FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 10 mai 2001
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je vous souhaite à tous la bienvenue ce matin.
Il s'agit ici de l'une des nombreuses tables rondes que va organiser le comité des finances sur différentes questions, mais elle promet d'être intéressante puisque nous allons nous pencher sur l'état actuel de l'économie canadienne et sur son avenir.
J'en profite pour souhaiter la bienvenue au professeur Herbert Grubel, professeur d'économie à l'université Simon Fraser; au professeur Thomas A. Wilson, directeur, Institut pour l'analyse des politiques et de l'économie, Université de Toronto; à M. Thomas J. Courchene, économiste, Département des sciences politiques, université Queen's; à M. Mario Fortin, professeur d'économie à l'Université de Sherbrooke; enfin, à M. David Robinson, directeur des Politiques publiques et des communications de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université.
Vous êtes nombreux à avoir déjà comparu devant notre comité, de sorte que vous connaissez son fonctionnement. Vous allez nous présenter chacun un exposé. Nous entendrons d'abord les témoins et nous passerons ensuite aux questions.
Nous allons commencer par M. Courchene. Soyez le bienvenu.
Oui, monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Vous avez oublié de faire mention du fait que M. Grubel a déjà été député à la Chambre des communes, qu'il a participé aux travaux du Comité des finances pendant quatre ans, comme économiste, et qu'il a fait un travail admirable dans son genre, bien sûr, parce qu'il est loin d'être socialiste. Il n'est pas du centre non plus. On n'a pas toujours été d'accord, mais il a fait un bon travail ici, au Comité des finances. C'est donc un habitué du Comité des finances.
[Traduction]
Le président: J'allais le présenter plus longuement par la suite mais je vous remercie, monsieur Loubier. J'apprécie votre attention.
Monsieur Courchene.
M. Thomas J. Courchene (témoignage à titre personnel): Excusez-moi, puis-je demander au comité quelle doit être la longueur approximative de mon exposé?
Le président: Entre sept et dix minutes, ce serait parfait.
M. Thomas Courchene: Très bien. Je vous remercie.
C'est pour moi un privilège et un grand plaisir de comparaître devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Je veux pour commencer féliciter le comité permanent de la qualité de son travail.
En faisant mes recherches en vue de la rédaction de mon dernier livre, j'ai eu l'occasion de consulter l'exposé économique publié par Paul Martin en 1999, puis son budget de février 2000. Ce qui m'a immédiatement frappé, c'est l'évolution rapide en faveur de véritables réductions d'impôts entre l'exposé économique et le budget officiel. L'un des grands catalyseurs pour ce qui est de la rapidité de cette évolution et des changements de fond qui ont été apportés a été bien entendu le rapport publié en décembre 1999 par votre comité permanent, Budget 2000: une nouvelle ère... un nouveau plan.
Toutes mes félicitations, par conséquent, et nous nous attendons à d'autres contributions de la part de votre comité. Je n'ai pas l'habitude de distribuer des lauriers aux décideurs, tout particulièrement aux responsables des politiques fédérales, mais il me faut cependant accorder un autre satisfecit.
J'ai récemment participé à une conférence du G-7 qui s'est penchée sur la dette, les déficits et les obligations de retraite non financées des pays du G-7. En ce qui a trait aux déficits et aux obligations de retraite non financées, le Canada a fait de remarquables progrès par rapport aux autres pays du G-7. Certes, les Américains peuvent en dire autant pour les déficits, mais leurs progrès s'expliquent en grande partie par le dividende dû à la paix et non pas par des compressions du type de celles qu'a effectuées chez nous le ministère des Finances.
Nous restons à la traîne des pays du G-7 pour ce qui est de la dette, mais il n'en reste pas moins que le rapport de notre endettement par rapport au PNB a baissé de 12,3 points en pourcentage du PNB sur les cinq dernières années. C'est la plus forte baisse de tous les pays du G-7.
• 0915
Enfin, le Canada a de nouveau un régime fiscal équilibré grâce
aux augmentations de dépenses et aux réductions d'impôts
significatives et venant particulièrement à point qui ont été
annoncées au début de l'année, juste au moment où l'économie
ralentissait. Votre comité doit donc là encore être félicité sur
tous les plans.
Laissez-moi préciser qu'il reste un certain nombre de défis à relever. On m'a demandé d'évoquer les difficultés à long terme qui attendent Finances Canada et notre pays. Je commencerai par exposer de manière générale ce que doit ou ce que devrait signifier le fait d'être un Canadien au XXIe siècle.
Tout d'abord, en ce qui a trait à l'avenir du capital humain au Canada, je traite en priorité, dans mon ouvrage intitulé A State of Minds: Toward a Human Capital Future for Canadians, des implications de la mondialisation et de l'information des citoyens sur les marchés, les gouvernements et, en fin de compte, la politique canadienne. Étant donné que les impératifs de la compétitivité économique et de la cohésion sociale restent de la plus grande importance, j'en suis venu à élaborer l'exposé de mission suivant pour le Canada du XXIe siècle.
Personne ne va le mettre en musique mais néanmoins je considère qu'il présente un certain intérêt. Il vise à mettre en place une infrastructure durable, favorisant la cohésion sociale, et compétitive sur le plan international, de manière à garantir l'égalité des chances à tous les Canadiens et à les mettre sur le même pied afin de développer, d'améliorer et d'employer toutes les compétences et le capital humain du Canada et permettre à chacun de devenir un citoyen à part entière dans cette ère de l'information au Canada et dans le monde.
Sur le plan économique, il faut, à mon avis, nous assurer que nos taux d'imposition marginale sur les facteurs mobiles soient compétitifs par rapport à ceux du sud de la frontière. Cela doit nous permettre de retenir notre capital humain.
Nous avons fait quelques progrès importants dans ce sens dans le budget de l'an 2000, et d'autres encore dans l'énoncé économique de l'an 2000, mais il reste encore beaucoup de choses à faire, surtout lorsqu'on sait que George Bush vient de mettre en place de nouvelles réductions d'impôts aux États-Unis.
Sur le plan de la cohésion sociale, il s'agit d'améliorer les compétences et le capital humain au bas de l'échelle. Les politiques que je recommande sont l'adoption d'une déclaration des droits de nos enfants en matière de capital humain et une réorganisation complète de l'administration pour faire en sorte que notre politique privilégie les besoins et les aspirations de nos citoyens en matière de capital humain.
Il importe de signaler dans le cadre de ces audiences et compte tenu de ce que vont vraisemblablement dire mes collègues, que je mets la priorité sur les réductions d'impôts s'appliquant aux facteurs mobiles et sur certaines politiques de dépenses en faveur du capital humain pour égaliser les chances pour ce qui est de la formation du capital humain et le pouvoir d'utiliser l'information. En ce qui me concerne, ces priorités passent avant les objectifs de réduction de la dette, par exemple. Ainsi, la politique actuelle du ministère des Finances en ce qui a trait à la réduction de la dette, à savoir, son plan accéléré de réduction de la dette, me convient parfaitement. Je considère qu'il est suffisant de faire baisser le ratio d'endettement par rapport au PNB comme on le fait actuellement. Je sais que d'autres ne seront pas du même avis.
Le deuxième point que je veux aborder, et qui nous mène à plus long terme, c'est le fait que la fédération canadienne va subir des contraintes financières verticales et horizontales. Sur le plan vertical, il suffit d'une petite récession pour que les provinces se retrouvent dans un marasme financier. Sur le plan horizontal, la région des Maritimes fait des pressions pour obtenir plus de péréquation. L'Alberta, par contre, se complaît dans son rôle de paradis fiscal et, si l'on en juge par son dernier budget, dépense énormément.
Nous avons donc des tensions horizontales et des tensions verticales et je mettrai l'accent sur un point en particulier. À mon avis, les réductions d'impôts apportées par Ottawa dans son budget de l'an 2000 s'insèrent dans une politique sociale et non pas dans un objectif d'amélioration de la compétitivité. La plupart des réductions d'impôts ont été accordées aux contribuables à revenus faibles ou moyens. C'est peut-être une excellente politique sociale, mais cela ne fait rien pour améliorer notre compétitivité au plan international.
Certes, il faut reconnaître que l'on est allé plus loin dans l'énoncé d'octobre et que l'on s'est effectivement efforcé de réduire les taux d'impôts élevés sur les facteurs mobiles. Il n'en reste pas moins que le message implicite d'Ottawa envers les provinces est le suivant. Si vous voulez que les taux d'imposition globale des personnes physiques et des entreprises soient plus compétitifs vis-à-vis de ceux des États-Unis, il faut alors diminuer vos taux d'imposition. C'est ce qu'a fait l'Ontario pour les entreprises, et l'Alberta a suivi. Pour ce qui est de l'imposition des personnes physiques, l'Alberta y est parvenue en ramenant son taux d'imposition unique à 10,5 p. 100, et aucune autre province n'a pu la suivre dans cette voie.
Ce n'est pas la bonne politique de la part d'Ottawa. Ottawa abandonne son rôle de chef de file s'il ne prend pas la responsabilité de s'assurer que des taux d'imposition compétitifs vont être appliqués par les provinces sur les facteurs mobiles. Si Ottawa n'intervient pas résolument en la matière, la fuite des cerveaux va s'accélérer, que ce soit d'une province à l'autre ou du nord au sud. J'aurais d'autres choses à dire à ce sujet, mais je laisserai la question de côté pour l'instant.
• 0920
La troisième caractéristique, et cela nous plonge dans un
avenir encore plus lointain, c'est le fait que de plus en plus les
principaux moteurs de l'économie du XXIe siècle vont être les
grandes villes-régions du monde. Ces villes-régions se présentent
désormais comme des plates-formes dynamiques, comme les centres
créateurs du capital humain et de la recherche et comme les noyaux
concurrentiels essentiels du réseau d'activité économique à
l'échelle du monde. Elles sont aussi en première ligne lorsqu'il
s'agit de mettre en application nombre de politiques du
gouvernement fédéral. Plus précisément, Montréal, Toronto et
Vancouver se retrouvent en concurrence directe avec les grandes
villes-régions des États-Unis. Toutefois, contrairement à ces
villes-régions des États-Unis qui ont directement accès à
Washington et à ses crédits d'infrastructure, les villes
canadiennes sont entravées par la Constitution, ce sont des
créatures des provinces qui ne peuvent transiger directement avec
Ottawa. La solution qui s'impose ici, c'est que les provinces
fournissent à ces villes les crédits d'infrastructure nécessaires
ou leur cèdent des pouvoirs d'imposition plus grands. Toutefois,
dans l'un ou l'autre cas, ces villes vont devoir collaborer entre
elles, négocier avec Ottawa et faire pression pour obtenir
directement accès aux crédits d'infrastructure et autres.
Toutefois, il est peut-être déjà trop tard, étant donné que la municipalité de Toronto a récemment fait sienne la notion d'une ville à charte, avec toutes les demandes de pouvoirs, de souplesse de financement et de représentation au sein des forums existants, tels que les comités fédéraux-provinciaux, que cela suppose. Ces modèles sont probablement les villes-provinces de l'Allemagne, comme Hambourg, Brême ou Berlin. Il n'en reste pas moins que même si cette question concerne au départ les provinces, il ne faudra pas longtemps pour qu'elle remonte jusqu'à Ottawa et le ministère des Finances.
Cela nous renvoie à l'énoncé de mission sur le capital humain présenté antérieurement, étant donné que c'est dans ces villes que réside la majorité du capital humain. Le savoir étant à la fine pointe de la compétitivité, on comprend vite que le comité permanent des finances devra à un moment donné s'atteler à la question, à savoir s'assurer que les grandes villes-régions du Canada sont concurrentielles sur le plan international. C'est donc un domaine que je vous demande d'étudier d'un peu plus près.
Le quatrième point—et c'est une vieille antienne en ce qui me concerne, de même que pour Herb Grubel, je pense—concerne l'union monétaire de l'Amérique du Nord. Je ne ferai que deux commentaires à ce sujet. Tout d'abord, on peut s'étonner que Don Drummond, de la Banque TD qui, j'en suis sûr, doit être un habitué de ces lieux, ainsi que le gouverneur David Dodge, ont murmuré tout haut que dans un avenir pas très lointain on en viendrait peut-être à utiliser le dollar des États-Unis. C'est justement pour cette raison que nous avons décidé, avec Rick Harris, de rédiger notre étude sur l'union monétaire nord-américaine, parce que nous considérons qu'une monnaie nord-américaine calquée sur l'euro serait une bien meilleure solution étant donné qu'elle permettrait de maintenir nos politiques et nos institutions, notamment l'existence de la Banque du Canada, ce qui serait très supérieur au simple fait d'emprunter le dollar des États-Unis.
On nous a répondu, à mon avis, de manière assez cavalière et irresponsable, en nous disant que les Américains ne serait jamais d'accord sur le principe d'une union monétaire nord-américaine. Pourtant, où en serions-nous si le Canada s'était contenté de dire que les Américains n'accepteraient jamais de signer un accord de libre-échange nord-américain ou un accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis? Je considère pour ma part que les Américains vont être d'accord, ne serait-ce que parce qu'en janvier, lorsque l'euro va entrer en service, il va commencer à se substituer au dollar des États-Unis dans l'est de l'Europe, en Russie et même dans certaines régions de l'Amérique du Sud. Toutefois, l'essentiel n'est pas là. L'essentiel, c'est que les convictions d'un chercheur ne doivent pas influer sur le type de recherche qu'il mène.
Je me souviens d'avoir assisté à une conférence à Washington, D.C., sur l'intégration monétaire, au cours de laquelle on nous avait répartis en plusieurs groupes et où on nous avait demandé de répondre à la question suivante: «Nous avons désormais une union monétaire nord-américaine. Comment en est-on arrivé là? Refaites le cheminement.» Je ne vous redonnerai pas tous les détails mais, en substance, on a considéré qu'après une utilisation croissante du dollar, la réserve fédérale s'est inquiétée car il y avait tellement de facteurs externes et de besoins de coordination politique et économique à l'extérieur, qu'elle s'est mise à tenir des réunions officieuses avec les différents pays. Ce mécanisme officieux a fini par devenir officiel et l'on en est arrivé à une certaine forme d'union monétaire nord-américaine.
Je considère ici que nous avons amplement la possibilité de nous intéresser à cette question. Quels sont les problèmes d'infrastructure qui peuvent se révéler importants si nous voulons être prêts? Quelle est la nature des problèmes du prêteur en dernier recours? Votre comité n'a pas à se prononcer pour savoir si ce sont de bonnes ou de mauvaises idées, il devra se contenter d'essayer de comprendre en quoi consiste la chose. Dans le cadre de cette opération, il y a des quantités d'Européens qui sont très familiarisés avec les infrastructures et il conviendrait de les inviter ici.
Enfin, dans notre boule de cristal, nous avons cherché à examiner les relations entre Ottawa et la fédération canadienne. Dans la conclusion de mon ouvrage, A State of Minds, je me suis efforcé de dégager l'idée selon laquelle il se passe quelque chose d'étrange au Canada étant donné que ce qui paie électoralement, ce que l'on peut faire miroiter aux citoyens, ce ne sont plus les vieux chevaux de bataille d'Ottawa—les ressources naturelles, les mégaprojets et tout ce nationalisme dont on nous rebattait les oreilles. On parle davantage de capital humain, de droits à l'information, de politiques sociales, etc. Ottawa voudra d'ailleurs avoir son mot à dire étant donné que le XXIe siècle sera le siècle de la compétitivité. C'est ce qui détermine la cohésion sociale ainsi que le progrès des individus et des nations. Toutefois, dans une large mesure, ces questions relèvent des compétences provinciales.
• 0925
Il n'y a aucun moyen d'éviter ici un conflit fédéral-provincial. Si
l'entente cadre sur l'union sociale n'existait pas,
il faudrait l'inventer pour nous faciliter ici les choses. Je ne
suis pas sûr, toutefois, qu'il faille que votre comité intervienne
pour déterminer qui doit faire quoi. Je suis convaincu, cependant,
qu'outre l'évolution de la politique électorale et l'émergence du
capital humain, l'ensemble de la révolution informatique a
considérablement réduit les coûts de transactions et de
coordination et donc totalement modifié la nature de l'organisation
du secteur privé. De toute évidence, il faut que cela s'applique
aussi à la fonction publique.
Nous allons donc aborder un nouveau modèle de partenariat s'appliquant au gouvernement. Il va s'associer à de nombreuses institutions civiles et privées pour dispenser des services, et il n'est pas sûr d'ailleurs qu'il soit bon qu'Ottawa intervienne dans la fourniture de ces différents services. Alors que les spécialistes des communications électroniques occupent le devant de la scène—c'est la nouvelle mode—qu'il s'agisse de dispenser ou de coordonner des services ou encore d'entrer en contact avec la société par des moyens électroniques, nous devons repenser tout le rôle du gouvernement en tant que dispensateur de services à l'intérieur du système. Votre comité et le ministère des Finances sont les organismes clés du gouvernement en matière budgétaire et évidemment d'élaboration des politiques. Je pense qu'il serait bon que vous preniez l'initiative pour faire évoluer l'organisation du gouvernement et, par conséquent, les institutions de notre fédération.
Il est probable que j'ai pris un peu trop de temps. Voilà ce que devrait faire à mon avis votre comité en vue, disons, de l'an 2010.
Le président: Je vous remercie, professeur Courchene.
Nous allons maintenant donner la parole à un ancien membre de notre comité des finances, le professeur Grubel.
M. Herbert Grubel (professeur émérite, Département d'économie, université Simon Fraser): Monsieur le président, en entrant dans ces lieux, j'ai pu immédiatement constater que l'atmosphère était bien différente aujourd'hui de ce qu'elle était en 1993 lorsque je me suis assis pour la première fois ici. À l'époque, c'était pratiquement une atmosphère de panique—de grande inquiétude, pour le moins—et l'on craignait que notre pays fasse faillite. Nous venions d'enregistrer des déficits d'une ampleur sans précédent. Tous les principaux partis nous disaient que ce n'était pas grave, que nous réussirions à surmonter notre dette. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de me porter candidat, parce que j'estimais que ce genre de comportement ne nous permettrait pas de régler un problème qui me paraissait très grave.
Aujourd'hui, bien entendu, nous sommes dans une situation bien plus favorable. Nous n'avons qu'à discuter de ce que nous allons faire de l'excédent budgétaire. C'est à bien des égards bien plus facile que ce qu'il nous a fallu faire en 1993, 1994 et 1995. Je félicite le ministre des Finances et le premier ministre, qui lui a donné carte blanche pour prendre toutes les décisions politiques difficiles qui étaient indispensables pour nous ramener dans le droit chemin.
