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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 065 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 février 2013

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous entamons cette séance d'information sur la situation au Mali.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui qui ont accepté de venir à très court préavis.
    Nous accueillons ainsi Chris Rosene, directeur, Programmes de développement, International, de la Croix-Rouge canadienne.
    Bienvenue à vous, monsieur. C'est vous qui allez commencer.
    Il est accompagné de Stéphane Michaud, gestionnaire supérieur, Interventions et secours d'urgence à l'étranger.
    Bienvenue à vous.
     Du Comité international de la Croix-Rouge, nous accueillons Robert Young, délégué principal.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Young.
    Finalement, et ce n'est pas le moindre, nous accueillons à titre personnel Robert Fowler, professionnel en résidence, École supérieure d'affaires publiques et internationales, Université d'Ottawa, qui a longtemps été membre de notre ministère des Affaires étrangères.
    Je suis heureux de vous accueillir aussi, monsieur.
    Monsieur Rosene, pourquoi ne commençons-nous pas avec vous?
    Vous avez de 8 à 10 minutes pour faire un exposé. Nous allons entendre tous les exposés, après quoi nous aurons une période de questions.
    Merci à nouveau à tous d'être ici.
    Vous avez la parole, monsieur Rosene.
    Merci de donner à la Croix-Rouge canadienne la possibilité de s'adresser au comité.
    Je m'appelle Chris Rosene et je suis directeur des programmes de développement de la Division des opérations internationales de la Croix-Rouge canadienne.
    Je suis accompagné de mon collègue Stéphane Michaud, qui vient tout juste de rentrer, en septembre, d'une mission de quatre mois au Mali. Il pourra donc aussi répondre à vos questions.
    Avant de donner la parole à Robert Young, du Comité international de la Croix-Rouge, je voudrais soulever trois points essentiels: l'importance d'investir dans des activités de développement à long terme; la capacité unique de la Croix-Rouge du Mali; et nos projets d'avenir.
    Permettez-moi de vous donner quelques informations générales sur nos activités de développement à long terme au Mali. Nous croyons qu'il est important de les mettre en relief, car la Croix-Rouge canadienne jouit d'une fort longue expérience au Mali, où elle oeuvre depuis 1986 en association avec la Croix-Rouge malienne. Les programmes auxquels elle participe là-bas sont rendus possibles par la générosité du gouvernement du Canada et de la population canadienne.
    À mesure que se déroule le conflit au Mali, la Croix-Rouge canadienne se tient à côté de son homologue, la Croix-Rouge malienne, durant ces temps difficiles, et continuera de l'appuyer lorsque le conflit sera terminé. Il est important de comprendre que ce genre de travail de longue durée nous aidera à maintenir le cap, contribuera à sauver des vies et, idéalement, permettra d'atténuer l'impact humanitaire si d'autres tensions surgissent.
    Notre travail à long terme comprend des programmes de développement pour améliorer la santé des femmes et des enfants, comme des campagnes de prévention du paludisme et de vaccination. En 2007, grâce à l'appui du gouvernement canadien et de dons de la population, la Croix-Rouge canadienne a travaillé avec la Croix-Rouge malienne et avec le ministère de la Santé du Mali pour distribuer 1,8 million de filets anti-moustiques dans le cadre d'une campagne intégrée de survie des enfants qui comprenait aussi la vaccination contre la rougeole et la polio ainsi que la distribution d'autres médicaments à plus de 2,8 millions d'enfants de moins de cinq ans.
    Conformément à notre mandat fondamental d'intervention et de prestation de soutien en cas de catastrophe, nous avons lancé en 2009 un programme de cinq ans destiné à développer la capacité de la Croix-Rouge du Mali à réagir aux catastrophes et à améliorer la prestation de services et de programmes communautaires dans quatre régions du pays.
    Depuis 2011, notre action au Mali continue d'être axée sur la santé des mères et des enfants, grâce à des programmes qui dureront jusqu'en 2014. Ces programmes assureront que des interventions permettant de sauver des vies seront entreprises pour réagir aux maladies mortelles de l'enfance, à l'intention de 875 000 personnes, dont plus de 150 000 enfants de moins de cinq ans. Ces efforts continuent malgré le conflit.
    Nous répondons aussi à la crise actuelle de sécurité alimentaire qui vient de surgir parallèlement au conflit au Mali et dans d'autres pays de la région du Sahel. La Croix-Rouge canadienne appuie des experts canadiens sur place pour épauler la Croix-Rouge malienne dans sa gestion de la crise alimentaire.
    J'aimerais souligner le rôle important de la Croix-Rouge malienne durant la crise actuelle. Cette Croix-Rouge a été créée en 1965 par décision du gouvernement comme organisme auxiliaire des pouvoirs publics. Elle s'est acquittée de son mandat, en particulier dans les régions touchées par des catastrophes et en assurant la formation d'infirmières et d'agents de premiers soins. Elle représente aujourd'hui un réseau de 7 500 bénévoles, ce qui lui permet de couvrir une grande partie du pays, y compris dans le Nord, dans des collectivités de transition comme Mopti et Tombouctou. Réagir au conflit et aux autres problèmes parallèles n'est pas très différent des problèmes auxquels sont confrontées d'autres Croix-Rouges nationales dans cette région, comme au Libéria, en Sierra Leone et en Côte d'Ivoire, où elles ont toutes joué un rôle crucial en temps de crise.
    En outre, la Croix-Rouge du Mali aura un rôle crucial à jouer après le conflit. Il sera très important de ne pas perdre de vue les besoins qui resteront une fois que le conflit sera terminé, qu'il s'agisse de sécurité alimentaire ou d'activités destinées à permettre au pays de se rétablir. La Croix-Rouge canadienne se tient prête à continuer ce travail de développement des capacités avec la Croix-Rouge malienne.
    En conclusion, monsieur le président, le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge peut entreprendre un large éventail d'activités coordonnées au Mali et dans la région. L'appui canadien a permis de développer les capacités locales et de renforcer l'aptitude de l'entité locale à réagir à des problèmes multiples: conflit, crises alimentaires, problèmes de santé.
    Nous nous attendons malheureusement à ce que ces besoins humanitaires soient encore présents dans les mois à venir. Le rôle de la Croix-Rouge canadienne est de se préparer au pire et à l'imprévu. Nous avons donc dressé des plans d'urgence en conséquence, notamment des plans destinés à appuyer la Croix-Rouge du Mali dans ses activités actuelles et après le conflit.
    Je cède maintenant la parole à Robert Young, du Comité international de la Croix-Rouge, après quoi nous pourrons répondre à vos questions.
(1105)
    Merci.
    Monsieur Young.

[Français]

    Monsieur le président, je veux tout d'abord remercier le comité d'avoir invité le Comité international de la Croix-Rouge, le CICR. En anglais, c'est le ICRC

[Traduction]

    Je m'appelle Robert Young et je suis le représentant du CICR à Ottawa, qui fait partie de notre délégation régionale pour le Canada et les États-Unis.
    Mes remarques porteront sur la grave situation humanitaire existant au Mali du fait du conflit armé, et sur la réponse opérationnelle du CICR comme partie du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Au sein de ce mouvement, comme vous le savez, le CICR est particulièrement actif dans les situations de conflit armé et il est étroitement associé à International Human Law, IHL, notre rôle particulier étant reconnu dans les Conventions de Genève.
    Permettez-moi tout d'abord d'adresser les sincères remerciements du CICR au gouvernement du Canada pour son appui financier à notre action au Mali, notamment pour les 2 millions de dollars annoncés récemment à Addis-Abeba. Ce genre de soutien permet au CICR de s'acquitter de la tâche que lui confient les États comme acteur humanitaire neutre, impartial et indépendant dans les conflits armés et les situations de violence.
    Comme vous le savez, la structure du conflit au Mali a profondément changé ces dernières semaines avec l'intervention d'autres pays. Les armées maliennes et alliées contrôlent en grande mesure les villes de Gao, Tombouctou et Kidal, où le CICR continue d'être présent et d'agir. Du point de vue humanitaire et du point de vue de la sécurité, la situation est critique. Le conflit n'est pas terminé.
    Dans tous les conflits où le CICR est présent, dans le monde entier, nous nous efforçons d'établir un dialogue avec toutes les parties concernées. Cela comprend un dialogue confidentiel pour promouvoir le respect du droit humanitaire et pour discuter des infractions éventuelles au droit humanitaire international. Tel est le cas au Mali, où le CICR est présent depuis 1982 et où nous avons sensiblement rehaussé nos opérations au cours des 30 derniers mois. Depuis le début du conflit, en janvier 2012, nous avons expliqué notre mandat strictement humanitaire aux forces gouvernementales et aux groupes armés. Ce dialogue a été essentiel pour faire accepter la présence du CICR par toutes les parties concernées, ce qui nous aide à avoir encore accès à toutes les régions du pays. Aujourd'hui, nous avons une centaine d'employés dispersés dans tout le Mali, avec des bureaux à Bamako, Gao, Tombouctou, Kidal et Mopti.
     Durant le conflit et jusqu'à présent, le CICR a obtenu l'accès à toutes ces collectivités clés, ainsi qu'aux régions rurales environnantes où peu d'organisations sont présentes. Nous avons réussi à maintenir la présence de notre personnel dans le Nord, nonobstant quelques interruptions mineures. Cela a préservé notre accès aux personnes les plus vulnérables des régions de Gao, Kidal, Tombouctou et Mopti pour leur fournir de l'aide alimentaire et d'autres formes d'aide essentielle, en coopération avec la Croix-Rouge du Mali, avec laquelle nous collaborons étroitement.
    Mon collègue de la Croix-Rouge canadienne a expliqué le rôle important de la Croix-Rouge malienne et je n'y reviens donc pas.
    Nos propres opérations au Mali s'appuient sur notre délégation régionale à Niamey, au Niger, où nous collaborons étroitement avec la Croix-Rouge du Niger, qui répond aussi à la crise du Mali.
    Au-delà de l'aide alimentaire dispensée à plus de 700 000 personnes jusqu'à présent, j'aimerais vous donner quelques précisions sur notre action continue dans ce pays. L'an dernier, nous avons rendu visite à des centaines de personnes détenues par suite du conflit armé au Mali. Il y avait parmi elles plus de 150 personnes détenues par les forces de sécurité malienne, ainsi que plus de 80 soldats du gouvernement aux mains de divers groupes armés du Nord. Nous avons effectué 41 visites de prisons dans 20 lieux de détention où nous avons rencontré plus de 3 500 détenus. Nous avons facilité les contacts humanitaires entre des centaines de membres de familles séparées par le conflit, grâce à des messages de la Croix-Rouge et à des appels téléphoniques.
    Pour promouvoir le droit humanitaire, nous avons formé l'an dernier plus de 600 membres des forces armées et de groupes armés au Mali. Nous continuons ces activités avec les forces militaires internationales qui sont arrivées et continuent d'arriver au Mali. La semaine dernière, par exemple, nous avons formé des forces maliennes à Mopti, avec plus de 200 soldats et officiers participant aux opérations militaires.
    Dans les trois grandes villes du Nord, le CICR fournit du diesel pour maintenir en opération les stations de pompage d'eau et assurer l'approvisionnement en eau fraîche. Rien qu'à Gao, des milliers de kilogrammes de chlore ont été fournis à l'usine de traitement de l'eau. Toujours à Gao, le CICR maintient une équipe médicale et chirurgicale de sept personnes, avec des fournitures médicales. Nous appuyons également neuf centres de santé dans des petites collectivités du Nord.
     En conclusion, le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui comprend le CICR, s'attend à ce qu'il y ait encore des besoins humanitaires pressants au Mali dans les mois à venir. Avec la Croix-Rouge du Mali, le CICR répondra aux besoins d'assistance et de protection de la population, notamment dans le Nord où elle est particulièrement vulnérable. Le CICR continuera d'essayer d'avoir accès à toutes les personnes détenues dans le conflit, quelle que soit leur allégeance.
    Le CICR et la Croix-Rouge du Mali continueront de coordonner étroitement leurs efforts au sein du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi qu'avec les organismes de l'ONU et de la communauté internationale, de façon à répondre le mieux possible aux besoins de la population du Mali en cette période de crise.
    Merci.
(1110)
    Merci, monsieur Young.
    C'est maintenant au tour de M. Fowler.
    Vous avez 10 minutes, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi de m'adresser au comité.
     J'avais préparé à votre intention tout un exposé très sophistiqué avec des cartes, des photographies, des personnalités et des clips vidéos. Lorsque la Chambre des communes atteint le niveau technique de la plupart des écoles secondaires canadiennes, de telles choses doivent être possibles.
    Au lieu de cela, je vais plutôt vous parler — maintenant que je sais ce que je veux vous dire — en vous présentant quelques extraits sonores des bandes vidéo que j'avais l'intention de vous montrer. Je crois comprendre que Miriam vous communiquera les liens qui vous permettront d'avoir accès à ces clips vidéos.
    Afin d'expliquer pourquoi le Canada devrait être beaucoup plus actif au Mali, et dans la région du Sahel de manière plus générale — beaucoup plus actif qu'il ne l'a été jusqu'à maintenant —, je vais devoir vous expliquer un peu pourquoi je pense cela et pourquoi j'estime que ce qui se passe dans cette région constitue une menace pour le Canada et pour l'Europe, pour nos alliés et, avant tout, pour nos amis africains de longue date.
    Environ un demi-milliard d'Africains vivent dans la moitié supérieure du continent et sont, je pense, gravement menacés par le péril islamiste.
    Quand je parle de ces types-là… Je pourrais vous montrer des photos mais ils… Je suis toujours surpris de voir sur Internet des photographies de mes ravisseurs, notamment de la personne que vous allez entendre, « Omar One », le type qui a enlevé Louis et moi au bord d'une route à l'extérieur de Niamey le 14 décembre 2008. C'est maintenant une grosse légume de l’AQIM et d’Ansar Dine, et on le voit très souvent sur Internet.
    Il explique très clairement ses objectifs. Ces types sont le groupe le plus focalisé que j'ai jamais vu. Évidemment, je n'ai vu que 31 membres du groupe, puisque j'ai passé près de cinq mois avec 31 d'entre eux, mais je n'ai discuté qu'avec un très petit nombre d'entre eux pendant cette période.
    Ils ne ressemblent pas du tout aux soldats habituels. Ils ne ressemblent pas du tout aux jeunes Occidentaux que je connais. Ils s'habillent de haillons. Ils prennent grand soin de leurs armes soviétiques assez vieillottes des années 1960. Ils parlent beaucoup de tout l'argent qu'ils ont obtenu au moyen de rançons et d'activités illégales mais je n’ai vu chez eux aucun intérêt matériel ni aucun désir de consommation. Ils ne portent pas de lunettes de soleil à la mode ni ne désirent mettre la main sur des MP3.
    Ce qu'ils veulent, c'est aller au paradis le plus vite possible. De fait, à un moment, durant notre saga, nous étions ensablés et mon ravisseur du moment a enlevé son AK de son épaule, me l'a mis en pleine figure et m'a dit : « Tue-moi maintenant, je suis prêt pour le paradis ». Ce sont des gens très focalisés.
    Ils sont absolument convaincus que la Jihad est le sixième pilier de l'islam et qu'ils iront au paradis s'ils meurent en se battant pour Dieu. Ils se retrouveront à côté de ces rivières de lait et de miel. C'est là qu'ils veulent être. Ils croient que le prophète leur a dit que 99 d'entre eux sur 100 n'y arriveront pas mais que ceux qui auront perdu la vie en luttant pour Dieu seront choisis. Et le temps que ça prendra leur importe peu. Pour eux, tout dépend de Dieu. C'est lui qui décidera de leur victoire. Mais comme c'est son combat, ce sera aussi le leur. Que ça prenne 20 ans ou 20 000, ça n'a aucune importance. Ils se retrouveront près de ces rivières de lait et de miel.
     Le chef de l'unité d'Al-Qaïda qui nous a enlevés dans le Maghreb islamique s'appelait Mokhtar Belmokhtar, comme je l'ai appris après ma libération. C'est lui, évidemment, qui a perpétré cette horreur de l'usine de gaz liquide d’In Amenas en Algérie, il y a deux semaines, en tuant 37 travailleurs étrangers. C'est un homme extrêmement focalisé. Nous entendrons reparler de lui dans les semaines et mois à venir.
(1115)
    Il est borgne. Louis et moi leur avions donné des noms à tous. Belmokhtar était Jack, comme Jack-le-borgne des jeux de cartes. Il nous avait dit très clairement que notre enlèvement faisait partie d'une opération beaucoup plus vaste. Il se battait depuis 20 ans dans des bandes salafistes, depuis 1992. Ils attaquaient des cibles en Algérie toutes les semaines, parfois plusieurs par semaine. Dix-huit mois plus tôt, ils avaient mené 31 attaques dans une période de six semaines. Pour eux, c'est une action permanente. Deux cent mille personnes ont été tuées en Algérie durant cette période.
    Il y a un grand débat pour savoir si ce sont des bandits ou des Robins des bois. Belmokhtar est appelé l'homme de Marlboro. Je suis certain qu'il mène toutes sortes d'opérations de contrebande. S'agit-il de bandits qui utilisent l'islam comme bannière de complaisance ou de Robins des bois qui font un peu de banditisme pour entretenir la cause? Il n'y a aucun doute dans mon esprit que c'est la deuxième réponse qui est la bonne. Sont-ils reliés à d'autres organisations salafistes, comme Boko Haram au Nigéria, ou al-Shabab en Somalie? Évidemment qu'ils y sont reliés. L'un de mes ravisseurs était un môme de Kano, dans le nord du Nigéria, et c'était ce que nous appellerions un agent d'échange. Oui, ils sont reliés.
    Le secrétaire général de l'ONU a parlé de combattants de Boko Haram qui ont pénétré dans le nord du Mali en août dernier. Ils ont des liens étroits avec al-Shabab.
    Si je réussis à faire marcher cette machine, je vais laisser Omar vous dire lui-même quels sont ses objectifs.
(1120)

