FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 14 mars 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2), nous poursuivons notre étude du rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins. Nous avons avec nous Larry Reed, directeur de la Campagne du sommet du microcrédit. Bienvenue, Larry, et merci de nous consacrer du temps.
Nous avons également parmi nous Keith Weaver, membre du conseil d'administration de MicroEnsure LLC. Bienvenue à vous, Keith.
Nous accueillons Doris Olafsen, vice-présidente de direction, Opportunité Internationale Canada. Bienvenue, Doris. Elle est accompagnée de Dale Patterson, membre du conseil d'administration de cet organisme.
Monsieur Patterson, nous allons commencer par vous. Nous allons entendre les témoignages de chacun de vous, puis les membres du comité disposeront d'environ une heure pour vous poser des questions. Vous avez 10 minutes.
Je vais activer le chronomètre. La parole est à vous, monsieur.
Merci beaucoup. Sans vouloir faire de jeu de mots, j'apprécie votre invitation on ne peut plus opportune.
Bon après-midi. Je m'appelle Dale Patterson. Je suis membre du conseil d'administration d'Opportunité Internationale Canada. Je me réjouis d'avoir en ma compagnie ma collègue Doris Olafsen, qui est notre vice-présidente de direction.
Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de faire connaître notre avis sur le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international. Nous félicitons le gouvernement du Canada de son engagement à offrir une aide internationale plus efficace, plus ciblée et plus responsable, et de l'attention qu'il accorde à l'élaboration de stratégies de croissance économique durables qui sont en phase avec notre mandat mondial.
L'organisme Opportunité Internationale a été fondé en 1971. Il s'agit d'un réseau de microfinance de premier plan visant principalement à permettre aux personnes démunies d'accéder à l'épargne et au crédit. À l'heure actuelle, nous exerçons des activités dans 20 pays.
Notre mission consiste à offrir des services de microfinance modulables et durables — y compris des prêts, des comptes d'épargne, de la formation, des assurances et d'autres services financiers — à l'intention des personnes actives sur le plan économique qui sont les plus démunies, et ce, en vue surtout de leur permettre d'accroître leur revenu, d'améliorer la sécurité alimentaire et l'accès à l'éducation ainsi que de créer des emplois.
Opportunité Internationale compte actuellement 15 institutions financières officielles, dont sept banques. Notre organisme a fondé la première entreprise de micro-assurances en propriété exclusive, MicroEnsure. Les autres membres d'Opportunité Internationale sont des ONG sans but lucratif. Opportunité Internationale Canada est l'un des cinq membres du réseau Partenaires de soutien, avec l'Australie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis. Le rôle principal de Partenaires de soutien consiste à recueillir des fonds pour sensibiliser le public à l'existence d'Opportunité Internationale et aux possibilités d'investissement dans les initiatives de microcrédit qu'offre l'organisme.
Opportunité Internationale Canada est une organisation canadienne de microfinance fondée et établie en 1997 par David Stiller, homme d'affaires canadien et ancien président d'un organisme d'aide du Canada. Découragé par l'incapacité des projets d'aide de rendre les pauvres moins pauvres, Stiller a décidé de rallier ses forces à celles d'un groupe de gestion qui partageaient ses idées et a commencé à explorer l'idée de créer une filiale canadienne d'Opportunité Internationale. En 1998, Opportunité Internationale Canada a été reconnue comme organisme de bienfaisance canadien enregistré.
Depuis 1998, Opportunité Internationale Canada a appuyé le travail effectué dans cinq pays d'Afrique — le Mozambique, le Ghana, le Malawi, l'Ouganda et le Rwanda — et six pays d'Amérique latine — la Colombie, le Honduras, le Nicaragua, la République dominicaine, le Costa Rica et le Pérou.
Opportunité Internationale Canada est régie par un conseil d'administration canadien qui compte actuellement huit personnes. L'actuel président-directeur général, qui est aussi président du conseil d'administration d'Opportunité Internationale Canada et qui siège au conseil d'administration mondial d'Opportunité Internationale, a été nommé au milieu de 2011.
Opportunité Internationale Canada compte également plus de 120 ambassadeurs, qui forment son « conseil des gouverneurs » et qui sont les porte-parole officiels d'Opportunité Internationale dans les collectivités de partout au Canada. Les personnes de ce groupe constitué de donateurs et de bénévoles utilisent leur temps et leur nom pour recueillir des fonds et accroître la sensibilisation à l'échelle du Canada, et elles jouent le rôle de porte-parole à cet égard.
Depuis 1998, Opportunité Internationale Canada a recueilli 34 millions de dollars en dons et en subventions, dont 23 millions de dollars depuis 2006. L'ACDI fournit un appui à Opportunité Internationale Canada depuis plus de 10 ans et, depuis 1999, a déboursé environ 2,7 millions de dollars pour donner un élan aux programmes de l'organisme. Du chiffre d'affaires total de l'organisme en 2011, qui était d'environ 5,5 millions de dollars, les fonds versés par l'ACDI, qui totalisaient 212 000 $, ont compté pour 4 p. 100.
En 2011, Opportunité Internationale Canada a eu le bonheur d'apprendre que l'ACDI s'engageait à verser 2,5 millions de dollars sur trois ans afin de renforcer la capacité de l'organisme, ce qui aura des retombées bénéfiques sur 300 000 citoyens du Ghana et du Mozambique. Cet engagement selon un ratio de un pour un attirera des investissements de contrepartie privés selon un ratio de un pour deux.
Opportunité Internationale assure une forte présence en Amérique latine et se réjouit de l'autorisation constitutionnelle que le surintendant des finances de la Colombie a accordée à Opportunité Internationale Canada en janvier 2012 afin que l'organisme puisse fonder une institution financière officielle. Opportunité Internationale Canada a joué un rôle de catalyseur dans cette entreprise et y a participé en investissant — en tant qu'actionnaire minoritaire — 2 des 10 millions de dollars qui étaient nécessaires pour la créer.
Opportunité Internationale Canada, qui emploie 13 ETP, s'appuie sur un bassin de bénévoles très actifs de partout au pays et de tous les milieux — écoles primaires et universités, propriétaires de petites entreprises et grands concessionnaires, conseils d'administration de grandes entreprises et institutions publiques et privées, etc. Des personnes ainsi que des groupes communautaires tels que les clubs Rotary ont conclu des partenariats avec Opportunité Internationale afin de communiquer son message, de recueillir des fonds et de contribuer à la mise en oeuvre de nos programmes mondiaux.
Opportunité Internationale est une organisation confessionnelle qui offre ses services aux gens de toute race, de toute religion, de toute origine ethnique et de tout sexe. Elle observe trois grands principes.
Le premier est l'entraide à grande échelle, qui consiste à « atteindre le plus grand nombre possible de personnes économiquement marginalisées dans les régions urbaines aussi bien que rurales ».
Le deuxième est la viabilité et la rentabilité financières, qui consistent à fournir une valeur ajoutée et des services financiers de qualité aux clients pour procurer un rendement satisfaisant aux actionnaires.
Le troisième est l'impact susceptible de transformer le client, qui consiste à offrir à ceux et celles qui vivent dans la pauvreté la possibilité d'améliorer leur vie sur les plans économique, social et spirituel.
La transformation témoigne de l'intérêt d'Opportunité Internationale à changer les conditions de vie des clients au moyen des services financiers. Les services de signature d'Opportunité Internationale comprennent des prêts, des comptes d'épargne et des assurances et mettent l'accent sur la formation. Grâce à la formation et à la croissance des affaires, les clients sont transformés. Opportunité Internationale compte actuellement deux millions et demi de clients titulaires d'un compte d'épargne ou d'un prêt, et son taux de remboursement se chiffre à 95 p. 100. Par ailleurs, 89 p. 100 de nos clients sont des femmes.
Opportunité Internationale compte près de un million de comptes d'épargne, et le solde moyen des clients est de 113 $. En 2008, Opportunité Internationale a pris la décision stratégique d'augmenter de façon importante ses services bancaires dans les régions rurales de tous les pays du continent africain, en partenariat avec la Fondation Bill et Melinda Gates et la Fondation MasterCard. Grâce à l'engagement de ces fondations, Opportunité Internationale a pu élaborer un programme qui fournira l'accès à un compte d'épargne à 1,4 million de personnes, dont 950 000 qui vivent en région rurale, et l'accès à un prêt à plus de 90 000 petits agriculteurs de quatre pays — soit le Malawi, l'Ouganda, le Ghana et le Rwanda — d'ici 2014.
Les stratégies utilisées par Opportunité Internationale en vue d'accroître le nombre de succursales bancaires comprennent le déploiement de divers mécanismes de prestation de services rentables, dont des succursales satellites, des kiosques, des fourgonnettes mobiles, des guichets automatiques et des terminaux de point de vente. Le modèle de gestion unique d'Opportunité Internationale est concentré sur la gestion intégrée et la transformation globale, par opposition à d'autres fournisseurs de microcrédit qui privilégient les services financiers.
Opportunité Internationale est un organisme novateur. Il a utilisé la technologie et créé des solutions pour améliorer le bien-être de ses clients. Tout comme la gamme de services s'est transformée, il en est de même du paysage des bailleurs de fonds et des fournisseurs de services. Opportunité Internationale est l'un des principaux organismes canadiens à se concentrer uniquement sur la microfinance. Ces dernières années, la microfinance a évolué pour devenir une industrie financée au moyen de la contribution de gouvernements et de grands donateurs, de capitaux d'investissement, de dons privés de particuliers et d'entreprises, de prêts entre pairs et, enfin, de subventions, d'investissements et de garanties émanant de fondations.
En plus des établissements traditionnels de la microfinance, d'autres fournisseurs, y compris des banques commerciales classiques, sont entrés dans le marché. Nous félicitons les parlementaires canadiens d'avoir reconnu l'immense potentiel de la microfinance comme stratégie pour venir en aide aux personnes les plus démunies. Nous sommes encouragés par le fait que, dans la poursuite de son objectif de favoriser la croissance des petites entreprises, l'ACDI s'est engagée à soutenir les activités qui pourront renforcer les produits et services — y compris le microcrédit — des institutions financières et accroître leur disponibilité, ce qui favorisera la création d'emplois pour les pauvres.
Visant tout particulièrement les femmes, le microcrédit est une solution stratégique qui aide à mettre fin à la pauvreté mondiale. Nous recommanderions donc que le gouvernement canadien maintienne son engagement résolu à l'égard de la microfinance, tout en suggérant que des fonds supplémentaires soient alloués à la microfinance destinée à venir en aide aux personnes qui sont dans la misère. Des partenariats catalyseurs et productifs sont essentiels pour faire avancer la cause de la microfinance.
Pour citer une de nos principales partenaires, Reeta Roy, directrice générale de la Fondation MasterCard,
Opportunité Internationale se concentre sur le développement de solutions rentables et durables susceptibles de laisser libre cours au potentiel de créer des emplois, de générer des profits, de subvenir aux besoins des familles et, en définitive, de vaincre la pauvreté. Cette croyance forte et inébranlable dans le pouvoir de l'esprit d'entreprise chez les pauvres est l'une des raisons pour lesquelles la Fondation MasterCard est fière de travailler de concert avec Opportunité Internationale en vue de promouvoir l'inclusion financière et la prospérité.
Monsieur le président, Opportunité Internationale se réjouit de poursuivre son partenariat avec le gouvernement du Canada en vue d'élaborer, de mettre en oeuvre et de mener à bien des objectifs solides en matière de politiques publiques. Je serai heureux de répondre aux questions du comité après les exposés.
Bonjour. Je suis très honoré de comparaître devant le comité aujourd'hui. Le sujet à l'étude est extrêmement important.
Je vais décrire comment travaille MicroEnsure, car c'est à mon avis un bon exemple de la manière dont une organisation peut travailler avec des partenaires des secteurs aussi bien public que privé pour atteindre d'importants objectifs dans le domaine du développement international.
MicroEnsure se donne pour mission de procurer des micro-assurances aux personnes démunies dans les pays en développement pour les protéger contre toute une diversité de menaces. Les pauvres n'ont pas de ressources de secours. Ils n'ont pas d'économies. Ils n'ont pas de filet de sécurité du gouvernement. Un décès ou une maladie dans la famille — qui constitue bel et bien une unité économique — ou un autre malheur, comme un incendie ou une catastrophe naturelle, peut avoir des conséquences dramatiques. Les assurances que nous leur procurons sont conçues pour répondre à leurs besoins à un prix abordable, tout en rapportant une valeur ajoutée aux bailleurs de fonds.