Dans cette optique, je commence par citer dans mon mémoire un certain d'économistes canadiens éminents qui, ces derniers temps, ont exposé dans différentes publications et dans leurs discours des programmes de changement nous exposant ce qu'il nous faut faire à l'avenir. Étant donné qu'il se trouve que je suis d'accord avec chacun d'entre eux, je vais me contenter ici d'exposer dans les grandes lignes ce que le Canada doit faire à mon avis. Je vais aborder trois sujets: tout d'abord, le remboursement de la dette; en second lieu, la nécessité de s'opposer aux augmentations des dépenses; enfin, le besoin de procéder à des réformes fiscales importantes.
On a déjà beaucoup discuté au sein de votre comité et ailleurs de la nécessité de rembourser la dette. Vous en entendrez sans doute encore parler au cours de la séance d'aujourd'hui. Les arguments en faveur du remboursement de la dette sont très simples. Il est injuste de léguer aux générations futures un fardeau fiscal élevé pour le service de la dette, particulièrement étant donné que la génération issue de la poussée démographique, qui l'a contractée et l'a flambée en consommation, quittera bientôt la vie active et prendra sa retraite.
• 0930
Les frais très élevés du service de la dette par capita
auxquels les travailleurs canadiens feront face dans quelques
années nécessiteront des impôts plus élevés, accroissant ainsi les
facteurs de dissuasion à travailler, économiser, investir et
prendre des risques, éléments essentiels à une meilleure
performance économique.
Je passe maintenant à un deuxième point. La documentation sur l'économie renferme des preuves solides que la croissance économique est une fonction du niveau d'imposition—j'insiste sur le niveau d'imposition—lequel, à plus long terme, doit égaler les dépenses. Dans l'une des études que j'ai publiées, je présente les preuves empiriques à l'appui de cette théorie. En commençant à des niveaux d'imposition réduits en tant que pourcentage du revenu national, dans l'histoire du Canada, les augmentations de l'imposition étaient liées à des taux plus élevés de croissance économique, étant donné que les augmentations des dépenses plus élevées correspondantes augmentent l'efficience de l'économie. Cependant, au-delà d'un certain niveau optimal, les dépenses gouvernementales plus élevées réduisent la croissance et l'efficacité en raison des distorsions occasionnées par les impôts nécessaires et même par une partie des dépenses.
Mon étude démontre que le niveau optimal des dépenses est atteint à environ 33 p. 100 du revenu national. Je dois également signaler que des impôts et des dépenses moins élevés offrent l'avantage supplémentaire d'accroître la liberté de choix et l'autonomie des Canadiens, ce qui, à mon avis, représente des avantages importants en plus d'une croissance économique plus marquée.
Nous dépassons encore ce niveau optimal d'une certaine somme, bien que je félicite plus particulièrement le gouvernement fédéral de s'être orienté, au cours des dernières années, vers ce niveau optimal grâce aux augmentations lentes des dépenses de programmes et la création d'un environnement propice à la croissance économique élevée, ce qui constitue une initiative historique.
De nombreux observateurs, y compris moi-même, s'inquiètent de la fin prochaine des restrictions des dépenses. À l'avenir, ces dépenses ne seront pas motivées par la nécessité d'augmenter la productivité des programmes gouvernementaux, mais par l'échec systémique le plus grave des démocraties populaires—soit l'achat de votes des groupes d'intérêts particuliers. Oserais-je signaler les modifications apportées à l'AE dans l'intérêt des résidents des provinces de l'Atlantique, le demi-milliard de dollars consenti à la communauté artistique, ainsi que les millions non divulgués accordés à l'industrie aérospatiale à Montréal?
Si je faisais campagne, mesdames et messieurs, j'essaierais de rassembler l'appui à la restriction des dépenses auprès de l'électeur moyen en lui signalant le fait qu'actuellement, les gouvernements au Canada dépensent 50 000 $ par an par famille de quatre membres. Pensez-y bien. Pour la plupart des familles canadiennes, ces montants sont plus élevés que leur revenu après impôts. J'estime que peu d'entre elles, s'il en est, estiment qu'elles obtiennent des services gouvernementaux une somme plus importante que leur revenu disponible. Ces sommes sont probablement plus élevées que le revenu qu'elles peuvent librement dépenser après impôts.
Le gouvernement dépense davantage en leur nom que ce qui leur reste à dépenser elles-mêmes. Pourtant, on entend constamment les gens nous dire qu'il nous faut augmenter les dépenses et, si nous ne le faisons pas, la menace implicite, c'est que la population ne votera pas pour nous. Tout le monde prend peur et chacun rentre chez soi en se demandant comment il va faire pour ramener la population à de meilleurs sentiments. Je pense que c'est regrettable et j'aurais quelques conseils à donner pour résoudre cette situation.
Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la réforme fiscale, sujet qui me tient à coeur, étant donné que mon travail au Fraser Institute m'a orienté dans cette direction. Très bientôt, deux livres traitant des coûts et des avantages de l'impôt sur les gains en capital seront publiés.
Je viens de mettre au point des projets de conférence en octobre, à Toronto, à laquelle va participer Tom Wilson. Le thème en sera le suivant: Comment rendre le Canada plus concurrentiel et plus riche grâce à des impôts moins élevés et plus judicieux. La première partie de la conférence présentera des experts discutant de modifications améliorant l'efficacité apportée à différents impôts. Dans la deuxième partie, d'autres experts présenteront des communications traitant de l'expérience d'autres juridictions, l'Irlande, le Michigan et l'Alberta, dont les impôts sont plus bas et plus judicieux. J'espère que vous pourrez participer à cette séance d'une journée qui présente également, comme conférenciers au déjeuner, les dirigeants des deux plus importants groupes d'analystes au Canada, Michael Walker du Fraser Institute, et Jack Mintz de l'Institut C.D. Howe.
• 0935
Le travail de conception d'une politique fiscale est très
difficile, surtout parce qu'il comporte des compromis entre
l'efficacité et l'équité, de même que la poursuite d'autres
objectifs économiques et sociaux, qui, en bout de ligne, doivent
être faits par la classe politique. Cependant, les développements
technologiques et d'autres modifications à l'économie changent
continuellement la nature de ce compromis et notre compréhension
des coûts et des avantages des politiques de rechange.
Je crois qu'une nouvelle évidence frappante est maintenant apparue dont vous et vos collègues doivent être au courant et selon laquelle le Canada aurait tout avantage à procéder à un programme important de réforme fiscale. Le moment opportun pour une telle réforme est le moment présent, lorsque les surplus fiscaux peuvent être utilisés de manière à ce qu'une fois les réformes terminées, tous les Canadiens peuvent obtenir un fardeau fiscal moins lourd. Si vous vous contentez de distribuer dès maintenant les excédents sans changer la structure, vous aurez manqué une grande chance politique de faire ce qui est bon pour le Canada.
Permettez-moi maintenant de résumer brièvement les conclusions auxquelles la plupart des économistes susmentionnés en sont arrivés dans les récentes publications traitant de la réforme fiscale.
Tout d'abord, la progressivité de l'impôt sur le revenu des particuliers doit être stabilisée à la fois en réduisant le taux marginal le plus élevé et en augmentant le niveau de revenu auquel il s'applique. Certains vont vous dire que comparativement aux États-Unis, le taux d'imposition à New York est le même que celui de Toronto, mais ce n'est pas tout à fait vrai, étant donné qu'aux États-Unis on ne commence à être imposé au taux marginal maximum qu'à partir d'un revenu de 200 000 $, alors que chez nous c'est 60 000 $. C'est une caractéristique de notre barème fiscal que l'on oublie totalement de mentionner.
Pour remédier à cette situation, il faut que s'instaure une collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces même si, en l'absence même de telles politiques, le rôle de chef de file du gouvernement fédéral reste indispensable. Les provinces qui sortent des normes ne vont pas manquer d'en subir les conséquences néfastes et seront obligées de rentrer dans le rang.
Il convient de noter que l'exode des cerveaux est sensible à ces incitatifs fiscaux. Mon collègue, Don DeVoretz, a publié récemment une excellente étude dans Options politiques dans laquelle il démontre qu'en réalité les jeunes sont extrêmement sensibles aux différences d'imposition et de revenus après impôts.
En second lieu, les impôts sur le capital doivent être diminués afin d'augmenter l'attrait du Canada aux yeux des investisseurs étrangers. Tous les experts sont d'avis que les impôts sur le capital payables sans tenir compte des profits sont de loin les plus préjudiciables. Bien entendu, ces impôts sont en majorité provinciaux. La plupart de ces experts conviennent de la nécessité de diminuer les taux de l'impôt sur le revenu des entreprises. Certains recommandent des impôts sur les gains en capital à des taux égaux à ceux des États-Unis ou, idéalement, moins élevés que ceux-ci.
Pour ma part, je préfère l'intégration simple et entière des impôts sur le revenu des particuliers et sur celui tiré d'une entreprise. Cette politique assurerait l'élimination de la double imposition des profits qui est incomplète et inutilement compliquée en vertu du système actuel de crédits d'impôt pour dividendes.
Lorsqu'ils remplissent leur déclaration d'impôt, bien des gens, et même des gens très instruits, se demandent comment il se fait qu'il leur faut calculer un montant équivalent à 150 p. 100 des revenus qu'ils touchent sous forme de dividendes et consigner ensuite ce montant comme revenu dans leur déclaration. Ils oublient qu'un peu plus loin, sur la même formule, ils vont ensuite procéder à un calcul savant qui rétablit la situation. Pourquoi ne pas procéder ouvertement et clairement?
Il se trouve aussi qu'avec un impôt pleinement intégré comme celui-là... Celui qui est devenu le nouveau ministre des Finances du Mexique assistait à ma conférence à Vancouver l'été dernier et sa contribution au volume qui va être publié a trait à la façon dont il a utilisé ce régime pleinement intégré pour obtenir une suppression systématique et très efficace de l'impôt sur les gains en capital sur les titres de participation à ces sociétés. Les résultats ont été excellents.
De façon plus générale, je considère que les impôts sur les entreprises doivent être neutres et ne pas servir à encourager certaines industries par rapport à d'autres.
Les recommandations du rapport du comité Mintz doivent être mises en oeuvre rapidement quelles que soient les difficultés politiques que vous allez rencontrer.
• 0940
Troisièmement, la plupart des économistes conviennent que la
croissance économique est encouragée par les impôts qui touchent la
consommation plutôt que l'épargne et l'investissement. C'est
pourquoi certains d'entre eux recommandent que le système du REER
soit plus généreux. Kesselman et Poschmann ont déclaré dans une
étude publiée par l'Institut C.D. Howe que la mise en place d'un
régime d'épargne avant impôt présentait de grands avantages et
aurait des répercussions favorables sur les recettes fiscales en
cours tout en conservant les avantages essentiels que procure le
régime actuel des REER.
On demande de plus en plus d'augmenter les taux et l'élargissement de l'assiette de la TPS, qui impose la consommation, et d'accorder une réduction correspondante des taux des impôts sur le revenu des particuliers et des entreprises.
Je sais que ce sera une grosse couleuvre à avaler pour le gouvernement libéral lorsqu'il lui faudra annoncer la nécessité d'augmenter et de réformer la TPS, mais ce serait absolument conforme à l'intérêt du pays.
Permettez-moi de conclure cette brève discussion en exposant l'un des principaux objectifs économiques annoncés dans le dernier discours du Trône: comment augmenter la productivité canadienne. Le ministère de l'Industrie a procédé récemment à un sondage afin de découvrir la façon dont les Canadiens estimaient que ce but pouvait être atteint. J'ai été interrogé. Mes réponses, ayant rapport au travail de ce comité peuvent se résumer simplement: ne pas prendre d'initiatives en matière de politique, particulièrement celles qui comportent le choix de gagnants dans la course de la productivité et qui coûtent de l'argent. Demandez plutôt au gouvernement de s'écarter du chemin des investisseurs et des entrepreneurs afin qu'ils accomplissent leur travail consistant à promouvoir la productivité.
S'écarter du chemin signifie l'élimination de certaines politiques existantes importantes qui empêchent de faire passer la main-d'oeuvre et le capital d'une réduction de l'emploi à une utilisation croissante et plus productive. Ces politiques sont les suivantes: des impôts élevés sur le travail et le revenu, qui découragent le travail et l'investissement dans des industries et des technologies nouvelles si chères au coeur des ministres canadiens de l'Industrie; deuxièmement, l'élimination des subsides conçus pour soutenir des industries en déclin, ce qui est une activité très peu productive; troisièmement, la réduction des mesures incitatives accordées aux gens afin qu'ils demeurent dans des régions qui n'ont plus de ressources qui peuvent être vendues avec profit sur les marchés mondiaux et qui sont trop éloignées des marchés pour permettre la création d'emplois rentables dans les secteurs de la fabrication ou de la production de services; enfin, l'établissement de cours de change rigoureux qui élimineront les subsides actuels et indirects au capital et à la main-d'oeuvre fournis par un cours de change sans cesse à la baisse. Ces cours défaillants ont ralenti le mouvement de retrait de capitaux et de main-d'oeuvre de ce déclin pour qu'ils passent à des industries plus productives et croissances.
Demain à 14 h 30, je vais entrer dans le saint des saints, le département de recherche de la Banque du Canada, et je m'efforcerai de défendre le point de vue que nous avons adopté publiquement avec Tom et mon collègue, Rick Harris, à savoir que nous serions bien mieux servis par un taux de change fixe et crédible entre le dollar canadien et celui des États-Unis, en nous réservant pour l'avenir le soin de déterminer les moyens d'y parvenir.
Je conclurai, pour finir, par quelques digressions philosophiques.
Le compromis détestable mais inévitable consiste en ce qu'une plus grande compassion signifie une croissance économique moindre. Des preuves provenant du monde entier, mais plus particulièrement des États-Unis, au cours de la dernière décennie, révèlent que ce compromis est important au plan quantitatif. Les personnalités politiques telles que vous doivent décider ce qu'il faut faire compte tenu des renseignements et des idées que j'ai ébauchés avec plusieurs autres collègues témoins. Je me rends très bien compte du dilemme auquel vous faites face. La compassion à l'égard des présents électeurs vous permettra d'être réélus parce que ce sont les gens qui ont les plus faibles revenus qui votent en plus grand nombre. Ce sont eux qui en retireront les avantages et le plus de profit. Par contre, si vous faites preuve de compassion à l'égard des générations futures, qui ne sont pas en mesure de voter pour vous, vous vous aliénez la génération actuelle. Vous risquez de subir une défaite électorale.
• 0945
J'espère que vous aurez le courage d'accorder plus de poids à
l'intérêt des générations futures que ce fut le cas dans le passé
en remboursant la dette rapidement, en maintenant les augmentations
des dépenses au minimum, et en modifiant le système fiscal afin
d'encourager la croissance économique. Je vous souhaite bonne
chance dans vos efforts.
Le président: Merci, professeur Grubel.
Nous allons maintenant entendre le professeur Wilson.
Professeur Thomas A. Wilson (témoignage à titre personnel): Je reviens avec plaisir devant votre comité. Je pense que la dernière fois, c'était en décembre 1999, à l'occasion d'une table ronde, alors que nous avions traité des questions de réforme fiscale.
Je vous ai laissé une brochure, qui fait état de nos prévisions à compter du mois de mars, parce que vous nous aviez demandé entre autres de vous dire dans quelle mesure la conjoncture économique avait évolué sur le plan quantitatif depuis l'exposé économique et financier de l'automne dernier et si la prudence dont fait preuve le gouvernement en matière économique suffisait à protéger sa situation financière.
Pour ce qui est de la première question, il est clair que la conjoncture économique s'est considérablement dégradée aujourd'hui comparativement à l'automne dernier. Selon nos propres prévisions de croissance pour l'année en cours, la croissance réelle ne devrait être que de 2,7 p. 100, alors que l'automne dernier nous prévoyions 3,5 p. 100. Toutes les prévisions économiques s'accordent à peu près sur ce chiffre. Le consensus au Canada, si l'on fait la moyenne de toutes les prévisions de ceux qui ont pris part à l'élaboration de ce document économique, est de l'ordre de 2,4 p. 100. Nous nous situons donc légèrement au-dessus de la moyenne pour ce qui est de la croissance.
Je pars du principe que la question posée au sujet de la situation financière du gouvernement fédéral revient à se demander si ce gouvernement va se retrouver à nouveau en déficit. Je pense que sur ce point la réponse est claire selon nos propres prévisions et celles qui résultent du consensus. La prudence dont a fait preuve le gouvernement et la mise en place d'un fonds d'urgence doivent lui permettre d'éviter le déficit. Bien entendu, ces précautions pourraient s'avérer insuffisantes en cas de récession grave et prolongée. Je reviendrai sur cette question dans un instant.
Tout le monde s'entend au Canada pour dire qu'il y aura un redémarrage au deuxième semestre de 2001. Les prévisions sont les mêmes au sud de la frontière. Autrement dit, on considère que l'économie américaine aura évolué selon ce que l'on appelle une courbe en forme de V, qui l'a menée tout près de la récession lors du premier semestre, ou éventuellement en forme de U, le bas de la courbe en U n'étant cependant pas trop prolongé. Bien évidemment, si telle est la situation au sud de nos frontières, c'est une bonne chose pour nous et cela tend à faire remonter les prévisions pour le Canada.
Il y a des risques, bien entendu. Je pense que le principal risque est celui d'une situation qui continue à se dégrader aux États-Unis ainsi qu'une nouvelle baisse des bourses. Bien des gens nous disent que le marché des valeurs mobilières aux États-Unis reste surévalué si l'on se réfère au niveau historique des ratios des bénéfices ou des dividendes par rapport aux prix des actions. Bien entendu, le dollar des États-Unis paraît en outre très surévalué et leur déficit des comptes courants est très grand. Il s'agit donc de savoir si cette situation peut durer.
Il y a aussi des risques dans les autres pays étrangers. Le consensus, pour l'économie japonaise, c'est celui d'une croissance faible dans une économie hésitante, mais si ce pays devait être lui aussi plongé dans une récession, on enregistrerait alors des faiblesses dans deux des trois grands pays qui sont les moteurs de l'économie dans la région de l'Asie et du Pacifique, le troisième étant la Chine. Toutefois, si la conjoncture était faible au Japon comme aux États-Unis, il pourrait y avoir des répercussions en Asie du Sud-Est et dans tous les pays de l'Asie et du Pacifique en général.
• 0950
En ce qui nous concerne, nous prévoyons une croissance
relativement robuste l'année prochaine, soit 4 p. 100. Nous nous
situons en haut de la fourchette. Nous retrouverons alors
pratiquement notre potentiel de croissance après cela. Là encore,
cela dépend en partie de ce qui se passe aux États-Unis. Le
consensus pour les États-Unis, c'est un retour en 2002 à une
croissance légèrement supérieure à 3 p. 100.