[Français]

    [Présentation audiovisuelle dont voici la transcription:]
    Je vais parler.
    Ce message est envoyé à la France, aux États-Unis et à tous les pays de l'OTAN pour leur dire que les moudjahidines sont prêts à l'offensive à n'importe quel moment. Nous ne sommes pas là pour dominer les villes. Nous sommes là pour le djihad, pour propager le message du prophète Mohamed, sallallahu 'alaihi wasallam. On est venus ici sans les concerter. Quand on va sortir, on ne va pas les concerter. On est venus au nom de Lâ ilâha illallâh muhammadur-rasûl allâh. On est prêts à défendre la religion jusqu'au dernier degré. On est prêts à combattre la France, les États-Unis et tous les pays de l'OTAN.
    On considère que toute leur puissance n'est qu'une toile d'araignée. Comment nous menacer avec une toile d'araignée? Vous nous menacez avec l'autre souhait, le martyre. On doit vivre en bons musulmans et en bons pratiquants, ou que l'on meurt en martyrs.
    Ils nous ont envoyé aujourd'hui un avion de surveillance et de reconnaissance. Il était à basse altitude. On a riposté. Au moment où on a riposté, l'avion est parti à très haute altitude. Il a fait plus de 14 tours et il est retourné. On est prêts. Nous savons que ce sont des avions espions. Ce sont des avions qui sont en train de photographier.
    Dites-leur que nous sommes sur le terrain. Dès qu'ils viendront, nous allons sortir. On les attend sur le terrain. On n'est pas là pour venir chercher la vie ou les climatiseurs. On est venus pour défendre la religion, l'islam, et on va combattre jusqu'au dernier degré. Et même s'ils ne viennent pas ici, dès qu'on termine de conquérir la France, on viendra aux États-Unis, on viendra à Londres, on viendra en France. On va conquérir le monde entier. Le drapeau de Lâ ilâha illallâh muhammadur-rasûl allâh sera levé depuis le lever du soleil jusqu'au coucher du soleil.
    As Salaam Alaikum.

[Traduction]

