FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 13 février 2012
[Enregistrement électronique]
[Français]
Bonjour et je vous souhaite la bienvenue à la vingtième séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international en ce lundi 13 février 2012. Aujourd'hui, nous recevons deux éminents témoins à qui je demande d'être patients car je vois tous les petits sourires autour de la table. En effet, c'est la première fois que je préside les travaux de ce comité.
Dans le cadre de notre étude sur le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. John Sullivan, directeur exécutif du Centre international pour l'entreprise privée, ainsi que M. Chris Eaton, directeur exécutif d'Entraide universitaire mondiale du Canada.
Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Nous avons bien hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Je vous accorde une dizaine de minutes chacun pour faire vos présentations. De plus, l'ordre du jour est un peu flexible. Alors, nous vous écoutons.
Monsieur Sullivan, vous avez la parole.
[Traduction]
Merci beaucoup. Je vous remercie sincèrement de votre invitation. Je suis très heureux que votre comité tienne ces audiences et se penche sur cette question, comme vous pouvez l'imaginer. C'est le coeur même de notre activité.
Pour commencer, je dois mentionner que le Centre international pour l'entreprise privée est une filiale de la Chambre du commerce des États-Unis. Comme vous le savez, la Chambre de commerce des États-Unis est l'une des plus grandes associations d'entreprises du secteur privé. Notre centre est essentiellement financé par le gouvernement américain, par le truchement du National Endowment for Democracy, sur lequel je reviendrai dans un instant.
Comme nous l'avons vu récemment lors du Forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide, à Busan, en Corée du Sud, on admet généralement aujourd'hui que le secteur privé doit être au centre du développement économique puisque c'est le moteur de la croissance économique, de la création d'emplois, de l'innovation et de l'initiative. Toutefois — et cela est aussi ressorti dans une certaine mesure du forum du secteur privé qui s'est tenu lors de la réunion de Busan —, bon nombre des initiatives de développement international en cours, y compris beaucoup du gouvernement des États-Unis, sont plus axées sur l'entrepreneuriat individuel que sur la réforme des institutions, laquelle est cependant nécessaire pour abolir les obstacles à l'entrepreneuriat et instaurer le genre d'environnement habilitant qui favorise l'entrepreneuriat.
Vous connaissez Hernando de Soto, qui a témoigné devant votre comité. Hernando fut notre tout premier projet, en 1984. Nous l'avons aidé à démarrer et nous continuons de travailler avec lui. Nous venons tout juste d'achever un projet avec lui dans les régions indigènes du Pérou, mais nous avons aussi travaillé avec lui en Égypte et dans d'autres pays. J'appuie sans réserve ce qu'il dit, qui est très similaire à mon message.
J'aimerais vous dire ce que quelqu'un nous a dit, qui nous a beaucoup appris à Hernando et à moi-même, c'est-à-dire le prix Nobel Douglass North. Doug a résumé toute l'histoire de la croissance et du développement économique en une seule phrase. Veuillez m'excuser, elle est très longue, comme il se doit.
Doug dit que la croissance économique consiste à passer de l'échange personnel, où l'on ne peut faire des affaires qu'avec les personnes qu'on connaît, à qui on est relié, avec qui on a un lien personnel et à qui on peut donc faire confiance, à l'échange avec des étrangers, ce qui exige qu'on mette en place une série d'institutions qui constitueront l'environnement habilitant : un appareil judiciaire pour assurer l'exécution des contrats; un régime de droit de la propriété pouvant être validé par les tribunaux, et Hernando insistait beaucoup là-dessus; et un régime de la faillite.
Il y a toute une série d'institutions à mettre en place, mais, trop souvent, dans nos programmes de développement, nous attachons plus d'importance à essayer d'enseigner l'entrepreneuriat. Certes, c'est très important, et nous le faisons aussi en Afghanistan, au Pérou et ailleurs, mais, si l'on se contente d'enseigner l'entrepreneuriat, on ne met pas en place les institutions.
Ce dont on a réellement besoin, c'est du genre d'environnement institutionnel qui existe au Canada, aux États-Unis et dans une bonne partie de l'Europe occidentale. Malheureusement, ce que nous voyons dans une bonne partie du monde en développement, c'est la corruption, la bureaucratie, le favoritisme, l'absence de voix, et l’impossibilité d'influer sur les politiques et les décisions qui entravent l'entrepreneuriat.
Réduire la pauvreté exige une réforme des politiques publiques de façon à élargir l'accès aux opportunités et à instaurer la confiance envers ces institutions de marché. Au final, comme l'affirme Doug, c'est la règle de droit qui unit beaucoup de ces éléments de nombreuses manières différentes, mais, pour une bonne partie du monde, cela signifie qu'il faut d'abord établir des institutions démocratiques fonctionnelles pour instaurer cette règle de droit.
Comme je l'ai dit, nous sommes affiliés à la Chambre de commerce des États-Unis et vous ne serez donc pas surpris d'apprendre que notre méthode de travail consiste à forger des partenariats avec des associations d'entreprises, des centres de réflexion, parfois même des chambres de commerce et d'autres organismes de la société civile dans les pays en développement dans le but de rehausser leur aptitude à influencer les lois et la réglementation des politiques publiques dans des domaines tels que la lutte contre la corruption, le militantisme social, la gestion et le renforcement des associations commerciales, ainsi que la gouvernance des entreprises, ce qui est incroyablement important, mais qui, comme nous l'avons constaté nous-mêmes à nos dépens, est absent dans tellement de pays en développement.
Jusqu'aux années 2000, lorsque la coalition dont nous faisions partie a décidé de réagir, il n'existait pas de mots pour désigner la gouvernance des entreprises en langue arabe. Il a fallu deux ans pour faire traduire cette expression, et nous avons maintenant un sceau officiel émis par un institut islamique, avec un timbre portant la traduction, et ces mots traduits sont maintenant employés dans tout le Moyen-Orient. C'est tout à fait révolutionnaire.
Pourquoi avons-nous fait cela? Parce que nous avons constaté que ce sont ces obstacles à l'entrepreneuriat qui piègent vraiment la majorité de la population dans un très grand nombre de pays dans ce secteur informel dont parlait Hernando.
Nous avons aussi constaté que les réformes imposées de haut en bas ont tendance à ne pas fonctionner. Nous avons découvert ce que nous appelons le déficit de réalité. Quand des experts internationaux atterrissent dans un pays pour aider à y créer ces institutions ou à rédiger ces lois, ils les font ensuite traduire dans les langues locales pour qu'elles soient adoptées par le législateur. Ensuite, elles restent là comme un hydroglisseur au-dessus de l'eau, sans jamais la toucher. Nous avons en fait mesuré ce déficit de réalité dans certains pays. C'est le déficit qui existe entre ce que dit la loi et ce que sont les pratiques réelles. Si vous n'obtenez pas la participation directe des associations commerciales locales et du secteur privé, vous ne pouvez pas voir ce déficit, il vous est tout simplement invisible.
L'un des résultats de la réunion de Busan a été le renouvellement d'un engagement de dialogue public-privé. Dans la déclaration commune du secteur public et du secteur privé qui a été émise pendant le forum de Busan, les participants se sont engagés envers cinq principes que je vais mentionner pour conclure ma déclaration: un dialogue inclusif pour mettre en place un milieu politique favorable au développement durable — et quand je parle de dialogue, je parle vraiment de dialogue, de conversation à deux sens entre les secteurs public et privé; une action collective pour renforcer les associations et les autres opérations CSO-ONG; la durabilité, pour que ces institutions restent en place; la transparence; et, finalement, l'obligation de rendre compte des résultats.
Je pourrais vous donner beaucoup d'exemples de programmes axés sur ce genre de réforme. Celui que je préfère est un programme mis en oeuvre par une coalition de groupes pakistanais avec laquelle nous avons collaboré pour faire changer une législation. Il s'agissait d'un texte appelé le Décret sur les organisations commerciales, c'est-à-dire en fait la loi régissant les associations. Maintenant, et ce depuis 2006, les femmes peuvent former des associations commerciales au Pakistan et faire partie de leurs conseils d'administration. Elles en ont sept en propre et elles continuent à en créer d'autres, ce qui leur donne d'un seul coup beaucoup plus d'influence. Sans cette influence, il ne peut y avoir de reddition de comptes, il ne peut y avoir de réforme des politiques, et le secteur privé ne peut avoir la latitude nécessaire pour agir et participer.
Merci beaucoup.
Ma déclaration sera complémentaire à la vôtre, John, mais je vais me concentrer sur un secteur particulier et sur une question qui est tout à fait d'actualité: le rôle que joue l'industrie minière dans les stratégies de développement des nombreux pays dans lesquels œuvre mon organisation.
Mon organisation est une organisation de développement à but non lucratif oeuvrant dans les domaines de l'éducation formelle et non formelle, des moyens d'existence, de la santé et de la gouvernance, en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Nous nous intéressons en particulier à l'inclusion sociale et économique des femmes marginalisées et des jeunes. Nous travaillons aussi beaucoup avec le secteur privé, notamment avec l'industrie du thé au Sri Lanka, et sur des questions d'enseignement et de formation technique et professionnelle au Sri Lanka, au Vietnam, en Afghanistan, au Sud-Soudan et en Haïti.
Nous sommes également l'une des organisations qui ont reçu des fonds de l’ACDI et d'une société minière pour des activités de développement. Rio Tinto Alcan est la société minière qui cofinance notre projet du district de Bibiani, au Ghana, où Rio Tinto Alcan détient une participation de contrôle dans la Ghana Bauxite Company. Je vais vous donner quelques détails, car je pense que c'est important pour le contexte de mon exposé. Cette entreprise appartient en partie au gouvernement du Ghana et, chose intéressante, lorsque notre projet a démarré, Rio Tinto Alcan a cédé sa participation à une société chinoise appelée Bosai, mais en décidant de continuer à financer notre projet.
J'aimerais vous parler aujourd'hui de notre expérience au Ghana dans le but de suggérer des méthodes par lesquelles le secteur privé, notamment minier, devrait participer aux activités de développement social et économique. J'aimerais suggérer plusieurs choses que je ne crois pas que le gouvernement fait ou devrait faire. J'aimerais aussi avancer une liste de choses supplémentaires dont l'ACDI devrait commencer à s'occuper dans le but de contribuer à la résolution de questions fondamentales de développement.
Permettez-moi d'abord de préciser que notre projet au Ghana est relativement modeste de par sa taille, sa durée et sa portée, et qu'il est axé sur le développement économique d'un seul des plus de 200 districts du Ghana. C'est un projet de trois ans avec un budget de 927 000 $ comprenant une contribution de 500 000 $ de l'ACDI et de 427 000 $ de Rio Tinto Alcan et l’EUMC.
Je souligne également qu'il s'agit ici d'un projet de l’EUMC, pas d'un projet de RTA ou de l'ACDI, bien que tous les deux soient des bailleurs de fonds importants de notre initiative. Je dois dire aussi que, même si Rio Tinto Alcan n'avait pas financé ce projet, celui-ci aurait quand même mérité d'être réalisé, mais il serait alors beaucoup plus modeste qu'il ne l'est déjà.
Nos intervenants sur le terrain pour ce projet sont les élus et membres du gouvernement local du district de Bibiani, les collectivités dans lesquelles nous lançons des activités de développement, ainsi que le ministère de Gouvernement local et Développement rural. Étant donné la taille de notre projet, qui se limite à un seul district, on doit le considérer comme un projet pilote au sens où les leçons qui en seront tirées devraient aider à éclairer les politiques et les pratiques au palier national et dans d'autres districts du Ghana.
Deuxièmement, j'aimerais dire plus précisément que notre projet est axé sur le développement de la capacité du gouvernement de district à faire trois choses: rehausser la qualité de l'enseignement dans les écoles publiques, améliorer la qualité de l'eau et l'hygiène dans les écoles publiques et les établissements communautaires, et améliorer les chances d'emploi des jeunes sortis de l'école par le truchement de l'éducation et de la formation technique et professionnelle.
