitutionnel. C'est également un droit de la personne, et je pense que nous devons donner suite au dossier en procédant ainsi.
Merci.
Je vais dire une dernière chose, et je ne m'attends pas à obtenir une réponse, mais vous êtes peut-être au courant, vu l'interprétation.
Je pense qu'à un certain point, monsieur le président, chers collègues, nous devrons nous pencher sur le rôle de l'intelligence artificielle, dans un très proche avenir, pour assurer une traduction simultanée. Je ne sais pas ce qu'en pensent les autres personnes présentes, mais je suis certain que vous en faites autant, que vous lisez et que vous essayez de comprendre où en sont les choses et quels sont les problèmes auxquels nous devons nous attaquer.
Il y a ceux qui laissent entendre que l'intelligence artificielle pourra très bientôt permettre d'écouter instantanément à l'aide d'une oreillette les propos d'un interlocuteur. Avez-vous la moindre idée de ce qu'il en est?
Non? Je vois. Mais je pense que c'est une chose sur laquelle nous devons nous pencher, car les Parlements continueront d'exister pendant longtemps et l'intelligence artificielle aura une grande incidence.
Romeo, merci encore, monsieur. J'espère que nous pourrons vous convoquer à tous moments à mesure que nous poursuivons nos délibérations.
Merci de votre présence, monsieur Saganash. Je vous suis reconnaissante de tout le travail que vous faites. Je pense que nous sommes véritablement choyés de vous avoir comme député pour nous aider à faire avancer ce dossier et à rendre le Parlement plus inclusif.
Après le témoignage du greffier, je ne peux pas m'empêcher de penser que je détesterais, dans ce cas-ci, que la perfection devienne l'ennemi du bien. Nous essayons de progresser, et nous essayons de vous donner le droit de parler dans votre langue maternelle, de permettre aux personnes qui vous ont précédé ou qui vous succéderont d'en faire autant.
Vous dites qu'il pourrait y avoir actuellement environ 10 députés qui parlent couramment une langue autochtone. Quelles sont ces langues?
Il y a sans aucun doute le déné, que parle ma collègue, la députée Jolibois. C'est également à cause de l'intervention en cri de Robert-Falcon Ouellette que nous sommes ici aujourd'hui. Il s'est exprimé en cinq dialectes cris.
Le cri est parlé au Québec, en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, au Dakota du Nord et au Montana.
... qu'il y a également des témoins des comités et d'autres députés qui ont siégé au fil des ans pour qui l'anglais ou le français n'est peut-être pas la première langue. Il arrive donc parfois qu'ils fassent des erreurs lorsqu'ils s'expriment. Nous devons parfois nous fier au contexte pour comprendre ce qu'ils essaient de dire. Il arrive donc que l'exactitude dont nous parlions plus tôt en souffre lorsque nous recourons à des interprètes relais.
Je suis certaine que ces personnes sont parfois réduites au silence, mais nous ne voulons pourtant pas réduire au silence ceux dont l'anglais ou le français n'est pas la première langue. Lorsque nous ne trouvons aucun interprète pour certaines langues, nous devons relayer ces langues en passant par le français ou l'anglais. Diriez-vous que c'est encore acceptable pour nous de procéder ainsi? Ne pourrions-nous pas tout simplement accepter la perte de peut-être quelques mots et nous servir du contexte pour comprendre l'ensemble du discours?
Dans la mesure où nous reconnaissons le problème, je pense que nous pouvons le gérer. Disons que ma mère se fait élire en 2019. Elle parle seulement cri. Grâce à son budget de députée, elle pourrait certainement engager son fils comme traducteur. Eh bien, elle ne serait pas autorisée à le faire, mais je pourrais certainement l'aider à écrire en anglais ce qu'elle me dit.
Elle compte parmi les meilleurs locuteurs du cri au monde. J'ai parlé cette langue pendant les sept premières années de ma vie, avant de me retrouver dans un pensionnat. C'est elle qui m'a appris le cri. C'est la raison pour laquelle, même si on a essayé de me faire oublier ma langue pendant 10 ans au pensionnat, les racines de ma langue parlée, mon cri parlé, sont si fortes. C'est à cause d'elle. C'est la raison pour laquelle je ne l'ai pas oublié.
Il y en a certainement. Il y a même maintenant des applications. J'en connais deux qu'on peut télécharger. On peut saisir n'importe quel mot anglais ou français, et...
Vraiment. Bien.
