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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 017 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 décembre 2011

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bonjour à tous.
    Bienvenue à cette 17e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, qui se penche sur les intérêts du Canada en matière de développement international et le rôle du secteur privé.
    Je souhaite la bienvenue à M. Mintz. C'est un honneur de vous accueillir parmi nous aujourd'hui. Je sais que vous étiez tout à l'heure sur la Colline et que vous avez rempli le restaurant parlementaire, et qu'il y avait beaucoup de gens qui attendaient, et nous sommes donc ravis de vous avoir ici pour nous tout seuls pour au moins 40 minutes.
    Je tiens à dire à mes collègues que je vais essayer de maintenir le rythme aujourd'hui, car nous allons entendre trois témoins et ne disposons que de 40 minutes pour chacun d'entre eux, et il nous faudra donc surveiller l'heure de très près. Je tiens simplement à vous avertir tout de suite que nous allons aujourd'hui respecter l'horaire.
    Monsieur Mintz, nous allons vous laisser ouvrir le bal. Comme je l'ai dit, nous étudions le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international, et nous envisageons avec plaisir d'entendre ce que vous avez à dire. Vous disposez de 10 minutes, après quoi nous passerons à la période de questions.
    Monsieur Mintz, je vous cède la parole.
    C'est en fait quelque peu amusant pour moi, en ce sens que j'ai passé plusieurs années à m'occuper de questions relatives aux pays en développement auprès de la Banque mondiale et du FMI. J'ai fait le compte des pays sur lesquels je me suis penché vers la fin des années 1980 et dans les années 1990, auxquels il faut en ajouter quelques-uns encore auxquels je me suis intéressé au cours de la dernière décennie, et j'arrive à un total de 18 pays dont j'ai examiné la situation, et, plus particulièrement, les réformes fiscales.
    Dans le cadre d'un tel travail, bien sûr, non seulement vous passez du temps à traiter avec des fonctionnaires au sujet de certaines questions auxquelles ils se trouvent confrontés en vue de faire avancer leur pays, mais vous passez également beaucoup de temps à discuter avec des investisseurs privés de certains des obstacles auxquels ils s'affrontent en matière d'investissement direct étranger.
    Mon propos général est que la vraie réussite du secteur privé, sur le plan de sa contribution à la croissance et à la prospérité d'un pays donné, dépend très largement de la solidité des institutions publiques et de la politique publique en place dans le pays. Je vais vous raconter une ou deux histoires inspirées de ma propre expérience, mais je considère qu'il s'agit d'un aspect très important, et je terminerai en vous entretenant de certaines choses que le Canada pourrait faire en la matière.
    Permettez que je commence par vous raconter une histoire que je qualifierais de triste, après quoi je vous raconterai une autre histoire, celle-ci très belle.
    Au début des années 1990, j'ai, à un moment donné, beaucoup travaillé en Guyane. À l'époque, la Guyane était — et je pense que c'est toujours le cas — le deuxième plus pauvre pays des Amériques, après Haïti. Et c'est un pays qui dispose de très bonnes ressources, d'une fonction publique très bien intentionnée, et la population souhaitait réellement faire beaucoup mieux que ce qui s'annonçait pour le pays. Malheureusement, le pays n'avait pas en place les bonnes politiques publiques.
    L'une des histoires les plus tristes que j'aie relevées était le fait que le gouvernement avait autorisé des sociétés forestières malaisiennes à venir pratiquer des coupes sur de vastes étendues de la forêt. Le gouvernement n'a perçu en échange que très peu de redevances ou de recettes fiscales. Les règlements étaient, bien sûr, très médiocres. Et, au bout du compte, la population s'est mise très en colère, principalement contre les investisseurs directs étrangers, dont elle estimait qu'ils avaient profité d'elle. Mais, bien franchement, le problème était réellement le fait des mauvaises politiques publiques en place.
    Il importait qu'il y ait du travail et des conseils bien meilleurs quant aux genres de régimes fiscaux à mettre en place et aux types de systèmes de réglementation à prévoir pour différents projets. J'étais en Guyane pour contribuer à la réforme de l'impôt sur les sociétés, le principal but étant d'éliminer les traitements préférentiels — les congés fiscaux et autres mesures qui avaient été instaurés pour attirer l'investissement, mais qui avaient, au bout du compte, été bien mal administrés, pour ne rapporter que très peu de revenus à la Guyane.
    Au final, le pays a apporté un certain nombre de changements, mais les défis à surmonter étaient nombreux. La Guyane a perdu nombre de ses meilleurs éléments en faveur de New York et de Toronto. Cela a créé tout un défi pour les gens qui sont restés et qui s'efforçaient de faire de leur mieux pour accroître l'économie, et c'est là une histoire en soi.
    L'essentiel est que, si vous avez en place de meilleures politiques publiques, les gens verront la valeur de l'investissement étranger direct dans certains des développements qui peuvent prendre racine dans l'économie privée, car ils en retireront les avantages et les retombées en découlant.
    La deuxième histoire concerne la Bulgarie. Pour dire vrai, parmi les 18 pays sur lesquels j'ai travaillé, c'est dans celui-ci que nous avons sans doute remporté le plus grand succès. En 1997, la Bulgarie a vécu une très sérieuse dévaluation et une grave période inflationniste. Cette période a été très difficile pour les Bulgares. Le pays ne bénéficiait pas de beaucoup d'investissement direct étranger. Sa croissance était très faible.
    Des missions du FMI et de la Banque mondiale s'y sont rendues pour s'attaquer à différents dossiers de politique publique, notamment l'amélioration de la politique monétaire internationale et des politiques en matière d'éducation. Et on m'y a bien sûr envoyé avec une équipe pour oeuvrer à une réforme fiscale. C'est ainsi que nous avons recommandé l'élimination des trêves fiscales et un certain nombre d'importants changements dans le régime fiscal — en gros, un abaissement des taux et un élargissement des assiettes fiscales, soit le mantra habituel que l'on entend de la bouche des experts en politique fiscale.
(0850)
    Je me souviens du dirigeant de l'agence de promotion de l'investissement qui me disait que si l'on éliminait les congés fiscaux, alors le pays n'attirerait plus d'investissement direct étranger. J'avais répondu qu'en fait, si le taux était suffisamment bas... J'avais expliqué que le pays avait en place un trop grand nombre de congés fiscaux, mais que si le taux était suffisamment bas, il attirerait de l'investissement direct étranger. Et la Bulgarie a bel et bien réussi. Le pays avait un gouvernement qui était très désireux d'essayer d'améliorer la situation.
    Mais la Bulgarie a alors entrepris de nombreuses réformes en profondeur, dont une réforme de l'impôt sur les sociétés. Elle a, au total, mis en oeuvre nombre des recommandations que nous avions faites. Fort heureusement, je peux dire que la Bulgarie a commencé dès ce moment-là à attirer énormément d'investissement direct étranger. Cet investissement se chiffrait, cinq ans plus tard environ, à 8 ou 9 p. 100 du PIB. J'imagine que l'agence de promotion de l'investissement a posé problème, car elle n'avait plus grand-chose à faire en la matière. Le taux de croissance de la Bulgarie s'est amélioré sensiblement pendant cette période. Du fait des meilleures politiques publiques en place, la Bulgarie a non seulement pu attirer de l'investissement direct étranger, mais elle a également amélioré ses systèmes d'éducation et entrepris de nombreuses autres initiatives qui ont, je pense, étaient très importantes pour le pays. Elle a certainement connu une bien meilleure période après 1997, comparativement à ce qui s'était passé auparavant, lorsque ses politiques publiques échouaient et ne livraient pas les résultats visés en matière de croissance et ainsi de suite.
    Ce qui m'a le plus frappé en 1998 c'était la situation des retraités bulgares, avec leur revenu fixe, alors que l'inflation était très élevée. Ils ont beaucoup souffert. Au fil des années qui sont suivi, du fait de finances publiques nettement améliorées, le pays a sensiblement progressé. C'est largement à ce genre de travail que se consacrent dans différents pays le FMI et la Banque mondiale.
    Je pense que le Canada peut contribuer à cela, surtout dans les régions du globe où nous sommes très solides en ce qui concerne notre propre leadership, ainsi que l'économie et les choses que nous faisons bien. Je veux bien sûr parler de deux secteurs: celui des finances, et celui des industries d'extraction de ressources, c'est-à-dire l'activité minière et l'exploitation du pétrole et du gaz naturel. J'estime que nous avons, en tant que pays, la possibilité d'essayer de travailler avec d'autres pays en vue d'améliorer leurs politiques publiques. Dans le secteur d'extraction de ressources, par exemple, nous parlons souvent de l'importance de la formation, de l'éducation, et ainsi de suite. Ces vastes projets ont une incidence énorme sur ces pays riches en ressources naturelles.
    L'exécution de ces projets revêt une importante critique. Songez aux dissensions civiles qui surviennent du fait de l'absence de politiques publiques visant à engager la communauté dans son entier. Les choses fonctionnent très bien, dans le cas de ces différents pays, si vous mettez en place les bonnes politiques fiscales, politiques de réglementation et politiques de développement communautaire. Il est incroyable de voir à quel point les entreprises canadiennes comprennent, tout comme, j'ajouterais, c'est le cas des entreprises américaines, l'importance de ces éléments. Notre pays a un très bon dossier.
    Je crois que nous devrions réfléchir à la façon dont nous pourrions, dans le temps, maximiser la force de notre propre secteur privé dans certains domaines dans le contexte de différents pays et aider divers gouvernements à améliorer leurs politiques publiques afin qu'ils puissent réaliser une bien meilleure croissance économique. Rien de tout cela n'est simple, mais je peux vous dire que tous ces aspects sont très importants s'agissant de mettre en place les bonnes conditions. Cela suppose, entre autres, veiller à ce que la population retire les avantages procurés par les différents investissements consentis chez eux et les aider dans leur cheminement.
    Je crois que c'est là un bon point sur lequel conclure, monsieur le président.
(0855)
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer avec le NPD. Madame Sims, vous avez la parole, pour sept minutes, je vous prie.
    Merci beaucoup de votre déclaration. Je pense que ce que j'en retire est l'importance de l'établissement d'une relation avec le pays dans lequel nous nous rendons et la nécessité de veiller à ce que nous appuyions l'établissement de capacités et de politiques publiques et que nous veillions à ce que les communautés soient engagées, afin d'éviter ce mouvement de ressac.
    Voyez-vous également là, dans le contexte de votre travail international, un rôle pour le secteur public ici au Canada?
    Je devrais en vérité dire que, dans le cadre de nombre des missions auxquelles j'ai participé, les fonds d'affectation spéciale du Canada qui ont été remis à la Banque mondiale ou au FMI ont été utilisés pour payer les consultants devant aller travailler dans différents pays. Voilà quel est le minimum qui est fait. Mais je considère que la contribution du secteur public ne devrait pas se limiter à cela. Dans le cas du Canada, nous devrions en fait voir ce travail comme faisant partie de nos objectifs d'ensemble en matière de politique étrangère, oeuvrant aux côtés de pays dans le but d'y réaliser une meilleure croissance et une meilleure distribution du revenu. Cela repose, bien sûr, sur une reconnaissance de l'importance de l'éducation et d'un certain nombre d'autres éléments. Il importe d'intégrer un vaste cadre réunissant divers éléments. Je crois que le gouvernement canadien pourrait justement jouer un rôle bien plus actif que de simplement verser des fonds à la Banque mondiale et au FMI, en établissant au Canada des institutions capables de travailler avec le secteur privé et les gouvernements auprès d'un pays donné.
    Pour vous donner un exemple, à l'École de politique publique de l'Université de Calgary, nous nous adonnons déjà à ce genre de travail. Nous avons récemment reçu des agents du fisc mongolien qui sont venus pour de la formation en vue d'établir le bon régime de redevances pour leur secteur minier. Pendant leur séjour ici, nous avons pu faire appel à des gens de chez KPMG, ainsi qu'à un fonctionnaire albertain à la retraite, qui travaillait chez Alberta Energy. Nous comptons déjà parmi le corps professoral de l'école de très bons éléments, comme Ken McKenzie et J.F. Wen — et je pourrais vous fournir toute la liste de noms. Nous avons offert des séances théoriques sur ce qui constituerait le bon système, ainsi que des séances pratiques sur la façon de mettre en oeuvre un tel régime. Par exemple, en ce qui concerne le volet redevances, certains de nos systèmes de redevances au Canada comptent parmi les meilleurs régimes de redevances fondés sur des loyers au monde, et je citerais à titre d'illustration le régime applicable aux sables bitumineux, régime qui relève du gouvernement albertain.
    Je vais céder la parole à Sadia.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Mintz, vous avez parlé de l'importance d'avoir une politique d'impôt locale importante et claire, si je puis m'exprimer ainsi.
    Comment peut-on s'assurer qu'il y a une reddition de comptes, auprès des populations, pour les contributions et les projets financés par le secteur privé? Comment peut-on s'assurer qu'ils disposent de mécanismes d'évaluation permettant de nous assurer que les résultats et les objectifs visés sont atteints, et ce, de façon transparente?

[Traduction]

     Je pense que c'est là une bonne question, et j'espère que je serai en mesure de bien répondre après avoir entendu l'interprétation.
    Dans le cadre de l'une quelconque de ces activités, je pense qu'il est primordial d'engager, dans le pays, l'ONG appropriée et bien en mesure de fournir de l'aide. Par exemple, nous avons fait venir à Calgary un certain nombre d'agents du fisc de Mongolie et nous avons parlé de systèmes de redevances, mais j'estime que, pour véritablement assurer la réussite, il serait bon que des gens se rendent en Mongolie, et il s'agirait alors de réunir à un moment donné l'industrie, les ONG et le gouvernement, et de tenir des séances au cours desquelles les gens pourraient échanger et poser des questions. Cela permet aux gens d'accorder leurs violons, en un sens, quant à la façon de faire appropriée.s
    L'un des aspects importants est de rassembler différents intervenants. Même lors des déplacements que j'ai faits dans le cadre de missions de la Banque mondiale et du FMI, nous commencions par nous entretenir simplement avec des représentants gouvernementaux, puis nous allions rencontrer personnellement des gens du secteur privé pour entendre ce qu'ils avaient à dire. Il ne s'est jamais tenu de rencontre réunissant tout le monde. Il est formidable de constater ce qui arrive lorsque vous échangez, quand les gens commencent à comprendre quels sont les bons principes, les objectifs, et ils commencent alors à en discuter. Je pense que cela aide beaucoup.
(0900)

[Français]

    Monsieur Mintz, plus précisément, vous avez aussi parlé de l'importance pour le Canada de maintenir un leadership par rapport à ces questions de développement.
    Je veux qu'on puisse se situer de façon pragmatique. Concrètement, pourriez-vous citer un ou deux leviers ou mécanismes indispensables qui permettraient de s'assurer que l'intervention de ces entreprises privées puisse, comme vous l'avez dit, apporter une valeur ajoutée à la population, et en même temps de s'assurer que ces mécanismes permettent une durabilité dans le cadre de ce développement?

