:
J'ouvre maintenant la séance.
Bienvenue à la 107e réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 1er février 2024, le Comité se réunit pour commencer son étude sur la participation de la Banque de l'infrastructure du Canada au projet de raccordement sous le lac Érié.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement de la Chambre des communes. Les députés peuvent y participer en personne dans la salle ou à distance au moyen de l'application Zoom.
[Traduction]
Bien que cette salle soit équipée d'un système audio puissant, des événements de retour de son peuvent survenir. Ceux‑ci peuvent être extrêmement nocifs pour les interprètes et provoquer des blessures graves. La cause la plus courante de retour sonore est celle causée par l'oreillette portée trop près d'un microphone. Nous demandons donc à tous les participants de faire preuve d'une grande prudence lors de la manipulation de ces oreillettes, notamment lorsque votre microphone ou celui de votre voisin est allumé. Afin de prévenir les incidents et de préserver la santé auditive de nos interprètes, j'invite les participants à veiller à parler dans le microphone sur lequel est branché leur casque d'écoute et à éviter de manipuler les écouteurs en les plaçant sur la table, à l'écart du microphone, lorsqu'ils ne sont pas utilisés.
Chers collègues, je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Nous accueillons M. Mark Winfield, professeur à la Faculté des changements environnementaux et urbains de l'Université York, qui témoigne par vidéoconférence. Soyez le bienvenu, monsieur. Nous recevons également les représentants de la Banque de l'infrastructure du Canada: Ehren Cory est le président-directeur général; Sashen Guneratna est le directeur général des Investissements; et Frédéric Duguay est avocat général et secrétaire de la société.
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires. Je vous cède la parole, monsieur Winfield. Vous avez cinq minutes, monsieur.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je m'appelle Mark Winfield. Je suis professeur en changements environnementaux et urbains à l'Université York de Toronto. Je suis également coordinateur des programmes de la maîtrise en études environnementales et du doctorat en droit, membre de l'assemblée universitaire et coprésident de l'initiative sur l'énergie durable à l'université. Or, je témoigne aujourd'hui à titre personnel et non au nom de l'Université York.
J'ai beaucoup écrit sur les enjeux liés à l'énergie, à l'électricité, à l'environnement et aux changements climatiques au Canada, en particulier en Ontario. J'ai été membre du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, ou CRSNG, et du Conseil de recherches en sciences humaines, ou CRSH, des réseaux de recherche financés sur le stockage d'énergie, les réseaux de distribution d'électricité intelligents, la planification et le transport de l'énergie propre, et les changements climatiques. Je suis l'un des membres fondateurs du Carrefour de modélisation énergétique. Plus récemment, j'ai corédigé le livre Sustainable Energy Transitions in Canada, qui a été publié l'automne dernier par UBC Press.
En ce qui concerne le raccordement sous le lac Érié, ce projet a été porté à mon attention pour la première fois il y a environ trois ans, je crois, à la suite de demandes de renseignements des médias. Je dois admettre que ma première réaction a été de penser que cela n'avait tout simplement pas beaucoup de sens, compte tenu de ce qui se passait en Ontario sur le plan de l'électricité. L'idée que la province allait être en mesure d'exporter de l'électricité propre vers les marchés américains ne correspondait tout simplement pas à la situation généralement acceptée sur le terrain.
En termes clairs, il n'y a pas d'électricité propre à exporter, et nous n'en aurons probablement pas avant les années 2040, dans le meilleur des cas. Le parc nucléaire de la province arrive à la fin de sa vie utile, et les trois centrales devraient être remises en état ou mises hors service. L'approvisionnement en énergie renouvelable a officiellement pris fin en 2018, même si c'était plutôt terminé depuis 2014. La stratégie d'efficacité énergétique de la province était parvenue à terme en 2019.
Le gouvernement actuel avait refusé de discuter avec le Québec de la possibilité d'exporter et d'importer de l'électricité d'une province à l'autre, malgré les offres répétées en ce sens de la part de nos voisins. La province prévoit et observe actuellement une augmentation importante des émissions de gaz à effet de serre et d'oxyde nitreux provenant de la production d'électricité à partir de gaz. Ce chiffre a maintenant été multiplié par trois par rapport au creux atteint en 2017 à la suite de l'élimination progressive du charbon. La courbe de croissance est maintenant presque verticale. La croissance sera cinq fois supérieure d'ici la fin des années 2020, et se poursuivra pendant la décennie suivante.
La Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité, ou SIERE, prévoit effectivement une croissance continue de la production à partir de gaz naturel et des émissions connexes jusque dans les années 2040. Cela signifie que le combustible marginal en Ontario dans un avenir prévisible sera un combustible fossile et, par conséquent, que l'électricité ne sera pas propre, comme il est généralement admis. La situation nous a amenés à nous demander dans quelle mesure la compréhension de la situation sur le terrain en Ontario éclairait la prise de décisions et le niveau de diligence raisonnable exercé dans le financement du projet. Je crois comprendre que ce projet est maintenant suspendu de façon définitive.
Je dois également souligner que des questions semblables ont été soulevées au sujet du rôle que joue actuellement la Banque de l'infrastructure du Canada, ou BIC, en tant que seul investisseur important dans le projet de réacteur nucléaire sur le site de l'Ontario Power Generation, ou OPG, à Darlington. Encore une fois, il y a beaucoup de questions. C'est une technologie qui n'existe pas, même comme prototype. Il n'y a pas de permis de construction. La technologie est différente de tout ce que la Commission canadienne de sûreté nucléaire, ou CCSN, qui est l'organisme de réglementation nucléaire, n'a jamais vu. Il y a des débats au sein même de la Commission sur la façon dont elle devrait aborder l'examen et l'approbation du projet. Il y a un grand nombre de sérieuses questions techniques et économiques au sujet de la technologie, exacerbées par l'échec de l'initiative phare des petits réacteurs modulaires NuScale à la fin de l'année dernière.
Pour conclure, j'aimerais parler des répercussions ici. Il semble que la Banque de l'infrastructure doit faire preuve d'une plus grande diligence raisonnable pour prendre des décisions d'investissement. Elle pourrait informer et mobiliser non seulement les parties intéressées et les autorités concernées, mais aussi s'assurer de discuter avec des personnes qui connaissent et comprennent les systèmes et les problèmes locaux au sein des universités et de la société civile.
Il ne faut absolument pas se contenter de consulter les promoteurs et leurs lobbyistes. J'ai été conseiller externe en matière de vérification pour le vérificateur général et le commissaire à l'environnement et au développement durable. Cela fait partie des pratiques de vérification. C'est une façon de vérifier les faits pour connaître la direction des conclusions de l'audit et savoir si les gens comprennent la situation sur le terrain. C'est très pertinent dans ce cas‑ci, car je pense qu'il est très important de faire la distinction entre les arguments de vente sur ce qui est présenté comme une technologie propre ou verte, et la réalité de leur situation technique et économique et de leur viabilité.
Je pense que je vais m'arrêter ici. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Ehren Cory et je suis PDG de la Banque de l'infrastructure du Canada, ou BIC. Afin de répondre aux questions du Comité, je suis accompagné de Frédéric Duguay, qui est avocat général et secrétaire de notre société, et de Sashen Guneratna, qui est responsable des investissements dans le secteur de l'énergie propre. C'est avec plaisir que nous avons accepté l'invitation à venir témoigner devant vous aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur la participation de la BIC au projet de raccordement sous le lac Érié.
[Traduction]
Le Canada a besoin de plus d'infrastructures. C'est un fait largement accepté et admis. Qu'il s'agisse de lignes de transport comme le raccordement sous le lac Érié pour permettre le transport de l'énergie canadienne entre les marchés au pays et vers d'autres administrations; de ports et d'aéroports pour aider les exportations canadiennes à atteindre plus de marchés et de nouveaux marchés; ou de projets comme les systèmes d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées qui permettent d'accroître l'offre de logements; nous avons besoin de plus d'investissement en infrastructure.
Le gouvernement ne peut pas à lui seul payer pour toutes ces infrastructures. L'argent des contribuables est limité. Il faut que le secteur privé mette aussi l'épaule à la roue.
