:
J'ouvre maintenant la séance.
Bienvenue à la 77e réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 7 mars 2023, le Comité se réunit pour étudier les projets de train à grande fréquence en première partie de la réunion, puis discuter de ses travaux en deuxième partie.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le jeudi 23 juin 2022. Les députés peuvent participer en personne dans la salle, ou à distance par l'intermédiaire de l'application Zoom.
[Traduction]
Je souhaite informer les membres du Comité que l'ensemble des témoins ont pris part à un test pour le son et pour l'interprétation, et que tout est conforme.
[Français]
Les personnes comparaissant devant le Comité aujourd'hui comprennent M. Patrick Massicotte, président de la Chambre de commerce et d'industries de Trois-Rivières, qui participe à notre réunion par vidéoconférence.
[Traduction]
Nous accueillons également Terence Johnson, président de Transport Action Canada. Bienvenue, monsieur Johnson.
[Français]
Nous accueillons également trois représentants de VIA HFR: M. Martin Imbleau, chef de la direction; M. Marc‑Olivier Ranger, secrétaire de la corporation; et M. Graeme Hampshire, directeur de projet.
[Traduction]
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires de l'ensemble de nos témoins. Monsieur Imbleau, à vous la parole.
[Français]
Vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Merci, monsieur le président.
Même si je n'occupe mon poste que depuis à peine deux semaines, j'ai quand même décidé de me joindre à vous ce soir, et je tenterai de répondre à vos questions du mieux que je peux. Évidemment, mes collègues sont là pour me soutenir.
Ce qui m'a convaincu de me joindre à l'équipe pour développer ce nouveau service moderne pour relier les collectivités entre Québec et Toronto, c'est la possibilité de réaliser un service public de prochaine génération. La réussite de ce projet dépend de plusieurs facteurs, à commencer par son acceptation par la société. Je suis donc ici pour vous parler, mais aussi pour vous écouter. L'ouverture et la collaboration seront déterminantes dans la suite des choses pour ce projet. En fait, l'acceptation du projet exige que nous écoutions les communautés autochtones, évidemment, ainsi que les parties prenantes et nos futurs passagers.
Comme vous le savez peut-être, notre société d'État est très récente — elle a à peine 10 mois —, et notre mission est de révolutionner le transport en offrant un service ferroviaire de niveau supérieur dans le corridor Québec-Toronto. Toutefois, il faut aussi rapprocher les gens et ouvrir des portes, car c'est important. Il s'agit également d'offrir un service respectueux de l'environnement, ponctuel et abordable, afin d'améliorer l'expérience des passagers. En effet, c'est plus que nécessaire dès maintenant, c'est nécessaire pour demain et c'est nécessaire pour les prochaines générations.
Nous allons rapprocher trois capitales du pays, dont ses deux plus grandes villes, renforcer le lien entre deux des plus grands poumons économiques du Canada et offrir le service à plus de 15 millions de citoyens dans un corridor toujours en croissance. Nous allons réduire la distance entre les villes et les collectivités, mais aussi entre les amis et les familles.
Je me permets de faire un petit commentaire personnel. Je développe des infrastructures importantes au Québec et au Canada depuis environ 25 ans, surtout dans le corridor visé. Je ne suis pas un expert des trains, mais, durant tout ce temps, j'ai essentiellement utilisé ma voiture pour aller à Québec et à Ottawa, et l'avion pour aller à Toronto. Pourquoi? C'est parce que les départs ne sont pas assez fréquents et que les trains ne sont pas assez à l'heure ni assez rapides. Le simple fait d'ajouter des trains ne suffit pas, aujourd'hui. Nous ne sommes pas propriétaires des voies ferrées, contrairement aux entreprises de chemin de fer transportant des marchandises. Une augmentation de la congestion ayant une incidence sur le transport des marchandises n'est pas non plus une bonne chose pour l'économie. Je le sais un peu à cause de mon ancienne vie. Notre mandat n'est donc pas de continuer de faire la même chose, mais plutôt d'offrir une solution attrayante.
[Traduction]
Ce projet va augmenter l'offre de services pour les voyageurs, contribuer à la réduction de la durée des déplacements, et mieux relier les collectivités. L'objectif est de faire circuler deux fois plus de trains, plus rapidement et sans retard.