[Traduction]

    Monsieur Mintz, il reste environ une minute.
    Très rapidement, je pense qu'un aspect est de faire venir les gens à la table, et un autre aspect est l'établissement de relations à long terme. J'estime qu'il faudrait que le Canada cible certains pays. Travailler avec différents pays, c'est beaucoup de travail. Peut-être que les meilleurs candidats sont les pays dans lesquels nous jouons un rôle prééminent. Il s'agit ensuite d'établir dans ces pays les institutions qui pourront, à long terme, bâtir la capacité nécessaire pour mettre en oeuvre de bonnes politiques publiques, tant au sein du gouvernement que dans le secteur privé.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Van Kesteren. Vous disposez de sept minutes, monsieur.
    Merci, monsieur Mintz, d'être des nôtres ici. C'est un plaisir que de vous accueillir parmi nous.
    Je me suis rendu au Ghana l'an dernier. Je peux vous dire — et vous le savez sans doute — que la situation n'est pas bien meilleure là-bas. Le pays a en place un régime démocratique, mais il ne semble pas que les choses avancent.
    Lorsque nous étions là-bas, nous avons rendu visite aux parlementaires. Nous allions nous rendre à Tamale, une collectivité du Nord, et nous avons demandé à ceux qui représentaient cette région ce que nous pourrions faire en tant que représentants du gouvernement. Ils nous ont dit qu'il leur fallait de l'aide pour des projets d'infrastructure, par exemple réseaux ferroviaire et routier, car leur secteur agricole et d'autres encore présentent un potentiel énorme, mais les marchés sur la côte sont inaccessibles. Ils ont mentionné le fait que les Chinois y faisaient du travail. Chose intéressante, pendant notre séjour là-bas, nous avons vu un établissement sportif incroyable que les Chinois avaient construit pour eux.
    Il me semble qu'il y a quelque chose qui nous échappe ici. Les socialistes agissent comme des capitalistes, et nous autres, qui vivons en société capitaliste... Certains d'entre nous sont d'avis que ce qu'il y aurait de mieux pour eux ce serait un libre marché et une société libre, au sein de laquelle ils pourraient connaître et vivre les bienfaits de ces principes, mais il nous faut bâtir cette capacité. Vous avez fait mention de cela.
    Pourriez-vous faire quelques commentaires là-dessus? Est-ce possible que nous passions à côté de ce qui compte? Devrions-nous nous rendre dans certains pays et leur dire que nous allons les aider à construire ceci ou cela, mais que nous nous attendons à quelque chose...? Devrions-nous viser certains pays? Avez-vous quelque vision que vous pourriez nous livrer en la matière?
    Premièrement, l'infrastructure et l'éducation sont vraisemblablement les deux plus importantes activités d'investissement que les gouvernements puissent entreprendre, et ces activités peuvent, bien sûr, être très mal menées, au lieu d'être bien menées. Ce qu'il faut, c'est qu'elles soient bien menées.
    Par ailleurs, nous savons que les gouvernements doivent jouer un certain rôle dans le dossier de l'infrastructure, qu'il s'agisse de construire des routes ou de veiller à ce qu'il y ait des installations portuaires. Certains pays dans lesquels j'ai travaillé ont éprouvé en la matière de très sérieuses difficultés, ce qui a beaucoup nui à leur commerce, et, bien sûr, ces pays doivent s'améliorer à cet égard. Mais dans certains cas, il y avait également beaucoup de corruption autour de certains projets, ce qui leur a beaucoup nui. La règle de droit est un ingrédient essentiel.
    Parfois donc, pour ce qui est de certaines des choses qu'il vous faut faire, il ne suffit pas d'instaurer un programme. Ce qu'il faut, c'est assurer le reste, afin que les choses puissent bien progresser, et c'est là l'histoire de la croissance en Asie. J'ai travaillé en Chine pendant les années 1990, et j'ai pu y observer ce qui y avait été fait. Les Chinois ont bâti leur capacité en matière de politiques pendant cette période. Ils ont, bien sûr, consenti eux-mêmes les investissements pour assurer la croissance, mais ils ont également obtenu beaucoup d'aide du FMI et de la Banque mondiale — surtout du FMI — en vue de l'établissement des bonnes institutions en matière de politique publique.
    Je peux vous dire que, en ce qui concerne le volet fiscal, celui pour lequel on avait, bien sûr, fait appel à moi, la Chine avait en place des systèmes de perception et d'audit épouvantables. Elle a obtenu beaucoup de conseils du FMI quant à la façon de séparer les fonctions de perception, d'enregistrement des contribuables et de vérification. Jusque-là, cela avait été la même personne qui avait assuré les trois rôles, et les risques de corruption avaient été énormes. Les Chinois ont écouté. Ils ont constaté que cette ventilation était très logique. En fait, cela les intéressait de savoir comment faisaient d'autres pays, en vue de réfléchir et de déterminer par la suite la meilleure façon de faire pour eux.
    Voilà donc une illustration de la nécessité de mettre également en place les institutions. Si vous prenez le Canada, pour la seule question de l'administration fiscale... Le FMI travaille avec de nombreuses sociétés en vue de l'amélioration de l'administration fiscale. Pourquoi? Car c'est là l'une des plus importantes contributions qu'il peut faire pour aider ces pays à réduire leur déficit, afin que ceux-ci aient l'argent et les ressources nécessaires pour investir dans l'infrastructure et l'éducation et réussir.
    Nous avons, au Canada, de grands experts qui se rendent en permanence dans tous ces pays en vue de les aider à améliorer leur administration fiscale, leur travail de compilation de statistiques et ainsi de suite. C'est là juste un exemple du genre de travail d'établissement de politiques qui est réellement important. Cela englobe le système de droit, le système judiciaire et nombre d'autres choses.
    Certains pays réagiront mieux que d'autres, mais je crois que là où le Canada aura le plus d'impact sera dans ces pays où nous avons en place un secteur privé très actif qui, ajouté au savoir-faire que nous avons au Canada, nous permettra d'aider véritablement ces pays à s'améliorer eux-mêmes.
(0905)
    Devrions-nous préconiser une attitude de fermeté affectueuse, et je songe aux pays qui refusent de collaborer? Vous et moi conviendrons que ce serait à leur avantage. Nous pourrions nous rendre dans un pays et dire: nous pourrions vous aider à réaliser telle ou telle chose, mais il vous faudra en retour faire ceci et cela.
    Ma dernière question est la suivante: devrions-nous envisager la création d'un corps de volontaires de la fonction publique, à la manière du Corps des volontaires de la paix, qui nous permettrait d'envoyer des gens sur place, et de dire que nous enverrons ces intervenants et les formerons afin qu'ils puissent bâtir la capacité requise?
    En ce qui concerne la fermeté affectueuse, c'est précisément ce que pratiquent le FMI et la Banque mondiale, dans le cas des prêts conditionnels. Ils disent que, pour obtenir l'argent, certaines exigences doivent être satisfaites.
    Nous ne parlons pas ici de prêts. Nous parlons en ce moment d'aide.
    C'est de l'aide également.
    Ce que je dis est que les programmes de prêts conditionnels sont en effet en quelque sorte des programmes de fermeté affectueuse, en ce sens que le FMI et la Banque mondiale travaillent avec le pays. Ils s'efforcent de travailler avec les gouvernements eux-mêmes, et c'est une approche d'amour ferme, en ce sens que si vous voulez l'argent, alors il y a un certain nombre de réformes qu'il vous faudra entreprendre, mais il vous faut indiquer comment vous allez mener ces réformes ou quels genres de choses vous allez faire. Les pays sont parfois même très heureux de la situation, du fait de devoir dire, à leur propre population, qu'il leur faut prendre un certain nombre de mesures de manière à surmonter les problèmes financiers existants. De fait, cela les aide lorsqu'un tiers vient leur dire que c'est tel ou tel virage qu'ils doivent prendre compte tenu de toutes les politiques qui interviennent.
    Au Canada, je pense qu'il serait ainsi approprié d'envisager des programmes d'aide conditionnelle, dont j'estime qu'ils pourraient être précieux.
    La deuxième question?
    Ce serait comme le Corps des volontaires de la paix, un corps de volontaires de la fonction publique.
    Je ne suis pas certain. Il me faudrait réfléchir à la question de savoir si cela réussirait. Je préfère toujours examiner d'abord le problème et voir ce qui doit être fait, pour ensuite déterminer les genres de ressources requises à cette fin. Pour moi, c'est là une bien meilleure approche que de dire que nous allons commencer à monter un corps de volontaire, et ainsi de suite.
    Ce qui est bien est qu'un grand nombre de jeunes gens — et c'est ce que je constate chez nombre des étudiants que nous avons — sont très désireux d'acquérir une expérience de travail en pays en développement.
(0910)
    Je voulais parler de personnes à la retraite, et non pas de jeunes gens.
    Il y a certainement une place pour les retraités, qui constituent un énorme capital humain, et qui pourraient rendre service en contribuant à cette capacité en matière de politique publique. Un bon exemple est l'aspect administration fiscale, car j'ai vu des situations dans lesquelles des fonctionnaires à la retraite ont pu aller aider différents pays. Il s'agit d'un programme très réussi.
    Merci beaucoup. Voilà que le temps dont vous disposiez est écoulé.
    C'est maintenant au tour de M. Eyking. Monsieur, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venu ici aujourd'hui.
    La page titre du numéro de cette semaine de l'Economist annonce « Africa rising », c'est-à-dire « L'Afrique en essor ». Le numéro contient toutes sortes d'informations. On y apprend qu'au cours de la dernière décennie, les six pays du monde à avoir affiché la croissance la plus rapide sont des pays africains. On peut également y lire que le quart de la croissance en Afrique est le fait de ressources naturelles, mais aussi que l'Africain moyen gagne 2 $ par jour. Que cela représente-t-il donc pour le commun des mortels?
    On nous dit dans ce magazine que l'une des nombreuses choses que nous pouvons faire pour aider l'Afrique à continuer de s'améliorer est de mettre l'accent davantage sur le commerce que sur l'aide. On y lit différentes recommandations, notamment la réduction des barrières tarifaires pour de nombreuses marchandises en provenance d'Afrique. Mais voici encore une autre recommandation:
Les investisseurs étrangers devraient signer l'Initiative relative à la transparence des industries extractives, ce qui permettrait aux Africains de savoir ce que payent les sociétés étrangères pour leurs permis d'exploitation de ressources naturelles.
    Vous devez être très au courant de cela. Quels seraient vos commentaires à ce sujet? Quel est le dossier des sociétés canadiennes? Comment tout cela cadre-t-il avec cette initiative?
    Dans le cadre de mon interaction avec des entreprises canadiennes, j'ai eu l'occasion d'observer les choses des deux côtés, c'est-à-dire de celui du gouvernement et de l'autre aussi. Si le gouvernement a mis en place les bons règlements et la bonne transparence, les entreprises s'y conformeront. Les entreprises canadiennes sont très habituées à cela et comprennent.
    Parlez-vous des pays africains? Cela est important.
    Ils comprennent cela, et cela vaudrait quel que soit le pays. Je ne parle pas d'activités au Canada, mais d'entreprises canadiennes actives dans d'autres pays.
    C'est pourquoi je reviens à l'importance de la mise en place des bonnes politiques publiques, et des politiques de zéro taxes et de zéro redevances pour ces projets d'extraction de ressources ne constituent pas de bonnes politiques publiques, mais tout le contraire. En fait, il est important que le gouvernement touche sa part des revenus et cela s'accompagne, bien sûr, d'un important potentiel de développement communautaire, si le gouvernement gère bien l'argent, par opposition à d'autres situations pouvant se dessiner et qui seraient moins heureuses pour le pays. Voilà un exemple.
    Le volet réglementation est lui aussi essentiel, car vous pouvez également établir un régime transparent grâce auquel savoir tout de suite lorsque quelque chose tourne mal et imposant une pénalité à ceux qui en sont responsables, sans oublier que le système de réglementation peut favoriser un meilleur comportement de la part des différents intervenants, des entreprises menant des activités sur le terrain.
    Voilà le genre de choses qui se font déjà au Canada et dans de nombreux pays industrialisés, et je crois qu'il est très important que les pays en développement aient eux aussi en place ces types d'institutions. La difficulté, bien sûr, est de savoir si ces pays vont les mettre en place, comment ils les géreront et quelle transparence sera exigée. Je considère donc que ces pays ont une grosse responsabilité en la matière, mais là où nous pouvons aider, c'est lorsque ces pays sont désireux d'essayer d'améliorer leur propre capacité en matière de politiques publiques, auquel cas nous nous efforçons d'appuyer ce travail, y compris...
    J'ai un ami qui a travaillé au Pakistan et qui estime que l'établissement de groupes de réflexion au Pakistan est une bonne idée, car cela exerce des pressions sur le gouvernement lui-même. Cela nous ramène à la question de la transparence et du fait d'avoir une évaluation par une tierce partie de ce que fait un gouvernement. Je ne sais trop jusqu'à quel point cet ami a vu son idée aboutir au Pakistan, mais je pense que c'est là le genre de conception de la capacité en matière de politiques publiques qui doit l'emporter.
    Devrions-nous traiter différents pays différemment, que ce soit en Afrique, ou que l'on parle des pays qu'a mentionnés plus tôt aujourd'hui un collègue? Il y a certains pays dans lesquels est en train d'intervenir la Chine. Tous les 50 et quelque pays d'Afrique sont en un sens différents, mais ciblons un pays comme le Congo.