Par le truchement de ces résultats plus tangibles, cependant, notre projet vise aussi plusieurs choses de portée plus large, notamment rehausser l'aptitude du gouvernement du district à planifier de manière plus transparente et participative, essentiellement aider le gouvernement local à instaurer des méthodes pour intégrer les idées et priorités des membres de la communauté à des plans et services de district, et rehausser la reddition de comptes aux collectivités locales.
Nous aidons en outre à mettre sur pied un forum au niveau du district par lequel le gouvernement local pourra mieux dialoguer avec toutes les sociétés minières oeuvrant dans le district afin de résoudre les conflits, d'améliorer la collaboration, d'améliorer la reddition de comptes locale, d'encourager l'investissement, et d'assurer que les investissements des sociétés minières sont bien intégrés aux plans de développement du district, renforçant ainsi les politiques et stratégies nationales au Ghana.
Un aspect important de ce travail concerne la formation et l'appui qui seront dispensés aux autorités du district au sujet de l'indice de transparence des sociétés d’extraction, que le Canada appuie et que le Ghana a aussi ratifié au niveau national et qu'il s'efforce d'étendre aux paliers régional et local. En pilotant cette formation dans le Bibiani, nous espérons contribuer à cet effort national, mais aussi aider le district à mieux comprendre les taxes, les redevances minières, et le partage de revenus qui pourrait se faire.
Il y a bien sûr beaucoup de choses à faire pour maximiser les bienfaits que le district de Bibiani et le Ghana pourraient tirer des opérations minières, notamment deux séries de choses dont le Canada pourrait prendre l'initiative.
Premièrement, au Ghana, le gouvernement national met théoriquement de côté certaines des redevances qu'il reçoit des sociétés minières pour financer les plans de développement des districts où oeuvrent ces sociétés. Malheureusement, le mécanisme par lequel les districts pourraient réclamer leur part de ces ressources n'est pas encore établi ou opérationnel. La structure, les politiques et les mécanismes qui permettraient de ce faire restent à établir, et c'est une question que le ministère de Gouvernement local a lui-même soulevée.
Le Canada a lancé des projets de planification de district, de développement des capacités et de financement dans d'autres régions du Ghana. Il pourrait faire de même ici aussi, d'une manière qui renforcerait les efforts visant à étendre cette initiative de transparence de l'industrie d'extraction au niveau du district.
Deuxièmement, il n'existe pas au niveau national de tribune permettant au gouvernement, à la société civile, aux voix indépendantes et à l'industrie minière de se réunir à intervalles réguliers pour discuter de questions concernant les activités et méthodes de l'industrie minière, de relations communautaires et de développement local, de responsabilité sociale des entreprises, et de renforcement de la gouvernance de district. Il existe des tribunes d'entreprises minières, des réseaux séparés de collectivités affectées par l'activité minière, et des initiatives disparates du gouvernement et des donateurs en matière de recherche et de politiques, mais aucune tribune réunissant toutes ces parties prenantes à intervalles réguliers. Nous croyons qu’une telle tribune serait utile pour examiner et résoudre les préoccupations relatives à l'industrie minière et dresser un programme d'action transparent dans lequel toutes les parties prenantes pourraient s'investir.
Il importe de bien comprendre ce que notre projet ne fait pas. Cela me semble particulièrement important dans le contexte de certaines réactions des médias au sujet de cette problématique pendant ces dernières semaines. Plus précisément, ce projet ne se substitue pas à la responsabilité sociale d'entreprise de Rio Tinto Alcan ou de n'importe quelle autre société minière. De fait, nous ne croyons pas qu'il incombe au gouvernement canadien de financer la responsabilité sociale d’entreprise dont les sociétés minières doivent faire preuve là où elles sont présentes. Les projets financés par l'ACDI ne servent pas à cela. Ce ne sont pas des substituts au genre de RSE que doit exercer une société minière. Les sociétés minières peuvent et doivent financer ces activités elles-mêmes et les intégrer à leurs propres plans d'affaires.
Cela dit, force est bien de convenir que c'est une bonne chose quand une entreprise contribue à un bien commun dépassant ses intérêts immédiats comme l'a fait Rio Tinto Alcan. C'est quelque chose que le gouvernement peut encourager et appuyer, surtout si c'est lié à une meilleure gouvernance du secteur minier dans son ensemble. Si l'on rapporte cela à notre propre pays, il faut bien convenir que nos universités, nos hôpitaux et nos communautés artistiques seraient plus modestes et moins nombreux s’il n'y avait pas de bonnes entreprises donatrices. Ce n'est pas différent au Ghana.
Finalement, j'aimerais suggérer quelques domaines méritant un surcroît d'attention et d'investissement du gouvernement canadien. Le plus important, à mon avis, est la nécessité d'étendre notre soutien à une gamme plus large de questions de gouvernance et de développement des capacités dans le secteur minier, en tenant compte des besoins particuliers de la société civile et des autorités nationales et locales là où il y a de l'exploitation minière.
Deuxièmement, nous devons investir dans l'analyse et la résolution des questions relatives à l'exploitation minière artisanale à petite échelle, autant à proximité qu’à distance des grandes opérations minières comme celles des entreprises canadiennes. Il s'agit là d'un domaine crucialement important, mais insuffisamment soutenu qui affecte de très grands nombres d'opérations minières artisanales, les collectivités dont elles font partie, les redevances que les gouvernements reçoivent — ou ne reçoivent pas, dans le cas présent — et la réputation de l'industrie minière dans son ensemble.
Troisièmement, nous devons continuer à encourager les sociétés minières canadiennes à investir dans des biens publics allant au-delà des sites miniers particuliers qu'elles exploitent dans le monde. Je pense que nous devons relier cela autant que possible à la meilleure gouvernance du secteur minier lui-même, chose envers laquelle le Canada et les entreprises canadiennes détiennent un important intérêt acquis, surtout au moment où l'éthique des entreprises est de plus en plus scrutée à la loupe dans le monde entier.
Merci.
Merci beaucoup.
Je vous remercie tous deux de vos exposés.
Je pense que tout le monde ici comprend que le secteur privé a un rôle à jouer, rôle que vous avez joliment identifié en parlant des responsabilités des entreprises. Dans ma communauté, quelques banques se sont associées pour faire des choses remarquables pour nos jeunes. C'est vraiment très beau à voir, mais c'est en plus… Ce n'est pas l'éducation. C'est le financement de beaucoup d'activités extrascolaires comme du soccer communautaire, du hockey communautaire, ce genre de choses.
Je voudrais m'adresser d'abord à M. Eaton. Ce qui a vraiment retenu mon attention, c'est ce que vous avez dit du rôle auquel le Canada pourrait prêter plus d'attention. J'aimerais avoir des précisions à ce sujet. Vous avez parlé de l'expansion de l’activité minière. Autrement dit, appuyer la création de petites mines à proximité des grandes.
Je crois que c'est ce que vous avez dit. Ce sont plus des exploitations minières familiales — beaucoup, beaucoup plus petites que celles des grandes entreprises. En entendant cela, je me suis demandé s'il s'agit bien là du rôle du Canada en matière de développement et de coopération internationale ou plutôt du rôle d'investissements internationaux et du travail que les sociétés minières feraient ou que le gouvernement ferait avec elles. Cela ne me semble pas être le genre de travail qu'on attend de la coopération internationale, le genre de travail que nous effectuons par le truchement de l'ACDI et de tous ces projets.
Cela m'a un peu intriguée. Pourriez-vous me donner des précisions?
Certainement. Il y a déjà des centaines de milliers de personnes oeuvrant dans le secteur minier, dans de petites exploitations artisanales. Ce ne sont généralement pas des exploitations familiales, mais plutôt de très grands nombres d'individus essayant d'exploiter les champs d’alluvions proches de la surface. C'est souvent dans le secteur du diamant, mais aussi dans plusieurs autres secteurs.
C'est une activité en grande mesure non réglementée. C'est un domaine dans lequel il n'y a pas d'infrastructure pour assurer que l'activité est exercée de manière socialement ou environnementalement durable. C'est une industrie dans laquelle il y a un niveau élevé d'exploitation des individus. Elle n'est pas bien organisée et, chose importante, les gouvernements eux-mêmes, notamment en Afrique, n'en tirent aucun revenu. Ils n'obtiennent aucun revenu de ce genre d'activité minière, et il n'y a aucun moyen d'appuyer ou de réglementer les personnes qui l’exercent.
Il s'agirait de traiter cette activité comme n'importe quelle autre activité commerciale qu'on pourrait appuyer. Les gouvernements appuient souvent le développement de divers secteurs économiques. Dans le cas présent, on parle d'un secteur qui, si nous faisions preuve de créativité, aurait un impact sur un très grand nombre de personnes qui pourraient en tirer de grands bénéfices en termes de revenus issus des pratiques minières.
Je pense qu'il faudrait y réfléchir dans le contexte de la gouvernance, non pas en termes d'appui aux activités des petites opérations minières, mais plutôt de l'établissement d'un cadre réglementaire, d'arrangements institutionnels permettant à l'activité minière artisanale d'être mieux gouvernée.
Donc, quand vous parlez de gouvernance, comme vous l'avez fait plusieurs fois dans votre exposé, vous parlez de former les autorités communautaires. Vous ne parlez pas seulement de mettre sur pied des institutions, mais aussi d'établir un système de contrepoids. Ce dont vous parlez vraiment, c'est de développer la capacité à l'autogouvernance.
Dans ce contexte, cela comprendrait-il l'octroi d'une formation aux autorités locales? Comme vous le savez, nous mettons en place des institutions dans le domaine des normes de droits humains, des droits des travailleurs par rapport à ceux des entreprises, et aussi du genre de hauts et de bas environnementaux… Et je vais mentionner les deux côtés, le pour et le contre en termes d'impact sur la communauté.
Cela comprendrait-il l'octroi d'une formation à la société civile? Et l'octroi d'une formation aux officiels se situerait-il dans ce cadre global de gouvernance plutôt que simplement appuyer cette vision étroite?
Je pense que oui. Je pense que c'est ce qu'il faut et ce qui se fait. Dans le cas de notre projet, il s'agit d'envisager toutes les opérations générales et l'impact que les mines ont sur les collectivités locales, afin d'aider les représentants des gouvernements locaux et les collectivités à comprendre comment négocier. Que dit la loi de leur pays sur ces questions? Quels droits possèdent-ils? Par quelle manière peuvent-ils résoudre les conflits avant qu'ils ne s'exacerbent et deviennent violents, par exemple? Et comment peuvent-ils encourager des méthodes de collaboration qui soient utiles pour les bénéfices qu'ils obtiennent des opérations minières présentes dans leurs régions?
Donc, dans ce contexte, il n'y aurait pas seulement de la formation institutionnelle et de la création d'institutions, il y aurait aussi de la formation au militantisme.
Il pourrait y en avoir. Le nôtre est vraiment focalisé sur le gouvernement de district et est plus ancré là, mais ce serait certainement possible et nécessaire, dans bien des cas.
Je crois que ce que je retiens vraiment, c'est que, sans militantisme, créer des institutions et les laisser telles quelles, c'est comme l'exemple dont vous avez parlé d'avoir une sorte de déficit. J'appelle cela le haut et le bas, et il y a ensuite le milieu, le vide au milieu.
Donc, à moins d'assurer que le militantisme en fasse partie intégrante, et si l'on ne intéresse qu'aux institutions, ce qui arrivera, c'est que beaucoup de ces politiques resteront sur le papier et ne seront jamais mises en vigueur.
Comment donc pouvez-vous assurer… Comme au Ghana, où la société minière a une merveilleuse politique de versement d'un pourcentage des redevances pour aider les communautés en développement où se fait l'exploitation minière, mais où rien ne se produit probablement parce qu'on connaît très peu le militantisme social, la manière d'avoir accès à cet argent et comment l’utiliser.
Je dirais que le Ghana est relativement bien gouverné, de manière générale, sur ces questions, bien que…
Il y a encore beaucoup à faire. Je crois que notre démarche dans le contexte de Bibiani, le district où nous travaillons, consiste à aider le gouvernement local à établir cette plate-forme qui lui permettra d'avoir régulièrement une interaction avec les sociétés minières sur ces questions. Il s'agit aussi d'aider le gouvernement local à savoir ce que la loi dit qu'il a le droit de faire. À quoi peut-il s'attendre? Et quels sont certains des mécanismes par lesquels il pourrait collaborer plus efficacement avec les sociétés minières afin d'identifier les problèmes ayant besoin d'être résolus?
