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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je tiens à souligner que nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire algonquin, qui n'a jamais été ni cédé ni abandonné. Je remercie encore une fois la nation algonquine de nous donner le privilège de nous réunir ici pour parler plus particulièrement de nos anciens combattants autochtones, tout en reconnaissant l'ensemble des anciens combattants et des membres des forces armées et de la Gendarmerie royale du Canada.
Permettez-moi d'abord de remercier sincèrement votre comité d'avoir annoncé qu'il visiterait certaines de nos collectivités autochtones dans une grande partie du Canada pour acquérir des connaissances et des renseignements sur nos remarquables anciens combattants autochtones. C'est la première fois que le gouvernement du Canada cherche à obtenir de l'information directement auprès de nos anciens combattants, et nous espérons que la visite lui permettra de mieux comprendre les nombreux problèmes que rencontrent nos anciens combattants et nos collectivités.
Aboriginal Veterans Autochtones, ou AVA, aurait souhaité que le Comité visite plus de collectivités de toutes les régions du Canada — le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest —, mais je reconnais également que c'est un excellent point de départ. On vient de m'informer que vous comptez visiter le Nord du Canada plus tard cette année, ce qui sera selon moi un de vos plus grands défis. Encore une fois, meegwetch.
En tant que président d'AVA, je comparais à nouveau pour représenter les anciens combattants autochtones de mon organisation et ceux du Congrès des peuples autochtones et de l'Assemblée des Premières Nations, au moyen d'un protocole d'entente. Je pense que cette présentation est fort importante puisqu'elle touche directement les anciens combattants autochtones.
L'histoire révèle que depuis la guerre de 1812, qui a eu lieu bien avant que le Canada ne devienne un pays, le soutien des Autochtones a été essentiel au fait que le Canada réussisse ultimement à devenir une nation. Si l'issue de ce conflit particulier avait favorisé les États-Unis, la géographie du Canada serait assurément différente. Étant donné le soutien des Autochtones, pourquoi y a-t-il eu un écart entre ces alliés et le reste du pays?
Après la Confédération, la Couronne était déterminée à assimiler les Autochtones du Canada pour en faire une société plus eurocentrique, délaissant les normes et les pratiques spirituelles et culturelles. Même lorsque les traités ont été adoptés, ces efforts ont continué. Par définition, les traités sont des accords entre nations souveraines. Qu'est-il arrivé? Des réserves sous le contrôle du gouvernement ont été créées en vertu de la Loi sur les Indiens. Des pensionnats indiens ont vu le jour pour assimiler nos enfants et nos jeunes, interdire la spiritualité autochtone et la remplacer par des idéaux chrétiens. Cela comprend l'interdiction de toutes les pratiques culturelles de nos peuples.
Qu'est-ce que cela a à voir avec nos anciens combattants? Au début des deux guerres mondiales et de la guerre de Corée, des combattants autochtones se sont enrôlés afin de se battre pour la Couronne. En pourcentage, le nombre d'Autochtones qui se sont inscrits et qui ont combattu était supérieur à celui de tout autre groupe démographique canadien. La raison de leur enrôlement pouvait être aussi simple que d'avoir trois repas par jour, une paire de bottes ou un lit pour dormir. J'ai tendance à penser que les Autochtones souhaitaient principalement prouver une fois de plus leur ténacité au Canada. Ils espéraient que, grâce à leur service, les choses changeraient et s'amélioreraient chez eux. En d'autres termes, ils s'enrôlaient en échange que le pays reconnaisse leurs droits et les respecte en tant que citoyens égaux.
J'ai eu l'honneur d'être présent lors des commémorations du 75e anniversaire de la campagne d'Italie et du raid sur Dieppe. À cette occasion, j'ai discuté avec des anciens combattants qui ont connu des anciens combattants autochtones dans leur unité, dont certains sont enterrés sur ces terres étrangères, et d'autres sont rentrés au pays après la fin des combats. À Dieppe, lors d'une cérémonie de l'aube, j'ai été témoin de l'émotion que suscite ce terrible raid et les pertes de vie absurdes qui ont eu lieu sur cette plage. À cet endroit, qu'on sache qu'il y avait un grand nombre d'anciens combattants métis et des Premières Nations, surtout dans le South Saskatchewan Regiment. Ils ont été très nombreux à être tués, alors que d'autres ont été détenus dans des camps de prisonniers de guerre jusqu'à la fin des hostilités.