    Le pays est aujourd'hui mobilisé par les élections, mais, dans l'ensemble, le Congo possède de vastes ressources dont nous pourrions profiter et que nous pourrions utiliser pour nos industries. Mais comment traiter avec un pays comme celui-là, avec les rebelles qui sont en place, toutes ces perturbations et les choses terribles qu'on inflige aux femmes dans ce pays? Comment intervenir là-bas en tant que gouvernement? On nous reproche déjà de ne pas y avoir envoyé suffisamment de gens pour les élections, mais le ministre m'a fait savoir que c'est tout ce qu'on nous avait invités à faire. Dans le cas d'un pays comme le Congo, avec un secteur privé et les pouvoirs publics oeuvrant de concert, comment faire pour aller là-bas, gagner de l'argent et aider les Congolais, non seulement à gagner de l'argent, mais à améliorer leurs structures? Devrions-nous traiter avec ce pays différemment, par rapport aux autres pays?
(0915)
    La situation est difficile si vous n'allez pas être bien accueillis par le pays. Il me faut avouer que, parmi les 18 pays — et c'est pourquoi je vous ai donné quelques exemples concernant la Guyane et la Bulgarie —, dans certains cas, les gouvernements sont très motivés. Ils tiennent réellement à faire beaucoup mieux et sont très réceptifs à l'idée d'apporter des changements. Je pense que c'est dans de telles situations que vous constaterez les plus gros changements.
    Dans les pays où interviennent d'autres facteurs qui influent sur le comportement des gouvernements, la pente à gravir est plus raide, car vous n'y êtes pas en présence du genre de gouvernement qui...
    Vous êtes donc presque en train de dire que nous devrions travailler avec les pays qui avancent et que cela finira peut-être par déteindre sur les autres pays, pour ensuite...
    Cela correspond un petit peu à la tactique de la fermeté affectueuse: si vous n'allez pas être réceptifs, alors nous n'allons pas remporter beaucoup de succès avec notre aide et nos programmes, et c'est ainsi qu'il nous faut être pragmatiques et voir ce qui va le mieux fonctionner.
    Pour vous donner un autre exemple, j'ai travaillé en Égypte à un moment donné, et le gouvernement n'était alors pas très motivé pour ce qui est d'apporter des changements, bien que j'aie appris plus tard qu'il avait adopté nombre des recommandations contenues dans mon rapport, ce qui avait été tout un choc pour moi. Le processus là-bas avait été très difficile, car les autorités n'avaient pas du tout été réceptives. Le ministère des Finances, tout particulièrement, n'avait pas du tout été réceptif à l'idée que quelqu'un de l'extérieur vienne examiner la situation. Il refusait de fournir des données. Tout un cas de manque de transparence: les autorités ne voulaient même pas fournir de données. Et je n'étais pas le seul à avoir vécu cela; plusieurs de mes collègues avaient connu des expériences semblables.
    L'important est que si le pays n'est pas réceptif, c'est là un obstacle qui est très difficile à surmonter. Vous êtes alors limités, dans votre intervention, à l'exercice d'influence. C'est pourquoi je dis que, si nous travaillons dans différents pays, surtout là où le Canada joue un rôle significatif, alors je pense que cela augmente dans une certaine mesure notre influence.
    Le bilinguisme est-il un outil utile dans certains de ces pays?
    Oh, absolument; c'est incroyable. Mon français est imparfait, alors je ne suis pas très fort, mais l'on recherche souvent des Canadiens pour aller travailler plus particulièrement dans les pays francophones, car, en dehors de la France, il n'y a pas beaucoup de pays qui peuvent aller travailler en milieu francophone.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entamer notre deuxième tour de table. Nous pourrons sans doute boucler au moins un tour et demi.
    Monsieur Wallace, allez-y, je vous prie, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec ma collègue, Mme Brown. Je n'ai en vérité qu'une seule question.
    L'étude qu'a entreprise le comité porte sur le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international. Étant donné que vous êtes fiscaliste, professeur, permettez-moi de vous demander ce que fait le régime fiscal canadien pour appuyer les sociétés désireuses de s'engager dans l'aide au développement? Y a-t-il des changements qui devraient être apportés? Auriez-vous quelque recommandation à faire? Y avez-vous réfléchi?
    Il s'agit en fait d'un domaine dans lequel j'ai beaucoup travaillé par le passé.
    Le Canada a un assez bon régime en ce qui concerne l'investissement en pays étranger, en ce qu'il ne crée pas d'obstacle pour les sociétés désireuses de consentir de tels investissements. Nous avons de nombreux traités fiscaux, ce qui est important. Nous avons également aujourd'hui des accords d'échange de renseignements à des fins fiscales, qui permettent à des entreprises de se prévaloir de franchises fiscales — pour certains pays en développement ou pays riches en ressources, de tels accords n'existent pas toujours —, de telle sorte que, lorsque des dividendes en provenance de ces pays leur reviennent, celles-ci bénéficient d'un crédit pour tout impôt sur le revenu versé dans le pays concerné.
    À ce stade-ci, pour ce qui est d'investissements faits à l'étranger, je ne perçois pas le régime fiscal comme constituant le moindre obstacle en la matière. Bien franchement, je ne pense pas que ce soit un sujet de préoccupation.
    Très bien. Merci. C'était ma seule question.
    Madame Brown.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Mintz, d'être des nôtres ici aujourd'hui.
    J'ai un grand nombre de questions, mais je vais m'efforcer de les condenser.
    Votre discussion sur le développement de capacités à l'intérieur des pays dans lesquels nous nous efforçons d'amener des changements m'intéresse beaucoup. Je suis moi aussi, comme M. Van Kesteren, allée au Ghana. Je sais que le Ghana a vécu cinq élections qui ont amené une transition pacifique de l'administration. J'estime que c'est dans ces genres d'endroits que nous pouvons travailler et voir se dessiner de réels changements.
    Chose plutôt intéressante, j'ai assisté à une réunion plus tôt ce matin, et qui portait sur la volonté d'intervenir. C'était avec M. Dallaire, et on y a entre autres discuté des génocides qui sont menés dans des pays où les capacités dont nous parlons n'existent pas. D'après moi, ce sont ces genres de choses — l'absence de développement de capacités — qui débouchent sur ces situations épouvantables que nous relevons, notamment en Afrique.
    Ma question est en réalité la suivante: étant donné que nous ne pouvons pas tout faire en même temps, y a-t-il des institutions dont vous pensez qu'il est plus important de les construire que d'autres, et grâce auxquelles le Canada pourrait contribuer sa compétence, son savoir-faire et une partie de son budget d'aide publique au développement, à l'appui de la réalisation de ces objectifs?
    Lors de mon séjour au Ghana, et c'est de là que vient ma question, on nous a entre autres dit qu'à Accra on commençait tout juste à élaborer un système de compilation d'adresses; qu'il n'est en fait pas possible d'envoyer ne serait-ce qu'un relevé d'impôt, du fait que l'on ne sache pas où vivent les gens. Et, bien sûr, au Bénin et au Burkina Faso, les gens se trouvent dans l'impossibilité d'établir une liste électorale, du fait qu'il n'existe pas de service d'enregistrement des naissances et que l'on ne sache donc pas qui est qui. Les gens ne font pas enregistrer la naissance d'enfants avant l'âge de cinq ans car ils ne savent pas, bien franchement, si leurs enfants vont survivre jusqu'à cet âge-là.
    Auriez-vous des suggestions à faire quant aux institutions essentielles au sujet desquelles le Canada pourrait avoir une incidence?
(0920)
    Et vous disposez d'une minute.
    C'est une excellente question. En fait, j'aimerais jusqu'à un certain point y réfléchir plus avant et vous revenir avec une réponse plus complète. Mais, a priori, plusieurs éléments me viennent à l'esprit: par exemple, la qualité du système judiciaire, mais j'évoquerais même les agences statistiques et la compilation de données. Certains pays sont en la matière plus doués que d'autres, mais il est important de disposer de données statistiques. Dans certains pays, c'est toujours un défi de travailler avec une population dont les membres ne sont pas enregistrés, ou lorsque vous ne pouvez pas imposer les revenus personnels.
    Un ami belge à moi a travaillé en Côte d'Ivoire. Il a demandé combien de contribuables participaient au régime d'impôt sur le revenu des particuliers, et le ministre des finances a répondu qu'il lui obtiendrait la réponse dans les quatre jours, puis on lui a montré une pièce dans laquelle étaient entassés tous les dossiers. L'informatisation n'avait pas encore pénétré jusque-là.
    Voilà ce que j'entends par développement des capacités. Il y a des choses très simples que nous tenons pour acquises dans ce que nous faisons vraiment bien. Mais ces capacités peuvent être établies; cela requiert une relation à plus long terme avec le pays. Voilà pourquoi je vous encourage à réfléchir au choix de ce qu'il faut cibler. Vous n'allez pas régler tous les problèmes dans tous les coins du monde, et c'est ainsi qu'il importe que nous ayons une présence dans les zones à l'intérieur desquelles nous pourrons réellement traiter des problèmes.
    J'aimerais, pour ma part, voir l'ACDI ressembler davantage à l'agence britannique — dont j'oublie pour le moment le nom — et à celle des Norvégiens, et d'autres encore. Ces agences ne se contentent pas simplement de donner de l'argent; elles constituent elles-mêmes des équipes en vue de participer et de travailler avec certains pays, si elles ne passent pas par la Banque mondiale. Je pense que nous pourrions choisir quelques pays que nous souhaiterions parrainer nous-mêmes, de sorte que ce soit notre marque qui soit à l'oeuvre dans ces pays.
    Merci beaucoup.
    Je pense que nous avons assez de temps pour une rapide question de M. Chisholm. Bienvenue au comité.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je ne sais pas si j'ai jamais pu formuler une question en peu de mots.
    Je suis curieux quant au contexte qui amène des gens comme vous, et d'autres experts du secteur privé, à intervenir dans un pays. Comme vous l'avez mentionné, le FMI a un gros bâton et n'hésite pas à s'en servir. J'aimerais en savoir davantage sur votre expérience, en représentant le Canada ou en vous rendant à l'étranger pour le compte du Canada, et sur la façon dont cela se passe. Savez-vous qui d'autre est présent dans le pays en question? Savez-vous s'il y a un objectif ou un contexte d'ensemble? Avez-vous des buts et objectifs autres que ceux correspondant à votre projet particulier?
    Pourriez-vous nous éclairer en la matière?
    Cela dépend des personnes avec lesquelles je travaille et ainsi de suite. S'il s'agit d'une mission typique, il y a, en règle générale, consentement au pays d'un important prêt conditionnel. Le FMI ou la Banque mondiale détermine certains domaines dans lesquels il souhaiterait apporter des réformes, puis envoie des équipes pour y oeuvrer, qu'il s'agisse de réformes commerciales, de réformes fiscales, de réformes de la réglementation... Il y a différents éléments qui sont examinés. Puis, bien sûr, le FMI ou la Banque s'efforce d'expédier des équipes et de travailler avec le pays.
    La difficulté que je constate toujours dans ces situations est qu'en tant qu'individu, vous venez sur place pendant deux semaines, puis vous quittez, alors que le FMI et la Banque mondiale auront une équipe ou un personnel qui travaillera continuellement, dans le temps, avec le pays, au lieu de ne faire que de s'y rendre et de repartir, au contraire des individus auxquels ils feront peut-être appel.
    L'autre aspect est que, dans le cadre d'une mission de la Banque mondiale ou du FMI, je me déplace en tant qu'expert canadien. Les Canadiens sont en règle générale très appréciés, car nous ne présumons pas de ce que le pays devrait faire. Nous l'écoutons, alors que certains experts d'autres pays ont tendance à ne penser qu'à leur propre pays et à dire « Vous devriez faire ce que nous nous faisons », ce qui est quelque peu différent. Je considère qu'il est très important de comprendre ce que sont les problèmes dans un pays et de réfléchir à la manière appropriée d'avancer dans une direction donnée.
    C'est pourquoi je pense qu'il y aurait lieu pour le Canada, lorsqu'il travaille avec certains pays, de réfléchir à la façon dont nous pourrions y oeuvrer activement, en y envoyant nos propres gens, arborant la marque de commerce du Canada, afin que ceux-ci travaillent dans le pays en vue de le renforcer. Je pense qu'il y a là un rôle pour le Canada et qu'il devrait s'y consacrer davantage.
    Et ce serait très bon pour nous, car cela témoignerait de notre capacité de travailler avec de nombreux pays. Nous avons la compétence requise. Nous avons des gens merveilleux capables de contribuer à la force de nombreux pays dans le monde. Voilà une méthode à envisager pour que notre intervention porte la marque de commerce du Canada, au lieu que nous ne fassions simplement partie d'une autre action en cours.
(0925)
    Ce n'est pas ce qui se fait à l'heure actuelle.
    Que je sache, ce n'est pas ce qui se fait à l'heure actuelle.
    C'est à cela que je veux en venir; cela ne tient pas du tout debout à mes yeux. Nous avons des bureaux commerciaux partout dans le monde. Ce ne serait que logique que de cibler certains pays.
    Nous avons un certain nombre d'organisations qui se déploient et mènent leur barque, mais je ne connais par exemple aucun effort canadien réellement concerté visant à aider la Mongolie à élaborer de meilleures politiques, à développer une meilleure capacité et tout le reste, et à gérer l'immense secteur d'extraction de ressources naturelles qui existe.
    Merci beaucoup. Voilà tout le temps dont nous disposions.
    Monsieur Mintz, merci beaucoup d'avoir été des nôtres ici aujourd'hui.
    Encore une fois, si vous avez autre chose à nous communiquer ou s'il vous venait de nouvelles idées, nous vous en serions reconnaissants de bien vouloir nous les faire parvenir. Si vous les communiquez à la greffière du comité, elle en assurera la distribution aux membres.
    Nous allons suspendre la séance pendant une minute. Avez-vous une question rapide?
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Si vous permettez, j'aimerais indiquer, aux fins du compte rendu, que le Canada cible son aide. Nous avons, pour l'heure, choisi de cibler 20 pays dans lesquels nous oeuvrons...
    Cela ne constitue pas un rappel au Règlement.
    Vous avez raison.
    ... et nous évaluons en permanence les différents éléments.
    Merci de ce non-rappel au Règlement.
    Quoi qu'il en soit, suspendons la séance pendant deux minutes, après quoi nous passerons aux témoins suivants. Merci.
(0925)