Nous avons des bureaux dans cinq pays — les Philippines, l'Inde, le Ghana, la Tanzanie et le Kenya —, et sommes également présents dans d'autres, dont le Rwanda, le Mozambique, le Malawi et plusieurs pays des Caraïbes. Au total, nous avons organisé la souscription de 1,6 million de polices d'assurance, protégeant ainsi 3,3 millions de personnes.
Le modèle de gestion suivi par MicroEnsure comporte trois grands volets: l'avant-poste qui distribue les produits, l'entité qui assume le risque et le service en coulisse. Dans les avant-postes, l'assurance est distribuée par l'entremise de partenaires, dont des institutions de microfinance, des banques agricoles, des groupes communautaires et — plus récemment au Ghana, en Tanzanie et au Kenya — les compagnies de téléphonie mobile. Grâce à ces partenaires, nous sommes en mesure de fournir aux pauvres un accès à des produits d'assurance à prix modique.
Nous ne sommes pas une compagnie d'assurance et nous n'assumons aucun risque directement. Plutôt, nous collaborons avec des compagnies d'assurance agréées et réglementées dans les pays où nous oeuvrons. Eu égard à la nature des risques et aux niveaux de service dont nous avons besoin, nous travaillons également avec des compagnies de réassurance. Dans certains cas, nous y sommes reliés par nos propres sociétés captives.
Pour ce qui est du service en coulisse, nous concevons des produits, formons le personnel et renseignons les clients, mais nous administrons également les programmes et versons les indemnisations au nom des assureurs. Les cinq sociétés d'exploitation que j'ai mentionnées plus tôt sont constituées en personnes morales localement et sont agréées comme agents ou courtiers d'assurance et touchent des commissions sur les primes d'assurance versées.
Que ce soit localement ou à notre siège social, nous allons combler les lacunes entre ce que nos partenaires et assureurs peuvent faire et ce qu'il faut faire pour que les produits fonctionnent. Par exemple, nous avons nos propres systèmes d'administration où sont consignés les renseignements relatifs à l'identité des personnes assurées et des bénéficiaires. Nous préparons les factures au nom de la compagnie d'assurance et versons, au moyen de ces systèmes, les indemnisations aux personnes qui y ont droit. Parce que nous nous concentrons sur ce marché et que nous traitons de grands volumes, nous pouvons faire le travail administratif à un coût inférieur à ce qu'il en coûterait à une compagnie d'assurance classique.
Nous offrons en ce moment toute une gamme de produits. Toutefois, ils ne sont pas nécessairement offerts dans tous les pays, car cela dépend des besoins, des partenaires avec qui nous travaillons et des lacunes que nous sommes en mesure de combler. Mais, en général, nous livrons les produits que voici.
Nous offrons une assurance-vie pour l'assuré principal et les membres de sa famille.
En ce qui concerne l'assurance-maladie, bien qu'il en existe plusieurs variantes, dans la version la plus complète, nous fournissons une couverture aux patients hospitalisés en Inde et en Tanzanie.
Les pauvres et leurs petites entreprises peuvent subir tous genres de malheurs dévastateurs. Nous offrons une assurance des biens assortie à un microprêt afin de compenser le coût de remplacement des stocks si une petite entreprise est touchée par un incendie, une tempête ou même une insurrection politique.
Nous offrons aussi une assurance-récolte fondée sur un indice météo. MicroEnsure est un chef de file du développement de ce produit. Il assure les agriculteurs contre les précipitations excessives ou les sécheresses susceptibles de détruire les cultures. Vu notre expertise en matière d'assurance-récolte selon l'indice météo, nous sommes souvent appelés à fournir une assistance technique. À l'heure actuelle, nous avons des projets d'assistance technique en Zambie, en Tanzanie, au Malawi et dans quatre pays des Caraïbes, à savoir la Jamaïque, la Grenade, Ste-Lucie et le Belize.
Le financement de ces projets provient entre autres de la Société financière internationale, de la BMU et du ministère de l'Environnement du gouvernement allemand. Ces projets fournissent à des personnes de ces pays une formation technique relative à la mise en place, au développement et à la distribution de ces produits par le truchement de petits agriculteurs.
Plus tôt au cours de son histoire, MicroEnsure a travaillé à quelques projets financés par l'ACDI, grâce à des subventions accordées à Opportunité Internationale Canada. Toutefois, depuis 2007, les fonds qui lui ont permis de se développer et de croître ont été généreusement versés par la Fondation Bill et Melinda Gates. La Fondation Gates nous a permis de chercher des occasions à saisir et d'essayer diverses approches; certaines ont été couronnées de succès, alors que d'autres n'ont pas fonctionné aussi bien que nous l'aurions souhaité. Opportunité Internationale, qui est la société mère de microEnsure, a également encouragé notre société à innover dans ce domaine.
Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.
Merci, monsieur Weaver.
La parole va maintenant à M. Reed, qui représente la Campagne du sommet du microcrédit.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous. Je sais que nombre d'entre vous ont eu une longue soirée hier, et je vous remercie de l'attention que vous nous consacrez aujourd'hui.
Nous abordons à mon avis un sujet important, à savoir la façon dont le financement gouvernemental peut servir à mobiliser des fonds du secteur privé afin que l'impact global soit bien plus grand que ce que chacun de ces secteurs aurait pu accomplir séparément. À mon avis, le domaine de la microfinance en est un exemple intéressant et fournit aussi des exemples de réussites possibles et de dangers relatifs aux partenariats public-privé. J'aborderai ce sujet dans un moment.
Tout d'abord, laissez-moi vous expliquer ce qu'est la Campagne du sommet du microcrédit. Il s'agit d'une campagne lancée en 1996 dont l'objectif est de fournir des services de microfinance à 100 millions de personnes parmi les plus démunies à l'échelle mondiale.
Au l'époque, nous avions calculé que six millions de personnes avaient accédé à des services de microfinance. Nous voulions faire passer ce nombre à 100 millions en 10 ans. Nous avons réalisé cet objectif — une année plus tard que ce que nous avions prévu, certes, mais nous l'avons réalisé quand même.
Cette réalisation a donné lieu à une grande célébration au Canada. Nous avons tenu notre sommet mondial à Halifax. Au cours de ce sommet, en 2006, nous avons passé en revue nos objectifs et en avons fixé deux nouveaux.
Le premier objectif était que 175 millions de familles parmi les plus démunies à l'échelle mondiale accèdent à des services de microfinance. Le second objectif était que 100 millions de ces familles s'affranchissent de la pauvreté. Comme point de référence, nous avons établi le seuil de pauvreté absolu à 1,25 $ par jour. Nous voulons que 100 millions de familles passent de moins de 1,25 $ par jour à un montant bien supérieur à ce seuil. Comme vous pouvez l'imaginer, cet objectif est de loin le plus difficile à réaliser à l'heure actuelle.
Je vais parler davantage des moyens que nous prendrons pour y arriver, mais laissez-moi revenir sur la question des partenariats public-privé et sur ce que la microfinance peut nous apprendre à l'égard de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas toujours dans ce type de partenariat.
C'est en fait avec Opportunité Internationale que j'ai fait mes débuts dans le domaine de la microfinance, alors je suis heureux d'être ici en présence de mes amis. Cela remonte à 28 ans. À l'époque, les seuls fonds octroyés à la microfinance provenaient de gouvernements et de dons privés.
Il y a environ 10 ans, les fonds injectés dans la microfinance par l'ensemble des États du monde totalisaient environ 400 millions de dollars par année. Il importe de mentionner que le Canada s'est révélé un des chefs de file à ce chapitre et l'un des principaux innovateurs qui ont rendu tout cela possible. Très tôt, l'ACDI a soutenu les banques Grameen et BRAC, au Bangladesh. Ces institutions, qui étaient en démarrage à l'époque, comptent maintenant parmi les plus importantes institutions de microfinance à l'échelle mondiale. Le Canada a joué un rôle de leader à cet égard depuis le tout début et, selon moi, il peut continuer à le jouer.
J'ai dit que tout cela avait commencé avec seulement les investissements gouvernementaux dans la microfinance, à hauteur de 400 millions de dollars il y a 10 ans, en plus de dons privés. De nos jours, il existe à l'échelle mondiale plus de 100 fonds d'investissement dans la microfinance dont l'actif combiné s'élève à plus de 8 milliards de dollars. Ces investissements gouvernementaux ont permis aux institutions de microfinance de croître au point d'attirer maintenant des bailleurs de fonds privés. Les investisseurs privés voient que ce domaine peut offrir un bon rendement social et financier et ont créé un grand bassin de financement visant à assurer la croissance continue de la microfinance.
Laissez-moi prendre un instant pour vous parler du rôle clé qu'ont joué les gouvernements. Selon mes recherches, le plus vieil exemple d'institution de microfinance remonte au système de prêts des temples bouddhistes de la Chine, en l'an 400. Les systèmes de microfinance existent donc depuis plus de 1 500 ans.
Toutefois, ils n'ont pas pris d'expansion notable avant les années 1980, quand les gouvernements se sont mis à soutenir cette cause et lui ont permis de prendre des proportions telles que le secteur privé leur a emboîté le pas. Les gouvernements ont joué un rôle de premier plan.
Toutefois, ces derniers temps, les partenariats public-privé en matière de microfinance ne fonctionnent pas toujours aussi bien qu'ils le devraient. Récemment, dans plusieurs pays — comme le Maroc, la Bosnie et le Pakistan ainsi que, dernièrement, dans l'État d'Andhra Pradesh, en Inde —, la conjoncture financière a donné lieu à une bulle de financement. Certains clients sont devenus surendettés, ce qui a parfois mené à des pratiques exagérément sévères en matière de recouvrement de fonds. Ainsi, les personnes très pauvres qui voulaient améliorer leur sort sont plutôt devenues surendettées, et ce, précisément à cause d'une intervention qui était censée rendre leur vie meilleure.
Voilà une difficulté que nous devons examiner, et ce, de façon franche. Quelles sont nos erreurs? Comment nos bonnes intentions ont-elles entraîné dans certains pays ces répercussions négatives sur les clients que nous essayons d'aider?
À mon avis, l'État et le secteur privé peuvent créer un marché en travaillant de concert. Ils peuvent créer un marché qui n'existait pas auparavant — ou, du moins, pas à une échelle susceptible d'intéresser le secteur privé. Le partenariat peut aussi détruire un marché si les choses ne sont pas faites comme il se doit.
À mon avis, la difficulté — surtout pour l'État, lorsqu'il investit — est de façonner le marché de façon à mettre en place des mesures incitatives et des règles qui feront en sorte de préserver le bien public que le gouvernement visait par de tels investissements, même lorsque des joueurs du secteur privé s'introduiront dans ce marché et commenceront à en devenir les principaux bailleurs de fonds.
J'aimerais vous faire part de quelques leçons que j'ai tirées à la lumière de mon expérience dans la microfinance. Qu'est-ce que nous aurions pu faire différemment, et comment aurions-nous pu mieux façonner ce marché, en collaboration avec la société civile, le gouvernement et le secteur privé, afin d'éviter certaines difficultés que nous avons éprouvées?
La première leçon, je dirais, est qu'il faut établir les règles de conduite au début du processus. Vu les problèmes qui touchent la communauté de la microfinance, nous avons établi un code déontologique de base auquel tous les fournisseurs de services de microfinance devraient se conformer. Il s'agit de ce que l'on appelle les « principes de protection des clients ». Le groupe Smart Campaign en assure la promotion, et le code a été adopté par une bonne partie de la communauté.
À mon avis, nous aurions dû faire cela il y a 20 ans. C'est logique. Nous avons plus ou moins tenu pour acquis à cette époque que les intentions de chacun étaient bonnes et n'avons pas fait le travail nécessaire pour veiller à ce que le code soit mis en place et à ce que toute personne reçoive une formation connexe dès le moment où elle commence à travailler dans ce domaine. Nous devons maintenant revenir en arrière et faire ce travail. Il est très important d'établir un code de conduite.
La deuxième leçon — et il s'agit d'une question où le financement gouvernemental peut être très important — concerne l'établissement de paramètres liés à l'aspect social de l'investissement. Est-ce que le bien collectif visé par ces investissements gouvernementaux est effectivement réalisé? La réduction de la pauvreté est un de nos objectifs principaux, mais, jusqu'à récemment, la communauté de la microfinance n'avait aucun moyen de jauger les progrès accomplis. Nous avions des anecdotes au sujet de personnes qui se sont affranchies de la pauvreté, mais il était difficile de dire ce qu'il en était de l'ensemble de notre clientèle. Comme nous n'avions aucun indicateur de rendement social, les décisions en matière de financement étaient fondées sur des indicateurs de rendement financier: qui avait le taux d'arriérés le plus bas? Qui avait le taux de croissance le plus élevé? Qui générait le plus haut niveau de profits?
