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Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 40e réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 3 février 2022, le Comité se réunit pour étudier le Règlement sur la protection des passagers aériens.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre des communes adopté le jeudi 25 novembre 2021. Les députés peuvent y participer en personne ou au moyen de l'application Zoom.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui M. John Gradek, chargé de cours et coordonnateur académique à l'École d'éducation permanente de l'Université McGill, qui comparaît à titre personnel par visioconférence. Nous recevons aussi M. Gábor Lukács, président de l'organisme Droits des voyageurs.
[Français]
Nous recevons également M. Jacob Charbonneau, président-directeur général de Vol en retard, ainsi que Mme Sylvie De Bellefeuille, avocate et conseillère budgétaire et juridique d'Option consommateurs.
[Traduction]
Enfin, nous accueillons M. John Lawford, directeur général et avocat général au Centre pour la défense de l'intérêt public.
Je profite de l'occasion pour indiquer aux membres du Comité que tous nos témoins qui comparaissent par visioconférence se sont prêtés aux tests audiovisuels requis. Je vais m'assurer auprès de nos interprètes que tout fonctionne bien. C'est parfait.
Nous allons maintenant entendre les observations préliminaires de nos témoins en commençant par M. John Gradek.
Vous avez cinq minutes.
Je veux prendre un instant pour remercier les membres du Comité de la Chambre de m'avoir invité à prendre la parole concernant le Règlement sur la protection des passagers aériens.
J'aimerais traiter aujourd'hui de la question de l'indemnité due aux voyageurs à la suite d'une décision de la compagnie aérienne qui fait en sorte qu'ils ne peuvent pas se rendre à destination. Je veux en outre vous soumettre mes recommandations quant aux mesures à prendre pour corriger les lacunes du Règlement en vigueur. Mais permettez-moi d'abord de rappeler rapidement l'historique de ce régime de manière à bien situer les choses dans leur contexte.
En mai 2019, le gouvernement a présenté son Règlement sur la protection des passagers aériens qui précisait certaines exigences minimales à respecter par les compagnies aériennes, comme les normes de traitement et l'indemnisation des voyageurs dans certaines situations. Ce règlement faisait suite à de vastes consultations auprès des parties prenantes de l'industrie du transport aérien commercial, y compris les compagnies aériennes et les groupes représentant les consommateurs. Ces nouvelles dispositions réglementaires établissent les obligations des compagnies aériennes à l'égard des voyageurs pour ce qui est notamment des communications, des vols retardés ou annulés, des refus d'embarquement, des retards sur l'aire de trafic et du transport d'instruments de musique.
Ces mesures réglementaires ont été prises par l'Office des transports du Canada, l'OTC, en application de la Loi sur les transports au Canada, modifiée par la Loi sur la modernisation des transports. Elles devaient être administrées par l'OTC et entrer en vigueur progressivement jusqu'au 15 décembre 2019. Ces dispositions réglementaires s'appliquent à tous les vols à destination et en provenance du Canada, ainsi qu'à l'intérieur de nos frontières, y compris les vols de correspondance.
Parmi les dispositions les plus litigieuses de ce règlement, il faut noter celles concernant les vols retardés ou annulés. Mes observations d'aujourd'hui vont surtout porter sur la notion de situation indépendante de la volonté du transporteur. Je vais ainsi vous parler de la manière dont je définis ce concept et de la façon dont différentes parties prenantes l'ont interprété.
Une analyse de la manière dont le Règlement a pour ainsi dire délimité les différents scénarios possibles permet de faire ressortir la disposition qui semble causer le plus de difficultés. Il s'agit des actions qui ne sont pas indépendantes de la volonté du transporteur, mais qui sont jugées nécessaires par souci de sécurité. En pareil cas, les passagers n'ont pas droit à une indemnisation. Tout indique que les vols perturbés suivant un scénario semblable ont soulevé le mécontentement de nombreux voyageurs et groupes de consommateurs qui prétendent que les compagnies aériennes abusent de cette disposition pour s'affranchir de l'obligation d'indemniser ceux dont le voyage a été perturbé en raison d'une situation qui n'était pas indépendante de la volonté du transporteur.
Dans certaines de ces situations où une compagnie aérienne évoque des motifs de sécurité, des problèmes de maintenance ou des effectifs insuffisants peuvent être en cause. En pareil cas, la compagnie aérienne est uniquement tenue de respecter les normes de traitement et d'amener les passagers à destination, sans avoir à verser quelque indemnité que ce soit. Dans les autres cas où il peut y avoir indemnisation, le montant de celle‑ci varie bien sûr en fonction du type de transporteur et de la durée du retard. Il peut aller de 400 $ pour un retard de trois heures jusqu'à 1 000 $ pour un retard dépassant les neuf heures.
Je me suis permis certaines hypothèses simplificatrices quant à la démarche ayant abouti à ces conditions et à ces dispositions réglementaires. Je suis pas mal convaincu que de vastes consultations ont été menées auprès des compagnies aériennes et des groupes représentant les consommateurs. Je suis plutôt persuadé également que toutes ces parties prenantes ont convenu que ces dispositions réglementaires étaient équitables et pouvaient s'appliquer sans problème. Il est toutefois maintenant manifeste que, dans la vaste majorité des cas, les compagnies aériennes cherchent à invoquer un souci de sécurité comme motif premier pour ne pas verser d'indemnité dans les situations qui ne sont pas indépendantes de leur volonté.
Lorsque les compagnies aériennes établissent leur calendrier de vols, les ressources nécessaires — qu'elles soient physiques, humaines ou financières — sont déployées à même un inventaire existant en fonction des besoins établis pour les différents vols. Les responsables des ressources humaines au sein de ces entreprises sont bien conscients des pénuries d'effectifs que peuvent créer les absences pouvant être attribuables à des vacances, des congés, des départs à la retraite ou des problèmes de santé. Ils prennent en compte ces absences inévitables dans leur planification en constituant des forces de réserve. C'est généralement le cas pour les agents de bord et les pilotes. Ces ressources supplémentaires sont déployées dès que l'on sait que l'on va manquer de personnel, parfois le jour même d'un vol.