De nombreuses personnes s'interrogent à juste titre sur la question de la vitesse des trains. Les nouveaux trains vont atteindre une très haute vitesse là où c'est faisable, sécuritaire et abordable. En ce qui concerne la procédure d'appel d'offres en cours, chaque équipe qui présente une soumission pour le projet doit proposer deux solutions. D'abord, l'équipe doit présenter un train en mesure d'atteindre une vitesse allant jusqu'à 200 kilomètres à l'heure, ce qui est plus rapide que les services actuels de transport ferroviaire. Ensuite, l'équipe doit démontrer que son train peut atteindre une vitesse encore plus élevée.
Qu'on me permette une petite remarque. Notre objectif n'est pas de proposer des trains capables de battre des records de vitesse; il s'agit plutôt de permettre à nos usagers de gagner du temps. Nous miserons donc sur des trains dont la vitesse est plus élevée que la moyenne. Vous comprenez bien à quel point il est frustrant de se rendre à Ottawa en voiture ou par avion, et de se retrouver pris dans des bouchons de circulation ou des aéroports bondés. Au bout du compte, notre projet vise à offrir à la population canadienne un moyen de transport plus flexible, plus pratique et plus rapide.
Par ailleurs, le transport de passagers risque de demeurer une source importante d'émissions de gaz à effet de serre au fil de l'accroissement de la population. La situation ne s'améliorera pas, à moins que nous parvenions à offrir un moyen de transport plus efficace et plus durable qui aura une incidence sur le comportement des gens. En outre, le fait de placer les trains de passagers sur des voies réservées permet de supporter l'expansion du trafic de marchandises, comme les barils de pétrole et les stocks de céréales. Ainsi, notre solution est bénéfique tant pour les usagers que pour l'économie et la planète.
Je suis conscient du fait qu'un tel projet est d'une complexité et d'une ambition inouïes, mais grâce à la participation du secteur privé, nous pensons avoir opté pour la bonne approche. Notre projet prend de l'ampleur, et le gouvernement pilote le processus d'appel d'offres afin de dénicher une équipe de premier ordre qui travaillera avec nous. En juillet dernier, trois consortiums se sont qualifiés, et notre objectif est de sélectionner l'un d'entre eux d'ici l'année prochaine.
[Français]
Comme je l'ai mentionné, j'occupe mon nouveau poste depuis peu, mais je consacre déjà mon temps surtout à vous écouter et à écouter les communautés, les conseils, la population et les parties prenantes. J'ai la ferme intention de mener à bien ce projet, mais aussi de le mener en toute transparence. Le Comité sera régulièrement tenu au courant des progrès.
Je vous remercie de m'avoir écouté. Mes deux collègues et moi-même sommes disposés à répondre à vos questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonsoir. Je suis ravi d'être parmi vous aujourd'hui pour vous parler des projets de train à grande fréquence.
Mon voyage ce matin en provenance de Chatham, en Ontario, a duré 10 heures et demie. Si les promesses par rapport aux trains à grande fréquence, les TGF, sont tenues, on passera à une durée de 6 heures et demie. Voilà toute une différence.
Lors de son annonce initiale, le TGF était censé améliorer la fiabilité des trains, permettre au réseau ferroviaire de satisfaire à la demande, et redonner à VIA Rail Canada une assise financière solide.
Les dirigeants de Transport Action, de même que ses collaborateurs, ont bien entendu posé des questions et exprimé certaines préoccupations lorsque cette proposition a été dévoilée pour la première fois. Ils se demandaient notamment les raisons pour lesquelles les TGF ne seraient pas fabriqués en se basant sur les résultats d'études déjà menées. Les gouvernements précédents s'étaient montrés réticents par rapport à des coûts élevés, mais les TGF étaient censés constituer une solution avantageuse.
Les petites municipalités seraient-elles confrontées à des réductions de services? Le gouvernement leur a donné l'assurance que ce ne serait pas le cas.
Les horaires pourraient-ils être respectés sur le tracé proposé à Havelock? Nous avons éventuellement pris connaissance de données qui en démontraient la faisabilité.
De quelle manière ce projet se compare‑t‑il à l'amélioration du tracé actuel?
Pourquoi opter pour le diésel, alors que l'électrification pourrait éliminer l'ensemble des émissions de GES?
Même avec des voies réservées sur la plus grande partie de la distance, une voie pour le transport de passagers resterait vitale en raison des périodes d'interaction avec les trains de marchandises, et pour assurer le fonctionnement du reste du réseau.
Par ailleurs, qu'en est‑il du reste du Canada, par exemple le tracé entre Calgary et Edmonton?