Tout l'argent s'est mis à converger vers le même petit groupe d'institutions. Il y a les 8 milliards de dollars d'investissement. Il y a aussi des institutions financières internationales qui investissent dans des institutions de microfinance, de même que des gouvernements qui font des placements directs. Tout cet argent est versé aux mêmes institutions. De fait, 50 p. 100 des fonds versés par les institutions financières internationales vont aux 10 mêmes grandes institutions de microfinance.
Les institutions qui ont une vocation sociale devraient pouvoir utiliser un étalon afin de déterminer quelles organisations affichent les meilleurs résultats à ce chapitre, et l'argent devrait aller à celles-ci. Les investissements strictement privés peuvent aller aux organisations qui affichent le meilleur rendement financier. Faute d'un tel étalon, l'argent va toujours aux mêmes endroits, et il n'y a pas de financement disponible pour l'innovation, pour les personnes qui accomplissent la partie la plus difficile du travail.
La Campagne du sommet du microcrédit cherche à créer un sceau d'excellence en matière d'aide aux personnes démunies et de transformation. Le sceau aura pour fonction de souligner le travail des institutions oeuvrant auprès des personnes démunies qui peuvent démontrer que leurs clients finissent par échapper à la pauvreté. Nous espérons que le sceau permettra de canaliser plus de fonds vers les institutions auxquelles il est décerné et de tirer parti de leurs pratiques exemplaires.
Encore une fois, je pense que le gouvernement, en appuyant l'élaboration de ces indicateurs et des paramètres à utiliser, peut contribuer à canaliser le capital privé et social de façon à aider le mieux possible les personnes concernées.
J'apprécie l'occasion qui m'est donnée de discuter avec vous. J'encourage le comité à continuer d'examiner les partenariats public-privé et le potentiel qu'ils offrent, mais aussi, ce faisant, les mesures que le gouvernement pourrait prendre pour établir les règles, les mesures incitatives et les paramètres grâce auxquels on pourra mieux s'assurer que les fonds sont utilisés pour créer le bien public visé.
Merci beaucoup.
Monsieur Reed, merci beaucoup pour les exemples concrets et précis que vous nous avez fournis.
Nous allons commencer du côté de l'opposition. Madame Sims, allez-y. Vous avez sept minutes.
Merci beaucoup.
Merci à tous de votre présence et de vos exposés. Ils étaient très informatifs. J'aime toujours entendre ce genre de point de vue.
Je pense que deux ou trois d'entre vous pourraient répondre à ma première question — Larry a abordé ce sujet dans son exposé —, qui porte sur certains aspects négatifs de la microfinance lorsqu'elle est dépourvue de freins et contrepoids.
Plus tôt cette semaine, des représentants de la Banque Scotia ont également donné un exposé ici. Ils nous ont parlé, tout comme vous, de leurs activités sur le plan de la microfinance. Nous sommes d'accord aujourd'hui, tout comme nous l'étions ce jour-là, pour dire que la microfinance peut grandement aider les gens — surtout les femmes — à sortir de la pauvreté. Nous avons constaté certaines preuves de ce fait, bien qu'il s'agisse de cas anecdotiques.
Toutefois, comme vous le savez, la microfinance et le microcrédit font l'objet de plus en plus de critiques. Vous avez également abordé ce point aujourd'hui.
En février, le Winnipeg Free Press a publié un article — peut-être est-ce celui auquel vous avez fait allusion aujourd'hui. Dans cet article, il est question seulement d'un « État indien »; je ne saurais dire s'il s'agit d'Andhra Pradesh.
Je vous en lis un passage: « Un État indien lance des poursuites contre le milieu de la microfinance à la suite de révélations indiquant un lien entre des bailleurs de fonds et des suicides. » Selon le gouvernement de cet État, des tactiques musclées en matière de prêts et de recouvrements de fonds auraient donné lieu à une vague de suicides. On peut imaginer le fardeau psychologique imposé à une personne qui, en plus d'être extrêmement pauvre, a de la difficulté à rembourser une dette contractée auprès d'une institution de microfinance.
Vous avez abordé ce point, et j'aimerais que vous m'en disiez un peu plus long à cet égard. J'aimerais aussi que d'autres témoins aient l'occasion de le faire.
Comment réagiriez-vous à de telles critiques? Sont-elles fondées? Que peuvent faire les organismes comme les vôtres pour éviter que l'on ait recours à des pratiques prédatrices en matière de prêts?
Parfois, je me dis que nous pourrions presque poser la même question à l'égard de nos établissements de crédit occidentaux. Une telle situation n'est pas propre aux pays en développement, mais ce qui l'est, c'est la fragilité des personnes concernées. En effet, des citoyens peuvent devenir des cibles et des victimes.
Merci beaucoup pour cette question. Comme je l'ai dit, c'est une difficulté à laquelle nous faisons face et qui est due en partie au fait que des institutions financières qui avaient accès à de grands volumes de capitaux devaient continuer à croître. La discipline relative aux prêts s'est relâchée dans certaines régions, et la capacité de remboursement n'a donc pas été vérifiée. Dans certains cas, les clients recevaient quatre ou cinq prêts provenant de diverses institutions de microfinance et utilisaient essentiellement un prêt pour rembourser le prêt précédent.
Cette situation a causé des dommages à l'industrie. Les suicides ont fait l'objet d'une grande couverture médiatique. Selon ce que je comprends, les suicides en Inde tendent à correspondre aux niveaux de production agricole, mais je pense que, dans bien des cas, les institutions de microfinance ont accru la pression exercée sur leurs clients lorsqu'elles les ont surendettés, puis ont utilisé des techniques qui ont suscité encore plus d'embarras aux clients au moment d'essayer de recouvrer l'argent.
Je ne comprends pas toutes les raisons de cette situation, mais je sais que si un seul de ces suicides a été en partie causé par ce genre de moyens de pression, nous devons nous assurer que cela ne se reproduira plus jamais.
L'industrie de la microfinance est dotée d'un ensemble de principes de protection des clients. Entre autres, il faut vérifier la capacité de remboursement du client, savoir quelles pratiques de recouvrement de fonds sont acceptables ou non et s'assurer que le produit offert au client convient à ses besoins. Je fais partie d'un groupe qui dispense une formation aux institutions de microfinance afin de leur montrer comment mettre en oeuvre ces pratiques et évaluer leur degré de conformité à cet égard. Nous aimerions qu'elles soient intégrées à la réglementation des pays. Nous voulons nous assurer qu'une telle situation ne se reproduira pas.
En outre, comme je l'ai dit, il faut trouver un juste équilibre entre les incitatifs financiers et sociaux. Si les institutions sont récompensées non seulement pour leur rendement financier, mais aussi pour leur rendement social, alors elles déploieront plus d'efforts pour s'assurer que les produits qu'elles offrent aident leurs clients et qu'elles peuvent démontrer qu'il en est ainsi.
Je peux répondre tout de suite à cette question au nom d'Opportunité Internationale Canada.
Nous reconnaissons que ce risque s'est accru, car le milieu de la microfinance a évolué, et on offre maintenant des prêts personnels en plus de mener des activités non liées à la microfinance. Cela accroît le risque. Tout comme c'est le cas au Canada — et vous l'avez mentionné —, un client est plus susceptible de faire un emprunt irresponsable lorsqu'il cherche à combler un besoin vital ou immédiat.
Opportunité Internationale s'est attaqué à ce problème. Nous avons examiné les politiques de protection des clients. Nous les avons adoptées. Nous avons notre propre code de conduite, selon lequel les produits proposés à nos clients doivent être responsables et abordables. En conséquence, nous nous assurons que chaque client se soumet à un processus de sélection visant à vérifier si le prêt est effectivement utilisé aux fins du développement de l'entreprise. Si une cote de crédit est utilisée dans le pays en question, nous la vérifions pour nous assurer que le client n'a pas d'autres prêts à rembourser, car nous avons pour mandat de toujours éviter de surendetter nos clients.
Au cours des trois dernières années, nous avons mené auprès de 60 000 clients un sondage qui a révélé que seulement 5 p. 100 d'entre eux avaient contracté un autre prêt. Nous menons des vérifications à l'interne pour nous assurer que nos pratiques sont conformes à certains des principes qu'a abordés Larry. Nous essayons de nous améliorer constamment, en tout temps. Nous voulons une amélioration continue.
J'aimerais que vous répondiez tous les deux à la question, si possible.
La microfinance joue effectivement un rôle, mais ce n'est pas la solution pour éliminer la pauvreté. C'est un outil, et seulement un, parmi la myriade d'autres outils et stratégies qui peuvent être utilisés.
Seriez-vous d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas du remède miracle pour éliminer la pauvreté?
Le défi, c'est de trouver la meilleure façon d'utiliser la microfinance conjointement avec d'autres interventions en matière de développement.
Keith a parlé d'assurance-maladie; comment pouvons-nous fournir un financement à l'éducation, non pas en tant que secteur en soi, mais plutôt en tant qu'élément appuyant le processus de développement? Les personnes démunies sont confrontées à de nombreuses contraintes, et l'accès au financement représente seulement l'une d'elles.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous de comparaître ici.
Vous représentez tous des ONG, c'est-à-dire des organisations sans but lucratif, n'est-ce pas? Je suis curieux et je vous félicite pour le travail que vous accomplissez. Vous avez parlé de certains problèmes que vous avez éprouvés. J'ai une suggestion à faire. Je ne sais pas si nous pouvons avoir une discussion à ce sujet, mais le problème que je peux voir à l'égard des ONG, comparativement au secteur privé, c'est qu'elles souhaitent vraiment utiliser les fonds dont elles disposent; c'est génial, c'est merveilleux, mais elles s'efforcent d'inciter les gens à tirer parti de leurs services. Ai-je raison? C'est vraiment votre objectif. Votre objectif est d'utiliser vos fonds.
Je cherche le juste équilibre. À la Chambre des communes, il y a une expression que nous aimons utiliser. On dit: « Il marche sur vos platebandes ». Marchez-vous parfois sur les platebandes de... Par exemple, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Scotia a comparu ici. Elle offre également des services de microfinance. Vous arrive-t-il parfois d'empiéter sur les activités du secteur privé? Vos relations sont-elles un peu conflictuelles de temps à autre? Trouvez-vous que c'est le cas?
Des relations conflictuelles à l'égard de... Vous me demandez s'il y a de la concurrence entre nous?
Je pense que nous avons reconnu qu'il y a assez de place pour nous tous dans ce secteur parce que, Larry, vous avez mentionné un pourcentage concernant le nombre d'entrepreneurs démunis à qui l'on vient en aide à l'échelle mondiale. Nous déterminons quelles personnes nous sommes le plus en mesure d'aider dans les pays où nous oeuvrons.
Je pense que le secteur de la microfinance peut accueillir de nombreux acteurs. C'est pourquoi j'estime que la responsabilisation et la transparence sont cruciales. Les paramètres, les étalons et les interventions sont à l'image de notre mandat à titre d'organismes sans but lucratif. Comme nous avons pour mandat la transformation globale, nous nous efforçons très fort non seulement de fournir du financement, mais aussi de dispenser des services.
De Chicago. J'essayais de reconnaître votre accent.
Vous avez probablement entendu l'histoire selon laquelle les pèlerins étaient les premiers socialistes de l'Amérique du Nord.
Ils étaient socialistes, et ils ont bien failli mourir de faim, la première année. Je ne sais pas si vous connaissez l'histoire.
Selon l'histoire, ils étaient animés par de bons principes chrétiens et comptaient tout partager, mais le problème, c'est que cela n'a pas fonctionné. Certaines personnes travaillaient dur, et d'autres, moins, alors ils ont découvert qu'il est parfois difficile d'appliquer ces principes.
Encore une fois, je vous félicite de votre travail; je me demande simplement comment vous faites si vous n'avez pas de concurrence, de besoin de satisfaire vos actionnaires.
Quelqu'un pourrait peut-être m'expliquer.
Je vais vous livrer quelques observations à cet égard, car il s'agit d'excellentes questions.
Toute la composante des partenariats public-privé soulève des questions. Où finit un secteur et où commence l'autre? Y a-t-il une division? Y a-t-il un chevauchement?