Il revient en grande partie à chaque compagnie aérienne de déterminer combien d'employés elle garde ainsi en réserve. Si les forces de réserve sont peu abondantes et que les absences se multiplient, des vols doivent être retardés, voire annulés. Bienvenue dans la réalité de 2022. Le nombre d'absences peut être anticipé en fonction des données des années précédentes, et les forces de réserve constituées pour 2022 n'étaient pas suffisantes pour compenser l'absentéisme que nous connaissons actuellement.
Bien que l'Office des transports du Canada ait exprimé l'opinion que les niveaux de dotation ne peuvent pas être invoqués à titre de circonstances indépendantes de la volonté du transporteur pour justifier un retard, les compagnies aériennes continuent de le faire valoir et en ont même saisi la Cour fédérale. Ainsi, Air Canada et WestJet se sont adressées à ce tribunal pour obtenir de nouvelles exemptions à l'égard de ce règlement en mettant de l'avant des scénarios qui seraient, selon les deux entreprises, visés par la Convention de Montréal de l'OACI, tout en affirmant que le Règlement va à l'encontre de cette convention.
Tout cela m'amène à vous soumettre qu'il est nécessaire de reformuler ces exemptions et qu'il convient de revoir rapidement les règles permettant aux compagnies aériennes de refuser une indemnisation. Il y a certains modèles dont nous pouvons nous inspirer. Nous n'avons pas à réinventer la roue.
Selon moi, le règlement de l'Union européenne en matière d'indemnisation est sans doute préférable à celui que nous avons au Canada. Les règles de l'Union européenne…
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, nous sommes des bénévoles réunis au sein d'un organisme sans but lucratif indépendant qui se consacre à la défense des droits des voyageurs au Canada. Nous n'acceptons aucun financement du gouvernement ou d'entreprises privées, et nous n'avons aucun intérêt commercial dans l'industrie du voyage. Nous parlons au nom des passagers que nous appuyons au quotidien dans leur lutte pour faire valoir leurs droits.
Dès 2017, nous avons servi une mise en garde en avançant que le règlement proposé par le gouvernement n'allait pas protéger adéquatement les voyageurs canadiens et leur conférer des droits équivalents à ceux prévus dans le régime de l'Union européenne. Nous vous remercions de nous donner le privilège de témoigner à nouveau devant vous pour vous aider à dresser le bilan du Règlement sur la protection des passagers aériens, le RPPA, et de ses nombreuses lacunes.
M. Darrel Pink, arbitre à la Cour des petites créances, en est arrivé à la conclusion suivante: « Lorsque la protection du consommateur est le résultat visé pour un régime de réglementation, on devrait pouvoir s'attendre à ce que les modalités de ce régime soient formulées dans un langage clair et facile à comprendre, et que cette simplicité se répercute dans le processus de réclamation. Ce n'est pas du tout ce que l'on retrouve avec le RPPA qui était pourtant censé mieux protéger les droits des passagers. » M. Pink a raison. Considérons quelques exemples.
Mia et Joël paient à prix fort leur place sur un vol d'Air Canada à destination de Vancouver, mais se voient refuser l'embarquement lorsqu'ils se présentent au comptoir d'enregistrement. Le préposé de la compagnie aérienne croit à tort que Mia et Joël ne satisfont pas à toutes les exigences pour pouvoir voyager. En réalité, ils sont bel et bien autorisés à le faire.
La logique voudrait qu'ils reçoivent tous les deux une indemnisation pour refus d'embarquement. De fait, s'ils avaient voyagé au sein de l'Union européenne ou avec un transporteur relevant de cette entité, Mia et Joël auraient reçu une telle indemnisation. Au Canada, ils n'ont cependant rien reçu du tout, parce que le Règlement prévoit une indemnisation uniquement pour les passagers qui se voient refuser l'embarquement en raison d'une surréservation, tous les autres motifs n'étant pas jugés valables à ce titre.
L'expérience vécue par Mia et Joël nous montre que le libellé du RPPA n'est pas dicté par le simple bon sens. Nous recommandons que le Canada adopte les définitions de l'Union européenne correspondant au sens généralement acceptable des termes « refus d'embarquement » et « annulation ».
Autre exemple. Alex réserve un billet aller-retour pour une escapade de fin de semaine. Il doit quitter le Canada à destination de Boston le vendredi après-midi pour revenir le dimanche après-midi. Le vendredi, le vol d'Alex vers Boston est annulé en raison d'une tempête de neige, ce qui est de toute évidence une circonstance indépendante de la volonté du transporteur. La compagnie aérienne offre à Alex une place sur un vol qui quitte le Canada le dimanche matin, une solution de rechange aucunement envisageable du fait qu'Alex devrait, dès son arrivée à Boston, s'enregistrer pour son vol de retour.
Comme de nombreux Canadiens, Alex travaille cinq jours par semaine et ne peut pas reporter son vol de retour jusqu'au mardi. Si le vol d'Alex avait été annulé au départ de Boston ou de Paris, il aurait pu sans difficulté obtenir un remboursement complet en vertu des règles en vigueur aux États-Unis et au sein de l'Union européenne. Malheureusement, le Règlement applicable au Canada, avec les modifications apportées en septembre dernier, n'offre aucune protection à Alex. Pourquoi? Simplement parce que la compagnie aérienne lui a offert une place sur un vol dans les 48 heures suivant son départ prévu à l'origine.
Nous recommandons que le Canada bonifie ses règles pour le remboursement des vols en les alignant sur celles des États-Unis et de l'Union européenne.