Vous nous avez par ailleurs demandé ce qui avait changé au cours des cinq ou dix dernières années en ce qui a trait à la conjoncture économique et ce que cela signifiait pour la conduite de la politique économique du gouvernement. Je pense qu'il y a deux caractéristiques qui paraissent en quelque sorte évidentes et bien faciles à comprendre... Herb a déjà commenté l'une d'entre elles. Il y a tout d'abord le rétablissement de la situation financière. Nous étions aux prises il y a huit ans avec des déficits chroniques et nous avons aujourd'hui... la possibilité d'enregistrer de plus en plus d'excédents... j'allais presque dire que c'était un inconvénient, mais c'est une véritable possibilité qui s'offre à nous. C'est un changement considérable.
L'autre changement est l'instauration d'une économie caractérisée par une faible inflation, qui est désormais largement acceptée par tous les participants au marché. En 1993, même si la Banque du Canada et le gouvernement s'étaient entendus sur des critères de réduction de l'inflation, la crédibilité de cette politique n'avait pas encore été établie sur les marchés financiers. Considérez le rendement réel et le rendement nominal des obligations de l'époque—les obligations à long terme—on ne s'attendait pas qu'à long terme le taux d'inflation serait ramené à 2 p. 100.
Aujourd'hui, si l'on considère les marchés à long terme, on voit bien que l'on s'attend à une inflation de cet ordre. Les marchés nous disent aujourd'hui qu'effectivement, cette politique est crédible et qu'ils l'acceptent. Je pense que cela influe par ailleurs sur des choses comme les négociations de salaires. On ne s'attend plus à ce que la Banque du Canada permette à nouveau à l'inflation de repartir, de sorte que l'on planifie dans ce cadre stable, caractérisé par une faible inflation.
C'est important pour savoir quelle va être la situation financière en cas de récession. Vous pouvez voir que la plupart des récessions de l'après-guerre ont été déclenchées par des crises financières ou par une augmentation des prix de l'énergie, qui souvent ont donné naissance à des crises financières et à une flambée des taux d'intérêt. Chaque fois que l'économie est entrée en récession, le gouvernement fédéral a été doublement pénalisé dans sa politique financière: une augmentation des frais financiers, qui s'est bien entendu répercutée immédiatement sur l'endettement à court terme puis, avec un décalage, sur l'endettement à long terme, et une dégradation de l'économie entraînant bien entendu une baisse des recettes fiscales et une augmentation des paiements d'assurance-chômage. Le contrecoup est donc double, ce qui entraîne une forte augmentation de l'endettement en cas de récession.
Le type de ralentissement que nous enregistrons aujourd'hui et l'accentuation des faiblesses se situe à l'opposé. On enregistre à l'heure actuelle une certaine faiblesse de la demande qui découle éventuellement d'un surinvestissement et du fait que l'on a trop compté sur les consommateurs aux États-Unis, ce qui fait que la réserve fédérale s'efforce désormais de faire baisser les taux d'intérêt pour limiter les effets de cette baisse de la demande globale.
Par conséquent, si la situation financière chez nous comme au sud de notre frontière se dégrade et si l'on entre dans une récession ou si la conjoncture apparaît encore plus mauvaise que ce que je viens de dire, effectivement, le déficit va s'accroître parce que les recettes fiscales vont baisser et parce que l'on va devoir payer encore davantage d'AE. Par contre, le service de la dette va baisser. C'est donc une compensation. Les conséquences sur le déficit ne seront pas aussi grave que par le passé.
Je vous déconseille de faire un parallèle avec ce qui s'est passé, par exemple, lors des récessions de 1981-1982 et 1990-1992 pour extrapoler la situation financière actuelle. Les choses vont être très différentes, tout simplement parce que l'inflation est faible et parce que les responsables de la politique monétaire ont une marge de manoeuvre et peuvent stimuler l'économie grâce à la politique monétaire s'ils constatent une baisse de la demande.
Voilà donc les deux principaux éléments, qui relèvent des politiques. Ils relèvent des politiques monétaires et financières.
Qu'est-ce qui a changé encore? C'est moins net. Je pense que la grande question est de savoir si nous sommes dans une nouvelle ère de croissance de la productivité. Je ne veux pas parler ici d'un retour à la croissance extrêmement élevée de la productivité que l'on a enregistrée après la guerre, mais de quelque chose de supérieur à ce que l'on a connu au cours des années 80 et pendant la première partie des années 90.
Il s'agit, bien entendu, de savoir si la productivité progresse plus vite et de manière durable en raison de l'apparition de ce que l'on appelle la nouvelle économie—la multiplication des ordinateurs, leur fabrication, la mise en place de l'informatique, les communications, les logiciels qui s'y rattachent, etc. On en voit quelques preuves aux États-Unis. Ce n'est pas encore définitivement établi, mais je dirais qu'il y a de plus en plus d'économistes pour dire qu'effectivement il y a une accélération à moyen terme de la croissance de la productivité qui est significative, même si certains continuent à soutenir que c'est transitoire et que ça ne va pas durer.
• 0955
Au Canada, les preuves sont plus fragmentaires. Nous sommes en
retard sur les États-Unis de ce point de vue et nous n'avons pas un
secteur de fabrication des ordinateurs aussi étendu. Donc, même si
nous reproduisons ce qu'ils ont réussi à faire, les répercussions
globales seront inférieures. Quoi qu'il en soit, nous partons du
principe que cela nous mènera à une plus grande croissance de la
productivité, là encore, sans revenir au rythme extrêmement élevé
de la période de l'après-guerre, mais une amélioration
cependant—l'augmentation de la productivité de la main-d'oeuvre
s'établissant à environ 2 p. 100 par an lorsqu'on l'exprime en
fonction de la production de chaque employé dans le secteur privé.
Pour ce qui est des politiques qui en découlent, il faut bien voir que la lutte contre les déficits a donné naissance à une mentalité qui fait que l'on veut éviter les déficits à tout prix—et je pense que c'est ce qu'a dit un intervenant, quelles que soient les conséquences. Le risque, aujourd'hui, c'est d'adopter des politiques qui accentuent le cycle. Jusqu'à présent, vous avez su mettre en oeuvre d'excellentes politiques anticycliques en décidant opportunément d'accorder des réductions d'impôts au début de l'année. Vous n'auriez pu tomber mieux. À l'avenir, je considère cependant qu'il vous faudra éviter de surseoir aux réductions d'impôts futures pour la seule raison que l'économie vous paraît se dégrader et que cela risque d'entraîner un petit déficit budgétaire. Je pense qu'il vous faut au moins maintenir le cap en ce qui a trait à votre plan de réductions fiscales sur cinq ans. Une dégradation de la situation économique justifie d'ailleurs que l'on applique à l'avenir des réductions d'impôts qui, de toute façon, devraient être planifiées. Je pense que l'on en voit un exemple à une échelle réduite dans le budget de l'Ontario. J'estime que si l'économie de l'Ontario avait été aussi forte que nous l'avons prévu l'été dernier, nous aurions enregistré des réductions fiscales plus importantes que ce ne fut le cas du fait de la faiblesse de l'économie.
Je pense que nous devrions planifier éventuellement des excédents encore plus importants à moyen terme—j'ai tendance à penser comme Herb sur cette question. Le fait de planifier de plus gros excédents lorsque l'économie est forte nous permet de disposer d'un meilleur coussin et de ne pas retomber dans les déficits lorsque la conjoncture se dégrade. Toutefois, en cas de faiblesse prononcée, il me semble que nous disposons aujourd'hui d'une marge de manoeuvre. Nous pourrions enregistrer de faibles déficits dans la mesure où l'on sait bien que ce n'est que transitoire et que notre planification financière à moyen terme est bonne.
Dans ce nouvel environnement, il faut aussi se demander ce que nous allons faire du dividende budgétaire. Nous ne sommes plus dans une situation de déficit et nous devons désormais nous demander comment nous allons dépenser ou utiliser ce dividende budgétaire. Le risque, ici, c'est d'oublier la discipline. Nous avons fait preuve de discipline en réexaminant et en limitant nos dépenses lorsque les déficits nous causaient des problèmes. Nous pourrions perdre maintenant cette discipline. Je crois qu'il est tout aussi important d'examiner avec soin nos programmes de dépenses. Je ne dis pas qu'il ne faut pas avoir de nouveaux programmes ni augmenter nos dépenses dans certains secteurs, mais il est important de le faire sans partir du principe que puisque nous disposons d'un gros dividende, nous pouvons dépenser dans tel ou tel secteur sans avoir à nous demander s'il faut prendre l'argent ailleurs.
Il y a aussi le risque de dépenser cet argent en procédant à des déductions fiscales au coup par coup. Je suis tout à fait d'accord avec Herb pour dire que dans cette situation caractérisée par l'augmentation du dividende budgétaire, à moyen terme, et non à long terme, nous avons la possibilité de mettre en oeuvre des réformes fiscales au lieu de nous contenter simplement d'appliquer des déductions fiscales de type général. Demandons-nous dans quels secteurs il convient de réduire les impôts et comment nous souhaitons refondre notre fiscalité.
Je suis d'accord pour dire que l'on pourrait entre autres mettre en oeuvre rapidement les réformes du comité Mintz. Vous disposez d'une certaine marge de manoeuvre, en quelque sorte, pour donner des compensations à ceux qui vont y perdre dans le cadre d'une réduction plus générale de la fiscalité.
Pour ce qui est de l'impôt sur le revenu des particuliers, je suis d'accord avec Herb pour dire que l'on devrait envisager des moyens de réduire le coût de l'épargne. Je pense que le projet d'épargne avant impôts recommandé dans une étude récente de l'Institut C.D. Howe devrait être sérieusement envisagé. Ça existe au sud de notre frontière sous la forme des IRA. Le grand intérêt de cette mesure, d'après moi, c'est qu'elle profite tout particulièrement aux personnes à faibles revenus.
• 1000
Notre régime actuel décourage les familles à faibles revenus
qui veulent épargner en raison de l'interaction de l'impôt sur le
revenu et de la rétrocession des prestations sociales. Par
conséquent, nombre de familles à faibles revenus risquent d'avoir
des taux d'imposition marginale élevée à la retraite, plus élevée
qu'à l'heure actuelle. Elles ne voient donc pas l'utilité de placer
de l'argent dans les REER puisque, pour une bonne part, cela va
entraîner une rétrocession d'une partie de leurs prestations. Si
l'on précise que les revenus hors impôts tirés de ces nouveaux
régimes d'épargne n'entrent pas dans le calcul des sommes
rétrocédées, les familles à faibles revenus auront là un instrument
d'épargne très efficace qui pourrait les encourager à économiser en
prévision de l'avenir parce qu'elles sauraient qu'elles en
retireront les bénéfices et qu'il ne faudra pas tout rétrocéder à
l'État.
De manière générale, j'accorderais la priorité à l'impôt sur le revenu des particuliers et aux paiements de transfert de même qu'à l'intégration des régimes d'impôts sur les particuliers et sur les entreprises. Je suis pleinement d'accord avec M. Herb pour dire que c'est tout à fait le moment de mettre en oeuvre l'une des grandes recommandations de la commission royale Carter, soit l'intégration complète des régimes d'impôt sur le revenu des entreprises et des particuliers. Une première mesure de portée modeste consisterait à augmenter le crédit d'impôt sur les dividendes pour ramener le taux d'imposition marginale des dividendes au niveau du nouveau taux d'imposition des gains en capital, qui est inférieur. Il y a un an, le taux d'imposition des gains en capital était supérieur à celui des dividendes et nous avons été nombreux à soutenir que c'était illogique, qu'il fallait l'abaisser, mais désormais il est inférieur et cela crée toutes sortes de complexités et de stratégies de planification fiscale. Ramenons dans un premier temps ces deux taux au même niveau et engageons-nous ensuite dans la voie d'une pleine intégration.
Je considère qu'une collaboration fédérale-provinciale pleine et entière s'impose aussi sur la question de la rétrocession de l'IRP, parce que les provinces ont leurs propres programmes sociaux qui font l'objet d'une rétrocession en fonction des revenus. Ces rétrocessions s'accumulent parfois ce qui donne naissance à des taux d'imposition marginale extrêmement élevée. J'ai en fait été abasourdi, lorsque j'ai procédé à une étude de la prestation pour personnes âgées qui était proposée, de constater à quel point certains de ces taux d'imposition marginale étaient élevés. Les taux d'imposition marginale effectifs les plus élevés auxquels font face certains retraités canadiens pauvres s'élèvent dans certains cas à 75 p. 100, et même à 100 p. 100, et cela sans tenir compte de certaines choses comme les prestations en nature. Je vous invite donc à procéder à une refonte complète de ce régime.
Je vais maintenant évoquer rapidement les enjeux à long terme. Lorsqu'on regarde l'avenir, que voit-on se profiler? Il y a un phénomène que mon collègue David Foot qualifie de surprise prévisible, celui de la démographie. Nous savons que notre population vieillit. Dans dix ans, la première vague de la génération née après la guerre va atteindre l'âge normal de la retraite. Toutefois, l'âge moyen de la retraite est actuellement de 62 ans pour les hommes. Cela signifie par conséquent que dans sept ans un grand nombre d'entre eux vont prendre une retraite anticipée. Ils seront de plus en plus nombreux dans les années qui vont suivre et, bien entendu, toute cette génération va encore vieillir. Il y aura des répercussions sur les dépenses de santé, sur les taux de cotisation globale et sur les recettes fiscales. Je pense que nous allons constater, peut-être pas dans sept ou dix ans, mais peu de temps après, un renversement de la croissance du dividende budgétaire potentiel et ce dividende va se réduire, puis disparaître, pour être remplacé par des déficits potentiels de plus en plus élevés. Nous pouvons, bien entendu, remédier en partie à ce problème si nous remboursons une bonne part de la dette au cours des dix prochaines années.
Il y a bien des questions que nous devons nous poser ici, par exemple est-ce que l'on veut maintenir les incitations à prendre une retraite anticipée qui figurent dans le RPC, est-ce qu'il faut changer les limites d'âge s'appliquant aux paiements des REER et des RPA, etc.
L'autre enjeu à long terme, c'est celui des implications de la nouvelle économie. Est-ce que la tendance va se poursuivre? La révolution des technologies de l'information est bien engagée, il y a les biotechnologies et d'autres choses encore. Il y a ce que certains appellent les inconnus de l'inconnu. Il y a tous ces domaines dans lesquels nous ne savons pas vraiment ce qui va se passer. Ça pourrait être important. Nous considérons que la tendance à la croissance de la productivité va probablement s'accélérer. Il faudra en tenir compte lors de la planification des finances, des retraites, etc. L'une des conséquences, c'est que le capital humain va prendre de plus en plus d'importance à l'avenir.
Pour ce qui est des répercussions sur les politiques, je suis d'accord pour dire qu'il ne faut pas essayer de choisir les gagnants mais d'établir un cadre favorable à la croissance économique. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas augmenter les dépenses, mais qu'il faut se demander dans quelle mesure ces dépenses vont contribuer à favoriser la croissance. Si l'on réussit à améliorer l'efficacité des soins de santé, ce sera un atout. On pourra ainsi dégager des recettes pour les affecter ailleurs. L'enseignement, la formation, les infrastructures sont des secteurs qui ont probablement des répercussions positives sur la croissance économique et qui devront être examinés avec soin. Bien entendu, il faudra restructurer notre fiscalité de la manière indiquée par Herb dans sa brochure.
• 1005
J'aurais encore un certain nombre de choses à dire, mais je
crois que j'ai dépassé le temps qui m'était imparti. Je vous
remercie.
Le président: Merci, professeur Wilson.
Nous allons maintenant entendre le professeur Fortin.
[Français]
M. Mario Fortin (professeur titulaire, Département d'économique, Université de Sherbrooke, témoigne à titre personnel): Bonjour. Je voudrais vous remercier de l'invitation qui m'est faite aujourd'hui de rencontrer le comité. J'aimerais parler de deux points principaux: premièrement, la situation conjoncturelle du Canada et, deuxièmement, les perspectives de croissance.
L'économie américaine a beaucoup baissé depuis l'automne dernier, et ce ralentissement s'est répercuté au Canada. Le ralentissement américain avait été préparé par une politique monétaire restrictive aux États-Unis et il a été plus rapide que prévu à cause de deux événements qui sont arrivés l'an dernier: la hausse du prix du pétrole et l'éclatement de la bulle spéculative sur le marché des actions en haute technologie. Depuis que la baisse plus rapide s'est matérialisée, la politique monétaire américaine a changé d'orientation. Elle est devenue beaucoup plus expansionniste depuis quatre mois.
Les indicateurs composites avancés de la plupart des pays industrialisés affichent des baisses prononcées. Historiquement, ces indicateurs ont bien capté les mouvements économiques des pays. Mais les baisses récentes sont surtout attribuables à la composante des marchés des actions. Par exemple, au Canada, c'est présentement la seule composante en baisse de l'indicateur avancé, avec la deuxième composante, qui est l'indicateur américain, qui entre dans l'indicateur canadien. Les huit autres composantes ne diminuent pas encore. Lorsqu'il y a plusieurs composantes qui n'évoluent pas comme l'indice total, la probabilité qu'il annonce une récession est plus faible. Donc, au Canada, la probabilité d'une récession semble faible en ce moment.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles on peut s'attendre à ce que le ralentissement soit moins prononcé au Canada qu'aux États-Unis.
Premièrement, les achats d'automobiles au Canada, durant le années 1990, sont demeurés relativement bas, alors qu'ils étaient très hauts aux États-Unis. Cela fait en sorte que le parc automobile actuel, au Canada, est assez vieux et que les achats de remplacement vont devoir se maintenir.
En deuxième lieu, les baisses d'impôt—et cela a été souligné précédemment—sont arrivées à un moment très opportun pour maintenir le pouvoir d'achat des ménages canadiens au moment où le ralentissement débutait.
Troisièmement, le Canada produit relativement moins de biens de haute technologie, secteur dans lequel le ralentissement est prononcé.
Le quatrième facteur qui joue en faveur du Canada présentement, c'est que les prix de l'énergie sont assez élevés. C'est un facteur qui est très défavorable pour les États-Unis, qui importent beaucoup d'énergie, et qui est en général neutre ou légèrement positif pour le Canada, surtout pour les régions de l'Alberta et de la Saskatchewan, l'Alberta principalement.