    M. Robert Fowler: Voilà le type qui nous a enlevés et quels sont ses objectifs.
    Ils n'ont cessé de nous dire que leur seul désir était de transformer en un vaste chaos explosif la région qui s'étend de Nouakchott en Mauritanie à Mogadiscio en Somalie, sur l'océan Indien. Ils sont convaincus que leur Jihad s'épanouira dans ce chaos. Comme vous l'avez entendu dire, c’est « d'abord ça, ensuite nous », et c'est parfaitement clair pour eux.
    À mon avis, aucun Canadien n'est en sécurité dans cette zone. Aucun Occidental n'est en sécurité dans cette zone. Ce sont des gens extrêmement sérieux. Ils ont déjà eu un avant-goût de victoire au Mali. Ils vont continuer. Les Français ont eu beaucoup de succès avec leur intervention incroyablement opportune et ils les ont maintenant repoussés dans une sorte de guérilla d'insurrection classique. Nous les avons vu frapper à Gao et à Kidal ces derniers jours, et c'est ce qu'ils vont continuer de faire. N'oubliez pas qu'ils ont le temps pour eux et qu'ils essaieront de nous attirer dans leur piège, de nous attirer dans un autre Afghanistan. Je ne pense pas que ce sera un autre Afghanistan tant que nous ferons le nécessaire pour que ce ne soit pas un autre Afghanistan et que nous éviterons de faire les mêmes erreurs qu'en Afghanistan.
    Monsieur le président, je crois que le Canada a de grands amis dans cette région, que nous appuyons depuis des décennies. Nous devrions être en train de protéger et d'aider ces amis et d'aider nos alliés français à lutter contre cette menace jusqu'à ce que les Africains, l'armée malienne, et la force africaine soient en mesure de s'en occuper.
    Merci.
    Merci, monsieur Fowler.
    Nous allons maintenant donner la parole à l'opposition.
    Monsieur Dewar, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins qui se sont adressés au comité aujourd'hui.
    Monsieur Fowler, je commence avec vous. Vous avez eu une longue carrière de diplomate et avez aussi acquis une expérience de terrain tout à fait unique au Mali et au Niger. Est-ce que le gouvernement, le ministre Baird ou qui que ce soit a pris contact avec vous pour solliciter votre avis?
(1125)
    M. Baird n'a pas sollicité mon opinion. J'ai eu des conversations avec d'autres gens du gouvernement, en particulier peu après mon retour.
    Merci.
    Vous avez évoqué le contexte régional et il est clair que cette bande audio glaçante que vous nous avez fait entendre montre très clairement ce qu'est leur vision. Il ne s'agit pas seulement du Mali, comme vous l'avez dit. Il s'agit en réalité de toute la région. Pour faire face à une situation aussi complexe, pensez-vous que nous devrions avoir une forte présence dans la région?
    Si je peux préciser brièvement ce qu'est actuellement la présence du Canada là-bas, nous venons de fermer des missions et des ambassades en Afrique. À l'heure actuelle, en Afrique, nous couvrons moins de 40 p. 100 de la région. À titre de comparaison, le Brésil a une couverture diplomatique de plus de 50 p. 100 en Afrique. Les Français sont à 90 p. 100.
    Quand on parle du long terme, on doit avoir une vision, comme vous l'avez dit. Ce problème ne va pas se régler du jour au lendemain. Je pense que c'est ce que vous vouliez souligner aujourd'hui. Si nous voulons aider à stabiliser la région et venir en aide à la population, si nous voulons aider nos alliés et les populations africaines, si nous voulons instaurer une paix durable et la stabilité, comment la réduction que nous avons constatée dans notre empreinte diplomatique et nos ressources influera-t-elle sur les efforts que nous pourrions déployer?
    Autrement dit, devrions-nous selon vous renverser cette tendance d'investissement dans la diplomatie et les ressources sur le terrain dans la région?
    Monsieur Dewar, je pense que vous demandez à un vendeur de chaussures s'il aimerait avoir plus de magasins de chaussures.
    Oui, je pense que les Brésiliens avaient 11 ambassades parmi les 54 pays d'Afrique il y a 15 ans et qu'ils en ont aujourd'hui 31. Savent-ils quelque chose que nous ignorons? Je n'en sais rien. Si vous examinez la situation de beaucoup d'autres pays, vous constaterez la même tendance.
    Quant à nous, nous allons dans le sens contraire, et je ne sais pas pourquoi. Je sais bien que les temps sont durs, que les budgets sont serrés et qu'on peut faire les choses plus intelligemment mais, oui, je crois que le Canada a des intérêts à protéger et à projeter. Nous n'avons pas fait grand-chose de cette nature ces derniers temps.
    J'entends constamment parler de réduction des installations, des ambassades, des budgets, du personnel. La dernière résidence que j'ai habitée comme diplomate était une maison très agréable à Rome que nous avions achetée pour une bouchée de pain — pas avec notre argent. Les Italiens avaient dû nous payer des réparations parce que nous avions gagné et qu'ils avaient perdu, et nous avons donc utilisé cet argent-là pour acheter une résidence. Cette résidence avait été payée avec le sang de 6 000 soldats canadiens. On m'a dit récemment que nous l'avons mise en vente. Est-ce cohérent? Bien sûr que non.
     Donc, oui, je pense que les budgets du ministère des Affaires étrangères devraient être rétablis. Nous avons des choses à dire dans le monde et nous devrions recommencer à les dire.
    Ce déclin ne date pas d'hier. Il y a eu un déclin continu de l'investissement dans la diplomatie canadienne.
    J'aimerais vous demander maintenant ce que nous devrions investir stratégiquement dans la région, selon vous. L'une des choses que notre comité essaye de faire est de conseiller le gouvernement sur la manière de réagir à cette situation. De notre côté, nous ne pensons pas que c'est un problème qu'on pourra résoudre avec une diplomatie au rabais. C'est une chose qui exige un investissement soutenu.
    Stratégiquement, que diriez-vous au gouvernement en ce qui concerne les secteurs dans lesquels il devrait investir, ou peut-être réinvestir, du point de vue de notre empreinte diplomatique en Afrique?
    Tout d'abord, nous avons été de gros investisseurs au Mali, et ce, pendant des années. Avant le coup d'État, nous y dépensions quelque chose comme 100 millions de dollars par an en aide au développement. Évidemment, et c'est compréhensible, nous avons réduit cette somme lorsque la confusion régnait à Bamako. Il y a quelques semaines, nous avons promis 13 millions de dollars pour aider le Mali durant cette crise, d'un point de vue humanitaire, ce qui, d'après mes calculs, représente 2,8 p. 100 des sommes qui avaient été promises à Addis-Abeba lors de cette conférence. Est-ce que je pense que cela suffit? Bien sûr que non.
    J'espère avoir aussi indiqué très clairement dans mon témoignage que nous devrions fournir aussi une aide militaire. J'ai souligné qu'il faut bien se garder de confondre les deux — c'est-à-dire l'aide au développement et l'aide militaire — car c'est ce que nous avons fait en Afghanistan et qui a causé toutes nos difficultés. Ce que je pense que nous devrions faire… Il n'y a strictement rien à négocier avec ces types d'Al-Qaïda, rien du tout. Ils ne négocient pas, et je peux vous garantir, monsieur le président, que c'est ce qu'ils vous diraient s'ils étaient assis ici à côté de moi. Ils ne veulent pas négocier, ils veulent tout. Si nous sommes prêts à tout leur donner, ils seront satisfaits. S'ils n'ont pas tout, ils continueront.
    Nous devons donc leur faire mal. Nous devons leur porter des coups tels que nos amis africains seront alors en mesure de s'en occuper militairement. Quand ce sera fait, j'espère que nous reprendrons notre aide généreuse au Mali et à toute la région car Dieu sait qu'elle en a besoin. Nous faisons face à un risque de Darfour massif dans la partie la plus vaste de l'Afrique. Mon collègue et d'autres témoins ont parlé de l'aspect humanitaire de la situation, ce qui m'évite de devoir le faire. Certes, c'est extrêmement important, mais ça n'a rien à voir avec l'obligation de régler le sort d'Al-Qaïda.
(1130)
    Merci.
     Merci, monsieur Dewar et monsieur Fowler.
    Nous allons maintenant du côté gouvernemental en donnant la parole à M. Dechert pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci, messieurs, d'être venus partager vos connaissances avec nous.
    J'aimerais commencer avec vous, monsieur Fowler. Permettez-moi de dire d'emblée que nous sommes tous parfaitement conscients de l'épreuve énorme dont vous avez souffert avec M. Guay en 2008-2009. C'est d'ailleurs un grand plaisir de vous voir aussi en forme aujourd'hui.
    J'aimerais vous interroger sur un article que vous avez publié récemment dans le Globe and Mail, où vous disiez ceci:
... l'orthodoxie politique nous oblige évidemment à dire que les opérations doivent être menées « sous conduite africaine », mais tout le monde sait bien que les Africains ne sont pas en mesure de faire eux-mêmes ce qu'il faudrait faire.
    Pourriez-vous expliquer un peu cette position, et pourriez-vous nous dire aussi si vous pensez que la MISMA fonctionne bien?
    Pourriez-vous répéter la dernière partie de votre question?
    Pensez-vous que la MISMA, la mission de soutien au Mali sous conduite africaine, fonctionne bien?
    Je vais d'abord répondre à cela. Elle ne fonctionne pas parce qu'elle n'est pas encore là-bas. Si nous avions peut-être fourni plus qu'un seul avion pendant une semaine, voire plus, peut-être que ses membres seraient plus nombreux sur place. Cela aurait été utile.
     Écoutez, j'ai parlé très franchement dans cet article du Globe and Mail, et je ne serais certainement pas le dernier, à une époque ou dans un lieu différents, à prêcher la bonne parole en matière d'allégeance à l'Afrique. Cela dit, quand le Conseil de sécurité de l'ONU, juste avant Noël, le 20 décembre, a adopté la Résolution 2085 — vous voudrez bien me pardonner, monsieur le président, de citer une expression assez directe et colorée — l'ambassadrice américaine aux Nations Unies, Susan Rice, qui est presque devenue secrétaire d'État, aurait déclaré que le plan de l'ONU était « de la merde ». Je suis malheureusement au regret de devoir dire qu'elle avait raison. C'était un plan à trois volets: d'abord, renforcer l'armée malienne; ensuite, envoyer la MISMA; puis finalement, de manière assez désespérée, au paragraphe 14, ajouter que, au fait, s'il y a là-bas quelqu'un d'autre qui peut aider, faites-le, que diable. C'était un peu la passe du désespoir. Malheureusement, le Conseil de sécurité n'avait pas pris la peine de consulter Al-Qaïda qui a déferlé au sud, forçant la réaction française, laquelle fut d'ailleurs remarquable. Les Français sont passés de l'immobilité au combat contre Al-Qaïda en une trentaine d'heures.
    Les Français nous ont demandé de leur prêter le C-17 qui effectué de nombreuses missions là-bas pour transporter de l'équipement et du personnel pour combattre les terroristes au Mali. D'après vous, que devraient faire les troupes canadiennes au Mali aujourd'hui? Devrions-nous envoyer des soldats là-bas, avec des armes, pour lutter contre les terroristes et contre les gens qui vous avaient enlevé?
    Absolument. À mon avis, et puisque vous m'en donnez l'occasion idéale, j'aimerais qu'on cesse d'aborder la question de manière binaire, c'est-à-dire avec des soldats sur place ou sans soldats sur place. Ce n'est pas aussi simple. Est-ce que je pense que des bataillons d'infanterie canadiens devraient tracer une ligne dans le sable du désert au nord de Kidal? Non, absolument pas. Est-ce que je pense que des forces spéciales canadiennes pourraient aider les forces spéciales françaises à lutter contre ces types-là? Est-ce que je pense que des agents de renseignement canadiens, des spécialistes de la logistique, des hélicoptères et des camions pourraient aider (a) les Africains et (b) les Français? Tout à fait.
(1135)
    Pensez-vous que les forces armées françaises ont demandé ce genre d'aide au Canada?
    Je n'en ai aucune idée, mais je sais que l'ONU l'a fait.
    Voici donc une autre question. Vous avez peut-être vu récemment un rapport de la Presse canadienne sur un sondage d'opinion réalisé par Harris/Decima indiquant que moins d'un Canadien sur cinq approuverait l'envoi de soldats dans un pays africain enclavé pour lutter contre une insurrection violente. Qu'en pensez-vous?
    J'en pense que les Canadiens ne sont pas terriblement bien informés sur ce qui se passe en Afrique, de manière générale, et dans l'ensemble du monde, d'ailleurs. Très franchement, je souhaiterais que les Canadiens soient mieux éduqués sur ce qui se passe dans le monde, et qu'on enseigne plus dans nos écoles non seulement l'histoire du Canada, mais aussi l'histoire du monde et la réalité de ce qui se passe sur le terrain dans des régions comme le Sahel.
    J'entends bien.
     Vous avez dit dans votre déclaration liminaire qu'aucun Canadien n'est en sécurité dans la zone. Qu'aucun Occidental n'est en sécurité dans la zone. Vous savez peut-être que certaines personnes ont suggéré que le gouvernement canadien, à l'appui de la feuille de route de retour à la démocratie au Mali, devrait envoyer des observateurs civils des élections. Considérant ce qui vous est arrivé, à vous et à M. Guay, est-ce quelque chose que le Canada devrait faire dans les prochains mois? Je parle d'envoyer des observateurs canadiens de ces élections.
    Je vous réponds que nous ne devrions pas le faire tant qu'il n'y aura pas là-bas les conditions nécessaires pour la tenue d'élections raisonnables. Tant qu'il y aura une menace pesant sur les observateurs des élections, tant qu'il y aura une menace pesant sur des élections libres et honnêtes, je dirais que non.
    Je comprends.
    Vous avez dit aussi que le Canada devrait contribuer plus en termes d'argent, à la fois sur le plan militaire et peut-être sur le plan humanitaire. Quel est le chiffre? Que pensez-vous que nous devrions proposer?
    En aide humanitaire…
    Oui. D'abord, du côté non humanitaire, puis du côté humanitaire. Avez-vous un chiffre à nous proposer?
    Sur le plan humanitaire, nous étions le deuxième fournisseur d'aide au Mali jusqu'à il y a un an. À Addis-Abeba, nous avons été le plus bas donateur du G8 au Mali et l'un des plus bas donateurs au monde. Je pense qu'on pourrait peut-être rééquilibrer cette balance.
    Vous avez dit que nous étions le plus gros donateur par habitant avant la violence au Mali.
    Je pense que nous étions le plus gros par habitant. Je n'ai pas fait le calcul par habitant mais nous étions le deuxième plus gros donateur national. Par conséquent, oui, je pense que nous pouvons faire plus. Nos amis du Mali méritent plus.
    Sur le plan militaire, combien d'argent pensez-vous que le Canada devrait fournir?
    La situation militaire évolue continuellement, comme vous l'avez constaté. Est-ce que je pense…
    Pensez-vous que les Français font des progrès contre les terroristes au Nord? Combien de combattants terroristes pensez-vous qu'il y a aujourd'hui au Nord-Mali?
    Personne ne connaît la réponse à cette question mais, si je devais faire une estimation, je dirais que c'est entre 2 000 et 3 000.
    Bien. Je pense que ça concorde avec ce que nous ont dit les experts.
    Merci, monsieur Dechert. C'est tout le temps que vous aviez.
    Nous passons maintenant à M. McKay pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins.
     Monsieur l'ambassadeur Fowler, vous semblez être très populaire ce matin. Je vais moi aussi continuer avec vous. Il est dommage que vous ne soyez pas aussi populaire auprès du ministre. Très franchement, je suis un peu déçu d'apprendre que celui-ci ne vous a pas convoqué pour avoir une conversation directe avec vous. Vous êtes probablement le meilleur expert du Canada sur cette question, et votre avis — qu'on le partage ou non — est tout à fait clair, et il repose à l'évidence sur de solides bases intellectuelles et factuelles.
    Je vais vous demander de préciser l'expression « beaucoup plus actif ». Je vous demande de la préciser en trois phases: diplomatiquement, militairement et sur le plan du développement. Vous avez dit qu'il ne peut y avoir aucune négociation militaire avec ces gens-là. Nous ne comprenons même pas leur mode de pensée.
    Jusqu'à présent, le gouvernement a fait preuve d'une certaine réticence à s'engager dans un nouveau conflit africain. Il vous incombe donc, considérant votre position, d'expliquer clairement non seulement pourquoi mais aussi comment nous devrions nous engager militairement. Je pense que, diplomatiquement, c'est automatique, de même que sur le plan de l'aide mais, militairement, je pense que c'est là qu'il y a une résistance ou une réticence fondamentale de la part du gouvernement.
(1140)
    Merci.
    J'ai déjà donné une certaine indication de la voie que nous devrions suivre, mais de manière relativement rétrospective. Je pense que, dès que les Français se sont engagés et que toute la situation a changé par rapport à ce plan onusien provisoire et très confus, et alors que nous étions entrés dans une phase beaucoup plus active sans attendre que quelque chose de mieux se produise entre maintenant et octobre, nous aurions dû communiquer aux Français, pour commencer, la panoplie des choses que nous pouvions fournir. Les C-17 auraient été un excellent point de départ mais, au-delà, je pense que nos forces spéciales oeuvrant avec les leurs auraient été une bonne idée.
    Quel aurait dû être notre objectif militaire?
    Notre objectif commun, l'objectif militaire de l'Occident, devrait être de diminuer la menace salafiste, islamiste et d'Al-Qaïda jusqu’au point où les Africains pourraient s'en occuper eux-mêmes, ce qui suppose une diminution considérable. Je parle de diminuer plutôt que d'éliminer parce que nous n'arriverons pas à l'éliminer. Il n'y aura pas un moment où nous pourrons dire « mission accomplie ». C'est une insurrection. Ce sera extrêmement difficile. Demandez aux Algériens, qui se battent contre ces types-là depuis une vingtaine d'années. Nous devrions nous joindre à leur combat car cela nous affecte, ainsi que nos amis.
    Nous aurions pu faire plus sur le plan logistique. Nous aurions pu fournir plus d'équipement. Je ne pense pas qu'on devrait envisager d'envoyer de l'infanterie, un grand nombre de soldats, mais je pense que nous avons certaines compétences particulières et que nous devrions les mettre au service de cette tâche.
    J'ai l'impression que nous avons laissé tomber le ballon, si vous voulez, en faisant la passe à la MISMA. Les Français se sont montrés réticents à s'engager à long terme, et notre gouvernement a le même problème. Plus la MISMA se mettra vite sur pied et deviendra capable d'agir, mieux cela vaudra pour nous tous, je pense.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de notre… En fait, très franchement, nous n'avons rien fait avec la MISMA. Nous ne l'avons pas financée; nous n'avons rien fait.
    J’ai été affligé de voir qu'en plus d'un engagement humanitaire décevant à Addis-Abeba, nous n'avons pris aucun engagement pour les deux fonds de fiducie établis afin d'appuyer la force sous conduite africaine et l'entraînement de l'armée malienne. Je pense que nous aurions dû faire ces deux choses-là. À quel niveau de financement, je ne saurais le dire, mais j'aurais aimé voir quelque chose qui soit plus conséquent.
    Je pense que vous m'avez demandé, monsieur McKay, si je pense qu'au-delà de la conférence de financement et des fonds de fiducie, nous devrions appuyer la MISMA, et ma réponse est un oui hésitant — à condition qu'on comprenne bien, et je regrette d'être aussi brutal, qu’elle ne fera pas le travail dont je parle. Ce n'est pas elle qui fera le travail consistant à diminuer Al-Qaïda.
    Cela nous fait donc entrer dans un cercle vicieux. L'objectif fondamental est de dégrader le plus possible Al-Qaïda, et nous avons une certaine idée de ce que cela exige, mais nous avons un partenaire qui ne sera pas capable de le faire. Cela nous place dans une situation vraiment très difficile.
    Vous avez tout à fait raison, à moins que la France et ses alliés militairement très capables fassent le travail eux-mêmes.
(1145)
    Ma dernière question portera sur cette soi-disant feuille de route vers la démocratie. Si la résolution de l'ONU n'est en réalité qu'une apparence de résolution, par opposition à une réalité de résolution, la feuille de route vers la démocratie semble truffée de nids-de-poule.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'effet ironique de l'arrêt des dons au gouvernement du Mali, qui est actuellement une dictature, et de la manière dont cela contribue à l'instabilité continue au Mali.
    Comme son temps de parole est écoulé, pourriez-vous répondre très brièvement, monsieur Fowler?
    Monsieur le président, vous me demandez de donner une très courte réponse à la question la plus compliquée qu'il ait été posée jusqu'à présent, et je vous assure qu'elle est très compliquée.
    Voyez-vous, monsieur McKay, je ne suis pas quelqu'un qui pense que la démocratie passe avant toute chose, tout le temps et partout. À l'heure actuelle, la situation politique du Mali est incroyablement complexe. Ce n'est pas une dictature mais ce n'est pas non plus une démocratie. Il y a des dirigeants provisoires, un président et un premier ministre, qui essayent de faire fonctionner le système face à l'obstruction continue d'un groupe de jeunes officiers de l'armée. Ce sont les Maliens qui doivent se dépatouiller avec ça. Je ne pense pas que la réponse soit que nous ne pourrons rien faire tant qu'il n'y aura pas eu des élections libres et justes dans un pays dont les deux tiers du territoire sont menacés par des gens qui haïssent la démocratie, qui haïssent la liberté, qui haïssent l'égalité des droits, qui haïssent toute forme d'égalité. C'est donc une situation un peu complexe.
    Merci. Bravo pour une réponse bien concise.
     Nous entamons maintenant un deuxième tour avec des interventions de cinq minutes. Comme il nous reste une quinzaine de minutes, nous pourrons probablement faire un tour complet.
    Nous commençons avec Mme Brown, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence, messieurs.
     J'aimerais donner un peu de temps à la Croix-Rouge pour qu'elle nous parle un peu plus de ses programmes.
    J'aimerais aussi corriger une idée fausse qui semble très répandue ici, à savoir que le Canada se retire de la région du Sahel. Il est clair que le Mali a été l'un de nos pays ciblés et, comme vous l'avez dit, monsieur Fowler, un pays où le Canada a été l'un des plus gros donateurs, à hauteur de 110 millions de dollars par an. Nous avons oeuvré sur les questions de gouvernance. Nous avons oeuvré sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Nous avons oeuvré dans le domaine de l'éducation.
     Contrairement à ce qu'on semble dire ici en affirmant que le Canada ne contribue pas à l'engagement militaire, nous avons oeuvré sur le terrain avec la CEDEAO, nous avons participé à l'entraînement des forces militaires et policières du Niger, dans toute cette région, pour les aider à développer leur capacité.
    J'ai eu l'occasion de visiter le centre Kofi Annan au Ghana et je peux vous dire que le Canada a été très actif dans ce pays et dans ce processus. La CEDEAO oeuvre pour s'assurer que tous les pays du Sahel obtiennent l'entraînement voulu. Lorsque la crise du Sahel est apparue, le Canada a été le premier sur le terrain avec des contributions pour des projets humanitaires destinés à assurer la sécurité alimentaire aux habitants de la région du Sahel. Nous avons fourni quelque 56 millions de dollars, en plus des 110 millions donnés au Mali — 56 millions de dollars. Nous avons encore le Sénégal et nous aurons le Ghana comme pays ciblés, ce qui veut dire que nous restons certainement engagés dans la région du Sahel.
    Je sais que vous avez parlé de la somme que nous avons annoncée à la conférence des bailleurs de fonds. Nous avons fourni 13 millions de dollars et, même si cela ne représente que 2 p. 100 de ce qui est fourni, nous avons appris la semaine dernière que l'Union européenne ne fournira que 20 millions de dollars. Donc, la contribution du Canada par habitant est largement supérieure à celle qu'on aurait pu attendre. En fait, nous avons accueilli la semaine dernière l'ambassadrice du Mali qui a déclaré, et je cite… Elle a remercié le Canada de la généreuse contribution qui a été annoncée la semaine dernière à la conférence des bailleurs de fonds. J'estime donc nécessaire de corriger l'idée fausse que le Canada ne fait rien.
    Je m'adresse maintenant aux représentants de la Croix-Rouge, canadienne et internationale. Vous avez déclaré tous les deux que nous avons un engagement à très long terme au Mali. Nous avons parlé d'abord du Canada. Vous avez dit que vous êtes engagés au Mali depuis 1986, ce qui représente 25 années de programmation.
    Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur les programmes auxquels vous participez là-bas et sur la manière dont vous aidez la Croix-Rouge malienne à développer sa propre capacité pour qu'elle puisse prendre votre place au moment voulu?
(1150)
    Merci beaucoup.
    Oui, nous oeuvrons dans ce pays depuis plusieurs années, comme vous l'avez dit. Nous n'avons pas été physiquement présents sur place pendant toutes ces années. Nous avons participé avec la Croix-Rouge malienne, en essayant de lui laisser toujours le soin de piloter ses programmes et en l'appuyant dans ses stratégies et ses priorités, parmi lesquelles figurent la réaction aux catastrophes et l'intervention en cas d'urgence.
    Pour cette dernière crise, elle a agi en collaboration très étroite avec le CICR, comme l'a dit mon collègue Rob Young. Elle n'aurait pas été capable de faire cela elle-même si le CICR n'avait pas été déjà présent sur place, puisqu'il est présent sur une vaste partie du territoire et dans les différentes régions du pays. Cette présence est très importante. Nous travaillons avec la Croix-Rouge malienne pour développer ses capacités et essayer de l'aider non seulement à intervenir en cas de catastrophe mais aussi à dispenser des services à sa population.
    L'un des domaines d'action est la santé. Plusieurs sociétés de la Croix-Rouge sont très fortes dans le domaine de la santé, comme nous le sommes au Canada, à la Croix-Rouge canadienne, et le programme de santé des mères et des enfants que nous menons avec la Croix-Rouge du Mali, avec l'appui du Canada, constitue au moins un début. Je dirais que nous devrions faire beaucoup plus, parce que la portée, l'étendue et la durée de ce travail sont encore un peu limitées, mais on tire quand même parti du fait que les bénévoles de la Croix-Rouge ont un entraînement élémentaire dans la prestation de premiers soins et qu'ils peuvent en plus être aidés à faire face aux problèmes touchant la santé des enfants au niveau communautaire.
    Nous savons qu'investir dans la santé est généralement une bonne chose, pour deux raisons. Nous savons que c'est rentable sur le plan économique — des études l'ont montré — et nous savons aussi que cela renforce la résistance. Quand les collectivités doivent réagir à une autre forme quelconque de menace ou de crise, elles peuvent réagir de manière beaucoup plus ferme si elles sont en meilleure situation sur le plan de la santé, notamment en ce qui concerne les femmes et les enfants, et c'est pourquoi nous voulons accroître cette résistance.
    Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions.
     Nous avons déjà un peu dépassé l'horaire et je donne la parole à Mme Laverdière, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie tous pour vos présentations. Elles étaient fort intéressantes.
     Je vais moi aussi poser mes questions aux représentants de la Croix-Rouge canadienne et du Comité international de la Croix-Rouge.
    Seriez-vous en mesure de nous donner plus de détails sur la situation des réfugiés? Quels sont les besoins les plus importants et quelle serait pour le Canada la contribution la plus pertinente à l'égard des réfugiés?
    La situation des réfugiés au Mali n'est pas due uniquement au récent conflit. Des réfugiés se déplacent depuis la pénurie agricole de 2011. Aujourd'hui, on estime que 371 000 personnes sont déplacées et que c'est autant à cause du conflit que de la crise alimentaire. La majorité de ces personnes, soit 227 000, sont déplacées à l'intérieur même du Mali.
    Plusieurs agences viennent en aide à ces personnes déplacées, dont les organismes de la Croix-Rouge dans tous les pays où ils sont impliqués, notamment la Mauritanie, le Niger et le Mali. Depuis l'intervention des Français dans ce conflit, 35 000 personnes se sont ajoutées aux gens déplacés. Les besoins de ces personnes sont énormes. La Croix-Rouge malienne est en train de revoir ses opérations ainsi que sa capacité, non seulement à venir en aide à ces personnes déplacées, mais également à participer au rétablissement à long terme qui suivra le conflit.
    À mon avis, la meilleure chose que le Canada puisse faire est de continuer à appuyer la Croix-Rouge malienne et les agences qui viennent directement en aide aux réfugiés, que ce soit le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou le Programme alimentaire mondial. En effet, certains besoins vont continuer à exister après la fin du conflit.
    La crise alimentaire qui a précédé le coup d'État et l'invasion du Nord n'est pas encore réglée. Quand ils vont rentrer chez eux, ces gens vont revenir à une nouvelle réalité — c'est du moins ce que nous espérons — et auront encore besoin d'appui.
(1155)
    Merci beaucoup.
    Comme nous parlons d'aide et d'appui financier, j'aimerais savoir combien vos deux organisations ont reçu en termes d'engagements financiers relativement à la crise du Mali et quelle proportion de cet argent a été versée par les différents donateurs.