Considérons maintenant le cas de Lisa et Owen qui réservent un vol avec Air Canada et WestJet, respectivement. Comme cela arrive trop souvent, ils voient tous les deux leur vol être annulé en raison d'effectifs insuffisants. Les deux compagnies aériennes leur ont vendu des billets, comme à bien d'autres également, sans s'être d'abord assurées de pouvoir former un équipage complet pour les vols en question. Lorsque les compagnies aériennes refusent de les indemniser en vertu du Règlement, l'Office des transports du Canada leur ordonne de verser une indemnisation. Les compagnies aériennes intentent alors une action contre Lisa et Owen devant la Cour d'appel fédérale.
Devant le tribunal, les compagnies aériennes font valoir que ce n'est pas à elles, mais bien aux passagers qu'il incombe de produire une preuve relativement aux circonstances ayant mené à l'annulation du vol. Elles allèguent en outre que l'annulation d'un vol en raison d'effectifs insuffisants est une mesure prise par « souci de sécurité » et qu'aucune indemnisation n'est alors due aux passagers conformément au Règlement. Au sein de l'Union européenne, les passagers n'ont pas à composer avec des dispositions aussi absurdes. Il est clairement établi dans le régime européen que c'est la compagnie aérienne qui doit prouver que des circonstances sortant de l'ordinaire l'ont empêché de s'acquitter de ses responsabilités, et que le motif du « souci de sécurité » ne peut pas être utilisé à toutes les sauces. Nous recommandons que le Canada adopte le libellé clair de l'Union européenne pour ce qui est du fardeau de la preuve et qu'il élimine le critère du « souci de sécurité » que les compagnies aériennes invoquent trop souvent pour ne pas avoir à indemniser leurs passagers.
Nous vous implorons, en votre qualité de législateurs, de permettre aux Canadiens de profiter des mêmes droits et mesures de protection dont bénéficient les passagers européens depuis plus de 15 ans.
Merci.
Je remercie le Comité de m'avoir invité à comparaître.
Je suis le cofondateur et le PDG de Vol en retard, un bureau d'avocats qui a pour but d'aider les consommateurs à obtenir une compensation à la suite d'un problème avec leur transporteur aérien.
On m'a demandé de parler aujourd'hui des améliorations à apporter au Règlement sur la protection des passagers aériens. J'y reviendrai ultérieurement.
J'aimerais commencer par dire qu'il faut regarder la situation de façon beaucoup plus large: c'est tout le système qui est brisé et défectueux. L'accès à la justice et aux indemnisations est donc quasi impossible pour les voyageurs, et laissez-moi vous expliquer pourquoi.
Premièrement, beaucoup trop de place est laissée à l'interprétation des causes donnant lieu aux réclamations. Le respect du Règlement est laissé au bon vouloir des transporteurs. On peut avoir le meilleur des règlements, s'il n'est pas suivi, il ne sert à rien. Malheureusement, les agissements des transporteurs depuis la mise en place du Règlement nous ont montré que le système ne fonctionne pas.
Le système en place fait qu'il est financièrement plus avantageux pour les transporteurs de ne pas faciliter l'accès aux compensations et de refuser les demandes en invoquant toutes sortes de raisons. Il faut savoir que ce comportement ne se limite pas au Canada, il est généralisé dans toute l'industrie. Par exemple, le département des Transports des États‑Unis vient d'infliger aux transporteurs aériens des amendes de plus 7,25 millions de dollars pour des retards dans le remboursement de près de 600 millions de dollars à des passagers.
Les processus en place au Canada favorisent ce mauvais comportement et sont inadéquats. Le Règlement et ses trois catégories de causes de retard ou d'annulation de vol laissent beaucoup trop de place à l'interprétation. Ces catégories sont les causes attribuables au transporteur, celles attribuables au transporteur, mais nécessaires par souci de sécurité, et les causes non attribuables au transporteur.
Trop souvent, les transporteurs mettent tout et n'importe quoi dans ces catégories, sans donner de détails. Par exemple, des pilotes avaient mal calculé le besoin en carburant, ce qui avait entraîné une demande de carburant supplémentaire, provoquant ainsi un retard. Cela a été mis dans la catégorie des causes attribuables au transporteur, mais nécessaires par souci de sécurité. Nous convenons tous que ce retard était nécessaire, mais c'était quand même une décision opérationnelle.
Il y a aussi les problèmes relatifs au manque d'équipages, qui ont touché énormément de voyageurs cet été. Pourtant, ce genre de problèmes est clairement décrit dans le guide d'interprétation de l'Office des transports du Canada comme étant une situation attribuable au transporteur. Or, ces situations ont été mises dans la catégorie des causes attribuables au transporteur, mais nécessaires par souci de sécurité.
De plus, dans leur tarif, les transporteurs exigent des passagers de ne pas soumettre leur demande d'indemnisation par l'entremise d'entreprises spécialisées et de ne pas être représentés par un conseiller juridique dans leur demande initiale. En guise d'exemple, le paragraphe F2) de la règle 105 du tarif d'Air Canada dit que le « transporteur ne traite aucune réclamation acheminée par un tiers qui ne lui aurait pas été préalablement soumise directement par le passager [...] ».
Cette désinformation, jumelée aux pratiques des transporteurs, a pour effet de léser les droits des passagers et de traiter ces derniers de façon inégale. En effet, un article est sorti en fin de semaine sur le site Web de CP24 au sujet d'un couple de passagers de WestJet, dont un a reçu une indemnisation, mais pas l'autre, alors que les deux avaient pourtant pris le même vol.
Les transporteurs savent très bien que, de façon générale, les passagers ne sont pas suffisamment au courant de leurs droits et des obligations du transporteur. Ils sont incapables de s'opposer à des multinationales qui ont accès à des avocats spécialisés. La plupart des passagers n'iront pas plus loin après un premier refus du transporteur. Les voyageurs sont donc brimés dans leurs droits. Quand un passager décide de porter en appel la décision d'un transporteur, l'Office des transports du Canada prendra souvent plus d'un an, voire deux ans, à traiter sa demande.