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci beaucoup à nos deux témoins. Pour l'information du comité, j'ai eu l'occasion de rencontrer M. Eaton au Botswana et de voir le programme de l’EUMC là-bas.
Je veux vous féliciter pour le travail que vous faites. Mon beau-fils est de Kumasi et il termine son doctorat en génie électrique. Il a une formation en physique. Vous pourriez peut-être discuter avec lui un jour ou l'autre, c'est un jeune homme brillant.
À mon avis, c'est l'éducation qui changera l'Afrique, et c'est en mettant en place ce genre de choses pour s'assurer que les gens ont la possibilité de faire des études qu'on aidera ces pays à avancer.
Quand j'étais au Ghana, j'ai eu l'occasion de rencontrer un jeune homme qui est hydrologue. Le Ghana a entrepris de cartographier toutes ses ressources hydrologiques, car il sait qu'il y aura un grand potentiel à ce sujet, et je suis sûr que l’EUMC est favorable à cette initiative.
Monsieur Sullivan, je veux revenir à ce dont nous parlions au sujet de l'action de l’EUMC. Nous avions il y a quelques semaines Jack Mintz comme témoin. Il nous disait que le Canada peut contribuer au leadership pour l'économie, la finance et les ressources d'extraction, et peut aider les pays avec leurs politiques publiques. Ce n'est pas une citation directe, c'est ma synthèse. La gestion de leurs ressources naturelles est impérative. De bonnes politiques fiscales et réglementaires feront de cela l'élément le plus important, et le Canada a de tellement bons antécédents.
Je suis rentrée il y a quelques semaines du Sud-Soudan, un pays tout neuf qui n'a absolument pas d’institutions en place, mais qui a d'énormes ressources pétrolières, à Abyei, et qui sait qu’il y a aussi là-bas des ressources en or.
Prenons le Sud-Soudan comme exemple. Comment le Canada peut-il l’aider, à votre avis, à se doter des capacités qui lui permettront d'avoir les ressources institutionnelles dont il a besoin, pour mettre ces choses en place afin que l’EUMC, par exemple, puisse aller y travailler?
Comment voyez-vous cela?
C'est un travail énorme et une entreprise énorme.
L'une des choses qu'on pourrait faire, si le Canada souhaitait donner son appui et travailler avec le gouvernement du Sud-Soudan, serait d'examiner le programme qui a été mis en oeuvre au Ghana pour l'industrie pétrolière. Ils ont mis sur pied un comité national, qui est un comité public-privé avec des représentants d’ONG, du secteur privé, du gouvernement, et dont le rôle consiste à essayer d'éviter que le Ghana devienne le Nigéria. Autrement dit, il s'agit d'essayer de gérer l'exploitation des ressources de manière à ce qu'elle soit bénéfique au pays et qu'elle ne devienne pas simplement une occasion de corruption massive et de gaspillage, et de manière à éviter le genre de dommage qui est causé lorsque les collectivités locales n'obtiennent aucun avantage de ce qui se fait sur leur territoire.
C'est un exemple clair de pays qui fait du très bon travail, à mon avis. Ça pourrait être un modèle pour les autres.
Pourriez-vous revenir sur toute cette question de pérennité? Cela deviendra l'élément le plus important… Évidemment, la reddition de comptes doit aussi être assurée, mais c’est tout l'élément pérennité de ce qui se fait dans ces pays qui leur permettra réellement d’avancer, n'est-ce pas?
Absolument. J'en suis convaincu.
Un autre aspect de la pérennité concerne ce qu'on fait des ressources. Si l'on s'en sert simplement pour la distribution à la population, comme le font par exemple tant de pays du Moyen-Orient, il n'y a aucun investissement qui se fait.
Une autre chose que nous pourrions souhaiter de votre comité, c'est qu'il se penche sur le fonds norvégien, par exemple, qui est l'un des premiers et meilleurs fonds souverains jamais créés, et sur la manière dont il a investi l'argent de façon à générer un flux de ressources, de façon à obtenir un certain rendement de l'investissement, au lieu d'utiliser simplement l'argent pour financer les dépenses courantes.
La pérennité est un aspect important à cet égard, mais elle se manifeste aussi dans le fait de ne pas permettre ce qu'on appelle la maladie hollandaise — j'espère que les Hollandais ne m'en voudront pas. C'est ce qui se passe dans un pays quand le produit des ressources a un effet de distorsion sur les prix. Ce qui se passe alors, c'est que l'économie ne se développe pas. C'est un grand danger pour un pays comme le Sud-Soudan qui doit s'ouvrir à l'entrepreneuriat et commencer à attirer d'autres types d'industries. S'il y a un effet de distorsion des prix relatifs et que le gouvernement utilise les fonds simplement pour pacifier la population, il n'y aura pas de pérennité. On se retrouvera dans une situation pire qu'au début.
Monsieur Eaton, certains pays, notamment d'Afrique, participent à des conférences comme celle qui se tient chaque année à Toronto pour l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs. J'y suis allée et j'ai vu des représentants de ces pays, pas seulement d'Afrique, mais aussi de beaucoup de pays d'Amérique latine et de beaucoup de pays d'Asie du Sud-Est, venir en masse avec toute une documentation pour essayer de présenter leur pays sous le meilleur angle possible. Ils demandent aux entreprises canadiennes d’extraction d'aller chez eux pour les aider.
Y a-t-il le même genre d'investissement que fait l’EUMC? Y a-t-il le même genre de collaboration dans d'autres pays?
L'exploitation minière sera un secteur important dans de nombreux pays. Elle l’est déjà dans beaucoup et elle le sera dans beaucoup plus dans le contexte africain.
En ce qui concerne les mines, ou l'extraction des ressources, plus généralement, je pense que le cas du Sud-Soudan est très révélateur. Pour obtenir les meilleurs résultats, pour garantir que les sociétés locales en bénéficient, il va falloir beaucoup de choses. Il va falloir qu'il y ait beaucoup d'investissement étranger de la part d'entreprises canadiennes et d'autres entreprises dans le monde — idéalement des entreprises canadiennes, dont nous avons un très grand nombre, qui sont des sociétés minières responsables. Ce sont des entreprises responsables socialement et environnementalement, et responsables dans leurs relations avec les gouvernements locaux.
Il va probablement falloir plus que cela et je pense qu'il y aura là un rôle à la fois pour les organisations de la société civile — pas seulement des organisations comme la nôtre, mais aussi des organisations reliées au secteur privé en particulier ou à des associations industrielles ou du secteur privé — et pour le gouvernement pour investir dans les capacités institutionnelles qui sont nécessaires pour la meilleure gouvernance de ce secteur.
D'aucuns demanderont si c'est dans l'intérêt des entreprises canadiennes. Elles devront traiter avec des partenaires qui attendront plus d'elles. Il y aura des règlements plus exigeants du point de vue de ce qu'elles pourraient devoir faire dans ces pays. Tout cela exigera beaucoup de choses, mais je pense que les entreprises canadiennes ont un intérêt acquis du point de vue de la meilleure gouvernance du secteur minier dans les pays dans lesquels nous sommes présents, notamment dans le contexte de la concurrence mondiale.
Je pense que les entreprises chinoises ne se préoccupent pas vraiment du genre de choses dont nous parlons autour de cette table, et que les entreprises canadiennes sont particulièrement aptes à mettre en oeuvre… Je pense que les entreprises canadiennes en particulier ont cet intérêt acquis à une meilleure gouvernance locale, et que c'est quelque chose qui exigera des contributions du secteur minier lui-même, des gouvernements, et aussi de la société civile.
Merci, madame la présidente.
Merci de vos exposés, messieurs. Je pense que nous les avons tous trouvés très intéressants.
Monsieur Sullivan, je trouve le travail de votre centre très convaincant. Dans votre déclaration liminaire, vous avez résumé de manière très cohérente et précise le problème que nous sommes plusieurs ici à tenter de résoudre, comme d'autres l'ont fait dans d'autres contextes: comment aider beaucoup de ces pays à se doter d'institutions durables à long terme? J'ai trouvé votre analyse très convaincante, c'est-à-dire individu par rapport à institution, économie informelle par rapport à économie plus formelle et réglementée, avec la possibilité de se fonder sur des institutions et des structures pour protéger l'investissement, protéger toute une gamme d'activités commerciales.
M. Dechert et moi-même étions en Haïti le mois dernier, avec Mme Laverdière, et l'une des choses qui nous ont frappées a été l'absence totale de cadastre ou de système quelconque d'enregistrement des titres de propriété foncière. On peut imaginer combien il doit être difficile de réunir ou d'emprunter de l'argent informellement ou formellement sans titre de propriété. C'est probablement l'un des exemples les plus chaotiques mais, malheureusement, ce n'est pas le seul pays à manquer d'institutions solides, puisqu'il y en a beaucoup d'autres dans la même situation.
J'aimerais vous demander, monsieur Sullivan, comment vous pensez que nous pourrions convaincre le secteur privé du Canada à établir des partenariats avec des ONG ou des centres comme le vôtre, ou avec d'autres institutions, peut-être même directement avec des agences gouvernementales, pour financer une partie de l'aide au développement qui permettrait de mettre sur pied des institutions solides et de développer des capacités. Certes, bâtir des infrastructures est un projet de longue haleine qu'on ne saurait espérer achever en seulement 6 ou même 12 mois. C'est souvent un processus beaucoup plus compliqué. À votre avis, le secteur privé canadien pourrait-il travailler avec nos agences gouvernementales, directement, ou avec des partenaires étrangers pour aider certains de ces pays à se doter de ces institutions — à bâtir non seulement une culture d'entreprenariat avec les individus mais aussi les structures pouvant ensuite soutenir cette culture et, idéalement, les aider à développer leurs propres économies? J'aimerais savoir comment les Américains ont su obtenir une participation du secteur privé. C'est une tradition qui n'existe peut-être pas de la même manière chez nous.
Malheureusement, il n'y a pas beaucoup de participation américaine non plus. Je regrette de vous le dire mais c'est la vérité. Le programme que décrivait mon collègue, M. Eaton, où une société minière a travaillé avec l'ACDI, est un programme qui existe aussi aux États-Unis sous le nom de Global Development Alliance.
Il y a des sociétés du secteur privé qui agissent comme partenaires. Elles ont tendance à le faire dans des domaines qui sont directement reliés à leur secteur d'activité, parce que c'est ce que souhaitent leurs actionnaires pour obtenir un rendement de leur investissement. Par exemple, Coca-Cola a un projet de Global Development Alliance dans le cadre duquel elle participe au développement des ressources en eau dans plusieurs pays, l'eau étant un élément crucial de son activité commerciale.
À long terme, les entreprises ont tendance à investir et à participer dans les pays où elles ont investi — ce qui est parfaitement logique — ou pensent qu'elles vont investir. Dans le cas d'un pays comme Haïti, par exemple, vous trouverez probablement surtout des programmes financés par les gouvernements, bien qu'il puisse aussi y avoir certaines entreprises du secteur privé. Il existe en Haïti une chambre de commerce américaine, petite mais présente, qui a participé à diverses initiatives au cours des années. Toutefois, c'est essentiellement pour voir comment créer les plateformes nécessaires pour faire ça — je réponds ici à votre question sur la manière de créer ces incitatifs — qu'il y a eu ce forum du secteur privé à Busan dans le cadre du Quatrième forum de haut niveau de l'OCDE-PNUD sur l'efficacité de l'aide, durant lequel les participants se sont engagés à créer une plateforme. Ce travail ne fait que débuter. La première réunion du groupe de travail ne se tiendra pas avant le mois de mars, je crois, mais les participants se sont engagés à essayer de bâtir une architecture pour mettre cela en place.