[Traduction]

    En ce qui concerne le CICR, notre budget opérationnel dans la région… Je peux vous renvoyer pour plus de détails à nos appels d'urgence, et c'est aussi en format électronique, ce qui est plus pratique.
    Je dois dire qu'ici au Canada nous sommes très reconnaissants, et il ne s'agit pas là de simples platitudes découlant de ce que j'ai dit au début. En 2012, le gouvernement canadien a donné plus que dans le passé au CICR pour ses activités dans cette région. Nous avons demandé plus et nous avons reçu plus.
    Notre appel de 2013 est en cours. Nous l'avons lancé récemment, juste avant la fin de l'année, et nous espérons que le Canada continuera de penser à nous. Nous avons besoin de fonds pour dispenser une aide alimentaire, comme on l'a mentionné au sujet des populations déplacées par les combats, comme c'est le cas aujourd'hui. Je lisais récemment un rapport au sujet de mes collègues qui se trouvent tout au nord du pays, à la frontière de l'Algérie. Hier, le CICR et la Croix-Rouge malienne aidaient environ 4 000 personnes qui sont hébergées de manière inadéquate par environ 400 familles locales, lesquelles font de leur mieux conformément à leurs traditions.
    Nous avons certainement besoin de fonds non seulement pour l'aide alimentaire mais aussi pour toutes sortes d'activités, y compris, comme on l'a dit en réponse à votre question précédente, pour appuyer la Croix-Rouge du Mali. C'est l'un de nos objectifs, c'est-à-dire veiller à ce que la Croix-Rouge du Mali soit plus solide lorsque la paix sera revenue qu'elle l'était au début du conflit.
    Merci.
    Outre le transfert du CICR au Mali, nous avons été très heureux d'une contribution de 250 000 $ qui a été accordée à la Croix-Rouge canadienne, ce qui nous permet de contribuer à la fédération au Mali. Cela représentait environ 25 p. 100 de la demande globale pour le Mali. La demande a été plus modeste pour la fédération que pour le CICR parce qu'elle était adaptée aux capacités de la Croix-Rouge malienne, qui est un organisme très efficient et est aussi le principal partenaire de mise en oeuvre du Programme alimentaire mondial au Mali. Nous en sommes donc très reconnaissants.
    Outre cette contribution, la Croix-Rouge canadienne a été la première à se mobiliser et à envoyer un coordonnateur, non seulement pour le Mali mais pour l'ensemble du Sahel, basé de Dakar à la Mauritanie, et pour la Croix-Rouge du Mali, et nous maintenons cette présence encore aujourd'hui. Nous sommes actuellement très actifs dans cette région.
    Merci. C'est tout le temps que nous avions pour vous.
    Monsieur Williamson, vous pouvez peut-être poser une brève question pour conclure cette partie de la séance.
    Je vais faire de mon mieux.
    Je m'adresse directement à M. Fowler.
    Je suis heureux de vous voir ici aujourd'hui. Je vous ai écouté et j'ai lu certains de vos articles au cours des années. J'apprécie beaucoup votre franchise, qui est très louable, surtout dans le contexte canadien.
    Je conviens avec vous que la situation est dangereuse sur le terrain. Elle évolue et elle pourrait probablement empirer avant de s'améliorer. Nous avons parlé aujourd'hui de diminuer Al-Qaïda, de dégrader sa capacité, mais ce dont vous parlez en réalité, c'est de tuer l'ennemi. J'apprécie cette clarté et je suis d'accord avec vous. Ce n'est pas une question de bataillons ou de lignes tracées sur une carte mais plutôt d'une guerre asymétrique, potentiellement.
    Je voudrais me faire une idée de ce que cela signifie de façon à ne pas nous contenter d'en parler de manière abstraite pour effectivement mener la campagne que vous recommandez et qui, très franchement, me semble tout à fait nécessaire. On voit l’UPI parler de la partie nord de l'Afrique, ou de parties de cette zone, ou du Tora Bora de l'Afrique, par exemple, pour donner une idée de ce dont on parle ici. Ce que vous avez essentiellement recommandé aujourd'hui, c'est une campagne menée par des forces aériennes, une campagne dans laquelle des forces spéciales identifieraient des cibles et où des soldats des forces régulières seraient nécessaires pour assurer le suivi sur le terrain. Il y aurait en outre de la logistique et du transport vers le théâtre des opérations. Ce serait une contribution de taille et je ne suis même pas sûr que le Canada pourrait s'en charger tout seul.
    Nous sommes manifestement très proches dans nos recommandations. Je n'ai cependant aucunement suggéré que le Canada fasse ce travail-là tout seul. En fait, si c'était ce qui est envisagé, je serais très réticent. À mon avis, nous devrions faire cela maintenant en collaboration avec les Français, pour leur faciliter les choses. Nous possédons le genre d'équipement dont ils ont besoin, mais nous ne sommes pas les seuls à le posséder. Nous avons besoin d'équipement aérien de renseignement. Nous avons probablement besoin de drones, que nous n'avons pas. Nous avons besoin de petites équipes pouvant aller sur place pour faire le travail qu'il y a à faire, et ce, pendant un certain temps. Je ne sais pas pendant combien de temps cela pourrait durer, mais ça ne serait pas indéfini, ni même dix ans. Nous devons faire le nécessaire pour que l'armée malienne et la force de la MISMA, qui arrive si lentement et qui est entraînée si lentement, puissent tenir le fort. C'est exactement ce que je suggère.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais dire un mot à Mme Brown. Je ne veux pas me lancer dans une guerre de chiffres mais vous avez parlé d'une contribution européenne de 20 millions de dollars. Il s'agit évidemment de la contribution de l'agence d'aide européenne, pas de pays européens individuels. Les pays européens individuels — l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne — ont tous fourni beaucoup plus que cela.
    Oui, je pense que nous devons faire cela, et que nous devons le faire assez rapidement.
(1200)
    Merci.
     Je remercie beaucoup nos premiers témoins, messieurs Fowler, Rosene et Young.
    Je suspends la séance pour cinq minutes.
(1200)