Cet Office n'est pas efficace. Il offre trois services ou avenues: la facilitation, la médiation et la procédure formelle.
Les passagers sont dirigés automatiquement vers la facilitation, lors de laquelle il y a peu ou pas de validation des faits et on répète simplement les commentaires du transporteur. Les compensations sont laissées au bon vouloir du transporteur, et il n'y a aucune obligation de fournir des preuves. Le processus de médiation n'exige pas de fournir des preuves, lui non plus.
Enfin, il y a la procédure formelle, qui prend plus d'un an. On doit y investir plus ou moins 10 heures, en plus du temps consacré à l'analyse des réponses. De plus, le jugement ne s'appliquera qu'au passager concerné. Le transporteur ne sera donc pas obligé de contacter tous les passagers dans la même situation, par exemple en cas de retard attribuable au manque d'équipage.
En contrepartie, prenons un exemple de bonnes pratiques. Au Danemark, les demandes sont simplifiées. On demande des pièces justificatives, on valide les faits et la décision est exécutoire dans les six mois suivants. La première instance qui traite les demandes a beaucoup plus de pouvoirs.
En résumé, au Canada, les passagers se font dire à peu près n'importe quoi et sont obligés de se représenter eux-mêmes. Le taux de contestation est faible et cela prend de un à deux ans pour se faire dire à peu près la même chose par l'Office des transports du Canada sans qu'il y ait eu obligation de valider les faits. Tout cela a pour effet d'encourager les mauvaises pratiques des transporteurs au détriment des voyageurs.
Nous demandons donc au gouvernement de revoir les procédures en place, le rôle de l'Office et les pouvoirs accordés aux responsables de la première intervention. Ensuite, nous lui demandons de se pencher sur les délais de traitement par l'Office des plaintes des voyageurs. Nous voulons également que le gouvernement oblige les transporteurs à retirer de leur tarif toute disposition obligeant les passagers à se représenter seuls en cas de contestation. Qui plus est, nous voulons qu'il harmonise les différentes catégories de causes avec les règlements européens: ou la situation donne droit à une compensation, ou il s'agit d'une circonstance extraordinaire que le transporteur doit prouver.
D'autre part, nous demandons que les défaillances techniques et mécaniques soient incluses dans les situations attribuables aux transporteurs. De plus, il faut obliger les transporteurs à fournir des preuves matérielles en cas de refus et exiger des motifs allant au-delà de la surréservation pour les refus d'embarquement, comme une erreur dans le nom de la personne ou un problème d'enregistrement auprès du transporteur. Finalement, il faut bonifier les compensations aux passagers à la suite d'un premier refus pour y inclure des dommages-intérêts punitifs.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de me recevoir et de me permettre de présenter mes observations.
Je suis avocate chez Option consommateurs depuis 12 ans. Notre organisme a été créé en 1983, et sa mission est d'aider les consommateurs à défendre leurs droits. À ce titre, nous recevons chaque année des milliers de demandes d'information provenant de personnes qui ont des problèmes avec des commerçants, y compris dans le domaine du voyage.
Depuis le début de la pandémie, les problèmes vécus par les passagers aériens ont mis en lumière les failles de la réglementation visant à les protéger. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Règlement sur la protection des passagers aériens a récemment été modifié, afin de clarifier le droit des passagers à être remboursés, et ce, même si l'annulation ou la perturbation de vol ne relève pas du contrôle du transporteur.
Cependant, le chaos qui a régné dans les aéroports canadiens, particulièrement à Montréal, et à cause duquel le Canada a été la risée d'autres pays, nous a prouvé deux choses. D'une part, la satisfaction de la clientèle n'est pas une priorité pour les transporteurs aériens. D'autre part, la réglementation actuelle n'accorde pas une protection adéquate aux consommateurs.
Selon nous, le nombre élevé de plaintes reçues par l'Office des transports du Canada n'est que la pointe de l'iceberg et démontre que le Règlement actuel présente des difficultés d'application. Nous aimerions donc vous faire part de quelques propositions visant à améliorer ce dernier.
En cas de retard ou d'annulation de vol, le niveau de responsabilité que doit assumer un transporteur dépend de son niveau de contrôle de la situation. Si c'est logique sur le plan théorique, cela pose problème sur le plan pratique. En effet, c'est encore et toujours aux passagers que revient le fardeau d'obtenir justice en demandant une indemnité au transporteur.
Or, pour ce faire, les passagers dépendent entièrement des renseignements qui leur sont fournis par le transporteur. Le problème, c'est que ce dernier est en conflit d'intérêts. En effet, lorsque le motif de la perturbation relève de son contrôle, il a l'obligation d'indemniser les passagers. Or, puisque c'est coûteux, il a intérêt à ne pas le reconnaître. C'est d'ailleurs ce qu'on a pu constater lors des perturbations du trafic aérien qui ont eu lieu cet été. En effet, plusieurs transporteurs ont prétendu que la pandémie était la cause des problèmes pour éviter de verser des indemnités. Bref, la pandémie a eu le dos très large, encore une fois.
Devant l'Office des transports du Canada, c'est le passager qui a le fardeau de prouver que le Règlement n'a pas été adéquatement appliqué par le transporteur aérien. Or, il s'agit d'un non-sens et, selon nous, ce fardeau devrait être porté par le transporteur. Nous pensons également que l'indemnité devrait être automatique, comme c'est le cas actuellement pour les cas de surréservation.
Dans les cas où un vol est annulé pour un motif qui ne relève pas du transporteur, son obligation principale est de réacheminer le passager et il a 48 heures pour le faire. C'est seulement si le transporteur n'arrive pas à le faire que le passager peut demander un remboursement. Or, ce délai est trop long. Dans certaines situations, ce délai annule la raison d'être du voyage, comme dans le cas d'une personne qui doit partir en croisière et à qui l'annulation du vol fait manquer le bateau, littéralement. Dans de telles situations, on devrait permettre aux passagers d'être remboursés.
