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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à vous parler de la Syrie. Je suis ravi de vous donner une évaluation de la situation en Syrie, où les conditions se sont nettement détériorées depuis que mon prédécesseur s'est adressé à vous en février dernier.
Alors qu'il demeure difficile de confirmer le nombre de décès en raison du manque d'accès, plus de 29 000 personnes auraient été tuées et de nombreuses autres, portées disparues. Le nombre de réfugiés bénéficiant de l'assistance de l'UNHCR a dépassé les 258 000, avec des dizaines de milliers d'autres qui attendent leur enregistrement à titre de réfugié. On estime que 2,5 millions de Syriens ont besoin d'assistance, y compris 1,2 million de personnes déplacées à l'intérieur du pays, c'est-à-dire qu'elles ont dû quitter leurs demeures mais sont demeurées en Syrie.
Bashar al-Assad a plongé son pays dans la perturbation et le désespoir dans un vain effort de s'accrocher au pouvoir. Il constate maintenant que ses jours sont comptés. La question n'est pas de savoir s'il va tomber, mais plutôt quand, et plus important encore, que faire ensuite? Le régime s'effondre lentement. Il n'est plus en mesure de maintenir le contrôle de tout son territoire à la fois. Une victoire à un endroit se solde par une perte ailleurs. Entre-temps, l'opposition armée se raffermit, s'en tire bien à un degré inattendu à Alep et parvient même à capturer des endroits stratégiques.
Pourtant, l'opposition demeure divisée. Sans un commandement et un contrôle unifiés, elle demeure incapable de renverser le régime, qui détient toujours d'importantes réserves de puissance de feu qui sont à sa disposition et qu'il n'a pas encore employées. Aucune des parties ne peut remporter une victoire purement militaire à ce stade. Il s'ensuivra probablement une longue bataille, avec une population syrienne souffrante qui est prise entre deux feux. Aucune des parties n'est prête à s'engager à de sérieuses négociations menées de bonne foi afin d'arriver à une solution politique. Les deux craignent que l'autre tente de l'anéantir. Elles se livrent donc à une lutte à finir.
Il est peu probable que la chute inévitable du président Assad mette une fin immédiate à ce bain de sang. Les partisans de l'ancien régime continueront à se battre. En quelque sorte, le régime a perdu le contrôle des milices privées shabiha qu'il a déployées contre les communautés rétives, et les opposants armés sont très divisés et de plus en plus bien établis. Par conséquent, il semble que la période post-Assad continuera d'être violente. La Syrie risque également de devenir une scène sur laquelle une plus grande concurrence géopolitique et sectaire se jouera, alors que les puissances de la région appuient les forces sur le terrain.
En ma qualité d'ancien ambassadeur canadien en Syrie, je suis ravi, mais non étonné, par l'esprit et la résilience de la population syrienne. Dans les zones rebelles, nous constatons que des acteurs de l'opposition et d'autres groupes locaux relèvent le défi d'assurer l'administration et les services au niveau local à leurs communautés. L'opposition externe tente de surmonter sa division, mais elle demeure incapable de se fusionner autour d'un leadership fort et d'une vision claire pour une Syrie post-Assad. L'opposition interne lui accorde peu de crédibilité. D'ailleurs, l'opposition externe n'a pas encore répondu aux préoccupations des minorités ethniques et religieuses de la Syrie.
Entre-temps, on observe un certain nombre de tendances inquiétantes. Les réseaux terroristes prennent racine sur le terrain. Bien qu'il ne soit pas clair dans quelle mesure la population locale appuie ces acteurs extrêmes, il n'en demeure pas moins qu'ils sont de plus en plus armés et organisés. Il s'agit d'un fait particulièrement inquiétant, étant donné que la Syrie dispose d'un nombre important de stocks d'armes chimiques.
Nous ne croyons pas que le régime tente de déployer ces armes contre l'opposition. Nous estimons qu'elles sont toujours sous le contrôle du régime. Néanmoins, une perte partielle du contrôle de ces stocks pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la population syrienne et ses voisins.
La situation en Syrie représente également une menace croissante à la stabilité de ses voisins. La Turquie, la Jordanie, le Liban et l'Irak en ressentent le fardeau alors qu'ils s'efforcent tous de répondre aux besoins d'une population croissante de réfugiés syriens. L'UNHCR estime que ce nombre de personnes dépassera les 700 000 d'ici la fin de cette année si les tendances actuelles se maintiennent.