Le cinquième point, c'est que la baisse des indices boursiers a eu beaucoup plus d'importance pour les ménages américains, qui ont plus d'argent investi en bourse que les ménages canadiens. Donc, l'effet d'appauvrissement lié à la baisse boursière est moins prononcé au Canada.
Il y a certains facteurs défavorables qu'on peut remarquer présentement.
Premièrement, la hausse importante du prix de l'essence aux États-Unis peut amener les ménages américains à acheter des véhicules plus petits, alors que la production automobile canadienne est plus concentrée dans les gros modèles. C'est un facteur qui pourrait éventuellement nuire à la production automobile canadienne un peu plus qu'on peut le croire.
Deuxièmement, le scénario voudrait que l'Ontario soit plus touché par le ralentissement américain que les autres régions du pays. Quand on regarde l'évolution de l'indice d'offre d'emplois dans les différentes régions canadiennes, on constate que depuis quatre mois, l'indice baisse partout, mais les données présentées à la figure 1 de mon texte n'incluent pas les données qui ont été publiées hier. Hier, les données montraient que l'indice d'offre d'emplois continuait à baisser dans toutes les régions, sauf en Alberta et en Saskatchewan. En Alberta, il remontait beaucoup.
Donc, il y a une baisse de l'indice d'offre d'emplois. C'est un indicateur important pour l'évolution du marché du travail canadien, puisqu'il annonce en général de façon fiable les mouvements du taux de chômage de quatre à six mois à l'avance. À ce stade-ci, la baisse de l'indice d'offre d'emplois est relativement faible, même si elle est largement diffusée dans le pays, et il est encore trop tôt pour dire que le chômage va monter, mais c'est un indicateur du fait que le ralentissement a effectivement touché l'économie canadienne.
• 1010
Est-ce qu'on doit s'attendre à une récession ou à une
reprise en deuxième partie de l'année? Je partage
l'opinion qui a été exprimée par presque tout le monde,
l'avis du consensus: l'assouplissement monétaire qui a
été mis en place il y a plusieurs mois va prendre
effet, avec le recul habituel de 9 à 12 mois,
de sorte qu'en deuxième moitié d'année, on devrait avoir
une reprise de la demande
quand même assez marquée. Il est donc fort
probable que ce qu'on vit actuellement ne soit pas
le début d'une récession; c'est une pause
de la croissance, qui devrait reprendre vers la fin de
l'année.
En deuxième lieu, j'aimerais attirer votre attention sur les perspectives de croissance. Je vais reprendre un point qui vient d'être présenté par M. Wilson: la démographie. Les perspectives de croissance pour les prochaines années sont réduites par la croissance plus faible de la population.
J'ai présenté une figure qui montre la croissance de la population canadienne, projetée par Statistique Canada, dans le segment d'âge de 25 à 54 ans. C'est le segment d'âge dans lequel le taux d'activité est le plus élevé. On constate que, dès l'an prochain, il y aura une baisse rapide du taux de croissance de cette population. Si le taux d'activité des 55 à 64 ans ne s'accroît pas dans les prochaines années, il faudra s'attendre à une baisse peut-être plus rapide de la croissance du potentiel de production que celle qui a été indiquée il y a quelques minutes. Ce qui pourrait suppléer à ce ralentissement démographique, c'est la possibilité que les investissements plus élevés qui ont été faits dans les dernières années aient un effet favorable sur le taux de croissance de la productivité. À mon avis, il serait prudent, dans les prévisions financières à long terme, d'inclure une précaution pour tenir compte du ralentissement de la croissance de la population en âge de travailler qui, dès les prochaines années, pourrait coûter environ un demi-point de pourcentage dans la croissance potentielle.
En terminant sur ce point, j'aimerais souligner qu'au cours des 20 dernières années, la croissance réelle du PIB a été de seulement 2,6 p. 100 par année au Canada. Projeter une croissance de 3 p. 100 pour les 10 prochaines années me semble indûment optimiste quand on regarde le passé, c'est-à-dire ce qu'on a fait dans les 20 dernières années, alors que la croissance de la population était encore de 1,5 p. 100 par année en moyenne.
Donc, je pense qu'au niveau de la situation conjoncturelle, il n'y a pas lieu que le gouvernement modifie sa politique budgétaire. La stabilisation, si besoin est, devrait venir de la Banque du Canada et non pas du gouvernement, qui ne devrait pas changer sa décision en matière budgétaire à cause de la situation conjoncturelle. Cependant, il y aurait lieu, à mon avis, de mettre un facteur de prudence dans les projections à long terme des revenus. Quand on parle de dividende fiscal lié à la croissance, à mon avis, il serait prudent de projeter un taux de croissance tendanciel un peu plus bas que celui qu'on indiquait dans les derniers documents budgétaires.
Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, professeur Fortin.
Monsieur Robinson.
M. David Robinson (directeur des politiques publiques et des communications, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Merci, monsieur le président.
Je vais simplement aborder deux questions: tout d'abord, l'état actuel de l'économie et, en second lieu, l'étude de certains changements qui ont été enregistrés et de ceux que nous réservent éventuellement les prochaines années.
Comme l'ont dit d'autres intervenants, je pense qu'il est évident que le ralentissement de l'économie des États-Unis s'est déplacé de notre côté de la frontière. La seule question qui continue à se poser à l'heure actuelle, c'est de savoir quelle va être la gravité et la durée du ralentissement de l'économie des États-Unis.
Il reste beaucoup de confusion et d'incertitudes concernant l'orientation prise par l'économie des États-Unis. On voit différents indicateurs se profiler. Il semble toutefois que les États-Unis ont évité, pour le moment du moins, la véritable récession que certains prévoyaient il n'y a pas si longtemps.
La croissance enregistrée au cours du premier trimestre de 2001 a été environ deux fois plus élevée que prévu, soit de 2 p. 100. Les dépenses effrénées des consommateurs américains continuent à donner le ton, puisqu'elles ont augmenté à un rythme annualisé de 3,1 p. 100. Toutefois, je considère que cela révèle aussi un autre danger potentiel pour l'économie américaine, en l'occurrence que les dépenses de consommation aux États-Unis soient pour le moment entièrement à la merci de l'augmentation du crédit.
Les revenus personnels disponibles n'ont augmenté que de 0,5 p. 100 au premier trimestre, ce qui n'a donc pas suffi à compenser les dépenses supplémentaires qu'ont engagées les consommateurs américains. Les taux d'épargne personnelle enregistrés aux États-Unis sont devenus encore plus négatifs. Le fardeau du service de la dette des ménages, qui correspond au montant des revenus personnels devant simplement payer les intérêts sur la dette en cours, est à son maximum depuis 1986.
• 1015
Sur le marché de la main-d'oeuvre des États-Unis, on aura
enregistré une augmentation progressive du chômage, notamment par
rapport à son point le plus bas, qui a été en septembre de
3,9 p. 100. On a atteint désormais 4,5 p. 100 en avril. Je sais que
certaines personnes ont pris prétexte de cette augmentation pour
prédire à nouveau une récession, mais il est probable que ce soit
le contrecoup du ralentissement du quatrième trimestre qui produit
maintenant ses effets sur le marché de la main-d'oeuvre. Je ne
pense pas, toutefois, que l'on enregistrera une forte amélioration
sur le marché de la main-d'oeuvre au cours du deuxième trimestre,
étant donné que la croissance de 2 p. 100 du premier trimestre est
probablement trop faible pour empêcher le taux de chômage de se
dégrader.
Globalement, par conséquent, la progression de l'instabilité financière des ménages, la persistance des déficits élevés de la balance commerciale et la faiblesse ou le manque de dynamisme du marché de la main-d'oeuvre enregistrés aux États-Unis vont vraisemblablement amener la réserve fédérale des États-Unis à réduire avec plus de vigueur encore les taux d'intérêt. La baisse des taux d'intérêt sur le crédit à la consommation va faciliter les emprunts et devrait contribuer à faire baisser le dollar des États-Unis. Nous espérons que la Banque du Canada en fera autant.
Le principal facteur de risque, au Canada, c'est bien entendu l'évolution de l'économie des États-Unis. Il est évident, comme nous l'ont dit d'autres intervenants, que la croissance en termes réels du PNB ne correspondra pas aux prévisions faites dans l'énoncé économique d'octobre. Elle a été révisée à la baisse pour s'établir aux alentours de 2,5 p. 100. Cela entraînera une réduction des prévisions de recettes du gouvernement mais, comme l'a signalé le professeur Wilson, les taux d'intérêt plus faibles que prévu compenseront en partie cette situation. Selon les chiffres dont nous entendons parler, on peut envisager un manque à gagner de 500 à 700 millions de dollars sur l'ensemble de la comptabilité du gouvernement.
En réalité, étant donné les provisions que l'on a faites pour les cas d'urgence et pour des raisons de prudence, il reste largement de la marge pour éviter tout risque de se retrouver en déficit. Bien entendu, avec le recul on a toujours raison, c'est bien connu, de sorte que le gouvernement peut désormais affirmer que sa prudence en matière de politique financière a porté fruit. C'est comme ceux qui espèrent chaque année que les Maple Leafs vont gagner la coupe Stanley. Ils finiront peut-être par avoir raison, mais pas cette année. L'exemple est peut-être d'ailleurs mal choisi.
Quant à la question de savoir si la conjoncture économique a évolué d'un point de vue qualitatif, je pense que d'autres intervenants ont parlé de l'amélioration des finances du gouvernement, mais il faut bien voir où nous nous trouvons actuellement. Il n'y a pas si longtemps, en fait il y a six mois, tout le monde parlait d'un prétendu nouvel ordre économique. Certains économistes téméraires, dont on ne dira pas les noms aujourd'hui, ont même été jusqu'à dire que les cycles économiques étaient chose du passé, que l'innovation et la haute technologie allaient encore faire augmenter la productivité, que les taux de croissance allaient continuer à augmenter sans risque d'inflation. Je pense que le ralentissement actuel rend toutes ces théories quelque peu dérisoires. Il y a donc une certaine continuité qu'à mon avis on a trop tendance à oublier.
Nous parlons des changements intervenus au sein de l'économie, mais il y a eu une certaine continuité. L'une des choses qui a changé, cependant—et on peut le voir aux États-Unis—c'est que les économies peuvent tolérer des taux d'inflation légèrement plus élevés et des taux de chômage légèrement plus faibles, en réalité nettement plus faibles en ce qui a trait aux taux de chômage aux États-Unis, sans éprouver de grosses difficultés. Je crois que ce qui s'est passé l'année dernière, c'est que la réserve fédérale a agi très brusquement pour ralentir l'économie—avec le recul, on pourrait même dire trop brusquement. Je considère toutefois qu'il pourrait y avoir là une leçon à tirer pour la Banque du Canada.
J'aimerais répondre à la question posée par votre comité, qui nous demande comment on pourrait améliorer le niveau de vie des Canadiens à long terme. Je m'en tiendrai au long terme et, au risque de trop simplifier la situation parce que je ne dispose que de quelques minutes, je préciserai qu'il y a trois choses que nous pouvons faire à long terme pour enrichir notre pays. Je ne parle pas d'enrichir les individus, mais d'enrichir le pays, en espérant que cela se répercutera finalement sur la population. Nous pouvons mettre davantage de gens au travail, envisager d'accroître le taux de participer au marché de l'emploi, qui reste relativement faible et n'a pas atteint le niveau des États-Unis; nous pouvons faire produire davantage chaque travailleur, comme d'autres intervenants l'ont indiqué, accroître la productivité de notre main-d'oeuvre; enfin, nous pouvons améliorer les termes de nos échanges en tirant parti de prix plus élevés à l'exportation.
Ces dix dernières années, vous voyez que ces facteurs ont joué pour expliquer la baisse du niveau de vie que nous avons enregistrée tout au long des années 90, du moins jusqu'à la fin de ces années, le facteur qui a le plus joué, et de loin, étant jusqu'à une date très récente la faiblesse du marché de la main-d'oeuvre. Notre productivité a eu en fait très peu à voir avec les problèmes que nous avons enregistrés au début des années 90. La dégradation des termes de l'échange n'a pas beaucoup joué elle non plus.
• 1020
Je pense que la première chose à faire, c'est de s'efforcer de
créer de meilleures conditions macroéconomiques pour s'approcher
davantage du plein emploi. Comme je viens de l'indiquer,
l'expérience faite récemment aux États-Unis montre bien que les
taux de chômage peuvent baisser davantage que les banques
centrales—ou que certaines banques centrales—le pensent sans
déclencher l'inflation. La réserve fédérale des États-Unis a bien
mieux toléré les pressions inflationnistes et a pris bien davantage
de risques en faveur du plein emploi que ne l'a fait la Banque du
Canada au cours des dix dernières années même s'il faut porter au
crédit de notre banque qu'elle a quelque peu assoupli sa position
récemment.
Que faire, maintenant, pour améliorer la productivité? D'aucuns sont tentés, en jetant un simple coup d'oeil sur les chiffres correspondant à la productivité globale de notre secteur de la fabrication comparativement à ce qui se passe aux États-Unis, d'accuser les fabricants canadiens de se cacher derrière un dollar sous-évalué, qui est leur principal avantage face à la concurrence. Pourtant, lorsqu'on décompose les statistiques, on s'aperçoit qu'à deux exceptions près, très importantes cependant, la productivité des différents secteurs de la fabrication au Canada a progressé plus vite que celle des États-Unis. Ces deux exceptions sont les secteurs de l'équipement électrique et des machines industrielles, qui sont importants et sur lesquels il faut à mon avis que nous nous penchions afin de savoir pour quelle raison nous sommes en retard.
Je considère que les deux principales mesures que l'on peut prendre à long terme pour améliorer la productivité, c'est d'investir dans l'enseignement ainsi que dans la R-D fondamentale. Ce sont en fait des investissements à long terme. Les bénéfices de l'amélioration du niveau d'instruction de la main-d'oeuvre, par exemple, mettent très longtemps à se matérialiser étant donné que chaque année la nouvelle génération de diplômés qui entrent sur le marché de la main-d'oeuvre ne représente que 2 p. 100 de la main-d'oeuvre active. Il faut donc du temps pour que les nouvelles générations entrent sur le marché de la main-d'oeuvre et contribuent à faire augmenter le niveau de productivité. C'est un mécanisme lent.
Il me faut dire par ailleurs qu'il ne faut pas seulement instruire les jeunes, mais qu'il faut aussi créer les conditions économiques leur permettant de faire valoir leurs compétences dans leur travail. Je considère donc qu'il nous faut ici envisager de coordonner nos politiques financières et monétaires.
Pour conclure au sujet du capital humain—l'un des avantages de passer en dernier, c'est que tout le monde a déjà dit ce que l'on voulait dire—je dirais qu'il est important de reconnaître par ailleurs qu'il ne suffit pas de vouloir instruire les gens... Ça va peut-être vous paraître une hérésie de la part d'un représentant des enseignants de l'université. C'est bien beau de vouloir instruire les gens, mais il faut aussi tenir compte des possibilités d'accès aux établissements d'enseignement. Je considère que cela renvoie à des politiques sociales plus larges. Nous avons constaté dernièrement un clivage de plus en plus grand en ce qui concerne les taux de participation des différentes catégories socio-économiques. L'inégalité d'accès provient des inégalités sur le marché. Je considère donc que pour parvenir à l'égalité en matière d'instruction il nous faut aborder la question plus large de l'égalité économique.
Voilà qui met fin à mon exposé. Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Robinson.
Nous allons maintenant passer aux questions. Chacun disposera de sept minutes.
Êtes-vous d'accord, monsieur Loubier, pour que M. Brison commence?
M. Yvan Loubier: J'ai le même problème.
Le président: Vous avez le même problème?
M. Ken Epp (Elk Island, AC): Je n'ai pas ce problème. Donc, si ces gens acceptent à l'avenir d'être toujours aimable avec moi, je leur céderai la place.
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président. Messieurs, soyez les bienvenus au Comité des finances.
Comme à tous les ans, j'ai bien apprécié de vous rencontrer comme ça pour avoir une idée de vos perspectives et profiter de votre expertise. J'ai particulièrement apprécié toute l'analyse sur l'importance du capital humain.
Le taux de croissance démographique, je le vis et on le vit dans plusieurs régions du Québec. Il y a a une rareté de la main-d'oeuvre incroyable dans certaines régions, en particulier en Montérégie, dans le centre du Québec. On est obligé de faire appel à des régions où il y a un petit surplus de main-d'oeuvre. C'est un phénomène qu'on n'avait pas connu auparavant, et il va falloir qu'on trouve des solutions à ce problème. On est en train d'investir beaucoup, mais au bout du compte, on manque de main-d'oeuvre pour réaliser le plein potentiel économique de ces investissements. Je suis un peu surpris, par contre. Je vous respecte tous autant que vous êtes, mais je suis un peu surpris des grandes félicitations que vous faites à M. Martin. C'est sûr qu'on ne peut pas empêcher un coeur d'aimer, mais je m'attendais à ce que des intellectuels et des universitaires comme vous critiquent un peu, par exemple, les excès commis par M. Martin, au cours des années, au chapitre de ses prévisions. Je m'explique.
• 1025
Quand vous commettez des
erreurs de prévision, comme il les appelle, que
personne ne pouvait prévoir, selon lui, et qui, en quelques
mois seulement... La dernière fois, c'est quand M.
Martin,
en quatre ou cinq mois, avait commis une
erreur d'estimation de 160 p. 100 des surplus.
J'ai un petit problème devant ça.
L'année dernière, il prévoyait que les
surplus pour 2000-2001 n'atteindraient que 4
milliards de dollars et il a révisé ce chiffre à
7 milliards de dollars au mois d'octobre, lorsqu'il
a présenté son mini-budget, mais lorsqu'on regarde les
chiffres des 11 premiers mois, on
voit qu'on dépasse les 20 milliards de dollars.
Et possiblement,
même en tenant compte des déboursés du
mois de mars, des baisses d'impôt qui sont
intervenues depuis janvier dernier et de quelques dépenses
pour Génome Canada et d'autres organismes,
on arrive quand
même, en termes nets, pour l'exercice financier
2000-2001, à un surplus qui va dépasser les 17 milliards
de dollars.
Je ne vous ai pas entendu critiquer une seule fois ces écarts dans les prévisions. Je veux bien qu'on parle de prudence avec un sourire, mais venant d'intellectuels et de gens rigoureux comme vous, ce n'est plus de la prudence. Il faut que, quelque part, quelqu'un dise à M. Martin qu'il doit nous dire la vérité sur les chiffres et qu'au bout du compte, puisqu'il ne dit pas la vérité depuis trois ans sur l'ampleur des surplus, il mine la crédibilité du processus qui conduit à l'énoncé budgétaire de la semaine prochaine. Il n'y a plus personne qui croit ses prévisions, et c'est carrément antidémocratique aussi. Quand vous arrivez devant une situation où vous n'avez pas le vrai portrait de l'état de la situation des finances publiques et que même des intellectuels et des économistes rigoureux ne dénoncent pas cet aspect, il y a un problème. On est en train de miner la crédibilité de l'exercice de l'énoncé budgétaire, et il n'y a pas un seul mot qui est sorti de votre bouche pour au moins discuter cet aspect, sans le critiquer.