Enfin, l'étude entreprise par le gouvernement allait-elle accumuler des retards pour finalement être tablettée, comme dans le cas des études sur EcoTrain, ViaFast et toutes les autres études sur le transport ferroviaire menées au cours des 40 dernières années? Le Canada prend de plus en plus de retard par rapport à ses pairs dans le monde en matière de transport ferroviaire. Huit ans plus tard, cette crainte me paraît plutôt justifiée.
Yves Desjardins-Siciliano et ses collègues ont entrepris de vastes consultations publiques en 2016. Les renseignements fournis à Transport Canada comprenaient un plan d'affaires, des études sur l'achalandage, ainsi que des études en matière d'infrastructures. Tous ces travaux ont été menés par le groupe Systra, vérifiés par des pairs à l'échelle internationale, et une estimation de classe 3 a été réalisée. Toutefois, à l'été 2018, le gouvernement a hésité à prendre une décision concernant le futur du TGV. Si le gouvernement avait suivi les conseils de sa société d'État, le TGV serait aujourd'hui en phase finale de construction, et fonctionnel d'ici 2025.
Au lieu de cela, le BPC a été mis sur pied en 2019 par la Banque de l'infrastructure du Canada, avec un budget de 71 millions de dollars. Son mandat était de réduire les risques du projet. Néanmoins, les tâches qui lui ont été confiées, notamment la poursuite de la collaboration avec les communautés autochtones, ne semblent pas avoir été réalisées. Par ailleurs, le rapport du BPC n'a jamais été publié, et les renseignements obtenus grâce à une demande d'accès à l'information ont été lourdement caviardés. Bref, ce budget de 71 millions de dollars n'a pas du tout été utilisé à bon escient.
En 2021, le a annoncé que le projet de TGV pourrait finalement aller de l'avant. Il semblait que l'évaluation d'impact commencerait à l'automne, mais suite aux élections fédérales, les choses se sont calmées et cette évaluation n'a jamais eu lieu.
Puis, le 9 mars 2022, nous avons assisté à un retournement de situation spectaculaire. Au départ, il s'agissait d'un projet de 4 milliards de dollars confié à VIA Rail Canada pour reconstruire une voie ferrée d'environ 128 kilomètres de long entre Havelock et Glen Tay, et pour renforcer le reste du tracé. Cette initiative s'est alors transformée en mégaprojet assujetti à un échéancier d'approvisionnement s'étendant jusqu'à la fin de la décennie. VIA Rail a été mise de côté, et le développement de l'ensemble du corridor Québec-Windsor a été confié à un partenaire du secteur privé prêt à assumer un risque sur le plan des revenus pour une période de concession de 30 ans ou plus. Cette modification d'envergure de la portée du projet risquait de faire augmenter les coûts à 12 milliards de dollars. Nous étions désormais confrontés à un projet semblable à l'EcoTrain.
Le début tant attendu du projet aurait normalement dû constituer un motif de réjouissance. Au contraire, le moral des troupes chez VIA Rail en a pris un sacré coup. Personne n'avait été prévenu de l'imminence de ce retournement de situation. On ne sait pas trop comment les autres services offerts par VIA Rail à travers le pays vont pouvoir subsister sans ce corridor comme point d'ancrage. On ignore par ailleurs comment VIA Rail est censée développer ses services pour continuer de répondre à la demande et exploiter pleinement la nouvelle flotte ferroviaire qui sera livrée d'ici le milieu des années 2030. Le gouvernement n'a fourni aucune implication par rapport à ce qui a motivé ce changement de cap.
La page du rapport du BPC consacré aux modèles d'approvisionnement a été caviardée. À mon avis, il existe de très bonnes raisons d'abandonner la nouvelle mouture du projet. Par exemple, les facteurs clés, ceux qui détermineront la demande à long terme en matière d'achalandage, échappent complètement au contrôle d'un partenaire du secteur privé.
Par ailleurs, d'autres questions demeurent sans réponse. À combien de personnes s'élèvera la population canadienne dans le futur? Parle‑t‑on de 50, 60 ou 70 millions d'habitants? Quelle sera la politique du gouvernement en matière d'immigration au milieu des années 2060? Parviendrons-nous à mieux répartir la croissance démographique sur l'ensemble du territoire national? Allons-nous demeurer dans l'impasse alors que d'autres pays réussissent à mieux se qualifier? Quelle sera notre politique en matière de logement?