Le dernier élément que nous aimerions porter à l'attention du Comité est la surréservation. Selon nous, la surréservation est assurément une entorse au droit des contrats. Normalement, quand on achète un bien ou un service, le fournisseur a l'obligation de fournir ce bien ou service selon les conditions convenues. Dans le cas présent, le transporteur a l'obligation d'amener la personne d'un endroit à un autre.
Le problème de la surréservation, c'est qu'elle permet à un transporteur de ne pas offrir le service convenu à certains passagers sous prétexte d'offrir de meilleures conditions à d'autres passagers qui ont payé leur billet plus cher, lui permettant ainsi d'accroître ses profits. Selon nous, le droit de faire des profits ne devrait pas avoir pour effet de reléguer les droits des consommateurs au second rang. Pour toutes ces raisons, nous pensons que la surréservation devrait tout simplement être interdite.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle John Lawford etje suis directeur général et avocat général du Centre pour la défense de l'intérêt public, un organisme national de bienfaisance offrant des services juridiques et de recherche pour la défense des intérêts des consommateurs, et en particulier de ceux qui sont vulnérables, quant à l'accès à différents services publics d'importance. Voilà plus de 20 ans déjà que nous nous intéressons aux politiques et aux règles de protection des passagers aériens.
Nous estimons que le Règlement sur la protection des passagers aériens est juste et approprié. Sa révocation ou sa modification n'améliorerait en rien la situation quant aux retards dans les aéroports et à la frustration des voyageurs. Le Règlement n'est pas inéquitable et ne s'ingère pas outre mesure dans l'administration des compagnies aériennes. Il s'agit pour le public voyageur d'un mécanisme de recours et de justice acquis de haute lutte. Partout dans le monde, y compris, comme nous avons pu l'entendre, au sein de l'Union européenne et au Royaume-Uni, on retrouve des dispositions semblables au sein des régimes modernes de réglementation du transport aérien. Le RPPA est la solution mise en place par le Canada à cette fin.
Il y a actuellement un problème de retard dans le traitement des plaintes formulées par des consommateurs en vertu du RPPA par l'Office de transport du Canada. Nous estimons que le nombre de plaintes non traitées qui remontent à plus d'un an se situe entre 16 000 et 20 000. Cet arriéré est en partie attribuable à une réglementation qui est arrivée au mauvais moment. Comme on vous l'a indiqué, le Règlement sur la protection des passagers aériens est entré en vigueur juste avant l'apparition de la COVID‑19.
Quoi qu'il en soit, notre centre a toujours cru que le RPPA se traduirait par un arriéré de cas. Il est en effet ridicule de croire que le cadre formel quasi judiciaire de l'OTC s'articulant autour de volets de facilitation, de médiation et de règlement des différends va permettre de traiter un volume élevé de demandes de recours de faible valeur soumises par des consommateurs au titre de problèmes courants, et malheureusement désormais chroniques, comme les vols retardés et annulés.
Il serait préférable de mettre en place une agence se consacrant expressément au traitement des plaintes d'ordre administratif avec le soutien d'une instance réglementaire pour la surveillance des enjeux systémiques. C'est d'ailleurs le modèle administratif actuellement en usage dans le secteur des télécommunications et de la radiodiffusion avec la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision, la CPRST, et dans le secteur des banques et des investissements avec l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement. Le gouvernement ne devrait pas mettre de côté le Règlement sur la protection des passagers aériens, mais plutôt renoncer à son processus formaliste de règlement des différends fondé sur des tarifs pour adopter plutôt un modèle semblable à celui de la CPRST.
Nous notons en outre que la situation des plaintes des consommateurs concernant leurs bagages ne peut être améliorée en modifiant ou en bonifiant le RPPA, car ce règlement ne traite aucunement de la question des bagages. Cela s'explique du fait que la Loi sur le transport aérien et à la Convention de Montréal stipulent que toute indemnisation pour les bagages perdus ou en retard doit être prévue à même les tarifs intérieurs des différentes compagnies aériennes pour les bagages. Il en ressort qu'une directive du ministre ou de l'OTC obligeant les compagnies aériennes à satisfaire à une norme minimale dans l'application de leurs tarifs est le seul moyen à notre disposition pour atténuer la frustration des voyageurs relativement à leurs bagages.
Nous voulons de plus souligner le fait que le RPPA dans sa forme actuelle fait l'objet de contestations par les transporteurs. Il y a d'abord WestJet qui soutient que la sécurité est en cause dans toutes les situations où les effectifs sont insuffisants et, plus récemment, Air Canada qui remet en question le fait que la formation des équipages relève de son contrôle en réponse aux appels de l'OTC devant la Cour d'appel fédérale. Nous notons que le régime de protection des passagers en vigueur au sein de l'Union européenne fait en sorte que les compagnies aériennes sont généralement tenues de planifier en fonction d'éventuelles pénuries de main-d'œuvre et de verser une indemnisation à ce titre, sauf dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, avec comme message implicite de l'instance réglementaire que ces compagnies ne devraient pas mettre à l'horaire des vols si elles sont incapables de s'assurer de pouvoir compter sur des effectifs suffisants.
Par ailleurs, de grands transporteurs canadiens, américains et européens, de même que l'Association du transport aérien international, contestent le RPPA dans son entièreté, aussi bien pour les vols internationaux qu'intérieurs — et je relisais justement certains des plaidoyers — en faisant valoir devant la Cour d'appel fédérale que ses dispositions ne respectent pas les conventions de Montréal et de Chicago. Votre comité devrait au contraire exprimer son soutien au RPPA malgré les difficultés associées à sa mise en œuvre. Les consommateurs ont besoin de ce règlement pour faire contrepoids à la puissance des compagnies aériennes. Votre comité devrait recommander de nouvelles modifications au RPPA ainsi qu'aux différentes lois et traités applicables afin de combler les lacunes mises au jour par ces contestations judiciaires intentées par les compagnies aériennes.