Revenons à mes commentaires précédents concernant les pensionnats. Qu'en est-il des soldats autochtones qui combattent à l'étranger? Qu'en est-il du soldat qui se bat en Italie, alors qu'au pays, le directeur du pensionnat se présente chez lui accompagné de la police et emmène son fils de cinq ans loin de sa femme, un petit garçon qui aboutira au pensionnat? Pensez à vous et à vos propres enfants. Que feriez-vous? Vers qui vous tourneriez-vous? Dans le cas de cette jeune femme, elle n'avait personne à qui s'adresser; c'était la loi.
De plus, à leur retour à la fin des deux guerres, les anciens combattants non autochtones se sont vu offrir des concessions de terres, des prêts à taux réduit et d'autres avantages, sans parler de toutes les prestations que le ministère des Anciens Combattants avait prévues à l'époque. Le gouvernement du Canada a encore une fois profité de l'occasion pour priver de leurs droits les anciens combattants autochtones qui revenaient de la guerre.
Il convient également de noter qu'Affaires indiennes considérait que les anciens combattants autochtones relevaient de sa compétence plutôt que de celle d'Anciens Combattants Canada, et qu'il leur offrait peu ou pas d'avantages. Je peux seulement dire que si vous vérifiez, vous constaterez que nos guerriers étaient égaux au combat, mais discriminés au pays. Cette attitude a prévalu pendant de nombreuses années, et elle existe toujours aujourd'hui, malgré la couverture médiatique récente. Vous verrez dans mes notes certaines des choses récentes que j'ai mentionnées.
Nos anciens combattants autochtones n'ont pas l'intention d'être isolés; au contraire, nous sommes fiers de servir le Canada aux côtés de tous les anciens combattants canadiens. Avec eux, nous sommes unis.
Lors de comparutions précédentes devant le Comité, j'ai défendu nos collectivités rurales et isolées en ce qui a trait aux anciens combattants, et réclamé l'établissement de mécanismes solides pour communiquer avec eux des avantages et prestations auxquels ils devraient avoir droit. La technologie dont bénéficient les Canadiens ordinaires n'est pas nécessairement la norme dans les collectivités éloignées. Depuis ma dernière comparution il y a plus d'un an, peu d'efforts ont été déployés pour régler le problème des anciens combattants qui vivent dans des régions éloignées.
Je prends note que vous allez chercher à savoir ce que les collectivités offrent dans le cadre du processus de transition. Vous devez comprendre que, dans le cas des Premières Nations, les budgets consacrés aux soins de santé dans les réserves sont limités, et qu'on ne peut s'attendre à ce qu'elles ajoutent des soins pour nos anciens combattants sans une aide directe et positive du gouvernement du Canada, et plus particulièrement d'Anciens Combattants. Je peux aussi dire que les mêmes problèmes se présentent dans les petites collectivités où résident des anciens combattants autochtones. Vous en visiterez une lors de votre voyage.
Les services offerts atteignent-ils réellement les collectivités éloignées? C'est une question à laquelle il n'est pas facile de répondre. Je suis très préoccupé par certains des excellents programmes mis en place récemment par Anciens Combattants Canada, comme l'allocation d'études et l'indemnité pour aidants. Ce qui m'inquiète, c'est que la communication de ces prestations aux régions éloignées et l'offre de ces incitatifs pourraient très bien ne pas suffire.
Le Soutien social aux victimes de stress opérationnel, ou SSVSO, est une organisation exceptionnelle qui a fait un travail remarquable. Cependant, est-elle en mesure de faire de la sensibilisation auprès de nos anciens combattants autochtones qui souffrent de problèmes mentaux? Y a-t-il un moyen de fournir des services de santé mentale de proximité aux collectivités rurales trop éloignées pour voir quelqu'un en personne, y compris le SSVSO? Quels mécanismes peuvent être mis en place par Anciens Combattants Canada, en collaboration avec des professionnels de la santé, à l'intention des anciens combattants?