Les municipalités de Cornwall et de Brockville, par exemple, ne se sont pas dotées d'objectifs ambitieux en matière de construction résidentielle. Toutefois, grâce aux TGV en direction d'Ottawa et de Montréal qu'on leur a promis, ce genre de villes possèdent un potentiel de développement intéressant. Peterborough pourrait par exemple atteindre un quart de million d'habitants si le gouvernement décide de mettre en place certaines politiques.
Étant donné la diminution des recettes provenant de la taxe sur l'essence en raison de l'électrification des véhicules, comment allons-nous établir les prix et subventionner les autoroutes? Comment allons-nous réglementer les autres modes de transport? Allons-nous instaurer un modèle basé sur la concurrence à l'européenne dans le secteur ferroviaire, comme cela a déjà été soulevé? Est‑il logique de demander au secteur privé d'établir un prix sur des risques inconnus plutôt que sur des risques contrôlables liés à des projets? Il y a un troupeau d'éléphants dans la pièce dans la filière des politiques publiques qui sont en train de piétiner les finances publiques. La prime de risque substantielle qui en résultera finira par être payée par les contribuables et les passagers, et si un partenaire privé a des difficultés, il pourra laisser les contribuables payer la facture.
L'expérience du Royaume-Uni s'est avérée un fiasco en dépit des horizons à court terme pour les prévisions d'achalandage. Il faut aussi mentionner que dans le cadre de la phase la plus récente, les soumissionnaires ne devaient présenter qu'une estimation de catégorie 5. Nous faisons donc marche arrière.
L'explication qui nous a été fournie pour justifier le recours à des ressources externes est la nécessité d'importer l'expertise de la Deutsche Bahn ou de la Société nationale des chemins de fer. Nous n'avons pas besoin de faire cela.
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Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet du projet de train à grande fréquence.
Je m'appelle Patrick Massicotte et je suis le président du conseil d'administration de la Chambre de commerce et d'industries de Trois‑Rivières. Notre chambre de commerce compte 750 membres et est un acteur important du milieu économique de la ville, et ce, depuis maintenant 141 ans.
Notre appui au projet de train à grande fréquence ne date pas d’hier. Depuis 1982, la Chambre de commerce et d'industries de Trois‑Rivières se mobilise pour la création d'un nouveau mode de transport ferroviaire qui passerait par notre ville. Au fil des années, la Chambre a rédigé deux mémoires, a envoyé plusieurs lettres d'appui au projet au ministère des Transports et a reçu en conférence plusieurs ministres des Transports, ainsi que VIA Rail, pour faire rayonner le projet auprès de nos membres. Avec toute cette mobilisation, vous êtes à même de constater que la Chambre de commerce et d'industries de Trois‑Rivières milite depuis plus de 40 ans en faveur de ce projet. Quarante ans plus tard, nous y croyons toujours fermement, et nous continuons de répondre présent.
Trois‑Rivières est bien située géographiquement. Notre ville constitue un point stratégique entre Québec et Montréal et elle est le centre économique de la Mauricie, une région en pleine croissance. Sa proximité avec le fleuve Saint‑Laurent fait d'elle un point d'entrée majeur de marchandises au Port de Trois‑Rivières, une institution très performante. C'est sans compter notre aéroport pouvant accueillir des avions de ligne, qui vient tout juste de bénéficier d'investissements totalisant 20 millions de dollars pour l'agrandissement de son aérogare. Vous comprendrez donc que le transport ferroviaire est le chaînon manquant pour compléter la gamme de services offerts par le transport maritime et le transport aérien. C'est l'une des raisons pour lesquelles le projet de train à grande fréquence est si important pour nos membres et pour toute la communauté trifluvienne.
Dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre et de situation économique incertaine, Trois‑Rivières et les villes avoisinantes ont la chance de bénéficier d'investissements importants par le truchement de la Vallée de la transition énergétique. En effet, le gouvernement du Québec a annoncé la création de cette zone d'innovation, déployée de Bécancour à Shawinigan, qui permettra de dynamiser le secteur industriel et d'offrir des possibilités d'emplois de qualité et, bien sûr, très bien rémunérés. Il est clair que ces nouveaux besoins en matière de main-d'œuvre ne pourront être comblés que par le bassin d'employés existant en Mauricie et dans le Centre‑du‑Québec. C'est là qu'un projet de transport structurant comme le train à grande fréquence, ou TGF, entre en jeu. Je me dois également de mentionner la possibilité pour des travailleurs ou des entrepreneurs d'ici de se rendre rapidement et facilement à Montréal, Toronto ou Québec pour développer des affaires et faire croître leur entreprise. C'est l'un des avantages du TGF qui est particulièrement important pour nos membres.
Du point de vue touristique, Trois‑Rivières possède un fort potentiel grâce à des installations de haute qualité comme l'Amphithéâtre Cogeco et le Colisée Vidéotron, à de nombreux festivals et à une vie culturelle active et dynamique. Le TGF viendrait faciliter l'accès à ces infrastructures et à ces activités culturelles pour les touristes d'ici et d'ailleurs.
Je termine mon intervention en soulignant l'importance d'avoir un service de transport ferroviaire structurant au Canada. Si l'on souhaite valoriser les régions et désengorger les grands centres, un tel projet est primordial. Un arrêt à Trois‑Rivières permettra le développement économique et social de notre ville, et il s'inscrit naturellement dans le développement du Québec. Comme je l'ai mentionné plus tôt, la Chambre de commerce et d'industries de Trois‑Rivières milite pour un tel projet depuis plus de 40 ans. Nous étions peut-être visionnaires à l'époque quand nous parlions d'un train de passagers à haute fréquence s'arrêtant à Trois‑Rivières, mais, en 2023, nous sommes convaincus que c'est maintenant devenu une nécessité. Le temps est venu de mettre ce projet sur les rails afin de cimenter la place de Trois‑Rivières dans le paysage économique québécois et canadien.
Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'entretenir avec vous. Je suis disponible pour répondre aux questions.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de venir témoigner après leur journée de travail. C'est une nouvelle plage horaire que nous avons et je vous suis reconnaissant de l'inaugurer avec nous.
Si je comprends bien, l'estimation initiale des coûts fournie en 2017 pour le projet se chiffrait à environ 6 milliards de dollars. À la fin du mois de mars 2021, selon les informations que nous avons réunies, l'estimation révisée des coûts correspondait plutôt à une somme allant de 10 à 12 milliards de dollars. L'estimation des coûts a doublé en cinq ans.
Les prix augmentent partout. Nous ressentons tous la pression inflationniste. Le coût des emprunts a connu une hausse fulgurante.
Ma question s'adresse d'abord à l'équipe de VIA. En tenant compte de la hausse des estimations des coûts survenue avant l'inflation et de la crise des taux d'intérêt, combien de milliards de dollars de plus devra‑t‑on injecter, selon vous, à la réalisation de ce projet? Quelle est l'estimation actuelle des coûts pour la réalisation complète du projet?
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Merci pour la question.
Je ne peux pas me prononcer, évidemment, sur les estimations passées, mais je vais vous exposer la situation actuelle.
La portée du projet aurait pu être différente et nous nous employons en ce moment à trouver un partenaire privé sous forme de consortium, qui pourrait mieux délimiter la portée et, par le fait même, mieux établir et affiner le budget. C'est difficile aujourd'hui d'obtenir des chiffres précis. En fait, ce serait probablement imprudent de lancer des chiffres, puisque la portée n'est pas établie. Le corridor l'est, mais pas la portée. La technologie n'est pas encore bien balisée.
À mon avis, nous avons absolument besoin du soutien que peut nous procurer l'expertise des entreprises privées. Le processus dans lequel nous sommes, le processus d'approvisionnement, consiste à sélectionner un partenaire et à travailler en codéveloppement pour fournir aux Canadiens, dans quelques années, les solutions les plus économiques et les meilleures sur le plan opérationnel.
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Je vous remercie de vos bons mots. Je vais essayer de ne pas vous faire honte comme citoyen de votre circonscription.
En fait, il s'agit d'abord et avant tout d'un projet d'ingénierie civile, visant à construire des infrastructures civiles, ce qui se fait localement. Construire des rails et construire des lignes électriques, cela se fait très localement. En partant, le projet va vraiment maximiser les retombées canadiennes, du simple fait géographique. Ce sont beaucoup les entrepreneurs généraux d'ici et les firmes d'ici qui, généralement, dans ces projets d'infrastructure, en retirent les principaux avantages économiques.
Deuxièmement, nous allons évidemment respecter nos obligations internationales en matière de libre-échange économique. Nous allons devoir procéder à des appels d'offres pour choisir les bonnes firmes. Cependant, en très grande partie, c'est du génie civil et, dans ma vie, le génie civil se fait en grande partie par des firmes très locales.
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Merci de votre question.
