Bienvenue à la 141e réunion du Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités.
Je tiens d'abord à reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire ancestral et non cédé du peuple algonquin anichinabé et à exprimer ma gratitude de pouvoir faire l'important travail du Comité sur les terres que ce peuple gère depuis des temps immémoriaux.
Avant de poursuivre, je rappelle à tous les participants ici présents de lire les consignes sur les pratiques exemplaires qui figurent sur les cartes qui sont sur la table. Ces mesures visent à protéger la santé et la sécurité de tous les participants.
La réunion d’aujourd’hui se déroule selon une formule hybride.
Conformément à l’article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 21 novembre 2024, le Comité entreprend son étude sur la contamination environnementale autour du quai situé à Fort Chipewyan.
Tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Chers collègues, j’aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons Tammie Tuccaro, conseillère, et Lawrence Courtoreille, directeur des opérations de la Première Nation crie Mikisew. Bienvenue à vous deux.
Nous accueillons Kendrick Cardinal, président du conseil d’administration de la nation métisse de Fort Chipewyan. Bienvenue, monsieur.
Nous accueillons le chef Allan Adam de la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca. Bienvenue, monsieur.
Enfin, nous accueillons à titre personnel Mandy Olsgard, toxicologue principale qui se joint à nous par vidéoconférence. Bienvenue à vous aussi.
Nous allons commencer par les déclarations liminaires pour lesquelles chacun disposera de cinq minutes. Pour commencer, nous cédons la parole à Mme Tammie Tuccaro.
La parole est à vous.
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Je vous remercie, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'offrir la chance de vous adresser la parole.
Tansi et bonjour. Je m’appelle Tammie Tuccaro, conseillère de la Première Nation crie Mikisew, du territoire visé par le Traité no 8. Je suis ici pour servir de voix aux membres de notre communauté dont bon nombre ont été touchés par une catastrophe environnementale non révélée pendant des décennies. Plus précisément, je veux parler de la contamination au « gros quai » de Fort Chipewyan, un problème que la Couronne fédérale a ignoré et dont les répercussions sur l’environnement, la santé et la santé mentale continuent d’affecter notre population, nos enfants, nos petits-enfants et notre mode de vie.
Pour commencer, j’aimerais vous lire une citation d’un utilisateur de nos terres:
Pourquoi la collectivité n’a‑t-elle jamais été avisée, alors que le gouvernement était au courant de cette contamination depuis longtemps? C’est l’eau que nous buvons et dans laquelle nous nageons et jouons. Ce quai est lié à mon mode de vie pour survivre. Encore une fois, le gouvernement a laissé tomber notre Première Nation.
Pendant des années, on nous a refusé l'accès à des renseignements essentiels sur la contamination près du gros quai provenant de plusieurs sources, y compris un déversement majeur de diésel qui s’est produit sur la propriété de Transports Canada dans les années 1990. C'est un déversement dont la Couronne fédérale ne nous a jamais informés et qu'elle n'a jamais nettoyé. La question qui revient sans cesse est la suivante: pourquoi la Couronne fédérale ne nous a‑t-elle pas consultés à ce sujet?
Au lieu de nous avertir du déversement et d’assainir le site, elle nous a laissés dans l’ignorance, ce qui nous a exposés inutilement, nous et nos enfants, à un site contaminé fédéral connu que nous utilisions couramment. Notre population a des taux élevés de cancers rares. Cette situation mine nos efforts et notre responsabilité de protéger notre population et témoigne d’un mépris total de la part de la Couronne fédérale pour la santé et la sécurité de notre population.
Le rapport de 2017 dont il est question, commandé par Transports Canada, confirme la présence de nickel, d’arsenic et d’hydrocarbures dans les eaux souterraines, le sol et les sédiments autour du gros quai, y compris sur le gros quai lui-même, et les taux auxquels nos gens sont exposés dépassent les valeurs de référence. Le site n’est pas seulement commercial, contrairement à ce que disent les rapports; il est utilisé à des fins récréatives par nos enfants et petits-enfants pour la baignade, la pêche et la mise à l’eau de bateaux. Ils sont tous directement exposés à des toxines cancérigènes. Comme je l’ai dit, nous sommes exposés à de nombreux cancers rares dans notre communauté, qui est très petite.
Le 24 août, nous avons envoyé une lettre conjointe au pour lui demander de prendre des mesures pour remédier à la situation. Cette lettre est restée sans réponse pendant deux mois. C’est inacceptable. L'absence de réponse a créé beaucoup de panique au sein de notre population et a eu des répercussions sur la santé mentale. Le manque de réactivité est un recul important sur la voie vers la réconciliation, comme l’a souligné la Commission de vérité et réconciliation.
La réponse que nous avons enfin reçue comportait une certaine promesse d’agir, mais il est clair que des efforts beaucoup plus importants doivent être déployés. La Couronne fédérale doit s'attaquer non seulement aux dangers environnementaux, mais aussi aux répercussions sur la santé mentale que la situation a causées. La peur, la colère, l’angoisse et la frustration — toutes ces .motions — que nos membres ressentent sont évidentes, et ces émotions sont aggravées par des années de négligence à répétition.
Le 1er novembre, Transports Canada nous a transmis huit autres études sur le site, mais nous n'avons reçu aucune aide financière pour examiner ces documents. Ce sont des rapports de 300 pages. Nous ne pouvons pas les lire. Cela nous laisse encore une fois dans le noir. Comment pouvons-nous prendre des décisions éclairées au sujet de la santé et de la sécurité de notre population alors qu’on nous a refusé l’occasion de prendre connaissance de ces renseignements essentiels?
Pour nous acquitter de notre devoir et par mesure de précaution, nous avons avisé nos membres qu’ils ne devaient pas nager ou pêcher près du gros quai tant que nous n’aurions pas la tranquillité d’esprit de savoir que cette zone est sûre. Faute de mise en contexte et parce que Transports Canada n’a pas accepté notre invitation à venir sur place, nos membres ont été très alarmés par l’affichage de ces avis. Comme les gens utilisent régulièrement ce site à des fins récréatives depuis plus de 30 ans, nous sommes donc continuellement exposés.