Tout d'abord, le secteur privé n'exerçait pas de telles activités.
Tout à fait. Quand nous avons commencé, aucune grande banque n'accordait de prêt aux pauvres, ce pour quoi le secteur des organisations non gouvernementales a dû s'en mêler. Le but était d'aider les personnes démunies à sortir de la pauvreté. Ce faisant, elles ont élaboré des techniques et des systèmes que les organisations à but lucratif ont pu utiliser. Ces dernières ont par la suite découvert que cela pourrait leur être profitable, alors elles ont commencé à exercer des activités dans ce domaine.
En réalité, il y a beaucoup de chevauchement entre les deux secteurs. Opportunité Internationale, par exemple, est un organisme sans but lucratif qui exerce des activités au Canada, mais qui possède également des banques à but lucratif dans d'autres régions du monde. Elle doit rendre des comptes à ses actionnaires. Il y a beaucoup de mélanges lorsqu'il est question d'une telle combinaison d'objectifs sociaux et d'intérêts privés. Et plus on monte vers les couches supérieures — c'est-à-dire des clients plus solvables dans des collectivités plus accessibles —, plus les modèles deviennent strictement privés.
En d'autres mots, au lieu d'avoir une démarcation claire, nous avons beaucoup de mélanges. C'est le travail des ONG, des gens ayant des objectifs sociaux, de continuer à chercher au bas de l'échelle afin de trouver une clientèle toujours plus difficile d'accès et de continuer le travail de R-D que le secteur privé reprendra par la suite.
Vous êtes des pionniers, en quelque sorte. Vous fertilisez le sol avant l'arrivée du secteur privé.
Voyez-vous des débouchés dans d'autres domaines qui n'ont pas encore été explorés? Étudiez-vous de nouveaux domaines qui pourraient exister?
Je pense que M. Weaver voudrait dire quelque chose.
Je pourrais peut-être livrer quelques observations à cet égard sur le plan des micro-assurances.
À nos débuts — qui ne remontent pas à très loin, c'est-à-dire au début des années 2000 —, nous ne menions pas de telles activités dans le domaine des assurances. Cela ne suscitait aucun intérêt.
Puis, les effets positifs ont commencé à devenir très apparents. On a mené des recherches au sujet de ce que les personnes démunies souhaitaient, de leurs besoins. Essayer de lancer de telles activités revenait presque à investir du capital de risque à des fins philanthropiques, car le marché n'offrait pas ces services. Il est maintenant clair qu'il y a des façons d'offrir de l'assurance-vie; c'est un produit simple et facile à élaborer et à rentabiliser.
L'élaboration d'une assurance-maladie pose encore problème, car c'est une chose bien plus compliquée. Bien plus de parties sont concernées, et c'est un produit bien plus complexe, alors il faut mener des recherches — au moyen de projets pilotes et de mises à l'essai — pour s'assurer qu'ils fonctionnent avant d'en arriver au point où le secteur privé commence à s'intéresser à ce domaine, voie les possibilités qu'il offre et déploie des efforts pour pénétrer ce marché.
Il y a un élément de philanthropie qui procure un certain type de quasi-capital de risque afin de réaliser des objectifs sociaux, mais on espère au bout du compte que ce domaine, quand il deviendra rationalisé ou doté d'une structure stable, deviendra alors un marché rentable qui pourra être pris en charge par le secteur privé.
J'aimerais ajouter quelque chose rapidement. Dans notre réseau international, chacune des régions avec lesquelles nous travaillons est dotée de sa propre organisation, de sa propre gouvernance, de son propre conseil d'administration et de ses propres responsables des prêts.
Il est intéressant que Keith ait utilisé le terme « capital de risque », car une partie de la question consiste à s'assurer qu'il y a une diligence raisonnable sur le terrain. Nous ne le faisons pas directement; nous nous fions à nos partenaires.
Cela nous amène à la question des besoins et aux moyens d'y réagir. Si une région du monde nous dit qu'il lui faut un certain montant en financement en raison d'un besoin dans un pays donné, nous sillonnerons le Canada pour recueillir les fonds nécessaires, mais, pour ce qui est de la diligence raisonnable déployée, il appartient en fait au partenaire local et au responsable des prêts d'approuver les clients potentiels.
Ce sont eux qui font les entrevues. Ils rencontrent les clients potentiels et procèdent à un certain nombre de vérifications; par le truchement de nos relations de partenariat, nous nous efforçons de satisfaire à cette exigence à l'échelle internationale.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
J'ai trois questions. Je pense que la première devrait être adressée à M. Patterson ou à Mme Olafsen.
Je crois que vous avez déclaré que le Canada a joué un rôle prépondérant au chapitre de l'aide lorsque la microfinance a pris son envol. Il a dû le faire par le truchement de l'ACDI. Comment se compare actuellement l'aide de l'ACDI à celles de pays britanniques ou scandinaves? Verse-t-elle des fonds? Est-ce qu'elle s'intéresse à l'infrastructure? Comment son idéologie actuelle en ce qui a trait à l'utilisation souhaitée des fonds a-t-elle évolué? En gros, de quelle façon l'ACDI a-t-elle changé? Y a-t-il des attentes à votre égard?
L'ACDI est très axée sur les résultats et accorde une attention prépondérante aux retombées et aux réalisations. Il y a environ un an et demi, nous avons fait l'objet d'une vérification avec l'ACDI. Je dirais que le DFID et USAID accordent une attention semblable aux résultats.
Nous devons continuellement améliorer les paramètres, comme Larry l'a mentionné, mais il est également crucial pour nous et pour l'ACDI d'assurer un développement du leadership qui soit durable, viable sur le plan économique et axé sur les résultats. Il s'agit d'un modèle sur lequel USAID et le DFID sont certainement alignés. Nous oeuvrons dans de nombreux pays. Le DFID et l'ACDI ont mené des projets communs dans certains pays africains.
Je pense qu'un de mes collègues a fait allusion à l'Inde et aux problèmes éprouvés là-bas à l'égard des agriculteurs. Ces problèmes ne s'expliquent pas seulement par le fait que les agriculteurs étaient pauvres et plus endettés; une des principales raisons expliquant les suicides — l'Economist a publié un article à ce sujet —, c'était que leurs terres étaient détruites. Oui, ils pouvaient obtenir de l'argent, mais ils avaient acheté trop d'engrais chimiques et ont fini par tuer toute vie dans le sol. Ils ont aussi perdu leurs terres, ce qui représente une composante cruciale de leur mode de vie. Je pense que l'article en question soulignait l'importance du microfinancement.
L'important, surtout lorsqu'il est question de nouveaux pays et de nouvelles philosophies, c'est de... On pourrait financer l'achat d'une tronçonneuse pour une certaine personne, mais ce n'est pas une très bonne idée si elle va s'en servir pour faire des coupes à blanc. On peut fournir un moteur hors bord à un pêcheur, mais s'il s'en sert pour aller vider le lac... Quand vous commencez à offrir des services de microfinancement dans un pays, avez-vous une discussion avec le gouvernement? Le financement joue un rôle clé dans la façon dont il va gérer ses ressources. Vous savez, vous pourriez détruire les ressources s'il n'y a pas de freins et contrepoids.
Je suppose que c'est ma question, monsieur Reed. Il est facile d'aller là-bas et de dire: « Bon, nous avons de l'argent et nous allons le distribuer », mais, à moins de connaître la façon dont cet argent sera utilisé... Les conservateurs ont évoqué l'idée que, sans actionnaires, il était plus facile de distribuer des fonds et qu'il y avait peu de responsabilisation, mais je pense que vous avez également une plus grande responsabilité en ce qui concerne l'utilisation faite de l'environnement et ce qui est conservé. Comment cela est-il pris en compte dans votre processus décisionnel lorsque vous vous implanter dans un pays?
Encore une fois, cela nous ramène à la question de la motivation et du lien entre les intérêts financiers privés et les objectifs sociaux.
Les institutions qui ont pour objectif d'être durables et qui jaugent leur réussite en fonction des progrès accomplis par leurs clients tendent à accorder beaucoup plus d'importance à la façon dont ces clients utilisent l'argent et au fait qu'ils fassent partie ou non d'industries qui vont survivre. Elles contribuent à former les clients afin qu'ils passent d'activités toutes simples d'achat et de vente à d'autres activités offrant plus de valeur ajoutée. Dans le domaine agricole, elles aident des organismes — comme BRAC — qui forment des personnes de la localité afin qu'elles puissent lancer une entreprise visant à fournir des conseils en matière d'agriculture et d'accès aux intrants, entre autres choses. Lorsqu'on cherche à améliorer le plus possible la vie de ses clients, on commence à prêter attention à une foule d'autres choses.
En Inde, nous nous sommes trouvés dans une situation où il était possible de faire un gain privé à court terme. L'idée était de faire un appel public à l'épargne initial et de vendre des actions afin que les propriétaires puissent rapidement devenir riches. Cela a quelque peu faussé les priorités ou les objectifs. Quand il est question de capital privé, on est préoccupé par les mêmes choses si on adopte une approche à long terme, car l'entreprise ne survivra pas si le sol devient stérile. Si l'on se retrouve dans une situation où l'on peut réaliser un énorme gain en peu de temps en privilégiant l'expansion rapide de ses activités, alors on cesse de prêter attention aux intérêts à long terme et l'on souhaite juste afficher de gros chiffres dans son état des résultats. Mais cela finit par faire du tort à ses clients.
Ma question s'adresse à vous, monsieur Weaver. Elle porte sur MicroEnsure. Selon une affirmation que j'ai ici, 3 p. 100 des personnes démunies de l'Inde et de la Chine ont recours aux micro-assurances, alors que ce pourcentage est de seulement 0,3 p. 100 en Afrique. Selon ce que je lis, on n'a cerné aucune activité de micro-assurance dans 23 des 100 pays les plus pauvres du monde, ce qui représente plus de 370 millions de personnes.
Il semble que MicroEnsure soit une composante clé de l'équation. Que peut-on faire pour changer ces chiffres et veiller à ce que ces pays aient davantage recours aux micro-assurances? Faudrait-il que les banques n'aillent au-delà de l'argent et des assurances? Y a-t-il une combinaison de choses que nous devrions faire?
Quand nous avons commencé notre travail avec la Fondation Bill et Melinda Gates, nous avons d'abord ciblé 21 nouveaux pays. Nous étions dans trois d'entre eux à l'époque, alors nous avons déployé tout un processus pour déterminer comment entrer dans ces pays.
Depuis, nous avons beaucoup appris. Chaque pays, malheureusement, présente des conditions plutôt uniques, car il y a une série de règles à observer et de restrictions en matière d'investissements directs étrangers. Il y a toutes sortes de combinaisons et de pratiques sur les marchés locaux qui nous compliquent excessivement la tâche.
À l'heure actuelle, nous n'avons pas le financement nécessaire pour nous installer dans de nouveaux pays. Si un donateur venait nous voir et nous disait qu'il aimerait que nous songions à nous implanter dans un certain pays, nous y réfléchirions sérieusement et essaierions de le faire. Tout est une question de combinaison de financement ainsi que de nouvelles approches et technologies en matière de distribution — pensez aux téléphones cellulaires —, et il faut être présent dans un grand nombre de pays. Nous comptons prendre une expansion importante à cet égard au cours des prochaines années. Par ailleurs, il faut avoir la volonté d'aller dans ces pays et de faire le travail.
Merci beaucoup.
Nous avons du temps pour deux autres questions. La parole ira aux conservateurs, puis au NPD.
Monsieur Williamsom, vous avez cinq minutes.
Merci d'être ici aujourd'hui.
Pour ce qui est d'Opportunité Internationale Canada, je trouve qu'il est intéressant que vous ayez commencé à exercer des activités de microfinance en 1971, avant l'enthousiasme qui a commencé à se manifester à l'égard de ce secteur au cours des 10 dernières années, et bien avant le prix Nobel, si je ne m'abuse.
Pouvez-vous nous expliquer un peu ce qui a changé? Quel est l'environnement actuel? Je vais vous questionner un peu au sujet de votre modèle organisationnel dans une seconde, mais j'aimerais avoir une idée des changements qui ont eu lieu au cours des 40 dernières années.
Opportunité Internationale était une grande organisation internationale, et nous avions décidé que nous voulions en faire partie en tant que Canadiens et que nous suivrions le modèle qu'elle avait créé. Nous nous sommes greffés à elle à titre de partenaires qui recueillent des fonds dans cinq pays et qui en distribuent dans plus de 20.