Il doit forcément y avoir des langues pour lesquelles aucun cours n'est offert. J'ai parfois l'impression que nous essayons de mettre la charrue devant les boeufs. Peut-être que si nous autorisions les gens à parler ces langues, ce qui rendrait immédiat le besoin de traduction, nous arriverions au point où les gens seraient intéressés par des cours en bonne et due forme. Nous finirions éventuellement par trouver la solution parfaite. C'est essentiellement là que je veux en venir.
Pour terminer, je veux juste revenir à ce que mon collègue David Graham semblait demander. Comme première étape, qu'est-ce qui constituerait selon vous, en tant que défenseur de votre langue, un point de départ satisfaisant? Je pense que la traduction simultanée serait formidable. L'intelligence artificielle pourrait être utile plus tard, mais à ce stade-ci et dans le contexte actuel, qu'est-ce qui constituerait selon vous un point de départ satisfaisant?
Je pense que la première mesure à prendre consiste à s'assurer que la Chambre, le Parlement, possède l'espace et la technologie nécessaires à cette fin.
J'aurais par exemple préféré que Priscilla soit dans la pièce plutôt qu'au fond — ce genre de chose.
Je veux ajouter une chose à propos des langues autochtones, pour donner suite à vos observations. J'assiste à des réunions de l'Assemblée des Premières Nations depuis 30 ans. J'y ai souvent vu des politiciens recevoir une ovation, mais la plus importante est celle qui a été offerte au premier ministre lorsqu'il a annoncé qu'il y aurait une loi sur les langues autochtones. Il a eu droit à une chaleureuse ovation.
Donc, si vous voulez sérieusement protéger et revitaliser les langues autochtones au pays, eh bien, allons-y. Je ne sais pas en quoi consistera la mesure législative de la ministre Joly. À ma grande surprise, je n'ai pas été consulté au sujet de la préparation ou de l'élaboration de la loi, malheureusement. Je ne sais donc pas si ce que nous faisons ici pourrait en faire partie. Je l'ignore. Je n'ai pas vu ce qui se prépare.
J'espère que nous pourrons aller de l'avant, car il est dangereux de tromper la confiance des gens. Je pense que de nos jours, après 150 ans, nous ne pouvons plus tromper la confiance des peuples autochtones.
Merci, monsieur le président.
Pour revenir à la loi sur les langues autochtones, savez-vous quand on peut s'y attendre? Vous a-t-on donné un préavis?
Je n'en ai aucune idée. Comme je le disais, je n'ai pas été consulté. J'ai vu la proposition du sénateur Joyal. Elle porte essentiellement sur les programmes. Pour que la loi ait un réel impact, il faut y inclure des choses qui comptent réellement. Mais je n'ai pas été consulté, alors...
... comme d'autres députés, de même que des intervenants de partout au pays, j'en suis sûr. Ce serait bienvenue.
Vous avez parlé tantôt de créer des mots pour le monde du hockey, entre autres, et pour le Parlement. Y a-t-il un processus officiel entourant la création de ces mots, ou s'agit-il d'une pratique traditionnelle des membres et des aînés de la collectivité? Ou ces mots sont-ils créés en cas de nécessité? Comment la langue évolue-t-elle? S'agit-il d'une évolution naturelle ou plutôt d'un processus encadré?
Nos aînés sont nos institutions; ils sont nos porte-parole. C'est généralement par eux que la langue évolue. C'est long, parce qu'il faut s'asseoir avec eux, leur expliquer ce qu'on cherche, ce que le terme doit représenter. Quand ils sont certains d'avoir bien compris, ils peuvent proposer jusqu'à quatre ou cinq mots, et c'est à eux de déterminer celui qui convient le mieux.
Est-ce que les anciens membres du comité sont toujours actifs? Nous pourrions peut-être leur demander de témoigner devant le Comité.
Excellent.
Cela m'amène à ma prochaine question. Vous avez dit que les délibérations du gouvernement de la nation crie se déroulent entièrement, ou presque, en langue crie? Les délibérations sont-elles traduites en français ou en anglais, ou est-ce que cela se passe exclusivement en cri?
C'est ce qui fait que la langue crie est si vivante encore aujourd'hui, parce que toutes nos délibérations sont en cri. Cela encourage la nouvelle génération à maintenir la langue. Seules les délibérations du gouvernement régional, composé de 11 Cris et de 11 non-Cris, sont traduites en français, en anglais et en cri.