Trop souvent, les propriétaires d'infrastructures nous disent que leurs projets restent bloqués, alors qu'ils s'efforcent de surmonter les obstacles qui empêchent la mise en chantier. C'est là que la BIC entre en jeu. Nous utilisons des outils financiers novateurs pour réduire les risques d'investissement et inciter le secteur privé à investir dans les infrastructures qui, sans la BIC, pourraient ne pas être construites. Nous en donnons pour leur argent aux contribuables en nous faisant rembourser des prêts, avec intérêts. C'est ce mécanisme d'investissement qui rend la BIC unique par rapport à d'autres formes de soutien gouvernemental aux projets d'infrastructures.
Avant de parler du projet de raccordement sous le lac Érié, je vais prendre quelques instants pour parler de la BIC et de nos progrès.
Au cours des trois dernières années, la BIC a vraiment atteint son plein potentiel. Nous avons maintenant réalisé plus de 70 investissements qui ont atteint la clôture financière, investissant près de 13 milliards de dollars de l'argent des contribuables dans des projets pour toutes les régions du Canada. Le coût en capital total de ces projets s'élève à près de 35 milliards de dollars. Il s'agit dans tous les cas d'investissements réels, dans des projets concrets qui comblent le déficit d'infrastructures du Canada.
Les projets comprennent un aéroport à Thompson, au Manitoba, fournissant des services essentiels de passagers et de fret à 37 collectivités du Nord, éloignées et autochtones; des investissements qui soutiennent des villes comme Brandon, au Manitoba, avec des installations de traitement de l'eau et des eaux usées, sans lesquelles de nouveaux logements ne pourraient pas être construits; et des installations de stockage de batteries en partenariat avec Nova Scotia Power et WMA, une société de développement économique appartenant aux 13 nations micmaques de la province, qui aideront à décarboniser le réseau électrique de la Nouvelle-Écosse.
Deux des projets dans lesquels nous avons investi sont maintenant achevés. Il y a aussi la première phase du réseau de transport en commun REM à Montréal qui est maintenant opérationnel. Nous voyons les résultats de ces investissements.
Permettez-moi maintenant de parler du raccordement sous le lac Érié, qui est le sujet de la discussion d'aujourd'hui.
Le projet de raccordement sous le lac Érié est un exemple parfait de projet d'infrastructures qui pourrait donner de bons résultats d'intérêt public, mais qui est resté sur la touche pendant une décennie. C'est une ligne de transport transfrontalier qui réduira les gaz à effet de serre des deux côtés de la frontière, fournira un réseau électrique plus résilient et stimulera le PIB de l'Ontario en le raccordant au plus grand marché de gros de l'électricité au monde. Cependant, comme bien d'autres projets, il a été mis de côté en raison d'un écart d'abordabilité.
Le projet a été initialement proposé en 2014. En dépit de la solide logique de cet investissement et du soutien public du gouvernement de l'Ontario et de la Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité, ou SIERE, le projet a été bloqué en raison des coûts élevés qui auraient eu une incidence importante sur les contribuables ontariens.
La BIC est intervenue en 2019. Après avoir analysé à la fois le coût prévu du projet et les avantages économiques et liés aux émissions de gaz à effet de serre, nous avons convenu d'accorder un prêt de 655 millions de dollars qui réduirait le coût total du projet et minimiserait les répercussions sur les contribuables. Cependant, en raison de la COVID et de l'inflation, Fortis, le propriétaire du projet à l'époque, a suspendu le projet devant l'augmentation rapide des coûts. Par conséquent, l'engagement d'investissement de 655 millions de dollars de la BIC n'a pas été réalisé et les fonds n'ont jamais été dépensés.
Pour chacun des investissements que nous avons faits jusqu'à maintenant et que nous ferons, nous effectuons une analyse rigoureuse des risques et des avantages afin de déterminer si le projet est dans l'intérêt de la population canadienne. Cette diligence raisonnable est un aspect normal de la réalisation d'investissements responsables.
Dans le cas du lac Érié, nous avons demandé l'avis d'experts pour nous aider à comprendre et à assurer la valeur pour les contribuables au moyen du processus de revue diligente. Le total des coûts liés à la revue diligente de ce projet s'est élevé à environ 900 000 $, ce qui représente moins de 0,14 % de l'investissement total.
Bien sûr, il est possible, voire probable, que des projets comme celui du raccordement sous le lac Érié soient interrompus, retardés ou annulés en raison de facteurs externes. Il s'agit d'un aspect normal du cycle d'investissement. Mais comme nous le constatons souvent dans les grands projets d'infrastructure, ces projets sont souvent repris, comme c'est le cas pour le raccordement sous le lac Érié.
J'ai le plaisir de vous annoncer que les discussions sur ce projet ont récemment repris sous la direction de NextEra, qui a acquis les droits de Fortis sur le projet, ainsi que de la SIERE. La BIC a récemment participé à plusieurs réunions sur le projet.
Je vous remercie.
J'ai hâte de répondre aux questions des députés et de discuter au cours des prochaines heures.
:
Merci d'être revenu, monsieur Cory. Je suis heureuse de vous revoir. Vous êtes en train de devenir un participant permanent ici; il est bon de vous revoir.
J'aimerais vous poser quelques questions qui portent précisément sur le projet de raccordement sous le lac Érié. À titre d'information, nous savons qu'en avril 2021, le gouvernement libéral et la Banque de l'infrastructure du Canada, ou BIC, ont annoncé leur partenariat avec Fortis, une entreprise privée qui génère des milliards de dollars de revenus chaque année. Le plan consistait à construire une nouvelle ligne de transport d'électricité sous-marine, promettant des tonnes d'énergie à faible teneur en carbone, des milliards de dollars de PIB et des centaines d'emplois pour les Canadiens. Si le projet avait été viable, il aurait créé des emplois, même dans ma collectivité de Haldimand—Norfolk.
La BIC a offert à Fortis, par l'entremise de sa filiale, un prêt d'investissement de 655 millions de dollars, et je crois comprendre que le projet a été annulé ou suspendu. Même si aucun travail officiel n'a été entrepris sur le projet, la BIC a réussi à dépenser près d'un million de dollars en primes. Cet argent a été dépensé en grande partie pour des consultants et des avocats.
Ma première question s'adresse à vous, monsieur Cory: où sont passés les 900 000 $ de l'argent des contribuables?
:
Pour chacun de nos investissements où nous arrivons à un engagement d'investissement, comme c'était le cas de ce projet, nous faisons preuve de diligence raisonnable. Ici, le travail prenait deux formes.
D'une part, vous pouvez imaginer que pour un prêt de cette taille, il y a beaucoup de travail juridique à faire pour structurer l'investissement. C'est particulièrement vrai dans le cas d'une ligne de transport qui traverse les frontières internationales. Par conséquent, nous avions des conseillers juridiques au Canada, qui étaient nos principaux homologues et qui nous aidaient à structurer l'accord, à rédiger les accords de prêt, et ainsi de suite. Nous en avions aussi aux États-Unis, pour nous aider à comprendre comment fonctionnent les règles intergouvernementales, le traitement fiscal et ce genre de choses. C'est le soutien juridique que nous avons reçu, et il représente l'essentiel de notre travail de diligence raisonnable.
D'autre part, il y avait la diligence raisonnable sur le plan technique, ce qui revient aux propos de M. Winfield. Il fallait comprendre l'impact de la ligne et le flux projeté d'électricité dans les deux directions. Maintenant, je dirai que l'exploitant indépendant du réseau a fait la première et la plus importante partie de ce travail; c'est son rôle. Cependant, nous voulions avoir un point de vue indépendant, alors nous avons embauché des consultants, des conseillers techniques qui comprennent les marchés de l'électricité et qui ont des modèles détaillés. Ils nous ont aidés à modéliser la façon dont l'électricité serait acheminée, à la fois de l'Ontario vers les États-Unis et à des moments où l'Ontario aurait besoin d'importer. Au cours de l'année, l'électricité circulerait dans les deux sens sur cette ligne. Nous avons modélisé ces flux.
C'est là que nous avons dépensé l'argent pour faire preuve de diligence raisonnable. Comme dans toute transaction importante, je pense que ce sont des deniers publics bien dépensés et utilisés judicieusement.
