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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 089 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 juin 2018

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    J'aimerais simplement mentionner que nous sommes de retour d'un voyage couronné de succès d'un bout à l'autre du pays. Nous avons commencé par la Première Nation de Millbrook, à Halifax, puis la réserve des Six Nations, puis ensuite Beauval et Victoria. Nous avons rencontré plus de 60 vétérans et leur famille. Il a fait froid, mais le voyage a été une réussite.
    Aujourd'hui, nous poursuivons l'étude des besoins et enjeux propres aux vétérans autochtones.
    Nous accueillons deux groupes. Tout d'abord, nous accueillons des témoins de l'Alberta et de la Saskatchewan dans le premier groupe. Nous souhaitons la bienvenue à Wallace J. Bona. Il est président de l'Aboriginal Veterans Society of Alberta. Il est également l'administrateur représentant l'Alberta au conseil d'administration des Aboriginal Veterans Autochtones. L'Aboriginal Veterans Society of Alberta a été fondée en 1983 par des vétérans, des Métis, des Indiens non inscrits et des Premières Nations. Son mandat est d'organiser et d'unir tous les vétérans autochtones pour la défense de leurs droits et pour qu'ils se soutiennent mutuellement, puis de faciliter des activités comme les tâches qu'elle entreprend pour d'autres organismes qui font appel à son aide pour les défilés et les hommages.
    Monsieur Bona, vous avec la parole pour 10 minutes, après quoi nous passerons aux questions. Merci d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
    Je suis heureux d'être ici, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je suis nouveau dans mon poste. Je l'occupe depuis la fin d'avril. Nous perpétuons la mémoire de nos vétérans autochtones. Nous faisons également la promotion d'un programme du gouvernement fédéral, un programme de développement de la jeunesse, Bold Eagle. Ce programme est destiné aux jeunes de 16 à 29 ans. Il consiste en six semaines d'instruction de base de la Réserve. Il donne un coup de pouce aux jeunes adultes. Depuis que je me suis joint à l'organisation, j'ai travaillé dans le cadre du Programme Bold Eagle pendant à peu près la dernière année. Le président sortant m'a initié et j'ai pris son poste de coordonnateur de Bold Eagle pour l'Alberta.
    J'ai été libéré de l'armée en 2008. Il y avait un civil et je ne peux pas me rappeler s'il était au bureau des services de la Légion ou s'il avait été engagé pour la transition, mais je me rappelle être allé rencontrer ce monsieur...
    Excusez-moi, j'ai l'impression d'être au bureau du directeur de l'école.
    Des députés: Ha, ha!
    Vous êtes le directeur. Parlez librement.
    Merci.
    Il voulait soulever un point. Il a dit qu'il avait remarqué dans mes documents que je m'étais présenté comme faisant partie d'un des groupes autochtones. J'ai dit que je l'étais. Il m'a dit que je devais être conscient que pour avoir accès aux avantages, maintenant que j'allais quitter le service militaire, il pourrait y avoir des guerres interministérielles. Le ministère des Anciens Combattants dirait: « Il est un Indien inscrit. Il relève donc de votre responsabilité. » Pour sa part, le ministère des Affaires indiennes dirait: « Non, étant donné qu'il est un vétéran, il relève de votre responsabilité. »
    Je ne sais pas quel effet cela a eu sur moi. Je sais que j'ai eu de la difficulté depuis que j'ai quitté le service. Il est difficile de retourner à l'école, ce qui était mon intention. J'avais en effet commencé mes études universitaires, mais ce qui était présenté dans les classes déclenchait en moi des souvenirs, en particulier le cours d'anglais. C'était très intéressant. Qui aurait pu croire qu'une question de mathématiques serait un élément déclencheur, ce qui m'est arrivé une fois, de sorte que... Voilà où j'en suis.
    Il y a un autre problème, depuis mon arrivée. Il y a quelques semaines, lors d'un pow-wow, j'ai parlé à un aîné qui m'a dit qu'il y avait des vétérans autochtones qui vivaient dans la rue, à Edmonton. J'ai fait quelques vérifications. À Edmonton, il y a un organisme, Boyle Street, qui s'occupe principalement des sans-abri et j'ai signalé qu'il y avait des vétérans autochtones dans cette situation. Compte tenu du contexte historique du colonialisme et du fait qu'il y a une forte proportion d'Autochtones dans les villes plus grandes, je pense que c'est particulièrement vrai.
    J'ai fait d'autres vérifications plus poussées et j'ai parlé à des gens à la Légion royale canadienne. Ils m'ont dit que certains vétérans autochtones avaient communiqué avec le bureau pour essayer d'obtenir des prestations. Les gens de la Légion ont pu les aider dans la mesure du possible. C'est une question que j'aimerais approfondir à mon retour à Edmonton.
    Le problème, c'est qu'à un niveau, nous avons un Autochtone, puis une personne qui a servi dans l'armée. Je ne peux parler qu'en mon nom personnel, mais c'est un peu une question de fierté de venir demander de l'aide et des choses du genre.
    Depuis que j'occupe la présidence, les choses ont été très intéressantes, pour ainsi dire. J'en apprends de plus en plus, c'est certain. Nous sommes marginalisés. Nous sommes un petit groupe démographique et il y a beaucoup à apprendre.
    Il y a une semaine et demie, j'étais à Gift Lake pour un salon de l'emploi dans le but de promouvoir le programme Bold Eagle et, plus tôt cette année, nous avons enterré un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale à Driftpile. Je suis allé à sa tombe et il n'y a toujours pas de pierre. Je ne sais pas si c'est une question d'argent pour la bande ou la famille, mais je pense que nous pourrons obtenir l'aide du ministère des Anciens Combattants ou de la Légion pour une pierre tombale qui convient afin que les gens sachent que, oui, ce type a servi dans l'armée. En fait, d'après les histoires qu'on m'a racontées, il a débarqué en Normandie le jour J.
    Je suis prêt à répondre à vos questions.
(1110)
    Merci.
    M. Kitchen amorcera notre premier tour de six minutes.
    Je vous remercie de votre service et de votre présence aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.
    Comme notre président vient de le mentionner, nous revenons d'une tournée d'une semaine d'un bout à l'autre du pays et nous avons rencontré de nombreux vétérans des Premières Nations. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que l'une des choses les plus marquantes, c'est de voir à quel point ces vétérans sont fiers d'avoir servi le Canada, et nous leur en sommes reconnaissants.
    Je me demande, pour la gouverne de ceux d'entre nous ici présents, d'où vous venez en Alberta.
    J'habite actuellement en Alberta. J'étais en poste dans l'armée. J'ai fait environ 26 ans moins 10 jours, mais j'ai eu quelques affectations en Alberta, de sorte que j'y suis chez moi. J'ai grandi dans une famille de militaires. Mon père était dans l'armée. Il a rencontré ma mère à Churchill. Nous avons déménagé lorsque j'avais environ un an. J'ai fini par m'enrôler.
    Quelle était votre unité?
    J'étais avec le REME, le Corps du Génie électrique et mécanique royal canadien. J'étais technicien de véhicules dans l'armée.
    Vous avez été libéré volontairement ou pour des raisons médicales?
    Il s'agissait d'une libération pour des raisons médicales, motif 3b.
    Êtes-vous à l'aise de nous en parler?
    Bien sûr. J'ai aussi été parachutiste pendant environ quatre ans. En 2000, j'ai été impliqué dans un accident de véhicule en Bosnie. Les cinq années suivantes, compte tenu du style de vie militaire, courir avec un sac sur le dos, des bottes, un sol dur, dormir sur un sol froid, tout s'accumulait. J'avais des problèmes de dos, mais quand on est jeune et qu'on pense être assez en forme...
(1115)
    L'une des choses que le Comité a apprises au cours des deux dernières années et demie, c'est qu'au départ, il n'y avait pas beaucoup de reconnaissance pour la prestation de services aux vétérans, qu'ils soient autochtones ou non. Essentiellement, les gens se demandaient pourquoi ils étaient blessés. Quand vous parlez d'un parachutiste qui saute... On suppose maintenant que cette personne saute d'un char d'assaut ou saute continuellement en parachute dans le cadre de son travail, de sorte qu'il y aura des changements dégénératifs à long terme à la colonne vertébrale, aux genoux, etc.
    Oui.
    Aviez-vous eu des difficultés à cet égard en ce qui concerne les services?
    Vous voulez dire la culture?
    C'est exact.
    Oui. C'était la mission d'abord. C'est la nature de l'instruction. Le travail passe avant vous. Pendant la guerre froide, il fallait toujours être prêts et préparés, peu importe que vous soyez à bord d'un navire, dans une base aérienne ou dans des unités de campagne. C'était toujours ainsi. Le fait de montrer une forme ou un niveau de faiblesse était mal vu. L'idée était qu'il fallait faire le travail. Il ne s'agissait pas de vous. Il n'y a rien sur le fait d'être une personne dans l'armée. C'est une question de travail d'équipe et de faire ce qu'il faut.
    Vous avez dit avoir servi en Bosnie et je crois sincèrement que nos soldats qui ont servi en Bosnie sont des soldats oubliés. On ne les mentionne jamais. On parle toujours de la Yougoslavie. On parle de l'Afghanistan. Malheureusement, on ne parle pas de la Bosnie.
    C'était l'ex-Yougoslavie ou la Bosnie. J'ai été affecté à deux endroits différents. Au cours de ma première affectation, j'ai servi au sein du troisième bataillon, le Princess Patricia's Canadian Light Infantry, puis au cours de la deuxième affectation, c'était au sein du 1er Bataillon des services. Pour la première affectation, nous étions postés à Zgon, dans le pays. Pour la deuxième affectation, j'étais avec l'élément de soutien national.
    Vous nous avez dit aujourd'hui que lorsque vous avez été libéré, on vous a parlé des difficultés que vous pourriez avoir avec Anciens Combattants et avec Affaires autochtones. Lorsque vous vous êtes inscrit pour la première fois, vous rappelez-vous si on vous a dit dès le début quels genres de services pourraient vous être offerts tout au long de votre carrière? Vous avez mentionné aujourd'hui que vous n'étiez pas nécessairement au courant de l'allocation pour études qu'il pourrait y avoir.
    Non, je ne m'en souviens pas. C'était l'époque de la guerre froide. Je ne sais pas — peut-être que les gens devenaient complaisants. C'est ainsi depuis de nombreuses années.
    Diriez-vous que c'était constant, non seulement pour tous les vétérans, mais aussi pour les vétérans autochtones?
    Je ne suis pas sûr de comprendre la question.