La tension en Syrie a donné lieu à des actes de violence sporadiques au Liban, bien que tous les acteurs politiques principaux, y compris le Hezbollah, aient démontré jusqu'à présent qu'ils s'engagent à préserver la stabilité nationale.
Des incidents mortels lors de bombardements transfrontaliers ont récemment élevé les tensions avec la Turquie à des niveaux inquiétants, mais il revient à la Turquie le mérite d'avoir fait preuve d'une retenue considérable dans sa réplique.
[Français]
Le Canada a adopté une position ferme sur la Syrie dans les enceintes internationales, notamment au sein des Nations Unies et des Amis du peuple syrien. Nous avons contribué financièrement à la mission de l'ancien envoyé spécial conjoint de la Ligue arabe et des Nations Unies, Kofi Annan, et nous appuyons les efforts de son successeur, Lakhdar Brahimi, pour arriver à une fin négociée à cette crise. Le gouvernement canadien, quant à lui, a toujours ouvertement adopté une position ferme, exhortant le Conseil de sécurité d'imposer des sanctions économiques strictes et contraignantes ainsi qu'un embargo sur les armes destinées au régime Assad. Pas plus tard qu'hier, notre ambassadeur auprès de l'ONU a réaffirmé la position du Canada au cours d'un débat public du Conseil de sécurité de l'ONU sur la situation au Moyen-Orient.
Le fait que le Conseil de sécurité demeure paralysé depuis plus d'un an et demi, c'est-à-dire depuis que cette crise a commencé, est tragique. Aussi longtemps que des mesures sévères ne seront pas prises, ceux qui veulent protéger le régime Assad au prix du sang syrien tireront avantage du prétexte politique et juridique qu'offre cette impasse.
Le Canada poursuit toujours ses efforts pour inciter des pays qui ont une influence auprès de la Syrie, comme la Russie, à jouer un rôle plus positif, à collaborer aux efforts internationaux et à mettre leur influence à profit pour aider à faire cesser la violence et permettre une transition politique qui soit inclusive et dirigée par la Syrie.
Le ministre Baird reconnaît qu'il s'agit d'un point de pression central et se sert de chaque occasion pour soulever la question avec ses homologues internationaux, comme il l'a fait lors du sommet de l'APEC en Russie. Les représentants du ministère ont également évoqué la situation en Syrie à maintes reprises avec les représentants russes, tant ici, à Ottawa, qu'à Moscou. En l'absence d'une résolution du Conseil de sécurité, le Canada continue de collaborer avec ses partenaires régionaux et internationaux pour isoler ce régime brutal et augmenter la pression sur celui-ci. Nous avons fermé notre ambassade à Damas le 5 mars, tous les diplomates syriens au Canada ont été expulsés le 29 mai et le gouvernement canadien a imposé 10 séries de sanctions sévères au régime Assad. Nous enjoignons à tous les États à l'extérieur, et surtout à l'intérieur, de la région de faire la même chose.
À cette fin, en collaboration avec les Pays-Bas et la Tunisie, nous avons coprésidé une réunion du groupe de travail sur les sanctions des Amis du peuple syrien qui s'est tenue le 20 septembre à La Haye, mettant un accent particulier sur l'application efficace des sanctions financières.
Le Canada s'est également engagé à aider l'opposition syrienne non violente à acquérir les compétences et les ressources pour obtenir une société libre et démocratique en Syrie, y compris jusqu'à 1 million de dollars pour des initiatives prodémocratiques. Il a annoncé cela le 1er avril dernier. Nous envisageons d'autres projets pour soutenir l'opposition syrienne, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Syrie, et pour l'aider à se préparer à une transition post-Assad.
Afin d'aider à répondre aux besoins humanitaires urgents résultant de la crise, le Canada, par l'entremise de l'ACDI, a déjà fourni 12 millions de dollars en aide humanitaire cette année. Des agences des Nations Unies et la Croix-Rouge s'occupent de la distribution. Cette aide vise tout particulièrement à répondre aux besoins humanitaires urgents à l'intérieur de la Syrie et des pays voisins. Le Canada continuera de surveiller de près la situation humanitaire en Syrie et dans la région, et se tient prêt à réagir davantage s'il y a lieu.