Autrement dit, la prise en charge des anciens combattants ayant des droits ne devrait pas devenir un fardeau financier pour une collectivité, qui doit alors piger dans l'argent reçu pour la santé de la communauté. Anciens Combattants Canada doit offrir le même soutien qu'aux autres anciens combattants, et assumer les coûts afférents.
J'ai remarqué, dans votre programme de voyage, que vous vouliez connaître des problèmes que rencontrent les anciens combattants des trois groupes autochtones du Canada.
Le problème pour certains anciens combattants des Premières Nations, c'est qu'ils n'ont peut-être pas fait leur service militaire avec le Canada, mais plutôt avec l'armée américaine, c'est-à-dire avec une force alliée. Même si je comprends et suis conscient que le ministère américain des anciens combattants, ou DVA, est responsable de leurs prestations, il semble y avoir une incohérence quant à l'accès de ces anciens combattants aux avantages auxquels ils ont droit dans le régime hospitalier du DVA.
Il y a quatre ans, le chef Percy Joe de la bande indienne de Shackan, une réserve éloignée près de Merritt, en Colombie-Britannique, m'a dit que les anciens combattants devaient payer de leur poche les frais de transport de leur collectivité jusqu'à la frontière, après quoi ils seraient couverts. À l'époque, j'avais demandé s'il était possible de conclure une entente entre le DVA et ACC pour régler le problème des déplacements, autrement dit si ACC pouvait payer le transport et se faire rembourser par DVA au moyen de pourparlers transfrontaliers.
En ce qui concerne les anciens combattants inuits, y compris ceux des Canadian rangers, les déplacements jusqu'aux collectivités nordiques éloignées ne sont pas inclus dans votre programme initial. Je sais que la prochaine étape de votre voyage comprendra des collectivités inuites du Nord. Ce sera extrêmement important, car nous savons que les taux de suicide les plus élevés au Canada se trouvent parmi nos peuples autochtones, ce qui est d'autant plus vrai dans les collectivités inuites. ACC et le MDN ont fait l'annonce d'une stratégie de prévention du suicide. J'espère qu'elle comprendra également un échange avec les travailleurs sociaux autochtones dans le but de réduire le nombre de suicides, qu'il s'agisse d'anciens combattants ou non.
Pour ce qui est des anciens combattants de la GRC qui reçoivent des prestations et des indemnités d'ACC, mon neveu, un Indien inscrit de la Première Nation d'Oromocto, affirme n'avoir eu aucun problème ni avec le ministère ni avec qui que ce soit au sein de ce ministère.
Permettez-moi encore une fois de vous offrir ces mots: une communication efficace est la pierre angulaire de la réussite. Si vous arrivez à communiquer votre message à tout le monde et qu'il est compris, vous aurez alors franchi l'étape la plus importante dans la prestation de soins aux anciens combattants.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et autres anciens combattants, je vous dis cordialement merci, meegwetch, marsi, thank you, qujannamiik.
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Voilà une excellente question à poser au ministère de la Défense nationale, car à ce que je sache, il n'existe rien de tel dans le processus de transition. Je ne connais pas bien le sujet. En ce qui concerne la période de transition, je pense qu'on vient juste de commencer à s'intéresser à la question.
J'ai eu vent de quelque chose qui s'est passé en Afghanistan au sujet des cérémonies tenues pour les soldats morts au combat qui sont ramenés au pays. Je pense qu'une jeune Mohawk originaire d'une réserve de l'Ontario a indiqué que si elle était tuée à l'étranger, elle voulait que la cérémonie soit celle de son peuple traditionnel. Son souhait a été consigné, et si elle avait perdu la vie, c'est ce qui se serait passé. Je considère que le ministère de la Défense nationale se montre très réceptif à certaines idées proposées.