(0930)
    La séance reprend. Chacun pourrait-il regagner sa place afin que nous puissions reprendre?
    Heureux de revoir tout le monde.
    Je tiens à remercier M. Runde, du Center for Strategic and International Studies, d'être ici aujourd'hui.
    Je regarde votre CV, et je sais que vous avez passé beaucoup de temps à essayer de maximiser la contribution du secteur privé en matière de développement international. C'est ce sur quoi porte notre étude, ce qui fait de vous un témoin particulièrement intéressant. Vous pourrez nous entretenir de votre expérience, de ce que vous avez vu et de ce que vous avez été en mesure de réaliser.
    Nous commencerons par entendre une déclaration liminaire d'environ 10 minutes, après quoi des députés de l'opposition et du parti au pouvoir se relaieront pour vous poser des questions et obtenir des réponses.
    Nous nous excusons de ne pas disposer d'autant de temps que nous l'aurions souhaité, mais nous sommes reconnaissants malgré tout de cette occasion d'échanger avec vous. Je n'en dirai pas plus.
    Monsieur Runde, la parole est à vous, monsieur.
    C'est un honneur et un privilège d'être ici au Canada. Merci beaucoup de l'invitation.
    Je m'appelle Dan Runde, et, comme vous l'avez indiqué, je suis directeur du projet sur la prospérité et le développement et titulaire de la chaire William A. Schreyer en analyse mondiale au CSIS.
    Lorsque j'étais au AID, on m'a accusé de travailler pour la CIA. Et je sais qu'ici, vous allez m'accuser de travailler pour le CSIS, et je suis bel et bien coupable. Mais, dans ce cas-ci, ce n'est pas le SCRS, mais le CSIS, ou Center for Strategic and International Studies, qui est un groupe de réflexion américain sur la politique étrangère, la défense et, maintenant, le développement.
    Cela fait plusieurs fois que je viens au Canada, et j'ai notamment eu l'honneur et le privilège de participer à la conférence de Halifax sur la sécurité. J'en suis à ma troisième année, alors je connais très bien le Canada.
    Vous constaterez à entendre mes remarques que j'ai à vous livrer un certain nombre de réflexions en vue de votre étude.
    Il ne me reste encore que quelques petites phrases à vous réciter au sujet de qui je suis. J'ai travaillé au gouvernement. J'ai travaillé au Groupe de la Banque mondiale, à la Société financière internationale, où j'ai géré les relations en matière de philanthropie et les initiatives philanthropiques du secteur privé dans le cadre du Groupe de la Banque mondiale. J'ai ensuite dirigé un important bureau d'initiative à la United States Agency for International Development, qui est l'équivalent américain de l'ACDI ici au Canada et qui s'occupe de partenariats et de partenariats publics-privés. Je vous en entretiendrai un petit peu.
    J'ai également travaillé avec le secteur privé. J'ai travaillé avec ce qui s'appelle aujourd'hui la Deutsche Bank. J'ai travaillé chez Citibank. J'ai travaillé à la Bank of Boston pendant les trois années que j'ai vécues en Argentine.
    Dans une autre vie, je suis également président d'une société professionnelle à Washington. Il s'agit, en gros, de l'équivalent d'une association de praticiens en développement, et qui s'appelle la Society for International Development.
    Je porte donc beaucoup de chapeaux, et j'apporte à cette conversation de nombreuses perspectives quant au rôle du secteur privé, notamment en ce qui concerne le Canada et la coopération du Canada en matière de développement.
    Je vais livrer quelques réflexions au comité, après quoi je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Pour commencer, le Canada est un joueur mondial d'importance qui est très bien placé pour tirer profit d'un nouveau paysage sur le plan du développement. Un gros changement a été l'augmentation massive et le déplacement des ressources vers un engagement économique du secteur privé depuis le monde développé au monde en développement. Un autre changement majeur a été la reconnaissance d'un rôle central pour le secteur privé dans l'atténuation de la pauvreté.
    Permettez que je vous entretienne tout d'abord du virage qui a été emprunté pour ce qui est des flux de ressources, et que je me concentre tout particulièrement sur le scénario canadien. L'aide publique au développement du Canada, au total, est passée d'environ 2,7 milliards de dollars canadiens il y a 10 ans à plus de 5 milliards de dollars en 2010. Le comité est tout à fait au courant de cette évolution. Si vous permettez que je le souligne, il s'agit bien sûr ici de dollars canadiens et non pas de dollars américains, alors nous parlons d'argent réel, par opposition à...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Daniel Runde: Comme le sait très bien le comité, outre l'encouragement massif et l'augmentation énorme de l'APD, le Canada a, en 2009, versé plus de 12 milliards de dollars canadiens à des pays en développement. Songez-y. Il y a eu, en gros, 5 milliards de dollars en aide publique au développement, et 12 milliards de dollars au titre d'envois de fonds au monde en développement, et ce pour le seul Canada.
    Je crois qu'il est intéressant de souligner que, d'après les données les plus récentes dont nous disposons, deux parmi les 10 principaux pays sources d'immigrants récents, qui reçoivent sans doute en conséquence une part appréciable des fonds versés, sont également des pays qui présentent un intérêt stratégique. Mme Brown a souligné le fait qu'il existe 20 pays qui présentent un intérêt stratégique, dont deux qui figurent également sur la liste des pays qui bénéficient d'envois d'argent. Je veux parler du Pakistan et de la Colombie. Nous pourrons y revenir.
    Enfin, et ce qui est, je pense, le plus important, l'investissement direct étranger du Canada dans des économies en développement en 2009 a dépassé les 120 milliards de dollars canadiens. Songez-y: l'APD se chiffre à 5 milliards de dollars; les transferts d'argent représentent 12 milliards de dollars; et l'investissement direct étranger du Canada dans des pays en développement est supérieur à 120 milliards de dollars canadiens. Cela vous donne une idée de ce changement de cap majeur. Nous avons été témoins d'un déplacement gigantesque.
    Permettez-moi de passer maintenant au contexte américain. Il s'agit d'un phénomène mondial. Du côté américain, dans les années 1960, les ressources que consentaient les États-Unis au monde en développement étaient constituées à hauteur de 70 p. 100 d'APD, les 30 p. 100 restants étant le fait de contributions privées, sous diverses formes — investissement direct étranger, envois d'argent, dons versés par des groupes confessionnels, et dons de charité. La situation s'est en définitive renversée. Aujourd'hui, 15 p. 100 des ressources américaines à destination du monde en développement s'inscrivent dans le volet de l'APD, tandis que 85 p. 100 correspondent à de l'investissement direct étranger et à des envois d'argent. Si nous vous montrions un diagramme en camembert illustrant l'engagement économique canadien ainsi que les versements au titre de l'APD et de l'IDE, cela donnerait quelque chose de très semblable, comme vous pouvez vous l'imaginer sur la base des chiffres que je vous ai donnés il y a quelques instants.
    L'APD est essentielle. L'APD est importante. Mais il nous faut envisager l'APD dans le contexte de ces forces bien plus puissantes qui s'expriment dans le monde, et il nous faut réfléchir à la façon dont nous usons de l'APD dans ce paysage nouveau. En d'autres termes, les agences de développement, avec les versements de fonds d'aide publique au développement, sont devenues des actionnaires minoritaires dans le secteur du développement.
(0935)
    L'APD demeure essentielle et permet de réaliser des choses que ne le peuvent pas d'autres sources de fonds. Je ne suis donc pas en train de dire que nous privatisons l'aide. Je ne suis pas non plus en train de dire que nous devrions nous soustraire du secteur du développement. Nous avons besoin d'APD, mais il nous faut réfléchir à la façon de nous en servir dans le contexte de ce monde nouveau.
    Permettez-moi de vous entretenir maintenant du deuxième virage. Le premier est le déplacement quant aux flux de ressources. Le deuxième est une appréciation accrue du rôle de la création d'emplois et d'initiatives de développement privées. Le DFID en a fait état, tout comme le groupe de la Banque mondiale. L'analyse faite par l'ACDI a constaté que le développement est amené par la croissance du secteur privé, que 9 emplois sur 10 dans le monde en développement sont le produit du secteur privé. Ces emplois ne sont pas créés dans le secteur public, ni dans celui des ONG.
    Vous êtes nombreux à connaître l'institut de sondage Gallup. Gallup a mené un sondage dans plus de 100 pays et a découvert que 40 p. 100 des Africains comptent lancer une nouvelle entreprise au cours des 12 prochains mois. Pourquoi? Ici, dans le Nord, le fait d'être un entrepreneur relève d'un choix de style de vie. Je peux aller travailler pour Barrick Gold, la Banque Scotia ou Bell Canada, ou alors je peux lancer ma propre entreprise. En Afrique, il vous faut lancer votre propre entreprise pour survivre; il n'y existe pas de grosses boîtes pour lesquelles aller travailler.
    Voilà donc qui est différent. Je pense par ailleurs que cela devrait influer sur notre façon d'envisager notre soutien au secteur privé, car il s'agit là d'un aspect essentiel de la réalité dans les pays en développement. L'ACDI a reconnu cela en changeant l'orientation de ses thèmes prioritaires de manière à inclure la croissance économique durable. Le Canada n'est pas seul à redistribuer des ressources pour appuyer le développement privé et pour travailler plus étroitement avec le secteur privé. Par exemple, le DFID, l'agence d'aide britannique, a choisi le développement du secteur privé comme étant l'une de ses trois cibles stratégiques. Il y a beaucoup mis l'accent. Le PNUD, l'agence des Nations Unies pour le développement, a envisagé plusieurs interventions en parallèle de ce qu'il appelle les modèles d'affaires inclusifs. Il a, pendant plusieurs années, mené une initiative axée sur l'expansion de marchés inclusifs. Dans le cadre de cette initiative, l'accent a été mis sur le rôle du secteur privé. Il ne s'agit donc pas d'un phénomène canadien, mais bien d'un phénomène mondial.
    Le Canada a beaucoup à offrir au monde. Il a des marchés libres mariés avec un régime de réglementation réussi et une intendance attentive des ressources énergétiques d'intérêt pour le secteur extractif. Le Canada est réputé partout dans le monde pour sa gestion responsable de ces ressources, ce qui est une importante exportation canadienne qui doit être davantage inscrite dans la coopération en matière de développement. J'ai également en tête les gouvernements provinciaux qui ont très bien assuré l'intendance quant à leurs ressources. Il s'agit là d'un des trésors cachés du développement international.
    Nous parlons, dans le milieu du développement, du fléau qu'est le secteur extractif et de la façon de gérer les recettes pétrolières. Prenons un pays comme le Brésil. Il n'aura pas besoin d'argent à l'avenir, mais il lui faudra peut-être de l'aide experte pour gérer ses ressources, et il lui faudra peut-être cette aide au niveau infranational, par le biais de gouvernements provinciaux. Je pense que le Canada va avoir un rôle unique à jouer. Il est un messager de confiance avec un dossier formidable. Je vous soutiendrai que c'est là un aspect auquel vous avez tous réfléchi et qui sera d'une très grande importance à l'avenir.
    Pour ce qui est d'une gouvernance à l'appui du secteur privé, la gestion des ressources extractibles et des taxes fait partie de la croissance économique, car il est important d'avoir un bon environnement habilitant et un régime fondé sur la règle de droit. Le Canada a beaucoup à dire là-dessus.
    Le CRDI, organisme canadien, a fait des investissements modérés et inspirés dans des groupes de réflexion en Amérique latine. Nombre d'entre vous connaissez peut-être ce programme canadien de 50 millions de dollars, le Fonds d'encouragement des partenariats de recherche du CRDI. Je trouve cela brillant. Le budget est petit. Mon domaine est celui des groupes de réflexion, alors je ne suis peut-être pas tout à fait objectif, mais je considère qu'il s'agit d'un investissement formidable. Il n'est pas nécessaire de dépenser une fortune. Nous parlons beaucoup, dans le secteur du développement, de dialogue politique et d'influence. Ce fonds a été un investissement stratégique très important de la part du Canada.
    J'estime par ailleurs que la stratégie sur la croissance économique durable de l'ACDI cible les bons aspects — poser les fondations économiques requises. En d'autres termes, la stratégie est de promouvoir un environnement habilitant pour l'entreprise et de grossir les entreprises en appuyant leur capacité et leur compétitivité dans les pays en développement. L'ACDI appelle cela investir dans les gens.
(0940)
    Que signifient donc ces deux changements — le déplacement sur le plan des ressources et la reconnaissance que le secteur privé est le moteur du développement — pour le Canada et, plus particulièrement, pour l'ACDI?
    Premièrement, il est essentiel que l'ACDI apprenne à bâtir des partenariats avec des sociétés du secteur privé. Les partenariats publics-privés, les programmes devant les faciliter, et les investissements dans la croissance du secteur privé ne sont pas une panacée, mais ces approches permettent aux intervenants publics de multiplier et d'optimiser les ressources non traditionnelles pour corriger les problèmes grâce à des moyens axés sur le marché. Je considère que l'établissement de partenariats avec des acteurs non étatiques, y compris diasporas, groupes philanthropiques et confessionnels, et sociétés à but lucratif, sera au coeur du développement international de demain.
    Vous avez récemment entendu le témoignage de représentants de Teck et de la Micronutrient Initiative ici au Canada au sujet de l'alliance mondiale que le Canada a forgée avec l'ACDI pour assurer la distribution de zinc à des enfants. Cela est formidable, et l'ACDI devrait chercher à établir des centaines de partenariats du genre, et pas juste un.
    À l'Agence américaine pour le développement international, après 10 années d'efforts concertés pour bâtir des partenariats, le gouvernement américain en compte aujourd'hui 900. Nous nous sommes lancés sur cette voie il y a de cela 10 ans, et nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Je viens tout juste de publier un rapport sur les changements que doit encore apporter le gouvernement américain. Cela exigera un virage culturel, des modifications au niveau de la capacité organisationnelle et un peu de ressourcement — une réflexion sur la façon dont nous dépensons les ressources, sur la façon dont les gens sont récompensés. Le gouvernement américain n'a encore amorcé qu'un virage partiel. Je pense que, dans le cas de l'ACDI et d'autres agences d'aide, il s'imposera des changements organisationnels importants de manière à pouvoir travailler de façon plus stratégique avec le secteur privé. L'ACDI devrait, si vous me permettez l'expression, administrer des stéroïdes à des initiatives du genre de celle visant la distribution de zinc aux enfants.
    Pour vous donner un exemple, les cinq plus grosses sociétés minières canadiennes — Barrick, Potash, Goldcorp, Teck et Kinross Gold — sont actives dans 6 des 20 zones et régions ciblées par l'ACDI, soit les Caraïbes, le Ghana, le Honduras, le Pakistan, le Pérou et la Tanzanie. J'avancerais que, chaque fois que l'ACDI effectue un examen stratégique de l'un quelconque de ces six pays, si elle n'invite pas au minimum les grosses sociétés minières canadiennes pour avoir ne serait-ce qu'une conversation stratégique, alors c'est une erreur et une occasion perdue. Ces sociétés dépensent des dizaines de millions de dollars du côté social, dans le cadre de seuls gestes philanthropiques, mais elles contribuent des centaines de millions de dollars localement, en payant des impôts, en implantant localement des chaînes d'approvisionnement ou en appuyant des emplois locaux. C'est ainsi qu'il s'offre à l'ACDI des possibilités de démultiplier ces contributions, mais également de les réorienter et de les canaliser différemment.
    Je crois donc qu'il existe une grosse occasion à saisir, si l'ACDI et d'autres éléments du gouvernement canadien songent... surtout dans ces six pays, à tout le moins. J'avancerais par ailleurs qu'au Pakistan et en Colombie, pays qui comptent d'importantes diasporas ici, et ailleurs, si l'on cherche à savoir comment maximiser l'apport de ces diasporas, il existe quantité de possibilités de synergies entre ces autres forces pour le Canada.
    Le Canada doit élaborer des outils de financement du développement semblables à ceux de la Société financière internationale et de la plupart des autres pays du G-7. La capacité de partager le risque privé dans des contextes complexes comme ceux d'Haïti et de l'Afghanistan sera essentielle à l'avenir pour le Canada. Ce sont des instruments qui ne sont à l'heure actuelle pas utilisés sur une base bilatérale. Ils assurent le financement de projets d'infrastructure à but lucratif. Ils appuient des programmes de garantie de prêts et peuvent même donner accès aux instruments de subvention à l'ACDI pour partager le risque, surtout dans les situations plus complexes. Cela va être important.
    Le Canada semble être en train de faire un meilleur travail d'établissement de partenariats avec le secteur privé aux fins du développement de ces capacités. Le pays n'est pas seul. Ce que je vous dis n'est pas quelque chose qui vient de tomber du ciel; c'est quelque chose qui se pratique depuis 10 ans dans le milieu du développement.
    Deuxièmement, je pense qu'il s'offre au Canada une occasion formidable de mettre au point des instruments et des autorités additionnelles. Je ne pense pas qu'il vous faille créer une nouvelle agence pour faire ce travail, ni dépenser des montagnes d'argent. Et il se pourrait que l'ACDI renferme déjà de telles autorités. Cela ne doit pas nécessairement requérir la création d'une toute nouvelle bureaucratie.
    Le Canada occupe une place tout à fait unique et dispose des moyens et des possibilités d'augmenter la prospérité et la liberté des humains. La mondialisation a été telle que le rôle de l'État a été diminué, alors que les intervenants privés ont augmenté leur influence et leur capacité d'amener le changement. Le Canada maximisera sa capacité d'amener le changement dans la mesure où il parvient à travailler davantage en collaboration avec ces autres forces — qui sont souvent des forces non traditionnelles, aux yeux des milieux de développement traditionnels. Pour réussir, le Canada, par le biais de l'ACDI et, peut-être, d'autres branches du gouvernement, devra concevoir de nouvelles approches, de nouveaux processus et de nouveaux instruments.
(0945)
    L'ACDI commence tout juste à expérimenter sur une petite échelle avec des partenariats, et je vous ai cité l'initiative de distribution de suppléments de zinc. J'encouragerais le comité à appuyer l'établissement d'une plus importante capacité en matière de partenariats publics-privés, et j'encouragerais l'ACDI à élaborer ce que j'ai décrit comme étant des instruments de financement du développement.
    En se concentrant sur la croissance économique et des politiques à l'appui de cette dernière, et en favorisant l'élaboration d'instruments de financement du développement et de partenariats stratégiques, le Canada pourra non seulement faire avancer le bien-être du monde en développement, mais également élargir sa propre influence à l'étranger, et asseoir encore sa propre prospérité.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Runde.
    Vous nous avez livré d'excellentes réflexions au sujet de ce sur quoi nous nous penchons en ce moment. Je suis certain que cela va susciter des questions.
    Nous allons commencer avec Mme Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Runde, je vous remercie de votre exposé.
    Les témoins qui ont été entendus jusqu'à ce jour ont relevé des points importants. Je voudrais revenir sur l'importance des mécanismes de transparence, d'imputabilité, et de la mise en place de partenariats avec le secteur privé.
    Je pense que le développement nécessite une vision globale établie par les divers acteurs que sont la population locale, les gouvernements en place, les ONG et les entreprises privées. Cette vision globale devra, à mon avis, nous permettre d'être efficaces et de toucher les populations ciblées, qui sont dans le besoin.
     À la lumière de ce préambule, comment, d'après vous, le secteur privé peut-il arriver à réunir les différents groupes et les amener à collaborer et à coopérer au sein des communautés, pour que les projets et les programmes soient efficaces?
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je pense que nombre des possibilités de travailler avec des entreprises — je sais que l'ACDI oeuvre à des questions relatives à la sécurité alimentaire — se rattachent à des chaînes d'approvisionnement. Il est question d'établir des liens avec de petits agriculteurs. Dans la mesure, donc, où l'ACDI, des sociétés agroalimentaires ou des entreprises extractives établissent localement des chaînes d'approvisionnement, cela permettra de travailler avec les ONG et les collectivités locales et offrira en même temps des modalités grâce auxquelles les collectivités pourront bénéficier des investissements. Je considère donc que c'est un volet qui offre des possibilités formidables.
    Il existe de nombreuses organisations sans but lucratif très sophistiquées qui travaillent en partenariat avec des entreprises dans des collectivités locales. Il y a des organisations comme Vision mondiale Canada et la Fondation Aga Khan ici au Canada qui oeuvrent avec des communautés locales, mais qui ont également la capacité ou le désir de travailler avec le secteur privé.
    Nombre d'entreprises ont différents intérêts qui se chevauchent avec ceux d'agences de développement. L'alignement n'est pas parfait, mais il y a souvent un bon degré d'alignement en vue de former des gens dans le monde en développement pour qu'ils puissent réparer des ordinateurs ou utiliser différemment des technologies. C'est en partie une façon d'accroître son activité, mais c'est également une façon pour nous de brancher des habitants de pays comme le Mali, le Ghana ou Haïti sur la mondialisation — afin de satisfaire les normes mondiales. Il est donc dans notre intérêt, en tant que professionnels du développement, d'appuyer l'intégration de ces populations au côté positif de la mondialisation. Il est important d'aider les gens à se former et à se doter des moyens de participer à la mondialisation en atteignant les normes mondiales. Et cela sert en même temps un intérêt commercial.
(0950)