    Voici ce à quoi j'essaie d'en venir. Nous avons souvent dit lors de nos réunions et dans les études que nous avons faites que nous estimons que l'information fournie à nos soldats, une fois qu'ils s'enrôlent, devrait leur être communiquée dès qu'ils s'inscrivent. Il faudrait leur rappeler continuellement les prestations et les choses auxquelles ils peuvent avoir accès lorsqu'ils reviennent à la vie civile.
    J'essaie de savoir si c'est quelque chose qui est inhérent au système dont vous seriez peut-être au courant. Est-ce quelque chose que d'autres vétérans ont peut-être obtenu et que nos vétérans autochtones n'ont pas obtenu? Y a-t-il un écart entre les deux?
    Je dirais que tout le monde était traité de la même façon.
    Si vous vous fiez à mon apparence, je suppose que vous pourriez dire que je ne semble pas être un Autochtone. Je suis en quelque sorte coincé entre deux mondes. On entend des choses différentes. Je me souviens que lorsque j'étais dans l'armée, on vous dit dès le départ à quoi vous avez droit, mais en général, c'est: « Attendez de sortir ».
(1120)
    Merci.
    Monsieur Bratina, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, et merci de votre service.
    Apparemment, le premier vétéran que vous avez rencontré était votre père, n'est-ce pas? Il était militaire?
    Oui. Il a passé environ 32 ans au sein du REME. Il était aussi un vétéran de la guerre de Corée.
    Vous souvenez-vous des problèmes auxquels il a dû faire face lorsqu'il a quitté la vie militaire?
    Si je me souviens bien, il a terminé son travail un vendredi et dès le lundi matin, il travaillait comme chauffeur au camp militaire de Dundurn. Sa transition a semblé passablement homogène.
    Un an avant le décès de mon père, il a reçu un diagnostic de TSPT.
    Il n'y avait donc aucun problème dont vous discutiez dans la famille — c'est-à-dire: « Nous avons besoin de ceci » ou « Pourquoi ne pouvons-nous pas obtenir cela? »
    Non.
    C'est intéressant.
    En ce qui concerne votre identité, lorsque vous étiez dans l'armée, vous êtes-vous identifié et vous êtes-vous mêlé à d'autres vétérans des Premières Nations ou autochtones, l'a-t-on même remarqué? Vous avez mentionné quelque chose à ce sujet.
    Oui, je me suis mêlé aux autres. Au moment où nous sommes redevenus des Indiens des traités, dans les années 1990, ma grand-mère était très malade à Churchill. Si je me souviens bien, d'après ce que ma mère m'a dit, les responsables de l'hôpital disaient: « Eh bien, votre grand-mère doit être une Indienne des traités. Où est sa carte? » Il a finalement fallu 10 ans à la famille pour prouver la lignée au gouvernement afin qu'elle puisse redevenir une Indienne des traités. Une fois qu'elle est redevenue une Indienne des traités — et ce n'était pas le projet de loi C-31 —, nous avons alors obtenu notre carte.
    Je me souviens d'avoir reçu ma carte et de ne pas en avoir voulu.
    Parlons-en.
    Eh bien, je n'y voyais aucun avantage. J'étais tellement plongé dans la culture militaire.
    Je savais que mes ancêtres étaient des Autochtones, bien évidemment. J'ai grandi avec le pain bannock et le thé. Je croyais que chaque famille avait grandi avec du pain bannock et du thé. Ma mère me disait: « Si tu n'en veux pas, c'est correct. » Mon père me disait: « Oh, non, il faut avoir cette carte. Cela pourrait t'aider plus tard dans la vie. » J'ai fini par prendre la carte. En parlant à mes amis, je disais: « Regardez ce que j'ai. J'ai une carte d'Indien des traités. » Je ne sais pas; j'ai des réactions mitigées par rapport à cette carte au fil des ans.
    Vous avez parlé de la présence de vétérans autochtones dans la rue à Edmonton. Bien sûr, dans toutes nos discussions et tous nos témoignages, nous avons entendu parler de tous les vétérans qui sont dans la rue, pas particulièrement un vétéran ou un autre. Nous comprenons que les vétérans en général ne sont pas susceptibles de s'identifier comme des vétérans dans la rue. Nous devons les chercher et leur dire: « Vous étiez un soldat. Vous avez servi. Vous avez droit à des prestations. »
    Oui, la discussion avec les gens de la Légion est très intéressante. Ce qu'on m'a dit, c'est que les gens qui vivent dans la rue en particulier, parce qu'ils ont des antécédents militaires, ont leur propre clique ou leur propre culture quant à la façon de s'entraider et des choses du genre. J'ai aussi fait du bénévolat dans le cadre du Programme de soutien social aux blessés de stress opérationnel à Edmonton. Un vétéran vivait dans la rue, mais près de la base. D'après ce que je comprends, c'était ce qu'il connaissait. Il se sentait à l'aise près de la base militaire, avec les vétérans autochtones dans la rue. À l'heure actuelle, ma stratégie consiste à me présenter régulièrement à Boyle Street, dans l'espoir qu'ils vont se manifester.
    Nous avons pu rencontrer un vétéran métis, qui se trouvait dans un foyer de groupe à Edmonton, qui n'avait pas très bonne réputation, au Kipnes Centre, mais cela a pris deux ans.
(1125)
    Vous occupez votre poste depuis avril?
    Oui, c'est un poste bénévole.
    Je comprends cela. Avez-vous été surpris des problèmes qui vous étaient présentés et que vous deviez régler? Y a-t-il une bonne courbe d'apprentissage?
    Bien entendu, je suis toujours en pleine courbe d'apprentissage. La principale raison pour laquelle l'Aboriginal Veterans Society of Alberta... a été le Programme Bold Eagle, mais ma vision, c'est que nous devons tendre la main davantage aux vétérans. Il y a beaucoup de vétérans autochtones plus jeunes. Il y a aussi un militaire qui a servi dans les forces armées américaines et qui a aussi passé quelques années dans l'armée canadienne. Je l'ai rencontré.
    Merci.
    Monsieur Johns, vous avez six minutes.
     C'est un honneur de vous rencontrer, monsieur. Avant de commencer, puisque nous réalisons une étude sur les besoins et enjeux propres aux vétérans autochtones, je pense qu'il convient de reconnaître que nous sommes sur le territoire non cédé des Algonquins et des Anishinaabe. Comme M. Ellis, je viens de parcourir le pays. J'étais en Corée avec M. McColeman et M. Eyolfson ainsi que le ministre, où nous avons eu l'occasion de voyager avec des vétérans, y compris des vétérans autochtones. Ce fut une expérience formidable qui nous a permis de mieux comprendre nos vétérans, de les voir à travers les yeux des Coréens et de constater à quel point ils apprécient le service. Je suis convaincu que les gens de Bosnie ont le même sentiment au sujet du service que vous avez rendu, monsieur, et je vous en remercie.
    Je vous remercie également de votre bénévolat, en assumant ce nouveau rôle. Il est très important que nous ayons des gens comme vous au service de nos vétérans.
    Vous avez parlé des obstacles auxquels font face les vétérans des Premières Nations et de la fierté. Vous pourriez peut-être nous en dire davantage sur certains de ces défis et obstacles que le gouvernement du Canada pourrait vous aider à surmonter au ministère des Anciens Combattants, pour desservir nos vétérans autochtones.
    D'après ce que j'ai vu, les effets persistants du colonialisme sont encore très évidents aujourd'hui. Je n'ai pas de réponse toute prête. Nous essayons simplement de communiquer avec ces gens et de les orienter vers certaines régions où ils peuvent obtenir de l'aide. Je sais que la première fois que je suis allé dans une réserve — je me suis rendu dans quelques réserves au fil des ans —, certaines réserves autour d'Edmonton, je dois l'admettre, ont été un élément déclencheur pour moi. Je croyais être de retour à l'étranger.
    D’après ce que j’ai compris, beaucoup d’anciens combattants autochtones ont souffert de TSPT lié à leur expérience militaire, mais aussi à leur séjour dans des pensionnats. Nous devons nous assurer que nous avons des programmes et des stratégies culturellement adaptés pour pouvoir rejoindre nos anciens combattants. Aux États-Unis, 30 % de leurs agents de gestion des cas sont d’anciens combattants, ce qui leur permet de créer des liens avec les anciens combattants aux prises avec ces difficultés, en particulier...
    Je ne trouve pas que c’est le cas du ministère des Anciens combattants, ici au Canada.
    Non, ce n’est pas le cas.
    Il est très difficile de traiter avec un civil qui, comme on dit dans l’armée, « n’a jamais marché dans nos bottes ».
     J’imagine que c’est le cas, et c’est ce que nous entendons dire. Nous avons d’excellents civils qui travaillent à ACC, et nous avons aussi des anciens combattants qui aident à comprendre ces situations, surtout lorsqu’ils sont collègues et camarades. Les anciens combattants veulent servir. Ils se sont engagés pour se mettre au service de notre pays, et je sais que beaucoup d'entre eux aimeraient aider leurs camarades en difficulté.
    Est-ce que cela aiderait les anciens combattants autochtones? Le nombre d'Autochtones dans l'armée représente un peu plus de 3 % de la population. Devrait-on avoir le même pourcentage de travailleurs sociaux autochtones pour répondre aux besoins des anciens combattants autochtones lorsqu’ils ont besoin d’aide?
    À mon avis, cela aiderait certainement. J’ai parfois de la difficulté à créer des liens dans les différents groupes autochtones. J’ai parfois l’impression d’être pris entre deux mondes, en fait. Je vais vous donner un exemple. L’an dernier, j’ai été invité à me joindre au groupe des aînés pour les Jeux autochtones mondiaux. Nous étions assis pour notre dîner de gala, et j’étais assis avec l’aîné qui avait invité quelques anciens combattants autochtones.
    Je me suis assis à la table, et ils ont demandé ce que le moniyaw faisait là. Moniyaw signifie « homme blanc » en cri. L'aîné a expliqué que j'étais un Indien inscrit, et ils ont monté la barre d'un cran en disant: « Oh, tu te penses meilleur que nous. » J’étais en train de manger, et j'ai entendu des commentaires comme « oh, voyez-vous ça, tu utilises une serviette et tu tiens ton couteau et ta fourchette correctement. » J’ai fini de manger et j’ai dit: « Oui, vous avez raison, mon père est blanc. Mais vous savez qui m’a enseigné les bonnes manières à table? C'est ma mère. » Après cela, les choses se sont bien passées. Personne ne m’a causé de difficultés par la suite.
    Parfois, quand on va dans les communautés, il y a cette résistance, et, quand je m'y heurte, c’est un rappel douloureux du contexte historique et du colonialisme encore très omniprésent.