Ce qui nous trouble encore plus dans cette affaire, c’est que Transports Canada était en pourparlers avec nous en vue de transférer la propriété du gros quai à nos nations respectives en sachant très bien que ce site était contaminé. Le ministère voulait simplement se débarrasser du site et nous laisser nous débrouiller. Cette mesure est perçue comme une tentative de transférer la responsabilité du site, comme si la Couronne fédérale essayait de se laver les mains de ses responsabilités et se déchargeait du fardeau sur nous.
Je suis ici pour exiger que les correctifs soient apportés, à nos conditions. Nous avons besoin de financement pour le soutien en santé physique et mentale et nous avons besoin qu’une évaluation complète et indépendante des risques pour l’environnement et la santé humaine soit effectuée par les spécialistes que nous choisirons. Ce travail est essentiel pour comprendre toute l’ampleur du problème et guider les efforts d’assainissement voulus. Enfin, nous avons besoin d’un nouveau quai d'ici quatre prochains mois, avant l’arrivée du printemps et le début de la saison des incendies.
Il est essentiel d’agir rapidement pour régler non seulement les problèmes environnementaux et de santé, mais aussi les répercussions sur la santé mentale qui en découlent. Cette approche doit reconnaître le racisme environnemental avec lequel notre communauté doit continuellement composer. Les travaux nécessiteront des ressources, du financement et des processus réglementaires simplifiés. Nous nous attendons à ce que tout cela nous soit fourni.
Nous ne demandons pas seulement justice, nous l’exigeons. Notre population vit cette situation depuis beaucoup trop longtemps. Il est temps que la Couronne fédérale prenne ses responsabilités, fasse ce qui s’impose, répare les torts et veille à ce que cela ne se reproduise plus jamais. Nous ne resterons pas silencieux sur cette question.
Je vous remercie de votre attention.
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[
Le témoin s’exprime en langue autochtone.]
[Français]
Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de m’offrir l’occasion de m'exprimer.
Je m’appelle Kendrick Cardinal et je suis président de la Nation métisse de Fort Chipewyan. Je suis ici pour vous faire part des graves répercussions environnementales, physiques et psychologiques que la contamination du gros quai de Fort Chipewyan a eues sur notre population. Le défaut du gouvernement fédéral de consulter activement la population de Fort Chipewyan dans ce dossier au fil des ans a aggravé encore la situation. J’aimerais profiter de l’occasion pour expliquer l’ampleur des torts que nous avons subis.
Le gros quai a toujours été un élément essentiel de notre vie à Fort Chipewyan. C’est un endroit essentiel pour mettre à l’eau nos bateaux quand nous nous rendons sur le territoire pendant la saison des eaux libres et pour exercer nos droits inhérents, et il sert de principal moyen d’évacuation en cas d’urgence, notamment lors de feux de forêt. Nous dépendons de l’eau à bien des égards, et l’idée que nous ne puissions pas compter sur la sécurité du quai ou de l’environnement est dévastatrice pour nous.
Ce problème a commencé avec le déversement de diésel en 1990 ainsi que la désignation de site contaminé en 2014 et les évaluations du site qui ont suivi.
Dans la lettre de Transports Canada reçue ce matin, on m’informe que la Nation métisse de Fort Chipewyan avait reçu des rapports techniques. Cependant, mon équipe n’a absolument aucune preuve de ces rapports. C'est extrêmement préoccupant, compte tenu de l’apport important que la Nation métisse de Fort Chipewyan et d’autres communautés régionales et autochtones ont fourni à l’honorable Marc Garneau, ancien ministre des Transports, en 2016 et 2017, dans le cadre des consultations sur la création de la Loi sur les eaux navigables canadiennes. En particulier, nous avions déclaré que lorsque la protection de la plupart des eaux utilisées par les titulaires de droits de navigation leur permettant d'exercer leurs droits garantis par la Constitution est exclue, c’est non seulement discriminatoire, à notre avis, mais contraire aux exigences constitutionnelles de la réconciliation.
Nous avions demandé de poursuivre le dialogue avec le ministère des Transports pour discuter plus à fond de nos préoccupations, y compris celles liées à la reconnaissance, au respect et à la protection de nos droits à la navigation sur les voies navigables et de notre relation avec elles. Ce dialogue n’a pas eu lieu, et il ressort clairement des événements récents qu’une relation et une consultation plus constructives et utiles s'imposent.
En 2023, nous avons appris à quel point nous n’étions pas préparés. Au plus fort d’un important incendie de forêt à Fort Chipewyan qui menaçait notre collectivité, bon nombre de nos membres ont été dévastés et se sont tournés vers le gros quai pour évacuer. Certains ont opté pour partir par bateau s'ils parvenaient à tirer leur embarcation dans la boue jusqu'à l’eau libre et se rendre sur leurs territoires de piégeage où ils croyaient être en sécurité. Cependant, les niveaux d’eau étaient si bas que le quai ne pouvait pas être utilisé efficacement. Cette situation dangereuse aurait pu être évitée si le quai avait été bien entretenu et si les rapports du gouvernement fédéral avaient été transmis à notre collectivité.
Cette année, notre voisine, la Première Nation des Chipewyans d'Athabasca a demandé l’aide de Transports Canada pour que le quai soit dragué afin que notre population puisse évacuer les lieux en toute sécurité à l’avenir. Pourtant, malgré toutes nos demandes, rien n'a été fait. Cela n’a fait qu’ajouter à notre frustration et à nos préoccupations croissantes. Si les eaux deviennent trop basses, nos zones de récolte traditionnelles seront en danger et les Métis de Fort Chipewyan sont connus comme les plus grands consommateurs de ressources alimentaires sauvages.
Au‑delà des risques environnementaux, les répercussions les plus importantes se sont fait sentir sur notre santé mentale et physique. Pendant des années, nous avons vécu avec l’incertitude de ne pas connaître toute l’ampleur de la contamination et ses conséquences sur notre santé. Notre population a déjà un taux de cancers rares plus élevé que la moyenne et la présence de substances toxiques dans notre environnement ne fait qu’ajouter à cette crainte. L’an dernier, la situation s’est encore aggravée. La plus importante fuite de pétrole dans l’histoire des sables bitumineux a ajouté du stress et de l’incertitude à une situation déjà difficile.