Premièrement, une des choses que j'aurais dû dire dans mon allocution d'ouverture, c'est qu'il n'y a plus de place pour ajouter des trains dans le corridor actuel, parce que les rails appartiennent à quelqu'un d'autre. Par conséquent, même si on veut que des gens délaissent leur voiture pour le train, il n'y a pas de place pour plus de passagers. Il faudrait accorder la priorité aux passagers plutôt qu'aux marchandises, ce qui est à peu près impossible sur les voies qui appartiennent actuellement à d'autres entreprises ferroviaires. Il faut donc bâtir quelque chose de nouveau.
Deuxièmement, la fiabilité est fondamentale. Je reviens à l'exemple donné plus tôt: on est parti en retard et on est arrivé en retard. La fiabilité sera un des facteurs importants pour convaincre les gens d'abandonner leur voiture.
Troisièmement, je peux parler de mon expérience personnelle. Vous allez beaucoup en Europe, évidemment. Vous avez voyagé, comme moi. Or, quand je suis en Europe, je prends le train régulièrement. J'ai notamment fait le trajet de Paris à Bruxelles et de Bruxelles à Amsterdam en utilisant le même service de train rapide, soit celui de Thalys. Pour le trajet de Paris à Bruxelles, nous avons parcouru 300 kilomètres en une heure et demie. C'était super rapide. Cependant, avec le même train, pour aller à Amsterdam, nous avons parcouru 220 kilomètres en deux heures. Pourquoi? C'est parce le train s'est arrêté plus souvent, dans des centres densément peuplés. Le choix s'est fait en fonction du gain environnemental, du gain économique et des populations desservies.
C'est la même chose dans le corridor dont il est question ici. Si on veut arrêter à Peterborough et à Trois‑Rivières pour créer de la richesse, il faut avoir un train adapté aux communautés qui vont être desservies.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à tous nos témoins. Merci d'être parmi nous ce soir. J'ai hâte de participer à cette étude. Je pense que cela intéressera beaucoup de Canadiens.
J'aimerais adresser mes premières questions à M. Johnson. Ce que vous avez dit au sujet de ce projet était très éclairant, surtout à la lumière de tous les rebondissements qu'il a connus depuis sa première mouture.
Je voudrais d'abord présenter mon point de vue de député de la Colombie-Britannique qui représente une région rurale du nord-ouest de la province, située à des milliers de kilomètres d'ici et dotée d'un réseau de transport ferroviaire de passagers qui n'est plus que l'ombre de ce qu'il était. Quand je discute du service ferroviaire — ou même du service d'autobus — avec des gens, ils sont nombreux à me parler de leur vision d'un service ferroviaire voyageurs fiable et efficace, mais le service actuel de VIA Rail dans notre région est terriblement peu fiable. On ne peut pas l'utiliser comme moyen de transport de base; à vrai dire, il ne sert qu'à des fins touristiques.
Lorsque nous examinons cette idée de privatiser essentiellement le corridor ferroviaire le plus achalandé pour le transport de passagers au Canada et la source d'environ 85 % des revenus de VIA Rail — nous allons céder tout cela, y compris le service ferroviaire conventionnel de VIA Rail le long de ce corridor, à une entreprise privée et le retirer complètement des mains de VIA Rail —, il semble que notre fournisseur public national de services ferroviaires voyageurs va se retrouver avec des miettes. Je suis très préoccupé par l'avenir du service ferroviaire dans d'autres régions du pays.
Pouvez-vous nous dire de quoi auront l'air les 20 prochaines années? À quoi ressemblera l'avenir pour VIA Rail?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur temps, y compris ceux qui sont en ligne.
Pour vous donner un peu de contexte, je sais que vous représentez Via TGF, et non Via, mais vous connaissez peut-être un peu le marché — du moins, je l'espère. J'aimerais comprendre un peu mieux l'analyse de rentabilisation.
Ma circonscription se trouve à Hamilton. À côté de nous, à Brantford, le train 82, qui partait de Brantford pour se rendre à la gare Union, à Toronto, vient tout juste d'être remis en service.
Il y avait un certain nombre de trains qui alimentaient la plaque tournante du Grand Toronto et qui, espérons‑le, se raccorderont peut-être au TGF ou à d'autres services ferroviaires de ce genre. Ces services ont été interrompus pendant la pandémie et viennent tout juste d'être rétablis: Kitchener, London et Barrie. Quel est le marché des routes secondaires vers Toronto? Le savez-vous?