Ma collègue de l'ACDI, qui est avec moi, se fera un plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir au sujet de la contribution humanitaire du Canada.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, le Canada est très préoccupé par les répercussions du conflit sur les voisins de la Syrie, si bien qu'en août dernier, lors de sa visite au camp de réfugiés de Zaatari, sur la frontière Jordanie-Syrie, le ministre Baird a annoncé une contribution de 6,5 millions de dollars pour aider la Jordanie à faire face à l'afflux massif de réfugiés en provenance de la Syrie. Le financement canadien permettra d'améliorer la capacité des forces armées jordaniennes à transporter les réfugiés de manière efficace et en toute sécurité à partir des points de passage frontaliers jusqu'aux centres de réception et au camp de Zaatari, en Jordanie.
Nous étudions également des moyens d'offrir une assistance supplémentaire à la Jordanie qui comprendrait l'augmentation de dons aux forces armées jordaniennes pour le transport des réfugiés et la fourniture d'équipements protecteurs aux forces armées jordaniennes pour faire face aux incidents impliquant des armes chimiques syriennes.
[Traduction]
Il ne faut pas se leurrer et je peux vous assurer que le gouvernement ne se fait pas d'illusions non plus: le chemin à parcourir pour la Syrie sera très probablement long et parsemé de difficultés, mais le Canada demeure très engagé dans ses efforts visant à aider le peuple syrien dans sa lutte pour ses droits démocratiques. Nous continuerons de collaborer avec lui dans le but de mettre fin à la crise et de favoriser la stabilité dans la région.
Cela dit, c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Merci, monsieur le président.
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Merci beaucoup. Je suis ravie d'être ici avec vous aujourd'hui. Je suis accompagnée d'un collègue, Stéphane Michaud, qui est le chef des opérations pour l'intervention en cas d'urgence.
J'ai écouté votre discussion avec les collègues des Affaires étrangères et de l'ACDI. Je pense que vous en savez maintenant beaucoup sur le Croissant-Rouge arabe syrien. En réalité, une bonne partie de mon exposé sert à brosser un tableau de la capacité et de la nature de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans le pays.
Je ferai porter mes propos sur quatre aspects différents. Je parlerai un peu de la situation humanitaire sur le terrain. Permettez-moi simplement de dire que, bien sûr, nous savons très bien que la situation humanitaire se joue dans le contexte d'une dynamique politique fort complexe. Mais nous ne sommes pas là pour parler de cela. Nous concentrerons nos propos et nos discussions sur ce que nous savons de l'expérience au quotidien, en ce qui concerne la situation humanitaire. Je vous mettrai au fait des activités humanitaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en Syrie. Je dirai quelques mots à propos de l'incidence régionale, puis, enfin, quelques mots sur les enjeux humanitaires qui se présentent à nous, en ce moment même.
Vous trouverez peut-être utile que je consacre un peu de temps à vous rappeler la composition et le mandat de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, car on vous a déjà parlé du Comité international de la Croix-Rouge, de la fédération internationale et du Croissant-Rouge arabe syrien. Vous vous demandez peut-être ce que sont tous ces acteurs. Nous formons le réseau humanitaire le plus important et le plus vieux du monde. Notre organisation est non partisane, et notre mandat est de venir en aide aux personnes touchées par des conflits et des catastrophes naturelles en demeurant neutres et impartiaux, et en demeurant indépendants des gouvernements.
Le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge englobe près de 100 millions de membres, bénévoles et supporteurs dans 187 pays comptant des sociétés nationales. Notre mouvement comporte trois grands éléments: les sociétés nationales qui se trouvent dans les 187 pays; la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et, enfin et surtout, le Comité international de la Croix-Rouge.
À l'échelle locale, il y a, dans chacun des 187 pays, une société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge. Tout comme la Croix-Rouge canadienne, ici, au Canada, chaque société nationale oeuvre à l'intérieur des frontières du pays à répondre aux besoins humanitaires des personnes touchées par des catastrophes ou des conflits. C'est bien le cas en Syrie, où le Croissant-Rouge arabe syrien est très actif. De nombreuses sociétés nationales offrent des programmes comme la formation en secourisme et en planification préalable aux catastrophes, et la prestation de services de santé. Il est clair que ces activités sont très utiles quand il s'agit de répondre à des crises humanitaires.