Pour le reste, je partage votre opinion, en particulier sur le ralentissement du taux de croissance démographique. Je trouve que c'est un aspect assez important, surtout si on le lie à la compétitivité, un sujet qui tient à coeur à notre président.
J'aimerais vous entendre sur les prévisions. J'aimerais aussi que vous me disiez ce que vous prévoyez comme surplus net pour le 31 mars. Pour le dernier exercice financier, ce surplus est-il de 4 milliards de dollars, comme M. Martin l'a annoncé en février dernier, de 7 milliards de dollars, comme M. Martin l'a annoncé au mois d'octobre, ou si c'est autre chose? J'aimerais bien vous entendre là-dessus.
[Traduction]
M. Thomas Wilson: Veuillez m'excuser de n'avoir pas commenté la chose et je vous remercie d'avoir posé cette question et évoqué l'énorme excédent que va enregistrer le budget de M. Martin.
Avec les réajustements de fin d'année, je pense que ce sera plus proche de 14 ou de 15 milliards de dollars. Il n'en reste pas moins qu'il est nettement plus gros, mais cela reflète avant tout la vigueur extraordinaire de notre économie en l'an 2000—la très forte croissance que l'on n'avait pas prévue, la montée des bénéfices des entreprises, etc.
Je considère à ce sujet que lorsqu'on enregistre une croissance imprévue, le surplus doit être affecté à la réduction de la dette. C'est à ce moment-là que nous devrions rembourser une grande partie de la dette. Il y a des stabilisateurs financiers qui entrent automatiquement en jeu. J'ai constaté une grosse amélioration cette année par rapport aux années précédentes, où l'on avait tendance à reporter les dépenses pour pouvoir déclarer que l'excédent est supérieur à ce qui était prévu, ce qui permettait d'engager de nouvelles dépenses. Je pense qu'en s'abstenant cette fois-ci, on a bien agi compte tenu du cycle économique.
Si, par contre, il y avait eu un ralentissement économique et si l'on s'était retrouvé avec un excédent supérieur à ce qui était prévu, Je pense qu'il aurait fallu alors se demander ce qui s'était passé. Il y aurait de toute évidence une faille dans les prévisions financières.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
M. Thomas Courchene: Oui.
Vous avez tout à fait raison de signaler ce décalage. Le problème c'est qu'au départ il était important, en 1995, de montrer que l'on était prêt à tout faire pour réduire les déficits. Par conséquent, le ministère des Finances a créé deux postes intéressants, le fonds de réserve d'urgence et le fonds institué à titre de précaution, que pour ma part, du moins, j'ai appuyés.
Comme l'a dit Tom, il s'est trouvé que la croissance a été plus forte que prévu, mais le problème ne vient pas tant du ministère des Finances. Il résulte du consensus des prévisions étant donné que c'est en fonction de cela qu'opère le ministère des Finances. Par conséquent, si les prévisions résultant du consensus sont erronées...
[Français]
M. Yvan Loubier: Permettez-moi d'intervenir là-dessus.
Je peux convenir qu'il puisse y avoir des erreurs de prévision de 3 ou 4 p. 100. J'ai fait de la prévision au début de ma carrière d'économiste. Un écart de 3 ou 4 p. 100 dans une année, ce n'est quand même pas si mal. On se dit que c'est une marge d'erreur qui est tout à fait normale. Mais des erreurs de prévision délibérées de 130 p. 100 en quatre mois et demi ou cinq mois, c'est difficile à prendre.
• 1030
Admettez qu'il y a une différence
incroyable entre ce que M. Martin disait
l'année dernière, ce qu'il
disait il y a six mois et ce qu'il
dira prochainement, lorsqu'on va dévoiler les
chiffres du dernier exercice financier. C'est comme
ça depuis 1995. J'admets que c'est une bonne
chose qu'on ait des surplus
supplémentaires, parce qu'on peut faire des choses
différentes. Ce n'est pas contre cela que j'en ai.
C'est contre le fait que M. Martin a pris les gens pour des
imbéciles en disant qu'il n'y aurait
presque pas de surplus cette année,
en cachant la vérité, alors
que son plan était tout simplement d'affecter plus
d'argent au remboursement de la dette.
Comme M. Wilson l'a mentionné, tout ce
qui n'est pas prévu va à la dette.
Au lieu de dire carrément aux gens qu'il anticipe, pour la prochaine année, des surplus de 17 milliards de dollars et qu'il veut affecter 10 milliards de dollars au remboursement de la dette... Cela s'appelle de l'honnêteté, et on le comprendrait. On pourrait être d'accord ou en désaccord avec lui, mais on comprendrait sa politique. Actuellement, ce n'est pas le cas. C'est de l'astuce et de l'hypocrisie.
En prenant ça pour de la prudence et en parlant de prudence, vous jouez le jeu de M. Martin, quand il se lève en Chambre. Il va faire la même chose cet après-midi ou demain, lorsqu'on va lui poser des questions. Il va se lever en Chambre et se réclamer de vous, monsieur Courchene, monsieur Wilson et monsieur Robinson, en disant que les économistes l'ont dit. Lorsque moi, je dénonce des erreurs de 130 ou même de 300 p. 100 pour cette année dans ses prévisions, il se réclame de vous. Est-ce que ce serait possible qu'un jour vous arriviez devant nous en nous disant que M. Martin exagère un peu, que vous êtes d'accord sur sa marge de manoeuvre et sur sa réserve pour sécurité, mais qu'il y a toujours une limite à présenter des chiffres comme ceux qu'il nous présente depuis quatre ans? Vous avez le devoir de le faire. Nous vous appelons ici pour que vous mettiez sur la table les véritables chiffres. M. Wilson a parlé d'un surplus de 14 milliards de dollars pour cette année. C'est la première fois moi que j'entends un chiffre qui se rapproche un peu plus de la réalité que ce que M. Martin nous présente. C'est ce que j'aimerais avoir de vous.
Monsieur Courchene, je vous respecte car vous êtes probablement le meilleur macroéconomiste nord-américain. D'ailleurs, dans le passé, j'ai étudié vos ouvrages sur la macroéconomie et le système bancaire. Mais là-dessus, j'aimerais que vous soyez plus précis, et j'aimerais que vos collègues le soient aussi. Vous parlez de prudence. Moi, je n'appelle plus ça de la prudence. J'appelle ça de la supercherie. Ne jouez pas le jeu de M. Martin.
[Traduction]
M. Thomas Courchene: Je ne pense pas jouer le jeu de M. Martin.
J'ai deux choses à dire à ce sujet et je passerai ensuite la parole à Tom. Je considère que Tom est un spécialiste des prévisions et il pourra mieux répondre que moi.
Le déficit est en quelque sorte une grandeur résiduelle. On fait généralement des prévisions en fonction de la croissance du PNB, des taux d'intérêt, des dépenses et des recettes. De légères erreurs sur ces différents postes peuvent entraîner d'énormes erreurs sur le poste résiduel, et le chiffre correspondant au déficit est très difficile à prédire. Lorsque vous nous parlez d'une différence de 300 p. 100, il peut sembler que quelqu'un a commis une énorme erreur, mais il ne faut pas que la croissance économique s'écarte beaucoup des prévisions pour vous donner ce genre d'erreur. C'est le premier point que je tenais à souligner. L'erreur n'est pas si grande sur ce qui fait l'objet des prévisions, à savoir la croissance du PNB.
En second lieu, j'en reviens à mon premier argument, qui est que le ministère des Finances prend la moyenne des prévisions faites dans le secteur privé et s'en sert pour arrêter son budget. Il fait preuve de prudence et prévoit des fonds de réserve d'urgence mais, si les spécialistes des prévisions du secteur privé se trompent, si la croissance est plus forte que prévu, on sous-estime l'argent qui rentre dans les caisses au Canada, aux États-Unis et dans le monde entier.
À moins que nous revenions à l'ancien système, lorsque le ministère des Finances faisait ses propres prévisions internes... Nous nous en tenons à des données objectives. Elles sont présentées au sein d'un forum comme celui-ci. Je pense que les auteurs des prévisions viennent témoigner devant les comités de la Chambre des communes. Ils font leurs prévisions—établissent des moyennes—et ces chiffres sont repris par le ministère des Finances.
Je pense que cette question, il vous faut aller la poser aux spécialistes des prévisions. Demandez-leur comment il se fait qu'ils se sont trompés toutes ces années.
Tom est un spécialiste des prévisions et je vais donc lui laisser la parole.
[Français]
M. Yvan Loubier: Attendez un instant avant qu'on passe à M. Wilson. Nous, on fait des prévisions depuis 1996. On se base sur les taux de croissance du PIB, sur les grandes banques canadiennes, les organismes de prévision etc., mais on ajuste les taux de croissance du PIB en tenant compte de la réalité, du taux de croissance des recettes fiscales. Depuis les sept dernières années, la croissance des recettes fiscales du gouvernement fédéral a surpassé la croissance du PIB. On fait ces ajustements. Durant l'année, on tient compte des entrées et sorties, et des nouvelles annonces. On ajuste continuellement nos prévisions. On est trois à le faire dans mon parti, dans l'équipe de recherche, avec un petit logiciel.
• 1035
L'année dernière, en même temps que M.
Martin nous disait qu'un surplus de 4 milliards de dollars
était prévu pour 2000-2001, avec
les mêmes paramètres, des paramètres
objectifs, nous arrivions à un surplus de 21 milliards
de dollars.
Si on tient compte des baisses d'impôt annoncées au
mois d'octobre dernier, juste avant la campagne
électorale, des nouvelles dépenses
pour Génome Canada et des
sorties du mois de mars, on arrive à
un surplus d'environ 17 milliards de dollars.
Comment se fait-il que notre petite équipe de trois personnes, avec un ordinateur portable, en se basant sur des données objectives et en prenant les taux de croissance des grandes banques canadiennes et des organismes de prévision, arrive à une estimation rigoureuse et très proche de la réalité, cela à tous les ans depuis 1996, alors que M. Martin, lui, fait de grosses erreurs de prévision incroyables? Je veux bien croire aux erreurs de prévision de M. Courchene, car les prévisionnistes ne peuvent pas arriver droit dessus tout le temps, mais quand une prévision est telle que, comparativement à la réalité, elle représente une erreur de 130 p. 100—ou même de 300 p. 100 cette année—, on ne le prend pas.
Cette année, monsieur Courchene, on a même refait les prévisions pour les cinq prochaines années en tenant compte du ralentissement de l'économie. Même en tenant compte du ralentissement de l'économie...
Quand je regarde des manchettes comme celle du National Post d'aujourd'hui, où on dit que M. Drummond parle d'un déficit dans trois ans, je me dis que c'est rire du monde. Avec ses prévisions hyperprudentes pour la semaine prochaine, il est en train de nous préparer à un coup du genre de ceux que M. Martin nous a faits depuis 1996. Il y a toujours bien une limite à rire des gens.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Professeur Courchene.
M. Thomas Courchene: Excusez-moi, mais je pense que Tom Wilson ou un autre intervenant est bien mieux placé que moi pour vous répondre. J'ai fait de mon mieux et cela ne vous convainc pas, je vais donc passer la parole à quelqu'un d'autre.
M. Thomas Wilson: J'irais simplement dans le sens de votre argument principal, Tom, qui consiste à dire qu'il s'agit d'une valeur résiduelle et que, par conséquent, les erreurs en pourcentage sur des postes comme le déficit, les comptes courants ou les stocks, qui résultent d'une soustraction, comme l'évolution des stocks... peuvent être très élevées. Les prévisions faites par les spécialistes dans ces domaines comportent souvent de forts pourcentages d'erreurs parce que l'on prend deux gros chiffres, les dépenses et les recettes, pour obtenir une valeur résiduelle. Je pense qu'il vous faut considérer le pourcentage d'erreur des prévisions s'appliquant aux deux éléments principaux.
Je peux vous dire simplement que le dépassement s'explique en partie par le fait que les prévisions établies par consensus pour l'an 2000 étaient erronées et parce que la conjoncture économique a été très forte. Il n'y avait pas que l'économie; les bénéfices ont eux aussi été extrêmement élevés. Il ressort de nos statistiques que les bénéfices après impôts ont augmenté de 28 p. 100 d'une année sur l'autre en l'an 2000. Je ne pense pas que c'était conforme aux prévisions établies par consensus, même au milieu de l'année.
Voilà donc la première chose. Si vous nous dites maintenant qu'avec les mêmes données relevant des prévisions établies par consensus vous arrivez à vos propres prévisions financières qui s'avèrent plus exactes que celles du ministère des Finances, je pense qu'il vous faut comparer alors votre méthode à celle des responsables des révisions financières au ministère.
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Je remercie tous les intervenants de leur intervention de ce matin et je remercie par ailleurs monsieur le président ainsi que M. Epp d'avoir autorisé M. Loubier et moi-même à passer en premier.
Pour ce qui est du dollar canadien, la Banque du Canada poursuit ces dernières années une politique monétaire favorisant un dollar fort. Les objectifs d'inflation du Canada sont restés inférieurs d'un point à ceux de la réserve fédérale des États-Unis. Pourtant, notre dollar a chuté. Il est tombé plus bas qu'on pouvait s'y attendre d'après la tendance séculaire à la baisse.
Le gouvernement ne veut pas parler du dollar. Il ne veut pas parler du principe de la dollarisation. Il ne veut pas parler des moyens d'utiliser effectivement la politique financière pour renforcer notre dollar en prenant résolument l'initiative sur les questions de l'impôt sur le capital, de la dette ou de l'effet des règlements sur la productivité. Nous avons un gouvernement qui ne veut pas parler du dollar, qui semble en accepter la baisse, même s'il ne le dit pas, et qui semble accepter le fait que la valeur de notre monnaie diminue rapidement sous sa gouverne.
• 1040
Ces deux dernières semaines, j'ai rencontré deux personnes
différentes—deux érudits spécialisés dans l'économie—qui m'ont
dit qu'à leur avis le gouvernement acceptait en fait la baisse du
dollar et n'était pas prêt politiquement à prendre les mesures—les
politiques financières—devant permettre de le renforcer. Il est
d'ailleurs possible qu'il souhaite en fait voir notre dollar
diminuer comme peau de chagrin au point où la population canadienne
en vienne à accepter les dures réalités et à se demander quelle est
l'utilité d'une monnaie si faible qu'elle nous fait honte.
J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez étant donné que sur le plan politique la possibilité de perdre l'indépendance de notre politique monétaire et de perdre l'indépendance du dollar canadien est une question très controversée. Est-ce que le gouvernement cherche simplement à créer les conditions économiques qui feront que la population canadienne va se poser la question elle-même, en accepter plus généralement les conséquences et faciliter finalement la décision des pouvoirs publics?
M. Herbert Grubel: Eh bien, Scott, je pense que vous venez de soulever une question intéressante. Toutefois, je ne suis pas précisément un psychologue. Pour pouvoir se prononcer sur les motivations, il faut se plonger dans les mentalités complexes des gens, savoir ce qu'ils font et ce qu'ils veulent faire. Je préfère ne pas apporter de commentaires sur la question et je me contenterai de vous dire, à vous et à tout le monde ici, que nous avons un problème au Canada.
Ces dix dernières années, le revenu par habitant du Canada, qui était de 88 p. 100 de celui des États-Unis, est tombé à 80 p. 100. Il y a là une tendance, à un moment où nous faisons le nécessaire au sujet de l'inflation. Tout le monde nous a dit que cela nous aiderait à augmenter la productivité. Nous avons fait ce qu'il fallait pour équilibrer le budget et ramener la confiance au Canada. Nous avons fait bien des choses au sujet des impôts—pas beaucoup, mais un certain nombre. On devrait en faire plus. La question se pose alors à mon avis: quelles sont les causes de cette situation?
Je vais aller demain à la Banque du Canada diriger un colloque sur la question pour en parler. Je pense qu'il y a une dynamique très subtile qui est responsable de la baisse du dollar. Si vous me permettez, j'exposerai rapidement la situation.
Il est indéniable, d'après les prévisions économétriques faites par la Banque du Canada, David Laidler et mon ami ici présent qu'il existe une forte corrélation entre la chute du dollar et la baisse du prix des matières premières partout dans le monde. Toutefois, on n'enseigne pas finalement que les prix des matières premières influent de manière déterminante sur les taux de change. Ce qui influe de manière déterminante sur les taux de change—je l'ai enseigné pendant des années et je l'ai publié dans des livres scolaires—c'est avant tout ce qui se produit au niveau de l'inflation ou des prix.
Au cours des 30 dernières années, vous pouvez constater que le taux cumulatif de l'inflation au Canada et aux États-Unis est resté pratiquement le même—la différence est d'un point en pourcentage. L'inflation ne peut donc pas être responsable de cette situation.
Que dire de l'autre facteur qui est censé être déterminant—les termes de l'échange? Pourquoi prendre le taux de change de nos matières premières en fonction des produits que nous importons? Pourquoi ne pas considérer le taux de change de l'ensemble de notre production par rapport au reste de la production mondiale? Sur les 30 dernières années, les termes de l'échange pour le Canada se sont globalement améliorés. Ce n'est donc pas là non plus une bonne explication des raisons pour lesquelles le taux de change s'est dégradé.
Je dois donc me rabattre sur une évolution dynamique, que M. McCallum n'a pas dans son modèle, et qui est la suivante. Je vais brièvement vous l'exposer.
On enregistre une baisse de la demande des matières premières, les prix chutent et le taux de change aussi—c'est évidemment la loi de l'offre et de la demande. Nous laissons alors le taux de change baisser pour contribuer à rééquilibrer ce secteur de l'économie—qui prend de moins en moins de place. Le gros secteur de l'économie, c'est la santé. Que se passe-t-il donc si tout était en équilibre au moment où les prix des matières premières ont baissé et si on déséquilibre le reste de l'économie par définition. L'une des manifestations de ce déséquilibre, c'est que les bénéfices, qui étaient jusqu'alors normaux, augmentent.