:
Je vais être bref. Si vous le permettez, je vais commencer par une récapitulation du processus de diligence raisonnable lié au projet. C'est très important. Évidemment, M. Winfield est un expert en la matière, mais je vais parler du travail de diligence raisonnable effectué par la BIC et de celui qu'a effectué la Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité, ou SIERE, organisme que le Comité aura peut-être la chance d'entendre. Je ne sais pas qui sont les autres témoins, mais je vous recommanderais d'inviter la SIERE.
Il faut se rappeler que les systèmes électriques fonctionnent à raison de 8 760 heures par année, et que l'Ontario est alimenté par des sources d'énergie propre quelques heures par jour, notamment au milieu de la nuit, par grand vent, lorsque la demande dans la province est basse ou lorsque les centrales nucléaires sont opérationnelles. Les processus de diligence raisonnable de la BIC ont démontré que dans ces périodes, l'Ontario pouvait retirer un avantage pécuniaire de l'exportation d'électricité propre aux États‑Unis dans le plus important marché de gros au monde, le Pennsylvania-Jersey-Maryland ou PJM. Pendant la dernière décennie, l'exportation d'électricité de l'Ontario vers nos voisins du Sud a entraîné la réduction de sept millions de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre.
À certaines périodes de l'année, il arrive que l'Ontario importe de l'électricité sur cette ligne, notamment lorsque les centrales nucléaires doivent être mises à l'arrêt en raison de travaux d'entretien, que les vents sont faibles, ou que la température est particulièrement élevée ou particulièrement froide dans la province. Les modélisations de la SIERE, qui indiquaient la possibilité d'acheter de l'électricité du PJM pendant les périodes de pointe afin d'éviter le recours aux usines de gaz, ont fait réaliser en Ontario, pendant la première décennie d'existence de la ligne, des réductions d'émissions de gaz à effet de serre de quatre millions de tonnes.
Je prends le temps d'expliquer les choses parce que c'est important. Certaines personnes se demandent comment les deux côtés de la frontière peuvent réaliser des économies. Je répondrais que pendant toutes les heures que compte une année, les électrons peuvent aller dans un sens comme dans l'autre.
Il reste que je ne suis pas un spécialiste de la production d'énergie, contrairement à la SIERE, qui a établi une modélisation assez compliquée du réseau électrique de l'Ontario basée sur des données horaires. Nous avons fait appel au groupe PA Consulting, qui possède une grande expertise sur les marchés de l'énergie, pour exécuter les travaux liés au processus de diligence raisonnable, aux examens et à la protection des intérêts des contribuables. Leurs conclusions ont validé les modélisations.
Pour répondre à votre question, puisque le projet est relancé — je disais à Mme Lewis que le projet avait été suspendu en raison de l'augmentation des coûts, mais qu'il est encore très viable à long terme —, nous allons mettre à jour les prévisions. Nous allons réexaminer l'avis de la SIERE. La BIC a le devoir comme prêteuse de valider ces conclusions. Toutefois, comme nous ne sommes pas des spécialistes des marchés de l'énergie, il nous faudra retenir les services de spécialistes pour poursuivre le processus de diligence raisonnable. L'établissement de contrats pour le nouvel emprunteur occasionnera des frais juridiques, mais nous nous appuierons sur le travail de diligence raisonnable effectué jusqu'à présent.
:
C'est exactement ce que je dirais. Certes, les choses doivent être examinées de près pour faire les validations nécessaires sur le plan économique et environnemental.
Le problème dans ce cas‑ci, c'est que la conceptualisation du projet a eu lieu à un stade antérieur de l'évolution du système électrique de l'Ontario. À ce stade‑là, nous étions pénalisés par ce que nous appelons dans le jargon une production de charge de base en surplus. Autrement dit, la demande en électricité était inférieure à la quantité d'électricité minimale produite par le système, principalement dans le cas des centrales nucléaires, qui ne peuvent être mises à l'arrêt. Dans ces circonstances, l'Ontario devait exporter de l'électricité à prix négatif. Nous payions littéralement pour nous débarrasser de notre électricité.
À mon avis, le problème n'existe plus parce que tous les réacteurs du parc nucléaire doivent être remis à neuf à différents niveaux. Certains réacteurs cesseront de fonctionner. La source marginale de combustible en Ontario est très nettement le gaz naturel — le gaz fossile, et ce sera encore le cas dans les années 2030. Peu importe la capacité que nous avons, elle sera entièrement utilisée pour répondre à la demande dans la province. Tout surplus généré proviendra de la production d'électricité thermique au gaz naturel.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Je vais commencer par M. Winfield.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit qu'il y aurait eu une autre solution, au lieu du projet de raccordement sous le lac Érié. Rappelons que ce projet a été suspendu et que nous ne savons pas s'il va se réaliser, finalement. Cette autre solution, qui aurait été à moindre coût, consiste à utiliser le réseau existant d'Hydro‑Québec, qui est déjà relié aux États‑Unis.
En tant que spécialiste de la question, pouvez-vous nous éclairer en nous disant pourquoi cette option n'a pas été envisagée?
:
Merci, monsieur le président.
Mes commentaires portaient surtout sur la relation entre le Québec et l'Ontario. À mon avis, il serait beaucoup plus logique de renforcer les interconnexions entre l'Ontario et le Québec pour plusieurs raisons.
La principale raison est la nature du réseau d'Hydro-Québec, qui a une très grande capacité de stockage. Ce serait, à bien des égards, un partenaire idéal pour le déploiement de ressources renouvelables intermittentes en Ontario... L'énergie éolienne et solaire, principalement. Les deux pourraient très bien s'équilibrer, et le Québec pourrait aider l'Ontario lorsque la production d'énergies renouvelables est réduite. Lorsque la production de l'Ontario est élevée, elle pourrait la vendre au Québec. C'est souvent le cas en hiver, lorsque le Québec a de la difficulté à répondre à la demande de pointe et qu'il n'exploite pas les barrages hydroélectriques. L'énergie est stockée derrière les barrages.
On a beaucoup travaillé sur cette question. Nous avons travaillé avec des collègues de l'École des Hautes Études Commerciales de l'Université de Montréal. L'IESO s'est également penchée sur le coût des renforcements nécessaires des interconnexions qui existent déjà entre l'Ontario et le Québec. Les corridors sont là. Il faudrait les mettre à niveau, mais nous avons une assez bonne idée des coûts que cela engendrerait. De nombreuses personnes se sont penchées sur la question et ont dit que ce serait beaucoup plus logique comme moyen d'éviter une forte augmentation de la production d'électricité au gaz en Ontario et toutes les augmentations des gaz à effet de serre qui en découlent.
L'Ontario aurait dû se concentrer sur la relation avec le Québec. Comme je l'ai mentionné, M. Legault a fait des démarches répétées en Ontario à ce sujet et n'a pas obtenu de réponse significative, ce qui est très préoccupant. Franchement, moi et bien d'autres ne comprenons pas pourquoi l'Ontario n'engagerait pas une conversation plus constructive avec son voisin de l'Est.
:
Je vous remercie de la question.
[Traduction]
Monsieur Guneratna, je vais peut-être vous céder la parole dans un instant.
J'aimerais faire valoir trois points. Premièrement, je suis d'avis qu'il est important d'avoir plus de lignes de transport partout au pays pour créer un réseau fiable et répondre à nos besoins en électricité, que ce soit dans la région de l'Atlantique, comme M. Winfield l'a mentionné... Il n'a pas parlé de la Saskatchewan et du Manitoba, mais en Colombie‑Britannique et en Alberta, l'histoire relative à la création de meilleurs liens est similaire, et c'est certainement le cas en Ontario et au Québec également. Je dirais qu'il ne s'agit pas de choisir l'un ou l'autre. Nous serions absolument... et nous avons parlé aux services publics d'électricité.
[Français]
J'ai rencontré des gens d'Hydro‑Québec la semaine dernière, par exemple.
[Traduction]
Nous avons parlé de leurs priorités et de leurs besoins en matière d'investissement.
Deuxièmement, nous sommes des investisseurs; nous investissons dans des projets. Lorsque la Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité et le gouvernement de l'Ontario disent qu'ils appuient le projet de raccordement du lac Érié et qu'ils pensent que c'est important pour la fiabilité du réseau, le PIB, le potentiel d'exportation et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, c'est parce qu'il s'agit un projet qui offre des avantages, et que nous sommes donc prêts à y investir. S'ils veulent aussi mettre à niveau leurs interconnexions au Québec, ce serait très intéressant pour nous.