Il est difficile de trouver les mots pour décrire le stress qui découle du fait de vivre dans cette peur constante. On se pose constamment des questions. Est‑il sûr de pêcher ici? Est‑il sûr de nager ici? Pouvons-nous boire l’eau? Nous ne devrions jamais avoir à vivre avec ce niveau d’incertitude.
La contamination autour du gros quai nous a été cachée pendant des décennies. Une fois qu'on nous a enfin mis au courant, nous nous sommes sentis trahis. Nous n’avions aucune idée qu’un problème aussi grave se trouvait au cœur même de notre collectivité.
Je tiens à souligner le traumatisme qui a été causé par tout cela, le fardeau émotionnel et psychologique que notre population a supporté, surtout nos jeunes et nos aînés. Le stress de vivre dans cette incertitude est aggravé par la crainte que notre santé et celle des enfants soient menacées.
Nous avons besoin d'aide pour faire face à ces problèmes de santé mentale. Il ne s’agit pas seulement d’une crise environnementale. Il s’agit également d’une crise de santé publique et elle nécessite un soutien en matière de santé mentale d'un point de vue autochtone pour faire face au traumatisme et à la peur que nous éprouvons depuis si longtemps.
En terminant, depuis que la a pris la relève au ministère des Transports, elle a tendu la main à nos collectivités et nous lui en sommes reconnaissants. Nous reconnaissons sa volonté de travailler avec nous. Nous espérons que cette collaboration se poursuivra d’une manière qui débouchera sur des résultats concrets et tangibles, mais nous demandons plus qu’une simple communication. Nous avons besoin d’action. Notre population mérite de vivre en sécurité, et c’est la responsabilité du gouvernement de veiller à ce que cela se produise.
La contamination autour du gros quai ne peut plus être ignorée. Il est temps que le gouvernement en assume l’entière responsabilité, qu’il assainisse le site et veille à nous protéger contre d’autres préjudices.
Fort Chipewyan a été durement touché par le pensionnat de Holy Angels, et c’est là une autre indication claire que le gouvernement fédéral n’a pas donné suite à la réconciliation. Les voix de la population de Fort Chipewyan ont besoin de votre attention immédiate, s’il vous plaît. Je vous remercie de m'avoir écouté.
Hai hai. Kinanâskomitin. Bonne journée.
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Merci, monsieur le président.
En guise de reconnaissance des terres pour les Algonquins, les Ojibwas, les Mohawks et les Cris, nous venons sur votre territoire.
Je suis le chef Allan Adam de la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca. Je tiens à remercier Tammie Tuccaro, Lawrence Courtoreille et Kendrick Cardinal de s’être joints à nous pour présenter nos observations.
L’un des sujets qui nous préoccupent dans notre collectivité et dont nous discutons, c’est l'enjeu du changement climatique, ne sachant pas qu’il se transformerait en catastrophe causée par l’homme si on l’examine d’un point de vue holistique. Je fais référence ici à l’évacuation d'urgence de la population lors d’un incendie survenu en 2022.
Nous avons vécu une situation semblable en 2023 lorsque nous avons été confrontés non seulement à des incendies dans les environs, mais à une sécheresse due au faible niveau des eaux qui a gravement compromis l’accès des bateaux de la collectivité. Nous tentions de régler le problème en demandant à Transports Canada s’il pouvait mener des travaux de dragage afin que nous puissions disposer d'un passage sécuritaire au cas où il nous faudrait évacuer d’urgence. Transports Canada nous a répondu que non, il ne pouvait rien faire. Nous avons ensuite dit qu’il fallait que cela se fasse et que nous allions le faire sans l’aval de Transports Canada.
Nous avons appris que si nous utilisions n’importe quelle machine pour mener des travaux de dragage, comme je suis le chef de la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca, je serais jeté en prison. C’est la seule réponse que Transports Canada nous a donnée: une lettre disant que je serais incarcéré et que des accusations seraient portées contre moi. Nous avons le courriel qui nous a été envoyé.
Cela vient du système bureaucratique. C’est à ce moment‑là que nous avons dit que nous allions apporter des changements et ensuite passer par le système. Quand nous sommes passés par le système, nous avons embauché un entrepreneur qui a trouvé des contaminants à partir de la recherche effectuée par Transports Canada qui remonte aussi loin qu'en 1997. Combien de gouvernements ont été au pouvoir depuis 1997? Ne tenez pas compte du fait que le gouvernement actuel, le gouvernement est d'allégeance libérale. Tant les conservateurs que les libéraux ont été au pouvoir depuis, si je me souviens bien.
Je ne suis pas ici pour pointer qui que ce soit du doigt et dire que vous avez mal fait. Je suis ici pour vous dire de venir régler le problème qui a surgi dans notre collectivité. Peut-être que nos membres ne parleraient pas des cancers qui multiplient les décès au sein de notre population à cause des effets environnementaux. J’ai toujours dit qu’un jour, nos membres seront des réfugiés écologiques. Grâce au Canada et à Transports Canada — ainsi qu'à votre petite sœur, le gouvernement de l’Alberta —, nous sommes en voie d’être des réfugiés écologiques. Nous ne pouvons pas boire de l’eau contaminée.
Chaque année, nos membres avaient l'habitude de se rendre à la plage pour célébrer avec les enfants la fête du Canada. Ils célébraient ce que le Canada avait à nous offrir, sans connaître la catastrophe qui nous attendait. Nous avons vu nos enfants et nos adultes nager là et s’amuser. L’an prochain, en 2025, sachant que toute cette affaire est désormais connue, on ne verra pas un seul enfant dans l’eau, mais c'est ce qui se passait.
Nous ne pouvons pas continuer dans cette voie quand vous dites que nous sommes l’un des pays du G7. La contamination de l’eau à Fort Chip se situe au niveau du tiers monde en ce qui concerne les contaminants. La contamination provient d'activités industrielles en amont de chez nous.
Les déversements qui se sont produits dans les années 1980, 1990 et récemment — sur le site de l’Impériale — commencent à s’accumuler. Rien ne sera négligé. Il faut que ces problèmes soient réglés, sinon, nous continuerons de vous mettre tous dans l'embarras. Vous êtes le gouvernement au pouvoir de ce pays qui s’appelle le Canada. Que vous soyez conservateur, libéral, néo-démocrate, vert ou bloquiste, vous faites tous partie du problème. Personne n'a droit à l'absolution de la Couronne. C’est votre gâchis. À vous de le nettoyer.