Les 187 sociétés nationales sont toutes des membres de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, laquelle coordonne le soutien aux sociétés nationales qui ont besoin d'aide.
Le troisième élément est le Comité international de la Croix-Rouge. C'est une organisation qui se concentre sur la protection de la vie et de la dignité des victimes de violence, notamment dans le cadre de conflits armés, en plus de dispenser de l'aide humanitaire.
En Syrie et dans la région, tous les éléments du mouvement des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sont actifs et opérationnels.
Avant de poursuivre, je tiens à souligner la relation entre la Croix-Rouge canadienne et notre propre gouvernement. Nous sommes pleinement opérationnels, ici au Canada, en tant que société nationale, et nous travaillons en collaboration très étroite avec les autorités publiques pour nous acquitter de notre mandat au Canada. En ce qui concerne nos activités internationales, nous bénéficions d'une relation de longue date avec le gouvernement fédéral. Nous avons mis cela en évidence, en juin dernier, quand nous avons signé un protocole d'entente portant sur un partenariat stratégique avec l'Agence canadienne de développement international. Ce protocole d'entente permettra à la Croix-Rouge canadienne, de concert avec l'ACDI, de se concentrer sur la création de sociétés nationales dans d'autres pays, de sorte qu'il soit possible de réagir aux catastrophes et aux conflits; cela améliorera notre propre capacité de répondre rapidement et efficacement aux crises humanitaires; enfin, le public sera mieux informé des efforts humanitaires canadiens.
Je vais maintenant vous parler de la situation humanitaire en Syrie. Nous suivons de près la situation en Syrie et dans la région. Nous sommes régulièrement en contact avec tous nos partenaires des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, y compris avec le comité international, la fédération internationale, le Croissant-Rouge arabe syrien, les autres sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de la région et les autres intervenants humanitaires.
La situation est très difficile pour les Syriens des secteurs urbains et ruraux. La nature même du conflit est telle qu'il se déroule dans les rues, dans les maisons, dans les édifices publics des quartiers et des communautés.
Les gens vivent constamment dans la peur et l'insécurité, dans un contexte de non-droit et de criminalité accrue, où les nécessités de subsistance se font rares: nourriture, eau, médicaments et services médicaux. Certaines personnes ne peuvent plus travailler depuis des mois. Beaucoup ont du mal à payer leur loyer ou à acheter des articles de base pour leur famille. Le taux de chômage a quadruplé dans certaines régions du pays.
En raison de la violence et des conditions qui se détériorent de jour en jour, plus de 2,5 millions de personnes ont maintenant besoin de l'aide humanitaire, dont 1,2 million de Syriens qui ont perdu leur maison et été forcés de se déplacer. Plus de 336 000 Syriens ont dû malgré eux trouver refuge dans les pays voisins et en Afrique du Nord.
Ces difficultés ne feront que s'aggraver à l'approche de l'hiver. On peut s'attendre à des pénuries d'essence et à des pannes des systèmes de chauffage et d'électricité; l'eau et les installations sanitaires de base risquent aussi de faire défaut.
L'infrastructure du pays est détruite peu à peu, elle qui est toujours la cible des hostilités qui continuent à faire rage. On trouve encore des hôpitaux fonctionnels dans différentes régions, mais ils doivent composer avec des pannes de courant et des pénuries d'eau et de vivres, sans parler de la rareté du personnel médical. L'OMS a récemment estimé à 67 p. 100 le nombre d'hôpitaux publics ayant été touchés, et au moins la moitié des ambulances du pays ont été attaquées. La distribution des produits pharmaceutiques a été interrompue, et on manque de médicaments essentiels.
Heureusement, il est encore possible de faire venir de l'approvisionnement de secours de la Jordanie, du Liban et de la Turquie. Toutefois, les conditions de sécurité étant très instables, il est souvent difficile de distribuer les vivres. Cela dit, le Croissant-Rouge arabe syrien, le Comité international et d'autres intervenants sont toujours actifs dans certaines régions du pays, tant dans les secteurs régis par le gouvernement que ceux contrôlés par l'opposition.
Le Croissant-Rouge arabe syrien joue un rôle de premier plan en Syrie aujourd'hui. Il s'agit de la plus importante organisation nationale d'aide humanitaire en Syrie. Elle a été fondée en 1942 et est présente partout au pays. L'administration centrale se situe à Damas, et on trouve une direction dans chacun des 14 gouvernorats, de même que quelques sous-directions.