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Je vous remercie d'avoir posé cette question. Au Québec, le débat entre un train à grande vitesse et un train à grande fréquence est effectivement reparti de plus belle.
Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, je crois qu'un système hybride pourrait être le scénario optimal. Pour certains trajets, il pourrait y avoir des trains à grande vitesse et, pour d'autres, des trains à grande fréquence. Je ne suis toutefois pas un spécialiste en la matière.
Quant aux coûts associés, il faut comprendre que, si nous faisons ces investissements, c'est pour être concurrentiels à l'échelle internationale. La connectivité entre les régions et les grands centres urbains va favoriser le développement régional et économique de manière assez importante. Lorsque je fais référence à la zone d'innovation, notamment à la filière des batteries, je pense que vous connaissez tous les investissements qu'ont engagés General Motors, POSCO, Ford, et ainsi de suite. De grandes industries viennent s'établir dans notre région. Le fait d'avoir un réseau structurant va permettre l'émergence d'entreprises et relancer l'économie pour l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Quant à votre question visant à savoir si la Ville de Trois‑Rivières est prête à investir des sommes importantes, je ne veux pas parler au nom de la Ville. Nous ne nous sommes d'ailleurs pas précisément penchés sur ce point.
J'espère que cela répond à vos questions.
:
La ville de Trois-Rivières a connu une croissance économique assez importante au cours des dernières années.
Sur le plan du savoir, l'Université du Québec à Trois‑Rivières a été avant-gardiste en ce qui concerne l'innovation et l'hydrogène vert, entre autres. C'est ce qui a mené le gouvernement du Québec à créer la Vallée de la transition énergétique, couvrant la Mauricie et le Centre‑du‑Québec, et à désigner cette région comme une zone d'innovation, à fort potentiel de croissance. Pour sa part, la ville de Bécancour a l'un des plus grands parcs industriels au pays, qui permet la venue dans notre région d'industries majeures, comme les GM et Ford de ce monde dont j'ai parlé plus tôt.
Il y a donc une effervescence présentement. Ce n'est pas pour rien que la Ville de Trois‑Rivières, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada ont récemment accordé des subventions pour l'agrandissement de l'aérogare à notre aéroport. Il se passe quelque chose dans notre ville. Nous avons un port et un aéroport, et la venue du train permettrait de stimuler encore plus notre économie.
De plus, il y a eu des investissements majeurs sur le plan touristique. Il y a beaucoup de tourisme d'un peu partout, notamment de l'Europe. Des bateaux de croisière accostent à Trois‑Rivières, et la population canadienne visite la ville, laquelle est vraiment devenue une destination touristique.
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Merci, monsieur le président.
Je dispose de cinq minutes et 15 secondes, et je vous en remercie, monsieur Bachrach.
Des voix: Oh, oh!
M. Chris Lewis: Je remercie infiniment les témoins de leur participation à la présente réunion qui se tient tard dans la soirée, mais qui est très importante. Il ne fait aucun doute que cette réunion revêt une grande importante. Je vous remercie donc de vos témoignages.
La première question que j'aimerais poser est très simple, je pense. Je l'adresserai à la fois à M. Imbleau et M. Johnson.
Ma circonscription, Essex, est située juste à côté de Windsor. C'est le poste frontalier international le plus fréquenté d'Amérique du Nord. L'un ou l'autre d'entre vous pourrait‑il me dire brièvement s'il trouve logique que nous appelions désormais cette liaison le corridor Toronto-Québec plutôt que de reprendre l'expression « corridor Windsor-Québec »? Nous pourrions éventuellement y associer des villes des États-Unis, comme Chicago et d'autres centres urbains. Si nous investissons dans ce projet de toute façon, ne sommes-nous pas en train de passer à côté d'une occasion en or?
:
Merci, monsieur Johnson.
Merci, monsieur Imbleau.
Je vais donc poursuivre rapidement. Tout à l'heure, le mot « céréales » a été évoqué, à propos de leur transport. Ironiquement, Windsor est doté d'un port, et comble de l'ironie, nous expédions de grandes quantités de céréales vers les Chicago, les Milwaukee et les autres villes de ce genre du monde entier. Nous avons parlé des céréales, ce qui est formidable.
Parlons maintenant de l'usine de batteries de St. Thomas et de l'usine de batteries Stellantis, à Windsor. Il s'agit d'investissements de l'ordre de 12 milliards de dollars. Parlons des minéraux critiques qui, espérons‑le, seront un jour exploités dans le Grand Nord de l'Ontario. Parlons non seulement de l'acheminement des personnes vers ces sites, mais aussi de l'acheminement de nos minéraux critiques vers ces usines de batteries qui vont créer environ 5 000 nouveaux emplois, ou sont censées le faire.