Le modèle se raffine à mesure que nous élargissons notre éventail de produits. Je pense que ce qui est unique au sujet du modèle d'Opportunité Internationale, c'est son réseau international; voilà ce qui nous distingue d'un certain nombre d'autres organisations. Nous avons des organisations dans diverses régions du monde où l'on pratique la diligence raisonnable, où il y a un partenaire local qui doit rendre des comptes à son propre conseil. Il y a des responsables des prêts au sein de la haute direction. Il y a plusieurs paliers de responsabilité sur lesquels nous comptons dans le cadre du partenariat. Voilà une chose qui s'est améliorée.
Vous avez entendu plus tôt la statistique indiquant le faible pourcentage que représentent les fonds de l'ACDI dans notre budget global. À nos débuts, nous nous sommes sciemment efforcés de ne pas être dominés par l'ACDI. Nous voulions fonder une organisation dont l'ACDI ferait partie, nous voulions jouir de la crédibilité associée au fait de travailler avec l'ACDI, mais nous ne voulions pas être dominés par elle. Voilà pourquoi le pourcentage est très faible. Nous continuerons à appliquer cette stratégie.
Doris a fait allusion aux pendants étrangers de l'ACDI ailleurs dans le monde. Une autre chose qui se produit, c'est que ces agences de développement joignent leurs forces pour essayer d'assurer une collaboration avec les agences respectives de trois pays, de concert avec les partenaires d'Opportunité Internationale, et d'accroître le rendement.
L'autre chose qui se produit — et il s'agit d'un élément important —, c'est l'effet multiplicateur. Si nous pouvons faire en sorte qu'un dollar investi se multiplie par trois, quatre ou cinq grâce à d'autres organisations gouvernementales ou privées, cela nous fournit un meilleur rendement ici, au Canada. Je pense que c'est un des changements qui ont eu lieu.
Je travaille dans la microfinance depuis une dizaine d'années, et je dirais que le plus grand changement que j'ai vu à l'échelle mondiale concerne l'épargne. Les pauvres nous ont indiqué d'emblée qu'il était important pour eux d'épargner, mais qu'ils n'avaient nulle part où placer leur argent, et c'est en partie pourquoi Opportunité Internationale a déployé des efforts pour fonder des institutions financières officielles. Ainsi, il serait possible de prendre leur épargne, d'accepter leur dépôt, puis de prêter cet argent aux pauvres. Cela sert de levier et nous permet d'accroître notre capacité pour ainsi aller de plus en plus loin et être de plus en plus rapides dans nos efforts visant à aider les personnes démunies.
C'est un des plus grands changements que j'ai constatés: les pauvres ont maintenant des économies.
Je suis curieux. Vous avez dit deux fois dans votre exposé que vous êtes une organisation confessionnelle — ce qui est bien, à mon avis. Parlez-moi de votre modèle global de services intégrés. De toute évidence, vous ne dispensez pas seulement un service, vous offrez aussi des services bancaires, et il semble que vous en dispensiez d'autres également.
Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet, je vous prie?
Nos valeurs nous sont très importantes, et je crois que cela provient de notre orientation confessionnelle. J'ai parlé du code de conduite; pour cette raison, nous sommes menés par deux principes en particulier, que j'ai d'ailleurs mentionnés dans le mémoire.
Notre code de conduite compte 10 principes, y compris le fait d'accorder à toute personne un traitement digne, équitable, respectueux et exempt de toute forme de discrimination. Il est également indiqué dans notre code de conduite qu'il faut déployer tous les efforts possibles en vue d'offrir des services responsables et abordables; donc, nous nous devons d'être transparents, authentiques et comptables à l'égard aussi bien de nos clients que de nos donateurs et partenaires.
J'ai une anecdote à vous raconter. Votre vision du monde sera peut-être différente. Je suis allé en Sierra Leone il y a un certain nombre d'années, et j'ai pris connaissance d'un arrangement en matière de microcrédit qui a débouché sur un échec: un agriculteur avait emprunté de l'argent pour acheter des cochons, mais il n'avait pas réussi à vendre de porc parce qu'une grande partie de la population était musulmane.
À mon avis, cet exemple montre qu'il est utile d'avoir l'apport de diverses personnes provenant de milieux différents. Peu importe le type d'arrangement bancaire, il y a toujours des exemples de projets qui échouent, mais je pense que le fait de considérer les problèmes sous divers angles nous permet souvent de voir les choses autrement.
C'est vrai.
Il y a deux semaines, j'ai rencontré un groupe de clients à Kigali, au Rwanda. Il y avait des musulmans et des gens de partout dans la collectivité. Ils font partie de la collectivité avec laquelle nous travaillons et à laquelle nous offrons des services, et il est dans notre mandat d'être très inclusifs. Nous nous faisons un devoir de fonder la prestation des services sur les valeurs.
Nous sommes inclusifs et nous travaillons dans toutes les communautés, peu importe le pays où nous nous trouvons. Nous avons la réputation de ne pas faire preuve de discrimination dans la mise en oeuvre de nos services.
Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avons; nous devons nous arrêter là.
La parole va d'abord à Mme Laverdière pour quatre minutes.
Merci beaucoup. Je partagerai mon temps avec Mme Sims.
Merci beaucoup à chacun d'entre vous. Je veux d'abord m'excuser de mon retard, j'avais des fonctions parlementaires à remplir.
Ma question sera très brève.
Il est clairement ressorti de certains de vos exposés que les modes de prestation de services de microfinance et de microcrédit peuvent varier considérablement, selon qu'on soit une organisation à but lucratif ou non. D'ailleurs, comme les organismes sans but lucratif n'ont pas d'actionnaires à satisfaire — évidemment, elles doivent satisfaire leurs donateurs —, ils peuvent se concentrer de façon plus directe sur les besoins des gens qu'ils essaient d'aider, ce qui constitue un objectif différent.
Je me demandais... Il s'agit vraiment d'une question ouverte. Nous avons entendu parler de problèmes comme les taux de suicide...
Veuillez m'excuser, les mots ne me viennent pas. Je vais parler en français, si vous n'y voyez pas d'objection.
[Français]
On a entendu parler des taux de suicide et tout ça et je me demande si on a des données, si la tendance à exercer des pressions parfois un peu plus intenses sur les emprunteurs ne risquerait pas d'être plus forte chez un organisme à but lucratif que chez un organisme sans but lucratif. Je me demande aussi si ça pourrait éventuellement avoir un impact sur les taux de suicide et les autres problèmes qu'on a identifiés dans le dossier de la microfinance et du microcrédit.
Merci.
[Traduction]
Merci. C'est un point de vue très intéressant.
J'aimerais qu'il y ait une séparation aussi nette entre les organisations à but lucratif et les organisations sans but lucratif, mais je sais par expérience que ce n'est pas le cas. J'ai vu des institutions à but lucratif qui ont de grandes ambitions sociales et un grand impact sur leurs clients, et j'ai vu des institutions sans but lucratif qui, en vue d'obtenir des fonds additionnels, ont appliqué certaines pratiques abusives.
Nous n'avons pas eu le temps de mener en Inde les études qui nous permettraient de voir la différence. La différence dont j'ai entendu parler n'est pas fondée sur des données probantes, mais plutôt sur des anecdotes.
La situation est compliquée en Inde, car le gouvernement veut que ce soit des banques possédées par l'État qui recueillent l'épargne, et il autorise peu d'organisations de microfinance à le faire. Cependant, lorsque ces institutions titulaires d'un permis bancaire se sont mises à le faire, leurs clients leur sont restés fidèles et ont continué à faire des paiements, même lorsque les politiciens ont dit qu'ils n'avaient plus besoin de rembourser leurs prêts de microfinance. Ils savaient que l'argent emprunté appartenait à leurs voisins et voulaient donc s'assurer de le rendre.
Une organisation qui recueille l'épargne tend également à se montrer plus prudente dans ses prévisions de croissance, tout simplement parce qu'elle sait qu'elle doit protéger ses dépôts. L'argent qui serait perdu n'appartient pas à un quelconque investisseur extérieur ou donateur; c'est l'argent de la collectivité, et elle doit s'assurer de le protéger.
L'autre différence dont j'ai entendu parler de façon anecdotique, c'est que les organisations — à but lucratif ou non — qui investissent davantage dans leurs clients et qui mettent en oeuvre des programmes de formation active et tiennent des réunions de groupe offrant une valeur ajoutée à leur clientèle ont tendance à survivre bien mieux à cette crise que les organisations qui ont peu investi dans leurs clients.
Merci. C'est tout le temps que nous avons. Nous devons nous arrêter là, car la ministre va comparaître, et je sais que vous voudrez lui poser des questions.
Chers témoins, merci beaucoup de votre présence et du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui.
Sur ce, je vais suspendre la séance pour laisser le temps aux prochains témoins de prendre place. La séance est suspendue pour quelques minutes.
Je souhaite de nouveau la bienvenue à tous. Nous avons l'occasion d'entendre la déclaration de la ministre, conformément à un ordre permanent. Je ne vais pas passer en revue tous les ordres permanents, mais nous souhaitons la bienvenue à la ministre.
Madame la ministre, merci beaucoup de votre présence. Nous allons vous donner 10 minutes. Je sais que c'est peu de temps; nous allons commencer et, espérons-le, avoir l'occasion de poser le plus de questions possible avant la sonnerie d'appel.
Je veux également souhaiter la bienvenue à Mme Biggs, présidente de l'ACDI. Elle a déjà comparu ici par le passé. Encore une fois, merci de votre présence.
Nous avons également avec nous Arun Thangaraj, directeur général, Planification des activités, Gestion des ressources et systèmes de l'ACDI. Bienvenue. Merci beaucoup.
Avez-vous une question, madame?
Désolée de vous interrompre, mais je pense que nous pourrions continuer jusqu'à 17 h 30 sans problème.
Eh bien, voyons voir l'horaire. Pour prolonger la séance, tout le monde doit être d'accord. Je suis sûr que la ministre répondra probablement à une ou deux questions après le temps prévu, mais voyons voir. Nous devons tous retourner à la Chambre des communes. C'est un peu plus difficile que lorsque nous étions dans l'édifice du Centre.
Sans plus tarder, nous allons entendre la déclaration de la ministre, qui dispose de 10 minutes. Nous avons hâte d'entendre vos observations.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, chers collègues, bonjour. Je suis ici aujourd'hui pour faire le point sur mon voyage dans la Corne de l'Afrique en juillet dernier, puis sur les efforts que le Canada a déployés en réaction à la situation humanitaire dans cette région et au Sahel. De plus, nous aimerions vous fournir des renseignements concernant le Budget supplémentaire des dépenses C et le Budget principal des dépenses.
[Français]
Tout d'abord, j'aimerais vous parler brièvement de notre engagement envers l'Afrique, afin de mettre en contexte notre travail dans la Corne de l'Afrique et au Sahel.
Au cours des dernières années, des progrès considérables ont été accomplis sur plusieurs fronts en Afrique.
[Traduction]
Certains pays africains ont enclenché de profondes réformes sur le plan des politiques et ont accru leur productivité agricole et la sécurité alimentaire de leur population. Plus d'enfants que jamais fréquentent l'école — et surtout, on y voit un plus grand nombre de filles. Le Canada s'est engagé à soutenir l'Afrique et continue à produire des résultats.
Grâce au soutien de l'ACDI, les économies africaines connaissent une croissance plus durable. Par exemple, le secteur agricole du Ghana a affiché un taux de croissance moyen d'environ 4,3 p. 100 ces dernières années, et ce, en grande partie grâce à des investissements canadiens.
Par ailleurs, le Canada favorise la démocratie — c'est là un autre domaine où le soutien de notre pays a généré des résultats. Au Kenya, par exemple, l'ACDI appuie les droits de la femme, encourage les femmes à participer à la vie politique et favorise la réforme judiciaire.
Comme promis, notre gouvernement a respecté l'engagement qu'il avait pris au Sommet du G8 de doubler son aide internationale à l'Afrique. En 2009-2010, l'Afrique a en effet reçu plus de 50 p. 100 de l'aide alimentaire de l'ACDI, 61 p. 100 de son soutien agricole, 63 p. 100 du soutien de l'Agence à l'égard de la santé et près de 65 p. 100 des fonds d'aide bilatérale décaissés par l'ACDI pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants.
Des fonds que le Canada s'est engagé à verser dans le cadre de l'Initiative de Muskoka sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, 80 p. 100 seront acheminés vers l'Afrique subsaharienne. Le Canada a été le premier pays du G8 à respecter l'engagement — pris à l'Aquila — afin d'améliorer la sécurité alimentaire et l'agriculture durable.