(1130)
    Concernant les anciens combattants sans abri, pourriez-vous nous dire comment nous pouvons rejoindre les Autochtones parmi eux? Le directeur des communications de la société des anciens combattants autochtones du Canada nous a dit qu’un sondage avait révélé que 6 % des itinérants de Montréal sont des anciens combattants autochtones. Je pense qu’il y a moyen de les rejoindre, et, si vous pouviez nous dire comment, ce serait vraiment utile.
    C’est ce que j’essaie de comprendre.
    Je parlais avec les gens de la rue Boyle, leur disant simplement qu’un ancien combattant autochtone s’était présenté et que cela pourrait leur faire savoir qu’il est acceptable d’avoir accès à certaines prestations. Pour être honnête, je ne sais vraiment pas.
    Merci.
    Monsieur Eyolfson.
    Merci, monsieur Bona. Comme l’a dit M. Johns, j’étais avec lui quand il a rencontré ces anciens combattants de la guerre de Corée. Cela a été une expérience formidable de communiquer avec ces gens qui ont vécu le genre d’expériences que votre père a vécues. C’était tout un honneur pour moi.
    J’ai déjà posé la question à des anciens combattants. Bien qu’il y ait des questions sur ce qui se passe dans les Forces armées canadiennes, il y a des programmes qui peuvent faciliter la transition pour les anciens combattants. Y a-t-il eu une formation spéciale pour les militaires autochtones au cours d’une carrière qui les a préparés à relever ces défis et leur a-t-on fait savoir que ces services leur étaient offerts? Bon nombre d’entre eux retournent dans des régions isolées lorsqu’ils font la transition à la vie civile. Ont-ils été informés des défis qu’ils allaient devoir relever et des moyens de les affronter? Y a-t-il eu une formation de ce genre dans les forces armées, en particulier pour les militaires autochtones?
    Dans mon temps, non, absolument pas. Ce n’était certainement pas systématique. Quand on quitte l'armée, le commis vous remet un questionnaire. En fait, mon milieu de travail était tellement toxique que le médecin militaire et le psychologue ont dû me retirer et me faire embaucher comme chauffeur à l’hôpital de la base.
    Je peux vous dire que, quand j'ai quitté l'armée, on m’a remis un questionnaire sur mes blessures, et j’ai dit que j’avais aussi reçu un diagnostic de TSPT. Ils ont répondu que ce n’était pas leur problème et que je devais m'adresser au ministère des Anciens combattants. Je ne sais pas si c’est parce que je me suis identifié comme Indien inscrit, mais c’est ainsi qu'on m'a traité.
     Quand vous dites que c’était un milieu de travail toxique dans l’armée, est-ce que c'était comme...?
(1135)
    Comme je souffrais de TSPT, certaines choses que j’ai vues à l’étranger ont eu une incidence sur mon rendement au travail. Mon mariage en a souffert, et j’ai fini par aller voir un psychologue. Et il lui a fallu probablement six mois avant qu'il dise que, oui, j’avais tous les symptômes classiques du TSPT. En fait, j'ai fini par parler de ce qui s’était passé à l’étranger, et cela a été plutôt pénible.
    Le fait que vous soyez autochtone a-t-il contribué à cette toxicité du milieu de travail? Avez-vous l’impression qu’il y avait une ambiance raciste?
    Je crois que oui.
    Je suis vraiment désolé d’entendre cela. C’est honteux pour nous.
    Je me souviens d’un autre incident où, en fait, j’étais dans une autre unité et, bien sûr, nous disons qu’il n’y a pas de racisme, que tout le monde est pareil, mais c’était avant que je récupère mon statut. C’était un exercice de navigation de nuit. Un militaire de notre peloton, qui était très grand, devait trouver ses coordonnées de quadrillage dans l’obscurité totale. L’un des membres du personnel d'instruction avait placé le marqueur, et je me souviens que les gars disaient qu’un — juron — d'Indien ne sait pas comment retrouver son chemin dans le noir — et il se trouve que c’était exactement là où c’était censé être.
    Je me souviens de la même personne dans le centre de service. Les soldats ont des ennuis, et l’armée a différents niveaux de correction de leur entraînement. Je me souviens que ces gars demandaient qui était le sergent inspecteur. Eh bien, c’était le sergent Untel, et ils disaient: « Oh non, on va y goûter ce soir. » Le sergent était un soldat très professionnel — en fait, c’était la même personne qui était instructeur dans l'exercice de navigation de nuit. II a fait une inspection sommaire et a dit: « D’accord, les gars, attrapez vos sacs à dos, nous allons courir. » Ils ont couru cinq milles durant la soirée et ils n’étaient pas contents. C’est le même type qui n’arrive pas à retrouver son chemin dans le noir, un soldat très professionnel.
    Je vois.
    Vous avez aussi parlé des anciens combattants sans abri, et cela me touche beaucoup, puisque je viens de Winnipeg. Et, bien sûr, c’est de Winnipeg que vient Tommy Prince.
    Oui.
    Puisque nous parlions de honte, nous portons collectivement la honte d'avoir laissé un héros aussi décoré vivre dans les rues de Winnipeg.
    Oui.
    Pensez-vous que, quand vous rencontrez... et nous le constatons dans le cas de l’itinérance en général — j’ai travaillé dans un service d’urgence, et nous avons constaté que l’accès aux services pour les Autochtones sans abri était parfois difficile parce qu’ils avaient l'impression que les services offerts n’étaient pas vraiment pour eux. Diriez-vous que c’est la même chose pour les anciens combattants autochtones sans abri?
    Je ne sais pas. Je ne peux pas vous donner de réponse simple et directe, parce que je n’ai rencontré aucun de ces gars. J'ai entendu parler d'un gars, et j’ai appris depuis qu’il est sans abri. Je n'arrête pas de poser des questions à son sujet, mais je ne l'ai pas encore rencontré. Il apparaît ici et là sur Facebook et dans les médias sociaux. D’après ce que je comprends, il fait l’objet de beaucoup d’accusations par la police, mais je ne sais vraiment pas.
    Monsieur Fraser, vous avez six minutes.
    Monsieur Bona, merci beaucoup d’être parmi nous et merci d’avoir servi le Canada. Cette étude est importante. Nous voulons circonscrire certaines difficultés précises qu'affrontent les anciens combattants autochtones et déterminer comment le gouvernement peut mieux les aider.
    Il y a en particulier — et je crois qu’on en a parlé plus tôt — le rôle important que les anciens combattants autochtones ont joué au service de notre pays et le fait que peu de Canadiens le savent comme ils le devraient. Ainsi, l’éducation jouera un rôle clé non seulement au sein de la communauté autochtone, mais dans l’ensemble de la société, pour que les gens apprennent le rôle et les sacrifices des anciens combattants autochtones au service du Canada. Je pense que cela contribuera à la réconciliation grâce à laquelle le gouvernement essaie de tisser des liens plus solides.
    Je me demande s’il y a quelque chose que nous pourrions faire comme Comité des anciens combattants pour encourager le gouvernement à appuyer les efforts d’éducation et, peut-être, à prendre des mesures pour commémorer le rôle spécifique des anciens combattants autochtones, ce qui, selon vous, serait important.
(1140)
     On parle encore de Tommy Prince aujourd’hui et de la façon dont les militaires l’ont traité. Vous savez, l’armée ne fournit pas... à l’époque. Ils ont dû vraiment insister pour obtenir une cérémonie d’inhumation. Quand je parle du programme Bold Eagle, beaucoup de gens disent que oui, c’est bien, mais il y en a aussi quelques-uns qui pensent que non, mon grand-père, mon oncle ou ma tante qui a servi dans les forces armées et qui, à son retour, a été émancipé. Ils ont dû partir. Ils ne pouvaient pas retourner dans leur réserve. L’agent des Indiens n’a pas voulu leur donner leur juste rémunération ou les prestations auxquels ils avaient droit.
    C’est omniprésent. Si vous voulez aider les anciens combattants, vous allez vous heurter à cela... les récits de la façon dont les gens ont été traités. Quand je vois quelqu’un de défavorisé dans la rue, pour moi, c’est un rappel douloureux que les effets persistants du colonialisme sont encore là et ne vont pas disparaître de sitôt.
    J’ai entendu dire qu’il y a un monument commémoratif ici, en ville. J’ai l’intention d’y aller, mais j’ai aussi entendu dire qu’il n’est pas terminé. J'aimerais le constater par moi-même. Ce serait peut-être un bon début que de terminer la construction du monument commémoratif pour les militaires autochtones.
    Je pense que c’est très juste. C’est un symbole important du sacrifice que les anciens combattants autochtones ont fait pour notre pays.
    Un mot sur la question de l'éducation. Que voudriez-vous nous dire au sujet du fait que, tout au long de notre histoire nationale, il y a eu des anciens combattants autochtones qui se sont battus pour le Canada. Ils ont combattu à la crête de Vimy pendant la Première Guerre mondiale, sur les plages de Normandie pendant la Deuxième Guerre mondiale, partout en Corée et dans des conflits plus récents.
    Ne pensez-vous pas que nous devons mieux informer les jeunes du rôle que les anciens combattants autochtones ont joué dans nos forces armées?
    C’est important. Je sais qu’il y a un mouvement en Alberta, dans le système scolaire — j’ai pu assister à une réunion avec le ministre de l’Éducation —, pour parler davantage de l’histoire militaire dans le programme. Le musée militaire de Calgary m’a contacté pour me dire qu’il voulait faire participer davantage d’anciens combattants autochtones afin d’obtenir plus de renseignements à leur sujet.
     Je trouve que le problème, c’est que les gens ne veulent pas toujours en parler. Il semble qu'ils se mettent à parler quand je fais la promotion du programme Bold Eagle, que nous assistons à des funérailles ou qu’ils nous voient vêtus de notre uniforme, mais en général, ils restent très discrets.
    Je pense que le monument commémoratif en l'honneur des militaires autochtones serait un bon début, c’est certain.
    Tout au long des diverses études menées par le Comité, des témoins sont venus dire à quel point il est important non seulement de rejoindre les anciens combattants, qui n'ont peut-être pas très confiance dans le ministère des Anciens combattants...
     C’est vraiment gentil de leur part.
    ... mais aussi à quel point il est important et essentiel d’avoir le soutien des pairs, de quelqu’un qui a traversé les mêmes difficultés, à qui vous pouvez faire confiance et qui a les mêmes connaissances et les mêmes antécédents.
    D'après vous, est-ce vrai aussi pour les anciens combattants autochtones et y a-t-il un avantage à avoir un pair autochtone qui a vécu des choses semblables avec le ministère des Anciens Combattants et qui pourrait aider un ancien combattant à faire la transition vers la vie civile, par exemple?