Cela tient du simple bon sens. Si vous parlez au commandant de l'armée, sachez qu'il est le champion des Autochtones. L'armée maintient ce poste depuis 10 ou 15 ans et les Autochtones ne veulent pas qu'il soit aboli, car il est cher à leur coeur et il fait partie de... La majorité de ces gens se joignent à l'armée. Je pense que c'est une excellente question, car cela constitue une autre partie de la transition.
Sur le plan de la santé mentale, j'ai aussi parlé de la guérison traditionnelle. Il existe certaines pratiques dans les communautés autochtones. J'offre des camps culturels aux militaires chaque été dans le cadre des programmes Black Bear et Raven. Dans le cas de programme Bold Eagle, j'ai été le sergent-major lors du camp de 2000. Peu importe, c'était il y a des années.
J'ai abordé la question de la guérison traditionnelle, et je pense que c'est, ici encore, un aspect cher au coeur des Autochtones. Je vous donnerai l'exemple de Debbie Eisan, ancienne première maître, à Halifax. Lorsqu'un problème est survenu avec un soldat à bord d'un navire, les responsables ne savaient plus quoi faire et s'apprêtaient à le libérer. Ils se sont alors adressés à la conseillère qu'elle était pour lui demander ce qu'ils devraient faire. Elle leur a conseillé de le renvoyer dans sa communauté pour deux semaines et de laisser les anciens agir. Ils l'ont donc envoyé suivre une thérapie traditionnelle — ou un processus de guérison — de deux semaines, et il était un autre homme à son retour. Il est resté dans l'armée, où il a été promu. L'affaire a donc connu un dénouement heureux.
Ce qu'il faut, c'est prêter l'oreille à certains Autochtones qui sont là, aux anciens combattants, aux anciens et à tous ces gens, car cela change tout.
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Monsieur Thibeau, je vous remercie beaucoup, non seulement d'avoir témoigné, mais aussi d'avoir servi votre pays. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Je remercie également M. Bertrand d'être ici pour apporter son soutien, puisqu'il sait comment les choses se passent sur la Colline.
J'ai quelques remarques à formuler avant de poser mes questions.
Ma première remarque concerne le fait que vous avez fait référence au rôle de premier plan que les Autochtones ont joué dans la Confédération. C'est drôle que vous l'ayez fait, car mes connaissances à ce sujet étaient limitées. J'ai toutefois passé une journée au Musée de la guerre le mois dernier. Je sais qu'il s'agit de faits que vous connaissez, mais si ce n'est pas le cas, je veux vous en informer. Les renseignements que j'ai reçus rendaient la situation évidente, mais je ne connaissais pas le rôle que les Autochtones ont joué et le nombre d'Autochtones qui se sont enrôlés lors de la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée. C'est fort impressionnant. Je tenais à le souligner d'entrée de jeu.
J'aimerais aussi rappeler que je suis un Acadien de Nouvelle-Écosse, une région qui s'appelait l'Acadie dans les années 1700, et que les Autochtones de cette région, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard ont joué un rôle important en aidant les Acadiens à survivre avant, pendant et après la déportation. Les gens n'en parlent pas, mais je sais que mes collègues acadiens et que la communauté acadienne en parlent souvent.
Je veux vous remercier encore, vous et votre peuple, de nous avoir aidés dans une période très difficile en nous offrant des abris et de la nourriture, nous sauvant ainsi la vie, et risquant votre vie pour aider des voisins, des collègues et des amis. C'est d'une importance remarquable. Je tiens à ce que cela figure également au compte rendu, car je pense que c'est extrêmement important.
Je voudrais maintenant poser une brève question. J'en ai trois ou quatre, mais celle-ci est courte. Vous avez indiqué à quel point vous étiez fier de savoir que vous aviez accès à des programmes d'éducation pendant quatre ans, au montant de 80 000 $ et à l'aide financière aux proches aidants. Pour m'aider à comprendre, dites-moi quand vous avez découvert l'existence de ces programmes. Dans vos communautés, combien de gens les connaissent?
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Permettez-moi de revenir aux camps culturels. Certains Autochtones, pas tous, accordent une grande importance à la culture.
Supposons qu'un militaire s'apprête à sortir des Forces après y avoir consacré 20 ou 25 ans de sa vie, par exemple. Sa femme a peut-être participé au séminaire du SPSC, mais ce séminaire n'intègre pas la culture.