Monsieur le président, ils ne sont pas sur notre liste de témoins potentiels pour le moment, mais ce sera à envisager.
Je veux terminer en vous remerciant pour votre présence et votre éloquent témoignage. On a tenté de vous arracher à votre langue pendant cette terrible époque de notre histoire qui a été marquée par les pensionnats indiens. Merci de vous faire le défenseur et le porte-parole de cette langue aujourd'hui.
Après avoir passé 10 ans au pensionnat, je me suis promis de faire deux choses: retourner vivre en forêt, ce que j'ai fait pendant deux ans; et me réconcilier avec les gens qui m'ont fait interner pendant 10 ans, et c'est une autre façon pour moi d'y arriver. Merci.
Mon arrière-grand-père parlait cri et ojibwa, de même qu'anglais et français. Il n'était pas autochtone. C'était la langue du commerce à l'époque. Ce fut un choc pour moi d'apprendre, encore jeune, qu'il était parfaitement normal pour l'homme blanc de parler ces langues il y a quelques générations. Je ne peux que présumer que cela s'est perdu par choix.
Votre proposition est d'une grande importance, et je suis tout à fait vendu à l'idée. Mais je m'intéresse d'abord au côté logistique. Comment y arriver, en attendant que le rêve de Douglas Adams se réalise et que nous ayons tous un poisson de Babel dans l'oreille?
À quoi ressemblerait donc un préavis raisonnable? Vous avez dit en début de séance que vous étiez totalement disposé à aviser la Chambre de votre intention de vous exprimer dans une autre langue.
Tout dépend de l'emplacement des interprètes. C'est ce qui complique un peu les choses. Si j'avais une question pour demain matin, il suffirait de vous en informer aujourd'hui.
Je crois que le droit de parole est déjà assuré. Nous voulons respecter le droit d'être compris, qui est encore plus important, selon moi. Je crois qu'il faut faire la distinction.
Je ne sais pas si vous étiez dans la salle à ce moment-là, mais j'ai mentionné tout à l'heure aux greffiers qu'il est important que les interventions faites à la Chambre en langue autochtone — quelle qu'elle soit — puissent être traduites et publiées dans le hansard, sans que vous ayez à fournir cette traduction. Je crois que c'est une attente raisonnable.
Il faudrait à tout le moins avoir la traduction avant l'impression du hansard en fin de législature. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, ni ce que vous pensez des registres écrits.
Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
À noter qu'en ce moment, nous avons accès à l'interprétation du cri, mais pas vers le cri. Est-ce que cela en ferait aussi partie? Est-ce que cela comprendrait toutes les délibérations de la Chambre, y compris celles des comités? Est-ce que la traduction se ferait dans les deux sens? Comment envisagez-vous cela?
Ce sera un choix à faire. Pour aider la Chambre des communes, je n'exigerais pas qu'on traduise de l'anglais au cri. C'est un compromis que je suis prêt à faire.
Comme nous l'avons mentionné, il y a quelque 56 langues autochtones au pays. Lesquelles devrions-nous inclure? Lesquelles pourraient être exclues? Comment faire cette détermination?
Je ne crois pas qu'il faille en exclure. Mon droit de parole constitutionnel a autant de valeur que celui de tout autre Canadien, peu importe sa langue.
Désolé de voler votre temps.
Priscilla a eu la gentillesse de l'épeler pour moi et de me donner la prononciation. Si vous voulez prendre des notes, c'est yimstimagesu.
D'abord, que pensez-vous de l'interprétation à distance? Est-ce une solution qui vous paraît acceptable? S'il est impossible d'avoir un interprète sur place, est-ce que cela pourrait se faire à distance?
D'accord.
La deuxième chose est probablement plus difficile à imaginer. Le jour où vous pourrez vous lever à la Chambre des communes et vous exprimer en cri, avec interprétation, qu'allez-vous ressentir, vous et les citoyens que vous représentez?
Ce sera pour tous les Autochtones. Ce sera pour tous les Canadiens, en fait, nous tous. Ce sera une victoire pour nous tous, pas seulement pour moi.
Des députés: Bravo!
M. Romeo Saganash: En ce sens, il s'agira bien sûr d'un moment historique, mais ce sera une victoire pour le Canada.
Monsieur le président, juste avant que vous ne leviez la séance, j'aimerais revenir au comité sur la langue crie dont il a été question. Pourrais-je demander aux analystes de nous donner un peu de contexte à ce sujet? Cela pourrait nous être utile.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication