:
J'ouvre maintenant la séance.
Bienvenue à la 100e réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 7 mars 2023, le Comité se réunit pour étudier les projets de train à grande fréquence.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement de la Chambre des communes. Les députés peuvent y participer en personne, dans la salle, ou à distance au moyen de l'application Zoom.
[Traduction]
Chers collègues, bien que cette salle soit équipée d'un système audio très puissant, nos interprètes ne sont pas à l'abri des chocs acoustiques, qui peuvent créer des blessures sérieuses. Par conséquent, je demande aux membres du Comité et aux témoins dans la salle de ne pas se pencher trop près du microphone et de ne pas retirer leur oreillette.
Afin de prévenir les incidents et de préserver la santé auditive de nos interprètes, j'invite tous les participants à parler directement dans le microphone sur lequel est branché leur casque, et à éviter de manipuler les oreillettes en les plaçant sur la table loin du microphone lorsqu'elles ne sont pas utilisées.
Chers collègues, pour la première partie de la séance, qui se tiendra entre 11 heures et midi, nous avons le plaisir d'accueillir M. Friedemann Brockmeyer, directeur chez Civity Management Consultants. M. Brockmeyer se joint à nous depuis l'Allemagne.
Wie geht es dir? Bienvue, et merci d'être présent parmi nous aujourd'hui.
[Français]
Nous accueillons aussi M. Steeve Lavoie, président et chef de la direction, Chambre de commerce et d'industrie de Québec, qui participe à la réunion par vidéoconférence.
Monsieur Lavoie, bienvenue. Nous commencerons par les remarques d'ouverture et vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Bonjour et merci, monsieur le président.
Chers membres du Comité, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.
Tout d'abord, voici quelques mots sur l'organisation que je représente. La Chambre de commerce et d'industrie de Québec regroupe 4 200 membres. Notre rôle est de sensibiliser, de mobiliser et d'agir pour favoriser le développement économique de nos membres et du milieu. La Chambre de commerce et d'industrie de Québec est le plus important regroupement de gens d'affaires de l'Est du Québec, dont je porte la voix aujourd'hui.
Chers membres du Comité, je suis ici pour vous dire qu'il y a longtemps que les gens de Québec — nous sommes plus d'un million dans la grande région — attendent une connexion ferroviaire digne de ce nom avec la métropole québécoise, avec la capitale fédérale et avec la métropole ontarienne. Nous souhaitons une connexion rapide, fréquente et fiable. C'est particulièrement vrai pour les gens d'affaires.
En effet, ce lien est vital pour le développement économique de la grande région de la capitale nationale du Québec, parce que Québec, notre capitale nationale, est isolée des métropoles. Dans une ère d'interconnexion, cela constitue un inconvénient important pour son économie et pour la mobilité des personnes.
Québec est la capitale provinciale où s'élèvent l'Assemblée nationale, l'Université Laval et de nombreuses autres institutions postsecondaires, un parc technologique de calibre mondial, un secteur manufacturier en effervescence, tout comme celui des assurances et d'autres, sans compter l'expertise en développement de jeux vidéo et une industrie touristique foisonnante.
Québec est donc une région à haut potentiel, avec des gens d'affaires de talent. Or, pour pleinement se réaliser, Québec ne peut pas vivre en autarcie. Nos gens d'affaires, tout comme la population, ont besoin d'infrastructures de transport vers les autres centres dignes de ce nom. Il faut des infrastructures du 21e siècle solides, fiables et qui leur permettront de faire des affaires.
Il y a, à ce jour, 33 départs de Québec par semaine, dont plus ou moins sept par jour à destination de Montréal, mais aucun départ en soirée. L'offre demeure limitée. De plus, si on sait généralement vers quelle heure le train va partir, on ne sait jamais quand il va arriver, entre autres parce qu'il n'y a pas de voies dédiées. Cette incertitude rend la planification des rencontres extrêmement difficile pour les gens d'affaires. Elle limite notre capacité à faire des affaires.
Les retards réguliers rendent en effet difficile, voire impossible, le choix du train comme moyen privilégié de déplacement entre Québec et Montréal, et c'est la voiture qui y gagne. Il faut que cela change. Les gens de Québec ont besoin d'un service fiable, efficace. Ils ont besoin d'un train à grande vitesse, un train qui soit rapide. À ce titre, il est clair que le tronçon Québec-Montréal doit être à haute vitesse.
En effet, nous sommes tous en faveur d'un train à grande fréquence, mais il ne faut pas occulter la question de la vitesse. Il faut présentement en moyenne trois heures et dix minutes, et ce, lorsque le train de VIA Rail n'est pas retardé, pour franchir la distance entre la gare de Québec et celle du centre-ville de Montréal. Il faut réduire considérablement le temps de déplacement. C'est la seule façon de changer les habitudes de tous ceux qui prennent actuellement la voiture, qu'ils disent plus pratique.
Des études, dont une a été menée par la Société nationale des chemins de fer français, concluent que les régions métropolitaines les plus petites reçoivent davantage de bénéfices d'un train rapide, qui les connecte à des villes et à des bassins de population plus importants. Ainsi, une ville comme Québec dégagerait plus de retombées par rapport à son économie.
Améliorer le service permettra de rapprocher bien sûr les consommateurs, dont les touristes, mais aussi de favoriser l'attraction et la rétention de main-d'œuvre dans tous les secteurs d'activité. Dans un contexte de plein emploi dans la région de Québec, améliorer l'accès, c'est rendre les occasions d'emploi plus attrayantes.
Ce projet contribuera de façon importante au recrutement des meilleurs talents dans tous les secteurs, notamment universitaire, scientifique et culturel. Un train à grande vitesse et fréquent constitue aussi un atout précieux pour maintenir et attirer à Québec des sièges sociaux qui génèrent d'importantes retombées économiques, car, si le train permet d'attirer des gens ici, il ouvre également une fenêtre vers les métropoles et le monde des affaires.
Nous savons qu'en matière de transport, la demande est tributaire de l'offre. Meilleure sera l'offre, plus le corridor sera fréquenté. Ce projet doit se réaliser. Il faut être rigoureux tout en étant ambitieux. Le manque de vision et d'action aurait des effets importants pour des décennies à venir. Il faut agir.
Le temps est venu de renforcer le lien entre Québec, Montréal et Toronto avec une connexion à haute vitesse, fréquente et fiable.
:
Je tiens d'abord à vous remercier pour l'invitation. C'est un réel plaisir pour moi de comparaître devant un comité au Parlement du Canada.
Permettez‑moi maintenant de me présenter. Je m'appelle Friedemann Brockmeyer, et je suis directeur chez Civity Management Consultants, un cabinet de consultants basé à Berlin. Nos activités se concentrent entièrement sur le secteur de la mobilité et de l'infrastructure. Nous travaillons avec des clients dans l'ensemble du secteur ferroviaire et des transports publics en Europe, incluant les responsables des infrastructures, les ministères, les sociétés ferroviaires, les entreprises industrielles, et d'autres acteurs de premier plan.
Je possède une très vaste expérience dans ce domaine, ayant travaillé pendant plus de 10 ans dans l'analyse de projets de trains à grande vitesse et de projets de nouvelles constructions, en particulier en ce qui concerne les coûts d'investissement et le coût total des propriétés. Notre cabinet a travaillé pour plusieurs gestionnaires d'infrastructures en Europe; des sociétés de taille modeste, comme Bane NOR en Norvège, mais aussi de grandes entreprises, comme Network Rail, Deutsche Bahn et High Speed Two.
Nous avons accumulé une grande expérience grâce à de nombreux projets menés en Europe. Je ne possède aucune expertise en lien avec l'Asie, même si je crois qu'il est toujours pertinent de s'intéresser à ce continent. J'aimerais aujourd'hui vous faire part de différentes perspectives et leçons tirées de mon expérience en Europe.
Tout d'abord, je pense que la situation géographique du Canada vous prédispose à réfléchir sérieusement au potentiel du transport ferroviaire. En effet, bien que votre pays soit très vaste, vous avez la chance que la majeure partie de votre population se situe au sein d'un très petit corridor allant de Québec à Windsor. La concentration d'une population dans une zone restreinte facilite l'aménagement du transport ferroviaire. En fin de compte, nous devons comparer toutes les solutions ferroviaires avec d'autres modes de transport, et nous devons nous assurer qu'il s'agit de la meilleure solution en termes de transport et de connexion entre différents centres urbains.
Ce que je peux dire de l'expérience européenne, c'est qu'il existe, disons, deux types différents de systèmes ferroviaires à grande vitesse. Le premier type s'apparente au style français, où Paris est connecté à l'ensemble du pays. On y observe de longs tronçons et des trains à très grande vitesse. L'Espagne utilise un système similaire pour connecter Madrid, la capitale, à d'autres villes, même si les distances sont plus longues.
Il existe évidemment d'autres systèmes de transport ferroviaire ailleurs en Europe. En Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse et en Autriche, on trouve davantage de services interurbains, c'est‑à‑dire au sein des zones urbaines densément peuplées. Les tracés des lignes ferroviaires sont linéaires et forment une sorte de collier de perles. Par exemple, si vous regardez l'ensemble du corridor ferroviaire européen, il descend d'Amsterdam comme un fil vers Bruxelles, Cologne, Francfort, Stuttgart, Munich et Vienne. Il s'agit d'une très longue ligne, où il sera un jour possible de créer un service de transport intégré. Il s'agit donc d'une approche différente du modèle français et espagnol.
La première leçon que j'aimerais partager avec vous, dans le contexte canadien, est qu'il serait avantageux pour vous de penser à un tracé linéaire reliant Toronto, Montréal et Québec, en passant par Ottawa. Je préconise d'éviter les connexions directes entre chaque ville, et d'opter plutôt pour un tracé linéaire qui place l'ensemble des grandes zones urbaines sur le même collier de perles. La fréquence des trains doit être très élevée; on parle d'un train à chaque 30 ou 60 minutes.
Le deuxième point concerne la vitesse. Pour autant que je sache, la notion de « projets de train à grande fréquence » suppose une vitesse plutôt limitée pour les trains, disons 200 kilomètres à l'heure tout au plus. L'option des trains à grande vitesse peut sembler attrayante, mais il faut se confronter à la réalité de la topographie.
J'ai consulté des cartes du Canada, et je constate que le terrain est très plat dans le corridor entre Windsor et Québec dont je parlais. Un terrain plain est avantageux, car cela signifie qu'il n'est pas nécessaire de construire beaucoup de viaducs et de tunnels, qui sont des infrastructures particulièrement coûteuses. Par contre, compte tenu de la topographie de cette zone, il ne sera pas compliqué de construire un train à grande vitesse pour un prix somme toute très raisonnable. Ce genre de projets permettra à long terme d'améliorer l'efficacité générale de vos activités commerciales.
Il convient également d'examiner les contraintes en matière de capacités. C'est quelque chose que nous avons appris à la dure dans le cadre de certains projets ferroviaires en Europe. Nous avons tendance à construire des trains à grande vitesse d'une périphérie à l'autre, en négligeant de ce fait l'ancien réseau dans la zone métropolitaine. Ces tronçons urbains définissent la capacité d'un réseau ferroviaire à grande vitesse ou à grande fréquence. Autrement dit, si l'on veut que l'analyse de rentabilité et les déplacements sur l'intercorridor soient couronnés de succès, il faut s'attaquer à ce problème. Vous devez réfléchir à la manière d'utiliser des méthodes innovantes, telles que des gares plus longues et des terrains à deux niveaux, pour augmenter les capacités du réseau ferroviaire, et donc les avantages économiques du système dans son ensemble.
Le dernier point est également très important. Nous tendons à examiner ce genre de projets sous l'angle des coûts en investissements et de la rapidité. Mais en réalité, c'est la satisfaction du client qui compte. Qu'est‑ce que j'entends par « satisfaction du client »? La satisfaction du client signifie que l'on dispose d'un service fiable qui est fourni à temps et à intervalles fréquents. Cela nécessite évidemment une planification à long terme. Tout d'abord, il faut partir de l'horaire. Quel horaire voulez-vous proposer et quels sont les temps de parcours? Une fois l'horaire défini, il s'agit de déterminer l'infrastructure, la fabrication du matériel ferroviaire et la vitesse nécessaires pour disposer d'un avantage comparatif sur les autres modes de transport, mais aussi par rapport au système existant. Ce sont donc autant d'éléments à prendre en compte.
Selon moi, il vaut également la peine de...
:
Je vous remercie, monsieur Brockmeyer.
Malheureusement, nous n'avons plus de temps pour les remarques préliminaires. Votre présentation était très intéressante, et je sais que mes collègues vont se faire un plaisir de profiter de votre vaste expertise pour aborder plusieurs questions techniques avec vous.
Avant d'entamer la première série de questions, je tiens à informer les députés que nous avons malheureusement perdu contact avec l'un de nos témoins. Nous sommes en train de rétablir la communication.
[Français]
En effet, M. Lavoie n'est malheureusement plus en ligne, mais on essaie de le joindre par téléphone.
[Traduction]
Nous allons à présent entamer la première série de questions. Le seul témoin que les députés peuvent interroger pour le moment est M. Brockmeyer.
Je cède maintenant la parole à M. Strahl, pour les six prochaines minutes. Vous pouvez y aller.
:
Ma question s'adresse à M. Brockmeyer.
D'abord, je dois vous dire que j'ai écouté attentivement votre intervention, et que j'ai apprécié vos observations.
Vous avez sans doute constaté en étudiant ce dossier que le Canada est animé en ce moment par un débat concernant les avantages comparatifs du train à grande fréquence et du train à grande vitesse.
Vous avez parlé du train à grande vitesse et de la nécessité d'un terrain plat, entre autres éléments. Avez-vous des observations spécifiques concernant les trains à haute fréquence, qui circulent sur des voies réservées, mais ne peuvent pas atteindre la vitesse maximale des trains à grande vitesse, par rapport à un système ferroviaire totalement axé sur les trains à grande vitesse? Existe‑t‑il des exemples en Europe où ce type de système a donné de bons résultats? Avez-vous un avis sur la valeur de ces deux types de systèmes en termes d'achalandage?
Vous avez également dit que ce type de projet pouvait se faire à un « prix très raisonnable », à condition que la topographie s'y prête. Nous parlons ici de milliards de dollars. Nous avons entendu dire que les coûts pourraient même doubler si l'on passe du train à grande fréquence au train à grande vitesse. J'aimerais vous entendre nous expliquer la différence entre les deux, et savoir que constitue un prix raisonnable.
Pour résumer: les deux types de projets peuvent-ils être conçus à un prix très raisonnable, et qu'est‑ce qu'un prix très raisonnable?
:
Les deux types de projets peuvent être réalisés à un prix raisonnable. Tout dépend de la topographie.
Le problème, pour faire court, est le rayon de la courbe. Si vous voulez faire rouler un train à très grande vitesse, le rayon de la courbe ne peut pas être très serré. Dans une région plus vallonnée ou montagneuse, il est nécessaire de construire beaucoup de tunnels et de ponts larges. C'est ce qui fait grimper les prix de la construction des trains à grande vitesse. Par contre en terrain plat, c'est beaucoup plus facile, car il n'y a pas de montagnes. Les courbes pourront donc être tracées à votre guise.
Le Canada compte beaucoup de zones urbaines. Vous avez besoin de tous ces aménagements urbains pour avoir de l'espace dans les villes. Pour autant que je sache, il s'agit plutôt de banlieues, et je ne pense donc pas qu'il s'agisse d'un problème majeur.
Le facteur de coût des trains à grande vitesse est le nombre de tunnels et de ponts nécessaires. En Europe, nous avons commencé par les tronçons les plus faciles. Les Français ont commencé dans les années 1970 à construire des lignes ferroviaires à grande vitesse pour relier Paris à Lyon, et ce, à un prix très raisonnable. Les Espagnols ont fait de même, alors que les Allemands ont opté pour des orientations différentes.
Ce qui reste de l'Europe aujourd'hui et la raison pour laquelle les coûts demeurent si élevés... Actuellement, nous construisons des lignes ferroviaires à grande vitesse qui ressemblent davantage à des métros. En Allemagne, par exemple, une nouvelle ligne à grande vitesse a été construire pour relier Stuttgart à Munich. Cette ligne est presque entièrement creusée dans des tunnels.
Il y a un autre facteur que vous connaissez peut-être aussi au Canada. Il s'agit en fait d'un phénomène assez incroyable qui vient du Royaume-Uni, où il y a beaucoup d'habilitation urbaine. C'est quelque chose qu'il faut étudier en profondeur. Il y a des raisons et beaucoup d'enseignements tirés du Royaume-Uni.
Pour autant que je sache, il s'agit plutôt de la complexité de l'organisation du projet. Ce n'est pas le train à grande vitesse qui est à l'origine de cette situation. Il est important de comprendre la nuance.
:
Je vais vous poser la question que je destinais à M. Lavoie. Peut-être avez-vous une certaine expérience sur ce sujet en tant que consultant.
On nous a dit que le train à grande fréquence est conçu pour faire concurrence aux compagnies aériennes entre les grandes villes. Par exemple, pour un vol entre Québec et Montréal, le prix du billet par passager s'élève à environ 450 $ l'aller-retour. Par contraste, le prix d'un billet de train lent est d'environ 175 $ l'aller-retour.
En Europe, quel prix les passagers sont-ils prêts à payer? Quel montant additionnel sont-ils prêts à payer pour passer du train lent au train à grande fréquence et à grande vitesse? Existe‑t‑il un point de rendement décroissant? Des tarifs trop élevés entraînent-ils une diminution du nombre de passagers?
Quelle est votre expérience en matière de... Pourriez-vous nous fournir des exemples du niveau de subvention par passager qui ont cours au sein des marchés avec lesquels vous êtes familier.
:
Il n'est pas évident de répondre à ces deux questions.
Tout d'abord, en ce qui concerne les recettes de la billetterie, nous disposons de systèmes de gestion des billets très sophistiqués pour tous les opérateurs de trains à grande vitesse en Europe. On peut dire que la majoration pour les trains à grande vitesse se situe entre 50 % et 100 % par rapport aux trains lents. Cela dépend vraiment, car il s'agit d'un système de recettes unitaires très sophistiqué. Ce système n'est pas simple, je vous l'accorde, mais il existe bel et bien.
Cela dépend encore une fois des avantages liés au temps de trajet. Si le temps de trajet entre deux grands centres est inférieur à quatre heures, vous avez un grand avantage concurrentiel. Dans un tel contexte, cela n'aurait aucun sens pour un voyageur d'opter pour un déplacement aérien.
Pour ce qui est de la deuxième question, concernant les subventions, tous les services de trains à grande vitesse en Europe sont commerciaux. La raison en est que nous avons une organisation différente dans l'industrie ferroviaire. Nous avons des gestionnaires d'infrastructure indépendants, puis des opérateurs en libre accès à l'infrastructure qui mènent des activités commerciales.
Cela signifie que toutes les subventions se trouvent dans l'infrastructure. Il n'est pas facile de calculer les subventions, mais on peut dire qu'elles sont... Je dois refaire mes calculs, mais elles devraient être nettement inférieures à 10 $ canadiens par passager. Disons que c'est très approximatif.
:
Merci, monsieur le président. Je tiens à souligner que j'aurais beaucoup aimé avoir l'occasion de poser des questions à M. Lavoie, mais je vais être heureux quand même d'en poser à M. Brockmeyer.
Monsieur Brockmeyer, bienvenue au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités.
Pour commencer, j'aimerais comprendre l'expertise qui a été développée en Europe, à savoir le type de modèle qui existe pour ce service. Ici, au Canada, on se pose des questions, entre autres sur la différence entre un train à grande vitesse et un train à grande fréquence. On s'interroge aussi sur le modèle qui devrait être mis en place. On se demande s'il sera construit et exploité par le privé ou s'il sera plutôt établi en partenariat avec le secteur privé.
Pour la mise en place de l'infrastructure, on fera évidemment appel au secteur privé, mais, une fois que l'infrastructure est bâtie, la gestion et l'exploitation de ce service seront faites par le secteur public. En ce moment, c'est VIA Rail, une société d'État, qui assure le service du transport de passagers. Toutefois, le projet qui est présentement sur la table serait géré par le privé.
J'aimerais savoir s'il y a des histoires de réussites en Europe avec une façon de faire qui est différente. Quel est le modèle le plus fréquemment utilisé?
:
Comme je l'ai déjà dit, le modèle est différent. L'infrastructure appartient à ce qu'on appelle des gestionnaires d'infrastructure. Il s'agit d'institutions publiques, qui appartiennent à l'État et qui sont subventionnées. Tous les exploitants, pour leur part, sont ce qu'on appelle des exploitants commerciaux, ce qui signifie qu'ils ne reçoivent pas de subventions pour leurs activités.
Il y a très peu d'acteurs purement privés en Europe, comme NTV en Italie, et ils connaissent beaucoup de succès tant du point de vue commercial que du point de vue opérationnel, c'est‑à‑dire en ce qui concerne le rendement et la clientèle. Tous les autres grands exploitants en Europe sont des sociétés d'État, mais ils se livrent concurrence. Ils appartiennent à des intérêts italiens ou français, ou peu importe, mais ils soutiennent la concurrence et réussissent bien de ce point de vue.
Quand on examine des modèles de partenariat public-privé pour l'infrastructure, comme dans votre cas, il est toujours important de savoir... J'aime bien les mots « financing » et « funding » en anglais, car il faut décider de la source des fonds.
Même si vous avez des modèles de partenariat public-privé, vous avez besoin de fonds provenant d'un budget public. Si vous optez pour un partenariat public-privé, ce n'est pas parce que vous obtiendrez de l'argent du secteur privé. Celui‑ci vous versera peut-être immédiatement une partie des fonds, mais au bout du compte, si vous voulez établir un partenariat public-privé, c'est parce que vous souhaitez acheter les capacités. Si vous n'avez pas les capacités dans votre pays, alors un partenariat public-privé pourrait être une bonne solution. S'il s'agit d'organiser le financement, c'est quand même une question de budget public, car, au bout du compte, les exploitants privés seraient peut-être plus efficaces, mais nous ne sommes pas en mesure de gérer l'infrastructure de façon commerciale.
:
Les Français, en particulier, ont construit des trains à grande vitesse en périphérie des villes. Ils utilisent un réseau traditionnel, mais le dernier tronçon comprend une voie de circulation mixte qui se rend aux gares urbaines. On trouve le même modèle dans tous les autres pays européens, à l'exception de l'Espagne.
C'est une très bonne décision, car il est très coûteux de construire des voies ferrées supplémentaires dans les centres-villes. Je pense que c'est vraiment l'un des avantages, et j'ai essayé d'en parler au début. Cela détermine également les contraintes en matière de capacité parce qu'il faut partager les voies de circulation mixte jusqu'aux centres-villes pour établir des liaisons avec les réseaux de métro et les services de trains de banlieue afin d'assurer un bon échange de passagers entre votre service de transport interurbain et les trains locaux.
Si vous avez de petites villes — et il y a plusieurs exemples dans de nombreux pays d'Europe —, alors vous pouvez construire des gares en périphérie et y ajouter, par exemple, de grands parcs de stationnement incitatifs pour transporter les banlieusards par train à grande vitesse jusqu'aux grandes régions métropolitaines.
Bref, construisez les gares à l'extérieur des petites villes, dans la mesure du possible, et reliez-les aux centres-villes les plus importants — Toronto, Ottawa, Montréal et Québec. Si vous ne pouvez pas traverser facilement les villes, alors ce ne sera pas possible, mais ne construisez pas de tunnels dans les petites villes. Cela n'a aucun sens; il y a peu d'avantages à en construire un en plein centre d'une petite ville.
:
Tout d'abord, il y a une différence importante parce que la Suisse ne fait pas partie de l'Union européenne, de sorte que les Suisses n'ont pas à se conformer aux lois de l'Union européenne. Cela signifie que le modèle d'affaires en Suisse est un peu différent. Le réseau est entièrement exploité par les Chemins de fer fédéraux suisses, ou CFF, soit l'exploitant national.
En Autriche, c'est différent. On y trouve deux exploitants: l'exploitant public, ÖBB, c'est‑à‑dire les chemins de fer fédéraux autrichiens, et un exploitant privé, WESTbahn, dont l'actionnaire minoritaire est la Société nationale des chemins de fer français, ou SNCF. Il s'agit donc d'un modèle différent.
Les deux ont beaucoup de succès. En Suisse, c'est à vocation commerciale, mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, les subventions se trouvent dans l'infrastructure. On paie donc une très petite taxe au gestionnaire d'infrastructure pour l'accès aux voies ferrées. Cela ne couvre pas le coût total, mais le but est d'encourager l'utilisation d'un nombre restreint de voies. On trouve le même modèle en Autriche, et il faut dire que les deux exploitants là‑bas étaient très rentables sur le plan commercial jusqu'à ce que la pandémie les force à modifier le système. Maintenant, ils sont tous les deux soumis à une obligation de service public.
:
Cela dépend vraiment de la durée du contrat. Je ne connais pas très bien le modèle de partenariat public-privé qui est déjà en place au Canada, ni la teneur des plans.
Ce qu'il faut vraiment, je le répète, c'est une vision à long terme. Pourquoi ai‑je besoin d'un réseau ferroviaire? Quel est le plan à long terme? À quoi devrait ressembler l'horaire à long terme? Ensuite, si vous faites appel à un consortium privé pour construire et exploiter le réseau, vous devez vous mettre d'accord sur l'horaire à long terme, et ce, très tôt dans le processus.
Quelle est l'offre en ce qui concerne la fréquence et la capacité prévues en 2030, 2040 et 2050? Il faut bien les préciser. Puis, toujours du côté de l'offre, il faut prendre soin de calculer minutieusement la capacité nécessaire sur les nouveaux tronçons ainsi que sur les tronçons interurbains. C'est très important.
Disons, si vous avez...
:
Je pense qu'il y a deux questions.
Premièrement, serait‑il logique, au niveau fédéral, de construire un tel réseau pour une région précise? En fin de compte, oui, car nous pouvons ainsi augmenter le PIB. Tous ces investissements ont un effet multiplicateur positif d'un point de vue macroéconomique.
Pour ce qui est de l'autre question, il n'est pas logique de construire des chemins de fer dans des régions inhabitées. Il y a quelques exceptions en France, où le train parcourt une distance de 200 ou 300 kilomètres sans interruption entre deux villes, mais je dirais que c'est plus ou moins le tronçon le plus long qui a du bon sens.
Si vous avez, par exemple, un tronçon de 500 ou de 700 kilomètres, cette distance serait beaucoup trop grande, advenant l'électrification du transport aérien ou autre. Il serait donc beaucoup plus logique de choisir le transport ferroviaire.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vais laisser une partie de mon temps à mon collègue, notre président.
Monsieur Brockmeyer, l'objectif de votre entreprise est d'améliorer la qualité de vie dans les espaces publics. Comme votre nom l'indique, vous tirez votre motivation de la vie urbaine, de l'activité, de la civilisation, de la vélocité, de la collectivité et de la vivacité. On pourrait résumer tout cela en parlant de joie de vivre.
Pouvez-vous nous dire quel pays d'Europe serait le plus comparable au Canada? Comme vous le savez, notre climat et notre situation démographique se démarquent nettement de ce qu'on peut trouver ailleurs. Selon vous, quel pays européen serait le mieux à même de nous servir d'inspiration pour façonner l'avenir de notre réseau ferroviaire?
:
Merci, monsieur le président.
Prenons un exemple. La distance entre Montréal et Québec est présentement de 250 kilomètres. Le trajet en voiture dure environ deux heures et quarante-cinq minutes. Le trajet actuel en train dure environ trois heures vingt minutes, si le train part à l'heure et arrive à l'heure. Selon le projet proposé, le trajet durerait trois heures pour un train à grande fréquence. Ce serait donc toujours plus long qu'en voiture, en plus de perdre la flexibilité de pouvoir partir à l'heure qu'on veut et de stationner où on veut, notamment.
Monsieur Brockmeyer, pensez-vous que ce projet en vaut la peine, puisque la voiture demeurerait avantagée, sans oublier la possibilité de voyager en avion? Devrait-on plutôt aller vers un train à grande vitesse qui, lui, en faisant gagner du temps, permettrait d'augmenter le transfert de la voiture au train?
Merci, monsieur Bachrach.
Je tiens à remercier tous nos témoins, et en particulier M. Brockmeyer.
Je vous remercie du temps que vous nous avez si généreusement consacré aujourd'hui pour nous fournir toutes ces précisions techniques en nous faisant profiter de votre expertise au bénéfice de cette étude des plus importantes.
Sur ce, je vais maintenant demander à nos témoins de bien vouloir se déconnecter.
Chers collègues, nous allons faire une pause de cinq minutes avant de revenir pour la seconde portion de notre séance.
Merci à tous.
:
Nous reprenons nos travaux.
Chers collègues, pour la deuxième moitié de notre réunion d'aujourd'hui, nous accueillons, par vidéoconférence, M. Bruno Dobrusin, gestionnaire du Département des transports urbains pour la Fédération internationale des ouvriers du transport; et M. Joel Kennedy, directeur national des chemins de fer pour Unifor.
Bienvenue à tous les deux.
[Français]
Nous accueillons aussi M. Pierre Barrieau, chargé de cours à la Faculté de l'aménagement, École d'urbanisme et d'architecture de paysage, Université de Montréal.
Bienvenue à vous tous.
Monsieur Barrieau, nous allons commencer par votre discours d'ouverture et vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler d'un sujet fondamental.
Le mythe de la construction du Canada moderne accorde au train une place importante. Comme on le sait, le Canada, avec l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, est le pays où les documents constitutifs parlent le plus de chemins de fer au monde.
Pourtant, depuis les 50 dernières années, le chemin de fer a été relégué à un outil de transport de marchandises en raison de coupes budgétaires, d'un sous-financement chronique, de mauvais choix technologiques et de choix de mauvais projets.
C'est dû également à un questionnement valable de la population canadienne au sujet de la pertinence du train. Est-ce un projet réellement canadien? Si le train passe une ou deux fois par semaine chez moi, est-ce un service qui me permet d'être réellement moins dépendant de la voiture? Or, la réponse est non.
Si on veut soutenir un projet tel que le TGF ou le TGV et qu'on veut l'appui de la population canadienne, il faut non seulement soutenir la relance du service ferroviaire dans l'Est du Canada, mais également appuyer des projets comme la liaison Calgary-Edmonton dans l'Ouest, la liaison Vancouver—États‑Unis et la liaison Toronto—États‑Unis. Il faut relancer les autres services aussi.
La relance du service ferroviaire au Canada doit se faire en considérant que les chemins de fer sont effectivement jugés par plusieurs comme étant moins ou peu pertinents. Il faut aussi se rappeler que ce sont des lacunes en matière de politiques publiques qui ont diminué leur pertinence et poussé les gens à en arriver à cette analyse.
:
Merci beaucoup. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter les observations de la Fédération internationale des ouvriers du transport dans le cadre de cette importante étude.
La Fédération internationale des ouvriers du transport est une fédération syndicale mondiale qui regroupe 700 syndicats affiliés de 153 pays, y compris, au Canada, nos affiliés ferroviaires, la Fraternité internationale des Teamsters et Unifor Canada, dont le représentant, mon camarade Joel Kennedy, est aussi des nôtres aujourd'hui.
Près de 20 millions de travailleurs affiliés du secteur des transports sont membres de notre fédération. Notre mission est de protéger les droits de tous les travailleurs de ce secteur par l'entremise de notre réseau mondial de syndicats affiliés.
En prenant connaissance des témoignages présentés au Comité le 6 novembre dernier, nous avons constaté qu'il y avait consensus quant aux avantages d'un projet de transport ferroviaire à grande fréquence, notamment pour ce qui est des bienfaits évidents pour les passagers, de la croissance économique générée par la création d'emplois et des gains environnementaux découlant de la faible empreinte carbone de ce mode de transport. Bien que nous soyons grandement favorables à l'investissement public pour l'amélioration et l'expansion des réseaux ferroviaires, nous partageons également certaines des préoccupations exprimées par Unifor devant le Comité au sujet du modèle de partenariat public-privé qui est préconisé en l'espèce.
Notre fédération a constaté que la privatisation peut mener à la fragmentation et à l'inefficience des systèmes ferroviaires en plus de contribuer à une baisse de la qualité des services ainsi que de la qualité du travail effectué dans le cadre des partenariats public-privé. Les partenariats de ce type ont entraîné de lourdes pertes financières pour les grands services de transport nationaux et internationaux. Les soumissions irréalistes présentées par des entrepreneurs privés pour décrocher des contrats ont voué à l'échec des projets visant les itinéraires principaux, fait crouler les gouvernements sous leurs obligations financières et souvent abouti à une offre de services fortement subventionnée par les contribuables et les passagers. Le financement par le secteur privé s'est révélé plus coûteux que celui provenant du secteur public, car les profits vont directement aux actionnaires, ce qui se traduit par un sous-investissement dans les services.
C'est au Royaume-Uni que ce constat est le plus facile à faire. Le réseau ferroviaire privatisé y nécessite plus de financement public qu'avant la libéralisation du service. Le prix des billets a grimpé en flèche et les usagers du transport ferroviaire au Royaume-Uni sont parmi les passagers les plus insatisfaits en Europe.
L'échec de la privatisation et des partenariats public-privé a fait en sorte que des services ferroviaires ont dû être nationalisés de nouveau ou exploités dans le cadre de coentreprises gouvernementales, comme, par exemple, le train à grande vitesse Perpignan-Figueres entre la France et l'Espagne. Malgré les promesses initiales, c'est à même les fonds publics qu'il a fallu soutenir les entreprises privées qui ont failli à la tâche. De la même façon, en 2012, le gouvernement argentin a été forcé de nationaliser de nouveau les services ferroviaires après un tragique accident attribuable à un mauvais entretien et à des réparations insuffisantes. Au Kenya, la Standard Gauge Railway, un partenariat public-privé avec la China Road and Bridge Corporation, s'est heurté à des problèmes de transparence et à des difficultés opérationnelles qui ont mené à une reprise de contrôle par l'État à peine quatre ans après le début d'un contrat de 10 ans.
Le financement du secteur privé, y compris dans le cadre de partenariats public-privé, entraîne souvent des coûts sociaux, comme de mauvaises conditions de travail et des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs du secteur des transports, des passagers et des collectivités touchées. C'est ce que nous ont signalé nos syndicats affiliés qui exercent leurs activités au sein des réseaux ferroviaires du monde entier. Une étude de 2012 sur les partenariats public-privé ferroviaires à l'échelle mondiale a révélé que ces projets ne sont couronnés de succès que lorsque les autorités publiques garantissent des profits aux concessionnaires privés. Les projets ferroviaires au titre desquels les concessionnaires assument leur part des risques financiers ont tendance à échouer.
À la suite d'un examen de milliers de partenariats public-privé dans le monde, la Banque asiatique de développement a souligné que seulement 216 projets sur 6 273 ont pu être menés à terme entre 1991 et 2015, et que la grande majorité a dû être mise en suspens. L'expérience du Royaume-Uni, encore une fois avec la privatisation du métro de Londres et des services ferroviaires nationaux, témoigne bien des défaillances, de l'escalade des coûts et des conséquences négatives pour les travailleurs et les passagers. Lorsque l'Eurotunnel a été construit, les surestimations de l'achalandage et l'escalade des coûts de construction ont fait en sorte que le passif a dû être restructuré en 1997, puis de nouveau en 2007. De plus, il a fallu faire passer la durée du contrat de 55 à 99 ans pour garantir un revenu minimum aux concessionnaires privés.
À l'inverse, l'Allemagne, l'Espagne et la Corée du Sud ont des réseaux de transport ferroviaire à grande vitesse financés par l'État qui fonctionnent bien. Parmi les résultats positifs, mentionnons la réduction des temps de déplacement, le développement économique et l'amélioration de la connectivité.
En conclusion, les partenariats public-privé et les autres formules de privatisation et de sous-traitance ne permettent pas de réaliser les économies promises et, dans bien des cas, sont tout simplement voués à l'échec, comme je viens de le mettre en évidence.
Notre fédération recommande que le gouvernement revoie la structure des projets de train à grande fréquence et prenne des mesures audacieuses pour investir dans un réseau de transport ferroviaire de passagers véritablement public et durable, un réseau appartenant à l'État, exploité par l'État et contrôlé démocratiquement, avec de bonnes conditions de travail et de sécurité, le tout dans le but d'offrir un service de qualité.
Nous espérons avoir pu vous inciter aujourd'hui à réévaluer la pertinence des projets de train à grande fréquence dans leur forme actuelle.
Merci.
:
C'est une question très intéressante. Chaque fois que nous modifions un itinéraire, cela a une incidence considérable sur les collectivités qui se sentent abandonnées et sur celles qui se trouvent dès lors dynamisées par le nouveau service.
J'ai longtemps préconisé le fait de voir les choses dans leur ensemble. Si nous prenons le segment entre Montréal et Québec, je ne suis pas nécessairement contre le fait de passer par la Rive-Nord plutôt que par la Rive-Sud. Cela signifie que nous pourrions réduire notre dépendance à l'égard du pont entre Québec et Lévis, et que nous pourrions sortir du corridor du CN.
Cependant, nous devons construire des ponts et mettre des partenariats sur pied, et je crois fermement que la solution au dilemme dont vous parlez est très simple.
À Montréal, il y a ce que l'on appelle un train de banlieue, c'est‑à‑dire un train qui circule sur une seule ligne entre Montréal et Mont-Saint-Hilaire. Il serait très simple pour le secteur privé et, espérons‑le, pas atrocement douloureux pour le secteur public de négocier une entente avec l'organisme exo du gouvernement provincial afin d'amener quelques-uns des trains qui circulent entre Montréal et Mont-Saint-Hilaire à faire deux arrêts supplémentaires, soit un à Saint-Hyacinthe et un autre à Drummondville.
En faisant cela, on répondrait à la quasi-totalité des besoins avec très peu de subventions, comparativement à la perspective de voir circuler des trains à moitié vides si l'on force VIA Rail à poursuivre l'exploitation de trains réguliers sur la Rive-Sud.
:
Votre question comporte de multiples facettes. En fait, c'est une question fascinante, si vous me passez l'expression.
Si l'on regarde ce qui se passe pour d'autres services de par le monde, on constate que le train à grande fréquence ne fait pas augmenter le prix des billets de façon significative. En fait, dans de nombreux cas, les trains à grande fréquence ont réussi à attirer suffisamment de voyageurs pour faire baisser le prix des billets.
Si l'on regarde ce qui se passe pour le train à grande vitesse, c'est une tout autre histoire. En Italie ou en France, il y a un système à deux niveaux. Avec les trains à grande vitesse, plus vous allez vite, plus le prix augmente. Dans le cas qui nous occupe, c'est un enjeu très important. Oui, les trains à grande fréquence sont susceptibles de faire grimper les coûts.
Cependant, j'ajouterais une note de bas de page: nous assistons aujourd'hui en Europe à l'essor du train à grande vitesse à bas prix, y compris avec Ouigo, qui est exploité par la Société nationale des chemins de fer français, la SNCF. Il s'agit d'un service de trains à grande fréquence qui fonctionne sur le modèle d'une compagnie aérienne à bas prix, ce qui fait baisser les coûts.
C'est ce que nous observons actuellement sur le marché européen, et ce que nous voyons ailleurs dans de nombreux pays, y compris en Corée du Sud et au Japon.