Je ne suis toujours pas vraiment convaincu qu'il y aura une large participation du secteur privé dans des pays où l'on ne voit pas beaucoup d'investissement direct étranger. Si vous êtes actionnaire d'une entreprise, ou membre d'un régime de pension, ou quoi que ce soit d'autre, vous allez réfléchir attentivement aux pays dans lesquels vous voudrez investir, et votre conclusion sera que vous voudrez aller là où vous obtiendrez un rendement de votre investissement.
La chambre de commerce a une autre organisation affiliée, le Business Civic Leadership Center. Quand je vais à leurs conférences ou activités, ce sont essentiellement des entités de responsabilité sociale d'entreprises américaines qui y participent. C'est essentiellement leur modèle. C'est ce sur quoi elles se concentrent.
Ça me paraît éminemment logique.
Vous avez raison, restons loin de Haïti car c'est peut-être l'exemple le plus extrême. Dans d'autres pays, cependant, que ce soit par un engagement de responsabilité sociale ou par une relation de partenariat comme celle de M. Eaton, il y a cette volonté d'investir…
Chacun identifie un élément d'infrastructure sociale, une école, un hôpital. On a le sentiment de laisser quelque chose qui durera — mais, tragiquement, ce n'est souvent pas le cas —, de laisser une contribution que les gouvernements, les organismes publics ou le secteur privé apportent à une collectivité dans laquelle ils sont souvent actifs, dans une région, etc.
Vos premières remarques étaient très intéressantes au sujet de l'établissement d’institutions — quelque chose d'aussi simple que la règle de droit, que nous tenons peut-être pour acquise dans les pays occidentaux, ou un système de cadastre permettant à chacun d'obtenir du crédit.
Comment pouvons-nous amener les gens à penser que c'est une contribution aussi valable — pour revenir à vos premières remarques — qu'essayer de résoudre un problème social, économique ou infrastructurel particulier dans un pays donné ou dans une région de ce pays?
M. Eaton a peut-être aussi des idées à ce sujet mais j'imagine que ce qu'il faut faire, c'est donner un exemple en démonstration pour montrer que les entreprises investissent dans le pays, et que le pays lui-même aimerait voir ce genre de dialogue public-privé…
Par exemple, le Botswana — pays que vous avez mentionné — a été l'un des chefs de file en Afrique pour la création de ce forum du secteur public-privé, et beaucoup des entreprises faisant de l'investissement direct étranger y ont participé. Le responsable du programme, Elias Dewah, travaille maintenant avec nous et nous aide à reproduire cela au Kenya et dans quelques autres pays africains, parce que c'est un exemple extraordinaire. Si vous réunissez les gens chaque année à l'occasion d'un vaste forum où le secteur privé a sa place…
En ce qui concerne le développement des capacités, qu'on a mentionné tout à l'heure, il faut vraiment travailler avec ces entreprises pour que cela se produise, par l'intermédiaire de leurs associations, par l'intermédiaire d'autres mécanismes, sinon elles viennent simplement et se plaignent.
Nous avons mis sur pied un programme appelé le National Business Agenda dans un certain nombre de pays, y compris, ce qui est assez étonnant, en Irak et en Afghanistan, où nous faisons venir le secteur privé — dans ce cas, les firmes indigènes mais, dans un cas, des multinationales ou des sociétés faisant de l'investissement direct étranger — pour identifier les défis particuliers et les changements. Ne me dites pas qu'il faut changer le code de l'impôt car je vous répondrai que ça n'aura aucun effet. Il faut donner des exemples très précis de réformes pouvant être mises en oeuvre dans le but de réaliser ces changements institutionnels qui libèrent de la valeur et qui m'amèneront à pouvoir investir plus, amèneront une entreprise à engager plus de gens, et déboucheront sur une hausse de la production.
Et amèneront alors probablement ces gouvernements à penser que c'est une initiative publique valide qu'ils peuvent entreprendre pour les mêmes raisons.
Vous n'allez pas me dire que les politiciens essayent toujours de prendre le crédit de ce qui se fait. C'est une chose très cynique à dire à un groupe de politiciens. Je n'en crois pas mes oreilles…
C'est tout le temps que nous avions.
Nous entamons maintenant le deuxième tour, de cinq minutes, avec M. Van Kesteren.
Merci, monsieur le président. Merci à tous deux d'être ici.
Cette étude a été entreprise pour plusieurs raisons. L'une des choses que nous voulons tous — comme membres du comité et, je pense, comme membres de la civilisation occidentale en général — est de venir en aide aux moins fortunés que nous, ou à ceux qui ne sont pas aussi avancés, pour qu'ils aient au moins un mode de vie décent. C'est frustrant. Quand on voit ce qui se passe en Afrique, en général, il y a tellement peu de progrès à cet égard.
Quand M. de Soto est venu témoigner, il a souligné le fait très évident que nous nous attendons à ce qu'ils soient au même point que nous, après être passés par tout ce processus de l'histoire. Nous sommes évidemment passés par le système parlementaire et par le gouvernement en général, mais nous avons aussi évolué avec la technologie. Nous nous attendons à ce qu'ils soient arrivés à ce plateau, lorsqu'il a dû découvrir toutes ces découvertes et que nous avons avancé.
Je suis frustré parce que je suis aussi allé au Ghana. Si l'on remonte 100 ans en arrière, la plupart d'entre nous vivions sur des fermes. Mais, si vous allez dans n'importe quel pays africain, ou n'importe quel pays du tiers-monde, la grande majorité des gens vit dans des villages ou vit dans des villes, et ils sont passés à côté de cet ingrédient-clé. Je crois que l'entreprenariat est l'innovation, et l'innovation est enseignée mieux sur une ferme que n'importe où ailleurs. Nous avons beaucoup de gens très intelligents qui sont très bons pour vendre des choses mais qui n'ont pas cette formation. Le cheval est sorti de l'écurie.
Je m'adresse à M. Sullivan et à M. Eaton. Vos organisations n'ont-elles jamais examiné ça? Nous savons où se situent les problèmes, mais maintenant que nous sommes dans cette situation, comment pouvons-nous les amener à commencer à opérer à la même échelle économique et à la même échelle structurelle que nous avons dans les civilisations occidentales, maintenant que toutes ces choses se sont produites et qu'on ne peut pas retourner en arrière?
Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi votre question.
Au Ghana — puisque nous avons pris ce pays comme exemple —, nous travaillons avec la fondation du secteur privé, qui est un groupe de tutelle réunissant la Chambre de commerce, la Chambre des mines et d'autres associations, lesquelles se sont à leur tour tournées vers des associations d'agriculteurs, en particulier dans le nord du pays, parce qu'il y a tellement de politiques publiques au Ghana qui entravent l'innovation agricole.
En particulier, l'une des choses… Les États-Unis en ont fait une condition de leur programme Millennium Challenge Corporation. On ne pouvait pas importer les meilleures variétés de semences, on était obligé d'utiliser des semences locales. Devinez d'où venait cette idée. Des producteurs de semences, bien sûr, des producteurs locaux. Ils élevaient des barrières commerciales qui entravaient le processus naturel d'innovation et de croissance au Ghana.
L'une des meilleures manières que nous ayons trouvées pour lancer ce processus fut d'essayer de diagnostiquer et de répondre à la question que posait Hernando: « Pourquoi les gens font-ils ce qu'ils font? » Beaucoup trop souvent, les experts internationaux du développement atterrissent dans un pays avec leur modèle des meilleures méthodes internationales. Ils supposent que les gens du pays ne le connaissent pas et ils commencent donc à l'enseigner.
En réalité, il y a une foule de raisons pour lesquelles les gens font ce qu'ils font. Hernando a fait une expérience dont je suis sûr qu'il vous a parlé lorsqu'il était devant vous. Il a essayé d'enregistrer une petite entreprise et cela lui a pris 290 jours. Eh bien, si vous allez parler aux gens, surtout dans le secteur informel ou dans le secteur des petites et moyennes entreprises, ils vous diront pourquoi ils font ce qu'ils font et, bien souvent, c'est parce qu'il leur manque quelque chose, c'est parce qu'il leur manque un facteur habilitant…
En Égypte, par exemple, une petite entreprise doit signer 26 chèques postdatés. C'est ce qu'exigent les banques. Pourquoi ça? Parce que la législation des faillites est tellement mauvaise qu'il faut parfois six mois pour récupérer sa garantie. Vous pouvez donner une garantie mais vous ne pouvez tout simplement pas la récupérer par le système judiciaire alors que, si vous émettez un chèque en bois, vous allez en prison. Vous êtes donc fortement incité à payer les mensualités de votre prêt, ou à ne pas demander de prêt, ce qui a pour effet d'empêcher les gens de passer dans le secteur formel ou, s'ils sont déjà dans le secteur formel, d'avoir accès au crédit.
Notre première étape dans la quasi-totalité de ces projets consiste à demander simplement pourquoi les choses se font comme ça. Bien souvent, nous constatons que ce n'est pas une simple question de manque d'éducation ou de manque de connaissances mais plutôt d'obstacle structurel, parfois très simple.
Une autre chose que Hernando a constatée — je l'utilise constamment comme exemple parce qu'il est tellement brillant sur ces questions — est la prolifération des notaires. Les notaires forment un lobby comme les producteurs de semences. Même après qu'il ait réalisé beaucoup de ses réformes au Pérou, ils sont descendus dans la rue pour essayer de les renverser en disant qu'elles étaient étrangères à la civilisation péruvienne et occidentale. « Prenez la France comme modèle de développement », disaient-ils, ou « Prenez l'Allemagne », qui est un pays arrivé à un niveau totalement différent de développement, en utilisant les notaires et d'autres sortes de choses, alors que si vous simplifiez le processus, ce qui est précisément ce qu'il a fait au Pérou, ça coûte évidemment beaucoup d'argent aux notaires.
Donc, notre première étape dans presque tous les cas est d'analyser l'économie politique et de demander aux gens pourquoi ils font ce qu'ils font.
Merci.
Vous avez largement dépassé votre temps de parole, cher ami, mais la bonne nouvelle est que nous avons ces témoins pour deux heures. Vous aurez donc une autre chance.
Nous devrons y revenir plus tard. Je suis sûr que la question sera posée car on a de la suite dans les idées, là-bas.
Madame Sims, vous avez cinq minutes.
Merci.
En écoutant cette conversation, qui est fascinante, je me demande parfois si je ne suis pas à une réunion d'entreprises car, quand j'examine sérieusement le but de notre aide — je parle ici d'aide au développement international —, il s'agit de réduire la pauvreté. C'est le premier objectif. En période de crise et autrement, c'est ce que les Canadiens souhaitent qu'on fasse de leur argent, réduire la pauvreté. Je ne pense pas que leur objectif soit de promouvoir les intérêts du secteur privé ou des priorités commerciales à court terme. Si ça arrive, tant mieux. Pourtant, une partie de ce que j'ai entendu aujourd'hui a porté sur la mise en place d'infrastructures ou d'institutions qui aideront les sociétés minières ou autres dans leur travail.
Quand je songe au secteur public et au secteur privé oeuvrant ensemble — et j'ai vu certains projets où ils ont bien oeuvré ensemble —, ils se sont intéressés à des questions de droits humains, de droits des travailleurs, de protection de l'environnement, et aussi de militantisme social.
Quand je vois une merveilleuse institution comme la vôtre — j'essaie aussi d'en savoir plus à son sujet — avec le travail que vous faites dans ces pays, et que j'examine votre rapport annuel de 2010, je vois que vous êtes essentiellement financé par des sources gouvernementales et par le National Endowment for Democracy, qui reçoit à son tour de l'argent du gouvernement. Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose en soi, dans ce cas, étant donné ce que vous faites de cet argent.
Le budget d'aide du Canada a été gelé. Il ne peut pas augmenter. En réalité, nous faisons marche arrière, selon ce que nous disent bon nombre de nos partenaires. Nous nous attendons en outre à d'autres réductions dans le budget. Il y aura bientôt un budget. Nous sommes inquiets. Nous ne savons pas si ce sera le cas. Avec un tel trou dans notre budget d’aide, à cause du gel — j'ajoute en passant que nous n'avons pas atteint notre engagement de 0,07 p. 100 —, ma plus grosse peur est que le gouvernement cherchera des méthodes pour travailler avec le secteur privé de telle manière que cela dissimulera ce sous-financement et ne fera en réalité rien pour le développement à long terme. Nous ne nous attaquerons pas à la pauvreté à long terme, de manière durable, mais plutôt avec des interventions qui pourraient être à très court terme. Vous oeuvrez avec une société minière, vous êtes sur place pendant 4 ans, 5 ans ou peut-être même 10 ans, puis vous partez.