(1205)
    Nous reprenons nos travaux.
    Je remercie les ministres qui ont pris le temps de venir devant le comité malgré des programmes très chargés.
    Nous accueillons David Morrison, vice-président principal, Direction générale des programmes géographiques, Agence canadienne de développement international.
    Nous avons aussi avec nous le ministre de la Coopération internationale, Julian Fantino.
    Et nous avons aussi le ministre des Affaires étrangères, John Baird, accompagné de Mme Buck, qui a déjà comparu devant le comité. C'est un plaisir de vous revoir, madame.
    Je crois que les ministres ont chacun une déclaration liminaire à faire.
    Voulez-vous commencer, monsieur le ministre Fantino? Vous aurez une dizaine de minutes, après quoi nous donnerons la parole à M. Baird. Ensuite, nous aurons une période de questions pour terminer l'heure.
    Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité. Merci de votre invitation.
    Notre pays coopère étroitement avec le Mali, bilatéralement, régionalement, et aussi comme partie de la Francophonie sur les questions de développement et de bonne gouvernance et de sécurité. De fait, nous avons été l'un de ses principaux partenaires de développement et l'avons aidé à stabiliser sa démocratie et à faire des progrès réels sur le plan de la santé et de l'éducation.
    La crise à laquelle le Mali est actuellement confronté revêt de nombreux aspects. Le pays est dans un état particulièrement fragile depuis que les combats se sont intensifiés au Nord, début 2012, lesquels ont été suivis d'un coup d'État en mars dernier. La situation humanitaire est également très préoccupante puisque les Maliens continuent à faire face aux conséquences de la crise alimentaire et nutritionnelle qui a touché la région du Sahel en 2012, et de l'incidence du conflit dans le Nord.
    Depuis la suspension de l'aide directe au gouvernement malien par suite du coup d'État, l'Agence canadienne de développement international a continué de fournir une aide au développement et une assistance humanitaire par le truchement d'organisations multilatérales et non gouvernementales.
    Sur le plan humanitaire, avec l'appui du Canada, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies a fourni une aide alimentaire et nutritionnelle d’urgence à environ 1,3 million de personnes au Mali au cours des 12 derniers mois. Avec notre aide, l'Unicef a mis en oeuvre un programme de nutrition permettant de sauver des vies pour le traitement de plus de 39 000 enfants maliens souffrant de malnutrition particulièrement grave. Notre appui à CARE Canada aide cet organisme à mettre en oeuvre un programme de transfert d’argent qui permet à 3 000 familles vulnérables de subvenir à leurs besoins essentiels dans la dignité. L'ACDI a également fourni un financement régional en réponse aux appels à l'aide du haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et du mouvement de la Croix-Rouge.
    Le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a fourni à 142 000 réfugiés maliens des articles essentiels tels que des couvertures, des batteries de cuisine, de l'hébergement et des fournitures sanitaires, alors que le mouvement de la Croix-Rouge a distribué des articles de ménage essentiels et des trousses d'hygiène ainsi que des aliments à environ 600 000 personnes affectées par le conflit.
     Le Mali a aussi bénéficié de la générosité directe de nos concitoyens qui ont fourni 6,9 millions de dollars à des organismes de bienfaisance canadiens enregistrés par le truchement du fonds de contrepartie de la crise du Sahel en août et septembre derniers. Ce fonds a été mis sur pied pour faire face à la crise alimentaire et nutritionnelle qui a touché la région générale du Sahel.
    Je dois aussi ajouter que, lors de la conférence des bailleurs de fonds qui s'est tenue le mois dernier en Éthiopie, j'ai annoncé, au nom du gouvernement canadien, que le Canada fournit 13 millions de dollars supplémentaires pour un certain nombre d'initiatives destinées à répondre aux besoins humanitaires pressants du Mali. Je veux parler ici de services d'hébergement, de soins de santé primaires et de services sanitaires et d'approvisionnement en eau dispensés à quelque 150 000 réfugiés maliens se trouvant au Niger, en Mauritanie et au Burkina Faso, et à plus de 235 000 citoyens maliens déplacés dans leur propre pays.
     En ce qui concerne la prise en compte des besoins à plus long terme, bien que l'ACDI n'ait aucun projet de développement en cours dans aucune des régions instables du Mali et n'oeuvre actuellement pas directement avec le gouvernement malien, le Canada continue de fournir une aide au développement dans les régions du sud du pays pour veiller à ce que les populations locales continuent à recevoir des services cruciaux de santé et d'éducation. Ce genre d'appui est absolument indispensable pour éviter des troubles sociaux dans le Sud et pour stabiliser la région du pays où habite la grande majorité des Maliens et où siège le gouvernement provisoire.
    Un Sud stable signifie que plus d'efforts peuvent être concentrés sur la situation d'insécurité du Nord, ce qui est également important pour assurer la continuité et le progrès du bon travail qu’a fait l'ACDI au Mali au cours des années. Jusqu'au coup d'État, le programme bilatéral de l'agence avait en fait produit des résultats non négligeables. Par exemple, les contributions du Canada pour sauver la vie de mères et d’enfants du Mali ont aidé à accroître de 13 p. 100 depuis 2003 le taux de naissances assistées, et à assurer en 2010 l'immunisation essentielle de 92 p. 100 des enfants de moins d'un an.
(1210)
    Dans le cadre d'une stratégie à long terme de réduction de la faim et de la pauvreté, l'ACDI appuie des projets d'irrigation et de développement agricole et encourage l'emploi de nouvelles méthodes et techniques pour accroître la sécurité alimentaire et la croissance économique. Cela aide les agriculteurs à survivre et à accroître leur production, à la fois pour leur propre consommation et pour la vente sur les marchés locaux.
    Toujours en 2010, les étudiants d'écoles primaires ont reçu 1,2 million de nouveaux ouvrages scolaires pour leurs études. Or, il s'agit là d'années cruciales pour le développement académique et social de l'enfant, des années qu'on ne peut pas facilement rattraper. L'accès à des ouvrages scolaires de qualité aide à maintenir les enfants à l'école et à faire en sorte qu'ils étudient vraiment. L'ACDI aide aussi à mettre sur pied l'industrie de réparation des ouvrages scolaires au Mali. Avec la collaboration du ministère malien de l'Éducation, on a pu prolonger la vie utile de près de 120 000 ouvrages scolaires, ce qui a permis au gouvernement d'économiser de l'argent en reportant à plus tard la nécessité de les remplacer.
    La promotion de la bonne gouvernance est un autre des piliers du programme de développement du Canada au Mali. L'appui de l'ACDI au système de justice a aidé le ministère de la Justice à élaborer et à mettre en oeuvre des procédures automatisées pour accélérer l'action de l'appareil judiciaire.
    Depuis plus d'une décennie, l'ACDI contribue activement à l'établissement de la démocratie au Mali, où nos interventions reposent sur les mêmes principes qui guident nos efforts de promotion de la démocratie dans d'autres parties de l'Afrique et ailleurs dans le monde, à savoir les droits humains, la règle de droit, des organismes publics responsables, et la liberté individuelle, comprenant le droit de participer librement à un processus électoral juste et démocratique.
     Il serait désolant que la fragilité actuelle du Mali provoque une régression quelconque à l'égard de ces gains importants qui ont été réalisés. L'appui du Canada au Mali tire parti d'une histoire longue et solide de relations positives et d'amitié avec toutes les différentes régions de l'Afrique, où nous avons un intérêt profond à favoriser la prospérité, la stabilité et la démocratie.
    Nous sommes également engagés activement avec nos partenaires de développement de l'Afrique francophone. En octobre dernier, j'ai accompagné le premier ministre au 14e Sommet de la francophonie dans la République démocratique du Congo, où le Canada a annoncé un appui qui aidera à prévenir la violence sexuelle faite aux femmes et aux filles de la RDC et à fournir les services et le soutien dont les victimes ont particulièrement besoin.
    Je me suis également rendu au Sahel l'automne dernier pour constater personnellement l'étendue des souffrances causées par les crises alimentaire et nutritionnelle et, le mois dernier, en Éthiopie pour discuter du conflit au Mali et des besoins financiers, logistiques et de développement des capacités des forces maliennes et de la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine.
    Considérant que le Canada appuie et aide l'Afrique depuis longtemps, il n'est absolument pas surprenant que nous voulions aider le Mali durant cette période difficile. Bien que notre suspension de l'aide directe au gouvernement malien reste en vigueur, l'Agence continue d'oeuvrer avec ses partenaires pour fournir de l'aide au développement particulièrement nécessaire pour répondre aux besoins des Maliens vulnérables. Je veux parler ici d'une aide pour assurer un avenir sûr et brillant aux enfants maliens, d'une aide destinée à appuyer la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, et d’une aide pour répondre aux besoins immédiats de la population touchée par le conflit actuel.
    Monsieur le président, membres du comité, le travail de développement n'est jamais facile, mais il est particulièrement difficile dans les pays dépourvus d'ordre constitutionnel, de paix et de stabilité. La crise du Mali ne pourra être réglée que par la collaboration des diverses parties prenantes maliennes, africaines et internationales. Le Canada souhaite voir un gouvernement démocratiquement élu au Mali, et le rétablissement de la stabilité.
    Permettez-moi de réitérer que le Canada reste engagé envers une approche internationale concentrée face à la crise du Sahel, envers le rétablissement de la sécurité et de la démocratie pour la population du Mali, et envers la résolution des crises humanitaires qui dévastent la région.
    Merci, monsieur le président.
(1215)
    Merci, monsieur le ministre Fantino.
     Monsieur le ministre Baird, vous avez la parole pour 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président et chers collègues. Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Permettez-moi de dire d'emblée que j'ai suivi attentivement vos récentes délibérations sur la situation du Mali, ce qui m'a permis de constater avec plaisir l'intérêt que portent à cette question complexe et importante les membres de ce comité et, en fait, les députés de tous les partis.

[Français]

    La réunion d'aujourd'hui ne représente qu'un volet de l'engagement de notre gouvernement à sensibiliser les parlementaires à la réaction du Canada face au conflit au Mali. J'espère que nous parviendrons à un consensus à l'égard de cet enjeu important. Comme les députés le savent, le premier ministre et moi avons pris cet engagement envers les chefs et les porte-parole des partis de l'opposition. Cet enjeu, comme il se doit, transcende la politique.

[Traduction]

    Pour l'information de ceux qui se joignent à nous aujourd'hui, voici quelques données de contexte.
    Le Mali, l'un des pays les plus pauvres au monde, englobe un territoire en Afrique de l'Ouest à peu près équivalent à celui du Québec. Le Nord-Mali, dont la taille est équivalente à celle de l'Alberta, est la région la plus pauvre du pays. Elle est peu peuplée, avec des collectivités et des villages dispersés sur un territoire désertique. Historiquement, elle n'a pas été sous le contrôle étroit du gouvernement central du Mali, et l'un de ses groupes ethniques est en rébellion semi-régulière contre ce gouvernement.
    Ces dernières années, la situation dans le nord du Mali a été aggravée par la présence croissante de terroristes et de groupes islamiques extrémistes, ainsi que par l'afflux d'armes vendues illégalement dans toute la région.
    Début 2012, les extrémistes ont multiplié leurs attaques contre les forces de défense maliennes puis, fin mars, une poignée de jeunes officiers a provoqué une crise politique en réalisant un coup d'État quelques semaines à peine avant les élections qui étaient prévues et auxquelles le président n'était pas candidat.
    Je suis heureux de dire que le Canada a réagi rapidement et vigoureusement pour condamner le coup d'État et exiger le rétablissement de la règle constitutionnelle. Afin de souligner clairement le désir du Canada de voir le Mali retrouver le chemin d'une gouvernance démocratique et représentative, j'ai décidé, avec mon collègue Julian, de suspendre les transferts d'aide bilatérale directe de façon à ne fournir absolument aucun soutien à la gouvernance illégitime. Au lieu de cela, nous avons agi avec des ONG pour dispenser une aide humanitaire, comme vient de l'expliquer mon collègue.
    En juin 2012 et durant les mois suivants, des groupes de Touaregs nationalistes, d'islamistes extrémistes et de criminels ont occupé toute la partie nord du pays et ont commencé à opprimer les populations locales. Les droits fondamentaux des hommes, des femmes et des enfants ont été régulièrement bafoués. Des milliers de citoyens ont été chassés de leurs foyers. Des millions sont maintenant exposés à la malnutrition.
    Je vous donne ces informations générales simplement pour dire que le Canada a suivi attentivement la situation et y a réagi longtemps avant que la plupart des gens commencent à s'y intéresser, ces dernières semaines, et longtemps avant que le pays fasse la manchette des journaux, presque quotidiennement.