La première fois que j'ai organisé une suerie, à Borden, j'ai accueilli deux jeunes caporaux d'infanterie du RCR et, croyez-le ou non, l'un deux était Palestinien, et l'autre Irakien. Je n'en revenais pas, mais c'était mes magasiniers et ils s'occupaient des troupes. Ils avaient observé les interactions entre les aînés et les étudiants et le jour où j'ai organisé la suerie, ils m'ont demandé s'ils pouvaient y aller, ce que j'ai accepté, bien sûr.
Ces deux hommes avaient vu leurs amis se faire tuer en Afghanistan. Ils étaient au front et ils ont perdu des amis proches. Le premier est sorti de la suerie; il avait les larmes aux yeux lorsqu'il est venu me voir pour me remercier de lui avoir permis d'y aller. Il a dit qu'il n'avait jamais rien vécu de tel dans sa vie.
À sa sortie, le deuxième a dit qu'il ne savait pas ce qui s'était passé, mais qu'il avait senti des gens se déplacer tout autour de lui avant que la porte ne se ferme. Il a dit qu'il n'y avait personne, mais que tout le monde était à l'intérieur. Je l'ai donc invité à discuter avec l'aîné. Je ne voulais pas m'en mêler.
À Yakima, dans l'État de Washington, un camp culturel est offert aux anciens combattants et à leurs proches. Mon camp culturel vise à ramener les gens à la Terre mère. Si quelqu'un vous invite à une suerie, mais qu'elle est déjà construite, qu'avez-vous appris? Rien. Vous n'apprenez que ce qui s'est passé à l'intérieur. Un ancien combattant de l'État de Washington souffrait d'un grave TSPT. Il est retourné dans sa collectivité pour obtenir les conseils de son aîné. Ils ont été ensemble pendant quatre jours. Ils ont discuté. Il a coupé du bois, celui-là même qui allait servir à la construction d'une suerie. Ils ont fait toutes les leçons, pour tout connaître sur la suerie.
L'important n'est pas d'aller dans une suerie. Ce qui est important, c'est de sortir, de saisir l'essence de cette Terre mère, de laisser derrière les cellulaires, les ordinateurs et toutes les choses négatives qui détournent de l'essentiel.
Y a-t-il une culture? Une des mesures prometteuses qui pourrait être prise, pourvu qu'on en ait la volonté, serait de permettre aux Autochtones et à leur famille... La famille les a accompagnés tout au long de ce qu'ils ont vécu. Peut-être qu'un seul membre de la famille a été déployé, peut-être deux. Cela inclut les enfants. Le service touche tout le monde.
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Comme on l'a mentionné, je représente le commandant de l'Armée canadienne, le lieutenant-général Wynnyk.
[Français]
Le lieutenant-général Wynnyk est le champion de la cause autochtone. Dans le cadre de son mandat dans les Forces canadiennes, mais aussi au ministère de la Défense nationale, il encourage les Autochtones à se joindre au ministère et aux Forces canadiennes afin qu'ils y poursuivent une carrière.
Pour réaliser son mandat, le commandant de l'Armée canadienne s'investit dans la cause de l'équité en matière d'emploi. Il cherche à favoriser un lieu de travail représentatif et juste, veille à ce que ce milieu de travail soit invitant pour les Autochtones et contribue à faire changer et évoluer la culture au sein de l'institution tout en faisant la promotion de programmes autochtones offerts au sein du ministère. Le commandant de l'armée peut compter sur le soutien d'un groupe de conseillers qui peut l'aider à atteindre les objectifs de son mandat. Nous avons le privilège d'être accompagnés aujourd'hui de deux de ces conseillers.
[Traduction]
Nous avons parlé de la culture autochtone au sein des Forces armées canadiennes. Pour atteindre notre cible relative à la représentation des Autochtones, fixée à 3,5 %, nous mobilisons activement les communautés autochtones où nous savons que la population est beaucoup plus jeune que la moyenne nationale. Dans le contexte d'une population vieillissante, il ne faut pas oublier qu'à des fins opérationnelles, il s'agit d'un aspect extrêmement important pour nous.