Je ne peux pas dire à nos jeunes enfants de ne plus aller nager dans notre magnifique lac. Pendant des années, j’ai nagé dans le lac près du gros quai, près du quai forestier. J’ai joué sur les plages quand j’étais enfant. En 1997, j’avais probablement 31 ans. Je nageais encore dans ces secteurs avec mes enfants. Quand cette affaire deviendra‑t-elle un problème majeur pour le Canada? Nos membres parlent d'enjeux environnementaux et de préoccupations en matière de santé depuis 1992. Nos gens contractent des maladies rares, des cancers rares. Les maladies auto-immunes sont fréquentes au sein de la population. Les cas d'éruptions cutanées sont nombreux et inexpliqués. On n'arrive même pas à trouver le bon médicament pour soigner les éruptions cutanées de nos enfants. À quoi sont-elles dues? À l’eau contaminée, qui demeure un enjeu public? Nous devons nous attaquer à ce problème et le faire sans délai, et cesser de pointer qui que ce soit du doigt.
S'il en coûte 25 millions de dollars pour remettre en état le gros quai, réparez‑le. Ensuite, nous en prendrons possession, comme Transports Canada le souhaite. Le ministère fait pression sur moi depuis 2013. En 2013, le gouvernement Harper était au pouvoir. On nous a demandé d’assumer la responsabilité du gros quai en sachant très bien qu’il y avait de la contamination. Je suis heureux que nous ayons collectivement décidé de ne pas en assumer la responsabilité, car voyez le gâchis auquel nous aurions dû faire face. Nous aurions autorisé le Canada à céder sa part — toutes ses obligations et responsabilités fiduciaires — à la collectivité de Fort Chip. Vous êtes les députés élus du Parlement qui sont censés corriger des actes répréhensibles dans le domaine de l’environnement.
Ne vous méprenez pas. La rivière de la Paix et la rivière Athabasca ainsi que le lac Athabasca lui-même figurent parmi les sept principales rivières qui traversent le Canada. La rivière Athabasca traverse Fort Chip et se rend jusqu’à la rivière de la Paix. Ce n’est pas parce que c’est un lac qu’il ne fait pas partie d’une rivière. Le courant continue de traverser notre collectivité. Nous y prélevons notre eau et tout le reste.
Nous avons beaucoup de préoccupations dans la collectivité. Nos gens sont stressés. L’été dernier, j’ai reçu des appels de gens qui me demandaient: « Chef, est‑il sûr d’aller nager? » Savez-vous ce que je leur ai dit pour la première fois? « N’allez pas vous baigner dans ce lac. Évitez‑le jusqu’à ce que nous ayons réglé le problème. » Je vous demande maintenant de régler le problème. Ne laissez as cette situation embarrassante perdurer. Le traitement que vous réservez aux communautés des Premières Nations dans le Nord entache la réputation du Canada. Même aujourd’hui, les activités industrielles les plus importantes se produisent à 200 kilomètres en amont de chez nous. Nous sommes touchés en aval par tout ce qui s'y passe.
Nous ne disons pas que nous ne faisons pas partie de la cause du problème. Nous disons que nous allons aider à régler le problème une fois pour toutes, mais nous avons besoin de votre aide. Sinon, nous le ferons nous-mêmes. Si Transports Canada veut me mettre en prison, qu’il le fasse.
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Bonjour et merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité de m'offrir l’occasion de témoigner au sujet du site contaminé fédéral de Fort Chipewyan. Je témoigne aujourd’hui à partir des terres traditionnelles et ancestrales des Premières Nations et des Métis qui constituent désormais le territoire visé par le Traité n
o 6.
En ma qualité de toxicologue et biologiste professionnelle active en Alberta, je fournis une expertise technique sur les risques pour la santé et les questions de toxicité à chacune des trois nations représentées ici. J'ai été toxicologue principale à l’Alberta Energy Regulator, mais j’ai commencé ma carrière comme consultante en me concentrant sur les évaluations des risques pour l’environnement et la santé dans des sites contaminés.
Quand la Première Nation des Chipewyans d'Athabasca a pris connaissance de la désignation du quai de Transports Canada, communément appelé le gros quai, puisqu’il s’agissait d’un site contaminé fédéral, elle a demandé un soutien technique pour comprendre les implications exactes et les risques pour la santé découlant des activités traditionnelles communes à la Première Nation, aux Métis de Fort Chip et à la Première Nation crie Mikisew qui sont représentés ici. Pour répondre à cette demande, j’ai axé mon examen sur l’évaluation quantitative préliminaire des risques pour la santé humaine et l’évaluation des risques écologiques faites par Millennium EMS Solutions en 2017, que j’appellerai l’évaluation des risques, qui reposait sur la phase 3 de l’évaluation environnementale du site effectuée par EGE Engineering Services. Ces études faisaient référence à des études antérieures remontant à 1997, mais je n’y avais pas accès et je ne les ai pas passées en revue.
En bref, il y avait six sujets de préoccupation possibles concernant la contamination du sol, des sédiments et des eaux souterraines au gros quai. Cela n’est pas rare aux quais partout au Canada, mais ce qui est rare, c’est qu’il y a eu un manque de notification en 2014 lorsque le quai de Transports Canada a été classé comme un site contaminé de catégorie 2 selon le système national de classification des lieux contaminés. Cette désignation donne à penser que des mesures seront probablement nécessaires parce que ces lieux présentent un potentiel élevé d’effets nocifs hors site. L’absence de notification par Transports Canada aux trois nations semble être une défaillance des gouvernements fédéraux successifs en ce qui concerne la troisième étape du Plan d'action pour les sites contaminés fédéraux qui prévoit la notification et la participation des parties prenantes à proximité.
Les sources de contamination étaient attribuables à des activités comme le ravitaillement en carburant, l’entreposage de combustibles, des matériaux de construction et des déversements au fil des ans. La contamination a été détectée et n’a pas été complètement délimitée, une lacune de la phase 3 de l’ÉES de 2017 pour plusieurs catégories de produits chimiques, y compris les métaux, les hydrocarbures organiques volatils, les hydrocarbures aromatiques polycycliques et les hydrocarbures pétroliers. D’un point de vue toxicologique, plusieurs effets sur la santé peuvent découler de l’exposition à ces produits chimiques, notamment des cancers du tube digestif et des systèmes sanguin et lymphatique, des effets non carcinogènes sur le système neurologique et les reins et des éruptions cutanées.