[Français]
Le continent africain a sans contredit le potentiel nécessaire pour s'épanouir. Toutefois, lorsque nous examinons le potentiel et le développement de l'Afrique, nous ne pouvons rester indifférents aux besoins humanitaires de plus en plus criants de ce continent.
[Traduction]
En ce moment même, une crise alimentaire et nutritionnelle de plus en plus grave sévit dans la région du Sahel, dans l'Ouest de l'Afrique. Cette crise menace plus de 10 millions de personnes. À l'heure actuelle, le Canada occupe le deuxième rang des pays donateurs d'aide humanitaire au Sahel. Il y a deux semaines, j'ai annoncé que le Canada offrirait un appui afin d'améliorer l'accès aux denrées alimentaires et d'offrir un soutien nutritionnel, en plus de soutenir le traitement en milieu communautaire de la malnutrition aiguë, d'aider à la subsistance et d'améliorer l'accès à de l'eau salubre.
Le soutien de l'ACDI au Programme alimentaire mondial permettra à lui seul d'offrir une aide alimentaire vitale à plus de sept millions de personnes au Niger, au Tchad, au Mali, au Burkina Faso et en Mauritanie.
Entre-temps, de l'autre côté du continent, une combinaison de facteurs a provoqué une grave crise humanitaire dans la Corne de l'Afrique. Le Canada est intervenu rapidement pour répondre aux besoins de millions de personnes victimes de la sécheresse, en particulier de celles qui souffraient de la famine en Somalie. Grâce en partie à l'appui du Canada, le Programme alimentaire mondial et ses partenaires alimentent maintenant quelque 5,2 millions de personnes dans la Corne de l'Afrique.
Également grâce en partie à l'appui de l'ACDI, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés parvient à subvenir aux besoins continus de près de un million de réfugiés somaliens à Djibouti, en Éthiopie et au Kenya.
En ce qui concerne l'intervention du Canada à la suite de la sécheresse en Afrique de l'Est, nous demandons 70,4 millions de dollars dans le Budget supplémentaire des dépenses C afin de réaliser notre engagement de juillet 2011 selon lequel le gouvernement allouerait un montant équivalent aux dons versés par la population canadienne au Fonds des victimes de la sécheresse en Afrique de l'Est.
Comme vous le savez, en juillet dernier, j'ai visité des camps dans la ville de Dadaab, dans le nord du Kenya, et aux alentours afin de constater par moi-même l'étendue de la crise humanitaire et de mieux comprendre ce qui doit être fait. Même si la famine en Somalie ne touche maintenant que trois régions au lieu de six, la situation demeure extrêmement précaire. Nous suivons la situation de près, et le Canada reste déterminé à s'efforcer d'aider les victimes dans ces régions.
J'aimerais maintenant vous livrer quelques observations concernant le Budget supplémentaire des dépenses C et le Budget principal des dépenses pour le projet exercice.
Le Budget supplémentaire des dépenses C de l'ACDI comprend une augmentation proposée de 359,4 millions de dollars au titre de nos autorisations de subventions et contributions, et une augmentation de 52 400 $ au titre de nos autorisations de fonctionnement. L'augmentation de 359,4 millions de dollars relative aux autorisations de subventions et contributions de l'ACDI contient plusieurs éléments.
[Français]
En plus de chercher a obtenir les fonds nécessaires pour aider le Canada à honorer ses engagements à l'égard du financement accéléré qu'il a pris en vertu de l'Accord de Copenhague et à intervenir à la suite de la sécheresse en Afrique de I'Est, l'ACDI tente actuellement d'obtenir d'autres autorisations, soit 100 millions de dollars, afin d'offrir des subventions à des organisations internationales.
[Traduction]
Cette autorisation additionnelle ne nécessite pas de fonds supplémentaires, pas plus qu'elle n'oblige l'ACDI à dépenser cette somme. Elle permet plutôt à l'agence de répondre à des besoins mondiaux en matière d'aide humanitaire dans des domaines comme l'alimentation et la nutrition.
Les autres éléments qui expliquent l'augmentation du budget de l'ACDI sont les virements d'un ministère à un autre. Nous pouvons vous fournir plus de détails à ce sujet, si vous voulez.
De plus, il y a une augmentation de 52 400 $ au titre des autorisations de fonctionnement de l'ACDI en raison des éléments suivants: un virement de 30 000 $ du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada dans le cadre de l'Initiative relative aux logiciels ministériels de vérification, et un financement accru de 22 400 $ pour favoriser la réalisation des engagements du Canada en matière de financement accéléré en vertu de l'Accord de Copenhague.
Les dépenses budgétaires que nous avons présentées dans le Budget principal des dépenses 2012-2013 se chiffrent à 3,4 milliards de dollars. Je peux répondre à toute question à ce sujet, et le président peut fournir plus de renseignements à l'égard du Budget principal des dépenses et du Budget supplémentaire des dépenses.
J'ajouterais que, sur le plan des subventions et contributions, certains éléments ont augmenté, d'autres ont diminué.
L'augmentation est attribuable à l'octroi de 20,9 millions de dollars pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants ainsi qu'au virement de 1,5 million de dollars par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour les coûts liés à la plate-forme internationale.
La diminution est attribuable au virement de 18,4 millions de dollars au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour le Fonds canadien d'initiatives locales et à la temporisation de 12 millions de dollars en ce qui touche la contribution du Canada au programme de la Francophonie pour l'eau et l'assainissement.
Notre rapport sur les plans et les priorités, qui sera déposé début mai, contiendra de plus amples détails sur les résultats stratégiques et aussi de l'information sur les objectifs, les projets et les résultats escomptés.
Il y a certains points que je n'ai pas abordés, mais je pense que, s'il y a des questions, j'aurai l'occasion de fournir ces renseignements dans mes réponses.
Merci beaucoup.
Merci, madame la ministre.
En raison de notre horaire serré, je demanderais aux membres du comité de ne pas dépasser le temps qui leur est accordé.
Madame Sims, nous allons commencer par vous.
Je veux remercier la ministre et les employés de l'ACDI de rencontrer le comité aujourd'hui.
Madame la ministre, j'espère que vous aurez l'occasion de revenir après le dépôt du budget et la rédaction de votre rapport détaillé afin que nous puissions poursuivre la discussion.
Oh, c'est merveilleux.
Une autre préoccupation importante qui est apparue a trait aux priorités changeantes de l'ACDI. À cause de cela, de petites agences de développement sans but lucratif, pourtant bien établies, sont délaissées. Elles se sentent vraiment abandonnées. D'ailleurs, un rapport récent du CCCI le démontre. Après des retards chroniques relatifs à la nouvelle formule de financement de la Direction générale du partenariat, nous avons maintenant une bonne idée de la situation. Des projets valables sont abandonnés en cours de route, des ONG mettent à pied des employés, et des agences partenaires se font couper leur financement.
Par ailleurs, la nouvelle formule de financement a l'effet d'une douche froide pour les groupes de défense d'intérêts publics, surtout dans les domaines controversés pour le gouvernement actuel ou lorsque vos politiques sont critiquées. L'exemple le plus connu est le fait que KAIROS n'a pas obtenu de financement, mais il y a maintenant de nombreux autres exemples. La situation a provoqué une certaine inquiétude en ce qui concerne notre engagement à assurer un développement systémique à long terme afin de remplir notre principale priorité, soit la lutte contre la pauvreté.
Madame la ministre, le temps n'est-il pas venu de reconnaître que le nouveau processus d'appel d'offres annoncé en 2010 a pour effet de liguer les ONG les unes contre les autres et se révèle, en toute franchise, un véritable gâchis?
Merci de la question. Certes, je pourrai — espérons-le — vous fournir une réponse complète et exhaustive à cet égard.
Tout d'abord, je voudrais dire que, à notre avis, en matière d'aide gouvernementale et de développement, ce ne sont pas les organisations qui comptent; ce qui importe, c'est d'aider les gens à qui les Canadiens veulent qu'on vienne en aide, c'est de s'assurer que nous améliorons leur vie à long terme, de façon durable.
Pour ce faire, nous croyons que nous devons mener des analyses et nous assurer d'effectuer notre sélection selon un processus fondé sur le mérite. Donc, comme je l'ai dit, pour ce qui est de la durabilité, nous demandons en fait quelle sera la situation cinq ans après l'octroi du financement. Comment évolue le projet, quels sont les résultats, et de quelle façon les améliorations seront-elles maintenues par la collectivité locale, par les leaders locaux de cette collectivité ou par les gouvernements qui y prennent part?
Il n'y a pas de changement dans les priorités. Depuis que nous avons pris le pouvoir, nous disons que nous allons rendre notre aide internationale efficace, c'est-à-dire vraiment faire bouger les choses, avoir un effet réel et maximiser la valeur de nos dollars consacrés à l'aide. À notre avis, c'est ce que souhaite voir la population canadienne. Elle veut voir des personnes qui non seulement sortent de la pauvreté, mais aussi volent de leurs propres ailes à long terme.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Merci, madame la ministre. Je suis heureuse de vous voir ici aujourd'hui.
Madame la ministre, le 23 décembre, vous avez annoncé environ 142 millions de dollars pour des nouveaux projets en développement. Je ne sais pas si vous avez vu les statistiques et constaté que seulement un peu plus de 11 p. 100 de cet argent est consacré à des ONG québécoises.
Madame la ministre, croyez-vous que cela reflète la place du Québec au sein du Canada et de la dualité linguistique?
[Traduction]
Merci beaucoup de la question.
Tout d'abord, laissez-moi vous dire que, à mon avis, nos partenaires dans chacune des provinces au pays ont une bonne réputation. Ils ont assurément beaucoup d'expérience, mais, comme je l'ai dit, nous voulons nous assurer que les dollars canadiens consacrés à l'aide vont aux meilleurs projets.
La caractéristique — dont je suis très fière — qui distingue nos partenaires du Canada et plus particulièrement du Québec des autres, c'est qu'ils ont l'avantage de pouvoir travailler en français. Selon moi, cet aspect pourrait nous permettre de nous démarquer en offrant directement de l'aide en Haïti. Nous avons vu de nombreux organismes partenaires du Québec recevoir un soutien de l'ACDI afin de contribuer à la reconstruction et à la reprise d'Haïti.
Comme je l'ai dit, madame, nous voulons nous assurer d'offrir un soutien axé sur les personnes: celles que l'on veut voir bénéficier d'une aide pour aller à l'école, pour recevoir une meilleure éducation et pour obtenir des soins de santé. Donc, comme je l'ai dit, nous appuyons un certain nombre d'organismes québécois, mais ce n'est pas nécessairement ce qui détermine la façon dont l'argent... les décisions sur le soutien.
[Français]
Merci beaucoup, madame la ministre. Le résultat reste quand même que seulement 11 p. 100 des fonds alloués sont allés à des organisations québécoises qui peuvent travailler non seulement en Haïti, mais aussi en Afrique francophone, par exemple, et un peu partout dans le monde où le Canada est présent.
D'ailleurs, madame la ministre, on sait qu'au cours des derniers mois, vous avez rencontré beaucoup de représentants de l'entreprise privée. Hier, j'ai rencontré des représentants de l'AQOCI, l'Association québécoise des organismes de coopération internationale. C'est le plus grand réseau d'organisations de développement au Québec. Je suis certaine que vous connaissez leur travail.
Cela étant dit, ces gens m'ont mentionné avoir voulu vous rencontrer à plusieurs reprises, mais ne pas avoir réussi à le faire. Ils ont donc voulu rencontrer le ministre Lebel, le ministre Paradis, des représentants du Québec, mais ont été dans l'impossibilité de le faire.
Madame la ministre, pouvez-vous vous engager à consacrer autant de temps et d'énergie aux organismes de coopération québécois que vous en consacrez à d'autres organismes, comme les entreprises privées?
Merci, madame la ministre.
[Traduction]
Bien entendu, nous sommes disposés à rencontrer toutes les organisations, et nous ne les sélectionnons pas nécessairement en fonction de la province où elles sont établies. Nous nous demandons qu'est-ce que nous voulons faire, quelles questions nous souhaitons faire progresser, puis nous lançons des invitations. Un certain nombre de représentants du Québec ont été invités à de nombreuses réunions auxquelles j'ai participé.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame la ministre, merci d'être ici aujourd'hui. Il est très important que toute la population ait l'occasion d'entendre parler de la façon dont les dollars consacrés au développement sont utilisés par le Canada.