Le fait que notre aide soit si étroitement reliée à une industrie donnée m'inquiète beaucoup. Ce n'est pas impulsé par la communauté, comme vous avez dit. Ça ne vient pas de la base. Ça vient encore une fois d’ici, avec des objectifs très favorables aux entreprises et une responsabilité sociale adoucie.
D'après vous, quel devrait être le rôle du secteur public dans notre action internationale, ou pensez-vous que le secteur privé peut tout faire? Donnez-moi des précisions à ce sujet.
Tout le travail que nous faisons dans le contexte de cette initiative au Ghana et ailleurs vise à assurer que la population locale de Bibiani, et du Ghana dans son ensemble, en profite le plus largement possible grâce à des investissements réalisés en liant les entreprises au pays. Notre travail est destiné à renforcer la gouvernance dans ce secteur afin que le Ghana puisse en bénéficier, que la population du Ghana puisse en bénéficier, que la population du district de Bibiani, où il y a cinq sociétés minières au travail, bénéficie aussi de ces activités, et que ce ne soit pas seulement le gouvernement national qui touche des redevances, par exemple.
Notre projet vise à relier ces différents éléments afin que ce ne soit pas seulement le gouvernement national qui obtienne des redevances mais que la population au niveau local obtienne elle aussi des redevances, afin que la population au niveau local soit en mesure de régler les conflits, de rehausser la collaboration, et d'accroître l'investissement local dans les domaines où elles sont actives. Et je pense que le Ghana lui-même a indiqué que l'extraction de ressources naturelles sera un aspect important de ses stratégies de développement nationales. Autrement dit, je pense que nous avons besoin de l'aider à cet égard.
Où le financement canadien arrive-t-il et n'arrive-t-il pas? Certes, il n'y en a pas dans notre projet mais je pense qu'il y a beaucoup de choses que les entreprises doivent faire pour obtenir leur licence sociale d'exploitation dans les secteurs où elles sont présentes, les investissements qu'elles ont besoin de faire pour la pérennité des opérations, en termes de durabilité environnementale sociale, et qu'elles réaliseront aussi souvent des petits projets autour de leur mine qui sont beaucoup plus concrets, comme une école ou une clinique.
Je ne pense pas que le financement canadien soit nécessaire pour ça. Je pense que ce sont toutes des choses que les sociétés canadiennes et les sociétés minières peuvent et devraient faire elles-mêmes.
Mais là où on a l'occasion de tirer parti des fonds des sociétés minières canadiennes ou des fonds des sociétés non canadiennes pour obtenir de plus grands biens sociaux, je pense que c'est une chose qui vaut la peine d'être faite. En règle générale, je pense qu'il vaut aussi la peine de faire cela si les investissements sont des investissements qui rehaussent la gouvernance de ce secteur. Par rehausser la gouvernance, nous voulons dire rehausser les bienfaits que les gens tirent réellement des investissements qui sont faits.
Merci.
Je regrette, monsieur Sullivan, mais le temps prévu pour cette intervention est écoulé. Il y aura un autre tour.
Voilà le problème: nous avons une question de trois minutes et il en faut dix pour y répondre.
Monsieur Dechert, c'est vous qui poserez la dernière question de ce tour.
Merci, monsieur le président.
Merci d'être ici, messieurs.
Je m'adresse d'abord à M. Sullivan. Vous avez mentionné le besoin de différentes sortes de lois — la règle de droit. En général, vous avez mentionné les lois sur la faillite et la solvabilité, par exemple. Je sais qu'un cabinet de droit auquel j'étais associé auparavant obtenait souvent des mandats d'organisations comme la Banque mondiale pour aider des pays comme la Russie, après la chute de l'Union soviétique, le Vietnam… et pour développer des lois sur la faillite et la solvabilité en lois sur la protection de la propriété privée.
Beaucoup de pays, comme vous l'avez souligné, ont adopté des lois, mais je pense que vous avez aussi dit qu'il y a un déficit de réalité entre ce qui est rédigé sur le papier et la mise en oeuvre sur le terrain. Je me demande si vous pourriez me donner un exemple de succès que vous avez constaté où ce genre de déficit de réalité a été identifié puis a été remédié par une sorte d'intervention extérieure, que ce soit par un partenariat entre le gouvernement et une organisation du secteur privé ou entièrement par une organisation gouvernementale.
Considérant les limites de temps, et je vous remercie de cette question, je serai télégraphique.
En Russie, grâce à l'appui de l’USAID, nous avons pu collaborer avec la chambre de commerce russe et avec une association russe appelée OPORA pour établir ces coalitions au niveau local dans tout le pays, qui ont réuni 22 000 entreprises russes qui ont fait un certain nombre de choses différentes. Elles ont créé des mécanismes de défense pour se protéger contre l'extorsion — les demandes de pots-de-vin. Elles se sont intéressées aux marchés fonciers locaux, qui étaient souvent exploités par les gouvernements locaux, encore une fois en extrayant de l'argent supplémentaire afin d'obtenir l'accès au terrain, et aussi en mettant en place des lois et des règlements. Elles essayent de remédier au fait que les lois et règlements qui ont été formulés au palier national n'étaient pas mis en oeuvre au palier local.
Cela ramène donc au militantisme social. Cela ramène à l'idée de donner aux gens les compétences requises pour savoir comment faire ça, et à l'action collective, à toutes les parties du programme de Busan.
Il y a un certain nombre d'autres pays où la même chose s’est produite. En Géorgie — exemple classique —, la pratique exemplaire internationale est en réalité un mythe. Il y a une pratique exemplaire internationale mais on ne peut pas la télécharger dans un pays. On a donc fait venir tout un groupe d'experts de l'étranger pour réviser le code administratif de la Géorgie, ce qui a été fait, sur la base de la pratique exemplaire internationale, puis on l'a traduit en russe et en géorgien, on l'a adopté, mais on a oublié ensuite d'appliquer des programmes de formation ou de mobilisation de la communauté. Nous avons pu travailler avec un certain nombre d'instituts géorgiens et d'associations pour commencer à exercer des pressions sur le gouvernement local en disant qu'il doit commencer à mettre la loi en application. Quand il ne l'a pas fait, nous nous sommes adressés aux journaux et au gouvernement national.
Cela peut se faire mais, bien trop souvent, on ne pense tout simplement pas à le faire.
Ce sont donc les choses que nous pouvons faire pour les aider à assurer leur croissance à long terme?
Aux Philippines, à l'heure actuelle, Jesus Estanislao, l’ex-ministre des finances de Cory Aquino, a mis sur pied une organisation durable appelée Institute for Solidarity in Asia. Il a mobilisé des gens dans le cadre d'un programme de villes modèles en utilisant le tableau de bord équilibré de Harvard. Ces gens-là ne sont pas financés, ils agissent bénévolement. Une fois que vous les avez réunis, une fois qu’ils ont appris à faire ça, ils ne vont pas retourner dans leur coin sans rien faire.
Merci.
S'il me reste du temps, monsieur Eaton, vous avez dit que l'Entraide universitaire mondiale a été active en Haïti et en Afghanistan.
Pourriez-vous nous donner un exemple de certains de ces projets?
Notre travail en Haïti et en Afghanistan concerne spécifiquement le secteur de l'enseignement technique et professionnel. Ce travail est un peu plus avancé au Sri Lanka, où nous oeuvrons depuis 15 ans avec le gouvernement et avec les associations industrielles au sujet des normes, au sujet de l'enseignement technique professionnel et au sujet des systèmes d'accréditation. Il s'agit de prendre un type informel de formation industrielle et de formation de la société civile qui se faisait dans le pays et d'essayer de l'organiser et de le porter à un niveau supérieur en le projetant vers l'avant en termes de besoins de croissance du pays de manière à en faire profiter un grand nombre de personnes.
C'est ce que je donnerais comme exemple.
Vous avez parlé de la formation des autorités locales dans l'industrie minière, en particulier des structures de taxation et de redevances dans l'intérêt du gouvernement local. Conseillez-vous les gouvernements locaux sur la manière de rédiger ces lois ou de mettre sur pied ces systèmes de redevances afin qu'ils puissent en bénéficier?
Les lois sont rédigées au palier national, pas au palier local. Il existe déjà un processus pour prendre ces indices de transparence de l'industrie d'extraction au palier national et les transférer au palier local, et c'est ce que nous expérimentons à l'heure actuelle. Nous aimerions travailler avec le gouvernement de district et avec le gouvernement national — et nous avons eu des discussions à ce sujet — pour essayer de mettre en oeuvre le partage des redevances, qui ne se fait pas actuellement bien que ce soit prévu par la loi.
Cela est déjà établi. Il s'agit d'établir les politiques et mécanismes par lesquels les gouvernements de district seront en mesure de bénéficier des ressources auxquelles ils ont déjà droit mais qu’ils n'obtiennent pas.
Merci beaucoup.
Merci à nouveau d'être ici, messieurs.
J'aimerais revenir sur ce que disait ma collègue au sujet de la réduction de la pauvreté. Chaque Canadien souhaite voir une réduction de la pauvreté dans le monde. Nous l'abordons simplement d'un point de vue philosophique différent.
J'ai lu le livre de Dambisa Moyo, Dead Aio. Vous le connaissez manifestement tous les deux. Je vais vous demander un commentaire à ce sujet, si vous me le permettez.
Nous savons que, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale — et nous prendrons l'Afrique comme exemple parce que c'est un continent envers lequel chacun ressent une certaine sympathie — 1,23 billion de dollars sont allés en Afrique mais que nous n'avons pas produit le genre de changement que nous aimerions voir ou réduit la pauvreté comme nous pensions le faire avec ce genre d'investissement. Comme le dit Mme Moyo, nous devrions d'abord fixer des échéanciers très clairs pour l'utilisation des budgets d'aide. Elle propose un échéancier de cinq ans en disant que, si vous ne pouvez pas commencer à créer de la capacité pendant cette période, c'est que vous ne faites pas bien les choses.
Nous ne voulons pas condamner les gens à devenir des États assistés. Nous avons besoin de les voir en sortir. Je me demande si vous pourriez me dire comment vos organisations — et je m'intéresse en particulier à ce qui se passe dans les chambres de commerce — dispensent ce mentorat aux entrepreneurs des pays qui reçoivent notre aide pour les aider à créer cette capacité.
J'ai entendu en particulier ce que vous, monsieur Sullivan, avez dit: ils ne retournent pas aux anciennes méthodes parce qu'ils exigent que leurs gouvernements nationaux mettent les structures en place. Les lumières se sont allumées quand ils ont commencé à bâtir ces structures.
Qu'en pensez-vous?
Je pense que Dambisa Moyo présente un argument très puissant, qui porte en réalité sur le manque de redevabilité entre les leaders gouvernementaux et les populations qu'ils représentent, et la manière dont l'aide peut fausser cette redevabilité. Elle peut en réalité miner la redevabilité qui devrait se faire. À mon avis, elle est peut-être un peu trop pessimiste au sujet de la possibilité de faire ça, mais renforcer cette voix est crucial, ainsi que financer les institutions qui permettront à tout cela de se faire.
Ce que je dirais, c'est que l'extraction des ressources naturelles faite dans le mauvais contexte peut avoir les mêmes effets. Je pense que le Nigéria en est un excellent exemple. Le Botswana et le Ghana sont des exemples différents grâce aux structures de redevabilité et de gouvernance qui ont été établies. Il s'agit là d'un domaine dans lequel nous devrions envisager plus d'investissements pour assurer que les gens bénéficient réellement à long terme de ce genre d'investissements lorsqu'ils sont faits.