Nous voulons enfin vous signaler que les grandes compagnies aériennes ont procédé à des congédiements et mis des travailleurs à la retraite pendant la pandémie. Elles ont ainsi créé leur propre pénurie de main-d'œuvre même si elles touchaient parallèlement à cela d'importants montants au titre de la Subvention salariale d'urgence du Canada qui devait les aider à garder leurs employés au sein de leur effectif. La plupart des compagnies aériennes se sont prévalues d'une partie ou de la totalité de l'aide financière d'urgence offerte — hormis bien sûr WestJet, et Air Canada qui l'a fait seulement pour le remboursement de ses clients — sans toutefois être tenues de réembaucher leurs employés et d'être prêtes à reprendre leurs activités au début de l'été. Cet argent leur a servi uniquement à éponger leurs pertes pendant que les exigences liées à la COVID‑19 disparaissaient progressivement.
Merci. Je serai ravi de répondre à vos questions.
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Le modèle européen met l'accent sur la relation entre les passagers et les compagnies aériennes. Il ne porte donc pas préjudice au droit de la compagnie aérienne de recouvrer les coûts auprès d'un tiers pour les dommages subis. Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que selon la législation européenne comme selon la Convention de Montréal, qui est un traité international, c'est la compagnie aérienne qui est l'interlocuteur ultime du passager en cas de problème.
Par exemple, si le bagage d'un passager est endommagé par la sécurité après l'enregistrement, c'est à la compagnie aérienne que le passager présente sa réclamation. La compagnie aérienne peut alors s'adresser à l'ACSTA ou à toute autre agence de sécurité pour récupérer les indemnités versées, mais pour le passager lui-même, la démarche se fait auprès de la compagnie aérienne.
Nous comprenons également qu'il s'agit de systèmes complexes. Dans le régime de l'Union européenne, on reconnaît le concept des circonstances extraordinaires, comme une tempête de neige ou une éruption volcanique, qui libèrent la compagnie aérienne de l'obligation de verser une indemnisation. Cependant, la plupart des situations relatives au personnel au sol, au ravitaillement des avions, à l'équipage et à la bonne planification des vols sont du ressort de la compagnie aérienne.
Les compagnies aériennes, même au Canada, disposaient de toutes les informations nécessaires pour prévoir les problèmes qui surviendraient pendant l'été. Elles disposaient de toutes les informations nécessaires pour savoir ce qui allait se passer et pour savoir que l'ACSTA ou les installations aéroportuaires, toutes imparfaites soient-elles, ne seraient pas en mesure d'absorber le volume de trafic reflété par les ventes de billets des compagnies aériennes.
Ce qui s'est passé l'été dernier, c'est que les compagnies aériennes ont vendu des billets au‑delà de la capacité des installations aéroportuaires et elles le savaient parfaitement. En Europe, ce serait considéré comme du ressort de la compagnie aérienne. La situation serait totalement différente si, par exemple, Dieu nous en préserve, il y avait un écrasement d'avion, qu'il fallait fermer une des pistes soudainement et que cela n'était pas connu à l'avance.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à tous nos témoins en ligne et aux personnes présentes dans la salle aujourd'hui. Vos témoignages nous donnent de nombreux exemples de personnes et de groupes qui se sont vu refuser des remboursements, et je prends note des autres questions que vous avez soulevées.
Je pense qu'un certain nombre de facteurs ont malheureusement convergé pour créer un cocktail explosif et un problème pour les passagers aériens. Très peu de temps après que le gouvernement ait introduit son nouveau système de droits des passagers, en 2019, il y a eu la pandémie et les arrêts subséquents de la plupart des voyages aériens, les pénuries de main-d'œuvre persistantes et ainsi de suite. Même après l'assouplissement des mesures sanitaires, il a continué d'y avoir de gros problèmes.
Dans ces conditions, diriez-vous que, tout bien considéré, nous sommes encore mieux servis avec le cadre législatif et réglementaire en vigueur qu'avant, où chaque compagnie aérienne établissait son propre système, y compris les montants des indemnités?
J'écouterai d'abord la réponse de M. Lawford, puis celle de M. Charbonneau. Ensuite, nous poserons la question à quelques personnes en ligne.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
À la lumière de ce que nous disent les différents témoins qui comparaissent aujourd'hui, il semble se dégager un consensus voulant que le processus actuel de traitement des plaintes ne fonctionne pas. D'après les témoins, le système est carrément défaillant. Ainsi, les consommateurs finissent par se décourager, et les compagnies aériennes se sentent encouragées à ne pas bien les traiter et à ne pas respecter leurs droits.
Cependant, en ce qui concerne les solutions proposées, il semblerait y avoir des nuances, des différences, au sujet desquelles j'aimerais les commentaires des témoins.
Selon Mme De Bellefeuille, il faut privilégier une approche qui inverserait le fardeau de la preuve. Il reviendrait alors aux compagnies aériennes de démontrer qu'elles n'avaient pas à indemniser les passagers aériens. D'après ce que je comprends de sa perspective, chaque fois qu'un vol serait annulé, les passagers seraient remboursés par défaut et il reviendrait à la compagnie d'entreprendre les démarches pour qu'il en soit autrement.
Une telle approche pourrait-elle tenir la route?
Monsieur Charbonneau, commençons par vous.
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En fait, c'est une combinaison des deux situations. En grande partie, les gens ne vont pas plus loin en raison de leur manque de connaissances de leurs droits et des obligations du transporteur. De plus, dès le départ, soit beaucoup de désinformation survient, soit aucune information n'est fournie.