[Français]

    Merci.
    Au début, vous avez parlé de mécanismes de transformation. Je pense que, dans tous les cas, il faut un leader, il faut qu'un joueur saisisse les commandes. Il sera nécessaire et important que le secteur public maintienne ce leadership et qu'il suive de près ces mécanismes de transformation.
     Vous avez parlé de l'aide publique au développement, et vous avez amené l'idée de transformer la façon de faire par rapport à cette aide publique. De quelle façon voyez-vous cette utilisation de l'aide publique?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Permettez que je cite l'exemple de certains de ces pays pour lesquels il y a un chevauchement entre un secteur ciblé par le Canada et un intérêt du côté de l'industrie extractive. Je pense que l'ACDI doit avoir la capacité et les moyens de convoquer les intervenants du secteur privé et de s'entretenir avec eux, et ce en s'y sentant tout à fait à l'aise. Il se pose un certain nombre de questions culturelles pour le milieu du développement. Parfois, nous ne parlons pas la même langue. Mais je suis convaincu qu'il est tout à fait possible pour l'ACDI d'assumer un rôle de facilitateur et de s'adonner à du travail de planification conjointement avec certains de ces autres acteurs dans le développement. Le secteur privé compte parmi ces derniers.
    Je sais que l'ACDI fait de la planification relative aux pays bénéficiaires, et c'est ainsi que, tous les deux, trois ou quatre ans, il y aurait une occasion pour ce que j'appellerais de « l'agnosticisme programmatique »— nous ne savons pas ce que nous allons faire de l'argent pendant les trois à quatre prochaines années. Il nous faut faire intervenir ces autres joueurs, qu'il s'agisse de groupes de la diaspora, de sociétés minières ou d'entreprises agroalimentaires. Il pourrait y avoir d'autres multinationales, locales ou autres, dans le cadre du processus suivi par l'ACDI pour déterminer ce qu'elle va faire de ses ressources pendant x années.
    Il y a donc une fonction de convocation. Il y a peut-être une fonction de planification conjointe, d'identification des possibilités de travailler à tel ou tel endroit. Cela ne veut pas dire qu'il vous faut tout faire en partenariat. Le partenariat est une formule. C'est une façon de résoudre un problème et d'intégrer d'autres atouts, ainsi que de régler des problèmes au moyen de synergies. J'estime qu'il s'agit là d'un instrument qui est présentement sous-utilisé. Je pense que l'ACDI pourrait, et doit, bâtir cette capacité.

[Français]

    En résumé, il faut maintenir cette implication, mais peut-être la transformer afin qu'elle puisse être plus opérationnelle et opérante.

[Traduction]

    Excusez-moi, vous voulez dire pour l'ACDI?
    Oui.

[Français]

    Oui, de façon générale.

[Traduction]