    Je n’ai pas grandi dans une réserve. Je suis né à Churchill, et je suppose donc que vous diriez que j’ai vécu dans le monde de l’homme blanc. Je sais, pour avoir parlé à des gens dans notre société et à des membres de différentes communautés autochtones, qu’ils ont des liens très étroits avec leurs communautés. D’après ce que je comprends, certains s'en sortent, tandis que d’autres... vous savez, l’alcoolisme, la profonde pauvreté, et diverses dépendances.
    Je pense que ce sera très difficile parce que je sais que, en Alberta, il y a des communautés partout, et dans des régions très éloignées. Je ne vois pas comment vous allez faire accepter le Programme de SSBSO dans les réserves, parce que beaucoup de réserves n’en veulent pas. Ils ne veulent pas du gouvernement.
(1145)
     Monsieur Jeneroux, vous avez six minutes.
    Parfait. Merci, monsieur Bona, d’être ici aujourd’hui et de continuer à servir les anciens combattants et la communauté autochtone.
    Je viens, moi aussi, d’Edmonton et je veux entendre votre témoignage et avoir l’occasion de vous poser quelques questions. Je comprends très bien toutes les références que vous faites à Boyle Street et à Kipnes.
    Je lisais un reportage d'Aboriginal Peoples Television Network, qui dit que le ministère des Anciens combattants estime à 7 000 le nombre d’anciens combattants autochtones qui ont servi pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiales et la guerre de Corée. Selon d’autres estimations, environ 12 000 hommes et femmes autochtones ont servi dans l'armée. Je me demande si vous avez des commentaires sur les chiffres.
    D’après ce que j’ai lu, ce sont des estimations conservatrices. J’aimerais également souligner que, selon certaines indications, les communautés autochtones ont fait beaucoup plus de bénévolat que le reste de la population pendant les différents conflits, c’est certain, et qu’elles continuent de le faire aujourd’hui.
    Si vous n’avez pas d’estimation, pourriez-vous nous donner une ventilation des hommes et des femmes?
    Avez-vous, en pourcentage, le nombre d’hommes et de femmes qui ont servi durant les guerres?
     Je n'ai pas ces chiffres.
    Je crois qu’APTN estimait qu’il y avait 65 % d’hommes et j’étais simplement curieux de connaître la répartition que votre organisation pourrait avoir ou non. Si vous ne l’avez pas, ce n'est pas un problème.
    Vous avez parlé de Boyle Street à plusieurs reprises. Merci d’y aller. C’est un organisme communautaire fantastique à Edmonton. Mais je suis curieux de savoir où par ailleurs, à Edmonton et en Alberta, l’Aboriginal Veterans Society of Alberta passe du temps à créer des liens avec les anciens combattants qui sont dans la rue, comme vous l’avez dit.
    À l’heure actuelle, c’est seulement dans la région d’Edmonton. Un aîné m’a approché, et, dans un sens, on pourrait dire qu'il m’a mis au défi en me disant: « Il y a des anciens combattants autochtones dans la rue ici à Edmonton; qu’allez-vous faire pour eux? »
     Je sais qu’il faudra du temps et j’espère pouvoir orienter mon exécutif dans ce sens, parce que nous devons défendre les intérêts de nos propres anciens combattants.
    Je veux faire une tournée de la province pour rencontrer les anciens combattants qui restent et voir quels sont leurs problèmes. Le Comité pourrait peut-être se rendre en Alberta. Nous sommes des anciens combattants. Nous sommes encore quelques-uns.
    Je vais en Alberta toutes les fins de semaine. Je serais heureux d’y aller avec vous.
    D’accord.
    Nous avons un certain nombre de légions, comme la légion de Kingsway, et je pense même aux hôpitaux. Est-ce qu’ils ont fait beaucoup de démarches auprès de vous, ou vous auprès d’eux, pour créer des liens avec les anciens combattants?
     La légion de Kingsway nous apporte un soutien extraordinaire, habituellement sous la forme de la reconnaissance de notre appartenance à la garde de drapeau consacré. De plus, il y a quelques années, j’ai pu porter le drapeau de la société des anciens combattants autochtones lors d’une partie de football. C’était bien. Il y a différentes choses de ce genre.
    En général, cependant, nous restons entre nous. Nous sommes très peu nombreux. D’après ce que j’ai compris et d’après ce que j’ai entendu, beaucoup de militaires ont directement affaire au ministère des Anciens combattants. En général, le traitement est assez bon, mais comme vous le savez, il y aura toujours des gens qui passeront entre les mailles du filet. À mon avis, il y a un contexte historique à ce phénomène. Le colonialisme est encore omniprésent.
(1150)
    Monsieur Bona, il ne me reste qu'environ une minute, mais vous avez mentionné à plusieurs reprises le programme Bold Eagle. Je suis curieux de savoir comment vous en faites la promotion par ailleurs. Il semble que ce soit à Boyle Street et ailleurs.
     Je n'ai pas fait la promotion de Bold Eagle à Boyle Street. Il s'agissait de quelque chose de particulier pour les anciens combattants autochtones qui étaient dans la rue.
    Nous travaillons un peu en collaboration avec le groupe de recrutement de l'Alberta. Ils nous donnent un peu de soutien avec des brochures et ce genre de choses, et nous travaillons aussi — je ne devrais pas dire main dans la main —, mais lorsque nous organisons des salons de l'emploi, nous prenons des arrangements avec la GRC, de sorte qu'en général, si une personne veut entrer dans la GRC, nous lui disons que « si elle termine le programme Bold Eagle et que cela figure sur son curriculum vitae, cela nous aide. » Ces personnes nous mentionnent, ou elles parlent du programme Bold Eagle, mais ce qu'elles veulent réellement, c'est entrer dans la GRC, et nous leur disons « de s'adresser d'abord à la GRC, puis peut-être de revenir nous voir. »
    La GRC appuie de façon inconditionnelle l'Aboriginal Veterans Society.
    Merci.
    Nous allons terminer avec M. Samson, pour six minutes.
    Monsieur Bona, merci beaucoup d'être venu aujourd'hui et de nous avoir fait part de votre expérience et de votre point de vue.
    Comme je l'ai dit plus tôt, M. Bona est autochtone, mais il est aussi Acadien. Beaucoup d'Acadiens de ma communauté du Cap-Breton sont des Bona qui parlent français.
    On m'a dit que notre ancêtre était un jeune homme de Normandie qui est descendu du bateau à Louisbourg dans les années 1700. C'est ce qui m'a été raconté.
    Il est, tout à fait, logique qu'il ait protégé la forteresse de Louisbourg, en tant que soldat, et c'est probablement ainsi que les choses se sont déroulées.
    Je tiens à vous remercier, bien sûr, de vos services également.
    Je veux pousser plus loin cette question. Tout au long de notre voyage la semaine dernière, on nous a beaucoup parlé des nombreux Autochtones qui ont la double citoyenneté. Pouvez-vous nous en dire davantage?
    La double citoyenneté, dans quel...?
    Je veux dire canadienne et américaine.
    Cela remonte au traité Jay, mais si vous regardez l'histoire du Canada et des territoires... lorsque je me suis installé en Alberta pour la première fois, j'ai trouvé très intéressant qu'il y ait beaucoup d'Ojibwés de l'Ontario, et on m'a dit que lorsque les colons se déplaçaient vers l'Ouest, les peuples autochtones le faisaient également. Il y a aussi l'axe nord-sud, et les différents groupes de population qui sont interreliés.
    Nous avons aussi entendu dire que dans une région, le gouvernement américain encourageait fortement... et il y avait même la conscription. Les Autochtones avaient le choix entre devenir soldats ou aller en prison. Avez-vous entendu parler de cela?
    Je n'en ai jamais entendu parler. Je comprends ce qui s'est passé aux États-Unis. Ils sont allés à la guerre. L'approche du Canada était très différente, mais en fin de compte, on essayait d'assimiler les gens dans une nouvelle société.
    C'est intéressant.
    Nous lançons des chiffres. M. Jeneroux, qui est aussi un nom acadien francophone, au cas où il ne le saurait pas... Je voulais simplement lui mentionner ses origines. Cela dit, ne vous inquiétez pas: un tiers des Québécois sont d'origine acadienne.
    Mon collègue M. Fraser a parlé d'éducation. Dans le système scolaire, nous avons beaucoup de travail à faire. Même moi, je ne savais pas qu'un si grand nombre d'Autochtones étaient devenus des soldats, protégeant nos pays et nous permettant d'être libres. Ce sont des chiffres impressionnants et — à moins que quelque chose m'ait échappé, et je suis dans le système depuis 30 ans — les livres d'histoire ne concordent pas très bien avec cela.
(1155)
     Non, en effet.
    Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont on essaie de mettre en oeuvre certains programmes dans le système d'éducation de l'Alberta pour appuyer ou mettre en commun ces expériences?
    La rencontre avec le ministre de l'Éducation visait à intégrer davantage l'histoire militaire dans le programme scolaire. On m'a dit que parfois les parents ne veulent pas apprendre l'histoire militaire. Je fonde mes espoirs sur les Musées militaires de Calgary, où l'on s'efforce d'inclure davantage l'histoire des anciens combattants autochtones et de leur accorder la reconnaissance qui leur est due, dans un esprit de réconciliation.
    Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion, monsieur Bona, d'aller au Musée canadien de la guerre. Il y a une bonne représentation de la participation des peuples autochtones à la guerre, aux côtés des Canadiens.
    C'est sur ma liste de choses à faire — probablement demain.
    Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais la prochaine question est extrêmement importante pour nous aider en ce qui concerne les allocations.
    Dans quelle mesure êtes-vous au courant des allocations qui ont été mises en oeuvre au cours des deux dernières années et demie pour les anciens combattants en général? Vous avez parlé de l'allocation pour études. Il y a l'allocation pour les aidants. Il y a toutes sortes d'allocations.
    Dans quelle mesure votre organisation et vous êtes-vous informés de cela, et comment transmettez-vous ou communiquez-vous cette information à vos gens?
    On parle d'un grand nombre de membres. Je sais qui traite directement avec Anciens Combattants. J'ai une autre réunion après celle-ci avec Anciens Combattants pour savoir exactement comment nous pouvons mieux diffuser cette information.
    Dans mon cas, il semble qu'il y ait plus d'ouvertures, mais je ne sais pas s'ils savent que je m'identifie à l'un des groupes autochtones. Mon dossier va et vient, et je ne peux donc pas vous le dire, mais je sais que le processus a été lent.
    Comme député, je sais qu'il y a un investissement de près de 10 milliards de dollars, mais j'ai de la difficulté à communiquer cette information. Nous devons travailler ensemble pour faire passer ce message.
    Merci.
    Merci.
    Malheureusement, votre temps de parole est écoulé, monsieur Bona. Au nom du Comité, j'aimerais vous remercier de tout ce que vous avez fait et de tout ce que vous continuez de faire pour les anciens combattants de ce pays. Je vous encourage du fond du coeur à poursuivre votre bon travail.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Nous allons faire une courte pause pour permettre à notre prochain groupe de témoins de s'installer.