Pour gagner du temps, j’aimerais d’abord expliquer pourquoi je n’ai pas pu répondre à la question que m’ont posée les trois nations. La principale inexactitude technique relevée dans mon examen de l’évaluation des risques effectuée par les consultants tiers, qui aurait limité son utilité dans la gestion des risques pour la santé et la détermination des objectifs d’assainissement — l’intention déclarée —, c’est que le consultant a classé à tort le site comme étant un lieu commercial, limitant ainsi l’évaluation de l’exposition humaine. C’est inexact étant donné que les membres de la collectivité utilisent le gros quai dans le cadre de leur mode de vie traditionnel.
Dans le tableau D des notes d’allocution fournies, on constate facilement que l’expert-conseil avait jugé inopérantes la majorité des voies d’exposition pour la santé humaine et qu’elles ont donc été exclues de l’évaluation des risques. Cela signifie que l’évaluation des risques n’avait pas évalué les risques liés à l’ingestion d’aliments et de produits médicinaux traditionnels ni produit de résultats à cet égard. Nous parlons ici d’une collectivité du Nord dont 91 % de la population est autochtone et dont la dépendance à l’égard de la terre et de l’eau pour les régimes alimentaires traditionnels est bien connue. L'expert-conseil n’a pas évalué les risques liés au contact avec des sols contaminés ou avec des sédiments contaminés ou l’eau de surface. Cette constatation est incompatible avec les communications récentes du bureau de la et une lettre reçue par la Première Nation des Chipewyans d'Athabasca qui affirme que les études menées antérieurement sur le site n’ont pas permis de cerner de risques pour la santé humaine ou l’environnement, et le ministère n’a aucune indication que ces circonstances ont changé.
Comme je l’ai montré ici, les voies d’exposition pour la santé humaine propres aux trois nations de Fort Chipewyan n’ont pas été évaluées et on ne connaît pas toute l’ampleur des risques pour les membres de la collectivité d’être exposés à la contamination au quai de Transports Canada par suite de l’ingestion d’aliments et de produits médicinaux et de l’exposition aux milieux contaminés. Fait intéressant — et cela n’est pas reflété dans les récentes communications de Transports Canada —, l’évaluation des risques avait prédit des risques pour la santé humaine si les eaux souterraines étaient consommées. C’est important, car l’évaluation des risques a prédit que l’exposition au benzène, au 2‑méthylnaphtalène et aux concentrations de HCP F2 dans les eaux souterraines pourrait présenter des risques si les gens en consommaient. Au terme de l’évaluation des risques, on recommandait d'effectuer des études de suivi pour documenter l’utilisation de puits domestiques qui étaient répertoriés dans les environs. Rien ne prouve que le gouvernement a donné suite à ces recommandations.
Cette situation est plus préoccupante et témoigne d'un manque de professionnalisme de la part du consultant lorsque l'on tient compte de l'effet potentiel de l'exposition au benzène qui peut causer le cancer des systèmes sanguin et osseux ainsi que des rapports les plus récents sur les cas de cancer dans la collectivité de Fort Chipewyan produits par le gouvernement de l'Alberta. Il convient de souligner que ces rapports n'ont pas été mis à jour depuis plus d'une dizaine d'années.
Comme le montre la figure 2 des notes d'allocution, l'expert-conseil n'a pas établi le niveau de base de la santé de la collectivité ni tenu compte des taux de cancer plus élevés que prévu à Fort Chipewyan que le gouvernement de l'Alberta consigne et déclare depuis 2009. Des nombres plus élevés de cas observés de cancers des voies biliaires, de cancers des systèmes sanguin et lymphatique, de cancer du poumon et de tous les types de cancers ont été confirmés de nouveau en 2014.
Mon temps est‑il écoulé?
Madame Olsgard, dans votre témoignage, vous avez fait état de problèmes assez alarmants par rapport à la façon dont l'évaluation a été menée à l'époque. Je suis certaine que mes collègues seront d'accord avec moi.
Pouvez-vous nous expliquer ce qui a été fait et comment cela aurait dû être fait? À votre avis, comment aurions-nous pu faire mieux, que ce soit par l'entremise de Transports Canada, qui a fait faire cette évaluation, ou du gouvernement?
J'essaie simplement de mieux comprendre, parce que l'évaluation semble comporter de nombreuses lacunes. En qualité d'experte et de professionnelle, selon vous, comment ces évaluations auraient-elles dû être effectuées par rapport à la manière dont elles l'ont été?
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Tout d'abord, il aurait fallu que les habitants de la région y participent. Ils savent quelle utilisation ils font du quai et connaissent les voies d'exposition. C'est à cela que je faisais allusion. Si les consultants ou le gouvernement avaient avisé la collectivité et l'avaient mobilisée, l'évaluation des risques aurait été fondamentalement différente.
Santé Canada publie des lignes directrices sur la façon d'évaluer les risques pour la santé au Canada. Dans ces lignes directrices, on précise qu'il faut mobiliser les collectivités autochtones, car leur utilisation des terres est différente de celle des autres Canadiens. Leurs modes de vie différents peuvent les exposer à des concentrations plus élevées de contamination. Il y est reconnu que les conditions socioéconomiques des collectivités autochtones sont différentes et inférieures à celles des autres Canadiens et que leur état de santé est différent. On peut lire tout cela dans les lignes directrices. Il y a aussi une ligne directrice supplémentaire sur l'évaluation des risques pour la santé humaine associés aux aliments et aux médicaments traditionnels. Toutes les directives s'y trouvent.
Dans la région des sables bitumineux du Nord de l'Alberta et un peu partout au Canada,mais plus précisément en Alberta, beaucoup de bureaux d'experts-conseils en évaluation du risque travaillent de concert avec des promoteurs de projets de développement ou pour eux. Il n'y a pas d'organisme de réglementation pour les professionnels de l'évaluation du risque. Nous exerçons tous au sein de différentes organisations professionnelles. Je suis biologiste professionnelle. Il y a l'APEGA, pour les ingénieurs. On ne choisit pas un parcours académique particulier pour devenir spécialiste de l'évaluation des risques. On le devient en fonction de qui nous a formé et comment.