• 1045
Considérez l'industrie de l'automobile. Elle vend ses produits
libellés en dollars des États-Unis. Donc, à partir du moment où
l'industrie de l'automobile enregistre de gros bénéfices, il y a
dans ce secteur des syndicats puissants qui sont très contents de
cette situation. Ils demandent alors à partager cette manne. Ils
obtiennent des augmentations de salaires. Toutefois, leur
productivité ne correspond pas aux augmentations de salaires ainsi
obtenues. La preuve en est donnée lors de la période suivante,
lorsque les prix des matières premières se rétablissent. Les taux
de change dans les modèles utilisés par la Banque du Canada
devraient revenir à leur ancien niveau. Que se passe-t-il,
toutefois? Eh bien, le redressement du taux de change tourne court
bien avant cela, parce que l'industrie de l'automobile et tous les
autres secteurs industriels dans lesquels les salaires ont
progressé ne sont plus productifs ni rentables. Leurs exportations
diminuent.
C'est le genre de cycle que l'on avait l'habitude de voir en Italie. On y a mis fin lorsque l'Italie s'est retrouvée associée avec les Allemands et lorsque la Banque d'Italie n'a plus pu modifier le taux de change. Il nous faut donc considérer ces mécanismes. Nous pourrions les changer directement, en nous attaquant aux problèmes. Il y a toutefois un moyen indirect et politiquement positif qui consiste à appliquer un taux de change fixe.
Le président: Monsieur Brison, je savais que l'on allait impliquer l'Italie dans cette situation.
Est-ce que le professeur Wilson voudrait...
M. Scott Brison: Monsieur le président, le professeur Wilson et M. Courchene pourraient peut-être faire figurer dans leur réponse...
Sans le taux de change flottant—le dollar canadien est le mécanisme utilisé—quel aurait pu être le mécanisme utilisé et qui aurait pu servir à compenser la baisse du prix des matières premières? Ce que je veux dire par là, c'est qu'à partir du moment où le dollar canadien a baissé si rapidement ces derniers mois et ces dernières années, est-ce que le mécanisme utilisé n'aurait pas pu être alors le taux de chômage ou un autre paramètre correspondant? Est-ce que ça n'aurait pas été encore plus pernicieux?
M. Herbert Grubel: Très rapidement, les gens qui ont étudié la question commencent à s'entendre sur le fait que la volonté et la capacité du marché de la main-d'oeuvre à s'ajuster aux chocs économiques, et tout particulièrement à répondre aux tendances à la baisse des prix des matières premières, sont endogènes par rapport au taux de change. Si un travailleur est sûr qu'en cas de difficulté le taux de change va lui sauver la mise, il ne va pas être disposé à procéder aux ajustements nécessaires—baisse des salaires, déménagement, etc.—mais que l'on résume sous l'appellation de flexibilité du marché de la main-d'oeuvre. La flexibilité du marché de la main-d'oeuvre est endogène au régime des taux de change. C'est ma théorie. D'autres affirment que rien ne prouve que c'est ainsi que ça se passe. Que cette force soit suffisamment forte ou non pour justifier après coup qu'on aurait dû agir ainsi, c'est l'expérience qui nous le dit, et il nous faut alors prendre le risque.
Le président: Professeur Wilson, avez-vous des commentaires à faire?
M. Thomas Wilson: Oui, je voulais simplement signaler des choses—davantage à court terme, lorsqu'on se repenche sur les deux dernières années.
J'étais en train d'examiner un graphique tiré du dernier rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada, qui retrace les taux de change depuis le début de l'année 1997 jusqu'à aujourd'hui. Il y a trois taux de change sur ce graphique. Je vous recommande de l'examiner. Le premier se rapporte au dollar des États-Unis, et nous savons tous ce qui s'est passé en la matière. On part de 75c. À l'autre bout du graphique, on tombe au-dessous de 65c. Le deuxième est celui de l'indice correspondant au C-6. Il s'agit des devises correspondant à nos six grands partenaires commerciaux, soit l'euro, le yen, la couronne suédoise, le franc suisse et, bien entendu la livre anglaise. C'est donc un groupe représentatif. Toutefois, la pondération étant largement en faveur du dollar des États-Unis, cet indice est passé de 90 à 80. Donc, là encore, nous n'avons pas le beau rôle.
Toutefois, si nous considérons le groupe C-5, autrement dit l'ensemble de nos principaux partenaires commerciaux à l'exclusion des États-Unis, nous sommes pratiquement au même niveau qu'en 1997. Il faudrait donc plutôt se demander ce qui explique la grande force du dollar des États-Unis et non pas ce qui fait la faiblesse de notre dollar. Le dollar des États-Unis s'est montré extrêmement fort et on ne peut expliquer cette situation par les grands équilibres des comptes courants—ce sont les comptes financiers qui ont enregistré un afflux massif de capitaux aux États-Unis. Ils ont un dollar fort et leur déficit des comptes courants s'explique probablement en grande partie par cette très grande force.
• 1050
Nous n'en avons pas profité dans la même mesure. On pourrait
soutenir que nous sommes en Amérique du Nord et voisins des États-Unis, de
sorte que nous aurions pu partager leur sort si nous
avions eu des politiques différentes. On pourrait faire une analyse
avec des «si.»
Cependant, il faut dire aussi—ce qui se renvoie davantage à notre propre baisse par rapport aux États-Unis—que lorsque nous avons cherché à lutter contre l'inflation, nous l'avons fait avec une politique monétaire restrictive. À l'époque, au début des années 90, notre dollar était très fort; il était surévalué.
Lorsque j'allais skier au Vermont, je me souviens d'avoir vu s'établir des centres commerciaux juste à côté de la frontière canadienne. Je pense qu'ils ont fait faillite aujourd'hui, parce qu'ils comptaient sur la force du dollar canadien. Les achats effectués de l'autre côté de la frontière étaient à la mode.
Plus tard au cours des années 90, nous nous sommes mis à appliquer cette politique financière restrictive qui a permis au gouvernement d'éliminer les déficits. Parallèlement, pour compenser ces politiques financières restrictives et faire en sorte que l'économie ne soit pas déséquilibrée, il a fallu assouplir la politique monétaire. Il en est résulté la faiblesse du dollar.
Si je suis relativement optimiste pour l'avenir de notre dollar, c'est que nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation bien mieux équilibrée. L'inflation se retrouve désormais dans la fourchette prévue. Nous pouvons désormais appliquer des politiques monétaires et financières plus neutres sans qu'elles soient vraiment considérées comme expansionnistes parce qu'il s'agit de politiques visant à éviter la croissance de l'excédent. Donc, là encore, elles sont relativement neutres.
Je pense que cela va alors permettre aux grands équilibres de jouer: le fait que nous avons une inflation plus faible que les États-Unis et que nous enregistrons un solde positif de notre balance des comptes courants alors que le leur est négatif. Je ne veux pas faire de pari ici, mais je pense que notre dollar va se renforcer.
D'un autre côté—j'ai un petit dessin sur ma porte sur lequel on voit deux clochards en train de mendier. Le premier dit au deuxième: «La seule chose qui me console, c'est que les grands équilibres sont bien respectés.»
Des voix: Oh, oh!
Le président: Monsieur Robinson.
M. David Robinson: Je voudrais répondre rapidement à ce que vient de dire Tom. Il me paraît important de comprendre pour quelle raison le dollar canadien s'est montré faible récemment—je pense qu'Herbert et Tom ont déjà abordé les problèmes à long terme.
Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que la peur d'une récession mondiale attire de nombreux investissements aux États-Unis et fait grimper la valeur du dollar américain. En fait, si vous comparez le comportement récent de notre dollar par rapport à celui de l'euro, du yen ou du dollar australien, nous avons en fait l'avantage. Ce sont l'euro et le yen qui ont été les devises les plus touchées. Nous nous sommes même appréciés quelque peu par rapport à la livre britannique.
Une fois que la peur d'une récession généralisée aura enfin disparu, je pense que la faiblesse des taux d'intérêt pratiquée aux États-Unis fera baisser légèrement le dollar américain. Notre dollar devrait rebondir à la fin du mois. Mais nous verrons bien.
Le président: Monsieur Courchene, un dernier commentaire, puis nous donnerons la parole à M. Cullen.
M. Thomas Courchene: J'aimerais faire un ou deux commentaires étant donné que j'ai évoqué la question dans mon étude. J'irais dans le même sens qu'Herb Grubel et même un peu plus loin, puisqu'il ne nous expose qu'une partie du phénomène: à savoir que le recours au taux de change pour amortir les à-coups des prix des matières premières enferment la main-d'oeuvre et le capital dans la vieille économie et l'empêchent de se lancer dans la nouvelle économie plus productive. Dans le cadre de cette opération, notre productivité a tendance à baisser relativement à celle des Américains.
Toutefois, l'autre partie du phénomène, qui est compatible avec ce que vient de dire Herb, c'est que nous avons fait l'expérience d'un autre choc; celui de la technologie d'application générale comme les ordinateurs ou les systèmes d'information. Il y a là deux chocs, la baisse des prix des matières premières et la nouvelle vague technologique, qui ont heurté au départ le Canada et les États-Unis de la même manière.
Toutefois, le prix des ordinateurs est libellé en dollars des États-Unis de sorte que lorsque nous faisons baisser notre taux de change, nous ne pouvons pas acheter autant de choses dans cette nouvelle économie étant donné que le prix en dollar canadien augmente.
• 1055
Par conséquent, cette combinaison de facteurs—à la fois le
manque d'investissement dans la nouvelle technologie et
l'enfermement de notre main-d'oeuvre, qu'a signalé le professeur
Grubel, du fait que nous amortissons la baisse des prix des
matières premières—signifie qu'à long terme notre productivité
diminue.
Ce modèle, qui émane de Rick Harris, est disponible désormais, et je pense qu'il est vraiment très important, parce qu'il incorpore une croissance endogène à une situation macroéconomique s'appliquant à une économie ouverte. Il a fait certains travaux expérimentaux qui montre que chaque fois que le taux de change baisse, il y a une poussée de la productivité à court terme—les taux d'utilisation de l'équipement augmente parce que nous exportons plus facilement aux États-Unis. Toutefois, à long terme, notre productivité par rapport à celle des États-Unis a tendance à décliner—les deux évolutions étant conformes à la théorie actuelle.
Je pense donc qu'il nous faut réexaminer ce principe bien établi au sein de la banque et du gouvernement: que la productivité est indépendante du taux de change. Laissons au moins la question en suspend et examinons-la de plus près. C'est un domaine important et je pense que votre comité pourrait faire venir des spécialistes de la productivité pour l'étudier.
M. Brison nous demandait en second lieu s'il y avait un autre moyen de faire face à ces chocs. Oui, bien entendu, puisque l'État de Washington fait face à ces chocs sans avoir de taux de change. Il en est de même pour la Californie.
Là encore, j'appuie en partie les déclarations de Herb. Si les taux de change flexibles sont devenus si importants, c'est en partie parce que les salaires étaient considérés comme étant rigides lorsque le Canada en a fait l'expérience dans les années 50, puis dans les années 70. On s'est donc dit, pourquoi opérer de force un changement interne très difficile sur les salaires et les prix relatifs alors qu'on peut le faire tout simplement par l'intermédiaire des taux de change? Toutefois, les prix sont devenus maintenant bien plus flexibles, de sorte que l'on peut faire une partie de ce travail au plan interne.
Une autre chose—et j'en ai parlé dans mes écrits—c'est que l'on a tort de considérer... De manière générale, ceux qui préconisent le pouvoir tampon des taux de change considèrent le Canada comme une entité unique. Il y a des divergences selon les régions. La nature de la productivité économique n'est pas la même dans les Maritimes qu'en Ontario, et différente encore en Alberta ou en Saskatchewan.
Si je pars, par conséquent, du principe que l'Ontario est aligné économiquement sur le Michigan et que l'Alberta l'est sur le golfe du Texas pour ce qui est de l'énergie, et que l'on trouve un équivalent pour la Colombie-Britannique au sud de notre frontière, les coûts de la région des Maritimes étant associés aux régions de la côte de l'est des États-Unis—le choc s'appliquant aux matières premières va toucher également toutes ces régions d'un côté et de l'autre de la frontière. Le Michigan va être affecté de la même manière que l'Ontario et Boston exactement comme Halifax.
Comme l'a signalé Herb, si l'on agit par l'intermédiaire du taux de change, on met l'ensemble de la population et de l'économie canadiennes dans une position de déséquilibre. Ne serait-il pas préférable de régler les relations nord-sud et est-ouest—ce qui signifierait la fixité des taux—et s'en tenir alors à des choses comme...?
Je veux dire par là que les principaux chocs ne se font pas du nord au sud, ils sont est-ouest. L'Alberta n'est pas frappée comme l'Ontario. C'est le principal effet des chocs commerciaux.
Nous pouvons donc recourir à la péréquation, à l'assurance-chômage, à l'impôt sur le revenu des particuliers, pour régler les divergences est-ouest. C'est ainsi, à mon avis, que l'on peut remédier aux chocs. C'est le nouveau mécanisme d'ajustement qui remplace les taux de change flexibles.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai un rendez-vous à 11 heures et je vais donc être très bref. Je vais vous poser quelques questions et je lirai vos réponses demain dans le procès-verbal de nos délibérations.
Soyez à nouveau le bienvenu parmi nous, Herb. Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
Tout d'abord, je vais être aimable envers M. Loubier, puisqu'il nous a quittés. Je veux tout d'abord le féliciter pour la qualité de son ordinateur portable. Il paraît plus puissant que tous les systèmes de calcul des modèles macroéconomiques, non seulement au Canada, mais dans le monde entier. Je lui fais tous mes compliments.
Excusez-moi de ne pas avoir assisté à votre exposé, monsieur Robinson, mais je crois savoir que vous avez parlé de R-D.
Revenons un peu en arrière, Michael Porter vient de faire une rétrospective sur dix ans du rapport Le Canada à la croisée des chemins. Il nous dit que nous avons fait d'énormes progrès d'un point de vue macroéconomique, même s'il reste encore bien des choses à faire. Il nous parle des difficultés qui existent au niveau microéconomique et des stratégies des entreprises et des provinces. Il affirme que nous avons su adopter et adapter l'innovation mais qu'il faudrait nous montrer plus novateurs et faire preuve d'un meilleur esprit d'entreprise.
Je vais maintenant vous poser une autre question, si vous le permettez. Je vous laisserai répondre et je lirai ensuite la transcription.
En matière de politique économique et financière, que devrions-nous faire au Canada pour inciter les gens à prendre plus de risques, favoriser le capital de risque, encourager davantage les entrepreneurs, enrichir nos marchés de capitaux et renforcer la croissance de cette nouvelle économie en pleine évolution?
• 1100
Monsieur Courchene, je suis en train de lire votre ouvrage A
State of Minds avec intérêt. Merci de votre apport permanent à la
pensée économique et financière au Canada. Je dois dire que je suis
allé directement aux politiques fiscales et que je reviendrai en
arrière pour lire le reste plus tard.
Je voudrais simplement vous citer un exemple qui illustre votre thèse selon laquelle le Canada devrait faire preuve de plus de dynamisme pour être compétitif sur l'imposition de ce que vous appelez les facteurs mobiles. Nous avons mis en place un certain nombre de taux d'imposition des entreprises, en Alberta et en Ontario, par exemple, qui, lorsqu'on combine l'ensemble de la fiscalité, vont être très compétitifs face aux taux pratiqués dans nombre des États frontaliers des États-Unis.
Je crois que vous soutenez que le régime fiscal fédéral devrait faire preuve de plus de dynamisme au Canada sur les taux marginaux les plus élevés en dépit des réductions d'impôts importantes qui ont déjà été effectuées. Je comprends ce que vous nous dites.
Pour ce qui est du rôle joué par le gouvernement fédéral vis-à-vis des provinces—je sais que c'est un sujet très complexe. Bien des gens viennent nous voir ici à Ottawa et, bien entendu, ils considèrent tous ces excédents et oublient peut-être notre endettement et tout ce qui nous reste encore à faire.
Les Canadiens ont tendance à demander au gouvernement fédéral de combler les lacunes dans des secteurs comme la santé, l'enseignement supérieur, le réseau routier, les sans-abri, le transport public, les logements à prix modéré, etc.
Cela s'explique en partie, bien entendu, par le fait que nous sommes ici pour défendre nos dossiers et en partie parce qu'il s'agit d'une question politique. Je me demande cependant ce que vous pensez du fait que la population canadienne semble s'attendre—elle est prête à demander au gouvernement fédéral les allégements d'impôts que vous préconisez et à confier une partie de ces impôts aux provinces, mais elle n'en demande pas moins au gouvernement fédéral de venir combler les lacunes dans les secteurs qui lui paraissent importants.
Je dois malheureusement m'en aller et je vous laisse le soin de me répondre. Merci de vos exposés, je lirai les procès-verbaux demain.
Le président: Qui veut intervenir? Monsieur Robinson.
M. David Robinson: Sur la question de la R-D et de l'innovation dont font preuve les entreprises et les universités je dirais, au risque de trop simplifier, qu'il n'y en a que deux types: l'innovation sur les procédés et l'innovation sur les produits. Le Canada a traditionnellement toujours bien réussi en matière d'innovation sur les procédés, qui consiste essentiellement à faire la même chose, mais mieux, avec des modifications mineures. Nous n'avons toutefois pas aussi bien réussi en matière d'innovation sur les produits et c'est dans ce domaine, je pense, que doivent porter principalement nos gains de productivité à l'avenir.
Pour ce qui est des politiques devant être envisagées éventuellement par le gouvernement fédéral, je représente ici les enseignants d'université et je vais donc me faire l'avocat de la recherche universitaire, notamment de la recherche fondamentale, qui revêt une importance majeure pour le développement de l'innovation sur les produits. La recherche fondamentale est souvent difficile à faire accepter parce qu'elle entraîne des engagements à long terme et parce que ses résultats n'apparaissent souvent que bien des années plus tard. Il n'en reste pas moins que, traditionnellement, c'est la recherche fondamentale émanant des universités et du gouvernement qui a en grande partie donné naissance à l'innovation sur les produits. Malheureusement, en raison de la situation financière dans laquelle le gouvernement s'est retrouvé au cours des dix dernières années, nous avons vu diminuer les crédits pouvant être mis à la disposition de la recherche fondamentale.
Récemment, le gouvernement a injecté des crédits dans la Fondation canadienne pour l'innovation. Je dirais que cette initiative et d'autres encore ont tendance à privilégier des variations mineures sur des produits existants; elles ne touchent pas à la façon de mener une recherche fondamentale. Prenons le cas des États-Unis, on s'y est engagé bien plus résolument à accorder des subventions de recherche fédérales aux universités au titre de la recherche fondamentale. Je n'en dirai pas plus pour l'instant.
Le président: D'autres commentaires?