(1155)

(1205)
     Nous allons commencer la deuxième partie de la séance.
    Pour la deuxième partie, nous souhaitons la bienvenue à Veronica Morin, de la Saskatchewan. Bonjour. Par vidéoconférence de la Saskatchewan, Philip Ledoux, vice-président, Prince Albert, Association des Premières Nations de Saskatchewan.
    Nous allons commencer par M. Ledoux, pour 10 minutes, puis nous poursuivrons.
    Vous avez la parole, monsieur Ledoux. Merci d'avoir pris le temps de venir témoigner.
    Je m'appelle Phillip Ledoux. Je suis membre de l'Association des Premières Nations de Saskatchewan.
    J'aimerais vous présenter un bref historique et un énoncé de vision concernant les anciens combattants des Premières Nations. Notre vision est d'assurer l'égalité de tous nos membres et de combler l'écart entre la qualité de vie des anciens combattants des Premières Nations et celle des anciens combattants non autochtones et de leur famille. Le mandat que nous ont confié nos membres est de suivre la situation et de collaborer avec les dirigeants des Premières Nations, afin d'améliorer la qualité de vie des anciens combattants des Premières Nations et de leur famille, de redresser les torts historiques, de promouvoir l'unité, de répondre aux préoccupations communes, de créer une voix collective pour les anciens combattants des Premières Nations et leur famille, de préserver l'histoire des contributions des Premières Nations à la sécurité et au bien-être du Canada, et de promouvoir l'éthique guerrière chez les Premières Nations, surtout chez les jeunes.
    L'une des promesses historiques, c'est que les anciens combattants des Premières Nations ont accepté de servir, même si les Premières Nations n'étaient pas tenues de défendre la Couronne. Les anciens combattants des Premières Nations sont allés au-delà de l'entente initiale qui avait été conclue et continuent de servir, alors que l'État continue de faire fi de nos services et de nos sacrifices.
    Par exemple, on a promis aux anciens combattants des Premières Nations qu'ils recevraient une demi-section de terre et 2 300 $, alors que les anciens combattants non autochtones recevaient une demi-section de terre et 6 000 $. En échange de leurs services, ces anciens combattants ont reçu des terres qui étaient déjà comprises dans des traités, tandis que les anciens combattants non autochtones ont bénéficié de terres de première qualité non grevées.
    À l'heure actuelle, malgré les injustices subies par les anciens combattants des Premières Nations, nous continuons de servir nos collectivités sans le soutien de l'État. Les anciens combattants des Premières Nations sont appelés à fournir une vaste gamme de services communautaires, comme participer à des conférences, des gardes d'honneur, des cérémonies, des engagements publics, des activités de réconciliation, des pow-wow, des événements communautaires, pour ne nommer que ceux-là. Nous répondons présents quand on nous appelle, même si, dans la plupart des cas, c'est à nos frais.
    Pour beaucoup d'entre nous, ce sont des années de retraite, mais nous ne pouvons pas nous reposer parce qu'il y a beaucoup de travail à faire. Chaque année, notre nombre diminue, et que se passera-t-il lorsque nous ne serons plus en mesure de répondre à l'appel?
    L'Association des Premières Nations a présenté une proposition de soutien en septembre 2017. Encore une fois, nous n'avons reçu aucune réponse de l'État. Parce que nous sommes des anciens combattants et que nous avons vécu des conflits armés, nous sommes confrontés à une vague de besoins en santé mentale dans nos collectivités, et une intervention de soutien est nécessaire.
(1210)
     Les problèmes de santé mentale, en particulier le trouble de stress post-traumatique ou TSPT, sont aigus et croissants, non seulement pour les anciens combattants, mais aussi pour les collectivités des Premières Nations. L'Association est souvent appelée à fournir des services en santé mentale, des mesures de soutien et des interventions liées au TSPT, mais nous n'avons aucun financement et les besoins sont grands. Nous avons besoin d'aide et nous exhortons le gouvernement à honorer les promesses de l'État de fournir un soutien pour répondre aux besoins croissants, non seulement des anciens combattants, mais aussi des Premières Nations de la Saskatchewan, en ce qui concerne la crise en santé mentale.
    Je tiens à remercier le Comité permanent de me permettre de parler de ces questions cruciales.
    Monsieur le président, en décembre 2017, nous avons présenté une proposition à l'honorable Seamus O’Regan, Anciens Combattants Canada. Il s'agissait d'une projection de financement sur cinq ans pour aider nos anciens combattants aux prises avec des problèmes de santé mentale et de TSPT sous diverses formes. À ce jour, nous n'avons même pas reçu de réponse. C'est décourageant pour nous, mais nous continuons notre lutte.
    Pas plus tard que l'année dernière, à l'occasion du centenaire de la bataille de la crête de Vimy, les anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan ont pris l'initiative de faire une importante collecte de fonds, qui a été couronnée de succès et qui nous a permis d'envoyer 20 anciens combattants des Premières Nations pour qu'ils participent aux célébrations, à nos frais. Nous n'avons pas reçu un cent du gouvernement. Nous avons recueilli environ 190 000 $ pour envoyer 20 anciens combattants sur les champs de bataille de Vimy pendant 10 jours. Mme Veronica Morin, qui est assise là, faisait partie de ce groupe.
(1215)
    Merci de votre témoignage. Je tiens également à mentionner que M. Ledoux est membre de la Première Nation Mistawasis, où il réside actuellement. Le vice-président Ledoux a également servi au sein du 2e Bataillon du Queen's Own Rifles of Canada. En avril 1965, il est allé à Chypre avec les Forces des Nations Unies. Il a participé à des missions spéciales à Beyrouth, au Liban, et il a beaucoup voyagé au Moyen-Orient. L'ancien combattant Ledoux a quitté les forces armées en 1966.
    Nous allons passer à Mme Morin, de la Saskatchewan. Mme Morin est la veuve d'un soldat qui a servi dans l'armée américaine. Vous avez 10 minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Veronica Morin. Je tiens d'abord à vous remercier de me donner l'occasion de parler en mon nom personnel et au nom de ma famille, ainsi que des autres veuves et familles comme la mienne.
    En vertu du traité Jay et de l'article 289 du Code of Federal Regulations des États-Unis, mon défunt mari, le sergent Darby Morin, est devenu soldat dans l'armée américaine en 2004. Il a été tué au combat le 22 août 2009, lors de son déploiement en Afghanistan avec la 10th Mountain Division basée à Fort Drum, dans l'État de New York.
    Nous avons deux fils, dont l'un est né à la base aérienne de Langley, en Virginie. J'ai fait le choix de retourner en Saskatchewan, d'où nous venons, afin d'avoir un soutien familial, parce que je n'ai pas de famille aux États-Unis.
    Je tiens à souligner que je suis consciente des différences qui existent entre les systèmes de soutien aux familles de militaires aux États-Unis et au Canada, et d'après mon expérience de la collaboration des deux pays pour ramener mon mari dans notre réserve pour son enterrement, j'ai supposé que le soutien du Canada se poursuivrait après les funérailles. Des militaires des deux pays étaient présents, y compris des délégués politiques, comme notre ancien premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall.
    Pendant ma transition entre les deux pays, j'ai rapidement réalisé que j'étais complètement seule dans ma recherche de soutien. Personne, y compris les membres de ma famille, ne savait comment m'aider à répondre à mes besoins. En raison du revenu que je recevais des États-Unis, je n'ai pas pu obtenir de services de garde abordables. Pendant mon bref séjour à Fort Drum, après le décès de mon mari, j'ai profité de la garderie gratuite pour avoir un peu de temps pour faire mon deuil et m'occuper de toute la paperasse.
    Mes enfants avaient respectivement 3 ans et 18 mois au moment du décès de leur père. Mon aîné était très près de son papa et il a dû composer avec ses souvenirs de son père, tandis que le plus jeune doit maintenant vivre avec le manque de souvenirs de son père. Je ne m'attendais pas à des services de garde gratuits en Saskatchewan lorsque je suis rentrée chez moi, mais j'espérais avoir accès aux allocations que les militaires canadiens offrent aux veuves et à leurs personnes à charge, alors j'ai essayé de demander une subvention pour les services de garde. Comme mon revenu n'est pas canadien, je n'ai pas eu droit à ce crédit. Il était également difficile d'obtenir du financement pour un véhicule fiable et des prêts.
    J'ai commencé à avoir des pensées suicidaires, parce que je me sentais comme un cas désespéré et que je subissais le stress de ne pas avoir le temps nécessaire pour composer avec ma douleur et m'occuper de ma santé physique et de mon propre bien-être. Ces problèmes ont déclenché un cycle d'anxiété et de périodes de dépression. Je pleurais non seulement la perte de mon mari, mais aussi la perte de notre mode de vie militaire, de notre soutien et de mon identité sans mon mari.
    Ce dont mes fils et moi avions besoin, c'était d'un soutien spécifique pour la perte que nous avions subie et notre transition vers la vie civile dans un autre pays. Ce n'est pas toujours un pays accueillant pour nous, les Autochtones, et mes fils continuent de dire qu'ils aimeraient avoir un endroit comme le TAPS, le Tragedy Assistance Program for Survivors, qui existe aux États-Unis, où ils pourraient rencontrer d'autres enfants dont les parents sont décédés en service.
    Je suis même allée jusqu'à demander l'aide de la base de Dundurn et du manège militaire Hugh Cairns à Saskatoon pour obtenir des services de soutien et d'intégration. On m'a toujours répondu qu'on ne pouvait pas m'aider, parce que nous étions une famille de militaires américaine, et je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui comprenait pourquoi mon mari était un Autochtone canadien qui combattait pour les forces américaines, et comment cela était même possible.
    En tant que famille autochtone, j'ai toujours considéré que nous devions être traités également par les Forces armées canadiennes et américaines, et j'ai eu de la difficulté à accepter que ce ne soit pas le cas.
(1220)
     Mes fils et moi n'avons pas été uniquement confrontés à la perte d'un être cher. Je me suis aussi retrouvée à devoir essayer d'expliquer le racisme et la discrimination à mes fils, en tenant compte de leur âge. Je n'avais jamais imaginé que mon enfant de 6 ans reviendrait de l'école en me disant qu'il avait essayé de se colorier les mains avec un crayon beige pour ressembler à tous les autres enfants de son école.