En outre, nous avons élaboré de nombreux programmes de formation pour les membres du personnel. Nous offrons cinq programmes différents qui visent tout spécialement la population autochtone au Canada. Notre programme le plus ancien est le Programme d'enrôlement des Autochtones des Forces canadiennes. Créé en 1997, ce programme préalable à l'enrôlement procure aux participants une certaine expérience du service militaire. Il s'agit en quelque sorte d'un cours de formation préalable au recrutement, qui comprend notamment de la formation militaire et du conditionnement physique, en plus d'une orientation professionnelle. S'ils réussissent le programme, les participants peuvent s'enrôler dans les FAC. Ce programme est offert trois fois par année; deux séries sont offertes à l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes, à Saint-Jean, et une autre à l'École navale, à Halifax.
[Français]
Le deuxième programme que nous avons à notre disposition est le Programme d'initiation au leadership à l'intention des Autochtones, soit le PILA, en français. En anglais,
[Traduction]
En français, nous l'appelons le PILA.
[Français]
Le PILA a été offert pour la première fois en 2008 au Collège militaire royal du Canada, à Kingston, en Ontario. Les participants sont intégrés au programme en tant qu'élèves-officiers pendant un an et ils bénéficient d'une expérience d'éducation et de leadership extrêmement positive. Le programme repose sur quatre piliers: premièrement les études, deuxièmement le domaine militaire; troisièmement le conditionnement physique; et quatrièmement, la culture. À la fin de l'année, les élèves-officiers du PILA se voient accorder l'équivalent de la qualification militaire de base pour les élèves-officiers et ils peuvent présenter une demande afin de poursuivre leurs études au Collège militaire royal du Canada.
[Traduction]
Les Forces armées canadiennes ont aussi mis en place trois programmes d'été qui permettent à des jeunes Autochtones de joindre la première réserve de l'Armée et de la Marine aux termes de leur entraînement. Ces programmes sont offerts dans l'Est, dans l'Ouest et sur la côte Pacifique.
Le premier programme, et probablement le mieux connu, est le programme Bold Eagle. Conçu pour les jeunes Autochtones de l'Ouest du Canada, il a été offert pour la première fois en 1989. Le cours est offert tous les étés à la Base des Forces canadiennes Wainwright, en Alberta. Le deuxième programme d'été a été offert pour la première fois en 2003, et il est dirigé par la Marine royale canadienne. Il porte le nom de Raven et est offert chaque année à l'École navale du Pacifique à Esquimalt, en Colombie-Britannique. Le troisième programme d'été, Black Bear, a été présenté pour la première fois en 2009. Ce programme est dirigé par l'Armée canadienne et est offert chaque été à la Base des Forces canadiennes Gagetown, au Nouveau-Brunswick.
Nous avons connu tellement de succès avec ces trois programmes d'été autochtones que l'Armée canadienne prévoit mettre sur pied deux autres programmes semblables au Québec et en Ontario en 2019.
J'aimerais maintenant vous offrir une perspective un peu plus personnelle.
Au cours des 30 dernières années, j'ai observé beaucoup de changements positifs au niveau de la sensibilisation à la culture autochtone dans les Forces armées canadiennes et au ministère.
[Français]
Nous pouvons certainement voir en les communautés autochtones un bassin de recrues, mais elles constituent aussi assurément un bassin de gens qui ont énormément de potentiel et de choses à nous offrir.
Dans un contexte où la population est vieillissante, j'aime voir les communautés comme étant un bassin, et les Forces canadiennes ne peuvent pas passer à côté de cela, d'autant plus qu'au sein de ces communautés, particulièrement les communautés éloignées, il y a des besoins économiques et sociaux criants. J'aime voir le tout comme étant un mariage excessivement intéressant, tant pour les candidats que pour ces jeunes femmes et ces jeunes hommes.