    Oui. J'ai écrit là-dessus, et je vais vous fournir certains articles qui sont de moi et qui ont été publiés dans L'observateur de l'OCDE, qui est le périodique du CAD, c'est-à-dire le Comité d'aide au développement, qui, pour ceux d'entre vous qui suivent cela est la Ligue nationale de hockey — étant donné que je me trouve ici au Canada — du milieu du développement. Si je me trouvais en Europe, je dirais que c'est la FIFA du milieu du développement. J'ai écrit sur ce sujet particulier pour cette publication.
    La revue The Public Manager a également publié le fruit de mes réflexions sur les genres d'interventions et d'incitatifs que l'ACDI devra proposer. Lorsque je travaillais pour le gouvernement américain, j'ai également produit un rapport sur une trentaine d'études de cas, ce qui vous fournira des exemples. J'en ai ici plusieurs copies à l'intention du comité.
    Il y a cinq semaines, j'ai publié un rapport sur la capacité actuelle du gouvernement américain, et cela vous donnera, je pense, une idée des genres de capacités qui devront être améliorées encor, et peut-être également des éléments de réponse à certaines des questions que vous soulevez ici relativement à l'ACDI.
    Merci beaucoup. Voilà qui met fin au temps dont vous disposiez.
    Nous allons maintenant passer de l'autre côté de la table, avec le parti au pouvoir.
    Madame Brown, vous disposez de sept minutes. Allez-y, je vous prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Runde, d'être des nôtres ici. J'ai lu quelques-unes de vos études en ligne, notamment celle sur le partage du risque dans un monde de dangers et de possibilités. J'ai lu votre article sur le développement en période d'aide étrangère rétrécissante, et je pense que vous avez abordé quelques-uns de ces thèmes ici ce matin, notamment l'établissement de partenariats publics-privés et l'importance de ces derniers pour l'avenir.
    Je vais vous livrer une hypothèse, et vous inviterai à tirer la chose au clair. Avez-vous fait partie du Legatum Center for Development and Entrepreneurship?
(0955)
    Non, mais j'aime beaucoup ce centre. Je le connais très bien. J'ai des amis qui ont travaillé avec lui. Will Inboden et Mike Magan ont tous deux travaillé avec moi au gouvernement sous une administration antérieure. Ce sont des amis à moi, et ils ont travaillé au Legatum Center. Ils n'y sont plus. Mais mon propos est que ce centre fait du travail très intéressant. Vous avez peut-être...
    J'ai quelque chose à dire à ce sujet, et je compte que vous aurez des commentaires à faire en la matière.
    Pour la gouverne du comité, le Legatum Center for Development and Entrepreneurship a été fondé sur la base de la croyance que le progrès économique et la bonne gouvernance dans les pays à faible revenu sont le fruit d'entrepreneurship et d'innovations qui investissent de pouvoir les simples citoyens. Est en place une entente par le biais du MIT, les étudiants du MIT créant des entreprises dans des pays à faible revenu. Et voici une citation: « Nos fellows actuels et futurs cherchent à créer des sociétés à but lucratif qui habilitent les simples citoyens et propagent prospérité et développement ».
    Vous avez déclaré ici même ce matin que 40 p. 100 des Africains comptent lancer une nouvelle entreprise au cours des 12 prochains mois. Je suis allée en Afrique, et il s'y trouve un nombre extraordinaire de petites échoppes où les gens vendent produits et marchandises, et c'est ainsi qu'ils subviennent aux besoins de leurs familles.
    Nous avons reçu ici, il y a quelques semaines, Hernando de Soto. Je suis certaine que vous le connaissez. Sa philosophie ou théorie de base est qu'un grand nombre de ces personnes sont en situation extrajudiciaire du fait de ne pas avoir accès à du capital réel, premièrement parce qu'elles ne se trouvent pas sur un lieu détenu en propriété et ne jouissent pas de droits de propriété.
    Il intervient ici quantité d'éléments. Mais, vu cette toile de fond, comment nous autres Canadiens pouvons-nous aider à créer des possibilités pour ces 40 p. 100 d'Africains qui sont désireux de lancer une affaire et d'être prospères, alors qu'ils sont aux prises, chez eux, avec les problèmes de jouissance de droit à la propriété, d'accès au capital, du régime fiscal, de l'appareil judiciaire, et ainsi de suite? Pourriez-vous faire un peu la lumière là-dessus?
    J'aurais une ou deux remarques à faire. Il existe plusieurs Legatum. Il y a le Legatum Center au MIT. Permettez que je vous en parle moi aussi. Iqbal Quadir est le fondateur du Legatum Center de MIT. Il est originaire du Bangladesh, et il s'est lancé il y a 15 ans, à une époque où personne ne croyait qu'il était possible d'avoir une véritable entreprise de téléphone cellulaire au Bangladesh. Il a fait fortune, mais, ce qui est plus important, son initiative a pour la première fois investi les pauvres du pouvoir qu'offre le cellulaire. Cela a devancé ce qui est arrivé en Afrique de l'Est. Vous connaissez peut-être Celtel, qui a fait de Mo Ibrahim — un de mes héros personnels, qui a apporté le cellulaire, le pouvoir du cellulaire et la connectivité cellulaire aux pauvres en Afrique — un milliardaire. Bien franchement, j'aimerais qu'il y ait davantage de Mo Ibrahim africains.
    Iqbal Quadir est un grand homme et un héros de notre époque, et c'est lui qui dirige le Legatum MIT Center. L'autre Legatum Center que j'ai évoqué, celui-là situé à Londres, a élaboré une matrice en guise d'indice de prospérité. Il existe dans le monde quantité d'indices du développement, et cette matrice reflète un indice qui est, je pense, le meilleur de tous, et je veux parler de l'Indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale.
    Je vais revenir sur ce que cela signifie pour le Canada.
    L'Indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale est l'une des plus importantes réalisations jamais faites par une agence de développement, car lorsque la Géorgie est comparée à l'Azerbaïdjan ou à l'Arménie, et que le pays accuse un retard par rapport à l'Arménie, alors peu importe aux Géorgiens comment ils se comparent aux Français ou aux Canadiens, mais ils sont très intéressés par la façon dont ils se comparent à leurs voisins; ils y sont très sensibles, et cela oblige... Les dirigeants dans ces pays disent « Je ne veux pas être 50 points en arrière des Azerbaïdjanais; nous avons de toute façon toujours pensé que nous étions meilleurs qu'eux ». Ils ne s'expriment pas en ces termes-là, mais c'est un petit peu le ton sous-jacent, et la dénonciation et la honte obligent à des changements majeurs.
    Les formalités dans ce contexte sont très importantes, et Hernando de Soto en parle. Les gens doivent pouvoir payer des impôts et participer à la société — afin d'obtenir des prêts au-delà du microfinancement, de passer au système bancaire, d'être « bancarisés ». Ce n'est pas un vrai terme français, mais cela fonctionne en espagnol. Je devine que le mot « bancarisé » fonctionne probablement mieux en français qu'en anglais. L'aspect formalité est donc très important.
    Que cela signifie-t-il pour le Canada? Comme je le disais, le Canada a cette stratégie sur la croissance économique durable. L'établissement de fondements économiques est l'un des sous-thèmes de la stratégie de croissance économique durable pour le Canada. Je pense qu'interroger sérieusement l'ACDI sur la façon dont elle appuie des groupes de réflexion, dont elle appuie la primauté du droit, dont elle appuie les pays... Si un pays veut améliorer son classement selon l'Indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale, comment l'ACDI aide-t-elle, de manière bilatérale, le gouvernement du pays concerné à y parvenir?
    Voilà ce que peut faire l'ACDI. Elle peut animer ce genre de dialogue sur la politique. Nous parlons dans le secteur du développement de dialogue politique. L'ACDI peut assurer le développement des capacités et appuyer les politiques. Cela ne représente pas une somme d'argent énorme. Le Canada a un important rôle à jouer, et l'ACDI l'a reconnu. Il est très important qu'elle entende le comité dire « Nous sommes vraiment heureux que vous soyez en train de poser les fondations économiques; nous voulons en entendre parler davantage et nous pensons qu'il vous faut en la matière hausser le volume ». Voilà comment l'ACDI pourrait, selon moi, jouer un rôle, et voilà comment le comité pourrait jouer un rôle par le biais de certains de ses rapports.
    Permettez que je revienne sur un autre aspect. J'aimerais insister sur la question des instruments de financement du développement. Le Canada est le seul pays du G-7 qui n'ait pas d'agence de financement du développement. L'époque que nous vivons en est une d'austérité. Je ne suis pas en train de recommander au comité qu'il monte encore une autre bureaucratie. Je ne suis pas convaincu qu'il y ait de goût ici au Canada pour cela en ce moment. Je ne peux pas m'imaginer que ce soit le cas. Je crois cependant que l'ACDI pourrait très bien se munir d'instruments supplémentaires visant à aider à partager le risque, surtout dans des pays comme l'Afghanistan et Haïti, ces endroits du monde plus difficiles que le Canada a choisi de cibler à certains égards. Je ne pense pas que vous devriez recourir à de tels instruments en Ukraine, qui compte parmi vos 20 pays ciblés. L'Ukraine a beaucoup d'argent.
    Je vais m'arrêter là.
(1000)
    Non, terminez votre explication.
    J'aimerais seulement dire que je pense que le comité, dans le cadre de son rapport et des questions qu'il va poser, devrait dire qu'il appuie l'établissement de fondations économiques, aspect dont parle l'ACDI. C'est précisément le genre de chose dont parlait Hernando de Soto relativement à la question d'aider les gens et de les intégrer au secteur formel, ce qui devrait être notre objectif. S'ils intègrent le secteur formel, ils pourront accéder à des prêts bancaires et participer au système légal.
    J'estime qu'il y a une étape supplémentaire grâce à laquelle, au moyen du partage des risques et de l'encouragement des organisations financières, soit en accumulant ou en catalysant l'investissement privé, si vous avez lu dans ce rapport... Et je vous remercie de l'avoir lu — vous et ma conjointe et ma mère et deux ou trois autres personnes.
    Mon propos est qu'il est très important que le Canada ne passe pas à côté de cette occasion qui s'offre à lui. En plus de se pencher sur le dialogue en matière de politiques, le comité a cette merveilleuse occasion d'examiner la question d'instruments pour le financement du développement. Il ne s'agit pas de dépenser une fortune, mais des autorités supplémentaires seront nécessaires.
    Merci beaucoup.
    Retournant maintenant de l'autre côté, monsieur Eyking, vous disposez de sept minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
     Vous avez une solide connaissance du développement de tous les différents secteurs, surtout en Afrique. J'ai dit au témoin qui vous a précédé que la revue The Economist a beaucoup fait état de l'Afrique en essor, et cela est excitant. Si nous regardons certains des pays, le chemin y sera difficile, mais ce qui est en train de se passer est excitant pour la majorité des pays.
    Ce qui est arrivé en Tunisie est que ce vendeur de légumes était l'un de ces 40 p. 100 d'Africains qui voulaient simplement se lancer en affaires, mais qui se sont trouvés confrontés à des chinoiseries administratives et à trop de contraintes. Il y a beaucoup de jeunes gens et ils veulent simplement se lancer. Comment le Canada joue-t-il un rôle? Vous avez livré ici de très bonnes idées, surtout en ce qui concerne la diaspora et ce système de financement du développement. Et comment pouvons-nous bâtir à partir de là?
    Toujours selon ce même article, la réalité est que l'habitant moyen touche 2 $ par jour. Nous pouvons faire preuve de leadership. Je me souviens d'avoir mené des projets en Amérique centrale, et moi, je payais 5 $ par jour, mais tous les autres payaient 3 $ par jour. Les gens m'en voulaient de payer 5 $ par jour, mais, tout d'un coup, tout le monde se faisait payer 5 $ par jour. Parfois, en tant qu'entreprise canadienne, il nous faut dire que nous n'allons pas être le plus bas payeur alors que nous faisons tous cet investissement. Ce devrait être là un rôle pour nous en tant que Canadiens: soyons les meilleurs payeurs dans ces endroits, car cela contribuera à rehausser l'échelle tout entière.
    J'aimerais revenir sur les systèmes de financement du développement, dont vous dites qu'ils font défaut à l'ACDI. J'ai parfois l'impression que les gouvernements sont quelque peu nerveux, car, tout d'un coup, il y a un projet qui n'a pas fonctionné et les médias et l'opposition en font tout un battage. C'est ainsi que cela fonctionne. Parfois, en tant que gouvernement, nous prenons peur et décidons de ne pas aller à tel ou tel endroit, de crainte que quelqu'un échoue ou qu'il arrive quelque chose. Que pensez-vous de ce système de financement du développement en faisant intervenir la diaspora, avec un gros bassin d'argent, le gouvernement jouant un rôle et la diaspora jouant celui qui lui revient? Vous dites qu'il y a tout cet argent qui flotte partout, alors pourriez-vous expliquer un peu mieux comment ce mécanisme fonctionnerait?
(1005)
    Je pense que vous avez mis le doigt sur un problème qui est courant, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou des Nations Unies. Vous avez mis le doigt sur plusieurs choses. Permettez que je traite de quelques-unes d'entre elles, et je reviendrai ensuite sur votre question si j'en ai le temps.
    Je conviens que l'Afrique est différente de ce qu'elle était il y a 10 ou 15 ans, et j'estime que le Canada a un rôle incroyable à jouer. Je reviens sur la question de la gestion des industries extractives. Il s'agit là d'un aspect pour lequel l'ACDI a un rôle à jouer, dans le cadre de son investissement dans le dialogue sur les politiques, faisant appel aux gouverneurs provinciaux et à l'expérience des gouvernements provinciaux, étant donné surtout que vous avez une expérience francophone dans l'Afrique francophone, dans des pays comme le Congo, expérience que vous avez mentionnée plus tôt dans la question que vous avez posée à l'autre invité. Cela va selon moi être un élément important dans l'avenir de l'Afrique. Il y a quantité de pays qui vivent une véritable explosion d'activités extractives et la façon dont ils géreront cet argent va être quelque chose de très important. Le Canada a un rôle significatif à jouer.
    Pour ce qui est de la sécurité alimentaire et de l'agriculture, le Canada a un rôle d'envergure à jouer en ce qui concerne les questions de sécurité alimentaire. Je commencerais par ces deux choses.
    Troisièmement, en ce qui concerne la question du dialogue sur la politique à l'intérieur de la sphère d'une croissance économique durable, il importe, comme je l'ai dit, d'oeuvrer à l'instauration de la primauté du droit. Je crois que cela va être très important, car nombre des 53 pays de l'Afrique subsaharienne vont, comme vous l'avez dit, avoir la possibilité de décoller. Ce n'est pas tant une question d'APD — cela sera utile pour faire venir les compétences —, mais celle d'assurer que le tir est juste en ce qui concerne la primauté du droit. C'est ce que l'on constate par exemple au Ghana, entre autres.
    En ce qui concerne les entreprises canadiennes, oui, je pense que le Canada apporte en général des normes en matière de travail et d'environnement, y compris dans son secteur minier. Vous apportez des normes de classe mondiale face à quantité de défis planétaires. Alors, oui, je pense que les normes en matière de conduite des affaires sont un élément important de ce que contribue le Canada. Je suis tout à fait d'accord.
    Traitant maintenant de la question du financement du développement par la diaspora, je pense qu'il a été mené plusieurs expériences utilisant les économies et l'argent envoyé par les diasporas et cherchant à les catalyser pour les utiliser pour des obligations ou du financement. Voici comment j'en envisagerais la mécanique: le gouvernement pourrait assurer un genre de garantie du risque quant à la façon dont l'argent serait utilisé. Ce qui arrive souvent est qu'il vous faut, dans le pays en développement, passer par une banque ou une institution financière sur le terrain, et celle-ci sera désireuse de partager le risque avec quelqu'un. C'est ainsi que l'ACDI pourrait, au minimum, être autorisée par le Parlement à utiliser des fonds d'aide gratuite pour partager le risque ou créer de nouveaux instruments, qui seraient une forme de garantie de prêt à offrir au secteur privé. Voilà une façon dont le gouvernement pourrait jouer un rôle.
    Il vous reste une minute et demie, Mark.
    Nous voyons les fondations Bill Gates et Rockefeller et la façon dont elles fonctionnent. Quantité de gens y injectent de l'argent, et ils savent qu'il y aura des échecs et des réussites. Il leur faut avoir un objectif, les villages du millénaire et ainsi de suite. Je pense que c'est un problème pour nombre de gouvernements. Ils ont peur d'échouer, n'est-ce pas? J'ignore si les Britanniques, les Norvégiens ou les Hollandais font autrement, mais je trouve que nous sommes à l'occasion quelque peu hésitants. J'aime l'idée d'un mélange avec le secteur privé et de l'offre de garanties. Je pense que tout le monde a le sentiment de faire partie de la grande solution.
    Je crois que la question du partage et de la prise de risques est très difficile pour les fonctionnaires. Ils se font brûler une ou deux fois; cela nuit à leur carrière et est très embarrassant, et difficile. Il intervient donc toutes ces désincitations.
    Je pense que cela requiert un leadership depuis en haut, des ministres, mais également des hauts fonctionnaires, pour dire qu'ils vont offrir une couverture aux fins de la prise de certains risques calculés, et que si cela devait échouer, alors il nous faudrait être en mesure de... Dans la mesure où ils peuvent dire: voici 10 bonnes choses qui sont arrivées, et vous avez bien sûr raison, ce n'est pas comme cela que tourne le monde, mais même dans le domaine de la philanthropie la chose est difficile. La philanthropie privée a elle aussi de la difficulté avec l'échec.
    Un certain nombre d'organisations, comme la Fondation Hewlett, s'efforcent de parler plus ouvertement de leurs échecs, mais c'est chose difficile. Cela est difficile sur le plan culturel. Vous avez mis le doigt sur un aspect qui est très important. Mais je pense que la solution réside dans le leadership des ministères, qu'il s'agisse du président de l'ACDI ou du ministre, dans la mesure où chacun peut offrir une certaine protection bureaucratique à des fonctionnaires très capables.
(1010)
    Merci. Nous n'avons presque plus de temps.
    Monsieur Dechert, vous avez sans doute le temps de poser une rapide question.
    Je ferai très vite. Je vais poursuivre dans la foulée des questions de M. Eyking.
    Merci beaucoup de votre déclaration.
    Vous avez mentionné les communautés de diasporas. Le Canada est le pays du monde qui accueille le plus grand nombre de nouveaux immigrants, par tête d'habitant, et nous comptons d'importantes communautés de diasporas de tous ces pays et il y a de nombreux Canadiens issus de ces communautés qui réussissent fort bien.
    Outre votre suggestion en matière de garanties de prêts, par quels autres mécanismes pourrions-nous tirer profit de ces communautés — de leurs compétences linguistiques, de leur connaissance des cultures d'affaires et des marchés locaux — en les encourageant à faire des investissements, à employer des citoyens de ces pays dans leurs entreprises dans ces pays?
    Vous posez là une excellente question.
    Je commencerais avec les 20 pays ciblés par l'ACDI, et je les entrecroiserais avec les diasporas. Je commencerais par en dresser le portrait.
    Je pense qu'il y a plusieurs moyens dont vous pourriez vous engager auprès des diasporas. Une question serait celle de savoir si l'ACDI peut utiliser à cette fin ses budgets d'APD? Pourquoi est-ce que je pose la question? Parce que le DFID a, par exemple, il y a de cela plusieurs années, utilisé des fonds destinés à l'APD pour faire connaître le coût de l'envoi d'argent par Western Union comparativement à d'autres intermédiaires, tout simplement pour que cela soit transparent et plus simple pour les communautés d'immigrants. L'une des questions dont nous avons parlé est celle de la façon de réduire le coût des transferts de fonds.
    Le DFID a dit qu'il allait laisser le marché fonctionner, qu'il allait simplement faire en sorte que ce soit plus transparent. Il a utilisé un peu d'APD. On pouvait le constater dans les communautés d'immigrants; les gens avaient des petites cartes annonçant ce qu'ils allaient pouvoir obtenir pendant la semaine de Western Union, et on a vu les prix commencer à baisser pour quelque raison. J'ignore de quoi il retournait, mais l'important... En tout cas, il y a cela.
    Pour revenir à la question du travail collectif de développement, je pense également qu'il y aurait lieu de travailler avec les ONG canadiennes pour les encourager. Vous pourriez même créer une demande de propositions annonçant que vous allez créer un corps de bénévoles de la diaspora pour intervenir à court terme... Il n'est pas nécessaire que ce soit un corps de bénévoles pour la paix; ce sont là des programmes d'envergure et coûteux. Mais il existe souvent ici au Canada un secteur privé très sophistiqué avec des liens à la diaspora, et il me semble qu'en tant que Canadiens vous pourriez lancer une DP et, avec un peu d'argent de l'ACDI pour coller le tout ensemble, vous pourriez bâtir une certaine capacité.
    Les diasporas pourraient également être des partenaires directs. Certaines diasporas sont plus organisées que d'autres, et cela pourrait donc fonctionner dans le cas des groupes mieux organisés.
    Pour revenir maintenant à la question de savoir s'il serait possible d'utiliser des fonds très limités de l'ACDI pour bâtir la capacité des communautés des diasporas pour qu'elles s'organisent mieux afin d'entreprendre ce genre de choses, je ne dis pas que cela supposerait des sommes énormes, car des petites subventions de développement de capacités feraient l'affaire.
    J'estime qu'il existe certaines possibilités de travailler en partenariat avec le secteur des ONG, de travailler en partenariat avec les diasporas et de maximiser le bénévolat. Je pense également qu'il existe, dans le cas de nombre des pays qu'a ciblés le Canada, un élément de conflit, et je crois donc qu'il est de plus en plus important de faire appel à ces diasporas pour mettre à profit leurs compétences linguistiques et leurs contacts. Les méthodes de recrutement, le choix des recrues et la façon de les engager pourraient relever d'un processus de consultation à court terme dans des pays comme Haïti, le Pakistan ou l'Afghanistan, où le Canada a consenti d'importants investissements et va demeurer en place pendant longtemps.
    Merci.
    Merci, monsieur Runde. Merci beaucoup.
    Encore une fois, s'il est des documents dont vous pensez qu'ils pourraient intéresser le comité, nous vous demandons de nous les faire parvenir et nous veillerons à ce qu'ils soient distribués aux membres. Même certains des liens que vous avez mentionnés seraient très utiles.
    Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ici. Cet échange a été très instructif. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez accordé.
    Merci. Cette rencontre a été un honneur et un privilège pour moi. Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance pendant une minute pour permettre au témoin suivant de s'installer, après quoi nous reprendrons.
(1015)