:
C'est un service complémentaire. Cependant, avec le niveau d'achalandage actuel, il est difficile de maintenir ce service complémentaire, essentiellement parce que la quasi-totalité de l'achalandage entre Montréal et Québec ira automatiquement sur le service à plus grande vitesse et à plus grande fréquence. Les usagers ne resteront pas avec le trafic lent.
Ceux qui resteront sur cette ligne sont ceux qui se rendent à Saint-Hyacinthe et à Drummondville. C'est un petit pourcentage de la part de marché actuelle. La majorité des gens qui constituent la part du marché tributaire de Saint-Hyacinthe et de Drummondville gravitent en fait vers Montréal, et non vers la ville de Québec. Par conséquent, le trajet Drummondville-Québec est un segment où la faisabilité sera réduite.
N'oublions pas que VIA Rail pourrait aussi opter pour un partage de code avec un service d'autobus, ce qui réduirait aussi considérablement les coûts d'exploitation.
J'ai vu très peu de cas dans le monde où, en présence d'un train qui est 40 % plus rapide et qui passe toutes les heures, les gens décident de bouder ce service et de privilégier le service peu fiable et plus lent.
:
Merci, monsieur le président.
D'entrée de jeu, je tiens à préciser que l'étude du Comité contribuera à la planification du TGF ou à étayer le processus de planification de VIA en la matière.
Cela dit, il est important que les analystes entendent les témoignages qui permettront d'amasser les renseignements importants qui figureront dans le rapport final que nous préparerons à l'intention du .
Monsieur le président, dans le cadre du budget 2022, Transports Canada et Infrastructure Canada ont reçu un financement de 396,8 millions de dollars réparti sur les deux prochaines années pour mener ce projet jusqu'à l'étape de l'approvisionnement.
Dans le cadre du processus de planification, j'aimerais poser la question suivante à M. Barrieau.
Qu'est‑ce que votre expérience d'urbaniste et d'architecte paysagiste vous a montré quant à l'importance de travailler avec les autorités locales afin de reconnaître à la fois les plans officiels des municipalités et les plans secondaires visant à ajouter quelque infrastructure à ces plans officiels?
Quelle est l'importance de reconnaître ces deux segments du processus de planification au sein d'une localité afin d'assurer une planification compatible de l'utilisation des terres?
:
C'est fondamental. Lorsque nous regardons les systèmes ferroviaires qui réussissent dans le monde, nous constatons que certains d'entre eux ont travaillé avec les villes et les collectivités pour faire en sorte que les gares soient situées dans des quartiers à forte densité. Tant que nous construirons des gares éloignées des lieux de résidence, difficiles d'accès et peu fréquentées, il sera difficile d'attirer les voyageurs.
La gare d'Ottawa est magnifique, mais la réalité est que si nous avions encore l'ancienne gare Rideau, au centre-ville, sur la rue Rideau, le nombre d'usagers serait plus élevé.
Ce que nous devons faire, c'est construire des collectivités autour de ces gares et veiller à ce qu'elles soient reliées aux aéroports, ce qui est fondamental. Ce sont les deux principaux facteurs de la fréquentation des gares: les aéroports et les centres-villes. C'est là‑dessus que nous devons travailler.
Le gouvernement fédéral doit créer ces partenariats avec les villes et les collectivités pour faire avancer les choses.
:
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins.
Monsieur Barrieau, vos commentaires étaient très intéressants et ont couvert plusieurs aspects. J'espère avoir le temps de toucher à tous les sujets dont je veux parler.
Lors d'une entrevue à Radio‑Canada, en juillet 2021, vous avez dit que le train à haute fréquence préparerait la voie au train à grande vitesse. J'ai trouvé ça intéressant, parce que c'est au cœur du débat que nous tenons en ce moment, alors que nous nous demandons si on doit choisir un train à grande fréquence, un train à grande vitesse ou une combinaison des deux.
Une question m'est venue à l'esprit, et vous serez peut-être en mesure d'y répondre. Pourquoi investirait-on des dizaines de milliards de dollars dans un projet de train à grande fréquence en se disant qu'on va devoir recommencer le travail, dans 10, 15, 20, 30 ou 50 ans, pour avoir un train à grande vitesse? Après tout le temps qu'il aura fallu pour mettre en place un train à grande fréquence — on ne pourra pas y monter avant 10 ou 15 ans —, est-ce réaliste de penser qu'on va recommencer le travail pour mettre en place un train à grande vitesse? Comment voyez-vous l'opérationnalisation de tout cela?
:
Je crois que l'échéancier que vous avez établi est un peu optimiste. En réalité, une fois qu'on va convaincre le gouvernement fédéral de commencer la construction d'un train à grande fréquence, par exemple, il va falloir compter au moins 50 ans avant qu'on ait le désir de construire un train à grande vitesse, à mon avis.
Personnellement, je crois fondamentalement que les Canadiens veulent avoir un train à grande vitesse et qu'il y a un marché pour ce type de train. Je crois aussi que le système aéroportuaire canadien est saturé et que les études environnementales vont être difficiles à promouvoir pour augmenter la capacité aéroportuaire. Il vaut donc mieux enlever les vols qui ne sont pas nécessaires, par exemple ceux entre Ottawa et Montréal ou Toronto et London, afin d'encourager les gens à se déplacer en train.
Cela dit, l'appétit des Canadiens et du gouvernement fédéral ne semble pas être au rendez-vous en ce qui a trait à la construction d'un système à 120 milliards de dollars. Ce dernier a donc pensé à une autre stratégie, soit un train hybride, qui roulerait à grande vitesse sur certains tronçons. De mon côté, je vous suggère de vous inspirer de ce qu'a fait le gouvernement français. Sur le trajet de Paris à Lyon, le train ira à 300 kilomètres à l'heure. Après, pour continuer jusqu'à Marseille, le même train ira plus lentement.
Le gouvernement canadien pourrait donc décider de prendre, au minimum, le tronçon Montréal—Ottawa—Smiths Falls, qui est déjà, en bonne partie, la propriété de VIA Rail, et de le bonifier massivement, ce qui permettrait de faire passer par Ottawa tous les trains qui vont de Montréal à Toronto. On pourrait augmenter la vitesse du train à certains endroits. Vers l'Est, au début, le train se dirigera lentement vers Québec, à une vitesse de 160 ou de 200 kilomètres à l'heure. Au fur et à mesure que les cordons de l'État vont se dénouer, on va pouvoir améliorer la situation. C'est ce que nous souhaitons.
Cela dit, si nous décidons de prendre tel quel l'actuel corridor qui passe par Peterborough, nous allons avoir des problèmes dans les courbes, dont les rayons sont trop serrés pour un train à grande vitesse, et on va jeter une bonne partie de la dépense aux poubelles.
Pour terminer, j'aimerais faire un parallèle avec le Transitway, à Ottawa. Les planificateurs disaient qu'ils allaient faire un système d'autobus et que la quasi-totalité de l'investissement allait être conservée au cas où on déciderait de faire passer un train sur les rails. Or, en réalité, lorsqu'on a fait le O‑Train, on a été obligé de dépenser des centaines de millions de dollars pour agrandir l'autoroute 417, afin que les autobus puissent y rouler temporairement. Il y a eu un chantier pendant six ans, et la quasi-totalité des investissements publics dans le Transitway a été mise à la poubelle pour faire le O‑Train. On nous vend l'idée qu'on pourra apporter des améliorations graduelles, mais ce n'est malheureusement pas si facile à réaliser.
:
Le trajet Montréal—Québec est assurément un exemple de ce qui peut poser problème. Ceux qui connaissent un peu le secteur savent que les trains qui viennent de Québec sont obligés d'aller jusqu'à Dorval et de faire demi-tour avant de revenir au centre-ville; les trains ne peuvent pas accéder facilement au centre-ville.