    Mon fils aîné a aussi commencé à montrer des signes de dépression. Il a cessé de vouloir parler de son père avec moi, ce qui m'a fait de la peine, parce qu'il était le seul à avoir les mêmes souvenirs que moi de notre vie familiale. Ce qui m'a fait encore plus de peine, c'était de le voir baisser la tête et essayer d'éviter de rendre hommage à la mémoire de son père lors de la cérémonie du jour du Souvenir à l'école. J'ai toujours veillé à ce que l'école ait une couronne pour les anciens combattants autochtones. Mon fils avait même honte de mentionner que son père était un ancien combattant autochtone.
    Mon mari était un très fier soldat autochtone, et il a toujours dit représenter notre pays dans notre collectivité de la réserve de Big River et au sein de notre Première Nation. Il aurait été très fâché contre moi si je n'avais pas réussi à faire en sorte que ses fils ne perdent pas la fierté de leurs origines.
    J'essaie de me tenir au courant des renseignements fournis par l'entremise du site Web d'Anciens Combattants Canada. J'ai même envoyé un courriel le printemps dernier pour demander pourquoi les noms et les profils de mon mari et des maris d'autres veuves ne figuraient pas sur la liste — par exemple, le caporal réserviste Derek Smallboy de la Première Nation Big River et le soldat Kyle Whitehead de la Première Nation Pelican Lake.
    J'ai aussi posé des questions au sujet du programme Vet Fit comme moyen de soulager physiquement mon deuil. Dans un courriel, on m'a indiqué qu'on me reviendrait dans 90 jours avec de l'information à jour concernant un nouveau gymnase avec lequel le programme devait collaborer. Ce courriel a été envoyé avant janvier 2018, et je me suis renseignée récemment à ce sujet, pour me faire dire encore une fois qu'on n'avait toujours pas d'information à jour pour moi. J'ai fait des efforts honnêtes pour obtenir de l'aide pour moi-même et pour tous ceux qui ont vécu la même chose que moi en traitant avec les militaires.
    Je passe beaucoup de temps avec la veuve de Kyle Whitehead, et la veuve du regretté Derek Smallboy est en fait ma tante. Elles viennent toujours me voir en pensant que j'ai de l'information pour elles, mais je n'en ai pas. Tout ce que j'ai, c'est l'information que j'ai trouvée pour moi-même, même si je ne sais pas toujours où chercher. Mais que je continue ma démarche.
    Même pour le soutien en santé mentale, j'ai essayé de recourir à de nombreux conseillers pour essayer de répondre à mes besoins particuliers liés à la perte de mon conjoint militaire. Finalement, j'ai trouvé une conseillère qui m'a offert de chercher de l'aide convenant aux besoins de ma famille. Je suis heureuse de dire que ma conseillère des cinq dernières années m'a annoncé qu'elle occupera un nouveau poste dans le cadre d'un nouveau programme de santé mentale qui débutera cette semaine et qui sera offert aux anciens combattants qui souffrent de TSPT et de problèmes de santé mentale.
    Je tiens à ce que tout le monde sache que je suis très reconnaissante d'avoir eu l'occasion de venir ici, parce qu'au cours des neuf dernières années et à travers toutes les épreuves que j'ai vécues, je me suis personnellement efforcée d'utiliser la perte que j'avais subie comme outil pour combler les différences raciales. J'ai grandi principalement dans la réserve. Je sais ce que c'est que de vivre dans les deux mondes, et je suis très ouverte d'esprit. Je comprends que beaucoup de non-Autochtones ont eux aussi de la difficulté à communiquer ce message. Je comprends cela. J'essaie de faire de mon mieux pour utiliser ma situation comme outil pour ouvrir le débat et pour discuter ouvertement et avec indulgence.
(1225)
    Encore une fois, merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de témoigner.
    Merci.
    Nous allons devoir passer à des tours de quatre minutes pour respecter le temps imparti.
    Nous allons commencer par M. Kitchen.
    Merci à vous deux pour votre service.
    Mes condoléances à vous et à votre famille pour votre perte.
    En parcourant le pays la semaine dernière, nous en avons appris beaucoup plus sur les problèmes qui se sont posés. Nous avons entendu certaines histoires semblables à la vôtre, Veronica. Il semble que bon nombre de représentants de nos Premières Nations, aujourd’hui comme par le passé, sont allés s'enrôler aux États-Unis. Nous nous sommes souvent demandé pourquoi.
    Je me demande si l’un ou l’autre d’entre vous pourrait répondre à cette question. Cela m’aiderait, du moins, à comprendre pourquoi il en est ainsi.
     Veronica, voulez-vous commencer?
    Pourriez-vous répéter la question?
    Lors de vos discussions avec votre mari, vous a-t-il déjà expliqué pourquoi il a choisi de s'enrôler aux États-Unis plutôt qu’au Canada?
    Phillip, pourriez-vous y répondre aussi après Veronica, s’il vous plaît?
    Eh bien, mon mari a toujours été passionné par l’armée américaine en raison de sa technologie, de ses armes et de ses véhicules militaires, et de l’idée de pouvoir voyager et essayer différentes bases aux États-Unis. Il était tout simplement ambitieux, c'était dans sa personnalité.
     Je pense que ce qui l’a inspiré, c’est le 11 septembre. Il a dit qu’il voulait lutter contre le terrorisme aux États-Unis. Parce que le Canada n’était pas vraiment engagé autant que les États-Unis à l’époque, il voulait être reconnu comme un soldat des Premières Nations qui a fait des efforts supplémentaires pour aller se battre dans un autre pays pour notre peuple et notre pays, et également comme allié.
    C’est pourquoi il est parti s'enrôler aux États-Unis.
    Monsieur Ledoux.
    [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    Monsieur Ledoux, nous allons devoir revenir à vous. Ils vont essayer de régler les difficultés techniques.
    Monsieur Kitchen, vous avez toujours la parole.
    Merci monsieur le président.
    Veronica, pour ce que vous avez dit au sujet du service militaire aux États-Unis après le 11 septembre, nous l'avons souvent entendu, un peu partout au Canada. Je remercie votre mari pour cela.
    Cette technologie est différente. Je comprends cela. Je viens de la Saskatchewan. Je suis chez moi à Estevan. C’est tellement agréable d’avoir des gens de la Saskatchewan ici, parce que nous comprenons la Saskatchewan. Je déteste le dire, mais beaucoup de gens ici ne comprennent pas la Saskatchewan et les défis auxquels nous sommes confrontés.
(1230)
    Oui.
    Nous sommes allés à Beauval la semaine dernière et nous y avons rencontré beaucoup de gens. Le maire d’Îsle-à-la-Crosse est venu. Nous avons eu une excellente conversation et nous avons beaucoup appris d’eux.
    Le problème qu’ils ont soulevé à plusieurs reprises concernait l’obtention de ce soutien. Vous avez parlé des difficultés que vous rencontrez à titre de membre de la famille, de conjointe d’un soldat américain. Vous m’avez appris aujourd’hui qu'il existe un programme appelé TAPS. Je ne le connais pas vraiment.
    Pourriez-vous nous en parler?
     Le TAPS, ou Tragedy Assistance Program for Survivors, est un programme d’aide aux survivants de tragédies. Il s'adresse aux familles des militaires et à leurs personnes à charge dans toutes les branches militaires. La fondatrice de l’organisme sans but lucratif est Bonnie Carroll. Ils offrent des services sous la forme de camps de deuil pour les enfants. Mon enfant de quatre ans est allé à l'un de ces camps — le bébé était encore trop jeune pour participer aux activités quotidiennes — et il s’en souvient encore. Il aimerait avoir pu profiter de la même chose ici.
    Je comprends la grande différence, et ce n’est pas courant au Canada. Ma situation est très unique, mais elle est aussi très actuelle. Il ne s’agit pas de la Première, de la Deuxième ou de la Troisième Guerre mondiale ou de tout ce qui s’est passé au cours des 100 dernières années, mais bien d'aujourd’hui. Quand je rentre à la maison, je dois quand même mettre mes enfants au lit et me rappeler que nous ne sommes encore plus que nous trois. Cela fait neuf ans. Je vais me réveiller demain matin et mon mari ne sera toujours pas là. C’est une situation à laquelle je suis confrontée quotidiennement.
    J’ai même assisté à des retraites de veuves. Le fait d’être en mesure d’établir des liens avec d’autres veuves et de comprendre leurs expériences a vraiment aidé. Mais quand on revient au Canada, et qu’on n’a pas cela, et qu’on essaie de fonctionner et de faire face aux problèmes actuels et à l’actualité, cela nous touche encore.
    Merci.
    Madame Lambropoulos, vous avez quatre minutes.
    L’audio est-il réglé?
    Non, pas encore.
    Non? Eh bien, la plupart de mes questions s’adressaient à...
    Je suis désolée, mais nous ne vous entendons toujours pas, alors je vais commencer par Veronica. Si nous pouvons vous entendre plus tard, je vais vous poser quelques questions.
    Madame Morin, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Merci de nous avoir fait part de votre expérience très difficile. Nous vous en sommes reconnaissants.
    C’est la première fois, je crois, que nous avons ici quelqu’un qui est la veuve d’une personne qui a servi aux États-Unis, alors je ne sais pas vraiment comment cela se passe. Vous avez mentionné que le service a cessé une fois que vous avez déménagé. Les États-Unis ne peuvent pas vous offrir de soutien parce que vous vivez ici?
    Exact. J’ai composé le numéro 1-800 fourni par le TAPS pour les familles des militaires. Même quand on essaie d’appeler... certains endroits n'acceptent même pas mon appel. Le message que je reçois au téléphone, c’est qu’il est impossible d'appeler de l'étranger, et c’est frustrant. J’ai un revenu américain, alors quand j’appelle pour me renseigner au sujet de mon revenu, c’est le message qu’ils m'envoient. J’ai vu un avocat à la base aérienne de Minot, le printemps dernier, par l’entremise du JAG, pour faire part de mes problèmes. Je reste en contact avec eux pour essayer de régler ce problème également.
    Avez-vous rencontré quelqu’un d’autre qui vit dans votre région au Canada et qui éprouve des problèmes semblables — par exemple, quelqu’un dont le mari décédé a servi dans l’armée aux États-Unis?
(1235)
    Pas de veuves; l’autre ancien combattant que j’ai rencontré qui travaillait aux États-Unis dans l'armée, je crois, s’appelle Aaron Ledoux. Il est en fait là où Phillip est actuellement.
    D’accord.
    Selon vous, quel était le plus gros problème auquel votre mari a dû faire face dans l’armée américaine et auquel les soldats non autochtones n’ont pas nécessairement à faire face? Selon vous, quelle était la plus grande différence entre les deux?
    Honnêtement, nous avons constaté que c’était une collectivité plus accueillante aux États-Unis. Lorsque nous avons dit que nous étions des Premières Nations, que nous étions des Autochtones du Canada, les gens étaient stupéfaits. Ils trouvaient des raisons d’essayer de sympathiser avec nous. Tout à coup, tout le monde disait avoir un peu de sang Cherokee en eux pour montrer qu'ils sympathisaient.