[Français]

    Le Canada est actif au Mali depuis longtemps. Nous avons réagi avec vigueur aux nombreux défis qui se sont présentés au cours de l'an dernier et nous continuerons de prendre des mesures appropriées en collaborant avec des membres de la communauté internationale ayant des vues similaires aux nôtres.

[Traduction]

    Le 20 décembre dernier, quelques jours avant Noël, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la Résolution 2085 qui souligne avec sagesse l'importance des deux volets, le volet politique et le volet de la sécurité, pour résoudre la situation du Mali, et qui autorise le déploiement au Mali pendant une année d'une mission internationale de soutien sous conduite africaine.
    En janvier, à la demande du gouvernement malien provisoire, la France a rapidement lancé une opération militaire pour appuyer les forces maliennes dans leurs efforts visant à repousser une avance soudaine de terroristes dans le Sud, menaçant la capitale. Notre gouvernement a endossé cette initiative en fournissant un avion C-17 de grande capacité qui a permis jusqu'à présent de transporter près d'un million de livres d'équipement. Cet appui, conjugué à celui d'autres pays, a aidé la France et les forces françaises avec d'autres forces africaines à repousser les éléments extrémistes en dehors de la plupart des villes du nord du Mali. Les Français ont déclaré que, si les conditions le permettent, leurs forces se retireront d'ici la fin mars.
    Nous cherchons le moyen d'agir contre la crise humanitaire et nous appuyons à Ottawa et à Bamako la feuille de route vers des élections démocratiques plus tard cette année.
    Chers collègues, nous oeuvrons dans trois voies différentes pour faire face aux défis énormes que connaît ce pays, et nous cherchons le moyen de relever efficacement les défis de l'ensemble de la région. Nous avons été présents là-bas, et nous serons encore présents là-bas, pour la population du Mali et, ce qui est tout aussi important, celle des pays voisins.
    Sur ce, je répondrai avec plaisir à vos questions.
(1220)
    Merci, monsieur le ministre Baird.
    Nous allons commencer avec l'opposition.
    Monsieur Dewar, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos collègues d'être venus exposer leur position et le point de vue du gouvernement.
    Je m'adresse d'abord au ministre Baird.
    En ce qui concerne cette mission — vous venez tout juste de dire que vous suivez la situation au Mali depuis longtemps et que vous avez agi, mais qu'elle a changé et a été fluide —, qui est le ministre chargé de piloter le dossier? Est-ce vous ou quelqu'un d'autre?
    En qualité de ministre des Affaires étrangères, c'est évidemment moi qui pilote la politique étrangère. C'est en grande mesure une démarche d'équipe. Je collabore très étroitement avec mon collègue, le ministre de la Coopération internationale, à ce sujet. Je collabore aussi très étroitement avec le ministre de la Défense nationale. Évidemment, sur les questions de sécurité nationale, le premier ministre préside le comité pertinent du Cabinet et tient compte des avis et conseils de tout le monde, depuis son conseiller en sécurité nationale jusqu'au chef d'état-major de la Défense.
    C'est donc vous le chef de file, avec de l'aide.
    En ce qui concerne les politiques fondamentales, je suppose que oui.
    Je pose cette question parce qu'il y a eu une certaine confusion au début, et je pense que vous en conviendrez. Le ministre McKay avait suggéré que nous ferions de l'entraînement militaire, après quoi vous avez dit que ce ne serait pas le cas. Ensuite, les Français ont demandé la capacité d'emport que vous venez juste de mentionner et que vous avez dit avoir approuvée.
    Certains d'entre nous, même si nous sommes dans l'opposition, craignaient un certain manque de cohérence dans notre action. On a l'impression, dans ce cas, que la politique étrangère est un peu laissée à vau-l'eau. Or, nous pensons que la cohérence est très importante en ce moment parce que nous avons besoin de voir que notre gouvernement est sur le terrain et qu'il comprend exactement les menaces, qui sont nombreuses. Nous avons entendu des témoins nous parler de la menace évidente des extrémistes, mais il y a aussi ce qui se passe au Sahel du point de vue de la crise alimentaire. Nous avons là une crise régionale, vous en conviendrez.
    Pourriez-vous me dire combien d'ambassades ou de missions canadiennes ont été fermées en Afrique pendant les cinq dernières années? Si vous n'avez pas le chiffre en tête, pourriez-vous le communiquer plus tard au comité?
    Je sais qu'il y avait un bureau de l'ACDI au Niger.
    Vous pourrez l'envoyer au comité.
    Je ne pensais pas que…
    C'est la Tunisie, oui.
    C'est ça.
    Et c'est tout. Il n’y a pas d'autres ambassades en Afrique qui ont été fermées au cours des cinq dernières années.
    Nous vous enverrons l'information.
    Je vous en remercie. Il est important que nous ayons notre infrastructure sur le terrain pour faire face à cette crise qui va durer.
    L'une des choses qui m'ont surpris aujourd'hui concerne votre manière d'obtenir des conseils. M. Fowler témoignait tout à l'heure devant notre comité. Je lui ai demandé si vous aviez sollicité son avis au sujet de ce qui se passe sur le terrain. Pourriez-vous me dire pourquoi vous n'avez pas sollicité l'avis de M. Fowler? C'est un diplomate chevronné qui a par ailleurs traversé récemment certaines épreuves que nous connaissons tous. Peut-être considérez-vous maintenant que vous auriez dû solliciter son opinion sur ce qui se passe là-bas.
    Monsieur Fowler a certainement fourni très librement des avis au gouvernement et à tous les parlementaires. C'est à l'évidence une personne de grande distinction comme ancien diplomate et agent des Affaires étrangères. Je peux cependant vous dire que j'ai encore mieux que cela: j'ai tout le ministère des Affaires étrangères et toute l'équipe diplomatique pour me donner des conseils et des avis.
    Mais pourquoi ne pas l'inviter très simplement pour lui demander son avis sur ce qui se passe là-bas? C'est à mon avis le meilleur expert que nous ayons à ce sujet en ce moment.
(1225)
    Je ne vais pas engager un débat avec un ancien diplomate.
    Il ne s'agit pas d'engager un débat mais d'obtenir un avis, et d'obtenir le meilleur avis. Je vous encourage à le faire à l'avenir. Comme il l'a dit, il est tout à fait disposé à partager ses informations. Peut-être devrions-nous faire cela.
    Il a déjà partagé très librement ses informations avec tout le monde.
    En qualité de ministre des Affaires étrangères et de chef de file sur ce dossier, je pense qu'il est important que vous obteniez les meilleurs avis possibles. C'est ce que nous souhaitons pour notre pays.
    Je tiens à vous dire que je suis très satisfait des avis et conseils exceptionnels que je reçois des employés du ministère.
    Mais plus serait mieux, dans ce cas, monsieur le ministre.
     Nous sommes dans une situation où le gouvernement a dit appuyer la feuille de route, appuyer le développement, mais nous n'avons pas vu de dollars sur la table. Nous avons les 13 millions de dollars, environ 2 p. 100 de la demande. La MISMA n'est pas une chose à laquelle le gouvernement a contribué. Nous avons appuyé la feuille de route, le gouvernement l'appuie, mais il n'y a pas d'argent.
    Sur le plan institutionnel, nous sommes impuissants parce que Droits et démocratie n'existe plus. Pour l'institut du développement démocratique, il a été annoncé plusieurs fois par le gouvernement puis il est mort. Avez-vous l'intention de créer à l'avenir quelque chose comme cet institut du développement démocratique? C'est une chose qui aurait été très utile, évidemment, dans cette région et dans d'autres.
    J'ai rencontré Valerie Amos il y a deux ou trois semaines. La demande qu'elle m'a présentée, face à face, était de l'ordre de 390 millions de dollars d'aide humanitaire, sous l'égide à la fois de ses bureaux et du Programme alimentaire mondial de l'ONU. Le ministre a répondu quasi immédiatement avec 13 millions de dollars, ce qui est très proche du pourcentage canadien typique, juste en-dessous de 4 p. 100.
    Avez-vous l'intention de fournir de l'argent pour la feuille de route, c'est-à-dire les 3 millions de dollars? Avez-vous l'intention d'aller de l'avant avec l'institut du développement démocratique, comme vous l'aviez promis dans le passé? Tout ce que nous avons aujourd'hui, c'est ce bureau de la liberté religieuse, qui n'existe pas encore et n'a pas encore de directeur.
    Ma question est donc très précisément celle-ci: allez-vous aller de l'avant avec l'institut et allez-vous mettre de l'argent dans la feuille de route?
    En ce qui concerne la feuille de route, elle vient tout juste d'être proposée. Nous y réfléchissons et en discutons avec nos alliés.
    Je ne prends pas pour argent comptant tout ce qui vient de Bamako. Comme vous le savez, vous et moi étions censés nous rendre à Bamako, je crois, le jour même où le premier ministre a été arrêté, ou la veille. Ces interlocuteurs ne sont donc pas fiables quand il y va de la démocratie et de la liberté.
    En ce qui concerne les demandes budgétaires, nous les examinons attentivement. Mais nous ne prenons pas les décisions.
    Finalement, monsieur le ministre, vous avez dit dans le passé que la plus grande menace en matière d'affaires étrangères et d'affaires mondiales, selon vous, est l'extrémisme, le terrorisme. Je pense que c'est très bien, et beaucoup de gens partagent sans doute votre opinion, car c'est une menace à notre existence collective. Toutefois, quand je constate que notre empreinte dans des endroits comme l'Afrique, la région menacée en ce moment, rétrécit comme peau de chagrin, et quand je vois que nous n'avons pas la capacité ou les outils dans notre boîte à outils — comme je l'ai dit, l'institut du développement démocratique, la fermeture de Droits et démocratie, et nous avons ce bureau de la liberté religieuse que personne ne dirige —, force est bien de poser cette question: est-ce que le gouvernement prend tout ça au sérieux?
    On semble faire de la diplomatie au rabais. Notre diplomatie va à vau-l'eau. J'ai besoin de savoir que nous avons un gouvernement qui prend cela su sérieux, car vous avez mentionné cette menace qui existe et ce à quoi nous devons réagir.
    Parlant de diplomatie au rabais, vous-même, monsieur, dans les premières heures de cet engagement vouliez envoyer des troupes canadiennes au Mali, sur le terrain, et même votre chef ne vous a pas appuyé. Ne parlez donc pas de…
    M. Paul Dewar: [Inaudible]
    À l'ordre. C'est tout pour vous, monsieur Dewar. Vous devrez revenir au tour suivant.
    M. Paul Dewar: [Inaudible]
    Le président: C'est tout le temps dont vous disposiez, monsieur Dewar.
     Nous allons maintenant passer du côté du gouvernement.
    Madame Brown, vous avez la parole pendant sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être ici aujourd'hui, messieurs les ministres.
    Le débat auquel nous participons depuis quelques semaines est extrêmement important, et j'espère sincèrement que les Canadiens qui suivent nos délibérations parviennent à se faire une idée du rôle du Canada, et de notre préoccupation pour ce qui se passe au Mali. Comme je l'ai dit ici même la semaine dernière, j'ai un intérêt acquis en la matière: j'aide une petite fille depuis 10 ans par le truchement de Vision mondiale et, dans l'intérêt de Tolatta, je souhaite que le Mali retrouve une situation dans laquelle la démocratie pourra s'épanouir.
    À vous deux, si vous le permettez… Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a de l'autre côté de cette table des gens qui essayent de répandre l'idée fausse que le Canada a quitté l'Afrique, que le Canada a quitté la région du Sahel. Je me demande donc s'il vous serait possible de nous parler de l'action du Canada là-bas, en Afrique de manière générale, si vous voulez, mais particulièrement dans la région du Sahel, et de nous dire les choses que nous avons faites pour aider à améliorer la gouvernance, pour aider à entraîner des forces de sécurité, notamment le centre Kofi Annan au Ghana. Nous travaillons avec la CEDEAO.
    Pourriez-vous nous parler de ces questions?
    Monsieur le ministre Baird, cette discussion sur la MISMA… J'étais au Malawi il y a deux semaines, où j'ai eu l'occasion de discuter avec le général de l'armée du Malawi, qui a parlé de la MISMA. Il est indispensable que la solution au Mali soit une solution sous conduite africaine. Je me demande si vous pouviez nous parler de cela aussi.
(1230)
    Je vais répondre à la première question, monsieur le président.
    Il est vraiment important de comprendre… Cette crise est très troublante et certainement extrêmement décevante, surtout pour le Canada, à cause de notre engagement au Mali depuis fort longtemps, puisqu'il remonte aux années 1960, en réalité. C'est devenu un pays ciblé en 2009.
    Je peux vous donner le montant des dollars des contribuables canadiens qui ont été fournis au Mali, qui s'élèvent en moyenne à une centaine de millions de dollars par an. À part cela, pour répondre à la question de savoir si le gouvernement canadien a oublié ou non ou a réduit son intérêt ou son engagement en Afrique, rien ne saurait être plus faux.
     Comme je me suis rendu là-bas, et je sais que vous l'avez fait aussi, je sais qu'il y a un degré élevé de participation d'ONG canadiennes dans cette partie de l'Afrique. L'an dernier, lors de la grande sécheresse, nous n'avons pas seulement contribué de l'argent à hauteur du fonds de contrepartie, ce qui a permis d'éviter une énorme catastrophe, à mon avis, nous nous sommes aussi rendus dans les pays voisins qui reçoivent des personnes déplacées du Mali, à qui nous avons parlé aussi. Nous sommes donc très sensibles à la situation.
    Je crois savoir que le ministre Baird est allé là-bas cinq fois. Le premier ministre y est allé l'automne dernier. Je suis moi-même allé sur place. Je peux sincèrement dire qu'il y a donc eu un engagement véritable, honnête et humanitaire envers le Mali avant, maintenant, et qui continuera certainement à l'avenir.
    Nous avons été très actifs ces dernières années, notamment dans la région du Sahel, et directement au Mali en matière de lutte contre le terrorisme et de développement des capacités. Nous avons dépensé des millions dans des pays du Sahel pour renforcer leur capacité dans un certain nombre de domaines: exécution des lois, force militaire, service de renseignements, régime juridique, et justice pénale, surtout dans le contexte du terrorisme. Le Mali a été le bénéficiaire le plus important de notre programme de développement des capacités de lutte contre le terrorisme dans cette région depuis 2010.
     Depuis 2010, nous avons fourni plus de 7 millions de dollars pour financer et renforcer la capacité opérationnelle des forces de sécurité du pays, ainsi que pour renforcer son régime juridique, surtout contre le terrorisme. Et cela doit être ajouté aux ressources humanitaires importantes qui ont été fournies.
    Je me suis particulièrement occupé de ce dossier. J'ai rencontré des représentants du Mali. Il y a deux jours, j'ai passé un peu de temps avec l'ambassadeur de Mauritanie. Évidemment, nous avons aussi rencontré mes homologues au Nigéria. Le président de l'Union africaine et le président du Bénin sont venus nous rendre visite et nous ont donné des informations particulières sur la situation.
     Cela dit, j'hésite beaucoup à envoyer potentiellement des milliers de soldats canadiens sur le sol malien, comme d'autres l'ont réclamé, pour intervenir dans ce qui sera et est déjà une contre-insurrection. Nous n'allons pas nous lancer dans un autre Afghanistan dans cette région pour un oui ou pour un non.