Le dernier point que je veux soulever, c'est que cette ligne profite en fait à Hydro-Québec. À l'heure actuelle, Hydro-Québec n'a pas les moyens d'exporter de l'électricité à PJM. La société transporte l'électricité vers New York, mais pas vers PJM. D'après la modélisation qui a été faite, il y a certains avantages économiques à ce qu'Hydro-Québec transporte également de l'électricité de l'Ontario vers le marché américain en utilisant cette ligne.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, chers collègues.
Cette étude est intéressante, parce que l'on parle d'un projet qui a fait l'objet d'analyses et de discussions par la BIC il y a plus de trois ans.
Nous tentons de comprendre le raisonnement de la BIC quant au bien public visé par ces investissements. La BIC n'est pas qu'un investisseur; elle investit l'argent des Canadiens, alors elle ne devrait pas investir dans des projets que le secteur privé peut financer lui-même, à moins qu'il ne s'agisse d'un bien public tangible. C'est pourquoi le volet sur les émissions de gaz à effet de serre est si intéressant.
Ma première question s'adresse à M. Winfield.
Vous avez entendu les discussions jusqu'à maintenant, et vous avez entendu les explications de M. Cory quant au raisonnement appliqué pour les émissions de gaz à effet de serre. Je me demande quels sont les autres renseignements dont vous auriez besoin pour mieux comprendre l'analyse faite par la BIC il y a trois ans au sujet des émissions de gaz à effet de serre.
Pour bien comprendre les avantages climatiques de ce projet, quels sont les renseignements dont disposait la BIC au moment de prendre la décision, et auxquels vous voudriez avoir accès?
:
Il s'agit d'une question complexe.
Elle nécessite une compréhension plutôt approfondie du fonctionnement de la répartition de l'électricité en Ontario et des ressources disponibles à tout moment. Ce qui complique les choses, c'est l'hypothèse selon laquelle il y aurait une production excédentaire importante disponible pour l'exportation. Or, ce que l'on constate en Ontario semble indiquer le contraire.
Comme je l'ai dit, presque toutes les unités des installations nucléaires seront mises hors service pour être remises en état au cours des 20 prochaines années environ, et certaines doivent être mises à la retraite pour de bon. Ces installations ont été la principale source de production de base excédentaire, que l'on a dû exporter à un prix négatif. On a dû payer le Michigan pour qu'il nous en débarrasse.
Comme je l'ai dit, on constate une croissance presque verticale de la production d'électricité à partir de gaz fossile et des émissions de gaz à effet de serre qui y sont associées, y compris de la part de la SIERE. Cela devenait déjà évident en 2014, mais les preuves sont désormais là dans les dernières statistiques de la SIERE. Les chiffres ont triplé depuis 2017. Comme je l'ai dit, cette courbe est devenue pratiquement verticale dans les années 2020. Le combustible marginal en Ontario est le gaz fossile, et la tendance ne faiblit pas.
Je reviens toujours à la même question. Je ne vois pas d'où viendra la production excédentaire d'importance au cours des 20 prochaines années, compte tenu de la prévision de l'évolution de la situation en Ontario. En fait, cette question a été maximisée parce qu'il y a des questions sur l'impact de l'électrification, qui augmenterait encore plus la demande en électricité en Ontario, de sorte qu'il n'y aurait pas de surplus, comme la SIERE nous le dit avec insistance. Elle veut dépenser beaucoup d'argent pour générer plus d'électricité.
:
J'ai aimé votre premier message.
La modélisation effectuée par la SIERE est un modèle net heure par heure de toute l'offre dans la province, des importations et des exportations.
Celle qui a été effectuée par l'opérateur de système indépendant et vérifiée par notre conseiller externe indique qu'il y aura de nombreuses heures dans l'année, en particulier au cours des 10 à 15 prochaines années, où l'Ontario disposera d'un surplus d'énergie propre à exporter.
L'Ontario devra également importer de l'énergie pendant de nombreuses heures chaque année. La province pourrait avoir une entente d'importation bilatérale, par exemple, en signant un contrat avec un fournisseur d'énergie nucléaire ou renouvelable aux États‑Unis au lieu d'alimenter une centrale à gaz en Ontario pendant les périodes de pointe lors de journées d'entretien imprévues ou de jours sans vent ou très chauds.
Les avantages en matière de GES se font sentir des deux côtés de la frontière.
Pour répondre à la question de Mme Murray, nous nous pencherons à nouveau sur la question, car, comme l'a dit M. Winfield, les conditions continuent de changer depuis 2019‑2020, et nous ne ferions pas d'investissement sans faire preuve de diligence raisonnable.
:
Je vous remercie de la question. Vous avez raison. La BIC met vraiment l'accent sur la transparence. Vous voyez la parure dans nos rapports, toutes nos dépenses, une explication de nos primes et de nos objectifs de rendement, ainsi que les échecs et les réussites à cet égard. Les primes de rendement ne sont rien d'autre que cela. Elles sont basées sur la réalisation d'objectifs.
Pour être clair, la BIC a réalisé 3,7 milliards de dollars de nouveaux investissements lors de l'exercice dernier, qui vient de se terminer le 31 mars. L'année précédente, la Banque avait réalisé 4,3 milliards de dollars d'investissements.
Cela entraîne des frais de personnel. Nous avons engagé de nouveaux employés depuis le lancement de la BIC en 2018.
Comme vous l'avez dit, madame Lewis, il s'agit de la fonction naturelle de notre recrutement de professionnels du milieu de l'investissement. Ce sont des experts du marché. Je pense à des gens comme M. Guneratna, qui a beaucoup d'expérience dans le domaine de l'énergie et des banques. Je pense aussi à M. Duguay, qui nous vient du secteur privé.
Nous avons constitué une équipe, et cette dernière dispose d'un effet de levier incroyable sur les dollars canadiens en investissant des milliards de dollars dans de nouveaux projets d'infrastructure.
:
Il y a deux questions importantes là‑dedans.
Premièrement, nous avons du personnel formidable qui fait la majeure partie du travail, quel que soit l'investissement. Nous cherchons toujours à obtenir un avis externe aux fins de diligence raisonnable, comme M. Winfield l'a indiqué, et comme n'importe qui le recommanderait. Pour des investissements d'une telle ampleur, il est très utile d'obtenir des avis sur les plans juridique et technique.
Deuxièmement, nous prenons très au sérieux l'utilisation judicieuse de l'argent des contribuables. Madame Lewis, si vous regardez ces mêmes mesures de rendement, vous constaterez qu'à long terme, nous estimons que chaque dollar des contribuables canadiens que nous investissons dans ces projets à long terme permet d'attirer environ six dollars en capitaux privés.
:
Merci, monsieur le président.
Bienvenue à nos invités d'aujourd'hui. Monsieur Cory, votre présence ici pour parler de la BIC donne toujours lieu à d'intéressantes discussions.
Je vous remercie au passage d'avoir présenté une mise à jour sur le nombre de projets qui sont mis en œuvre — plus de 70 — et sur le montant des investissements associés à ces projets.
Je veux me concentrer sur le processus, mais avant de vous poser une question à ce sujet, j'aimerais parler du projet de Muskrat Falls, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Vous savez probablement ce qui s'est passé là‑bas.
Le projet a été annoncé comme un projet de 5,3 milliards de dollars qui serait construit avec l'argent des contribuables. En fin de compte, c'était plutôt un investissement d'environ 14 milliards en deniers publics, ce qui était bien au‑delà des moyens de la province. Le projet a fait l'objet d'une enquête approfondie qui a révélé que le projet n'a pas été soumis à un processus de diligence raisonnable. Il n'a pas fait l'objet du travail nécessaire comme celui que fait la BIC, par exemple, lorsqu'elle examine les projets semblables. Ce projet est devenu très controversé.
Cela a suscité beaucoup de colère dans la province, puisqu'il a été réalisé avec l'argent des contribuables, en plus d'être mal géré pendant des années. La construction a été deux fois plus longue que prévu. Très franchement, c'est un désastre total. C'est ce que pense la population.