(1015)
    La séance reprend. Tous les membres du comité pourraient-ils regagner leur place afin que nous puissions commencer avec le dernier témoin?
    Encore une fois, j'aimerais remercier M. Robert Schulz, professeur à l'Université de Calgary, d'être des nôtres ici aujourd'hui.
    Monsieur Schulz, je vais vous donner la parole. Vous disposez de 10 minutes pour votre déclaration liminaire, après quoi nous vous poserons des questions par roulement, comme vous l'aurez vu lors de l'audition des deux témoins qui vous ont précédé.
    Merci beaucoup d'être venu ici. Vous avez la parole, monsieur.
    Je tiens tout d'abord à dire que je suis heureux d'être ici.
    Pour résumer mon propos, je vais vous entretenir du fait que de l'argent plus futé de la part du gouvernement canadien et de réseaux de collaboration pourrait produire la durabilité et des résultats à long terme pour les populations qui ont besoin d'aide. Je n'ai pas de baguette magique, mais j'espère pouvoir vous donner un peu de fil d'argent vous permettant de coudre ensemble certains éléments qui existent déjà dans le Canada d'aujourd'hui.
    Revenant maintenant au développement international, ma première expérience intensive à cet égard m'a été offerte par un étudiant que j'ai encadré à la fin des années 1970. Sa thèse de maîtrise portait sur l'histoire africaine, et je l'ai aidé à se concentrer sur les milieux d'affaires. Il a découvert qu'en Afrique les ONG réussissaient 13 fois mieux que les versements de gouvernement à gouvernement.
    Il a défendu sa thèse de maîtrise et il est maintenant un cadre de très haut rang à l'ACDI. Il s'appelle David Foxall. J'espère pouvoir le retrouver par le biais du gouvernement, car on l'a déménagé de-ci de-là et il est difficile à trouver.
    Je suis présentement administrateur de la Fig Tree Foundation à Calgary. Il s'agit d'une organisation à but non lucratif qui réseaute avec 45 ONG, dont le CAWST, c'est-à-dire le Centre for Affordable Water and Sanitation Technology, qui s'occupe d'eau et de services sanitaires partout dans le monde; Light Up The World, qui s'occupe de lumières solaires; Opportunité Internationale, et de nombreuses autres organisations. L'une des choses que nous avons constatées est que la plupart des ONG dépensent beaucoup d'argent sur de l'infrastructure et ne collaborent pas forcément entre elles, et c'est ainsi que nous avons créé une table ronde de 45 ONG qui discutent entre elles et échangent leurs pratiques exemplaires.
    Outre cela, l'un de mes anciens étudiants, Avik Dey, a été le directeur des finances chez Remora. Il s'est rendu dans le bassin de Llanos en Colombie, à la recherche de pétrole et de gaz naturel. Malheureusement, la société a été vendue et il est maintenant de nouveau disponible. Son idée principale — lui et moi avions la même — était de faire travailler en réseau les organisations bénéficiaires.
    En Amérique du Sud, la plupart des entreprises doivent consacrer à des activités d'entreprise sociales 1 p. 100 de leurs dépenses en immobilisations et de leur revenu. Elles font cela chacune de leur côté. Elles ne collaborent pas entre elles. Notre concept est de former au Canada un réseau d'ONG qui travaillent avec les entreprises implantées dans les zones bénéficiaires, et qui investissent dans l'extraction pétrolière, gazière ou autre. Que ces entreprises fassent du réseautage entre elles, ce qui nous permettra alors de partir à la recherche de ce qui est vraiment nécessaire sur la base d'une analyse des besoins sur place.
    Il existe également de nouvelles technologies relatives au charbon, à l'énergie et à l'eau qui seraient ainsi mises à la disposition des pays en développement. Je suis administrateur d'une très petite boîte à Calgary, qui travaille à ses risques et périls, et qui a fait d'importantes percées avec du charbon à très faible production de dioxyde de carbone, peu importe où en est le Canada relativement à l'accord de Kyoto. En plus de cela, la propriété intellectuelle ne réside pas nécessairement dans l'université, et cet inventeur a remporté des succès fabuleux avec de nombreux projets axés sur le charbon, les hydrocarbures et la purification de l'eau.
    En Afrique, un élément du réseau est John Waibochi, de VirtualCity, au Kenya. Il a remporté le prix Nokia de 1 million de dollars pour la meilleure application TI en Afrique et dans le monde: il prend les cartes intelligentes qu'ont les agriculteurs et élimine la corruption de la chaîne d'approvisionnement. Je lui ai demandé comment il se faisait qu'il n'était pas encore mort, et il a répondu que c'est parce que le gâteau est ainsi plus gros pour tout le monde.
    Ce que je suis en train d'essayer de dire ici est qu'il y a de nombreux morceaux du puzzle que je connais et d'autres morceaux du puzzle que d'autres connaissent au Canada. Il serait très utile que le comité essaie de coudre tous ces morceaux ensemble.
    Une autre fondation a été mentionnée par l'intervenant qui m'a précédé — la Fondation Aga Khan, qui a son siège à Ottawa. Et CAUSE et CARE oeuvrent déjà dans le domaine du développement international. Il se trouve en fait à Calgary une très nombreuse communauté musulmane ismaïlienne. Cela fait 15 ans que je m'occupe des prix d'études pour cette communauté. Elizabeth Florescu est la directrice de la recherche pour les Objectifs du Millénaire pour le développement. Elle habite Calgary. Il existe ainsi de nombreuses possibilités de réseautage.
    L'élément clé sur lequel je tiens à insister une nouvelle fois, et c'est là-dessus que je conclurai, est que l'argent futé et les réseaux de collaboration produisent durabilité et résultats à long terme. Loren Falkenberg, qui compte parmi mes collègues, a corédigé « The Role of Collaboration in Achieving Corporate Social Responsibility Objectives », qui traite, encore une fois, de réseaux de collaboration.
    La question clé ici est celle de savoir si le gouvernement du Canada et le secteur privé peuvent co-diriger — travailler ensemble — pour aider davantage de gens et dépenser moins d'argent, ce faisant.
    Merci beaucoup.
(1020)
    Merci, monsieur Schulz.
    Pourquoi ne pas passer tout de suite aux questions. Nous allons commencer de ce côté-ci, à ma gauche, avec Mme Sims.
    Merci beaucoup.
    Merci de vos brefs commentaires.
    L'une des choses que vous avez, je pense, soulignées, est la nécessité qu'il y ait collaboration et que les gens travaillent ensemble. Je pense que nous tous dans cette salle conviendrions que dès lors qu'il y a 5, 10 ou 15 groupes différents oeuvrant dans un secteur, il est en effet tout à fait logique qu'il y ait collaboration, sans quoi chacun pourrait très bien contrecarrer les efforts des autres.
    L'autre point que vous avez, je pense, souligné, est qu'il y a un rôle pour le secteur public, le gouvernement, dans notre travail international.
    L'une des choses qui appuient, je pense... Et vous avez peut-être également entendu cela de la bouche de l'intervenant antérieur, qui a mentionné le rôle croissant du secteur privé et un déséquilibre préoccupant — en ce qui nous concerne, de ce côté-ci, en tout cas — susceptible d'accroître le rôle du secteur privé, mais de diminuer celui du secteur public. Et je veux parler ici du gel du financement de l'ACDI aux fins de notre travail international.
    En même temps, nous convenons que le secteur privé joue bel et bien, et peut jouer, un rôle efficace complémentaire au travail effectué par et à travers l'ACDI.
    Comment voyez-vous l'ACDI appuyer certaines des initiatives dont vous avez parlé ou certains des travaux que vous nous voyez mener à l'étranger? Considérez-vous que cela représente un volet essentiel de notre travail international?
    Je pense que l'ACDI peut jouer un rôle majeur, et c'est déjà ce qu'elle fait.
    Il serait utile que l'ACDI documente ses réussites sur le terrain, car il n'y a pas suffisamment de documentation quant aux raisons pour lesquelles certaines choses fonctionnent sur le terrain ou ne fonctionnent pas, et cela pourrait alors être mis à la disposition des entreprises privées se trouvant à l'intérieur du même territoire géographique. L'ACDI pourrait par ailleurs convoquer la rencontre et la co-animer, si vous voulez.
    Je suis coauteur d'un livre intitulé Corporate Integrity: A Toolkit for Managing Beyond Compliance. Le premier auteur est Donna Kennedy-Glans, ancienne vice-présidente internationale pour Nexen. Elle a parcouru le monde entier. L'élément essentiel que nous avons relevé est que les sociétés ont différents niveaux de ce qu'elles appellent l'éthique ou la responsabilité d'entreprise. Certaines d'entre elles se contentent du niveau de conformité, s'en tenant strictement aux règles, ce qui correspond au niveau cinq. Nous avons en fait 10 niveaux. L'une des choses que pourrait donc faire l'ACDI serait d'essayer d'obtenir des sociétés qu'elles passent à un niveau de compréhension supérieur de ce qu'est la responsabilité des entreprises.
    Il ne s'agit pas simplement de suivre les règles, mais, au bout du compte, nous voulons que les entreprises dépensent leur argent à bon escient afin qu'il y ait un développement durable, et nous ne parlons pas simplement de l'argent et du produit qui sort d'un pays, mais bien de ce qui est laissé derrière. La clé serait que l'ACDI essaie de trouver quelqu'un comme Bill Gates ou Warren Buffet au Canada pour co-diriger cela, car ceux-là en sont au palier 10 en ce qui concerne leur degré d'intégrité.
    Il y a donc là beaucoup de travail pour l'ACDI, et le tout est possible selon moi.
(1025)
    Merci.
    La parole est maintenant à Jean-François.

[Français]

    Docteur Schulz, je vous remercie d'être ici, c'est grandement apprécié.
    L'historique du secteur privé dans les pays en développement me pose un peu problème. Si on connaît bien l'histoire et les différentes époques, on sait que cela a commencé avec l'armée qui se promenait d'un pays à l'autre avec des intérêts privés. Par la suite, les gouvernements sont intervenus avec de plus grandes intentions, comme les Nations Unies. On est maintenant rendu à une autre étape et, pourtant, les erreurs se multiplient. On semble toujours trouver des formules qui parlent de risques calculés, mais c'est tout autre chose. Il y a une sursimplification que j'appelle l'aseptisation du concept. Cela consiste à aller chez un voisin et à avoir une idée de ce qu'il faut pour chacun des pays, et lorsqu'on il est question de complexité, on ne semble jamais très bien comprendre.
    Le secteur privé me pose plus de problème parce qu'on en vient toujours à dire que, même chez nous, dans notre propre cour, dans notre propre pays, on a de la difficulté à s'entendre sur la bonne approche. Maintes fois, le secteur public s'est retrouvé à sortir du pétrin le secteur privé. Lors de la dernière crise économique, c'est l'argent du public qui a réussi à sortir les États-Unis de la crise.
    Les bonnes intentions sont toujours les bienvenues. Toutefois, le problème est que le secteur privé subit constamment des fluctuations en raison de l'économie internationale. Les bonnes intentions se maintiennent, mais la charte d'une corporation est excessivement influencée par ce marché.
    Ma question est très simple. En ce qui concerne le pourcentage de l'influence du secteur public face au secteur privé, vous parliez de collaboration. Je suis entièrement d'accord avec vous. Le problème, c'est de savoir si on envisage actuellement une collaboration qui est très simpliste, qui concerne beaucoup la finance et qui laisse le secteur privé prendre un peu trop de place.
    En Afrique, je trouve que ça fait un peu far west, car il y a très peu de réglementation. Ici, chez nous, il y a beaucoup de lobbying pour déréglementer tout ce qui touche l'aspect gouvernemental, pourtant, ces mêmes compagnies veulent aller dans ces pays en pensant y apporter un bienfait.
    Le leadership du Canada ne résiderait-il pas justement dans cette collaboration qui a pour but de réglementer et de faire en sorte qu'il y ait un meilleur équilibre? Je ne sais pas si vous comprenez ma question.

[Traduction]