[Traduction]
Lorsque je m'adresse aux nouveaux diplômés des divers programmes à l'intention des Autochtones, j'aime toujours leur expliquer comment ils vont grandir, sur le plan personnel et professionnel, en s'enrôlant dans les Forces armées canadiennes. Les compétences personnelles, techniques et en leadership qu'ils vont acquérir permettront de donner un nouveau souffle à leurs communautés le jour où ils y retourneront.
L'autre message que j'aime leur transmettre, c'est que lorsqu'ils se joignent aux Forces armées canadiennes, ils se retrouvent avec deux familles élargies. Personnellement, je me sens très près de ma famille dans la réserve, mais je constate aussi de grands avantages à avoir une deuxième famille, la famille du Royal 22e Régiment, la famille militaire, la famille des FAC. Je peux toujours me tourner vers l'une ou l'autre, selon mes besoins personnels. En fait, je dirais qu'après environ 30 ans de services, la moitié de mes amis se trouvent dans ma communauté, et l'autre moitié, dans les FAC. Je me sens privilégié de pouvoir porter l'uniforme.
Chaque fois que nous tous au tour de cette table nous rendons à Saint-Jean ou à Wainwright pour nous adresser à ces jeunes hommes et femmes qui participent aux programmes d'été, nous tentons toujours de les encourager. Nous aimons nous présenter comme des histoires à succès, disons. Très souvent, ces jeunes hommes et femmes ont seulement besoin d'une petite poussée pour se joindre aux FAC, car, soyons honnêtes, cela peut être intimidant.
L'autre aspect que j'aime beaucoup de nos programmes à l'intention des Autochtones, c'est l'aspect culturel. Beaucoup de nos jeunes éprouvent de la difficulté avec leur propre identité. Qui sont-ils? Quel est leur rôle? Bon nombre de ces jeunes hommes et femmes, même s'ils sont nés et ont grandi dans la réserve, éprouvent de la difficulté avec leur identité personnelle. La composante culturelle fait toujours partie intégrale de ce programme.
Beaucoup de nos jeunes peuvent parfois avoir une interaction réelle avec un aîné, lorsqu'ils s'enrôlent ou qu'ils participent à ce programme. Beaucoup de nos communautés sont extrêmement christianisées. Ma communauté l'a été il y a 300 ans. Au cours des dernières générations, beaucoup de nos connaissances traditionnelles ont disparu. Bien souvent, c'est lorsqu'ils participent à ces programmes que les membres de nos communautés sont d'abord introduits aux idées et concepts traditionnels. Je dois souligner que nos aînés font un travail exceptionnel à cet égard.
[Français]
Un autre aspect important du programme concerne l'estime de soi. J'ai parlé un peu plus tôt des problèmes sociaux et économiques, mais il y a aussi des problèmes sur le plan identitaire. Le fait de rejoindre les rangs des Forces canadiennes permet souvent à nos jeunes d'avoir une toute autre vision de leur identité autochtone. Cela nous permet d'avoir un effet spin, si je puis m'exprimer ainsi, qui soit beaucoup plus positif.
J'aimerais aussi souligner aux membres du Comité à quel point les communautés autochtones sont diverses. On parle beaucoup de la diversité canadienne au sein du pays, mais au sein des communautés autochtones, il n'est pas possible d'avoir des solutions ou des politiques qui feront l'affaire de tous et chacun.
Dans l'Est du Canada, des communautés ont été en contact avec les premiers Européens il y a plus de 300 ans. Des communautés dans le Grand Nord ont rencontré les premiers Canadiens il y a environ 75 ans. Des communautés parlent encore couramment les langues autochtones, alors que dans d'autres, les langues autochtones ont disparu.
Il y a des communautés urbaines. Ma communauté était en pleine forêt lorsque les jésuites l'ont fondée il y a 300 ans. La ville de Québec est venue nous rejoindre, n'est-ce pas? Des communautés se sont sédentarisées il y a une cinquantaine d'années et des Autochtones quittent leurs communautés pour aller vivre dans les villes. Comme on le voit, nos communautés sont excessivement diverses.
Pour conclure, j'aimerais souligner que tous les programmes mis en place ont un seul but commun: établir des ponts entre les communautés autochtones et les Forces canadiennes afin qu'elles y fassent carrière.