M. Thomas Courchene: Oui, j'ai deux observations à faire au sujet des deux questions qui ont été soulevées.
Pour ce qui est de l'imposition des facteurs mobiles, je tiens à souligner que j'ai dû réviser en partie mon ouvrage parce que dans le budget d'octobre on s'est effectivement engagé bien plus résolument en faveur de l'abaissement de l'imposition des facteurs mobiles—notamment pour ce qui est des entreprises—que dans le budget de l'an 2000. J'ai donc ajouté une petite annexe à mon ouvrage pour préciser que l'on avait effectivement progressé en la matière. Il y a des progrès, du moins du côté des entreprises.
• 1105
Les provinces ont elles aussi fait preuve d'initiative, ce qui
fait que l'on se retrouve dans une situation—en laissant de côté
les réductions d'impôts de Bush—en vertu de laquelle les taux
d'imposition des entreprises dans plusieurs provinces canadiennes
sont considérablement moins élevés que de l'autre côté de la
frontière.
Je considère cependant qu'il reste un problème concernant l'impôt des particuliers. J'ai été surpris que l'Ontario ne cherche pas plus rapidement à combler le fossé qui existe entre cette province et l'Alberta pour ce qui est de l'impôt sur le revenu des particuliers. C'est vraisemblablement parce que l'Ontario a estimé que son économie n'était plus en pleine expansion. Il s'agit là toutefois d'un autre sujet.
En ce qui a trait au rôle du gouvernement fédéral, nous savons que la mondialisation polarise en quelque sorte les revenus. Toutes les sociétés tendent à ressembler aux États-Unis, où les revenus ont toujours été polarisés. Le Canada se porte un peu mieux parce que nous avons un filet de sécurité plus intelligent et plus respectueux des besoins sociaux.
La solution à long terme est cependant d'améliorer la qualification et le capital humain dans les tranches inférieures de notre main-d'oeuvre et de ménager une égalité des chances. C'est ce que l'on va entendre par membre productif de la société au XXIe siècle et c'est cela aussi qui va faire des citoyens à part entière dans cette société.
Le rôle d'Ottawa, au strict minimum—et il est probable qu'il lui faudra faire davantage—ce sera de veiller à la mise en place des énormes infrastructures nécessaires. Il y a l'infrastructure des systèmes d'information, les rubans d'acier étant désormais remplacés par des filaments de fibre de verre. Ottawa a fait un excellent travail en la matière. Cela fait partie de l'accès à l'information et au capital humain.
Je pense que dans toutes nos activités, nous devons nous pénétrer du fait que la nouvelle économie va faire pour le capital humain ce que la révolution industrielle a fait pour le capital physique. J'ai proposé que l'on se dote d'une mission implicite ou explicite d'élaborer pour le XXIe siècle une déclaration des droits sur le capital humain de nos enfants. Ce sont là les lacunes que doit combler Ottawa.
Il apparaît qu'en grande partie la mise en oeuvre du capital humain relève des compétences provinciales. Je pense qu'il faut donner aux provinces la possibilité d'en débattre entre elles. Si elles ne réussissent pas à mettre en place les normes pancanadiennes nécessaires dans le cadre de l'union sociale ou de la conférence annuelle des premiers ministres, je suis alors partisan, en tant que canadien et que personne qui croit à notre avenir, et l'on entend par là l'avenir de notre capital humain, qu'Ottawa intervienne alors. Je pense que c'est important.
Le XXIe siècle va être celui des populations. Électoralement, c'est bien entendu le cas. Il sera au service des populations du point de vue social et économique. C'est l'énoncé de mission qui doit être le nôtre. Dans l'idéal, il faut y parvenir par la voie de la coopération. Nous ne pouvons pas laisser tomber notre population.
Dans le secteur des ressources naturelles on pouvait le faire. Je ne sais pas combien de garçons de mon école secondaire, où nous n'étions pas nombreux, ont quitté l'école lors de leur 10e ou de leur 11e année pour aller travailler sur les oléoducs. Cela fait 20 ans maintenant et je n'ai peut-être pas encore atteint leur salaire. Toutefois, les temps ont désormais changé. Il reste encore des gens qui cherchent à faire la même chose. D'ailleurs, les cohortes les plus mal loties sont celles des hommes jeunes qui pensent encore que notre économie est fondée sur les ressources naturelles.
Au XXIe siècle, c'est le capital humain qui va compter. Ottawa doit prendre l'initiative et probablement faire davantage encore.
Le président: Le suivant est le professeur Grubel. Nous entendrons ensuite M. McCallum, suivi de M. Epp.
M. Herbert Grubel: Si Roy était là, je dirais que c'est en fait un problème fondamental et difficile à régler.
On disait qu'en Angleterre, avant l'arrivée de Mme Thatcher, lorsque l'habitant d'un quartier arrivait avec une grosse voiture, les voisins se rassemblaient en se disant: «Il l'a certainement volée. À nous tous, nous allons la lui prendre.» J'ai habité 10 ans aux États-Unis et je me suis aperçu que si l'habitant d'un quartier du même ordre se présentait avec une Cadillac, tout le monde se disait alors: «N'est-ce pas merveilleux qu'il ait réussi à avoir une Cadillac? Je vais peut-être y parvenir moi aussi, moi ou mon fils.» Au Canada, nous nous situons entre ces deux extrêmes, mais plus près de la mentalité anglaise.
• 1110
Quelqu'un m'a décrit l'autre jour ce phénomène tel qu'il se
présente au Canada. En l'occurrence, dès qu'une fleur dépasse les
autres de la tête, on va la lui couper. J'ai un fils. Je considère
qu'il dépasse les autres d'une tête. J'ai probablement un préjugé
favorable. On lui a fait une offre pour aller à Los Angeles et il
a constaté qu'après impôts il allait gagner à lui tout seul
davantage que lui-même et sa femme, qui est ingénieure et a un MBA,
gagnaient à eux deux au Canada après impôts.
Pourquoi agissons-nous ainsi envers nous-mêmes? Parce que nous avons ici une certaine mentalité qui est difficile à expliquer. Cela vient de notre histoire, mais c'est très semblable à ce que l'on voyait en Angleterre. Cela vient du fait que nous n'aimons pas ces fleurs qui dépassent les autres d'une tête. Nous nous empressons de les couper. Il nous faut changer ce mode de pensée. Nous devons dire à ceux qui s'en sortent bien, qui prennent des risques, qui ont suivi de longues études et qui réussissent, vous devez pouvoir conserver ce que vous avez gagné. Nous devons en faire plus sur ce plan que nous en faisons à l'heure actuelle.
D'un autre côté, bien entendu, il y a toutes sortes de gens qui vont travailler dans la construction d'oléoducs même s'ils savent qu'il n'y aura plus de travail dans cinq ou six ans parce qu'ils sont bien conscients du fait que s'ils tombent dans la misère, le gouvernement va les rattraper. Je ne dis pas qu'il ne faut pas de protection sociale, mais il faut considérer les répercussions à long terme de toutes ces décisions.
Enfin, j'ai suffisamment fréquenté les universités des deux côtés de la frontière. À Chicago, il y a tout un alignement de portraits de personnes ayant obtenu le Prix Nobel. C'est une université privée sans association enseignante. Milton Friedman m'a dit que lorsqu'on accordait une chaire inamovible à un professeur, il n'y avait pas de risque. Pourquoi? Parce que s'il n'était pas à la hauteur des attentes de l'université, son salaire restait bloqué au même niveau et on lui donnait tellement de travail qu'il devait partir.
C'est de cette façon que l'on pourrait avoir un alignement de Prix Nobel dans une université canadienne. Dans les universités canadiennes—et John le sait très bien—nous fixons obligatoirement la retraite à 65 ans parce qu'on ne peut pas se débarrasser des incompétents. C'est pourquoi le montant des crédits que nous affectons à l'enseignement est l'un des plus élevés des pays de l'OCDE. La fondation du capital humain est très bien financée.
Toutefois, l'idéologie canadienne qui fait que pour beaucoup d'entre vous il fait si bon vivre dans ce pays a une conséquence: nous sommes moins efficaces. Nous n'aurons pas un alignement de Prix Nobel avec une politique établissant, par exemple, que les professeurs d'anglais, qu'ils produisent ou non quelque chose dont veut la société, doivent avoir la même paie que les ingénieurs. C'est la lutte que John a menée constamment. Il n'a pas obtenu grand-chose. Éventuellement, une ou deux petites choses. Le problème est toutefois très grave. Nous devons changer de mentalités sur ce point et changer les institutions correspondantes.
Le président: Merci, professeur Grubel.
Monsieur McCallum.
M. John McCallum (Markham, Lib.): Merci, monsieur le président.
Il n'y a pas si longtemps, Herb Grubel siégeait dans cette instance en qualité de critique du Parti réformiste alors que je comparaissais comme témoin. Il y a donc eu un certain renversement des rôles.
Je pensais que, plus particulièrement Herb Grubel et Tom Courchene, qui sont de chauds partisans de la dollarisation, surtout lorsqu'on a entendu les commentaires de David Dodge, nous parleraient davantage de cette question. Je me suis peut-être trompé.
C'est une simple coïncidence, mais j'anime demain un déjeuner-causerie au Michigan et j'ai ici des copies de mon allocution, si ça intéresse quelqu'un, dans les deux langues officielles. Je vous y convie. Pour vous donner simplement une idée de ce qui va être dit, le titre en est le suivant: «Canada Should Avoid Dollarization Like the Plague», ou en français, «le Canada devrait éviter la dollarisation comme la peste».
J'aimerais aborder trois sujets et poser trois questions en conséquence.
Je revois avec plaisir Herb. Je suis en désaccord avec pratiquement tout ce qu'il dit, mais je n'ai pas le temps de traiter de cela.
• 1115
Laissez-moi aborder ces trois sujets.
Tout d'abord, sur une question de principe, si vous voulez, je pense que bien évidemment Bernard Landry et Yvan Loubier, ainsi que certains éléments du parti de l'Alliance canadienne, veulent appliquer le modèle européen à l'Amérique du Nord. Cela implique une chose, la dollarisation, et en second lieu, l'harmonisation. Toutefois, dans le contexte nord-américain, s'il y a harmonisation cela signifie que nous allons copier les États-Unis car qui pensez-vous qui va se modeler sur l'autre? Bien évidemment, ce sera nous.
Il y aura donc en quelque sorte une uniformisation, que vous pouvez qualifier d'américanisation à terme, notre fiscalité, nos programmes sociaux se calquant sur le modèle américain. Cela pose bien évidemment des problèmes de souveraineté ou encore philosophico-politiques. Même sur le plan économique, je pense que nous ferions mieux de ne pas les copier, mais de tirer parti de nos différences.
Ainsi, par exemple, nous avons une fiscalité des entreprises plus faibles qu'aux États-Unis. Nous pouvons avoir des relations commerciales plus étroites que les États-Unis avec des pays tiers. Nous pouvons avoir une meilleure politique d'immigration que les États-Unis. Notre régime de santé est meilleur que celui des États-Unis, même si nous éprouvons quelques difficultés. Je considère donc que notre avenir économique doit consister à tirer parti de nos différences plutôt que de rechercher l'uniformité, ce qu'implique le modèle européen. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
En second lieu, pour ce qui est de cette politique de dollarisation, que vous êtes deux à préconiser, il suffit de voir l'exemple de l'Argentine. L'Argentine est handicapée par cette dollarisation qui implique une parité fixe avec les États-Unis. Elle est plongée dans une profonde récession. Elle va se retrouver éventuellement dans une crise financière parce qu'elle a cette chimère, la parité fixe avec le dollar, accrochée au-dessus de sa tête. Pourquoi nous lancer dans cette galère?
Il y a aussi l'exemple de l'Irlande, qui a besoin de taux d'intérêt plus élevés en raison de la spéculation sur les propriétés. Elle ne peut le faire parce que sa politique est liée à celle des taux d'intérêt de l'Europe germanique. Voici un troisième exemple: J'ai soutenu que si nous avions eu une parité fixe ou une commission d'établissement des taux de change lors de la crise asiatique, nous aurions perdu cette liberté supplémentaire et probablement enregistré une récession ou un fort ralentissement économique. Pourquoi donc vouloir nous lancer dans une telle entreprise?
Mon troisième argument est plus technique. Je crois qu'il y a confusion entre ceux qui préconisent un taux de change fixe et ceux qui veulent une monnaie plus forte. Je ne pense pas qu'il soit vraiment prouvé que la productivité a été affectée par la faible valeur de notre devise, mais même si vous croyez à cela, le remède, c'est une monnaie plus forte empêchant les fabricants d'être trop paresseux, les incitant à travailler davantage plutôt que d'aller jouer au golf tous les après-midi en s'abritant derrière un dollar faible. Le remède, ce serait donc une monnaie forte, disons 75 à 80c, ou tout autre chiffre que vous choisirez. Le remède, ce n'est pas un taux de change fixé à jamais au niveau actuel de 65c. Toutefois, vous ne nous dites jamais comment vous allez faire dans l'intervalle. Qu'allez-vous faire pour que l'on en revienne à une monnaie forte? Vous ne nous le dites pas. Vous voulez que le taux de change soit fixé à jamais à 65c?
M. Herbert Grubel: C'est exact.
M. John McCallum: Très bien, c'est donc ma question.
M. Thomas Wilson: Je n'ai jamais parlé d'un ancrage fixe par rapport au dollar. Depuis très longtemps, je suis partisan des taux de change flottants. Pour commencer, je pense que si l'on voulait appliquer un taux de change fixe avec le dollar des États-Unis, il faudrait probablement le faire à un moment opportun, lorsqu'on aura atteint la parité des pouvoirs d'achat. Si nous le faisions aujourd'hui à 65c, je pense que cela nous garantirait un niveau élevé d'inflation en attendant que tout le système s'ajuste. Notre situation serait très semblable à celle de l'Irlande. Par contre, si nous l'avions fait lorsque nous luttions contre l'inflation avec des taux d'intérêt très élevés en 1990, nous nous serions retrouvés dans une très grave récession pendant la période d'ajustement. Par conséquent, on ne peut procéder à un ancrage, ou à une dollarisation, qu'au moment où les taux de change sont parvenus à un bon équilibre.
Je suis cependant d'accord à 100 p. 100 avec vous, John. Je ne vois absolument pas ce que cette démarche pourrait nous faire gagner à l'heure actuelle alors que nous perdrions ce degré de liberté supplémentaire.
M. Thomas Courchene: Je pense que John a tort sur les trois plans, mais nos critiques ne datent pas d'hier.
Sur le premier point, à savoir qu'avec un taux de change fixe nous adoptons toutes les politiques traditionnelles des États-Unis, quand est-ce que le Canada est devenu ce modèle de créativité, de compassion et de prévenance? C'est au cours des années 60. C'est en partie à Pearson que nous devons l'assurance-santé. C'est à cette époque que nous avons instauré le programme de péréquation, le Régime de pensions du Canada, le Régime de pension du Québec et le Régime d'assistance publique du Canada. C'est ce qui nous a donné notre identité en tant que collectivité pleine de compassion et d'attention pour les autres.
• 1120
Quelle est la caractéristique qui a fait l'originalité des
années 60 tout au long de la période de l'après-guerre? Nous avions
un taux de change fixe avec les États-Unis. Nous avons adopté leur
politique monétaire. On peut dire en fait, lorsqu'on tient compte
des réalités, que cela n'a pu que nous libérer et nous empêcher
d'être obnubilés par toutes ces fluctuations des taux de change et
nous permettre d'innover sur le reste de nos politiques. C'est au
moins aussi plausible que ce que vous nous dites.
Il vous faudra donc m'apporter des preuves et me montrer une autre période au cours de laquelle les taux de change fixes nous ont amené à adopter autre chose que la politique monétaire des États-Unis.
Sur la question de l'Argentine, je conviens qu'il y a deux conclusions. La première, ma foi, c'est que l'on peut se demander comment une commission de fixation des taux de change peut tenir dans des conditions aussi catastrophiques. Le deuxième point à souligner, c'est que l'on peut se demander à quoi bon, lorsqu'un pays s'apprête à signer un accord de libre-échange avec le Brésil, son principal partenaire commercial, vouloir ancrer sa monnaie sur celle des États-Unis? C'est absurde.
Quatre-vingt-cinq pour cent des exportations de notre pays et 90 p. 100 de celles de l'Ontario se font aux États-Unis. La situation est donc différente en ce qui nous concerne. Nous adopterions des taux de change fixes avec le pays vers lequel nous exportons et à partir duquel nous importons. Le problème de l'Argentine, c'est qu'elle est entrée dans le MERCOSUR et qu'elle a signé un accord de libre-échange avec le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay en ancrant sa monnaie sur les États-Unis. C'était stupide. Je suis d'accord avec vous, si c'est là votre argument.
Enfin, comment y parvenir? Je suis d'accord avec Tom et, en fait, j'ai laissé entendre dans mes ouvrages antérieurs que c'est lorsque notre devise se situait autour de 80c qu'il fallait l'ancrer sur le dollar américain, lorsqu'on a adopté l'accord de libre-échange. Pour y parvenir, il faut faire comme les Européens qui, pendant une décennie, ont adopté le serpent monétaire pour essayer de trouver une parité. Si nous pensons à une union monétaire nord-américaine, il nous faudra en passer par là.
Laissez-moi dire une chose en faveur de John. Je pense que sur cette question, on est fermement convaincu de ce que l'on dit dans les deux camps.
Pour répondre à une question posée précédemment par Scott Brison, le ministère des Finances ne se trompe pas. Simplement, il a un point de vue différent. Je pense qu'il agit avec droiture. Lorsque le ministre Martin nous dit qu'il est en faveur d'un taux de change flexible, j'estime qu'il le pense vraiment. C'est ce que pense la Banque à l'heure actuelle.
Il s'agit donc là d'un débat que la recherche et l'expérience, surtout cette dernière, probablement, vont résoudre. Au bout du compte, si nous ne rétablissons pas le cours des devises, la dollarisation va s'imposer subrepticement et, ce faisant, nous gêner dans nos opérations bancaires. Nous serons amenés à une union monétaire nord-américaine par la dollarisation ou, pour dire autrement les choses, par défaut.
[Français]
M. Mario Fortin: Je n'ai pas écrit sur la question de savoir si on devrait faire ou non une union monétaire avec les États-Unis, contrairement aux personnes qui posent les questions ou qui y répondent présentement, mais j'ai quand même lu là-dessus.
La question revient à savoir de quelle façon on s'ajuste face à un choc qui réduit l'emploi dans le pays. Il y a deux choses qui peuvent être faites et qui ont été avancées jusqu'ici: soit baisser la valeur de notre monnaie pour rendre nos produits plus compétitifs, soit baisser les salaires. Il existe une troisième façon de s'ajuster: les gens quittent la région qui est touchée par un choc négatif.