Je vous parle d'une expérience vécue il y a quelques semaines. J'étais allé à Halifax pour le week-end. Le matin de mon retour, je suis arrivé à l'aéroport pour prendre mon vol, mais ce dernier n'était pas affiché à l'écran. En arrivant au comptoir pour faire le suivi, j'y ai vu une petite affiche sur laquelle on pouvait lire que le comptoir ouvrirait à 15 h 30. Pourtant, mon vol était à 8 h 30, l'ensemble des passagers étaient sur place, mais personne ne savait si le vol était retardé ou annulé et s'il y aurait un autre vol.
C'est moi qui ai discuté avec les 90 personnes pour leur dire à quoi elles avaient droit et quelles étaient les obligations du transporteur. Toutes ces personnes étaient laissées à elles-mêmes.
En fait, souvent, quand on diffuse des communiqués, c'est pour dire qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles et qu'il n'y a aucun droit à une indemnisation. Dans ce cas-ci, j'ai creusé pour trouver la raison de cette situation. On m'a répondu qu'il s'agissait d'une raison de sécurité, mais je n'ai jamais pu en connaître les détails.
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Je ne pense pas que le RPPA lui-même ait un grand effet sur les annulations ou les retards. Je pense que lorsque nous nous sommes lancés dans cette aventure, après le rapport Emerson, et que nous avons élaboré ce règlement, nous pensions que si les compagnies aériennes devaient payer de lourdes amendes pour ces annulations et ces retards, elles changeraient leurs habitudes.
Eh bien, ce n'est pas ce qui se passe. Il semble plutôt que même quand elles reçoivent des réclamations, elles continuent d'annuler des vols parce qu'il leur en coûterait beaucoup plus cher de choisir un autre avion ou de modifier leurs horaires ou parce qu'elles n'ont pas assez de personnel. Ces coûts sont vraiment dérisoires comparés à l'indemnisation des consommateurs.
J'en viens à penser que le système devrait avant tout permettre d'indemniser les consommateurs pour les inconvénients qu'ils subissent parce que le système ne peut pas fonctionner. Il y a bien d'autres problèmes, comme je pense que vous l'avez entendu lors des réunions précédentes du Comité, dans le fonctionnement des aéroports, dans le fonctionnement de la sécurité, dans les vols internationaux et sur le plan de la concurrence.
On peut toujours prendre l'avion. Ce qui m'énerve vraiment dans tout cela, c'est que les compagnies aériennes peuvent toujours poursuivre leurs activités comme si de rien n'était. Elles peuvent retarder des vols. Elles peuvent annuler des vols. Elles doivent juste payer.
Ce qui manque ici, c'est l'automatisme... Si 100 personnes sur un avion de 200 passagers font une réclamation, eh bien, tant pis: il faut payer pour 100 annulations ou 100 retards. C'est ce qu'il en coûte si les gens ne peuvent pas prendre leur vol comme prévu quand on fonctionne de cette manière. Cela pourrait les inciter à changer leurs façons de faire à la longue, mais au moins les passagers qui écopent recevraient quelque chose pour avoir été ainsi laissés pour compte.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux revenir sur la complexité du système de traitement des plaintes par l'Office des transports du Canada et sur celle du Règlement sur la protection des passagers aériens.
Finalement, on dit que toutes sortes de situations possibles mènent à toutes sortes de résolutions possibles. On doit donc se casser la tête pour comprendre si c'est la responsabilité du transporteur ou de l'autre et dans quelles circonstances, et tout cela engorge un tribunal administratif. On parle de montants d'indemnisation de 500 $, de 1 000 $ ou de 2 000 $ et, lorsqu'on y ajoute tous les frais d'avocat pour aller devant le tribunal et les salaires des fonctionnaires pour documenter et traiter les plaintes, cela coûte finalement très cher.
Pendant la pandémie, j'avais déposé le projet de loi , qui visait à simplifier les choses en exigeant que les gens soient remboursés lorsque leur vol est annulé. Ce n'est pas compliqué. C'est un peu le même principe que lorsque je commande une pizza: si je ne la reçois pas, on va me rembourser. Peu importe qu'il y ait une tempête de neige, que le livreur n'ait pas fait poser ses pneus d'hiver ou qu'il y ait beaucoup de circulation: il doit quand même me livrer ma pizza, et ce, le jour même, pas trois semaines plus tard. Sinon, il doit me rembourser.
Ne serait-il pas plus simple de procéder de cette manière, plutôt que de se casser la tête à inventer des milliers de règles et d'embaucher plein de fonctionnaires pour finalement avoir un système qui ne fonctionne pas? Pourquoi ne pas revenir à ma proposition originale, soit le projet de loi ?
Madame De Bellefeuille, qu'en pensez-vous?
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Merci, monsieur le président.
Je crois que nous reconnaissons dans le cadre de notre conversation que, outre le manque de considération des compagnies aériennes envers les clients, il est nécessaire de nous pencher sur le mandat de l'OTC. Nous reconnaissons également que les témoignages des témoins durant les réunions du Comité seront à la base du rapport destiné au et, par conséquent, de la réponse du ministre au rapport et des recommandations futures.
Ce qui m'intéresse réellement, ce sont les recommandations visant à régler les problèmes concernant l'OTC. Honnêtement, je veux me concentrer sur le bon gouvernement et non pas, comme on peut l'assumer durant la réunion d'aujourd'hui, sur de la bonne politique. Nous n'avons ni le temps ni la patience nécessaires pour permettre à la politique de reprendre le dessus.
Cela dit, les politiques et les lois sont établies par le Parlement. La gestion et la mise en oeuvre des politiques et des lois relèvent de la responsabilité de l'OTC. Nous entendons dire aujourd'hui qu'il faut régler les problèmes au sein de l'OTC.
J'ai mon opinion. J'éprouve moi-même des problèmes avec l'OTC dans ma propre circonscription, alors je comprends. Je comprends exactement ce dont vous parlez.