Personnellement, je pense qu'il faut se poser la question suivante. Le train à grande fréquence a-t-il vraiment besoin d'entrer au centre-ville de Montréal? En effet, il y a un mantra selon lequel le train doit se rendre au centre-ville de Montréal. Or, si la réponse à ma question est non, il est possible de réduire le temps de transit de 20 minutes. Par exemple, il pourrait y avoir une gare dans l'arrondissement Saint‑Laurent et une méga-gare à Dorval. Les gens pourraient aussi utiliser le Réseau express métropolitain pour se rendre à Saint‑Laurent en quatre minutes.
Au Japon, on a construit plusieurs gares en banlieue, dont celles d'Osaka et de Tokyo, pour les trains à grande vitesse, car faire entrer ces derniers au centre-ville exigerait des tunnels qui coûtent trop cher. Il y a donc une façon d'optimiser le circuit et le parcours, même si je sais que ce n'est pas tout le monde qui est d'accord sur cela. Certains croient que les trains doivent entrer dans le centre-ville de Montréal. Personnellement, par contre, si je peux économiser 20 minutes sur le temps de trajet, incluant le temps que j'ai passé sur le REM, je préfère le faire de cette façon.
Pour le reste du tronçon, les gains de temps seraient plus intéressants, entre autres pour ce qui est du trajet Ottawa-Montréal. Il faut se rappeler que le temps proposé par VIA Rail pour le trajet entre Ottawa et Montréal avec un train à grande fréquence est presque identique à ce qu'il était il y a plus de 20 ans, soit une heure et vingt et une minutes.
:
C'est une très bonne question.
Je pense qu'il s'agit d'un scénario similaire à ce que nous avons vu sous d'autres gouvernements dans le monde. Il y a cette idée qu'en faisant un partenariat public-privé, cela va peser moins sur le budget du gouvernement et que le gouvernement pourra éventuellement s'en déresponsabiliser. Je pense que c'est l'une des principales motivations qui poussent les gouvernements à s'engager dans cette voie. Nous n'allons pas dépenser beaucoup d'argent. C'est le secteur privé qui s'en chargera, et nous ne serons pas non plus responsables des opérations, de sorte que si quelque chose ne fonctionne pas ou s'il y a des problèmes, nous pourrons en rejeter la responsabilité sur le secteur privé.
Je pense que ces deux erreurs de jugement sont fondamentales, car en fin de compte, ce que nous avons vu dans le monde entier dans la grande majorité des projets de partenariat public-privé, c'est que cela finit par retomber sur le public et sur le gouvernement, et pas seulement sur le gouvernement fédéral, mais aussi sur les autres ordres de gouvernement susceptibles d'adhérer eux aussi à une telle proposition.
:
Je dirais qu'ils ont un dossier unique. Je crois qu'il s'agit d'une tendance partagée par de nombreuses autres entreprises. Ce qui nous choque parfois, c'est la différence entre la façon dont elles exercent leurs activités dans leur pays d'origine, où elles sont souvent publiques et dirigées par l'État — Keolis en est un exemple et fait partie des soumissionnaires — et la façon dont elles exercent leurs activités à l'étranger, y compris en Amérique du Nord, c'est‑à‑dire aux États-Unis et au Canada, où Keolis est très présente. Elles ne suivent pas ici les mêmes modèles que chez elles.
L'une de nos plus grandes préoccupations est la manière dont elles gèrent leurs relations de travail, par exemple en réduisant les effectifs et en essayant de réviser les conventions collectives qui étaient en place avant la privatisation et qui sont maintenant sous leur gestion. Elles les révisent afin de réduire leurs coûts d'exploitation globaux, car ces entreprises essaient généralement de soumettre des offres plus basses les unes que les autres, et l'une des façons dont elles réduisent la valeur de ces offres consiste à restreindre les coûts salariaux. Cela se répercute ensuite non seulement sur les conditions de travail, mais aussi sur la sécurité.
Un autre des exploitants que vous avez mentionnés est Renfe, qui appartient à l'Espagne. Nous avons également remarqué des problèmes liés à Renfe. L'entreprise fait partie des soumissionnaires pour le projet de TGV texan qui a été retardé d'une dizaine d'années, je crois. Renfe vient de changer de direction à la suite d'un scandale lié à la corruption qui a éclaté en Espagne.
Personne n'a un bilan parfait à cet égard, et il est certain que ces questions font partie de nos préoccupations.
:
Merci. J'ai d'autres questions à poser à M. Barrieau.
Vous avez parlé de la façon dont, dans le corridor Montréal-Québec, le TGF rendrait VIA... Eh bien, le projet leur enlèverait tous leurs passagers et rendrait leurs services non viables d'un point de vue économique. En plus des passagers qui vont de Montréal à Québec, il y a ceux qui fréquentent les gares périphériques et qui, pour être franc, pourraient utiliser des lignes de transport en commun exploitées par la province ou des municipalités, plutôt que le TGF.
Si vous avez examiné le côté ontarien de l'itinéraire proposé — parce qu'il passe un peu plus au nord, par Peterborough —, je me demande si la situation serait la même, selon vous, et si, dans le cas de la liaison entre Toronto et Ottawa ou Toronto et Montréal, nous cannibaliserions les passagers de VIA, et s'il y aurait des avantages en plus de cela.
:
Je vous remercie de vos questions.
D'après ce que nous avons vu, c'est un aspect que les projets de PPP ont en commun. Les délais qu'ils affrontent sont plus longs que prévu. Comme l'a mentionné l'autre intervenant, les États-Unis sont un exemple des délais très longs que peuvent subir les projets de TGV ou de TGF. Je crois que les choses se passent parfois différemment en Europe ou dans les régions où les sociétés d'État exercent un plus grand contrôle. Comme nous en avons discuté ici, elles jouissent d'un plus grand nombre de pouvoirs, et elles sont plus habituées à traiter avec d'autres ordres de gouvernement que certains des exploitants privés proposés dans le cas présent.
D'après les renseignements que nous avons été en mesure d'obtenir, je pense que ce projet sera encore retardé. Ce qui peut également entrer en ligne de compte, c'est l'état des soumissionnaires privés qui ont présenté des offres sous réserve de certaines conditions. Ils souhaiteront probablement modifier la façon dont ces offres ont été formulées dans quelques années, ce qui risque de retarder encore davantage les projets.
:
Merci, monsieur le président.
Je partagerai mon temps de parole avec ma collègue, Mme Koutrakis. Nous nous partagerons le temps de parole dont je dispose en ce moment.
Tout d'abord, je souhaite la bienvenue aux membres du groupe de témoins. Il est toujours agréable d'entendre témoigner des personnes possédant de grandes connaissances et compétences. Vous permettez au Comité de bénéficier de vos points de vue et de vos opinions au sujet de ce projet.
Monsieur Barrieau, lorsque le gouvernement a annoncé ses deux offres, le facteur clé était une vitesse de 200 kilomètres à l'heure pour l'une d'entre elles, alors que l'autre faisait allusion à une grande vitesse. Bien entendu, le débat se poursuit à propos de ce que nous devrions faire et de la raison pour laquelle nous devrions le faire — que ce soit pour des raisons économiques ou pour transporter des passagers et des marchandises, en respectant des délais et des conditions de ce genre.
Pensez-vous que l'atteinte de vitesses plus élevées serait bénéfique à ce projet? La vitesse des trains est-elle un élément déterminant de la réussite ou l'échec du projet?
:
Les trains à grande fréquence entreront en concurrence avec les automobiles, alors que les trains à grande vitesse entreront en concurrence avec les avions. Tout dépend de votre objectif final.
J'ai une certaine vision à cet égard. Je crois qu'Air Canada abandonnerait la plupart des vols entre les villes desservies par des trains à grande vitesse. Les trains se rendraient directement dans les aéroports. Ils partageraient des codes avec les vols. Je pourrais peut-être même obtenir les avantages liés aux salons d'Air Canada ou des points Aéroplan en utilisant VIA Rail. Si j'étais dans l'Ouest du pays, je pourrais obtenir des points WestJet lorsque j'utiliserais la ligne Calgary-Edmonton. Voilà ce dont je rêve. Cette intégration est impossible avec un train à grande fréquence. Elle ne peut se faire qu'avec un train à grande vitesse.