[Traduction]
Grâce aux conseils des Autochtones en uniforme, au mentorat de nos aînés, au souvenir de nos ancêtres qui ont toujours défendu ce pays et au soutien de tous les membres des Forces armées canadiennes, nous espérons être en mesure de guider et de rassurer ces jeunes hommes et femmes qui s'apprêtent à entreprendre une carrière unique et exigeante.
Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Je tiens à souligner que toute question concernant le programme des Rangers devrait être adressée au colonel Mackay.
Merci.
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Je vais formuler un commentaire général et je demanderai ensuite à l'adjudant-maître Greyeyes d'intervenir.
Nous offrons actuellement beaucoup de programmes de sensibilisation culturelle dans les FAC. Je ne crois pas qu'ils soient offerts à tous les membres; c'est une chose.
L'autre aspect extrêmement important, c'est l'éducation de l'autre côté de la table. Je m'explique. J'ai eu plusieurs occasions de m'entretenir avec des parents qui hésitaient à laisser leurs enfants joindre les Forces. Lorsque vient le temps de recruter, les Autochtones qui, comme nous, portent l'uniforme peuvent également éduquer bon nombre de parents sur ce qui attend leurs enfants dans l'armée.
Nous offrons effectivement des programmes, et, encore une fois, l'adjudant-maître Greyeyes pourra vous en parler.
La dernière chose que j'aimerais souligner, c'est que ces programmes existaient déjà il y a 30 ans lorsque je me suis enrôlé. Beaucoup de progrès ont été réalisés depuis. Lorsque je me suis enrôlé, je ne parlais pas beaucoup de moi. Les gens savaient que j'étais un Indien inscrit, car je vivais toujours dans la réserve. La réserve est située tout près de Valcartier. Honnêtement, ce n'est pas une chose dont je parlais. De nos jours, c'est beaucoup mieux perçu.
Chaque fois que nous offrons le programme Bold Eagle ou Black Bear, nous avons une foule d'instructeurs qui, bien souvent, ne sont pas Autochtones. Ils reçoivent eux-mêmes une éducation sur la culture autochtone, et s'ensuit un effet domino. Ces instructeurs sont bien souvent des sergents, adjudants et capitaines comptant 15 ou 20 ans de service dans les Forces. À mes yeux, c'est extrêmement positif. Beaucoup de membres du Royal 22e Régiment ayant assuré la prestation de ces programmes m'ont dit que ce n'était pas du tout ce à quoi ils s'attendaient, qu'ils ont découvert quelque chose.
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Monsieur, vous avez tout à fait raison.
Si des jeunes d'une communauté entrent dans les Forces et qu'ils ont une très mauvaise expérience, ils vont en parler à leur retour dans la réserve, dans la communauté. Cela peut avoir un effet domino important, parce que les communautés sont tissées de façon très serrée.
C'est la raison pour laquelle nous avons tous ces programmes d'introduction aux cultures autochtones au sein des Forces canadiennes. Nous pouvons ainsi nous assurer que lorsque les gens suivent l'entraînement, ils sont traités de façon convenable.
Pour ce qui est de parler avec les anciens, c'est un peu notre rôle à nous tous qui sommes en uniforme et qui servons au sein des Forces canadiennes d'entrer en contact avec les jeunes des communautés. Lorsqu'il est possible d'avoir des recruteurs autochtones, cela facilite notre tâche.
Pour être bien franc, je dois dire que ce ne sont pas tous les gens, indépendamment de leur origine raciale ou ethnique, qui quittent les Forces canadiennes sur une note positive. Certaines personnes doivent parfois faire face à des défis liés à la vie militaire. Il y a parfois des gens à qui la vie militaire ne convient pas. Parfois, certaines personnes peuvent avoir un goût amer dans la bouche, parce que la carrière au sein des Forces n'était pas nécessairement ce à quoi elles pensaient. Il ne faut pas se le cacher: ce n'est pas fait pour tout le monde.
Cependant, ceux d'entre nous qui ont réussi s'assurent de demeurer en contact avec nos communautés d'origine. Le fait qu'un Autochtone en parle donne beaucoup plus de crédibilité à la démarche.