Nous — le gouvernement fédéral — avons dû intervenir et faire une évaluation de Terre‑Neuve‑et‑Labrador pour ce projet. Autrement, les tarifs d'électricité auraient plus que doublé voire plus que triplé. Cela aurait été catastrophique pour les citoyens de Terre‑Neuve et du Labrador.
J'aimerais vous demander d'expliquer au Comité comment votre équipe procède lorsqu'elle reçoit une proposition de projet. En quoi consiste votre processus de diligence raisonnable?
:
Je vous remercie beaucoup de la question. Avant de répondre, je dirai peut-être une phrase.
Comparez votre exemple de Muskrat Falls au projet du REM à Montréal, par exemple, pour lequel nous avons accordé un prêt, comme tout le monde le sait. Le premier tronçon est ouvert.
Nous avons accordé un prêt pour ce projet, et la Caisse est l'investisseur dans ce cas précis. Des milliards de dollars sont en jeu. Si vous lisez les articles de presse, vous constaterez que les coûts de ce projet ont aussi augmenté — comme beaucoup de grands projets — de plus d'un milliard de dollars.
Nous n'avons pas investi plus d'argent. Les fonds proviennent de la Caisse, par l'intermédiaire de son programme de participation au capital. Nous serons quand même remboursés. L'argent des contribuables sera remboursé, et ce, jusqu'au dernier cent. Les investissements supplémentaires nécessaires à mesure que le projet prenait de l'ampleur proviennent des acteurs concernés... car ce sont eux qui gèrent le projet. Ils jouent un rôle actif et participent pleinement. Voilà la différence lorsque l'on fait participer le secteur privé.
Nous avons un processus à suivre lorsque nous investissons. Nous recevons sans cesse des propositions de partout au pays: secteur public, municipalités, gouvernements provinciaux, collectivités autochtones ou secteur privé.
Par exemple, dans le cas du projet de raccordement sous le lac Érié, nous avons été approchés par Fortis — ou sa filiale ITC — parce que l'entreprise n'arrivait pas à faire fonctionner l'équation pour ce projet et à mettre le projet en œuvre de manière abordable pour les contribuables, dans ce cas‑ci les contribuables ontariens.
La première étape de notre processus de diligence raisonnable consiste à entreprendre un dialogue avec les parties concernées, notamment le gouvernement de l'Ontario. Le projet répond‑il à un besoin? En comprend‑on la valeur? Est‑il souhaité?
Nous dialoguons avec le gouvernement. Nous dialoguons avec le promoteur.
Ensuite, nous préparons ce qu'on appelle une liste de modalités. Nous essayons de définir les modalités générales d'un accord. Les deux parties présentent ces modalités à leur conseil d'administration respectif. Nous avons des critères pour déterminer qu'un investissement est sensé et — pour revenir au précédent commentaire de M. Bachrach — qu'il est avantageux pour les contribuables. C'est la question fondamentale à laquelle nous nous efforçons de répondre, car notre travail n'est pas d'optimiser les profits, mais de protéger l'argent des contribuables tout en obtenant ces avantages pour le public. Voilà ce que nous évaluons.
Nous avons là les modalités d'un accord et, pour répondre à votre question, cela fait ensuite l'objet d'un processus exhaustif de diligence raisonnable. Habituellement, comme c'est le cas pour ce projet, nous retiendrions les services d'un conseiller technique pour nous aider à comprendre les facteurs économiques. Essentiellement, il s'agit de comprendre le marché et calculer les revenus potentiels.
Je vais vous donner un autre exemple. Supposons qu'une entreprise qui veut construire d'énormes parcs éoliens à Terre-Neuve, créer de l'hydrogène et l'exporter vers les marchés mondiaux nous approche. Nous devrons répondre aux questions suivantes: quel est le marché de cet hydrogène? Les gens sont-ils prêts à acheter de l'hydrogène? Quelle est la taille de ce marché? Voilà dans quoi nous investissons.
Voilà le genre de diligence raisonnable dont il est question.
Pour répondre à une question précédente, nous n'avons pas au sein de notre personnel un spécialiste du marché allemand de l'hydrogène. Nous devrons donc retenir les services de quelqu'un pour obtenir cette expertise.
Voilà la diligence raisonnable que nous exercerions. Ensuite, nous signerions un contrat de prêt. Vous imaginez bien, étant donné l'importance de ces prêts — on parle de centaines de millions de dollars —, qu'il s'agit d'un document plutôt volumineux. On cherchera donc à obtenir l'avis d'un expert. Nous avons une équipe juridique, mais nous obtenons aussi des avis juridiques externes.
:
Merci, monsieur le président.
À mon tour, je vais profiter de mon temps de parole pour proposer une motion. J'espère que nous pourrons la traiter rapidement.
Le 21 mars dernier, les membres du Comité ont reçu avis de la motion suivante:
Considérant que la Chambre a adopté, le mercredi 13 décembre 2023, la motion suivante portant le numéro M‑96 :
a) la Chambre reconnaisse qu'une évaluation par l'Association internationale des pompiers a permis de conclure qu'il y avait des lacunes réglementaires importantes concernant les interventions d'urgence dans les grands aéroports canadiens, qui mettent inutilement en péril la sécurité de la population de voyageurs, en
(i) omettant de mentionner que les pompiers des aéroports ont le devoir de sauvetage,
(ii) exigeant seulement que les pompiers atteignent le milieu de la piste la plus éloignée en trois minutes, et non qu'ils atteignent tous les points des pistes opérationnelles dans ce délai;
b) de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait, sans délai, veiller à ce que le Règlement de l'aviation canadien tienne compte des normes de sauvetage et de lutte contre les incendies dans les aéroports publiées par l'Organisation de l'aviation civile internationale, particulièrement en
(i) confiant aux pompiers des grands aéroports canadiens le mandat d'atteindre le site d'un incendie ou d'un accident n'importe où sur une piste en trois minutes ou moins, et en leur donnant les ressources nécessaires pour le faire,
(ii) indiquant que les pompiers ont le devoir d'aider à sauver les passagers.
Le Comité demande au gouvernement du Canada, plus particulièrement au ministre des Transports, d’informer le Comité sur la façon dont son ministère compte donner suite à la motion adoptée par la Chambre.
La Chambre a adopté cette motion le 13 décembre dernier, alors je soumets la question au Comité parce que je veux m'assurer que le Comité recevra une réponse du gouvernement. C'est une motion importante, qui a d'ailleurs été adoptée à l'unanimité par la Chambre, si je ne me trompe pas. Il me semble que ce serait la moindre des choses que l'on tienne les gens au courant de la suite des choses à cet égard. C'est pourquoi j'aimerais que nous obtenions une réponse écrite du gouvernement afin que le Comité soit informé de la réponse que le gouvernement entend donner à cette motion.
Merci, monsieur le président. J'espère que cette motion sera adoptée à l'unanimité.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Cory, dans une déclaration du 9 mai 2023, si je ne me trompe pas, vous avez dit que, compte tenu de l'augmentation des coûts, le rapport qualité-prix du projet de raccordement sous le lac Érié n'était plus satisfaisant. À ce moment, nous ne savions pas que ça avait coûté près de 1 million de dollars en frais de consultation, soit 900 000 $, plus précisément.
Je comprends que, pour n'importe quel projet d'envergure, il soit nécessaire de faire des vérifications diligentes et que les sommes à investir puissent être importantes. Il n'empêche que, 900 000 $, c'est vraiment beaucoup d'argent.
Selon l'information que nous avons eue, de cette somme, à peu près 800 000 $ ou 750 000 $ correspondent à des frais d'avocat, si je ne me trompe pas.
Essentiellement, nous avons des frais de ce genre dans tous les projets, surtout dans ceux d'envergure comme le projet de raccordement sous le lac Érié. S'élevant à 1,7 milliard de dollars, ce projet était d'une grande complexité, puisqu'il comprenait une composante liée au droit canadien, mais aussi une composante liée au droit américain.
Pour répondre à votre question, monsieur Barsalou‑Duval, je dois dire que nous avons une équipe juridique interne. C'est une petite équipe qui travaille étroitement avec notre équipe d'investissement afin d'assurer la diligence raisonnable dans le cadre des projets.