En présence d'un système qui, je l'exprimerais ainsi, veut éliminer la responsabilité civile associée au risque pour économiser de l'argent et éviter de décontaminer, et que cela tient lieu de pratique exemplaire ou de norme d'industrie, on obtient des évaluations du risque comme celle‑ci, où une zone d'utilisation collective avec de nombreux contacts humains est désignée zone commerciale. Si une seule des personnes dans cette salle avait été consultée ou incitée à participer à l'évaluation, cela n'aurait pas été possible. La situation aurait été fondamentalement différente.
Je ne dis pas que l'évaluation aurait dû être réalisée par un consultant différent, mais si la directive avait été donnée de mobiliser la collectivité, l'expert-conseil n'aurait pas pu la réaliser tout seul. Je n'ai aucune idée des directives que Transports Canada a données à l'expert-conseil, mais encore une fois, je trouve choquant qu'un ministère fédéral n'ait pas compris l'utilisation faite du gros quai de Fort Chipewyan.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Votre présence à Ottawa aujourd'hui est essentielle pour que vous nous fassiez part de ce que vous avez vécu. Cela a dû être non seulement frustrant, mais extrêmement inquiétant. Si j'avais nagé dans des eaux contaminées ou si mes enfants avaient dû le faire, j'aurais certainement eu la même réaction.
Il a été mentionné que Transports Canada n'a pas informé vos organisations de la contamination du site, mais la municipalité de Wood Buffalo, elle, en a-t-elle été informée?
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Il doit s'agir d'une situation excessivement contrariante. Après avoir écouté vos déclarations préliminaires, je ne peux qu'imaginer ce que ce doit être que de connaître l'existence de cette contamination, de savoir vos communautés exposées quotidiennement, et ce, sans que le gouvernement, au courant depuis longtemps, ait jugé bon de vous en toucher mot. Je sais que le désinvestissement du quai fait l'objet de discussions depuis 2013, mais cette question n'a défrayé la manchette qu'au début d'octobre, je crois, au point où la , au début de son nouveau mandat à titre de ministre des Transports, s'est rendue dans la collectivité pour en discuter. Excusez-moi, je me trompe. Elle n'est pas allée dans la collectivité. Le ministre précédent s'était rendu dans la collectivité.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier tous d'être venus aujourd'hui.
Je vous entends. Vous vivez cette situation depuis près de trois décennies, et ce, sous de nombreux gouvernements qui sont très au fait de la situation. Tous les gouvernements étaient au courant et n'ont pas agi comme ils l'auraient dû pendant ces trois décennies, malheureusement.
J'ai été pendant 14 ans maire d'une collectivité qui a connu un problème semblable. Vous avez peut-être entendu parler de la contamination d'Inco à Niagara, qui a touché notre collectivité. Lorsqu'on m'a demandé, quand j'étais jeune maire, ce que j'allais faire à ce sujet, j'ai répondu que nous allions y mettre les efforts nécessaires et régler le problème. Comme maire à l'époque et comme député à présent, je suggère simplement la même chose. Je propose que nous nous mettions au travail, que nous déployions les efforts nécessaires et que nous réglions le problème, un point c'est tout.
Le processus que nous avions enclenché à l'époque ne se limitait pas à une évaluation des risques propres au site ou à une EE. Une EE est essentiellement une leçon d'histoire, alors nous avons effectué une évaluation plus détaillée des risques propres au site, mais la zone de panache était tellement vaste et il y avait si peu de connaissances scientifiques sur les CFC reconnus que nous avons fait une évaluation des risques axée sur la collectivité. Cela pourrait se faire dans votre collectivité, car ce type d'évaluation tient compte de tout. Elle tient compte de la santé humaine, elle tient compte de la phytotoxicologie. Elle englobe tout, des plantes à l'eau en passant par tous les éléments susceptibles d'être touchés par des CFC reconnus. Ensuite, elle établit des données scientifiques sur les contaminants reconnus comme préoccupants et, au‑delà de cela, en fonction de l'usage que l'on veut faire des terres dans une collectivité et en fonction de l'aménagement planifié, elle tient compte de la concentration mesurée en PPM, en parties par million, établie scientifiquement. Bien sûr, la restauration du site suivrait.
L'élément le plus important de tout ce processus est qu'il était mené en collaboration. Il mobilisait la collectivité. Il y avait des scientifiques et des consultants, qui avaient été embauchés pour nous appuyer. Il y en avait deux ou trois — un pour faire le travail et les autres pour réaliser l'examen par les pairs. Je trouve cet aspect également important.
Kendrick, vous et moi en avons discuté plus tôt de notre engagement. Soyez assurés que vous avez l'engagement de ce gouvernement et de Transports Canada.
Ma question s'adresse à Mme Olsgard.
Madame Olsgard, en ce qui concerne les prochaines étapes et la mise en place d'une évaluation des risques davantage axée sur la collectivité, selon votre expérience, couvrirait-elle une bonne partie des préoccupations dont nous avons parlé de façon plus structurée?
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Oui. C'est la réponse simple.
D'autres collègues et moi-même avons appuyé la PNAC et la MCFN, qui sont ici aujourd'hui, dans le cadre d'un programme de recherche pluriannuel, qui a permis d'élaborer des lignes directrices sur la qualité des eaux de surface et des sédiments à l'intention des Autochtones, des lignes directrices qui tiennent compte de l'utilisation traditionnelle des terres, de l'utilisation de plantes médicinales et de la consommation d'eau provenant de n'importe quel plan d'eau dans la région d'Athabasca. Dans le cadre de mon travail avec la nation métisse de Fort Chipewyan, nous élaborons des méthodes intégrées d'évaluation des risques pour l'environnement et pour la santé humaine et nous établissons des lignes directrices pour les aliments médicinaux.
Ensemble, ces trois communautés sont très avancées dans leur façon d'intégrer la science à leurs connaissances et ont fait avancer la science dans la région grâce à des interactions avec des consultants comme moi, ainsi qu'avec les gouvernements et l'industrie. C'est pourquoi j'ai dit trouver choquant qu'une telle évaluation des risques ait pu avoir lieu dans la région. Elles ne seront plus utiles à l'avenir. Nous disposons de méthodes bien établies, nous savons comment effectuer de la recherche collaborative et communautaire dirigée par les collectivités.