    Nous avons la responsabilité importante de participer activement au rétablissement de la démocratie. Nous avons l'obligation d'appuyer ce combat contre le terrorisme. Voilà pourquoi nous appuyons un allié crucial, la France, à cet égard. Nous fournissons une aide humanitaire substantielle, et nous sommes prêts à faire plus, car ce problème ne se réglera pas du jour au lendemain.
    Nous avons adressé certaines demandes importantes au gouvernement en ce qui concerne l'appui d'organisations régionales et avant une mission au Mali. Nous y réfléchirons attentivement avant de tirer des conclusions.
    Cela dit, d'aucuns prétendent que nous devrions envoyer immédiatement des centaines de milliers de soldats canadiens pour rétablir la paix. Il y a d’un côté un gouvernement militaire qui a pris le pouvoir par un coup d'état l'an dernier et, de l'autre côté, une organisation affiliée à Al-Qaïda. Je ne pense pas qu'ils soient prêts à participer à une mission de paix. C'est beaucoup plus une forme d'insurrection sur le terrain, comme nous l'avons vu en Irak et en Afghanistan.
    Avant de prendre une décision expéditive d'envoi de soldats canadiens, il nous incombe d'examiner les faits. Voilà pourquoi nous avons déclaré très clairement que ce n'est pas quelque chose que nous envisageons de faire.
    Cela veut-il dire que le Canada n'interviendra pas? Non. Nous pouvons appuyer la CEDEAO, l'ONU et les voisins du Mali.
    Je crois qu'un des éléments essentiels de la résolution du 20 décembre du Conseil de sécurité est que la mission soit sous conduite africaine, ce que nous approuvons sans réserve. Nous avons constaté le succès sur lequel cela peut déboucher, par exemple en Somalie où une quantité importante de ressources canadiennes a été consacrée à la prestation d'un appui aux forces d'autres membres de l'Union africaine. Voilà la stratégie que les Canadiens appuieront, et non pas l'envoi de soldats canadiens au Mali.
(1235)
    Merci beaucoup.
    C'est tout le temps dont vous disposiez.
    Nous passons maintenant à M. McKay, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci à tous deux être venus.
     Il est très décevant, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas eu le temps de rencontrer M. Fowler ces derniers mois et que vous vous en remettiez uniquement à ce qu'il déclare publiquement au lieu de ce qu'il pourrait vous dire en privé, car c'est à l'évidence l'un des diplomates les plus chevronnés et respectés du Canada, qui connaît particulièrement bien la région.
    Pour s’en tenir à ce que M. Fowler a déclaré publiquement — et je suis sûr que vos collaborateurs vous ont fait part de ce qu'il a dit aujourd'hui —, il estime que le Canada devrait être sensiblement plus engagé dans ce conflit, pas seulement pour la stabilisation du Mali mais pour l'ensemble de la région, et aussi internationalement, et que vous devriez être très focalisé sur ce que vous essayez d'accomplir quand vous agissez au Mali.
    Monsieur le ministre, quels sont les objectifs militaires du Canada au Mali?
    Notre seul objectif militaire au Mali à l'heure actuelle consiste à appuyer un ami très proche, un allié proche, la France, qui a pris la décision unilatérale d'entreprendre une mission militaire. Elle a sollicité l'appui du Canada et nous avons examiné sa requête très rapidement et y avons répondu positivement. Aujourd'hui, c'est la seule mission.
     D'aucuns nous demandent d'envoyer des soldats canadiens au Mali et nous avons dit qu'il n'y aurait pas de soldats canadiens sur le terrain.
    Vous a-t-on demandé de prolonger la mission du C-17?
    Pas pour le moment mais, si cela arrive…
    Vendredi, c'est dans quelques jours.
    Ils ont demandé un C-17 un samedi et le premier ministre a mené de larges consultations au sein du gouvernement. Nous avons pris contact avec les chefs de l'opposition et avons fait l'annonce le lundi. Nous l'avons prolongé à leur demande. S'il y a une autre demande…
    Donc, nous saurons peut-être jeudi à minuit s'il y aura une prolongation du C-17?
    Ma deuxième question concerne…
    Et vous disiez qu'il ne faut pas politiser ces questions!
    … les entraîneurs que l’UE va envoyer. Le Canada va-t-il participer à cela?
    Pourriez-vous répéter cette question? Je suis désolé.
    Les entraîneurs.
    Nous n'avons pas encore décidé si nous allons fournir de l'entraînement.
     Je peux vous dire que j'hésiterais à fournir de l'entraînement à une force militaire qui a déjà fait un coup d'état et a renversé un gouvernement démocratiquement élu, quelques semaines avant une nouvelle élection, lorsque le président n'était même pas réélu.
    Je présume que les entraîneurs sont pour les soldats africains à qui vous et moi convenons qu'il faut transmettre le bâton. Si vous n'aidez pas la MISMA et l’UE, ou la mission de l'ONU, comment pouvez-vous penser que, lorsque la France se retirera, légitimement, ce que vous et moi approuvons, ils seront prêts à faire face à ce qui est une insurrection, une force terroriste, une menace pour la région, une menace pour l’UE, et une menace pour le monde?
    Il y a eu une demande d'aide financière, il y a eu une demande d'entraînement militaire, il y a eu une demande de la part de certains membres du comité pour que nous envoyions des soldats sur le terrain. Nous avons dit non à la dernière et que nous allons réfléchir aux deux autres.
    Quand pensez-vous prendre une décision au sujet du financement? Est-ce imminent?
    Nous vous le dirons quand nous aurons décidé.
    Je suis sûr que nos partenaires aimeraient le savoir le plus vite possible de façon à pouvoir aussi se préparer à tout ce qui…
    Chaque pays prendra ses décisions à sa convenance. Nous allons prendre le temps de réfléchir attentivement à l'utilisation éventuelle de l'aide financière, aux personnes qu'elle servirait à entraîner, et aux garanties qu'il pourrait y avoir de respect de valeurs et d'éthique en termes de présence militaire sur le terrain.
(1240)
    J'ai une dernière question à poser avant de laisser la place à mon collègue.
    Quelle pression diplomatique le Canada exerce-t-il sur le Mali pour atteindre ce que j'estime être un objectif très optimiste de démocratie d'ici juillet?
    Nous avons été très clairs et avons exercé une pression diplomatique non négligeable auprès de l'ambassade présente ici et sur le terrain, par le truchement de notre mission à Bamako. Nous sommes heureux qu'on ait annoncé la feuille de route et qu'on ait pris l'engagement de tenir des élections d'ici l'été. Cela dit, je ne parierais pas trois sous là-dessus.
    Merci, et je remercie mon collègue.
     Merci d'être venus, messieurs les ministres.
    Certains de vos membres au sein de ce comité ont fait allusion à des sondages réalisés auprès des Canadiens sur une intervention au Mali, en Afrique. Monsieur le ministre, vous avez fait allusion aux excellentes personnes que vous avez sur le terrain et aux Affaires étrangères. J'espère seulement que notre gouvernement ne prend pas ses décisions en fonction des sondages et que vous tenez compte des avis des diplomates et des gens sur le terrain.
    Je suis heureux de voir M. Obhrai ici car lui et moi sommes allés au Mali il y a quelques années. Nous avions pu constater l'importance du Canada pour le Mali, du point de vue de notre action sur place jusqu'à l'époque actuelle. Nous avions là-bas des ambassadeurs, et il y avait un ambassadeur du Mali ici. Les Maliens étaient très préoccupés au sujet de la présence du Canada sur le terrain. Vous avez fait allusion à la manière dont le bureau de l'ACDI a été fermé au Niger. Il n'y a pas de bureau de l'ACDI au Mali.
    On a des inquiétudes pour l'avenir. Certes, il y a actuellement de l'aide humanitaire, ce qui est très bien, mais que se passera-t-il… Le Canada est tellement important pour l'avenir du Mali. Qu'allons-nous faire? Que fera précisément notre gouvernement pour aider ce pays? Nous l'avons beaucoup aidé sur le plan financier pour l'éducation, la santé et d'autres choses de ce genre, que nous ne finançons pas vraiment actuellement. Et quels sont vos plans pour l’aider dans son développement à long terme? Cela a été abordé avec l'ambassadeur du Mali, c'est-à-dire la crainte que nous n'ayons personne sur le terrain.
    Lorsque cette soi-disant transition se fera, la crainte essentielle est que nous ne serons pas prêts à combler le vide que nous avions toujours comblé avec les Maliens dans le passé.
    Monsieur le ministre, vous avez à peu près une minute pour répondre.
    Très rapidement, monsieur le président, et simplement pour corriger une erreur, nous avions un bureau de l'ACDI au Mali. Pour des raisons de sécurité, nous avons fait sortir ces gens-là mais nous étions sur le terrain. Nos gens sont à proximité et continuent de travailler par le truchement d'autres ONG. Nous sommes toujours impliqués, en tout cas du côté humanitaire.
    De manière plus générale, il y a certaines conditions, attentes et responsabilités que nous souhaitons voir. Le ministre Baird a fait allusion à toute la notion de stabilité, de renouvellement de la démocratie et de toutes les questions de ce genre. Nous serons certainement là pour les gens. Nous serons certainement là sur le front humanitaire, et nous avons d'ailleurs pris l'engagement de nous assurer que le Mali reprenne les progrès qu'il faisait vers la gouvernance démocratique.
    Merci.
    C'est tout le temps que vous aviez, monsieur Eyking.
    Nous entamons maintenant le deuxième tour, de cinq minutes.
    Monsieur Dechert, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs les ministres, d'être ici ce matin.
    Monsieur le ministre Baird, pouvez-vous nous dire quels progrès les Français ont réalisés? Nous avons entendu dire qu'ils avaient fait des progrès assez importants ces derniers jours. Pouvez-vous nous dire où en sont les progrès français là-bas, et aussi quelle est la situation des rebelles, selon votre information?
    La poussée française n'a pas été une poussée de la seule armée française puisque celle-ci a travaillé à côté de l'armée malienne, avec les troupes de la MISMA venant derrière pour contrôler et protéger les collectivités libérées par les forces françaises et maliennes. À l'heure actuelle, toutes les collectivités du nord et du centre du Mali ont été sécurisées. Il n'y a pas eu d'incident majeur depuis le 10 février.
     Comme on l'a dit la semaine dernière, il y a certaines indications que les insurgés, les extrémistes islamistes, reviennent périodiquement pour essayer de combattre les forces armées maliennes en périphérie de certaines villes. Ils n'ont pas eu de succès particuliers à cet égard. Il y a eu quelques attentats suicide mais, comme je l'ai dit, les forces françaises et maliennes ont fait des progrès considérables qui se sont maintenus ces dernières semaines depuis le début de leur poussée.
(1245)
    Vous diriez donc que la situation est assez bonne, à l'heure actuelle?
    Oui.
    Il faut dire très clairement que, même si la France, avec l'appui de certains des voisins du Mali, a connu beaucoup de succès, ce que nous voyons aujourd'hui, ce sont des rebelles appuyés par Al-Qaïda qui se volatilisent simplement dans certaines régions du pays, qui vont se cacher dans les montagnes. Nous avons déjà constaté les prémisses d'une insurrection très similaire à ce qui s'est passé en Irak après l'invasion des Américains, très similaires à ce qui s'est passé en Afghanistan pour toutes les forces de coalition, et c'est quelque chose qui devrait beaucoup nous préoccuper. Il ne s'agit pas d'une guerre classique où il y a deux adversaires avec un début et une fin. Telle est la nouvelle réalité d'aujourd'hui.
    Merci.
    Monsieur le ministre Baird, vous avez parlé tout à l'heure de la feuille de route pour le retour de la démocratie en disant que c'est important pour le Mali et pour le rétablissement de l'aide canadienne au Mali. Vous avez ajouté que vous restez très sceptique. Pouvez-vous nous dire quelles sont à votre avis les défis particuliers auxquels est confronté le gouvernement malien pour assurer la tenue de ces élections démocratiques en juillet?
    Comme je l'ai dit, nous appuyons la feuille de route de manière générale. Nous sommes heureux que ceux qui ont perpétré un coup d'état militaire ont déclaré qu'ils aimeraient retourner à la démocratie. Quand ceux qui ont aboli la démocratie disent qu'ils souhaitent son rétablissement, je pense que nous avons le droit être sceptiques, mais en faisant quand même tout notre possible pour appuyer cette évolution démocratique et les institutions susceptibles d'y contribuer.
    Monsieur Baird, vous savez, et vous l'avez mentionné, que la liberté de religion est un élément clé de la politique étrangère du Canada. Or, selon certaines informations, il y a eu des persécutions religieuses graves dans le Nord-Mali. Pourriez-vous nous donner des informations sur les tensions religieuses qui existent au Mali? À votre avis, les choses s'améliorent-t-elles ou empirent-elles à ce chapitre?
    Ce n'est pas un phénomène nouveau, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, mais je demande à Kerry Buck, notre directrice politique, de vous répondre.
    Merci beaucoup.
     Il y a eu des tensions religieuses, mais elles ont été exacerbées, c'est le moins qu'on puisse dire. Elles l’ont été l'an dernier lorsque des groupes islamistes extrémistes, beaucoup venant de l'extérieur du Mali, sont entrés dans le pays et y ont importé une forme très extrême de l'islam, dans les régions du Nord. Traditionnellement, les Touaregs sont plus séculiers ou adhèrent à une forme plus modérée de l'islam, et ils ont une approche assez tolérante dans leur mode de vie dans les régions du Nord. C'est donc l'importation de formes vraiment extrêmes de l'islam, par les groupes islamistes qui sont arrivés l'an dernier, qui a été la cause principale des tensions religieuses. Notre but est de voir le Mali redevenir la société de tolérance acceptant les différences que nous connaissions avant l'insurrection de l'an dernier.
    Monsieur le ministre Baird, vous avez rencontré les ambassadeurs de France et du Mali la semaine dernière, si je ne me trompe. Pourriez-vous nous dire comment cette rencontre s'est déroulée, ce qui a été discuté et les informations qui vous ont été communiquées?
    Je pense que ce fut une bonne réunion. Nous avons procédé à un bon échange de vues. Ils ont fait clairement le point sur leurs objectifs actuels et sur ce qu'ils souhaitent pour l'avenir. Cela dit, c'était il y a deux ou trois semaines et vous savez que la situation change très rapidement, de jour en jour, ce qui signifie que ce n'est quasiment plus pertinent aujourd'hui. J'ai cependant indiqué notre ferme engagement envers le peuple du Mali. J'ai souligné, je pense — et le Canada a été l'une des voix les plus fortes à ce sujet —, la nécessité de rétablir un régime démocratique. Nous avons évidemment exprimé notre appui vigoureux à un pays ami et à un allié crucial, la France.
    Merci beaucoup.
     C'est maintenant au tour de Mme Laverdière, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous tous et merci aux deux ministres d'être présents ce matin.
    Monsieur le ministre Fantino, vous avez assisté à la réunion à Addis-Abeba. Pourriez-vous nous parler un peu de ce que vous avez retenu, ce qui vous a marqué lors de cette réunion et nous rappeler en même temps quels ont été les engagements financiers globaux de la communauté internationale lors de cette réunion?