Le Croissant-Rouge adhère totalement aux Conventions de Genève et est régi par les principes fondamentaux du mouvement de la Croix-Rouge. L'organisation a de solides antécédents et a su faire ses preuves dans la prestation de services de santé d'urgence et de soins primaires, la prévention des désastres, l'intervention et la réduction des risques, de même que la prestation de services de soutien psychologique. Elle peut compter sur l'aide d'environ 10 000 bénévoles formés pour offrir les services essentiels, dont les soins de secours et les services ambulanciers.
Depuis l'éclatement du conflit en Syrie il y a plus de 18 mois, le Croissant-Rouge a intensifié considérablement ses opérations de secours pour répondre aux besoins grandissants. Il distribue actuellement des colis alimentaires de façon très efficace et aide plus de 850 000 personnes chaque mois. Je note au passage que ce chiffre pourrait facilement passer à 1,5 million par mois dans les semaines à venir, étant donné que le Programme alimentaire mondial prévoit étendre son aide par l'entremise du Croissant-Rouge arabe syrien.
Le Croissant-Rouge a mis en place des postes de soins médicaux et de premiers secours, qu'il continue à développer. Il a également optimisé les services ambulatoires qu'il offre dans certaines régions. Je dois préciser au comité que la tragédie n'a pas épargné l'effectif du Croissant-Rouge, présent dans toutes les régions du pays. Six membres du Croissant-Rouge ont été tués alors qu'ils apportaient de l'aide humanitaire au milieu des hostilités.
Le Croissant-Rouge est une organisation qui compte de nombreux jeunes bénévoles. Chaque jour, de nouveaux bénévoles s'offrent pour contribuer aux efforts du Croissant-Rouge. À ce jour, le Croissant-Rouge a su bien informer et préparer ces jeunes bénévoles pour qu'ils puissent assurer des services d'ordre humanitaire de façon neutre et impartiale.
Le Comité international de la Croix-Rouge continue à nous assurer que le Croissant-Rouge respecte les principes humanitaires dans ses opérations d'aide. Le Croissant-Rouge agit également à titre de coordonnateur national de l'aide internationale et de partenaire de mise en oeuvre auprès de plusieurs organismes des Nations Unies, comme ma collègue Leslie Norton vous l'a dit dans sa présentation plus tôt. Le Croissant-Rouge est aussi un facilitateur pour d'autres organisations internationales présentes au pays.
Le Comité international de la Croix-Rouge joue également un rôle prépondérant en Syrie. Il veille actuellement à épauler le Croissant-Rouge dans les régions directement touchées par le conflit, menant souvent ses opérations de secours main dans la main avec ce dernier. Le Comité international soutient les secours médicaux, les services de santé, de même que la distribution de vivres. De plus, comme vous le savez sans doute, le Comité international a des responsabilités particulières à l'égard des Conventions de Genève et a donc des liens privilégiés avec les gouvernements, ce qui permet d'avoir un dialogue direct avec eux.
Le CICR a rencontré le président Assad, de même que les ministres des Affaires étrangères, de l'Intérieur, de la Santé et d'autres, et les discussions se poursuivent avec toutes les parties prenantes au conflit, y compris avec les groupes de l'opposition en Syrie. L'objectif est de promouvoir le plein respect du droit international humanitaire et la protection des civils et des détenus.
Au nom du Comité international et de l'ensemble du mouvement de la Croix-Rouge, je tiens à remercier le gouvernement canadien pour sa contribution de 1,5 million de dollars au Comité international plus tôt cette année.
La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est aussi présente en Syrie, faisant équipe avec le Croissant-Rouge pour aider les personnes déplacées et les populations locales. Nous avons lancé un appel de collecte de fonds d'urgence en juillet de cette année afin de recueillir 27,2 millions de dollars pour soutenir les activités de santé, de secours et de subsistance pour 200 000 personnes. À ce jour, nous avons seulement atteint 60 p. 100 de l'objectif.
La Croix-Rouge canadienne aimerait aussi remercier le gouvernement canadien d'avoir récemment versé 2 millions de dollars pour le fonds d'urgence. La Croix-Rouge canadienne a pour sa part versé 175 000 $ de son propre fonds.