Je suis d'accord. Il y a aujourd'hui environ 17 pays africains qui enregistrent une croissance soutenue et qui s'en sortent relativement bien. Vous trouverez des détails à ce sujet dans un ouvrage de Steven Radelet, qui est actuellement l'économiste en chef de l’USAID. Avant cela, il a aidé à mettre sur pied le compte de la Millennium Challenge Corporation, qui utilise le mécanisme dont vous parlez.
J'ai demandé à Steven ce qu'il pensait de cet argument. Il m'a dit plusieurs choses intéressantes. D'abord, que dans certains cas, c'est surestimé. Dans un nombre encore élevé de cas où l'aide afflue dans un pays — je regrette de devoir dire cela mais je crains que l'Irak et l'Afghanistan en deviennent des exemples, surtout l'Afghanistan — à un niveau tel qu'elle a un effet de distorsion sur le mécanisme local de prix et qu'elle agit comme la calamité des ressources naturelles. Elle agit comme le pétrole.
Comment éviter cela? Dans le cas de l'Afghanistan, je ne suis pas sûr qu'on ait pu l'éviter, étant donné la situation de conflit. Il faut bâtir la capacité locale. Il faut réunir les associations d'entreprises et mobiliser les membres pour commencer vraiment à voir apparaître cette demande de bonne gouvernance.
Le Botswana est un excellent exemple de pays où cela s'est fait. BOCCIM, la Botswana Confederation of Commerce, Industry and Manpower, a joué le rôle de chef de file vraiment très actif dès le début en exigeant de saines politiques économiques. C'est un excellent exemple. Il est là au centre de l'Afrique, pas seulement géographiquement mais comme pays de pointe.
Merci beaucoup.
Je retourne à M. Sullivan. Je sais que vous n'avez pas eu l'occasion de répondre à ma dernière question. Je ne vais pas la répéter, mais vous en donner une version raccourcie. Votre centre reçoit une bonne partie de son argent du gouvernement. Quelle est l'importance de cette source de financement pour vous? Quel genre d'impact cela a-t-il sur la manière dont vous travaillez, dans la mesure où la grande majorité de votre financement vient du gouvernement?
C'est crucial. Sinon, nous ne ferions pas le travail, évidemment. Là où je fais une différence, cependant, et c'est l'une des choses… Le National Endowment for Democracy a été créé en 1983 à la suite du discours de Westminster du président Reagan. C'est une institution unique dont le financement vient du Congrès pour nous et trois autres organisations — le International Republican Institute, le National Democratic Institute, et le AFL-CIO Solidarity Center —ainsi que toute une foule d'ONG et de groupes de droits humains financés directement par la fondation. C'est de l'argent fourni par un vote du Congrès.
Ce qui est unique, et c'est l'une des raisons pour lesquelles le CIPE peut faire ce qu'il fait… Nous ne sommes pas aux ordres du gouvernement. Les politiques, procédures, stratégies et projets sont tous auto-générés. L'exécutif a un rôle de supervision et un rôle de vérification. Nous devons coordonner nos activités avec lui, mais ce n'est pas la même chose que si nous étions financés par l'USAID. Avec cette fondation nationale — et il y en a maintenant plusieurs dans le monde… Le Royaume Uni a la Westminster Foundation for Democracy. Le Parlement européen envisage la même chose depuis un certain temps, mais je pense qu'il finira par créer un directeur européen. Il y a plusieurs de ces choses dans différents pays. La raison pour laquelle ce modèle est si important est qu'il donne un certain degré d'insularité par rapport aux intérêts immédiats du gouvernement, que ce soit un gouvernement de votre tendance ou un gouvernement d'une autre tendance. Ça devient beaucoup plus une opération stratégique à plus longue échéance.
Merci.
Je cède la parole à Mme Laverdière. Je reviendrai plus tard avec une question sur le militantisme social.
[Français]
Merci. Je vais tenter d'être très brève.
Si j'ai bien compris ce qu'a dit ma collègue, Mme Brown, elle a entre autres parlé du rôle que les entreprises peuvent jouer dans la formation, la mise en oeuvre et la mise en place de structures pour encadrer les opérations et ainsi de suite. Elle a parlé du rôle que les entreprises privées peuvent jouer dans ce contexte.
Je ne veux pas vous mettre sur la sellette en lançant un grand débat. Toutefois, parallèlement à cela, on se rend compte qu'il serait difficile que ce soit les entreprises privées qui donnent de la formation à la société civile sur la façon de défendre ses intérêts face à l'entreprise privée. Cela semblerait un peu illogique. Ou encore, il serait difficile de voir que l'entreprise privée soit au coeur de la mise en place d'une structure réglementaire et législative qui s'appliquerait à elle-même.
Par contre, il y a quelque chose qui est revenu très souvent dans vos présentations et que j'ai trouvé très intéressant. L'entreprise privée peut aider à renforcer les capacités des associations d'entreprises privées. Toutefois, il reste beaucoup à faire pour ce qui est du renforcement des capacités des autres organisations et associations de la société civile. Où voyez-vous la limite? Je crois que M. Eaton a aussi mentionné qu'il y avait beaucoup d'activités que l'entreprise privée pouvait entreprendre au nom de la responsabilité sociale. Cela fait partie de l'image de marque des entreprises. On n'a pas à faire cela pour elles. Cependant, dans une perspective où on voudrait aller plus loin, comment voyez-vous l'équilibre entre l'implication des gouvernements et celle des entreprises privées qui arrivent de bonne foi pour donner un coup de main? Je suis désolée de la question emberlificotée.
[Traduction]
On le fait différemment dans chaque pays. Si je peux vous laisser un message, c'est qu'il n'existe pas de modèle unique applicable à chaque environnement différent. Il faut le concevoir selon ce qui se passe dans le pays considéré.
Dans certains pays, par exemple au Pakistan, il y a un mouvement croissant de responsabilité sociale dans le secteur privé. Il en est encore à ses balbutiements. Nous avons en fait contribué à l'élaboration d'un manuel de responsabilité sociale pour les entreprises
Il y a aussi le Pacte mondial de l'ONU. L'ONU a organisé des pactes dans divers pays. On peut voir quelles entreprises le ratifient et s'engagent à y adhérer. Je suis membre de l'un des groupes de travail, et je pense que Georg Kell a fait un magnifique travail sur l'élaboration de ce pacte et son application dans le monde. Mais c'est fondé sur des principes, comme les principes de gouvernance de l'OCDE ou les principes pour les entreprises multinationales. Ce n'est pas un modèle particulier pour une situation particulière. Il faut donc se pencher sur les principes et voir comment ils s'harmonisent avec l'environnement local.
Le genre d'investissement direct étranger dont on parle fait également une grande différence. Je note ce que vous dites au sujet des sociétés faisant de l'investissement direct étranger.
L'un des messages de la Secrétaire d'État Clinton à Busan, qui a eu un effet assez profond sur le public, je pense, était de se méfier des entreprises qui sont plus intéressées par l'extraction des minerais que par le développement du pays.
Devinez à qui elle pensait?
Merci de votre présence.
Je pense que vous conviendrez que les institutions sont importantes, car elles démontrent que la culture et la géographie ne sont pas des obstacles à la croissance ou à la réduction de la pauvreté. Mme Sims parle de chercher des solutions pour réduire la pauvreté, ce qui est certainement un but admirable, et c'est l'idée même de développement. En même temps, pourtant, cela semble laisser de côté l'importance des institutions qui sont à mes yeux le point cardinal du développement économique, car, sans elles, il est très difficile de développer, voire impossible.
J'aimerais faire un pas en arrière et retourner aux détails très concrets de ce qui se passe sur le terrain aujourd'hui en comparant l'Afrique à l'Asie. Remontons 50 ou 60 ans en arrière pour examiner le développement des institutions dans ces régions. À l'époque, le PIB par habitant de certains pays d'Asie était inférieur à celui de l'Afrique. Grâce à l'établissement d'institutions, ces pays se sont développés au niveau que l'on constate aujourd'hui. Certaines régions d'Asie ont un niveau de vie équivalant à celui des pays occidentaux. L'Afrique ne cesse de reculer. Elle n'avance pas, elle recule.
Je pense que c'est important, car, quand les ressources sont rares, qu'il y a des contraintes budgétaires et qu'on doit décider de mettre des dollars d'aide dans certains pays, il est préférable de se concentrer sur les incitatifs qui amèneront les pays à se doter des institutions qui leur permettront d'obtenir de la croissance afin de devenir moins tributaires des dollars d'aide et de sortir de la pauvreté.
À tous les deux, si vous voulez répondre en 90 secondes chacun. Je n'ai pas d'autres questions et vous pouvez donc prendre tout le reste de mon temps de parole.
Eh bien, je pense qu'il y a eu un sous-investissement dans les institutions, à la fois généralement et certainement au nom du Canada du point de vue de la manière dont j'envisage la pauvreté dans de nombreux pays. Je dirais aussi que notre interprétation de la manière dont on bâtit des institutions n'a pas été très bonne et n'a pas été très forte, notamment quand nous avons pris un modèle tout fait pour bâtir des institutions au lieu de dresser un diagnostic détaillé des besoins et de ce qui marche dans tel ou tel pays.
Je tiens aussi à vous dire de ne pas être trop pessimiste au sujet de l'Afrique. Ces 17 pays sont apparemment les 17 prochains pays émergents. Nous travaillons au Botswana, qui est un pays à revenu intermédiaire. Le Ghana sera bientôt un pays à revenu intermédiaire. Au Rwanda, on peut créer une entreprise en une seule journée. Ces gens-là sont sérieux au sujet du développement qu’ils font, en partie à cause de l'ambition qui existe au palier national, mais aussi à cause des institutions qu’ils ont formées.
Je partage ces points de vue.
L'autre chose qui me semble vraiment important de garder à l'esprit est qu'on a commencé en Asie avec le modèle de développement fondé sur la substitution des importations, que tant de pays ont adopté sur la base du travail de Raúl Prebisch, ce qui fut une erreur tragique… Mais ce qu'ont fait les tigres asiatiques qui ont connu du succès, c'est qu'ils sont rapidement passés à un modèle de développement axé sur l'incitation aux exportations et qu'ils ont éliminé une bonne partie des subventions qu'ils versaient à leurs champions nationaux.
L'Afrique, malheureusement, n'a pas fait cela pendant très longtemps, et elle a aussi été piégée dans le socialisme fabien qu'elle a importé, que Kwame Nkruma et d'autres ont importé en Afrique. Il a fallu plus d'une génération pour qu'ils abandonnent ce modèle de développement…
Mais c'est une faillite des institutions.
M. John Sullivan: Oui…
M. John Williamson: Ils ont mis en place les mauvaises institutions et ont été totalement dans l'erreur en essayant de faire du développement d'une manière qui était contraire à… Je conviens qu'il n'y a pas de pratiques meilleures que d'autres. J'ai fait une erreur terrible en parlant de l'Afrique comme entité unique. Il y a certainement des exemples de succès, mais il y a aussi des exemples d'échecs abjects, comme il y en a en Asie, je suppose. Toutefois, quand on examine certains des modèles de croissance reliés aux institutions, on constate que c'est vraiment ça la clé, plutôt que simplement envoyer de l'aide financière.
Oh, vous avez absolument raison. Il y a en Afrique des pays qui peuvent aller dans un sens ou dans l'autre. À l'heure actuelle, le Sénégal est malheureusement un pays qui va dans le mauvais sens. Le Canada pourrait y jouer un rôle, dans sa participation à la communauté des démocraties, ou le Canada avec les États-Unis et d'autres pays, pour essayer de convaincre M. Wade de ne pas faire ça, de ne pas être candidat à nouveau, d'accepter finalement le prix Mo Ibrahim, de faire la bonne chose, de respecter la Constitution — laisser la Constitution fonctionner.
L'autre chose que l'Asie a faite et que l'Afrique n'a pas faite suffisamment a été un énorme investissement initial en agriculture, en considérant que l'agriculture serait ce moteur de croissance initial. Cela ne s'est tout simplement pas produit au niveau qui est encore nécessaire en Afrique, où l'industrie en est encore très souvent à ses balbutiements et où, si l'on ne réussit pas à faire fonctionner beaucoup mieux le secteur agricole, à obtenir de bien meilleures performances, et à être beaucoup plus productif et beaucoup plus innovateur avec les investissements privés et publics qui sont nécessaires pour cela, vous n'aurez pas de croissance solide et soutenue.