    Je me souviens peut-être de deux ou trois incidents où quelqu’un a proféré des insultes raciales à l’endroit des Indiens ou d’autres personnes et où mon mari a parlé. Il se levait littéralement, même si son grade était inférieur à celui du superviseur, et disait: « Pourquoi avez-vous dit cela? Vous rendez-vous compte que je suis des Premières Nations? » C’est ainsi qu’il était. Il n’a jamais laissé passer ce genre de traitement. C’est pourquoi cela me touche tellement quand je rentre à la maison et que je dois composer avec cela. Je n’avais jamais vécu cela avant de déménager aux États-Unis, au point où c’était reconnaissable, alors j’ai été un peu choquée. Je me suis dit: « Eh bien, je peux faire quelque chose de bien et transformer ma situation négative en quelque chose de positif. » Et j’ai l’impression que c’est quelque chose de positif.
     Vous aviez l’impression qu’il y avait peut-être là-bas des gens qui étaient racistes, mais dans l’ensemble, il était capable de se défendre et les gens le respectaient pour cela. Il se sentait inclus dans le groupe.
    Il y a eu très peu d’incidents, compte tenu du fait que nous avons été stationnés à Fort Eustis, en Virginie, pendant les quatre premières années de sa carrière militaire, et deux ans à Fort Drum, dans l’État de New York.
    Si vous deviez nous faire des recommandations au sujet des soldats canadiens et des veuves dont le mari est décédé pendant son service militaire, quelle serait votre principale recommandation pour aider à soutenir les familles de ces anciens combattants décédés?
    Ma première recommandation serait de faire un effort pour communiquer avec elles, les tenir au courant et leur fournir une aide à long terme après le décès de leur mari, parce que c’est un sujet tellement difficile à aborder. J’ai rencontré très peu de veuves qui peuvent même parler de leur mari ou se rendre sur leurs tombes. Cela n’a pas été facile pour moi, mais je crois qu’il en ressortira quelque chose de bon. C’est ce que j’espère. J’ai eu beaucoup de mal à essayer de transposer neuf ans de ma vie en une allocution de 10 minutes.
    Il serait utile d’offrir plus de places comme celle-ci et plus de possibilités, et de poursuivre sur cette lancée. J’espère qu'il en restera plus que des paroles.
    Merci.
    Je suis désolé monsieur Ledoux. Je pense que vous pouvez nous entendre. Ils viennent de m’informer qu’il faudra plus d’une demi-heure pour régler notre problème technique de votre côté.
    Avec l’accord du Comité, nous pouvons vous inviter de nouveau dans quelques semaines, si vous voulez bien revenir. Je sais que beaucoup de gens autour de la table veulent vous poser des questions personnellement. Nous allons demander au greffier de vous envoyer un courriel; je crois que la date est dans deux semaines. Non, plutôt la semaine prochaine. Nous pourrons le confirmer.
    Vous pouvez nous entendre. Si vous voulez rester avec nous et entendre le témoignage de Veronica, vous êtes le bienvenu. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir pris le temps de venir et d’avoir fait preuve de patience à l’égard de notre personnel et de nous aujourd’hui, pour ce problème technique.
    Pourriez-vous nous faire parvenir la proposition que vous avez envoyée au bureau du ministre également, afin que nous puissions l’ajouter à nos notes?
    Vous avez entendu cela? Pourriez-vous faire parvenir à la greffière les propositions que vous avez montrées, et elle nous les fera parvenir.
    Nous cédons maintenant la parole à M. Johns, pour quatre minutes.
(1240)
    Merci monsieur Ledoux. Je sais que vous pouvez nous entendre, mais nous ne pouvons pas vous entendre. J’ai hâte d’entendre votre témoignage. Je tiens à vous remercier de votre service, monsieur, pour notre pays et pour l’organisation que vous représentez.
    Veronica, je vous suis vraiment reconnaissant d’avoir raconté votre histoire et celle de votre mari. Je vous offre mes condoléances.
    Vous avez parlé des 90 jours d’attente. C’est plus de 90 jours. Nous en sommes à... quoi, 150 jours, plus? Pourriez-vous nous parler de l'incidence de ce retard sur votre situation, et de cette attente?
    Je n’attends certainement pas que quelqu’un vienne m’aider. Je fais des recherches en ligne et j’essaie de trouver ce qu'il me faut dans ma communauté. À Saskatoon, nous vivons dans la communauté de Silverwood. À Silverwood, je sautais littéralement dans ma voiture pour lire des panneaux d’affichage et des affiches sur différents immeubles et ainsi de suite, pour essayer de trouver des programmes gratuits ou peu coûteux auxquels je pouvais participer entretemps, jusqu’à ce que le programme Vetfit me rappelle et me propose un programme.
    J’ai déjà eu un entraîneur personnel qui pouvait m’aider à surmonter mon deuil. C’était très utile et j’aimerais pouvoir continuer à le faire, mais c’est vraiment cher. C’est ce j’ai constaté en rentrant au pays, combien tout coûte plus cher au Canada qu'aux États-Unis.
    Bien sûr.
    Le gouvernement vous a-t-il donné un échéancier, après les 90 jours? Lorsque vous leur avez parlé récemment, vous ont-ils dit combien de temps il leur faudrait avant de vous répondre?
    Non, ils m’ont simplement dit qu’ils me répondraient dans 90 jours.
    Après 90 jours, je leur ai envoyé un courriel disant que cela faisait maintenant 90 jours.
    Vous avez parlé des gens de votre communauté, je pense que c’était de votre cousin ou de membres de votre famille. Quels sont les défis auxquels ils font face? S’agit-il du trouble de stress post-traumatique ou d'un autre problème lié à leur service?
    C’est vraiment difficile de parler à ma tante, dont le défunt mari était le caporal Derek Smallboy, réserviste de l’armée. Ils ont eu six enfants et elle vit dans la réserve. Notre réserve est située à deux heures au nord de l’endroit où j’habite. C’est vraiment difficile pour elle d’essayer de me parler, mais elle a toujours des questions à me poser et je ne sais pas vers où l’orienter.
    Je lui parle un peu par intermittence, et c’est frustrant parce que je ne sais pas comment l’aider. Je pense que c’est tout aussi frustrant pour elle, parce qu’elle s’attend à ce que je puisse lui offrir de l’aide ou de l’information.
     Un meilleur accès à l’information et aux services serait extrêmement utile.
    Oui. Je sais que ses enfants vivent des moments très difficiles. Il y a six enfants.
    Rencontrez-vous des anciens combattants dans votre communauté qui ont fait leur service militaire?
    Je suis en fait membre de la Saskatchewan First Nations Veteran’s Association. Je suis souvent en contact avec eux. J’essaie de suivre ce qu’ils font. C’est différent parce que comme ma situation est si unique, il est vraiment difficile d’essayer de contribuer ou d'obtenir un soutien particulier pour moi parce que beaucoup d’entre eux sont des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Il n’y a personne d’autre qu’Aaron Ledoux, mais je n’ai pas vraiment eu l’occasion de lui parler de son expérience.
    Vous avez mentionné le programme TAPS. Pouvez-vous nous en parler un peu, de ce qu’il comportait, de ce que nous pourrions offrir ici et des leçons que nous pourrions en tirer?
    En fait, j’aimerais beaucoup participer pleinement à tout ce qui ressemblerait au programme TAPS. Je pense que mes enfants seraient enchantés si nous avions quelque chose de ce genre en Saskatchewan. Le TAPS offre non seulement des camps de deuil pour les enfants, mais aussi des retraites pour les veuves, les conjoints, les frères et soeurs, les parents. C’est un très gros organisme sans but lucratif. La dernière retraite de veuves à laquelle j’ai assisté était en Alaska, où j’ai fait une course de cinq kilomètres en mémoire de mon mari. Ils organisent ce genre d'activités. Tout ce qu’ils font est en mémoire d’un être cher qui a servi dans l’armée.
    Merci.
    Monsieur Samson, vous avez quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Ledoux, de votre service et de votre témoignage. Je crois comprendre que nous aurons l’occasion de vous entendre la semaine prochaine. Merci encore.
    Veronica, merci beaucoup de votre témoignage et de nous avoir fait part de certaines de vos difficultés. Nous devons les entendre, même si c’est difficile. Nous vous sommes reconnaissants d’être venue nous rencontrer.
     Je ne sais pas si les membres du Comité ici présents comprennent vraiment — pas moi en tout cas — la différence entre les indemnités offertes aux États-Unis et au Canada.
    Si vous étiez aux États-Unis aujourd’hui, que recevriez-vous? Vous êtes ici au Canada. Que recevez-vous? Recevez-vous des services d’Anciens Combattants Canada? Recevez-vous des services de Canadiens?
(1245)
    Non.
    Est-ce la norme?
    Je suppose, mais je ne le sais pas vraiment non plus. Tout cela est nouveau pour moi aussi. Tout ce que je sais, c’est ce sur quoi j’ai essayé de faire des recherches et d’obtenir de l’aide. J’ai oublié de mentionner les impôts. Je dois payer des impôts aux États-Unis. En raison de mon revenu, je paie des impôts aux États-Unis, alors je dois me rendre sur place et faire mes impôts. Je vais habituellement à la base aérienne de Minot, qui est la base militaire la plus proche de nous. Même au Canada, je dois quand même produire une déclaration de revenus ici même si je n’ai pas de revenu. Je dois payer des impôts.
    D’après les témoignages que nous avons entendus la semaine dernière, il y a en fait beaucoup d’Autochtones qui ont servi dans l’armée américaine ou pour le gouvernement américain. J’essaierais de voir si les organisations et les associations d’anciens combattants autochtones dans les communautés ont des renseignements qui pourraient vous aider. J’ai de la difficulté à comprendre que notre gouvernement n’ait pas une certaine responsabilité et qu’il n'y ait pas d'ententes entre les deux pays. Je ne vois pas pourquoi il n'y en aurait pas.
    Vous êtes dans une situation très difficile, c’est le moins qu’on puisse dire. Comment vont vos enfants? C’est une question importante. Cela fait maintenant neuf ans.