Vous savez que le comité a entrepris une étude concernant la façon dont le secteur privé peut être mobilisé grâce à nos fonds consacrés au développement afin de bonifier le travail que nous faisons dans les pays en développement. Nous menons actuellement des projets pilotes avec certaines compagnies minières dans d'autres pays. Certains ont dit que nous ne faisons qu'augmenter leur responsabilité sociale à titre d'entreprise, mais nous savons que le secteur privé peut améliorer l'efficience du travail accompli.
Vous avez dit qu'il faut assurer la durabilité à long terme. Nous avons un excellent exemple de ce fait au Burkina Faso. Je pense que c'est Chris Eaton qui a fait un commentaire au sujet du travail réalisé par l'EUMC en collaboration avec IAMGOLD.
Je me demandais si vous pouviez nous parler un peu du fonctionnement et de l'évolution de ces trois projets pilotes que nous avons entrepris.
Merci de la question.
Comme vous le savez, ils ont été annoncés en septembre, alors ils se trouvent encore à un stade très embryonnaire. Ces projets ont été élaborés avec des organisations canadiennes, qui ont ensuite fait une proposition et présenté une demande à l'ACDI. L'agence ne faisait pas partie du partenariat, qui a été créé avant la présentation de la demande.
De tous les pays industrialisés, le Canada a été le dernier à établir des partenariats avec le secteur privé. D'autres pays — ceux de nos collègues britanniques, australiens et américains — ont entrepris des projets et établissent de plus en plus de partenariats avec le secteur privé. De fait, il a été constaté que le Canada accuse un retard, et je pense que de grandes possibilités s'offrent à nous.
Des gens ont également constaté que, pour réduire la pauvreté de façon durable... Je vais simplement vous citer cette déclaration de Bono, que nous connaissons tous: « Bien des gens se rendent compte que le véritable moyen de sortir les gens de la pauvreté, ce n'est jamais l'aide. C'est le commerce. » D'autres personnes ont dit que les États dotés de ressources abondantes, d'institutions économiques solides et de bonnes politiques publiques ont un avenir prometteur. Pour sortir les gens de la pauvreté, il faut non pas leur donner de l'aide, mais leur offrir la possibilité de se trouver un emploi valable et productif et d'accroître leur revenu familial. C'est en créant une économie solide pour un pays qu'on peut assurer la durabilité.
Selon les prévisions de la communauté internationale, il y a principalement deux grands secteurs où les économies respectives des pays en développement peuvent afficher une croissance: il s'agit de l'agriculture et des ressources naturelles. Nous jouons un rôle important pour ce qui est du secteur des ressources naturelles, selon les prévisions relatives à la croissance économique et à l'augmentation des emplois dans ces pays. Je pense que le Canada est particulièrement bien placé pour rassembler des sociétés minières respectées et de bonnes ONG afin de veiller à ce qu'elles améliorent les choses.
Il y a les trois projets que nous avons abordés, mais nous devons vraiment combler notre retard en ce qui a trait à nos autres principaux donateurs et tirer parti de certaines idées innovatrices. Comme je l'ai dit, ils ont de l'expertise dans nombre des domaines dont il est question. Ils ont des approches novatrices, entre autres choses, et souhaitent faire une contribution. Il y a de nombreuses compagnies minières — canadiennes ou étrangères — qui s'acquittent de leur responsabilité sociale d'entreprise.
Je suis allée en Mongolie. Là-bas, les compagnies minières contribuent davantage au développement social du pays que tout ce que pourra jamais faire le programme d'aide et de développement du Canada. Nous voulons donc que les compagnies contribuent au processus, de concert avec la communauté des ONG, afin de nous fournir une expertise additionnelle et de nouvelles idées pour stimuler l'économie et créer des emplois.
Les jeunes représentent une grande partie de la population des pays en développement. À un certain moment, ce groupe démographique comptera pour plus de 52 p. 100 de la population là-bas. Nous avons vu récemment ce qui se produit lorsqu'une majorité de jeunes n'ont pas d'emploi: ils n'ont rien à faire — du moins, rien de constructif — et, selon moi, les autres possibilités qui s'offrent à eux ne sont pas celles que les Canadiens voudraient qu'ils choisissent.
Madame la ministre, vous avez participé au congrès de l'ACPE à Toronto. Il me semble que vous y avez prononcé un discours. Je suis arrivée très tôt là-bas le dimanche matin, et j'ai eu l'occasion d'explorer tout le site du congrès avant le dîner. C'était formidable pour moi de voir le nombre de pays — surtout africains — qui y étaient représentés et qui savaient que le Canada a de l'expertise au chapitre de l'industrie extractive. Ils imploraient vraiment le Canada de venir dans leur pays pour qu'il leur fasse profiter de son expertise et qu'il crée des emplois.
J'ai une autre question, si je puis me permettre. Au cours de la première heure de la réunion, nous avons eu l'occasion d'entendre le témoignage de trois représentants de la microfinance. Pourriez-vous nous parler de la microfinance et de la participation de l'ACDI à ce chapitre?
Pourrais-je seulement faire un commentaire sur ma rencontre avec les représentants de pays étrangers? Les ministres des mines ont en fait demandé à me rencontrer. Chaque fois que je visite des pays ou que je participe à des conférences — au Honduras, au Pérou, en Mongolie —, je leur demande comment le Canada peut les aider, et ils me disent qu'ils veulent en savoir davantage sur notre réglementation en matière d'activités minières. Ils veulent savoir des choses au sujet de notre fonction publique. Ils ne veulent pas d'aide; de nombreux pays leur en offrent déjà. Ce qu'ils veulent, c'est une chose qu'ils croient que le Canada peut leur offrir.
Pour ce qui est du microfinancement, comme vous le savez, le Canada offre un grand soutien à de telles activités dans de nombreux pays. Au cours d'une conférence récente sur le microfinancement, un des experts a dit qu'il donne d'excellents résultats. Il contribue à la création d'emplois. La prochaine étape est la croissance des entreprises, car elles doivent créer des emplois. C'est une excellente initiative, mais je pense que la prochaine étape qui préoccupe les pays donateurs, c'est de créer des emplois et de faire croître les entreprises.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la dernière question du premier tour. Monsieur Eyking, c'est à vous.
Madame la ministre, merci de votre présence. J'ai pas mal de questions, j'essaierai de toutes les poser à l'intérieur du temps qui m'est accordé.
La première question a trait à votre budget. Dans la colonne « Activités de programme », à côté de « Pays fragiles et collectivités touchées par les crises », je vois une compression de 8 millions de dollars.
Cette compression me préoccupe, surtout en raison du printemps arabe. Une des choses que le Canada est censé faire et qu'il s'est engagé à faire, c'est favoriser la démocratie et contribuer au renforcement de la capacité. À l'égard de pays comme la Tunisie, la Libye et l'Égypte — et, bien sûr, on pourra bientôt ajouter à cette liste la Syrie —, qu'allons-nous faire si l'on procède à toutes ces compressions? Qu'allez-vous faire pour fournir à cette région une aide digne de ce nom s'il y a des compressions de 8 millions de dollars?
Quelle est la stratégie à l'égard de la Syrie? Êtes-vous en contact avec la diaspora? Est-ce que vous l'aidez à l'égard de l'obtention du statut d'organisme de bienfaisance? Que faites-vous pour ce qui est de la situation en Syrie?
C'est ma première question. Vous avez fait des compressions de 8 millions de dollars. Comment allez-vous renforcer la capacité et faire face aux changements imminents en Syrie?
Je vais demander à la présidente de parler des 8 millions de dollars, puis je parlerai de la situation en Syrie.
Je ne pense pas qu'il y ait de compressions dans les programmes, mais je vais laisser la présidente vous expliquer ce chiffre.
Il s'agit d'une prévision, monsieur, et le montant peut changer. C'est un petit rajustement. Nous n'avons pas l'intention... Pour ce qui est du financement que nous versons aux principaux États fragiles — Haïti, l'Afghanistan, le Soudan —, nous comptons offrir une aide assez constante pendant un bon moment.
Croyez-vous que nous serons en mesure de remplir nos engagements avec un tel montant, même si nous avons plus d'activités à mener et de besoins à remplir là-bas?
Merci de la question.
Ce que nous avons appris, c'est que le fait de s'attarder aux chiffres n'est pas nécessairement le meilleur moyen de déterminer si la forme que prend notre soutien et les activités que nous menons sont appropriées
Par exemple, en Mongolie, quand nous avons demandé aux représentants de ce pays ce qu'ils souhaitaient que nous fassions pour les aider, il nous ont questionnés au sujet de la fonction publique. Nous avons mis en contact la fonction publique canadienne avec la fonction publique mongole, et ils ont en fait élaboré des dispositions législatives à cet égard. Le coût de ce programme, qui changera de façon spectaculaire l'avenir de la Mongolie, se chiffrait à moins de 400 000 $.
Toutefois, il y a certainement une stratégie en place à l'égard de la Syrie. Avez-vous mobilisé des gens?
Eh bien, je dirais qu'il n'y a pas de stratégie définitive à l'égard de la Syrie, car personne ne sait ce qui se passera, puisque la situation là-bas continue d'évoluer. Comme vous le savez, la situation en Syrie ne s'améliore pas. Elle ne progresse pas. La violence empire. Le nombre de personnes touchées augmente...
À mon avis, la seule chose qui s'est améliorée et à l'égard de laquelle nous avons fait des progrès, c'est que les organismes humanitaires qui n'avaient auparavant aucun accès en Syrie peuvent maintenant y entrer de façon sporadique. Il n'y a aucune garantie, aucun corridor, aucune entente prévoyant un accès de deux heures par jour qui aurait été conclue avec la population syrienne qui combat. En conséquence, il y a une augmentation du nombre de réfugiés à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
Notre priorité actuelle est d'essayer de fournir l'aide humanitaire voulue et de veiller à ce que les organismes qui peuvent entrer en Syrie disposent d'un approvisionnement adéquat.
Merci beaucoup.
Ma prochaine question concerne — et le NPD a déjà évoqué ce point — la façon dont vous approuvez les projets. Je pense que tout le monde sait que, depuis les dernières élections, les conservateurs ont appliqué leur idéologie en ce qui concerne la sélection des organismes qui recevront des fonds.
Nous l'avons vu avec les compagnies minières canadiennes. Une grande partie de l'argent des contribuables semble être utilisée à des fins de propagande au profit de ces compagnies, sans que nous sachions vraiment si cela permettra de réduire la pauvreté, alors que des projets qui étaient mis en oeuvre sont abandonnés. Nous savons que KAIROS s'est fait couper son financement. Maintenant que la fin de l'exercice approche, tous ces groupes — des centaines de groupes — viennent nous voir pour nous dire: « Écoutez, notre demande a été refusée, et nous ignorons pourquoi. »
L'exemple du Québec est assez criant. Nous avons la liste des organismes d'aide du Québec. Ils peuvent compter sur 10 000 bénévoles et 2 000 jeunes, et très peu de demandes provenant de ces organismes ont été approuvées.
Madame la ministre, je suppose que ma question concerne le processus de cotation. Comment déterminez-vous quels organismes se font approuver et quels organismes se font rejeter? Je sais que vous avez déjà fait allusion à cela, mais il doit y avoir un système de cotation tout à fait différent.
Pouvez-vous nous décrire ce système? Je pense que vous allez perdre bien des Canadiens et des ONG qui font du bon travail. Nous allons les perdre, et nous allons perdre notre lien avec d'autres pays, surtout si vous passez d'une région du Canada à une autre.
J'ai dit bien des choses, mais, au bout du compte, il semble que le processus d'approbation des projets porte la marque de l'idéologie conservatrice. Cependant, je vais vous accorder le bénéfice du doute en vous laissant décrire votre système de cotation.
Tout d'abord, je tiens à dire qu'il n'y a pas d'idéologie. Je pense que l'idéologie ou le principe que nous observons dans le cadre de nos décisions correspond à ce que tous les Canadiens souhaitent que nous fassions: veiller à ce que, en matière de développement international, l'argent durement gagné par les contribuables serve bel et bien à aider les personnes qu'ils veulent aider, et ce, de façon efficace et durable.
Ce que les Canadiens aimeraient surtout voir, ce sont des gens qui peuvent voler de leurs propres ailes sans qu'eux — et leur famille — aient continuellement besoin d'aide, entre autres choses, alors je dirai que c'est une question non pas d'idéologie, mais de principe. Il s'agit de bien utiliser l'argent des contribuables. Il s'agit aussi de dire que nous voulons vraiment aider les personnes qui...