M. John Williamson: Merci.
Merci.
Je pense que nous pouvons convenir d'une chose: nous devons nous concentrer sur le développement d'institutions. Même dans le cas d'Haïti, nous réalisons que, si nous voulons faire quelque chose, nous devons régler ce problème de cadastre, et nous devons régler le problème de sécurité et établir une sorte de règle de droit afin que les gens puissent avoir cette sécurité — et aussi nous intéresser aux gens qui vivent dans certains de ces camps.
Tout en créant ces institutions, je pense que la question qui me revient constamment à l'esprit est celle-ci: quel genre d'institutions allons-nous les aider à construire? S'agira-t-il du genre d’institutions qui répondent aux besoins de l'industrie — je ne veux pas m'en prendre aux sociétés minières, c'est simplement parce que vous êtes ici aujourd'hui — ou qui répondent aux besoins de pérennité à long terme de la communauté? Il y a une grande différence entre les deux. Pour moi, le militantisme social, s'attaquer aux questions de droits humains, comme le droit à la sécurité, à la protection et à l'alimentation, et aussi le droit de ne pas être violée — ce sont toutes des questions qui deviennent très importantes. Chaque fois qu'on parle d'institutions, je vois juste ces choses cliniques qui soutiennent l'industrie alors que, pour moi, les institutions doivent soutenir l'aspect humanitaire aussi, et les droits humains.
Qu’a fait votre organisation dans ce domaine particulier?
En ce qui concerne les institutions pour le développement local, quand on examine le secteur informel et qu'on réalise que ce sont essentiellement des personnes piégées dans la pauvreté, et que 80 p. 100 du travail dans de nombreux pays est effectué par les femmes, il n'y a pas vraiment grand-chose que l'on puisse faire sans s'attaquer à cette question du gagne-pain. Tout le reste dépend de cela et nous nous sommes donc beaucoup concentrés sur ce domaine. Nous avons aussi passé pas mal de temps à travailler sur l'entrepreneuriat des femmes, de manière générale, et pas seulement dans le secteur informel.
En outre, l'une des questions clés — et c'est ici que le Pacte global de l'ONU a aussi beaucoup fait — est d'essayer de donner un sens réel et de la valeur au travail de John Ruggie, qui a été un chef de file dans la création d'un pont. Il faut que ce soit gagnant-gagnant. Ça ne peut pas être gagnant pour ce côté-ci ou gagnant pour ce côté-là, si l'on veut assurer la pérennité. Chacun va devoir mettre l'épaule à la roue si l'on veut que ça continue.
Ce que je pense que John Ruggie a fait dans son travail avec l'ONU et dans la création des principes d'affaires pour les droits humains — le devoir de protéger, etc. —, c'est qu'il a vraiment créé un cadre que le secteur des entreprises internationales a adopté. Nous avons aidé à en faire la promotion. Comme je l'ai dit, j'ai produit un livre au Pakistan — produit en réalité par des Pakistanais à Lahore qui organisaient des séminaires dans le pays pour le préparer.
Il y a une chose que je recommanderais et au sujet de laquelle le gouvernement du Canada pourrait peut-être aider. Hernando de Soto a déjà rédigé la loi sur ce que l'on peut faire pour créer des titres de propriété, protéger le droit à la propriété et, ce qui est le plus important, quand on réalise que les Haïtiens n'ont pas d'identité… Ce n'est pas simplement qu'ils n'ont pas de terre, ils n'ont pas non plus de carte d'identité. Comment peut-on alors obtenir de l'assurance? Comment peut-on aller à l'école? Comment peut-on entrer et sortir du pays, sauf en contrebande, sans une carte d'identité? Il faut créer ces identités.
Je suis vraiment heureuse de vous voir vous concentrer sur les femmes et sur les rendements qu'on obtient quand on investit pour l'épanouissement des femmes.
Je vais laisser la parole à M. Larose s'il me reste une minute ou deux.
[Français]
Je vous remercie de votre présentation. Ma question s'adresse à M. Sullivan.
Je veux simplement mentionner que j'apprécie énormément votre point de vue sur la complexité de chaque endroit, pays, province et municipalité. Chacun a son identité et ses caractéristiques. J'ai travaillé un peu dans le domaine du renseignement et j'ai aussi travaillé au Mexique. Je disais aux gens auprès de qui j'étais instructeur dans ce pays que j'étais là pour leur apprendre des choses, mais qu'à mon avis, ils en avaient beaucoup à m'apprendre. Je leur disais aussi espérer qu'un jour, le Mexique aurait l'occasion d'en apprendre au Canada.
On demande toujours un retour des choses. En ce qui concerne toute l'information que vous avez recueillie, je me demandais si une approche avait été tentée de façon à nous rendre beaucoup plus riches. Nous en avons tellement à apprendre. Il ne s'agit pas de regarder de haut les autres pays, mais plutôt de faire le contraire et de recueillir cette information qui nous permettrait aussi de grandir, comme société.
[Traduction]
Oui. Nous avons en fait élaboré ce que nous appelons notre programme de gestion du savoir, car nous avons constaté, comme je l'ai dit et comme vous en avez convenu, que chaque situation est unique, ce qui n'empêche pas qu'il y a des principes généraux que l'on peut tirer d'une situation au profit d'une autre.
En travaillant en Haïti pendant quelques années, Hernando de Soto a appris beaucoup lui-même, mais il a aussi beaucoup apporté. Il travaillait avec le CLED, un institut de réflexion du secteur privé avec lequel nous avons aussi travaillé. Nous avons eu un nombre énorme de succès. Nous avons dispensé de l'assistance technique, nous avons fourni du financement, mais le génie à la base de ces histoires est provenu en grande mesure de la propriété locale et de l'innovation locale.
Nous avons donc un programme de gestion du savoir, et nous avons aussi élaboré quelque chose appelé le Development Institute, nous avons capté cela sur film et avons essayé de créer un cours de collège que nous utilisons maintenant dans un ou deux pays pour transmettre ces messages.
C'est un élément clé de ce qu'il faut faire. Il faut continuellement recycler ça. Il faut le bâtir sur une évaluation très stricte et saine, de façon à avoir des données pour montrer ce que ces gens ont été capables de faire.
Dans le nord du Ghana, il y a un potentiel incroyable pour l'agriculture. Malgré cela, on voit d’énormes parcelles de terrains qui sont improductives et où rien ne se fait. Je crois comprendre que ce sont des terrains détenus par des tribus.
Il y a beaucoup de choses très préoccupantes pour le visiteur. L'une d'entre elles est l'éducation. Quand j'ai visité une école, j'ai pensé que j'étais arrivé pendant la récréation. Au bout d'une demi-heure, on réalise que ce n'était pas la récréation.
Il y avait une société hollandaise, que vous connaissez peut-être. Elle a commencé à permettre aux agriculteurs de prendre de plus grandes parcelles de terrains. Elle leur donne de l'équipement, des semences et de l'engrais, et ils gardent ensuite les semences. Comment pouvons-nous convaincre ceux qui possèdent les terrains de les laisser aller? Je pense que c'est le plus gros problème en agriculture dans le nord du Ghana.
Avant d'aller à Tamale, nous avons rendu visite aux députés qui nous ont quasiment implorés de les aider à construire des routes et des voies ferrées. Les Chinois le font, et ils nous demandaient essentiellement de le faire avant eux. Ils ne veulent pas qu'ils le fassent, que cela leur arrive. C'était assez pathétique. Est-ce que nos gouvernements font ce genre de choses? On vous reproche d'aider les sociétés minières et toutes les autres. Pourtant, pour ces gens, c'était la chose la plus importante: des routes et des voies ferrées.
C'est sur ces deux choses, l'agriculture et la question des Chinois.
Je pense que c'est sur quoi le pacte de Millenium Challenge Corporation pour le Ghana essaye de se concentrer. Ce qui est vraiment bien au sujet du pacte, c'est qu'il repose sur la prémisse que l'aide sera accordée une fois qu'ils auront déjà atteint un certain niveau. Bien sûr, il y a des domaines dans lesquels cela pourrait s'améliorer. Par exemple, ça n'atteint pas les pays les moins développés.
Quoi qu'il en soit, c'est un incitatif du pacte de Millenium Challenge Corporation. L'autre chose qui est bonne à ce sujet est qu'on l'a conçu en grande mesure comme le Plan Marshall en Europe. L'une des critiques formulées au Congrès est que certains de ces pactes ont été lents à agir. Bien sûr, on n'avait pas le même capital humain que nous avions en Europe après la Deuxième Guerre mondiale, mais l'idée était que les pactes seraient bâtis par les gens du pays, pas simplement conçus dans une mission d'aide ou dans une capitale étrangère.
Cela fait une énorme différence, et je pense que c'est l'une des choses sur lesquelles le pacte ghanéen est focalisé.
Je pense que vous avez mis l'accent sur plusieurs goulots d'étranglement qui existent dans de nombreux pays. L'un d'entre eux est la propriété foncière. Qui a accès aux terrains et comment sont-ils utilisés? C'est un problème vraiment très difficile, notamment dans le contexte ghanéen où les leaders locaux détiennent sur les terrains beaucoup de droits qu’ils sont très réticents à céder, même s'ils ne font pas eux-mêmes plein usage de ces terrains. Résoudre ce casse-tête, pour lequel je reconnais que je n'ai pas de solutions claires, est une tâche importante pour le gouvernement et les leaders locaux.
Un autre problème concerne l'infrastructure de base. L'infrastructure de base est quelque chose qui est devenu à maints égards un peu un gros mot dans le développement dans lequel nous investissons ici au Canada. C'est pourtant crucial. C'est crucial pour le développement agricole en particulier. Songez à l'accès au marché. C'est ce qui permet d'avoir accès à de meilleures semences, à des engrais et à de la technologie pour assurer l'innovation agricole et améliorer la productivité.
Conviendriez-vous que nous devons identifier différentes parties du monde? Si l'on parle de la révolution asiatique, n'y a-t-il pas une différence dans la manière dont les gens ont été élevés, dans un mode de vie confucéen, par opposition à un système africain? Est-ce que vous identifiez cela et reconnaissez ensuite que vous devez adopter une démarche différente parce qu'il y a une différence? C'était ce que j'essayais de dire tout à l'heure.
Oui, nous le faisons. Nous ne faisons pas cela à Washington en essayant de cerner ce que pourrait être la structure culturelle dominante dans un pays. Au lieu de cela, nous identifions d'abord des partenaires dans les pays. C'est pourquoi nous sommes plus lents à démarrer dans certains pays que dans d'autres.
Nous créons rarement des organisations — bien que nous l'ayons fait en Irak, en Afghanistan et dans quelques autres endroits, simplement parce qu'elles n'existaient pas. Elles n'étaient pas autorisées à se développer. Normalement, nous essayons de trouver l'organisation. Parfois c'est une chambre de commerce, mais, souvent, c'est autre chose. Dans une bonne partie du monde en développement, les chambres de commerce sont simplement un bras du gouvernement. Il faut savoir la différence. La première chose est d'être capable d'identifier les bonnes organisations, et la deuxième, d'être capable de développer la capacité de ces organisations locales et de les aider à dresser un plan de travail. Elles ne le dressent pas complètement, mais elles sont un élément important de ce processus. Des discussions sur les questions dont vous parlez sont crucialement importantes.
L'expérience nous a montré qu'on trouve aussi toujours des gens qui sont innovateurs, qui ont l'esprit d'entreprise, dans la plupart des sociétés où nous travaillons. Il s'agit de trouver des groupes de ces individus et de travailler avec eux en termes de renforcement du genre de choses qu'ils font, de les développer, et de les aider à être des exemples dans les sociétés d'où ils viennent, de manière à ce que d'autres puissent aussi les émuler.
Toutefois, je n'ai encore jamais rencontré toute une culture dans laquelle les gens ne sont pas intéressés par la croissance, par une meilleure éducation pour les enfants, par un revenu plus élevé, ou par les affaires, en réalité. J'ai passé les dernières années en Afghanistan et, en un clin d'oeil, on achète, on vend, on achète, on vend, on achète, on vend en permanence. C'est le peuple qui a le plus l'esprit d'entreprise que j'ai jamais vu.