Si nous choisissons le train à grande fréquence et non le train à grande vitesse, nous ne pourrons pas réduire de manière substantielle le trafic aérien dans le triangle ni les vols de courte durée qui — si nous prenons l'exemple de l'Europe — peuvent facilement être remplacés par des déplacements en train. Dans ce cas, si vous voulez diminuer la congestion des aéroports, supprimez un vol entre Ottawa et Montréal. C'est dommage pour les 14 personnes qui utilisent ce vol, mais si je peux le remplacer par un nouveau vol direct vers, disons, Johannesburg, laquelle des deux incidences économiques sera la meilleure? Je crois que la meilleure incidence économique consisterait à offrir à l'aéroport de Montréal un vol direct entre Montréal et Johannesburg, plutôt qu'un vol entre Montréal et Ottawa.
:
Merci beaucoup. Je vous remercie également, monsieur Rogers, de m'avoir généreusement cédé votre temps de parole. Je suis vraiment contente de pouvoir poser une question.
J'adresse ma question à M. Barrieau, et je mets mon chapeau de secrétaire parlementaire de la . Je vais vous faire part de deux de mes réflexions, et j'aimerais entendre ce que vous pensez de mes convictions.
Je pense que ce projet créerait essentiellement une supermétropole plus concurrentielle à partir de quatre zones métropolitaines distinctes, notamment Québec, Montréal, Ottawa et Toronto, et peut-être Calgary et Edmonton et les villes plus petites qui les séparent, en rendant les déplacements pour le travail, l'éducation, les affaires, le tourisme ou les visites à la famille et aux amis beaucoup plus efficaces que tous les modes de transport dont nous disposons à l'heure actuelle.
Je pense également que le train à grande fréquence cadre avec l'objectif du gouvernement de doubler la contribution du tourisme à notre économie en 10 ans et qu'une fois que ce train sera en service, le tourisme sera stimulé encore plus, car les visiteurs nationaux et internationaux pourront voyager sans problème entre ces six grandes villes canadiennes, ainsi qu'entre Banff et des villes plus petites, dont Red Deer. Vous avez parlé de Peterborough et de Trois-Rivières.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la mobilité des personnes entre ces villes, d'un point de vue socioéconomique. Est‑ce une vision que vous partagez?
:
Je suis d'accord. Toute amélioration sera une amélioration. Cela doit être clair et transparent.
Nous devons nous pencher sur le tourisme et son incidence et, comme nous le savons bien entendu, les trains ont une incidence majeure sur le tourisme, parce que c'est une question d'accessibilité. Quand on examine la circulation des touristes dans le monde entier, on constate que les gens visitent les pays où il y a des trains. Ils voyagent beaucoup plus dans les régions où il y a des trains que dans celles où il n'y en a pas. C'est un fait.
En ce qui concerne votre concept de rapprochement, de création de ces zones métropolitaines et de leur fusion, c'est exactement ce qu'Amtrak planifie depuis les années 1990 en appuyant le concept de mégarégion.
En ce qui concerne VIA Rail, il est vrai que l'entreprise propose des trains touristiques qui parcourent de longues distances, mais nous devons nous concentrer sur le trafic et la demande, et la création de ces mégarégions est la voie à suivre. À mesure que les zones métropolitaines se développent, elles deviennent de plus en plus proches les unes des autres, et de plus en plus de gens voyagent entre elles.
J'avais l'habitude de prendre le vol que la compagnie Porter offre entre Montréal et Toronto. J'attrapais toujours le dernier vol offert lorsque j'enseignais à l'Université York, et plus de la moitié des passagers à bord de l'avion étaient toujours les mêmes d'une semaine à l'autre. Nous nous connaissions tous.
Ces communautés existent, et ce regroupement de nombreux travailleurs existe. Nous devons mettre en place ce service si nous voulons que les gens s'en servent. Sinon, ils utiliseront leur voiture.
:
Merci, monsieur le président.
Dans une réunion précédente du Comité, j'ai posé à un témoin la même question que je vais maintenant poser aux témoins. Si je ne me trompe pas, 90 % des revenus actuels de VIA Rail passent par la ligne entre Québec et Toronto. Or, en créant une nouvelle ligne exploitée par le privé et en y transférant le trafic passager, ça risque fort probablement de vampiriser ces 90 % de revenus.
VIA Rail a non seulement ce tronçon à couvrir, mais aussi plusieurs autres territoires dans les régions du Québec, notamment la Gaspésie, l'Est‑du‑Québec, le Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et l'Abitibi‑Témiscamingue, et même d'ailleurs au Canada.
Monsieur Kennedy, que risquerait-il d'arriver financièrement à VIA Rail si elle n'exploite plus la partie nord du réseau et si, en plus, elle perd 90 % de ses revenus, qui servaient déjà à couvrir un peu les frais des autres secteurs non rentables?
:
Merci beaucoup d'avoir soulevé cette question. Il s'agit d'un point très pertinent, et c'est également d'une préoccupation majeure d'Unifor.
Une fois que nous aurons détourné ces fonds du corridor, qu'adviendra‑t‑il du reste des activités de VIA Rail au Canada? Nous devons offrir une forme de connectivité à nos concitoyens qui vivent dans des régions rurales et urbaines du Canada auxquelles il est difficile d'accéder.
Ici, au Manitoba, par exemple, le service ferroviaire jusqu'à Churchill est très mauvais. Nous n'avons que quelques trains par semaine, et nous sommes secondaires par rapport aux marchandises. Ce que nous vivons ici est similaire à ce qui est arrivé à Greyhound à travers le Canada. Ce service, qui était très bon à une époque, a été réduit, réduit et réduit, jusqu'à sa disparition.
C'est exactement ce que nous craignons qu'il arrive une fois que nous aurons commencé à détourner les profits du corridor. Qu'adviendra‑t‑il du reste de la flotte? La flotte de VIA Rail est actuellement vieillissante. Elle est médiocre. Elle n'est plus du tout pratique et elle n'est pas fiable. C'est l'une de nos principales préoccupations. Vous soulevez un point tout à fait pertinent et nous sommes tout à fait d'accord avec vous.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais reprendre là où mon collègue s'est arrêté, car VIA Rail fait face à deux menaces majeures dans le reste du Canada. La première est que le TGF, s'il est construit selon le modèle actuel, supprimera 95 % des recettes de VIA Rail. Cette dernière aura la tâche déraisonnable d'assurer le transport ferroviaire des passagers dans le reste du Canada, sur les lignes rurales, avec seulement 5 % de ses recettes actuelles.
L'autre menace majeure pour ses lignes longue distance est l'âge de son matériel roulant. Le Comité a entendu des témoignages à ce sujet. Certains d'entre nous ont rencontré le président-directeur général de VIA Rail. La situation est très grave, car le gouvernement reporte depuis trop longtemps le remplacement de ces trains, qui ont été construits dans les années 1950. Si le gouvernement ne s'engage pas à remplacer ce matériel roulant dans le budget de ce printemps, nous risquons de perdre toutes les lignes longue distance de VIA Rail au Canada.
En tant que représentant d'une circonscription de la Colombie-Britannique rurale et éloignée, je ne vais pas rester les bras croisés et permettre que cette situation se produise.
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais présenter la motion dont j'ai donné avis. Je propose:
Que le Comité fasse rapport à la Chambre, exhortant le gouvernement à prévoir dans le budget 2024 le remplacement de la flotte pour les longs parcours de VIA Rail selon un calendrier accéléré permettant un service ininterrompu.
Je comprends que nous approchons de la fin de la séance, mais j'espère que mes collègues voteront en faveur de cette motion. Le temps presse et nous devons envoyer un message unanime à ce gouvernement pour lui dire que nous ne resterons pas les bras croisés et que nous ne laisserons pas le service de transport de passagers de VIA Rail dans le reste du Canada, en dehors du corridor, s'étioler. Nous ne pouvons pas perdre ces services vitaux pour les collectivités rurales.
Sur ce, monsieur le président, je vous rends la parole. J'espère que nous pourrons voter sur cette motion.
Merci.