Veuillez m'excuser, madame la ministre, mais j'aimerais dire quelque chose rapidement.
Cela ne me pose aucun problème si certaines ONG ne remplissent pas leur mandat ou ne dépensent peut-être pas leur fonds de façon judicieuse. Il y a toujours des gens dont la subvention ne devrait pas être renouvelée, mais j'ai peine à croire qu'un si grand nombre d'organismes à qui vous avez coupé les vivres fassent un travail médiocre et ne remplissent pas leur mandat au nom des Canadiens.
Je dois dire que le Canada regorge d'excellents organismes. D'un côté, nous sommes privilégiés d'en avoir autant. De l'autre, nous avons des décisions à prendre. Les organismes ne sont pas en cause. Ce qui l'est, c'est la question de savoir quels organismes et quels projets réaliseront les résultats voulus.
Ce qui pèse lourd dans la balance, c'est non pas l'organisme en tant que tel ni l'endroit où est situé son siège, mais plutôt le projet qu'il propose. Combien de personnes permettra-t-il d'aider? De quelle façon l'aide est-elle dispensée? Les résultats seront-ils durables? Le projet permettra-t-il à la collectivité visée de voler de ses propres ailes? Est-ce qu'il nous aidera à nous assurer que le gouvernement là-bas se dotera un jour d'un système de santé public et d'un système d'éducation public qui permettra à chaque enfant d'aller à l'école, et ce — espérons-le —, gratuitement?
Voilà ce que nous entendons quand nous parlons de durabilité et du fait de s'assurer que nous améliorons les choses. L'important, c'est non pas les organismes, mais plutôt les meilleurs projets, les meilleurs résultats et la meilleure utilisation possible de l'argent des contribuables canadiens.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant amorcer le deuxième tour. À mon avis, nous aurons probablement le temps pour deux questions. La parole ira d'abord aux conservateurs.
Madame Grewal, c'est à vous de commencer.
Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, merci beaucoup de prendre le temps de comparaître devant le comité. Merci également aux employés du ministère.
Madame la ministre, pourriez-vous parler au comité des résultats de vos efforts continus en Haïti?
Merci de la question.
Comme vous le savez, j'ai fait un séjour en Haïti en janvier. Je dirais qu'une certaine déception se fait sentir, car la situation politique tarde à se redresser, et les développements récents et lents concernant le gouvernement... Nous menons la majorité de nos projets de concert avec des organismes, donc nous ne dépendons pas du gouvernement. Les ministères continuent le travail afin que nous puissions poursuivre nos efforts, et espérons qu'il y aura vite un nouveau premier ministre et un nouveau gouvernement en Haïti.
Nous mettons en oeuvre de nombreux projets. Un des projets auxquels nous fournissons un appui très fort en Haïti, c'est le programme d'alimentation dans les écoles. Il s'agit d'une mesure qui vise à inciter les familles à envoyer leurs enfants à l'école, car lorsqu'ils y vont, ils reçoivent chaque jour un bon repas nutritif et, à la fin de la semaine, ils peuvent également rapporter de la nourriture à leur famille. En conséquence, nous avons annoncé que nous allons augmenter notre soutien au programme d'alimentation dans les écoles du Programme alimentaire mondial.
Par ailleurs, je me suis rendue là-bas récemment — en janvier — et j'ai annoncé que le Canada appuiera la réinstallation des familles qui se trouvent dans le parc national Champs de Mars, et ce travail est également en cours.
Nous avons également réussi à maintenir notre soutien aux cliniques de santé. L'incidence du choléra variera au fil du temps, mais on réussit à gérer le problème, et il y a de moins en moins de décès causés par cette maladie.
Nous poursuivons nos efforts en vue d'assurer la croissance économique, et il y a maintenant près de 400 000 personnes qui ont accès à des systèmes de crédit et à des systèmes financiers. Nous avons mis sur pied un excellent programme à l'intention des agriculteurs qui vise à leur accorder un prêt initial afin qu'ils puissent se procurer les outils et les intrants dont ils ont besoin pour assurer une bonne reprise de leurs activités agricoles après le séisme.
J'ai également visité un hôpital où nous prodiguons des soins maternels et prénataux et pratiquons des accouchements — et ce, gratuitement —, ce qui a permis d'accroître la santé des femmes en améliorant la sécurité relative aux accouchements. L'hôpital prodigue d'ailleurs des soins postnataux aux nouveau-nés. Nous avons fait bien des progrès et nous continuons à remplir notre engagement en Haïti.
Madame la ministre, pouvez-vous décrire certaines difficultés présentes dans les pays qui disposent de services d'aide juridique et informationnelle de piètre qualité, par exemple, en ce qui concerne les pièces d'identité de base émises par le gouvernement, les actes ou les titres de propriété, les adresses permanentes, etc.? Pourriez-vous nous parler un peu de cela?
Je dirais, toujours au sujet d'Haïti, qu'il s'agit d'un des principaux obstacles à l'établissement des gens. On avait émis très peu de titres fonciers là-bas avant le séisme, et ils ont tous été complètement détruits. Ce qui se produit maintenant, quand le Canada veut contribuer à la réinstallation des gens, c'est que le gouvernement alloue une terre et que cinq personnes affirment qu'elle leur appartient.
La majorité de la population haïtienne était constituée de locataires, pas de propriétaires. Je sais que le gouvernement essaie de créer un système d'émission de titres fonciers, mais chacune des parcelles de terrain doit maintenant faire l'objet de négociations avec les quatre ou cinq personnes qui affirment qu'elle leur appartient. Voilà pourquoi je dirais aux personnes qui souhaitent voir les Haïtiens être réinstallés que la situation progresse plus lentement que prévu.
Cependant, le Canada a appuyé un vaste programme d'inscription des Haïtiens. D'ailleurs, ils savent maintenant qu'ils peuvent s'inscrire. L'inscription est très importante, car c'est l'outil utilisé par les ONG pour fournir des soins de santé, de l'aide alimentaire et tous les autres services du genre. C'est un début. Cela a également contribué à l'inscription des électeurs. On peut donc dire que c'était un programme clé.
Le programme n'était pas très coûteux. Il n'a pas coûté des millions et des millions, mais il jouera un rôle déterminant à mesure que le pays progresse.
Je sais que vous aimeriez le faire, mais je ne peux pas l'autoriser pour l'instant.
Je crois que la sonnerie se déclenchera d'une seconde à l'autre. Je voudrais simplement vous demander si tout le monde est d'accord pour accorder la dernière intervention au NPD. Est-ce que cela vous convient?
Des voix: D'accord.
Merci beaucoup.
Madame la ministre, il y a quelques semaines, Anthony Bebbington a comparu devant le comité. Vous le connaissez peut-être; il vient de l'école d'études supérieures en géographie du Massachusetts. Il nous a livré de l'information intéressante au sujet de déclarations de politiciens d'Amérique latine.
Selon lui, les liens du Canada avec l'industrie minière en sol étranger nuisent à la crédibilité de notre pays. Il a d'ailleurs dit — et cela m'a vraiment déconcertée — qu'un ministre de l'Environnement d'Amérique latine lui a fait cette remarque: « Je ne sais pas si, de toute son histoire, le Canada s'est déjà aussi discrédité qu'aujourd'hui. »
Je dois vous dire, madame la ministre, que lorsque j'ai entendu cette déclaration la semaine dernière, j'en ai vraiment eu la chair de poule, car ce n'est pas quelque chose que je souhaite entendre. Il a aussi affirmé au cours de son témoignage qu'un autre représentant gouvernemental lui a dit ceci: « J'ai l'impression que l'ambassadeur canadien ici est le représentant des compagnies minières canadiennes. »
Comme vous pouvez le voir, des commentaires comme ceux-là causent beaucoup d'inquiétudes aux Canadiens de partout au pays.
Il n'y a pas de doute que vous avez personnellement cherché à renforcer les liens entre les ONG et les compagnies minières. L'automne dernier, vous avez annoncé des partenariats avec Barry Gold, IAMGOLD et Rio Tinto-Alcan totalisant 26 millions de dollars.
Ma question, madame la ministre, est la suivante. Mettons de côté pour un moment les divers avantages et inconvénients de ces projets. Ma question est très simple: pourquoi des compagnies privées qui font des milliards de dollars de profit ont-elles besoin de l'argent des contribuables canadiens pour financer ce genre de travail de développement?
Merci de la question.
Elles n'en ont pas besoin. Nous avons besoin de ce qu'elles peuvent nous offrir afin d'améliorer nos programmes et l'efficacité de notre travail dans les pays où nous oeuvrons. D'ailleurs, le 13 février, vous avez vous-même fait la déclaration suivante: « Je pense que tout le monde ici comprend que le secteur privé a un rôle à jouer » et vous avez dit que, selon vous, ce rôle avait été « joliment identifié ».
Vous avez aussi ajouté que le secteur privé peut de lui-même jouer un rôle très actif au chapitre du développement international. Il n'a pas besoin de notre soutien. De fait, les entreprises privées contribuent aux projets élaborés par des organisations non gouvernementales, comme l'EUMC et le Plan de parrainage international, qui tirent parti de cette collaboration.
Les avantages et les apprentissages que retirent les compagnies minières en travaillant avec la communauté des ONG sont liés aux relations communautaires, par exemple, le fait de veiller à ce que la population comprenne les questions relatives au genre, etc. Quant aux ONG, elles apprennent à adopter des approches novatrices: plus d'innovation, plus d'expertise. Comment dispenser une formation visant l'acquisition de nouvelles compétences? Quelles compétences peuvent être utilisées? C'est une approche axée sur les besoins, axée sur les endroits où l'industrie s'implantera et où se trouveront les emplois.
Madame la ministre, merci de votre réponse.
Je maintiens tout à fait à ma déclaration selon laquelle le secteur privé a effectivement un rôle à jouer. Cependant, je peux également affirmer, selon ce que j'ai entendu ici et à l'extérieur de cette pièce, qu'on sonne l'alarme en ce qui a trait à l'impact de certains de nos partenariats sur le travail de développement durable à long terme que nous réalisons dans certains pays.
Madame la ministre, nos contacts m'ont permis de réaliser que notre travail à l'étranger vous tient très à coeur. Je suis très préoccupée par la possibilité que certains éléments de notre orientation stratégique ternissent en fait notre réputation à l'étranger, en raison de certains liens que nous entretenons.
À coup sûr, j'espère que nous utiliserons notre financement — l'argent des contribuables — de façon à investir dans les projets de développement durable à long terme qui donneront des résultats systémiques.
J'ai entendu les exposés de certains représentants de compagnies minières. Au cours d'une réunion, je pense que j'ai fait un commentaire. J'avais l'impression de me trouver dans un conseil des entreprises constitué de PDG, car tout ce dont on parlait, c'était du besoin de mettre en place des systèmes à notre intention. Je me faisais constamment la réflexion suivante: comme vous faites plein de profits grâce à vos activités dans ces pays, n'avez-vous pas le devoir de concevoir certains de ces systèmes?
Je vous remercie.
Je vous dirais que le fait d'aider un pays à établir une bonne réglementation et une bonne législation en matière d'exploitation minière est bénéfique à tous les pays.
Dans les pays dotés de ressources naturelles, on voit la Chine, l'Australie et nombre d'autres pays faire des investissements. Ces bonnes lois en matière d'exploitation minière — pas seulement celles des Canadiens — s'appliqueront à tous ces pays. L'important, c'est qu'ils se dotent d'une bonne législation, et nous aiderons les gouvernements à s'assurer que les revenus qu'ils tirent des activités minières servent à améliorer les systèmes de santé et d'éducation. Je pense que c'est à cet égard que nous devons nous assurer de fournir une aide.
J'aimerais que Coca-Cola soit de propriété canadienne, car cette entreprise n'a pas besoin de fonds destinés au développement. Avec USAID, Coca-Cola établit de petites coopératives d'embouteillage dirigées par des femmes dans des régions isolées. Nous savons tous que Coca-Cola, étonnamment, aide le village le plus reculé d'un pays; sa contribution conjointe avec USAID consiste à fournir un premier emploi dans une petite entreprise à des femmes, leur permettant ainsi d'accroître leur revenu. C'est une initiative à long terme et durable. C'est pourquoi nous voulons accroître notre engagement avec le secteur privé.
J'adorerais que l'on ait une discussion au sujet de Coca-Cola, car j'ai vu les écoles de cette entreprise au Mexique et les dommages qu'elle fait, mais c'est un autre sujet de conversation — et je n'ai jamais bu de Coke.
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