Alors, ne serait‑il pas logique de faire l'inverse pour nous assurer que nous déplaçons le point de départ vers l'est et que ce point de départ est bien Windsor? Compte tenu de toutes les infrastructures mises en place dans ces régions qui, soit dit en passant, ne sont pas éloignées, cela me semble logique. Il s'agit en fait de la plaque tournante de l'Amérique du Nord.
Monsieur Johnson, vous entendez-vous avec moi pour dire que cette question doit être examinée de très près afin de nous assurer que nous ne passons pas à côté d'une occasion en or?
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui pour nous faire part de leur témoignage.
Mesdames et messieurs, ce projet de transport est le plus important que notre pays ait entrepris au cours des 60 dernières années. Franchement, il est tout à fait emballant que nous participions tous à ce processus. Comme je l'ai dit à M. Lewis tout à l'heure, je crois que ce projet dépasse la partisanerie. Pour faire démarrer ce projet et faire construire ce réseau ferroviaire, afin de mettre notre système de transport à niveau pour l'année 2023 en ce qui concerne le transport des passagers, un effort d'équipe est requis de la part de tous les partis.
Le deuxième point que je souhaite faire valoir est probablement le plus important. Il ne fait aucun doute que ce projet galvanisera davantage notre pays. Il le galvanisera du Québec jusqu'à l'ouest, et même jusqu'à l'est, et il renforcera un réseau multimodal, en particulier en ce qui concerne la circulation des personnes.
Nous reconnaissons que nous disposons d'un système très robuste pour la circulation des marchandises, même s'il fluctue et peut être amélioré... un réseau multimodal. Dans mon coin, c'est-à-dire dans la région du Niagara, nous avons la chance de disposer d'un corridor commercial portuaire très solide qui tire pleinement parti de la voie maritime du Saint-Laurent et du canal Welland, ainsi que des principaux réseaux ferroviaires et routiers côtiers et des transporteurs aériens.
Cela dit, je tiens à poser une question à propos du processus et à comprendre très clairement sa teneur et la meilleure façon de le mener à bien. Pour en revenir aux commentaires de M. Lewis, qui, selon moi, étaient tout à fait appropriés en ce qui concerne effectivement le fait de se concentrer maintenant sur la circulation des personnes... Il est tout aussi important de veiller à ce que les échanges commerciaux soient plus solides dans les régions prêtes à accueillir les nouveaux secteurs que nous essayons de renforcer comme le secteur minier dans le nord et, bien sûr, de mettre en place les infrastructures adéquates dans les régions qui connaissent une croissance.
Je vais maintenant m'adresser à M. Imbleau — soit dit en passant, je vous félicite de votre nomination à ce nouveau poste. Cette nomination est une perte pour le port de Montréal, mais un gain pour Via TGF.
La question est la suivante. J'aimerais que vous expliquiez très clairement le processus, tant du point de vue des capitaux engagés que du point de vue opérationnel, ainsi que la manière dont il va se dérouler en ce qui concerne votre participation et les partenaires qui vont se joindre à vous pour que le projet aille de l'avant et que le travail soit réalisé.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais reprendre là où mon collègue, M. Barsalou-Duval, s'est arrêté, c'est‑à‑dire lorsqu'il parlait de l'utilisation de différents modes de transport et des temps de déplacement entre les grands centres.
J'ai rencontré des représentants de VIA Rail il y a quelques années, avant la publication de la deuxième version du mandat et pendant que la société était encore chargée du projet. Ils m'ont indiqué très clairement qu'ils avaient l'intention de faire concurrence aux voyages en voiture entre les grands centres, mais qu'il n'était pas question de faire concurrence aux vols à courte distance et de s'approprier leur part de marché. Cela ne les intéressait pas.
L'OCDE a mené une étude dont voici un extrait qui concerne la France:
Une fois que le temps de déplacement en train dépasse d'une à deux heures le temps de trajet en avion, la part de marché tombe à environ 50 % et diminue rapidement par la suite.
Je me demande, maintenant qu'il est question d'augmenter la vitesse, du moins sur certaines parties de l'itinéraire, si cet objectif de réduction des vols à courte distance entre les grands centres deviendra un objectif principal dans le cadre de ce projet.