Je vais d'abord m'adresser à M. Lawford, et ensuite M. Charbonneau pourra répondre. J'aimerais connaître vos recommandations en vue de moderniser la loi en ce qui a trait au mandat de l'OTC, ce qui relèverait de la responsabilité du Parlement. Nous devons nous assurer, entre autres, que le mécanisme soit convivial.
En deuxième lieu, j'aimerais savoir si vous estimez que le devrait veiller à ce que l'OTC respecte son mandat, en plus de s'occuper d'établir ou de moderniser des lois, au lieu de forcer des personnes à exiger des comptes en s'adressant aux tribunaux.
Monsieur Lawford, allez‑y en premier.
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Il est plus facile de répondre à la première question.
Une chose que je proposerais, qui n'implique pas beaucoup d'échanges ni de modifier la loi établissant l'OTC, c'est faire comme le CRTC. Le gouvernement lui avait demandé de mettre sur pied un organisme pour traiter les plaintes des consommateurs. Il lui a donné un an pour produire un rapport et mettre en place cet organisme.
La Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision a donc vu le jour. Il s'agit d'un organisme semi-indépendant, qui est supervisé par le CRTC, particulièrement lorsqu'il est question de problèmes systémiques. Le gouvernement n'a pas eu à modifier la loi régissant le CRTC, il lui a simplement demandé de mettre sur pied cet organisme. Les fonds proviennent principalement de l'industrie, mais c'est le CRTC qui gère les plaintes par l'intermédiaire de cette entité. Il s'agirait d'une solution qui pourrait être mise en place rapidement sans avoir à modifier de nombreuses lois.
Pardonnez-moi, mais je n'ai pas très bien compris votre deuxième question. Vous voudrez peut-être revenir à moi plus tard, afin de ne pas perdre de temps.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.
Finalement, voici une occasion pour moi de ventiler un peu. Il y a deux semaines, je saute dans un avion à Ottawa à destination de l'aéroport Pearson. Rendu là, je m'aperçois que mon vol est annulé. Je reçois un certificat pour une nuit à l'hôtel Crowne Plaza et deux bordereaux de 10 $, ce qui est merveilleux, car ils sont valides longtemps à l'aéroport.
Je réserve un vol à destination de Windsor prévu pour 9 h 40 le lendemain matin. Ce vol est annulé lui aussi. Le même scénario se répète pour les vols de 16 heures et de 19 heures. Mieux vaut tard que jamais: un avion pour Windsor a décollé le dimanche à 9 h 40. Vous vous demandez ce que j'ai fait finalement? Après avoir consulté ma boule de cristal, j'ai sauté dans un Uber le vendredi soir afin d'arriver à temps chez moi pour mes réunions.
J'ai raconté mes frustrations, mais plus terribles encore sont les frustrations des propriétaires d'entreprises — j'ai déjà siégé au comité du commerce international —, qui sont restés sur le tarmac pendant des heures après être atterris à Windsor. Ils étaient dans cette ville pour finir de négocier une entente majeure de plusieurs millions de dollars dans le secteur automobile. Les agents de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien et de l'Agence canadienne des services frontaliers n'ont pas pu donner l'autorisation en raison d'une application en panne pour des raisons indépendantes de leur volonté. Les hommes d'affaires sont donc rembarqués dans l'avion pour rentrer aux États-Unis. Résultat: le Canada a perdu à jamais une occasion d'affaires.
Monsieur Lawford, vous avez dit que la pénurie de main-d'œuvre a joué un rôle majeur. Vous avez poursuivi en disant qu'il y avait des problèmes avec d'autres aspects relatifs au gouvernement. Quels sont ces aspects?
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Je suis d'accord qu'un remboursement est requis. Par contre, quand on automatise les choses, il faut s'assurer que cette mesure est suivie.
Présentement, le seul remboursement automatique prévu par le Règlement s'applique en cas de surréservation. Cette indemnisation doit être automatiquement payée dans les 48 heures qui suivent. Or, même dans ce cas, on voit des lacunes. Ainsi, on doit toujours s'assurer que cette mesure est bien respectée.
Même si on offre un remboursement, il y a d'autres facteurs à prendre en compte. Un passager qui apprend à son arrivée à l'aéroport qu'il est victime de surréservation devra, même s'il est remboursé, prendre rapidement d'autres mesures. Si des portions de son voyage devaient se faire par voie terrestre, il subira des pertes. De plus, il devra s'acheter un nouveau billet d'avion. Je ne sais pas si vous avez regardé le prix des vols dernièrement, mais il augmente quasiment de 100 $ chaque jour. Par conséquent, si une personne a acheté un vol à un certain prix et que celui-ci est annulé, elle doit en acheter un autre, qui lui coûtera peut-être deux fois plus cher. Cette personne est coincée à la dernière minute à l'aéroport, peut-être sans même pouvoir trouver un autre vol.
Pour cette raison, il faut prendre en considération les préjudices causés aux passagers. Le remboursement est une bonne chose, je suis tout à fait d'accord, mais il faut aller plus loin.
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Je ne suis pas la personne la mieux placée pour me prononcer à ce sujet.
Si je me mets à la place du consommateur, je pense que quiconque achète un billet s'attend à pouvoir embarquer dans l'avion. Cependant, il y a aussi tout le côté commercial. De 5 % à 10 % des passagers inscrits ne se présentent pas à l'aéroport. C'est pourquoi la surréservation existe et qu'elle est permise par le gouvernement. Elle existe aussi en Europe et aux États‑Unis. Par contre, il faut prévoir des cas de figure.
Aux États‑Unis, depuis que quelqu'un, un docteur, s'est fait sortir de force d'un avion d'United Airlines il y a quelques années, on offre maintenant jusqu'à 10 000 $ aux personnes qui se portent volontaires pour prendre un autre vol, et ce, avant de forcer quelqu'un à sortir.
N'y a-t-il pas moyen de travailler de cette façon, c'est-à-dire d'augmenter les sommes pour trouver des volontaires plutôt que de forcer des gens?