Quand nous parvenons à un accord de principe avec une tierce partie pour un projet, que nous nous lançons dans un processus de négociation d'un contrat avec celle-ci et que nous devons en assurer la diligence, c'est à ce moment que nous faisons appel à des avocats externes et que nous prenons en charge ce genre de frais.
Dans le cas du projet de raccordement sous le lac Érié, comme je l'ai dit, nous avions besoin d'avocats qui pratiquaient non seulement le droit canadien, mais aussi le droit américain, notamment celui en vigueur en Pennsylvanie, étant donné les accords avec les États‑Unis qu'il fallait revoir.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Cory, lors d'une réunion précédente du Comité, vous avez indiqué ce qui suit: « À moyen terme, nous allions importer de l'énergie à moindre intensité de carbone que l'utilisation de gaz pour assurer la production d'électricité de base en Ontario. C'est ce qu'ont révélé nos analyses. »
Cela soulève une question sur les perspectives à court et long terme. Si l'investissement avait été fait, quelles étaient les hypothèses, à court et à long terme, pour ce qui est des importations et exportations d'énergie propre après la mise en service de ce projet?
Autrement dit, pour revenir au point soulevé par M. Winfield, quand l'Ontario devait‑il commencer à exporter de l'énergie propre? Vous avez dit qu'à moyen terme, l'Ontario ne sera pas exportateur, mais importateur d'énergie propre. Je suppose que c'est un résultat net. Selon l'analyse initiale de la BIC, à quel moment l'Ontario enregistra‑t‑il des exportations nettes d'énergie propre?
:
Je vais certainement demander à mon collègue, M. Guneratna, de m'aider à répondre à cette question. Je remercie le député de sa question.
De façon générale, et M. Guneratna peut m'aider, dans l'immédiat, l'Ontario est un exportateur net. Il se transporte plus d'électricité de l'Ontario vers PJM que l'inverse.
M. Taylor Bachrach: Est‑ce à court terme?
M. Ehren Cory: C'est à court terme.
À moyen terme, avec la remise en état des installations nucléaires et, comme le souligne M. Winfield, avec le resserrement de l'offre, l'Ontario deviendra à la fois importateur et exportateur.
Je pense que le point que vous soulevez quant au résultat net est extrêmement important. La province continuera à exporter, mais il y aura aussi des importations. Ensuite, à plus long terme, la ligne pourra servir pour des importations d'énergie propre à plus grande échelle en provenance des États‑Unis, soit dans le cadre de contrats bilatéraux liés au parc nucléaire dans le réseau PJM, soit avec d'importants promoteurs d'énergie renouvelable.
Oui, le réseau PJM est relativement sale, en moyenne, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu'il faut importer de l'énergie sale. La SIERE en a parlé, et vous pourrez leur poser la question si vous en avez l'occasion. Ils évoquent la possibilité de signer des contrats bilatéraux avec des producteurs américains d'énergie propre, de sorte que ce sera de l'énergie propre même à l'importation.
J'espère que cela répond à votre question.
Monsieur Guneratna, voulez-vous ajouter quelque chose?
:
Je vous remercie de la question, et merci aussi d'avoir repris cet adage, que j'ai entendu d'un ancien ouvrier de la construction il y a de nombreuses années.
Premièrement, le sentiment qui le sous-tend est clair. Les grands projets d'infrastructure sont complexes. Il faut souvent des années pour les mener à bien. Celui‑ci a pris une décennie, et il est toujours en cours d'élaboration.
À ma connaissance, pour répondre directement à votre question, deux autres projets sont en suspens. Le premier est un projet énergétique dans le Nord du Québec. Il s'agit du projet de Whapmagoostui que nous avons annoncé en partenariat avec les collectivités autochtones et Hydro-Québec. Encore une fois, le projet a été suspendu en raison de l'escalade des coûts de construction en région éloignée.
L'autre projet était un projet avec B.C. Transit pour l'achat d'autobus à zéro émission pour la société de transport. Nous travaillions sur un accord avec tous les ordres de gouvernement. Ce projet est aussi suspendu.
À ma connaissance, ce sont les deux seuls. Je dirais que...
:
Je vois. Donc, c'est près de 1,3 million de dollars pour ces trois projets qui sont morts et qui pourraient être relancés.
Je préférerais poser certaines de ces questions au , qui est le ministre responsable de ce dossier, et par l'intermédiaire duquel la BIC rend des comptes au Parlement. Il a toutefois refusé l'invitation à comparaître dans le cadre de cette étude qui lui a été faite par l'intermédiaire d'une motion du Comité. Voilà pourquoi je vous les pose.
Le ministre vous a fourni un énoncé des priorités et des responsabilités, ce qui est intéressant, étant donné qu'il ne rendra pas de comptes au Comité dans cette affaire. Cependant, il a déclaré qu'il estime que la Banque de l'infrastructure du Canada devrait devenir un centre d'expertise.
Comme Mme Lewis l'a souligné, vos frais en personnel et en primes sont passés de 17 millions à 21 millions, puis à plus de 30 millions de dollars. De toute évidence, vous augmentez le coût de la BIC pour les contribuables en raison de l'augmentation de l'effectif et des salaires connexes.
À votre avis, la BIC est-elle un centre d'expertise en matière d'infrastructure? Si oui, si vous êtes un centre d'expertise en matière d'infrastructure, pourquoi devez-vous retenir les services d'autant de consultants externes, à l'instar du gouvernement, dont les dépenses pour les services de consultants externes ont augmenté à 21 milliards de dollars par année?
:
Merci pour votre question
Il s'agit effectivement d'un élément essentiel de notre mandat, comme vous l'avez dit, et nous l'avons indiqué dans notre énoncé des priorités et des responsabilités. Nous jouons effectivement un rôle consultatif.
Comme je l'ai mentionné en réponse à une question précédente de M. Rogers, notre rôle consiste tout d'abord à conseiller l'emprunteur potentiel sur la manière de structurer ce type d'investissement. Il peut s'agir d'un organisme public... ou d'une province, d'une municipalité, d'une communauté autochtone, ou encore d'une entreprise du secteur privé.
C'est ce que nous faisons dans le cadre de projets comme celui de Georgina Island, pour lequel nous travaillons avec une Première Nation à la construction possible d'une nouvelle route qui améliorerait l'accessibilité de cette communauté, ou celui de Taltson, un projet hydroélectrique situé dans les Territoires du Nord-Ouest, dans le cadre duquel nous collaborons avec le gouvernement.
Nous fournissons donc effectivement ce type de services consultatifs sur la manière de structurer une transaction. Lorsqu'ils arrivent au stade détaillé de l'investissement, nous faisons appel à l'expertise d'une tierce partie et effectuons notre travail de diligence raisonnable. Comme l'a décrit M. Duguay, ces services sont habituellement de nature juridique, commerciale et technique. Nous disposons toutefois d'un personnel remarquable. Pour chaque marché, nous effectuons une évaluation de l'offre et de la demande, ainsi que des coûts de construction raisonnables, et ce sont là les tâches pour lesquelles nous avons recours à une tierce partie.
:
Merci de votre question.
Je dirais deux choses. Premièrement, prenons l'exemple du lac Érié. Si nous structurions ces accords juridiques... Les membres du Comité auront peut-être l'occasion de poser cette question au promoteur du projet, qu'il s'agisse de Fortis, si vous avez invité cette société, ou de NextEra, qui pourrait reprendre le projet. Cependant, il est très clair que nos avocats ont interagi avec leurs avocats et que nos conseillers techniques ont interagi avec les leurs.
Plus tôt, quelqu'un a posé une question sur le fait qu'il ne fallait pas croire les documents de marketing du promoteur. Je tiens à être très clair. Le promoteur a également réalisé une étude technique et sa propre estimation des économies de gaz à effet de serre. Il a fait appel à un consultant tiers pour réaliser cette étude. Avec tout le respect que je lui dois, il s'agit de son chiffre. Nous devons obtenir notre propre point de vue indépendant sur la question, et c'est la raison pour laquelle nous faisons appel à des services de diligence raisonnable. Cependant, le secteur privé fait la même chose de son côté, et il va même plus loin que nous. Je pense que c'est logique et que c'est ce à quoi l'on doit s'attendre dans ce type d'accords commerciaux de grande envergure, qui sont la raison d'être de la BIC.