Entre 1989 et 1993, la Nouvelle-Angleterre a perdu plus d'emplois que le Québec et l'Ontario, mais le taux de chômage a moins monté en Nouvelle-Angleterre qu'au Québec et en Ontario parce que les gens ont quitté la région pour aller travailler et vivre dans le sud-ouest des États-Unis, probablement.
Cette mobilité—et M. McCallum est bien placé pour le savoir—existe très peu ou beaucoup moins entre le Canada et les États-Unis. C'est une réalité qui fait en sorte qu'à mon avis, le Canada serait mal avisé d'adopter la monnaie américaine. S'il devait le faire, j'ai l'impression que le Canada serait forcé de favoriser des politiques améliorant la mobilité de la main-d'oeuvre entre les deux pays. Est-ce qu'on aurait une aussi grande capacité de maintenir des politiques sociales différentes de celles qu'il y a aux États-Unis si le niveau de mobilité de la population entre les deux pays devait augmenter? C'est une question qui me semble ouverte.
Le président: Monsieur Grubel.
M. Herbert Grubel: Rapidement, sur la question de l'uniformisation, John, le fait que le Massachusetts soit aussi différent du Texas que ne l'est le Canada de l'image qu'on se fait des États-Unis prouve bien que l'imposition de taux de change fixes n'entraîne pas une uniformisation des cultures ou des dépenses de programme. Il n'y a aucune raison que nous ne puissions pas conserver le même caractère distinct que le Tennessee, la Floride ou la Californie aux États-Unis par rapport à la norme générale. Rien ne nous en empêche.
Ensuite, au sujet de l'Argentine, Tom a bien vu ce qu'il en était. Il n'est pas juste de dire que l'Argentine s'en sort mal. Rappelez-vous à quel point la situation était grave avant que le ministre ne mette en place une commission de fixation des taux de change. Elle était désespérée. Au cours des années 30, à l'image du Canada, l'Argentine avait un revenu par tête plus élevé qu'aux États-Unis. C'est alors que ce pays s'est retrouvé entre les griffes des péronistes et des socialistes, que tout est allé à vau-l'eau et qu'il a fallu procéder à un redressement. Ce redressement était nécessaire et l'on est parti du principe qu'on allait se servir d'une commission de fixation des taux de change. Le modèle était excellent jusqu'à ce que ce pays fasse l'erreur stupide que vient de relever Tom. Il aurait fallu fixer ce taux de change sur quelque chose d'autre.
Vous avez entièrement tort au sujet de l'Irlande. En Irlande, il n'y a pas de droits de douane. C'est un arbitrage parfait sur les marchandises. On ne peut pas échanger des marchandises à Dublin à un autre prix que de l'autre côté de la Manche. Par conséquent, d'où vient cette prétendue inflation? L'inflation, vous l'avez enseigné—je crois que vous avez enseigné; vous auriez dû le faire—est un mécanisme de montée incessante des prix. C'est une bulle, vous l'avez dit. Nous avons là un pays qui a abaissé les impôts, ce qui fait que l'on cherche à s'y établir et surtout—ce n'est pas très connu au Canada—où les syndicats, les employeurs et le gouvernement ont passé un contrat par lequel ils s'engagent à maintenir les salaires au-dessous de la productivité. Étant donné que la productivité a augmenté rapidement, les salaires aussi. Il y a eu une énorme vague de prospérité.
Lorsque la prospérité s'installe... Mario vient de me dire que l'élasticité de la demande de logement par rapport au revenu était un des facteurs. Cette prospérité a stimulé la demande de meilleurs logements, en plus grand nombre. Eh bien, nous savons tous qu'on ne peut pas construire des logements du jour au lendemain avec tous les services non marchands qui les accompagnent. On voit donc apparaître une bulle—une augmentation ponctuelle—qui sera résolue une fois que les logements seront construits. Il n'y a pas d'inflation. Il s'agit des effets secondaires d'un succès économique.
Ce qui se passerait au Canada avec votre système de taux de change, c'est que nous tuerions le succès dans l'oeuf, ce qui nous empêcherait d'avoir une bulle spéculative. Est-ce la bonne façon de procéder? En ce qui me concerne, l'important c'est que tout aille bien pour chacun d'entre nous, et tant pis si le prix des maisons augmente, car nous voulons pouvoir consommer ce produit que constitue le logement.
J'ajouterais une dernière chose, John. John est keynésien. Je sais que John McCallum a été l'un des derniers Keynésiens acharnés. Je m'en souviens, nous étions collègues alors. On m'a enseigné à Yale que le problème fondamental des économies capitalistes occidentales était la rigidité des salaires et des prix. Il était alors nécessaire d'appliquer le premier remède. Il fallait laisser grimper l'inflation pour que les salaires réels des travailleurs se situent au-dessous de la productivité réelle de manière à ce que notre prospérité n'en finisse jamais. C'est ce que nous avons fait au cours des années 70. Il est maintenant établi que ce fut une véritable catastrophe. Personne ne préconise aujourd'hui une telle solution.
John McCallum et les gens de son école sont alors venus nous dire que pour remédier à la rigidité du marché de la main-d'oeuvre, il nous fallait contracter des déficits. Eh bien, nous avons aussi essayé cet expédient. Vous savez ce qu'il en est résulté. Nous avons mis le pays au bord de la faillite. Tout le monde convient aujourd'hui que la rigidité du marché de la main-d'oeuvre ne soulève pas autant de difficultés que nous le pensions lorsque nous avons fait ces recommandations. Toutefois, ces mêmes gens à qui les faits ont donné tort sur ces questions parcourent aujourd'hui le monde et nous disent que les marchés de la main-d'oeuvre sont si rigides que nous avons besoin de taux de change flexibles. Je prédis que cette notion va faire long feu et qu'elle mourra de sa belle mort comme ce fut le cas pour les deux autres théories sorties de l'économie keynésienne.
M. Thomas Wilson: Je ferai rapidement une observation.
Tout d'abord, l'un des plus chauds partisans des taux de change flottants est Milton Friedman. Je ne crois pas...
M. Herbert Grubel: Des taux flottant librement.
M. Thomas Wilson: Des taux flottant librement.
Je tiens simplement à signaler que l'on n'a pas mentionné dans cette discussion le fait que le Canada a expérimenté les taux de change fixes à deux reprises au cours de l'après-guerre. Vous pouvez voir que chaque fois nous sommes passés aux taux de change flottants en raison d'une poussée extraordinaire de la demande—la première fois c'était dû à la guerre de Corée et la seconde à la guerre du Vietnam. La demande de nos exportations a donc été très forte. Si nous avions maintenu le taux de change fixe, nous aurions enregistré, je vous l'accorde, une période d'inflation transitoire, mais significative, dans les deux cas. Donc, à court terme, on perd le contrôle sur l'inflation. Ensuite, à long terme, on ne peut plus faire respecter des objectifs indépendants en matière d'inflation.
Essentiellement, cela revient à accepter la politique que la réserve fédérale veut bien mettre en place à long terme. Si elle décide que l'inflation va être de 4, 5 ou 6 p. 100 par an—ce qu'elle était il n'y a pas si longtemps—et bien, il faudra nous en accommoder. Si elle décide de nous imposer une stabilité parfaite des prix, c'est ce que nous aurons, même si nous n'en voulons pas. Nous avons donc cette possibilité de faire des choix politiques à long terme et nous nous exposons à des fluctuations des prix à court terme.
Le président: Merci, professeur Wilson.
Monsieur McCallum, il vous reste 30 secondes. Nous devons donner la parole à M. Epp. Nous avons largement dépassé le temps qui nous était imparti en raison, bien évidemment, de l'intérêt soulevé par ce groupe de témoins. Il nous faudra rendre la salle bientôt et c'est donc de 30 secondes dont vous disposez, monsieur McCallum.
M. John McCallum: Je n'ai donc que 30 secondes pour répondre à toutes ces attaques.
Je suis un Keynésien reconverti. Nous sommes nombreux à avoir défendu des thèses par le passé que nous ne reprendrions pas aujourd'hui, mais nous avons appris, Herb. Contrairement à certains, nous apprenons avec le temps et l'expérience nous enseigne des choses nouvelles.
En second lieu, pour ce qui est du modèle européen et de toute cette question d'homogénéisation avec les États-Unis... bien évidemment, ce n'est pas parce que nous avions des taux de change fixes avec les États-Unis au cours des années 60 que nous nous sommes assimilés à eux. Toutefois, le modèle européen ne se ramène pas à ça. Il part du principe qu'il doit y avoir une intégration et une harmonisation accrues de la fiscalité, de la politique de la concurrence, etc. C'est ce qui à mon avis doit mener à une uniformisation, et non pas simplement le taux de change fixe.
Dix ans pour en arriver à ce nouveau nirvana de la monnaie unique—cela se ramène à mon avis à dix ans de taux fixes, ce que l'on a fait en Europe. De nos jours, les déplacements de capitaux étant énormes, les taux fixes sont la cible privilégiée des spéculateurs et je ne pense donc pas que ce serait une bonne chose.
Pour finir, l'Irlande a un taux d'inflation très supérieur à la moyenne européenne, ce qui confirme ce que je disais, Herb. Je n'essaie pas de détruire la prospérité.
M. Herbert Grubel: Les produits marchands se retrouvent dans l'indice des prix à la consommation, mais pas dans l'inflation parce que les responsables impriment bien trop d'argent, ils font trop marcher la planche à billets.
Le président: Monsieur Solberg.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, AC): Je dirais rapidement pour commencer que j'ai particulièrement apprécié cette discussion. Je ne siège plus au sein de ce comité, malheureusement, mais je trouve tout cela absolument fascinant. Je pense que c'est ainsi que les comités devraient fonctionner.
Enfin, je tiens à ajouter, Herb, que vos discussions passionnées nous manquent. C'est un immense plaisir de vous retrouver parmi nous. Nous nous sommes régalés à vous entendre aujourd'hui, vous faites preuve d'une telle logique et d'une parfaite lucidité, nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
Je n'ai pas de questions à poser. Je me contenterai de lire le procès-verbal des discussions d'aujourd'hui. C'était très intéressant et même amusant. Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Solberg. Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Bien, j'ai une ou deux questions à vous poser et je ferai vite sans me perdre en remerciements. Je n'ai pas trop le temps de vous dire à quel point j'apprécie cette séance bien particulière, chaque fois que nous l'organisons au sein de ce comité.
Vous avez été plusieurs à indiquer—le professeur Wilson et, je crois, M. Courchene... Vous nous avez parlé du capital humain et plus particulièrement de l'enseignement. Pour la plupart, vous venez d'un milieu universitaire, vous recevez de jeunes étudiants et vous leur enseignez votre spécialité, soit l'économie, mais c'est bien entendu tout aussi vrai pour la carrière d'ingénieur, pour la médecine et pour les autres spécialités. Vous nous parlez de renforcer ce secteur de l'économie qui, en fait, représente une bonne partie de notre investissement dans l'avenir de notre pays. Toutefois, comment vous proposez-vous de le faire?
Notre enseignement est déjà gratuit jusqu'à la fin du secondaire. Puis, lorsque nos étudiants se mettent à faire des études supérieures, il y a des coûts. À l'heure actuelle, nous avons des étudiants qui s'endettent lourdement pour obtenir leur diplôme. Allez-vous changer cette situation? Quelles mesures précises préconisez-vous pour favoriser le développement du capital humain de notre pays?
M. Thomas Courchene: J'aimerais mentionner un projet, qui consiste à adopter en partie les idées de Maria Montessori ou, si vous préférez, celles qu'a développées plus récemment Fraser Mustard et, bien entendu, de veiller sur le développement de la petite enfance, mais il faudrait aussi, de manière générale, avoir un idéal canadien et s'assurer de l'égalité des chances lorsque chacun développe son capital humain.
Il faudrait aussi voir que la famille joue bien des rôles au sein de la société et que l'un d'entre eux doit consister à servir de foyer à la production du capital humain. Il faut donc confier cette tâche à la famille, lui fournir des incitatifs et la faire bénéficier de transferts... ou reprendre les transferts actuels, mais en les adaptant pour inciter les familles à développer leur capital humain et celui de leurs enfants.
Ainsi, on se pose bien souvent la question de savoir comment il faut faire garder les enfants et s'il faut par exemple s'en occuper dans un lieu quelconque, à domicile ou ailleurs, ou dans une garderie, ce que j'interprète comme la nécessité de s'occuper de l'enfant afin que l'un des conjoints puisse aller travailler. Nous nous demandons si l'on doit retenir comme critère le fait que les parents restent à la maison, s'ils travaillent ou s'ils ont tel ou tel niveau de revenu, mais pourquoi ne pas dire simplement qu'à partir du moment où l'on veut aider cet enfant, il faut que ce soit lui qui soit le premier bénéficiaire? C'est l'intérêt de l'enfant qui nous préoccupe et il faut donc axer notre action sur la personne qui va bénéficier de cette aide pour développer son capital humain.
Troisièmement, pour ce qui est de l'administration, il me semble que le capital humain devra être mis bien plus en valeur lors du prochain siècle. Prenez le gouvernement fédéral à l'heure actuelle, il y a Industrie Canada et quelque part à l'intérieur de ce ministère on retrouve la division de l'information et du capital humain. Je pense que ce n'est pas du tout ça qu'il faut faire.
À mon avis, le capital humain devrait être placé tout en haut et, sous cette rubrique, il devrait y avoir l'industrie et la concurrence, et aussi la cohésion sociale. Ce devrait être notre cadre de pensée. C'est pourquoi j'ai donné à mon ouvrage le titre A State of Minds, qui me paraît un bon titre. Après avoir trouvé ce titre, je ne pouvais que rédiger mon livre.
Il ne s'agit donc pas simplement pour moi de dépenser de l'argent mais de favoriser un état d'esprit privilégiant par-dessus tout la citoyenneté, le capital humain, l'information et le pouvoir pour tous les Canadiens. C'est en partie une question de crédits, mais aussi une nouvelle façon de concevoir ce que nous sommes dans la partie supérieure de l'Amérique du Nord, dans quelle mesure nous pouvons être différents et comment nous pouvons conserver ce qui nous tient à coeur. Voilà, à mon avis, quelles pourraient être mes convictions.
M. Herbert Grubel: Maurizio, j'apprécie vraiment votre patience lorsque je vois que vous nous accordez tout ce temps supplémentaire, mais c'est tellement intéressant. Laissez-moi répondre rapidement.
Je pense que nous avons l'obligation de rendre plus efficaces nos systèmes de soins de santé et d'assurance-maladie. C'est bien beau pour un État de faire preuve de compassion et de dire que tout le monde a certains droits, mais cela ne signifie pas nécessairement que l'État doit aussi produire les services dont ont besoin ces gens qui ont des droits.
Nous commettons tout simplement une erreur en laissant diriger nos écoles élémentaires, nos établissements secondaires et nos universités par l'État ou par les syndicats. Nous avons besoin de concurrence. L'État peut fournir l'instruction—je poursuis dans la même veine que Tom—à ceux qui en ont besoin, à tous les pauvres à qui l'on veut verser des crédits. Donnons-leur l'argent, mais aussi la possibilité de choisir l'établissement dans lequel ils veulent étudier. Nous savons qu'à ce moment-là il y aura de la concurrence, et la concurrence donnera de meilleurs résultats qu'à l'heure actuelle.
Le Canada est l'un des pays de l'OCDE qui dépense le plus par tête pour l'enseignement, sans résultats. Pourquoi ne pas essayer? Je viens d'expliquer la chose et, à mon avis, c'est la solution.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
Professeur Wilson.
M. Thomas Wilson: Je dirai simplement deux choses. La première renvoie à ce qu'a dit tout à l'heure Herb au sujet du montant élevé des crédits que nous consacrons à l'enseignement.
Ce n'est pas vrai de l'enseignement supérieur. Nous dépensons moins que les Américains. J'ai vu des études comparatives effectuées par notre université, qui nous révèlent que l'aide publique apportée aux universités privées aux États-Unis est supérieure par étudiant ou par membre enseignant à ce qu'elle est au Canada.
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Comment trouver davantage de ressources? Je considère que
l'augmentation des frais de scolarité donne en partie la réponse.
Il faut toutefois y parvenir sans remettre en cause l'accessibilité
en mettant en place un mécanisme de remboursement des prêts
étudiants qui soit efficace et qui ne dépende pas des revenus pour
qu'à leur départ de l'université ils n'aient pas à assumer un lourd
fardeau que les banques leur font payer cher, mais que ces prêts
soient remboursés par le biais de la fiscalité lorsque leurs gains
atteignent un certain niveau.
Ces mesures contribuent largement à remédier aux problèmes à mon avis, mais il nous faut effectivement nous pencher sur la question des ressources. Je sais que lorsque nous sommes sur le marché pour embaucher du personnel enseignant, il est très difficile de concurrencer les universités américaines. Si le département d'économie de l'Université de Toronto est efficace, c'est uniquement parce que nous avons une école commerciale qui recueille beaucoup de capitaux sur le marché privé. Toutefois, bien des départements d'économie de notre pays ont vraiment du mal face à cette concurrence.
Le président: Monsieur Robinson, un dernier commentaire.
M. David Robinson: Je serai très bref.
Je rappelle ce que Tom a dit, nous avons assisté à une baisse significative de l'aide publique apportée aux universités canadiennes ces dix dernières années. Cela s'est traduit par une augmentation des frais de scolarité et aussi par les départs nombreux d'enseignants à plein temps. Nous sommes en retard sur les Américains pour ce qui est de l'enseignement supérieur.
On a évoqué l'exemple irlandais tout à l'heure. Ça pourrait là aussi être une façon d'améliorer l'accès puisque l'Irlande, en plus de réduire les impôts et de passer un accord, a par ailleurs abaissé de manière significative, et dans certains cas supprimé, les frais de scolarité dans l'enseignement supérieur. Le grand nombre de diplômés qui entrent sur le marché à l'heure actuelle explique en partie l'explosion des compétences de haut niveau que l'on retrouve dans ce pays. Il y a donc là une autre solution.
Le président: Au nom du comité, je vous remercie sincèrement de votre participation. Il est toujours très intéressant de discuter avec vous.
Vous intervenez au bon moment puisque la semaine prochaine nous allons entendre le ministre des Finances. Nous lui ferons part, bien entendu, de certaines questions que vous avez soulevées.
J'avais un certain nombre de questions à poser mais, en ma qualité de président, j'ai malheureusement le douteux privilège de devoir toujours m'abstenir. J'en ai exactement 27. Je vais donc vous les faire parvenir et vous pourrez éventuellement me répondre.
Une fois de plus, je vous remercie.
La séance est levée.