    Mon fils aîné a maintenant 12 ans. Il arrive à la puberté, alors il a besoin d’une figure paternelle et de quelqu'un à qui s’identifier. C’est un problème avec lequel il est aux prises en ce moment, avoir une figure paternelle dans sa vie. Je suis l’aînée de tous mes frères et soeurs, alors j’ai toujours été assez indépendante et j’ai toujours fait les choses par moi-même de toute façon. Je ne suis pas toujours la personne la plus accessible pour les membres de ma famille parce que j’ai eu à composer avec tellement de choses et parce que j'ai dû me faire une carapace, pour diverses bonnes raisons. Même avec mes enfants, j’apprends à les soutenir et à les aimer davantage. Nous avons toujours été très proches parce que nous avons toujours été seuls. En fait, je n’avais jamais eu le temps de faire mon deuil, mais maintenant qu’ils sont capables de se débrouiller dans la cuisine et autrement, j'y arrive. J'ai passé l'étape de les aider à devenir propres et à se nourrir. J’ai le temps et l’occasion de venir ici pour témoigner et faire ce genre de choses. Mon plus jeune n'accepte pas de ne pas avoir de souvenir de son père et il a du mal à admettre ce que nous avons véritablement vécu.
     Merci.
    Monsieur Fraser, vous avez quatre minutes.
    Monsieur Samson, vous pouvez terminer cette série de questions.
    Merci beaucoup, monsieur Fraser.
    Soyez bref.
    Avez-vous un travailleur social ou quelqu’un pour vous aider? Je pense qu’il y a de grandes différences entre les gouvernements canadien et américain. Nous devons trouver un moyen, parce que, essentiellement, si je comprends bien, il vous faudrait pratiquement retourner aux États-Unis pour avoir des services. Ce n’est pas juste...
     Non.
    ... parce que vous êtes canadienne et que vous avez une maison.
    Avez-vous un travailleur social?
    Le travailleur social le plus proche auquel j’ai droit se trouve à Fort Lewis, dans l'État de Washington. J’ai essayé de le joindre. J’espère que je n’aurai pas à me rendre là-bas en voiture pour lui rendre visite.
    Merci.
    Merci, monsieur Ledoux et madame Morin, d’être ici.
    Monsieur Ledoux, je suis désolé, mais nous allons devoir attendre la prochaine fois pour vous poser des questions.
    Madame Morin, merci beaucoup d’être venue. Votre famille et votre communauté doivent être très fières de vous d'avoir le courage de faire ce que vous faites et de venir ici aujourd’hui nous raconter votre histoire, afin que nous puissions, nous l’espérons, améliorer un peu les choses pour l’avenir.
    Vous avez parlé des services d'assistance auxquels vous avez eu recours. Je sais que vos enfants ont peut-être aussi éprouvé des difficultés psychologiques. Recevez-vous les services qui sont offerts actuellement? Et si c'est le cas, sont-ils payés par le Bureau américain des anciens combattants? Comment cela fonctionne-t-il?
(1250)
    À ma connaissance, les services de santé mentale que j’ai sont couverts par les Affaires indiennes, alors je ne les paie pas, mais au début, je les payais.
    D’accord.
     Anciens Combattants Canada s’en occupe, donc?
    Non.
    Qui s’en occupe?
    Ils sont couverts en vertu de notre statut issu d'un traité.
    D’accord. Très bien.
    L’une des choses que nous savons être très importantes dans des situations difficiles comme celle-ci, c’est le soutien de la communauté, de la famille, des pairs ou d’autres personnes qui sont passés par là. C’est pourquoi il est si important pour le travail que vous faites d'aider d’autres familles et d'autres veuves qui sont en deuil et qui vivent cette situation incroyablement difficile.
    Pouvez-vous nous parler un peu du soutien que vous avez reçu dans la réserve de la Première Nation de Big River et nous dire s’il y a quelque chose qu’Anciens Combattants Canada pourrait faire dans ces situations pour aider la communauté à prendre soin de votre famille?
    Ils ont consacré une journée à la mémoire de mon mari. Ils ont apporté leur aide en s’assurant de garder sa mémoire vivante, pour que tout le monde soit fier de qui il était et sache qu’il était issu de la même communauté que les autres membres de notre communauté. Ils en ont presque fait un symbole de fierté, car il a vécu une vie qui valait la peine d’être reconnue. Nos jeunes peuvent être fiers de dire qu'ils l'ont même connu et rencontré dans bien des cas. Lorsqu’il rentrait à la maison pour un congé, il allait dans les écoles et parlait aux enfants, vêtu de son uniforme.
    Ils ont aussi ouvert un centre pour les étudiants de niveau postsecondaire. Il s’agit du Sgt. Darby Morin Centre of Excellence for Business Development. Ils ont fait ce genre de chose en sa mémoire.
    C’est merveilleux. Il a l’air d’un homme extraordinaire.
    Il l’était.
    Je suis sûr qu’il serait très fier de vous. Je vous en remercie.
    Merci.
    Monsieur Kitchen, vous avez quatre minutes.
    Merci encore.
    Je suis sensible au fait que vous payez vos impôts aux États-Unis et au Canada. Ma femme a été infirmière aux États-Unis, car l’hôpital était situé juste de l’autre côté de la frontière, à neuf milles de chez nous. Nous avons dû faire la même chose pendant des années: quand elle travaillait là-bas, elle payait aux États-Unis... Ensuite, il fallait attendre, il fallait présenter des déclarations d’impôt au Canada et les taux d’imposition étaient différents. Cela fait une grosse différence. Acceptent-ils que vous ayez payé aux États-Unis?
    Je comprends ce dont vous parlez.
    Merci.
    Vous avez mentionné que vous avez essayé de communiquer avec le ministère des Anciens Combattants. Avez-vous fait tout cela en ligne?
    Oui.
    Saskatoon a une toute nouvelle installation. Êtes-vous allée là-bas?
    Non. J’ai parlé à ma conseillère jeudi dernier et elle m’en a glissé un mot. Elle m’a dit que je pourrais peut-être essayer. Comme il s’agit d’une demande en ligne, je n’ai même pas encore réussi à déterminer si j'étais admissible à leurs services. Elle m'a dit qu'ils ouvraient cette semaine — aujourd’hui, en fait, mardi.
    Vous avez mentionné que c'était impersonnel, mais quand vous allez à ce bureau de Saskatoon, vous passez par une porte et vous vous assoyez dans une pièce, puis vous devez passer des murs et parler à travers des murs. Ce n’est pas personnel. Préparez-vous à cela lorsque vous vous y rendrez.
     Très bien.
    Vous avez parlé de votre mari. À son retour, il a parlé aux jeunes dans les écoles. L’avez-vous fait?
    J’amène mes fils parler aux cérémonies du jour du Souvenir dans notre réserve. J’ai toujours fait l'effort de m'y rendre. C’est difficile parce que c’est tellement personnel, surtout là, car il s'agit de notre communauté. J’encourage mes garçons à prendre la parole, car je pense que les enfants adorent les entendre.
    J’ai entendu de la part de beaucoup d’autres anciens combattants qui ont été invités à parler pendant ces cérémonies, que parmi les nombreuses écoles, c'est là que les enfants étaient les plus respectueux, qu'ils écoutaient tout le monde parler, surtout quand on parlait de Darby, parce que beaucoup d’entre eux se souviennent de lui et parlent encore de lui. Sa mémoire y est encore très vivante.
    Je pense que c'est une belle histoire que vous avez là, que vous devriez la raconter à votre nation et la lui faire connaître, de même qu'à vos enfants, s’ils se sentent à l’aise de la raconter, bien entendu.
    Oui.
    Vous avez parlé un peu de discrimination. Avez-vous l’impression qu'il y a de la discrimination du fait que vous êtes la veuve d’un ancien combattant américain et que vous êtes au Canada avec des anciens combattants canadiens?
(1255)
    Lorsque je suis rentrée chez moi, j’ai été victime de discrimination. Quand j'allais faire des emplettes, par exemple, on me suivait partout dans le magasin. Une partie de moi voulait arrêter la vendeuse et lui dire que je pouvais payer. Je ne suis pas ici pour voler quoi que ce soit et ne me traitez pas de la sorte, parce que vous ne savez même pas que j’ai fait le sacrifice ultime pour notre pays, pour que vous ayez le droit de me suivre dans le magasin et de me traiter comme vous le faites.
    Je ne peux pas dire de telles choses, mais c’est ce qui me passe par la tête. Je ne peux tout simplement pas le dire. Ce n’est qu’un exemple du genre de discrimination que j’ai vécue. De voir mes enfants aux prises avec cela à l'école primaire... Je ne voudrais pas que d'autres parents vivent cela. Oui, c’est très déchirant.
    Merci.
    Nous allons terminer par M. Bratina. Il nous reste quelques minutes.
    Vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à vous dire à tous les deux à quel point je suis impressionné et à quel point nous sommes impressionnés que vous ayez affronté les problèmes dans votre vie, des situations très différentes, et que vous ayez décidé de ne pas rester les bras croisés et en espérant que quelque chose se produise. Vous êtes venue de très loin pour nous parler, ainsi que M. Ledoux au moyen d'une interface technique. Je pense qu’il est louable que vous ne permettiez pas que des torts soient causés sans être redressés.
    Je pense que nous vous le devons, en notre qualité de Comité permanent des anciens combattants et de la part de tous les partis, et je suis sûr que nous sommes tous certains que nous obtiendrons réponse. Nous ne serons peut-être pas en mesure de tout régler, mais nous allons certainement transmettre les questions que nous avons entendues et nous assurer que les autorités les comprennent et, espérons-le, trouvent des solutions pour vous.
    Dans votre cas, Veronica, vous avez traversé une période difficile avec vos enfants. J’espère — mon fils a maintenant 35 ans et il est passé à autre chose — qu’ils apprendront avec l'âge un nouveau genre de respect pour l’histoire de votre famille. Vous pouvez vous imaginer cela?
    Oui.
    Votre mari était un soldat honorable et respectueux.
    Oui.
    Il mérite l’amour et la reconnaissance de ses fils. Je suis sûr que cela arrivera.
    Merci.
    En ce qui a trait aux questions précises que vous avez soulevées, je me demande si ce que vous vouliez dire est que les militaires canadiens et américains devraient coordonner ces programmes.
    Oui, je pense que nous avons vraiment besoin d’une personne intermédiaire pour pallier les différences entre nos pays. Cela n’a aucun sens pour moi et je ne crois pas que les autres y comprennent quoi que ce soit non plus, alors il est évident que c’est une question qu’il faut examiner attentivement.
    Merci.
    Monsieur Ledoux, j’ai pris beaucoup de notes lorsque vous avez pris la parole, alors j’ai hâte d’obtenir des réponses lorsque nous aurons l’occasion de revenir.
    Merci à vous deux.
    Merci.
    Voilà qui met fin à notre séance d’aujourd’hui. J’aimerais vous remercier tous les deux de tout ce que vous faites pour aider les anciens combattants et leur offrir un soutien continu. Je m’excuse de nos difficultés techniques. Le greffier vous reviendra avec un créneau horaire au cours des prochaines semaines.
    Cela met fin à la rencontre d’aujourd’hui. Nous allons lever la séance et vous remercier tous les deux encore une fois.
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