:
Je ne prétendrai jamais parler en leur nom, mais j'ai participé à de nombreuses discussions, je pense, lors de la préparation et de la planification de ce projet.
Je pense que, comme nous, ils considèrent que le problème est très simple. Nous allons tous avoir besoin de plus d'infrastructures, à tous les paliers de gouvernement, sur tous les... Si vous parlez de politique..., c'est l'une des rares questions qui fait l'unanimité. Les maires ou les premiers ministres de tous les partis politiques sont tous d'accord pour dire qu'il faut construire plus et plus vite.
En fait, si nous ne le faisons pas, c'est tout simplement parce que nous n'avons pas assez de fonds pour réaliser tous ces projets. Les coûts de nos besoins en infrastructures dépassent notre capacité à... Des études parlent de centaines de milliards de dollars qui doivent être dépensés dans ce pays, et la seule façon d'y parvenir est de trouver un moyen d'attirer des capitaux privés et institutionnels dans ces projets. Ce sont de grandes entreprises, mais elles prennent aussi des décisions d'investissement intelligentes basées sur des calculs. La seule façon de faire aboutir un grand nombre de ces projets qui ont une durée de vie très longue — 20, 30 ou 40 ans avec de grandes incertitudes — est de trouver un partenariat. C'est là tout l'intérêt des partenariats public-privé. Nous pouvons partager avec eux — non pas prendre, mais partager avec eux — les risques de ces projets, les obstacles à l'investissement initial dans ces projets.
C'est la raison d'être de la BIC, et je pense que l'Ontario y voit un moyen d'attirer plus d'investissements et, en fin de compte, de construire plus d'infrastructures.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Monsieur Cory, j'ai beaucoup aimé votre allocution. Vous avez mentionné que, même si un projet avait été suspendu à plusieurs reprises, on pouvait toujours avoir espoir de le voir être réactivé.
[Traduction]
Les chats ont neuf vies. C'est un peu pareil ici.
[Français]
Mes collègues d'en face vous ont demandé si d'autres projets avaient suivi le même scénario, et vous avez répondu, de façon directe, qu'il y en avait deux autres.
Pouvez-vous expliquer la raison de la suspension de ce projet? Est-ce parce que le projet n'est plus bon ou plus viable, ou est-ce parce que des coûts associés à la réalisation du projet sont survenus de façon imprévue par la suite?
:
Merci beaucoup de la question.
[Traduction]
« Chaque projet a neuf vies ». C'est une façon plus éloquente de formuler mes remarques précédentes. Je vous remercie.
Ce qui est intéressant, bien sûr, c'est qu'à l'époque où ce projet a été suspendu, les projets de construction connaissaient des difficultés importantes dans ce pays, en raison de la hausse des coûts. Les membres du Comité connaissent mieux que quiconque les conséquences du resserrement de nos marchés du travail et de l'augmentation du coût des matériaux dans le monde, qu'il s'agisse de l'acier ou du béton utilisés pour réaliser ces projets. Il y a eu d'énormes augmentations.
Il y a eu une tendance, qui s'applique également au projet de raccordement du lac Érié et au projet hydroélectrique de Whapmagoostui. Entre le moment où l'idée a été lancée, l'alignement des parties, la signature d'un contrat, et l'investissement final, il s'est produit dans ces cas une hausse significative des coûts.
Pour répondre au commentaire précédent de M. Winfield, il est nettement préférable de découvrir ce problème au cours de la phase de diligence raisonnable que plus tard.
Si ces projets ont neuf vies et ont été suspendus, c'est parce que leur raison d'être reste très solide: le besoin en nouvelles sources d'énergie propre dans le Nord-Ouest du Québec n'a pas disparu, et le besoin d'améliorer la connectivité et la transmission entre le Canada et les États-Unis non plus. Nous estimons donc que la viabilité du projet reste réelle à long terme.
:
Pour que les choses soient claires, l'idée d'une banque d'infrastructure n'est qu'un élément de la boîte à outils. Nous ne présumons de rien, et nous sommes assez humbles à ce sujet. Nous devons tous apporter notre contribution.
Pour répondre à votre question précédente sur la banque de l'Ontario, quelqu'un m'a demandé un jour si nous allions nous faire concurrence pour l'obtention des mêmes marchés. Il y a suffisamment de marchés pour nous tous. Nous devons tous mettre la main à la pâte pour construire l'infrastructure dont nous avons besoin. Nous ne sommes qu'un élément de la boîte à outils et je pense qu'il s'agit là d'une excellente occasion à saisir.
Pour répondre directement à votre question, oui, les projets dans lesquels la BIC a investi au cours des trois dernières années, depuis mon arrivée, ou au cours des cinq dernières années, depuis que nous nous sommes dotés de personnel, représentent 35 milliards de dollars de projets d'infrastructure qui étaient restés en suspens. Les chiffres ne fonctionnaient pas, le risque était trop élevé ou l'échéance trop longue. Quelque chose ne fonctionnait pas et le marché ne pouvait pas réaliser les projets seul.
En intervenant, la BIC a contribué à faciliter la mise en œuvre de ces projets. Oui, nous avons joué un rôle important dans l'accélération de l'investissement dans l'infrastructure du pays.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur les fameux frais de consultation de 900 000 $. Ça me semble être une somme quand même importante et je veux que nous continuions à en parler.
De ces 900 000 $, 800 000 $ correspondent à des frais d'avocat. Je pense que 25 000 $ ont été dépensés pour obtenir une expertise financière et 70 000 $ pour obtenir des connaissances liées aux marchés de l'électricité et aux gaz à effet de serre. Les 800 000 $ qui correspondent aux frais juridiques relativement au droit canadien et au droit américain constituent la part du lion.
Lorsqu'on parle de dépenses gouvernementales et de facturation, on a toujours en tête des scandales où des factures ont été payées sans même qu'on les regarde, comme dans le cas d'ArriveCAN. Je ne prétends pas que c'est le cas ici; je ne le sais pas. Qu'on le veuille ou non, on devrait avoir le réflexe de s'inquiéter lorsqu'on voit des chiffres aussi élevés. Je pense qu'à un moment donné, quand on est devant des chiffres aussi élevés, on finit par perdre un peu le sens de la réalité. Ça donne le vertige. Lorsqu'on parle de 80 000 $, de 800 000 $ ou de 800 millions de dollars, qu'est-ce que ça veut dire pour M. et Mme Tout‑le‑Monde?
Penchons-nous sur les 800 000 $. Évidemment, vos consultants ne sont pas rémunérés 20 $ l'heure. Ils sont généralement assez bien payés. Admettons qu'ils soient payés 10 fois plus cher. Ça voudrait dire qu'ils auraient travaillé pendant 4 000 heures sur le projet. C'est peut-être moins, c'est peut-être plus.
Pourriez-vous me donner un ordre de grandeur en ce qui concerne le taux horaire moyen, le nombre de contrats, le nombre de firmes impliquées et le nombre d'heures de travail qu'elles ont vraiment investies dans ce projet? Ça me semble vraiment astronomique, et je voudrais mieux comprendre.
La question comprend différents éléments. Permettez-moi en premier lieu de répondre à la question générale en ce qui concerne l'approvisionnement, les services juridiques et les services techniques.
Commençons par les services juridiques. Lorsqu'un investissement chemine dans notre processus d'investissement et que nous en arrivons au point où nous entamons une phase de négociation, de rédaction juridique et de contrôle diligent du projet, c'est à ce moment que nous déterminons si nous avons besoin de faire appel à notre expertise interne. Il y a, au sein de la BIC, une équipe composée d'une demi-douzaine d'avocats qui travaillent en partenariat avec l'équipe d'investissement pour structurer les projets. Toutefois, pour un projet de grande envergure, par exemple 1,7 milliard de dollars dans ce cas-ci, nous n'avons tout simplement pas les effectifs nécessaires pour gérer le projet à l'intérieur de la BIC. Nous avons donc besoin de faire appel à de l'expertise externe.
Parlons maintenant de l'approvisionnement. Nous avons une politique d'approvisionnement et, conformément à nos engagements en matière de transparence, cette politique peut être consultée sur notre site Web.