Merci. Nous continuons sans tarder, car tout le monde veut continuer à poser des questions.
Madame Groguhé.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs interventions. Je les trouve très instructives et très intéressantes.
Je vais poser une question qui touche la population, mais je vais d'abord dire quelques mots sur les modèles de développement qu'on a connus auparavant. Je pense qu'il y a peut-être eu une erreur de cible dans le cas de ces modèles, en ce sens qu'ils ont surtout visé les États en place et pas nécessairement les populations.
Quant au continent africain, je dirais que l'Afrique est plurielle et multiple. Je crois, comme l'a souligné M. Sullivan, qu'il est vraiment important d'intervenir en fonction de chaque contexte et de chaque population avec lesquels on travaille. C'est un point important à considérer. On a aussi évoqué l'importance de promouvoir la démocratie. Or le gouvernement a dissous le Bureau de la gouvernance démocratique au sein de l'ACDI. D'après moi, il s'agit là d'une perte vraiment importante en ce qui a trait à la promotion de la démocratie.
Je voudrais aussi ouvrir une brève parenthèse. La fin de semaine dernière, à Edmonton, j'ai rencontré des étudiants de la communauté africaine. Dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs, ils ont mis sur pied des conférences traitant de leur vision de l'Afrique, soit l'Afrique d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Parmi les choses importantes que j'ai retenues de cette conférence, j'ai surtout remarqué tout le potentiel existant au sein de cette communauté africaine. Je pense qu'il va falloir composer avec ce potentiel et qu'il va être important de le faire. Son point de vue est qu'il faut rendre à la population son pouvoir. On parle de meilleure gouvernance, soit. Il faut en effet faire en sorte que les États mettent en oeuvre une meilleure gouvernance, mais il faut surtout voir à ce que la population locale retrouve son pouvoir. J'arrive donc à ma question et elle s'adresse à vous, monsieur Sullivan.
Comment pouvez-vous garantir une voix à toutes les populations locales? Les mesures visant les entrepreneurs sont-elles suffisantes pour assurer que le développement touche toute la population? De quelles façons peut-on envisager cela?
[Traduction]
Permettez-moi de dire tout d'abord que je ne peux rien garantir. Il appartient aux gens du pays de le garantir. Je ne veux cependant pas vous donner l'impression que je pense que tout devrait découler et faire partie d'un mécanisme de prestation entrepreneurial. Il y a d'autres aspects du développement qui doivent être mis en oeuvre, comme la règle de droit et les systèmes d'enseignement. Il y a vraiment beaucoup de choses qu'il faut faire. C'est simplement que la partie de cette tâche globale dans laquelle nous sommes spécialisés porte sur les questions d'entrepreneuriat, de croissance économique, de développement et de règle de droit, et c'est ce sur quoi nous nous sommes concentrés. Il y a certainement un nombre énorme d'autres choses qu'il faut mettre en place aussi.
L'une des choses que j'ai découvertes dans mes voyages autour du monde est qu'on trouve souvent les mêmes gens, les mêmes innovateurs, qui sont les leaders de la chambre de commerce et qui sont aussi les leaders du club Rotary. Le club Rotary n'a pas la même mission que la chambre de commerce, il a une mission différente, mais ses leaders communautaires… Cet esprit d'entreprise se manifeste aussi souvent dans d'autres domaines. Presque par définition, si vous examinez les grands philanthropes du monde, ils ont leurs racines dans l'entrepreneuriat, même si leur intérêt fondamental n'était pas nécessairement de ne faire que de l'entrepreneuriat. Je pense que la réponse doit être qu'il faut forger un esprit communautaire.
Je recommande vivement le programme d’Estinaleo, le Institute for Solidarity in Asia. Il a organisé l'association des infirmières. Il a organisé toutes sortes de groupes différents de la société civile dans une structure qui fixe des objectifs pour améliorer leurs villes, au niveau des villes, pour passer ensuite au palier national. Ces villes ont un concours et il accorde un prix à la ville modèle de l'année. Des groupes internationaux ont également gagné des prix.
Il y a bien des démarches différentes dans ce domaine, mais tout commence par la nécessité de trouver l'association, ce qui ne veut pas dire simplement des entrepreneurs. Il existe toutes sortes de sociétés professionnelles qui peuvent faire partie de cette structure d'action collective et qui peuvent aussi faire partie de son processus de mobilisation. Mais ça, c'est le coeur de la démocratie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux faire une remarque avant de poser une question. Quand j'étais au Sud-Soudan, j'ai appris que l'État y possède tous les biens fonciers. Comme le contrôle d'un terrain particulier est conféré à un chef tribal, c'est le chef tribal qui décide à sa guise à qui il attribue le terrain pour son exploitation agricole, et il peut fort bien changer d'avis d'une année à l'autre. Dans ce cas, tout l'investissement que la personne a effectué — et tout le travail est fait par les femmes, ce qui veut dire tout le travail qu'elle a fait — pendant l'année risque de ne plus rien valoir l'année suivante comme investissement pour sa famille. Je pense que c'est problématique pour le développement à long terme. Par conséquent, un pays comme le Sud-Soudan a désespérément besoin d'un régime de propriété foncière et de droit à la propriété, avec les institutions correspondantes.
Ce n'était pas ma question.
J'ai dit tout à l'heure que mon beau-fils vient du Ghana, de Kumasi. Il est venu ici pour faire son doctorat. Il termine un doctorat en génie électrique et il a un très vif esprit d'entreprise. Il procède actuellement à la création d'une société — il cherche en ce moment même des investisseurs — qui retournera au Ghana. Il est peu probable qu'il retourne lui-même vivre là-bas à long terme, mais il veut certainement mettre sur pied une société qui aura un impact et qui aidera le Ghana à avancer dans la production d'énergie.
Voici ma question. Nous avons vu partir beaucoup des esprits les plus brillants des pays émergents ou des économies très pauvres. Comment pouvons-nous donc mobiliser la ressource de la diaspora des diverses collectivités pour aider la croissance? Ils comprennent les impacts culturels. Ils comprennent mieux que nous ne le pourrions jamais les besoins de leurs propres pays. Sommes-nous capables de mobiliser cette ressource pour retourner dans ces pays et les aider à se développer?
Je pense que cette possibilité est meilleure qu'elle ne l'a jamais été. Il y a 50 ans, si vous quittiez votre pays pour aller au Canada, il était très difficile de maintenir une relation continue avec les gens de votre village d'origine. C'est beaucoup plus facile aujourd'hui, en partie à cause des médias sociaux, d'Internet, des TIC, et aussi des téléphones cellulaires qui sont omniprésents en Afrique, même dans les régions rurales.
L'une des choses sur lesquelles nous devons nous pencher est cette quantité énorme d'argent qui retourne aujourd'hui dans bon nombre des pays d'où viennent ces gens. L'un des programmes que nous avons est un programme d'étudiants réfugiés qui a permis de faire venir plus de 1 200 personnes au cours des 20 dernières années, essentiellement du Sud-Soudan et de la Somalie, en les intégrant à la société canadienne par le truchement de l'enseignement secondaire.
Ce que nous voyons aujourd'hui, dans le contexte du Sud-Soudan, c'est que ces Canadiens d'origine soudanaise ayant fait d'excellentes études contribuent maintenant au développement de leur propre société. Ils retournent dans leur pays pour faire partie du gouvernement ou de la communauté des affaires, mais ils renvoient aussi des sommes considérables dans leur pays.
Il y a des mécanismes que nous pouvons utiliser pour développer cela. Je ne sais pas si vous avez des exemples de chambres de commerce qui relient les pays, par exemple, ou d'associations commerciales ou de groupes informels de gens qui aident à stimuler ce genre de travail.
Il y a un certain nombre de chambres bilatérales ayant une grande proportion… La chambre afghane-américaine, par exemple, a vraiment essayé de mobiliser la diaspora afghane à cette fin.
Je pense que c'est une ressource sous-utilisée. Les sommes renvoyées sont certainement là. On pourrait cependant faire beaucoup plus s'il y avait en plus un processus permettant d'être en contact avec les membres de la diaspora pour essayer de les relier.
Je suis heureuse que vous ayez mentionné cela. La diaspora a un rôle énorme à jouer en matière de développement des pays en dehors du Canada. J'en ai certainement vu deux ou trois fonctionner de manière très, très efficace et être d'une grande aide dans le pays.
En même temps, j'ai vu que ce qui commence vraiment comme une action humanitaire pour contribuer au développement finit parfois par devenir une méthode pour essayer de rendre ce pays plus semblable à celui dans lequel ils vivent maintenant. Cela résulte du fait qu'on ne comprend pas vraiment cette base: même si vous êtes né dans ce pays, vous n'avez pas la compréhension de la culture ou de la communauté parce que vous n'y avez pas grandi. C'est un phénomène que j'ai constaté, ce décalage.
Je voudrais revenir sur une remarque que vous avez faite un peu plus tôt au sujet de l'importance de ne pas abandonner l'Afrique. On entend parfois dire: « On a donné des milliards à l'Afrique, en pure perte ». À mon avis, toute personne qui ne meurt pas de faim, qui a survécu et qui a aujourd'hui des enfants est la preuve que cela n'a pas été fait en pure perte.
Nous devrons peut-être revoir comment nous aidons l'Afrique et essayer de rendre notre aide plus efficace plutôt que de l'abandonner. Cette année, nous avons réduit l'aide bilatérale à l'Afrique subsaharienne, ce qui veut dire qu'un certain nombre de pays — huit pays africains — ne font pas partie de notre action focalisée.
C'est peut-être parce que j'ai vu des images de l'Afrique quand j'étais plus jeune — ces images qui viennent souvent à l'esprit quand on voit la pauvreté, les changements du climat, l'impact de tout cela — que cette question revêt tant d'importance à mes yeux. Vous avez dit qu'il ne faut pas affirmer que l'aide ne produit pas de résultats en Afrique et qu'il est nécessaire pour nous d'investir en Afrique, ce dont je vous remercie.
Ce n'était pas une question, mais simplement une remarque que je voulais faire.
[Français]
J'ai une dernière question qui porte sur l'économie officieuse et l'économie officielle.
Quelle méthode pouvons-nous utiliser pour intégrer ces économies?
[Traduction]
Vous avez eu devant vous l'expert mondial en la matière, Hernando de Soto, qui a répondu à cette question. Je veux simplement répéter un peu ce qu'il a dit.
Au Kenya, actuellement, nous travaillons avec une association du secteur informel pour essayer de lui donner une voix. Le parlement sessionnel du Kenya est actuellement saisi d'un projet de loi appuyé par plusieurs ministres. Nous espérons qu'il sera adopté cette année. J'espère que les récentes arrestations ne ralentiront pas le processus et ne le détourneront pas de sa voie, et que la session parlementaire continuera.
À mon avis, changer la structure est la meilleure chose qu'on puisse faire pour le secteur informel. Cela dit, il faut bien reconnaître que, même si on parvient à éliminer beaucoup d'obstacles, on n'obtiendra pas de succès si l'on n'améliore pas les services gouvernementaux et si on ne donne pas au secteur informel une incitation pour migrer vers le secteur formel. Si le coût est encore plus élevé que le bénéfice… Il faut abolir les obstacles et faire fonctionner la gouvernance afin de créer l'incitatif qui amènera les gens à se dire que, oui, c'est mieux là-bas.
Il y a des cas, dans divers pays, où des gens ont quitté leur emploi dans le secteur formel afin de créer des entreprises dans le secteur informel, parce que le rendement de l'investissement y était plus élevé. Dans bien des cas, cela se ramène à faire ce que vous faites à cause de vos incitatifs.
Je tiens à remercier tout le monde.
Merci beaucoup, monsieur Sullivan.
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd'hui, monsieur Eaton.
Cette séance a été très instructive. Je vous présente mes excuses pour mon retard, mais j'ai vu vos déclarations liminaires et j'ai eu le temps de les lire.
C'est tout pour aujourd'hui.
La séance est levée.
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