    Monsieur Schulz, vous disposez d'une minute et demie environ pour répondre.
    Il me semble que la question est toujours de savoir si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Je crois que la plupart des entreprises disent qu'elles font plus que ce qu'elles faisaient auparavant, mais beaucoup de gens diraient qu'elles devraient faire davantage.
    Selon moi, davantage pourrait être fait et il y a un rôle pour le secteur public, en vue d'aider les entreprises à faire plus, ainsi que pour gérer la conformité. La clé serait de réunir les PDG des grosses sociétés minières et des grosses sociétés pétrolières et gazières oeuvrant sur la scène internationale, dans une même salle, avec le gouvernement, sans présence médiatique, et de dire « Parlons de ce qu'il faudrait faire pour aider sérieusement les gens et dépenser notre argent à bon escient ». Si cela constitue une solution simple, alors allons-y, car cela n'a encore jamais été fait.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Dechert, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Schulz, d'être ici aujourd'hui.
    J'aurais deux questions à vous poser relativement à la réponse que vous avez donnée à une question antérieure. Quel rôle le gouvernement canadien pourrait-il jouer en matière d'élaboration de politiques afin d'utiliser les compétences essentielles des industries extractives canadiennes aux fins du développement international? Deuxièmement, existe-t-il, selon vous, un certain nombre de choses qui retiennent les entreprises privées de jouer un plus grand rôle en matière de développement international? S'il y en a, vous pourriez peut-être nous les décrire, et peut-être que le gouvernement pourrait tenter de remédier à certains de ces problèmes.
(1030)
    Pour ce qui est d'un rôle de joueur de tête pour le gouvernement, j'ai déjà évoqué l'idée que le gouvernement convoque un sommet réunissant dans une même salle cinq ou six dirigeants des industries extractives ainsi que lui-même, afin de déterminer s'il leur serait possible de tous mieux travailler ensemble. Si ce sont les PDG des sociétés qui assument le rôle principal en disant qu'ils s'intéressent à la responsabilité des entreprises, alors le gouvernement peut dire d'accord, allons-y.
    Le deuxième aspect est la question de savoir ce qui retient les sociétés. Cela s'explique en partie du fait que les entreprises elles-mêmes souhaitent promouvoir leur propre initiative, au lieu d'oeuvrer en collaboration avec d'autres. Les compagnies se disent que si elles mettent leur argent dans un même pot, alors elles ne pourront peut-être pas obtenir les concessions qu'elles veulent, ni s'implanter comme elles le veulent en pays étrangers. Voilà donc le hic. Pourtant, de nombreuses sociétés font déjà du travail en matière de santé et de sécurité, oeuvrent déjà en matière de politiques avec des représentants du gouvernement, comme vous l'avez dit. Je ne vois aucune raison pour laquelle les compagnies ne pourraient pas travailler ensemble pour dépenser à bon escient leur argent, parallèlement à l'apport financier du gouvernement. S'il y a des fonds correspondants entre les ONG, le gouvernement et les sociétés, alors tout peut avancer dans le même sens. Les intervenants disent « Nous allons installer notre système d'alimentation en Afrique. Nous allons construire un réseau relié au satellite. Nous allons intégrer toutes les écoles dans le quartier et leur donner à toutes accès à Internet. Il y a des ordinateurs là-bas. Nous y avons déjà installé des batteries. Nous irons charger les batteries pour les écoles dans les quartiers ». Voilà ce que c'est que de travailler conjointement.
    À mon avis, tous les morceaux sont déjà là. C'est le réseautage qui fait défaut. Le gouvernement du Canada pourrait jouer le rôle de meneur de bal.
    Vous appuyant sur votre expérience, pourriez-vous nous donner des exemples d'entreprises canadiennes qui font du bon travail de développement international, et nous citer quelques endroits où davantage pourrait être fait, et expliquer comment le gouvernement pourrait appuyer ce genre de travail?
    Pour ce qui est du travail de développement international, les industries extractives sont déjà toutes prêtes avec la technologie, pour ce qui est du travail qu'elles font avec le zinc, par exemple, initiative dont vous avez déjà entendu parler.
    L'important ici est que chaque entreprise est en train de faire sa part, mais il nous faut faire un peu mieux pour maximiser l'apport de tous les éléments en place.
    Je vais céder la parole à Mme Brown.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Schulz, d'être des nôtres ici. Vos propos m'ont beaucoup intéressé.
    J'ai eu l'occasion d'aller en Zambie il y a un ou deux ans. Après avoir rencontré des députés au Parlement de la Zambie, j'ai rencontré des membres de l'industrie extractive et de nombreuses autres entreprises faisant affaire en Zambie. La Zambie, comme nous le savons, a abandonné son régime socialiste et est aujourd'hui désireuse que des entreprises viennent s'y établir et offrent compétences et développement à la région. Mais les entreprises canadiennes que nous avons rencontrées nous ont dit être prises dans un no-man's land. Les Zambiens disent que, par le passé, les entreprises fournissaient des écoles, mais qu'elles ne le font plus; qu'elles fournissaient des routes, mais qu'elles ne le font plus. Si vous discutez avec les sociétés extractives, qui versent au gouvernement des sommes énormes au titre de taxes... Le gouvernement a pour politique de fournir les écoles et de fournir les routes. Tout le monde est pris dans ces tensions, pour exprimer les choses ainsi.
    Comment pourrions-nous selon vous alléger ces tensions? Y a-t-il des choses que le Canada pourrait faire pour construire des ponts, au sens figuré du terme, afin de faire baisser la température, pour que de nos entreprises veuillent aller là-bas et y faire ce genre de travail de développement?
    Il me semble qu'il y a beaucoup d'information au niveau de la base qui ne remonte jamais jusqu'au palier supérieur des entreprises. La plupart des personnes qui s'occupent de la responsabilité des entreprises ou de développement international sont un petit peu sur la touche au sein des entreprises, et occupent principalement des postes de subalternes. Ces gens devraient être placés aux côtés des PDG. C'est pourquoi, si le gouvernement offrait aux PDG une occasion de se retrouver au sujet de certains des dossiers que vous venez d'évoquer et de demander comment ils pourraient améliorer les choses, il me semble que les PDG creuseraient à l'intérieur de leur propre structure pour s'entourer des bonnes personnes et leur demander « Comment pourrions-nous mieux faire? ». Ce serait là une façon pour les gouvernements locaux de reconnaître ce qui se fait et ce qui ne se fait pas.
    Pour ce qui est des écoles, si quelqu'un fournit des livres ou des ordinateurs à une école, mais qu'il ne s'y trouve pas d'enseignants pour enseigner aux élèves, ou si quelqu'un fournit des ordinateurs portatifs, mais qu'il n'y a rien pour les recharger, ou si quelqu'un fournit de l'eau, mais, qu'il n'y a personne pour entretenir le puits, alors, au bout du compte, beaucoup d'argent est dépensé, mais l'investissement n'est pas durable. Toute la question est donc celle de la responsabilité sociale durable des entreprises, au lieu de dons à sens unique, tels qu'il ne se passe plus rien dès que les entreprises s'en vont.
    L'une des observations que j'ai faites lorsque j'étais en Afrique est qu'il y a une pénurie d'enseignants. J'ai dit aux gens là-bas qu'il y a moins de 100 ans, au Canada, nous avions des jeunes gens qui passaient tout de suite du secondaire à l'enseignement du b.a. - ba aux tout petits, et qu'ils sont en train de passer à côté d'une ressource dont ils disposent, ces étudiants plus âgés pouvant devenir formateurs.
    Ce qu'il faudrait en réalité c'est que des formateurs de formateurs se rendent là-bas, les aident, et réintègrent cette ressource dans leur système scolaire. Il semble qu'il y ait un certain intérêt pour la chose.
    Ce n'est pas vraiment une question, mais une observation. Il est à espérer que nous puissions obtenir de certaines de nos entreprises qu'elles participent à ce genre de programme.
(1035)
    Je vais transformer votre propos en une question: que pouvons-nous faire? Nous pourrions offrir des stages à des étudiants, y compris des étudiants en maîtrise d'administration des affaires, qui adoreraient passer l'été en stage en Afrique pour essayer d'aider des entreprises à monter ce genre de programme. Mais il faudrait que ces étudiants soient préparés, qu'ils ne soient pas envoyés là-bas sans préparation. Je ferai ici mention de Global e-Training, une entreprise gérée par deux de mes anciens étudiants, et qui offre des programmes de formation en ligne pour différents métiers, programmes qui sont disponibles partout dans le monde, et cette compagnie serait intéressée par ce genre de travail.
    Encore une fois, les différents morceaux sont là: il nous faut simplement trouver le moyen de les coudre ensemble.
    Enfin, un de mes collègues du corps professoral, Joe Arvai, a fait du travail d'étude de comportements en matière de prise de décisions en Afrique. Ce qu'il a constaté est que les gens sont nombreux à ne pas comprendre les choix qui s'offrent à eux. Il leur faut pouvoir comprendre les choix en matière d'eau, d'écoles et ainsi de suite, et cela vaut également pour le gouvernement. Ce collègue est un fellow de Stanford dont le bureau est tout à côté du mien à la Haskayne School of Business.
    Encore une fois, donc, nous avons des ressources canadiennes qui sont en place et prêtes à être enclenchées, et le gouvernement pourrait alors faire du travail de couture supplémentaire pour mettre tous les morceaux ensemble.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Eyking. Vous disposez de sept minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Schulz, d'être venu ici nous livrer votre perspective sur la question qui nous occupe.
    Lorsque vous parliez de mettre les morceaux ensemble, cela m'a fait penser à mon séjour au Yémen. L'image qu'avait le Canada au Yémen, il y a une dizaine d'années environ, était telle que tout le monde connaissait Nexen et la Commission canadienne du blé et, la plupart du temps, c'était le blé lui-même qui intéressait les gens. Les enfants achetaient du blé dans les magasins et demandaient toujours « Canada ».
    Je me souviens d'avoir rencontré les deux groupes, qui participaient à une mission commerciale avec nous. Nexen était une très bonne entreprise citoyenne là-bas. Elle offrait de l'aide au Yémen pour des choses simples, comme apprendre aux gens comment utiliser une ceinture de sécurité. Elle menait plusieurs initiatives. Elle donnait en quelque sorte l'exemple. Ce n'est pas notre gouvernement qui donnait l'exemple là-bas. Elle nous a dit qu'il y avait une ou deux choses qui étaient requises, notamment une ambassade, car le Yémen avait une ambassade ici. Une petite ambassade — voilà quelle a été l'une des requêtes.
    Il y a eu une autre requête. Oui, c'était bien que l'ACDI envoie des ordinateurs aux écoles de filles, mais pourquoi n'envoyons-nous pas des jeunes gens pour former ces filles? Tout l'enchaînement aurait découlé de... Imaginez ce que se serait que d'enseigner dans une société comme celle-là, où les femmes ou les filles sont écartées, et vous voilà là, en train de leur apprendre comment utiliser un ordinateur et Internet. Cela ouvrirait grand leur monde. C'est ainsi que vous pouvez voir une situation dans un pays... Nous parlons souvent de l'Afrique, mais il y a d'autres pays novices, et nous avons cette occasion merveilleuse qui s'offre à nous.
    Vous avez également dit qu'il nous faudrait hausser la barre. Je vois des gens comme les employés de Nexen qui montrent l'exemple en la matière. Vous pourriez les faire venir, avec tous les autres PDG, et leur dire « Écoutez, il vous faut faire un petit peu plus que tout simplement descendre de l'avion, vous rendre au champ de pétrole et revenir organiser une petite activité de financement ». Voilà quelle est la situation.
    Je crois cependant que ces entreprises sont parfois un petit peu nerveuses quant à l'idée de franchir un pas de plus. Je pense que c'est à ce niveau-là qu'il vous faut cette structure, pour apprendre aux autres PDG. Nous avons déjà discuté du fait que même l'ACDI est à l'occasion nerveuse face à l'idée de mener certaines activités dans certains endroits, alors comment faire pour progresser sur ce plan? Parlez-moi un petit peu plus de la façon dont vous vous y prendriez pour engager ces PDG, afin qu'ils travaillent de concert avec notre gouvernement.
    Eh bien, il intervient deux aspects. Premièrement, revenons sur le cas de Nexen et du Yémen, car le coauteur du livre était vice-présidente internationale pour Nexen, qui a véritablement mis en oeuvre tous les programmes que vous avez vus. Voilà la bonne nouvelle.
    C'était incroyable.
    La mauvaise nouvelle est que Nexen a perdu la concession au Yémen.
    C'est exact.
    Ainsi, même s'il s'y est fait beaucoup de bon travail, le pays hôte n'a pas suffisamment reconnu ni apprécié le travail effectué par Nexen.
    En vérité, le PDG de Nexen à l'époque était Charlie Fischer, un de nos diplômés du programme MBA de la Haskayne School of Business. Je le connais assez bien.
    Si vous réunissiez dans une même salle, par industrie et par secteur, des gens de bonne volonté qui sont des PDG — et cela ne veut pas dire qu'ils sont tous comme cela — et si vous leur demandiez ce qu'ils font pour veiller à l'application de pratiques exemplaires au niveau PDG ainsi qu'au niveau de la responsabilité sociale des entreprises, je pense que ce serait là un énorme pas en avant, car si les entreprises pouvaient échanger leurs pratiques exemplaires et interagir en même temps avec les ONG oeuvrant dans la même région géographique, alors, comme l'a dit l'intervenant antérieur, nous aurions au moins une chance de voir de bonnes choses se produire.
    Rappelez-vous que la recette requiert de l'argent futé, des réseaux de collaboration, la durabilité et des résultats à long terme, sans quoi nous n'obtiendrons que la poursuite de ce qui a été constaté jusqu'ici, soit beaucoup de bonne volonté, mais pas beaucoup de résultats.
(1040)
    On a récemment reproché à l'ACDI le fait qu'il y ait une saturation d'ONG, nombre d'entre elles disant que le travail est en train d'être fait, mais que le financement n'est pas là. Il n'y a rien de mal à ce qu'un ministère, quel qu'il soit, jette un deuxième coup d'oeil sur une situation: cela est d'ailleurs souhaitable. Mais où voyez-vous cela se faire? Pensez-vous que l'ACDI doive agir en quelque sorte à la manière d'un conseil consultatif, pour gérer ce trafic d'ONG qui frappent à la porte et vont et viennent, à la recherche de quelque chose? Devrait-il y avoir un mécanisme par le biais duquel le gouvernement pourrait obtenir des conseils de groupes comme le vôtre, demandant qu'une tierce partie aide à évaluer cette saturation?
    Que pensez-vous de cette saturation que l'on constate à l'heure actuelle, les ONG venant à Ottawa pour essayer d'obtenir du financement ou d'avancer?
    Le problème que nous avons constaté avec la Victory Foundation est que les ONG fonctionnent de manière très indépendante. Si vous avez quelqu'un qui s'occupe de l'eau au Ghana et quelqu'un qui s'occupe de lumières au Ghana, les deux ne vont pas forcément se parler. Ce que nous nous efforçons de faire c'est obtenir que les ONG elles-mêmes se parlent entre elles.
    Si j'étais l'ACDI, je trouverais quelqu'un pour assister à toutes les réunions pour le compte de la Victory Foundation et je ferais en sorte de me faire connaître par toutes les agences et je mettrais peut-être même de l'argent sur la table en disant « Voici 500 000 $ pour cinq projets de 100 000 $ chacun. Débrouillez-vous pour déterminer comment vous allez travailler ensemble dans une région géographique » — l'une des régions où le Canada a déjà une présence — « et vous aurez votre argent. Mais il vous faudra dresser un plan quant à la façon dont vous allez travailler ensemble ». Si vous mettiez de l'argent sur la table, je pense que les ONG collaboreraient. Voilà quel a été un élément du problème du côté des ONG.
    Cela ressemble à ce qu'ont fait les fondations Gates et Rockefeller avec leurs Objectifs du Millénaire. Vous êtes en train de dire qu'il faudrait qu'il y ait une approche multi-acteurs, englobant toute la communauté, intégrant les différents aspects que vous avez expliqués, et que l'ACDI devrait dire « Retournez à la table et revenez-nous avec une approche multi-acteurs pour une collectivité, une région ou un pays donné » et poursuivre ainsi.
    Encore une fois, il s'agit d'établir des réseaux de collaboration. Je pense que nous avons nombre de fois aujourd'hui couvert cet aspect, et c'est bien.
    Mais il nous faut ici établir une façon de faire différente.
    Mais le gouvernement doit faire les choses un peu différemment. Un élément de l'ensemble est de fournir des fonds, pas juste pour une agence ou une région, mais en disant: « Voici l'argent. Il vous faut travailler en collaboration sur le terrain, il vous faut travailler en collaboration dans la prestation de services, et il vous faut travailler en collaboration avec l'industrie. Si vous faites cela, alors nous assurerons peut-être l'équivalent d'une partie de ce que vous faites. Mais il vous faut avoir un plan quant à la façon dont vous allez travailler ensemble ».
    À l'heure actuelle, d'après ce que je peux voir, il n'existe pas beaucoup de plans pour que les ONG travaillent ensemble, ni beaucoup de plans pour que les entreprises travaillent ensemble, et le gouvernement se trouve au milieu, en espérant que cela vienne. Mais la possibilité existe, si vous montriez la voie dès aujourd'hui.
    Le rôle du gouvernement, donc, est sans doute de créer cet environnement.
    Son rôle est d'être un facilitateur. Je parle de codirection ou de comarquage, de telle sorte que le gouvernement ne soit pas seul responsable, mais que tout le monde travaille ensemble. Je pense que cela est possible en bout de ligne. Je crois que cela a déjà commencé, et j'espère que cela se poursuivra à un rythme plus rapide que ce que nous avons pu constater jusqu'ici.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je sais que nous approchons de l'heure de la levée de la séance, et je tiens à faire mon rappel au Règlement aujourd'hui encore.
    Nous avons eu quatre ou cinq réunions dans le cadre de cette étude que nous menons. L'une des inquiétudes que nous commençons à avoir, de ce côté-ci de la table en tout cas, concerne le fait que nous n'ayons jusqu'ici entendu qu'un seul témoin choisi par l'opposition. Soit dit en passant, nous avons proposé des témoins qui auraient très bien équilibré la discussion et qui se trouvent ici même à Ottawa. Nous envisageons le problème comme étant non pas logistique — s'il était question d'inviter des témoins proposés par l'opposition qui se trouvaient dans des lieux reculés ou inaccessibles —, mais plutôt politique.
    Au niveau du comité, nous avions réellement espéré pouvoir travailler en collaboration et avoir un débat équilibré. Ici, nous parlons de tout un virage culturel quant à la façon dont fonctionne notre politique en matière de développement et d'un changement de cap possible, et c'est ainsi qu'il nous faut un débat équilibré. Nous avons jusqu'ici le sentiment que cette étude est à ce point déséquilibrée qu'il est difficile de mener un débat ou une discussion équitable.
    Ma question est la suivante: combien de réunions encore allons-nous consacrer à cette étude? Nous espérons vraiment pouvoir maintenant commencer à entendre l'autre point de vue, afin que l'étude puisse à partir de maintenant être plus équilibrée.
    Monsieur le président, cette discussion ne s'inscrirait-elle pas plutôt sous la rubrique « travaux du comité »?
    Eh bien, cela fait certainement partie des travaux du comité à proprement parler, mais soulève peut-être une question plus vaste, soit qu'il nous faudrait sans doute assez tôt dans la nouvelle année tenir une réunion pour discuter des témoins, chose dont nous avons déjà parlé, ce pour déterminer comment nous voulons procéder.
(1045)
    Pour que les choses soient bien claires, le gouvernement n'a imposé aucune limite quant aux témoins. Aucune directive n'est venue de notre côté de la table. Je pense qu'il s'agit d'une simple question de logistique, la greffière devant convoquer et organiser les réunions avec les témoins selon leur disponibilité. Aucune directive quant au choix des témoins n'a émané de ce côté-ci de la table.
    Monsieur le président, je tiens à remercier mon honorable collègue du commentaire qu'il vient de faire. Je lui en suis reconnaissante, mais si vous étiez assis à ma place, vous regarderiez la situation et comprendriez pourquoi nous ressentons ce que nous ressentons. C'est un sentiment qui nous anime tous.
    Nous sommes très loin d'avoir terminé cette étude.
    Bien.
    Monsieur Eyking.
    Je suis à moitié d'accord avec le NPD, mais je pense que nous avons entendu de très bons témoins. Lorsque nous les groupons ensemble, cela produit une réelle synergie. Les témoins que nous avons accueillis au cours des quelques dernières réunions laissent entrevoir l'orientation de nombre des initiatives du secteur privé.
    Cela étant dit, il nous faudra procéder de la même façon s'il est envisagé d'entendre davantage d'ONG ou autres. Je pense qu'il est bon de les grouper ensemble; cela vous donne un très bon cliché. Je conviens avec le NPD qu'il nous faudra passer à d'autres témoins, mais groupons-les eux aussi ensemble, de manière à ne pas avoir en face de nous un trop gros mélange. Lorsque nous reviendrons, nous devrions...
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Mon intervention ne concernait aucunement la qualité des témoins que nous avons entendus, ni celle des propos qu'ils nous ont tenus. Je tiens à ce que cela aussi figure au compte rendu.
    Lors de notre première réunion après la reprise, nous examinerons la liste des témoins. Comme l'a dit M. Dechert, il en reste encore un certain nombre sur la liste, y compris ceux proposés par l'opposition. La raison pour laquelle les choses ont évolué ainsi est que nous avons changé la nature de l'étude, de telle sorte que l'opposition devait proposer de nouveaux témoins, et nous avions déjà enclenché le processus avec certains.
    Je prends bonne note de votre préoccupation. Nous nous pencherons sur la liste des témoins dans la première partie de la nouvelle année.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, professeur.
    La séance est levée.
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