Nous suivons la situation de près et sommes en contact avec de nombreuses personnes-ressources sur le terrain. Par ailleurs, nous informons régulièrement le gouvernement canadien, par l'entremise de l'ACDI et des Affaires étrangères, des derniers développements et des interventions menées.
Je vais aborder le sujet des défis humanitaires sous peu, mais permettez-moi d'abord de formuler quelques commentaires à propos des répercussions régionales. Comme nous l'avons déjà indiqué, et les représentants des Affaires étrangères et de l'ACDI en ont également parlé, on compte déjà 336 000 personnes inscrites comme réfugiées, ou en entente d'une inscription, dans les pays entourant la Syrie. On parle notamment de la Turquie, du Liban, de la Jordanie et de l'Irak. L'UNHCR prévoit qu'à moins d'un revirement positif, le nombre de réfugiés va doubler avant la fin de l'année.
Il ne faut pas sous-estimer la pression que cela exerce sur les collectivités locales et les familles d'accueil des pays avoisinants, et bien sûr sur les gouvernements de ces pays. Il est important de noter que certains réfugiés sont installés dans des camps de réfugiés proprement dits, mais ils sont nombreux à vivre en famille d'accueil. Il faut donc adopter une approche très nuancée pour aider ces familles et ces collectivités, de même que ceux qui vivent dans les camps organisés et enregistrés.
Dans chacun des cas, la société nationale du pays joue un rôle de premier plan dans l'aide aux réfugiés, qu'ils soient ou non dans des camps établis. Pour répondre à ces besoins régionaux, la Fédération internationale a lancé un appel de soutien au mois d'août. Seuls 32 p. 100 du montant voulu ont été recueillis. Cet appel vise à offrir de l'aide aux bénéficiaires au Liban, en Jordanie et en Irak.
En terminant, monsieur le président, le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est en mesure d'assurer une vaste gamme d'activités en Syrie et dans la région, largement grâce au soutien du gouvernement canadien et des autres gouvernements donateurs. Cela nous a permis d'aider les personnes touchées par le conflit en Syrie et dans la région. Nous offrons notre aide dans le plein respect de nos principes d'indépendance, de neutralité et d'impartialité. Nous maintenons un dialogue tant avec le gouvernement qu'avec les forces de l'opposition.
Vu les conditions de sécurité très difficiles et instables, notre principal défi en ce moment est d'accéder à certaines parties du pays. La situation nous fait aussi craindre pour la sécurité des travailleurs humanitaires et des installations médicales, car la menace et les attaques sont bien réelles. C'est une réalité à laquelle nous sommes confrontés encore et encore en situation de conflit, et pour attirer l'attention sur les difficultés constantes que cela suppose, nous avons récemment lancé une campagne de sensibilisation intitulée « Les soins de santé en danger ». Vous trouverez plus de détails sur cette campagne dans la trousse d'information que vous avez reçue.
Comme je le disais tout à l'heure, le Croissant-Rouge arabe syrien a perdu six travailleurs, dont le secrétaire général, qui ont été attaqués en pleine opération de sauvetage humanitaire. Bon nombre de leurs ambulances ont été la cible de projectiles et des bénévoles ont été blessés. Ces attaques ont un impact immédiat, mais engendrent aussi des effets à long terme, puisque cela signifie que moins de gens auront accès à des soins médicaux critiques. Je vous rappelle que les attaques contre des professionnels de la santé, des bénévoles et des installations médicales contreviennent au droit international et sont inacceptables. Nous demandons donc au gouvernement du Canada de faire front avec nous pour exiger le plein respect de la mission médicale.
En conclusion, peu importe le scénario envisagé en ce moment, on prévoit que les besoins humanitaires ne pourront que s'accroître à l'approche des mois d'hiver, car le froid hivernal viendra inévitablement exacerber les souffrances des familles déplacées et vulnérables.
À la Croix-Rouge, notre travail est de se préparer au pire et de prévoir l'imprévisible, et nos plans d'urgence sont établis en conséquence. Nous nous attendons à une demande accrue tant en Syrie que dans les pays avoisinants, et nous encourageons le gouvernement canadien à appuyer notre appel régional, étant donné que nous avons grandement besoin de soutien pour aider les réfugiés syriens qui ont déjà fui le pays et ceux qui vont fuir vers les pays avoisinants.
J'espère que ce bref exposé a réussi à vous donner une idée de la dimension humanitaire de la situation. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.