J'ai été un peu surprise par la lettre du ministre qui disait qu'on avait déjà engagé un consultant. Quelques lignes plus loin, on lit que leur choix s'est arrêté sur un des consultants du bassin de consultants du gouvernement. L'évaluation pourrait encore être réalisée en collaboration, s'il y avait des scientifiques ayant déjà travaillé avec les collectivités autochtones et connaissant la façon d'intégrer le savoir traditionnel aux méthodes scientifiques occidentales, mais le manque de détails à ce sujet me semble... intéressant, étant donné la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président.
Vous avez mentionné tout à l'heure qu'une lettre a fini par vous être envoyée du bureau de la , ce matin.
Évidemment, il est un peu étrange que cette lettre arrive aujourd'hui, le jour de notre rencontre. De plus, vous ne l'avez pas tous obtenue de la même façon. Vous ne l'avez pas tous reçue directement.
Les membres de ce comité n'ont pas reçu la lettre. Étant donné que nous ne l'avons pas en main, c'est un peu difficile pour nous de la commenter ou de vous interroger sur son contenu.
Vous serait-il possible de nous en fournir une copie avant que la vienne témoigner devant le Comité? Ainsi, nous pourrions l'interroger, ce jeudi.
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En 2020, l'Impériale a eu un déversement d'hydrocarbures. Nous avons alors signalé le problème de contamination de l'eau. En 2022, un feu de forêt a forcé l'évacuation des résidents de notre collectivité à bord de bateaux et d'avions. Nous avons eu beaucoup de difficulté à évacuer les gens par bateaux. Nous savions déjà que c'était un problème et que si jamais cela se produisait à nouveau, nous allions avoir un sérieux problème.
Durant l'incendie de 2023 à Fort McMurray et dans les environs, comme le barrage du site C remplissait son étang pour la production d'hydroélectricité, l'eau a été drainée jusque dans la localité de Fort Chip. Nous avons sonné l'alarme et dit que si jamais une nouvelle évacuation était nécessaire, nos résidents seraient incapables d'évacuer rapidement à une distance sécuritaire. Nous avons signalé le problème du grand quai. Nous avons dit que si Transports Canada ne bougeait pas, nous allions faire le dragage nous‑mêmes. C'est à ce moment‑là qu'on nous a dit que si nous faisions cela, nous serions emprisonnés.
Par la suite, Transports Canada nous a dit d'aller de l'avant avec le dragage. Après avoir obtenu l'autorisation de procéder, nous avons retenu les services d'un entrepreneur. C'est à ce moment‑là que nous avons constaté que toutes les études avaient déjà été réalisées et que l'entrepreneur nous a annoncé qu'il ne pouvait faire les travaux parce qu'il y avait trop de contaminants.
Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour vos témoignages. Sachez que nos pensées et nos prières vous accompagnent. J'espère surtout que des mesures seront prises pour éviter d'autres décès inutiles attribuables au cancer ou à d'autres maladies parmi les membres de vos Premières Nations.
Je vais d'abord m'adresser à Mme Olsgard.
Je crois comprendre, d'après les propos du chef Adam, que nous n'essayons pas de rejeter le blâme sur qui que ce soit, mais plutôt d'apporter des changements. Je veux faire la chronologie des événements afin que nous puissions changer les choses.
Madame Olsgard, vous avez dit que l'évaluation environnementale comporte une obligation — si le mot est trop fort, veuillez me corriger — d'aviser les gens. Vous auriez dû l'être en 2017 ou avant.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nos témoins.
Je sympathise sincèrement avec vous et je comprends vos frustrations à ce sujet. D'après votre témoignage, chef Adam, il est évident que ce problème perdure depuis longtemps. Je vous remercie vraiment d'avoir dit, dans notre déclaration préliminaire, que vous ne cherchiez pas à pointer personne du doigt. C'est ce que les gouvernements successifs n'ont cessé de faire, mais vous êtes ici aujourd'hui pour trouver une solution au problème. C'est ce que nous voulons aussi.
Compte tenu du refus de Transports Canada de draguer la zone du quai, comme vous l'avez expliqué, et de la suggestion que vous avez ensuite faite — vous vouliez faire les travaux vous‑mêmes, mais vous n'avez pas pu —, je veux simplement vous demander si vous avez des recommandations ou des suggestions que le Comité pourrait ensuite présenter.
J'invite n'importe lequel d'entre vous à répondre.
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Je suis content que vous parliez de recommandations, car nous en avons quelques‑unes à vous faire.
Ce que nous recommandons à Transports Canada, c'est de nous transmettre toutes les études et tous les rapports qu'il ne nous a jamais fournis portant sur le grand quai. S'il y en a d'autres, qu'il nous les envoie.
Venez dans notre communauté présenter vos excuses à nos concitoyens pour ce qui s'est passé au fil des années.
Établissez un plan d'assainissement de la zone du quai qui est contaminée. Ce plan doit tenir compte de la récente étude environnementale menée par les trois nations de Fort Chipewyan qui ont appliqué des critères autochtones en matière d'évaluation des risques pour la santé humaine et l'environnement. Les tests doivent être réalisés sur la totalité de la rive se trouvant à l'intérieur et autour de la zone du grand quai. Cela veut dire qu'ils doivent être réalisés non seulement dans la zone du grand quai, mais aussi l'extérieur, durant l'évaluation des risques environnementaux.
L'étendue de la contamination n'a jamais été délimitée dans le cadre de l'étude menée en 2017. Le rapport indiquait qu'il s'agissait d'un quai utilisé uniquement à des fins commerciales. Il n'a jamais été mentionné qu'il servait à des fins récréatives ou communautaires, mais seulement que Transports Canada l'utilisait à des fins commerciales. Nous voulons savoir si une étude sur la santé a été faite, parce que nos enfants ont continué à jouer autour du quai. Le rapport dit que si les sédiments commencent à se mélanger, c'est encore plus nocif pour la santé humaine que s'ils restent au fond.