[Traduction]

    Plusieurs choses en sont ressorties, essentiellement la préoccupation qui a été exprimée par la communauté internationale au sujet de ce qui est arrivé au Mali.
    Tout le monde est venu avec une offre d'aide sous une forme ou une autre. Dans certains cas, il s'agissait essentiellement d'un appui général, d'un soutien moral, si vous voulez. Ensuite, bien sûr, vous avez entendu parler des contributions qui ont été faites, certaines provisoires et d'autres polyvalentes, dans de nombreux domaines différents. Je crois cependant pouvoir dire sans ambiguïté que le secrétaire des Nations Unies, qui faisait aussi partie des discussions… Disons qu'on a beaucoup apprécié la réponse qui a été formulée.
     Ce qui m'a frappé, très franchement, c'est combien les choses sont fragiles dans cette partie du monde.
(1250)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Parlons plus spécifiquement de la contribution canadienne. Robert Fowler nous disait qu'il avait fait le calcul et que cette contribution représentait environ 2,8 % des engagements pris à Addis-Abeba, alors qu'on sait que normalement, c'est environ 4 %. C'est tout de même un peu surprenant. Beaucoup de gens disent que ce n'est pas beaucoup d'argent étant donné que nous sommes un des partenaires majeurs du Mali. Le Japon a donné presque 10 fois plus. Notre contribution est la plus basse des pays du G8.
    Comment expliquer qu'avec un partenaire aussi important pour nous et avec lequel nous avons toujours travaillé, nous soyons soudainement en queue de peloton quand vient le temps de fournir une aide urgente?

[Traduction]

    Je ne pense pas qu'on puisse envisager la participation du Canada, tout au moins sur le plan humanitaire, de manière abstraite. Je pense qu'il faut tenir compte de l'histoire, de la nature de la participation, et du montant de la contribution que le gouvernement canadien a faite pour aider le peuple du Mali.
     D'aucuns diront peut-être qu'une somme de 13 millions de dollars n'est pas suffisante. Je peux cependant vous dire que c'est de l'argent frais, ce n'est pas une réaffectation budgétaire.
    Je ne veux pas juger les autres pays mais je pense que l'histoire, la participation et l'appui, lequel a été soutenu, sont exemplaires. C'est pratiquement ce qu'a dit l'ambassadeur du Mali. Je pense qu'il l’a fait devant votre comité.
    C'est une ambassadrice.
    En effet. Désolé.
     Cela dit, il faut replacer les choses dans leur contexte. Le Canada donne son appui depuis fort longtemps, avec beaucoup de détermination. Les 13 millions de dollars sont de l'argent frais, et c'est une somme qu'il faut envisager en tenant compte de tous les autres programmes qui continuent, d'ailleurs. Nous n'avons pas mis fin aux programmes humanitaires que nous réalisons au Mali à l'heure actuelle.
    Permettez-moi d'intervenir, car je pense que c'est important.
     Les gens ont aussi pris des engagements de soutien militaire à Addis-Abeba. Nous avons été très clairs. Le ministre Fantino était là-bas pour écouter, pour être informé et pour être en mesure d'éclairer ses collègues du Cabinet afin de nous permettre de décider ce que nous ferions ensuite.
    Je peux vous dire que j'ai rencontré Valerie Amos, la coordonnatrice des secours d'urgence de l'ONU, ce vendredi-là. Il y avait une demande de 390 millions de dollars et nous avons répondu littéralement en quelques jours en offrant 13 millions de dollars d'argent frais. Si vous lui posez la question, je suis sûr qu'elle vous dira que le Canada a été très généreux, à la fois pour la Syrie et pour le Mali.
    Mais en fait, à Addis-Abeba, les gens ont promis de l'argent pour une aide humanitaire, pour l'effort militaire, mais aussi pour le processus politique.
    Étant donné que le Canada a été tellement actif sur le plan de la bonne gouvernance et de la démocratie au Mali, et considérant que nous partageons une langue, la langue française, pensez-vous que le Canada pourrait à l'avenir appuyer la feuille de route, d'une manière ou d'une autre?
    Ce sera tout pour vous. J'invite le ministre à répondre à la question.
    Très brièvement, l'une des choses que les gens examinent, je pense, est la contribution du Japon. Cela comprenait aussi le rétablissement de la paix. Il y a eu toute une diversité de questions qui comprenaient aussi le rétablissement de la paix, et d'autres sujets. Les 13 millions de dollars du Canada sont un engagement ferme d'aide humanitaire.
    J'ajoute aussi, madame Laverdière, que je vous tiens en très grande estime. Vous êtes intelligente. Vous faites vos recherches. Vous êtes excellente. J'apprécie votre compagnie comme collègue. Je pense que vous contribuez beaucoup, mais je dois être franc avec vous: ni Julian ni moi ne saurions vous émuler en ce qui concerne les sommes d'argent que vous et votre parti voudriez consacrer à ceci ou à n'importe quoi d'autre.
    Merci beaucoup.
    Nous allons conclure avec M. Van Kesteren, pour cinq minutes.
    Merci, Monsieur le président.
    Merci de votre présence devant le comité, messieurs les ministres.
    J'ai plusieurs questions à vous poser. Je veux d'abord donner au ministre Fantino la possibilité de nous parler de la révision du financement de Crossroads en Ouganda.
    Pouvez-vous nous en parler maintenant, monsieur?
    Très brièvement, l'examen du dossier par les fonctionnaires a montré que l'organisation réalise des projets efficacement, sans discrimination, et ce, depuis 1999.
(1255)
    Vous êtes satisfait du financement, les règles sont respectées, et il y a des résultats.
    Strictement selon ces critères, elle obtient des résultats très positifs. C'est tout ce que je peux vous dire. Nous appuyons ses efforts du fait des résultats qu'elle obtient.
    Merci.
    Puis-je ajouter un mot? Je pense qu'il est vraiment important de tirer une chose au clair. L'idée que quiconque au niveau politique, ou au niveau de la fonction publique, à l'ACDI ou au MAECI, partagerait ou appuierait le genre de déclarations offensantes et mesquines qui sont apparues sur un site Web... Je tiens à déclarer catégoriquement, au nom du gouvernement, que nous rejetons complètement ces sentiments. Si l’on a une preuve quelconque que quelqu'un recevant une subvention du gouvernement du Canada utilise cet argent pour répandre des pratiques haineuses, mesquines ou offensantes, nous y mettrons fin sur-le-champ. Ce ne sont pas les vues du gouvernement.
    L'une des tâches les plus importantes que le premier ministre nous a confiées, à Julian et à moi, est de promouvoir les valeurs canadiennes, qui sont des valeurs d'acceptation d'autrui, de tolérance, de diversité. L'une des grandes choses que le Canada peut faire consiste à promouvoir le pluralisme dans le monde. Nous respectons la liberté de religion. Cela dit, l'argent des contribuables canadiens ne servira pas à répandre des messages de haine ou d'intolérance, ce qui serait totalement inacceptable, ce qui serait tout à fait anticanadien et ne serait pas conforme aux valeurs qui font la grandeur de ce pays.
    Merci, monsieur le ministre.
    Le printemps dernier, nous avons vu la CEDEAO négocier un accord, installer le gouvernement provisoire, la résolution 2085 de l'ONU. En décembre, cela a débouché sur la création d'une mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine.
    Est-il vraiment important que les Africains de la région assument un rôle de leadership?
    Nous avons beaucoup appris en Somalie, notamment que les missions africaines ou sous conduite africaine peuvent avoir beaucoup plus de succès.
    Je laisse notre directrice politique compléter ma réponse.
    Nous l'avons constaté dans des conflits passés, et je pense que le Mali constitue d’une certaine manière une sorte d’étiage pour l'unité africaine de la CEDEAO. L'affirmation du leadership africain est très importante. Les Africains sont plus près du terrain et sont mieux à même de conjuguer l'effort militaire aux efforts politiques nécessaires à la réconciliation. Je pense que cela a été un signal très important de l'Union africaine, et elle a assumé ce leadership.
    Merci.
    Une dernière chose, monsieur le ministre, que je trouve assez intrigante, est l'approche des Libéraux à l'égard de… Ils ont dû avoir une conversion sur le chemin de Damas pour l'intervention militaire. Nous l'avons vu en Afghanistan quand nous avons envoyé nos soldats à la bataille sans équipement adéquat, ce qui a été corrigé. Soudainement, ils se mettent à exiger que nous intervenions au Mali. Il y a un sondage, et on l'a mentionné ce matin, indiquant la proportion des Canadiens qui souhaitent que nous intervenions dans un autre exercice militaire.
    Je crois que les Canadiens demandent — je sais que c'est ce que je demande — que, dans un cas particulier comme celui-ci… Je sais que ce n'est pas une petite force mais c'est une force qui devrait constituer une sorte de rempart… Où sont les autres pays européens? Où est l'Allemagne? La Norvège vient juste de dire qu'elle n'interviendra pas.
    Bon nombre des pays auxquels la France a demandé de l'aide lui ont répondu favorablement. Je me souviens cependant, après ma première élection comme député, du vaillant combat que menait le porte-parole officiel du Parti libéral, Denis Coderre. Il ne cessait de prendre la parole en Chambre en promettant avec passion qu'un gouvernement libéral annulerait le contrat d'achat des C-17. Dieu merci, cela ne s'est pas fait et, Dieu merci, nos soldats ont cet équipement et sont en mesure d'appuyer le peuple du Mali et le combat contre le terrorisme international. Dieu merci, les efforts déployés par Gordon O'Connor pour fournir cet équipement au Canada ont été couronnés de succès.
    Très bien. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus nous parler ce matin.
    La séance est levée.
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