Pour ce qui est des frais juridiques, nous avons un processus d'appel d'offres. Nous retenons les services de trois à cinq cabinets d'avocats, en moyenne, d'abord pour comprendre l'expertise nécessaire pour un projet et les taux horaires, ensuite pour nous assurer qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts relativement aux dépenses de fonds publics.
:
Merci, monsieur le président.
J'examine les communications qui ont été diffusées au moment où la banque a approuvé sa participation à ce projet en principe. Je ne trouve aucune mention de l'importation d'électricité des États-Unis.
J'ai une citation de M. Corriveau, qui travaille pour la banque. Il a déclaré que « l'on s'attend » à ce que « l'énergie soit acheminée de l'Ontario vers PJM à long terme étant donné que l'Ontario détient une part deux fois plus élevée de sources d'approvisionnement à coût marginal plus faible — qui sont généralement non émettrices — par rapport à PJM. »
Encore une fois, cela va directement à l'encontre de ce que nous a dit M. Winfield.
Dans le communiqué de presse publié par la BIC, on trouve une citation de vous, monsieur Cory:
Ce projet permettra à l’Ontario d’exporter son énergie propre et non polluante vers l’un des plus grands marchés d’électricité au monde. Cela profitera aux Canadiennes et aux Canadiens sur le plan économique tout en contribuant de manière significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le marché de la PJM.
Un peu plus loin, on lit une déclaration de la ministre de l'époque, Catherine McKenna. Voici ce qu'elle avait à dire:
Les États-Unis s'étant engagés à mettre en place un réseau électrique sans carbone d'ici à 2035, le Canada a la possibilité d'exporter de l'énergie propre, ce qui contribuera à réduire les émissions, à optimiser l'utilisation de l'énergie propre et à rendre l'électricité plus abordable pour les Canadiens.
Il semble qu'il s'agisse d'une incroyable opération de vente alors que le raisonnement que vous nous avez expliqué aujourd'hui est qu'à moyen terme, nous serons un importateur net d'énergie américaine et qu'à long terme, nous serons probablement aussi un importateur net d'énergie américaine, qu'elle soit propre ou non.
Pourquoi la banque ne s'est‑elle pas montrée franche dès le départ et n'a‑t‑elle pas précisé qu'il s'agissait en grande partie d'un projet d'importation d'énergie américaine en Ontario?
:
Je tiens à clarifier les choses. Nous utilisons les termes « court »,« moyen » et « long » dans des sens probablement différents.
Si l'on tient compte du fait que le projet importera et exportera de l'électricité tout au long de sa durée de vie, il s'agit de l'importation nette. Au cours des 10 premières années, la SIERE estime qu'on obtiendra une réduction de quatre millions de tonnes de GES, chiffre qui a été vérifié par notre conseiller externe en Ontario. Cette réduction est due à l'importation d'électricité qui remplacerait l'utilisation d'une centrale à gaz en Ontario au cours des 10 premières années. Au cours de la même période, les États-Unis réduiront leurs émissions de sept millions de tonnes. À plus long terme, ces avantages continueront de s'accumuler de part et d'autre de la frontière, mais à un rythme plus lent, car tous les marchés vont se resserrer et devenir plus propres. La quantité d'émissions de gaz à effet de serre économisé diminue progressivement au cours des 40 années de vie du projet, mais elles se poursuivent de part et d'autre de la frontière. Au cours des 8 760 heures d'une année donnée, le projet importera et exportera de l'énergie.
Je maintiens tout ce que vous avez lu dans ma citation et dans toutes les citations, mais ce qui figure dans la mienne reste vrai. Tout ce que j'ai dit est vrai. C'est une excellente opportunité pour les trois parties, la fiabilité du réseau, l'avantage économique et l'avantage en termes de réduction des gaz à effet de serre, pour l'Ontario et les Ontariens.
Dans la directive ministérielle publiée en 2022, le ministre de l'Énergie de l'Ontario, M. Smith, a déclaré qu'il était du même avis, tout comme l'opérateur de système indépendant.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Je remercie tous nos témoins d'être présents aujourd'hui et de répondre à toutes nos questions au mieux de leurs capacités. C'est très utile au Comité.
Monsieur Cory, j'aimerais revenir sur le témoignage que vous avez fourni au Comité le 9 mai 2023. À l'époque, vous avez dit — et vous l'avez répété dans vos commentaires aujourd'hui — qu'en raison de la hausse des coûts, la BIC et l'opérateur du secteur privé ITC ont estimé que, compte tenu de l'augmentation des coûts du projet de raccordement du lac Érié, « le rapport qualité-prix n'était plus satisfaisant ».
Partagez-vous toujours cette opinion aujourd'hui, après avoir entendu qu'un nouveau partenaire se penche sur ce projet? Êtes-vous toujours du même avis?
:
Je dirais honnêtement qu'il est un peu trop tôt pour se prononcer. Le nouveau promoteur, qui a acquis les droits de ce projet autour du Nouvel An, en décembre ou janvier, travaille à l'établissement d'une nouvelle estimation des coûts. Comme je l'ai dit, 2022 a été une année particulièrement difficile de la hausse du prix des intrants de base.
Il s'agit également, comme je l'ai mentionné précédemment, d'un type de construction très spécialisé. Seuls quelques bateaux dans le monde peuvent creuser ce genre de tranchées profondes pour y poser des câbles bidirectionnels à haute tension. Il faut donc se demander quand on pourra trouver un bateau capable de le faire. Le nouveau propriétaire, qui, je pense, se présentera peut-être devant le Comité, travaille sur ce projet.
Pour répondre à votre question, en tant qu'investisseurs, notre rôle est de recevoir leur estimation à jour des coûts. Le gouvernement de l'Ontario établit également ses projections et les met à jour. Il doit mettre à jour son évaluation de la valeur du projet pour les contribuables de l'Ontario, car, au bout du compte, ce contrat est conclu avec la SIERE, qui représente les contribuables de l'Ontario, et qui est prête à payer un certain montant pour cette ligne.
Le calcul doit fonctionner. La province de l'Ontario doit donc déterminer le prix qu'elle est prête à payer pour la réalisation de ce projet avant que nous puissions prêter de l'argent. C'est ce que nous devrons déterminer dans les mois à venir.
Comme je l'ai dit plus tôt, le but est d'améliorer la connectivité du réseau à l'est et à l'ouest de notre pays, mais aussi au nord et au sud avec nos voisins. Un réseau plus robuste améliore la fiabilité, fait baisser les prix de l'électricité pour tout le monde et améliore les résultats en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour tout le monde. Sur le long terme, nous espérons que ce projet et beaucoup d'autres du même genre seront réalisés, et nous verrons bien.
:
C'est une excellente question.
Nous établissons une comparaison avec les autres projets. Les coûts de diligence raisonnable de ce projet étaient plus élevés que la moyenne. Vous m'avez entendu parler des deux autres projets qui ont été suspendus. Vous avez certainement remarqué que ces chiffres étaient beaucoup plus faibles. Ce projet est plus complexe. Il s'agit de l'un de nos plus gros investissements. Notre plus gros investissement à ce jour est le REM, dont le coût s'élevait à 1,3 milliard de dollars. Nous avons d'autres investissements importants de l'ordre de 500 millions à 1 milliard de dollars. Il s'agit d'un gros projet. Les coûts de la diligence raisonnable étaient plus élevés, mais ils représentaient une part relativement faible de l'investissement et étaient très concurrentiels. Nous procédons également à des analyses comparatives. Lorsque nous parlons à d'autres investisseurs institutionnels, lorsque nous parlons au fonds de pension... ils diraient que c'est en fait un taux assez concurrentiel.
La dernière chose que je dirai à ce sujet est qu'à la BIC, nous nous sommes attachés à réduire les coûts grâce à la normalisation des outils et des projets. Il s'agit d'un projet très particulier, unique en son genre. Personne d'autre ne pose des câbles sous le lac Érié. Toutefois, lorsque nous accordons des prêts pour des flottes d'autobus à émission zéro, comme nous l'avons fait pour la ville d'Ottawa, la ville de Brampton, la région de Durham, les exploitants d'autobus scolaires au Québec, etc. Nous essayons de créer des documents standard, des termes juridiques standard, de réduire les coûts de diligence raisonnable. Nous essayons de le faire pour chaque transaction, lorsque c'est possible.
Merci, monsieur le président.