Réaménagez et réparez le grand quai pour qu'il soit adapté à des activités récréatives et commerciales et qu'il puisse servir de passage en cas d'évacuation d'urgence. Cela veut dire que nous devons pouvoir, en cas d'urgence, accéder à la localité et en sortir en toute sécurité. De plus, le quai doit pouvoir être utilisé à des fins récréatives afin que nos enfants puissent nager dans cette zone. On ne peut pas demander à tout le monde de surveiller les enfants.
Analysez immédiatement tous les puits d'eau potable se trouvant dans la zone contaminée signalée dans le rapport de 2017 et qui risquent d'être contaminés.
Installez des panneaux sur le terrain de Transports Canada pour informer les résidents du risque lié à la baignade, à la pêche et à la récolte. Pourquoi avons‑nous été obligés, en tant que collectivité, de prendre l'initiative d'installer des affiches pour informer Transports Canada que cette eau était contaminée? C'est vous qui auriez dû le faire.
Draguez le port et le chenal du lac Athabasca afin qu'ils soient en bon état et sécuritaires pour la circulation maritime. Si jamais nous devons les utiliser pour évacuer les résidents d'urgence, nous pourrons ainsi le faire.
Présentez un plan d'évacuation et planifiez l'aménagement d'un quai temporaire pendant la durée des travaux de remise en état. Nous avons besoin d'un quai durant les travaux du quai actuel.
Remboursez toutes les dépenses engagées par les collectivités pour mener leurs propres études environnementales sur le grand quai à la suite de leur examen du rapport de 2017.
Lancez une enquête interne pour savoir pourquoi les responsables n'ont pas informé les résidents de l'existence d'un site contaminé en plein cœur de leur collectivité, dès qu'ils ont été mis au courant du problème. Transmettez aux résidents de Fort Chipewyan les conclusions de cette enquête, avec un engagement à faire en sorte qu'une telle inaction ne se reproduise jamais, ainsi que la liste des mesures disciplinaires prises contre les responsables. Aucune n'a encore été prise.
Donnez suite à toutes les recommandations de l'étude de 2017.
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Merci, monsieur le président.
Je sympathise avec vous et je vous remercie de tous les commentaires dont vous nous avez fait part aujourd'hui.
Quand cela affecte nos enfants, nos familles, cela nous touche personnellement. Je pense que ce n'est pas une question partisane. Il s'agit plutôt de trouver les solutions pour régler ce dossier.
Mme Goodridge a mentionné certaines dates importantes. Elle a surtout parlé des rapports de 2017 et de 2024.
J'aimerais que vous nous parliez d'une année qui a été très importante dans tout ce processus, soit l'année 2013, alors qu'on a constaté la contamination. Étiez-vous au courant? Auriez-vous pu entrer en contact avec le gouvernement canadien en 2013, précisément, lorsqu'on a constaté que l'environnement autour du quai était contaminé?
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Merci, monsieur le président.
Je veux d'abord vous dire que je vais transmettre à la greffière tous les documents que vous m'avez remis tantôt, afin que tous les membres du Comité puissent les consulter avant la prochaine réunion.
Madame Olsgard, les Premières Nations veulent utiliser ce qui est là, mais elles veulent aussi que ce soit décontaminé. D'ailleurs, le chef Adam aurait pu être incarcéré pour avoir exprimé la volonté de procéder au dragage.
Selon votre expertise de toxicologue, est-il possible de procéder au dragage tout en se protégeant contre l'exposition à des matières toxiques ou à la contamination? Est-il possible de procéder au dragage et à la décontamination en même temps?
J'ai tendance à croire que oui, mais je ne suis pas un spécialiste en la matière.
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Je ne m'occupe pas de l'assainissement, mais j'élabore des objectifs à cet égard. En Colombie-Britannique, à Vancouver, le port est dragué presque chaque année. Lorsqu'on entreprend des activités de dragage, il y aura une remise en suspension des sédiments et un risque accru pendant les activités d'assainissement, et des panneaux seront installés. Cela fait partie du processus.
Dans ce cas‑ci, une évaluation des risques a été effectuée pour éclairer les options d'assainissement. Sur la base de l'évaluation des risques, on a décidé qu'aucune mesure corrective n'était nécessaire. Nous avons beaucoup discuté aujourd'hui de la raison pour laquelle cela s'est produit, et c'est parce que les voies d'exposition humaines n'ont pas été prises en compte.
La première chose qu'il faudrait faire quant au grand quai, c'est d'identifier la source de la contamination des sédiments. Il est en aval d'un gisement naturel de sables bitumineux. Il se trouve en aval de l'un des plus grands chantiers pétroliers, dont les effluents se déversent dans la rivière, et il y a une contamination locale à partir du quai. Il faudrait caractériser et identifier quelles sont les sources, puis choisir la meilleure façon d'assainir l'environnement, étant donné qu'il y aura une source continue qui proviendra des sables bitumineux naturels et de l'exploitation des sables bitumineux. Il pourrait s'agir d'une situation où on doit appliquer des mesures correctives de façon uniforme ou mettre en place des mesures d'atténuation pour traiter les eaux et les sédiments qui arrivent du cours inférieur de la rivière Athabasca.
Je suis désolé; je n'essaie pas de contredire les dirigeants, mais il s'agit d'une situation complexe où des facteurs naturels et anthropiques contaminent les sédiments. Le sol et les eaux souterraines sont locaux et faciles à assainir. Les sédiments dans le lac sont une question différente qui nécessitera une évaluation environnementale très rigoureuse du site, une planification des options d'assainissement et un plan d'assainissement pour protéger tous ceux qui utilisent le lac et la plage.
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Merci beaucoup, monsieur Bachrach.
Chers collègues, je tiens à remercier brièvement nos témoins.
Président Cardinal, chef Adam, conseillère Tuccaro et chef de l'exploitation Courtoreille, je tiens à vous remercier infiniment du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui et de votre témoignage très important sur ce qui constitue une étude très importante pour notre Comité.
Bien sûr, madame Olsgard, je vous remercie de vous être jointe à nous virtuellement et d'avoir mis votre expertise au service de cette étude. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Je vous souhaite un merveilleux séjour à Ottawa. Pour ceux d'entre vous qui rentrent à la maison, je vous souhaite un bon retour.
La séance est levée.