Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 081 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 mai 2013

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

     Conformément à l’article 108(2) du Règlement, nous étudions l’objet des articles 174 à 199, Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en oeuvre d'autres mesures.
     Je souhaite la bienvenue à nos témoins du jour et je les remercie beaucoup d’être là malgré un court préavis.
     Il y a Paul Chapin, qui témoigne à titre personnel.
     Il y a Colin Robertson, vice-président et agrégé supérieur, du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute.
     Finalement, il y a Lucien Bradet, président et directeur général, du Conseil canadien pour l’Afrique.
     Nous entendrons d’abord Paul Chapin.
     Nous allons ensuite passer à nos remarques et faire suivre par les questions. Nous avons une heure et demie à notre disposition. Je crois que chacun d’entre vous veut prononcer une déclaration préliminaire de 10 minutes. Si l’on respecte cet horaire, nous serons en mesure de répondre à un certain nombre de questions durant la dernière heure.
     Paul, je vous donne la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs.
     C’est un honneur pour moi d’être ici aujourd’hui. J’ai travaillé autour de 30 ans au ministère des Affaires étrangères, en grande partie dans le secteur de la sécurité internationale, mais j’ai aussi exercé dans d’autres ministères. J’ai servi de conseil pendant quelque temps. J’ai occupé le poste de vice-président du Centre Pearson pour le maintien de la paix. Dernièrement, je me suis associé à l’Institut de la Conférence des associations de la défense. Par conséquent, j’espère donner une grande perspective, tant du point de vue du secteur public que sous l’angle du secteur privé, de ce que je considère comme une question très intéressante.
     D’après ce que je comprends de la situation, je tire cinq conclusions. Permettez-moi de vous les expliquer brièvement, pour ensuite les préciser.
     La première conclusion que je dégage, c’est que le gouvernement a désormais l’intention de donner la priorité au développement international plutôt qu’au soulagement de la misère dans sa politique d’aide canadienne. Le développement international désigne un concept plus large qui inclut le soulagement de la misère, mais je crois que la réorientation se fait par voie de conséquence.
     Deuxièmement, il est question d’une structure qui est un ministère ayant trois secteurs d’activité, et non de trois ministères sous un même toit.
     Troisièmement, si ça doit marcher, il faut un même scénario de quelque espèce. Le gouvernement du Canada doit formuler une stratégie des relations internationales qui explique le cadre plus large dans lequel ces trois secteurs d’activité vont s’inscrire, individuellement et collectivement.
     Quatrièmement, je sais que ce fut contesté, mais rien ne permet de croire qu’il est question d’une prise de contrôle non sollicitée de l’ACDI par les Affaires étrangères. Je pense que tout le monde y gagne et je ne pense pas qu’adopter une vision inutilement négative de la situation soit particulièrement constructif.
     Finalement, au bout du compte, et cela m’est inspiré par mon expérience de conseil, les gens vont faire le nécessaire pour que ça marche. Une structure et un réaménagement ne suffiront pas.
     Permettez-moi de traiter brièvement de ces cinq points. Les dispositions transitoires énoncées dans le projet de loi C-60 sont plutôt simples, et il n’est pas nécessaire que je m’étende sur le sujet aujourd’hui.
     Cependant, le langage utilisé me laisse croire que l’effort d’aide fait l’objet d’un important recadrage, ou du moins que les 4 milliards de dollars qui constituent traditionnellement le budget de l’ACDI sont placés dans un cadre de développement international plus large, au lieu de l’axe plus traditionnel du soulagement de la misère ou de réduction de la pauvreté suivi par l’ACDI. À la lecture de l’énoncé de la mission de l’ACDI, si vous examinez la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle du Canada, vous constaterez un très fort parti pris en faveur du soulagement de la misère. Dans ce projet de loi, je vois une remise en question au-delà du soulagement de la misère en vue de mettre l’accent sur un programme de développement international plus vaste.
     Deuxièmement, ce qui est proposé fondamentalement, c’est le repositionnement d’un actif fédéral important. L’ACDI, avec son personnel très efficace et son très gros budget, doit être mise au service d’une stratégie internationale fédérale plus large pour entretenir les relations étrangères des Canadiens dans un contexte plus général.
     Permettez-moi de vous expliquer pourquoi, à mon avis, certaines suggestions faites lors de la présentation précédente sont quelque peu dans l’erreur. J’ai vu dans le projet de loi que les attributions du ministre des Affaires étrangères ont été élargies par rapport à ce qu’elles étaient en vertu de l’ancienne loi constitutive du ministère. Dans les lois précédentes, la tâche du ministre consistait à assurer la tutelle de l’ACDI. Elle consiste maintenant à favoriser le développement international, la réduction de la pauvreté dans les pays en voie de développement et l’aide humanitaire.

  (1110)  

     Les fonctions du ministre sont passées de la tutelle d’un corps constitué ou d’un organisme extérieur à la participation directe à la définition des politiques et de programmes. Je crois que les attributions dorénavant dévolues au ministre des Affaires étrangères sont également celles du nouveau ministre du Développement international, non de la Coopération internationale.
     La clarté du texte de loi nous fait comprendre que les ministres du Développement international et du Commerce international doivent seconder le ministre des Affaires étrangères et fonctionner avec l’accord de ce dernier. Il n’y a donc aucun doute dans mon esprit que les trois ministres jouissent d’un même statut. Cette impression est renforcée à la lecture des attributions conférées aux sous-ministres — la même hiérarchie ressort de cette discussion. Donc, au final, nous avons un ministère avec un ministre et un sous-ministre, lesquels sont aidés d’autres ministères et d’autres sous-ministres.
     Le troisième point, c’est que, pour que ça fonctionne, le gouvernement doit exposer clairement, du moins en termes généraux, ce qu’il entend faire, pas nécessairement grâce à la restructuration, mais dans son programme de travail international. Cette énonciation reste à faire sous une forme autre que les exposés périodiques du premier ministre dans une allocution prononcée devant une assemblée internationale.
     Je ne crois pas que cette énonciation soit l’affaire d’un jour. À leur arrivé au pouvoir, les gouvernements élus démocratiquement ont le droit de présenter leur vision de l’avenir, en fait on s’attend à ce qu’ils le fassent. Cette vision peut bien différer, quant au fond ou quant à la forme, de celle de leur prédécesseur. Je crois que c’est là une bonne chose dans une démocratie. Le génie du processus démocratique réside dans la possibilité, pour la population, de changer d’avis ou de modifier la direction du pays au gré de sa fantaisie.
     Je ne préconise donc pas un énoncé définitif de la politique internationale. Je recommande le début d’une pratique selon laquelle les nouveaux gouvernements présentent leurs politiques. Ils ne sont pas obligés d’effectuer une grosse révision des politiques toutes les fois, mais ils devraient au moins présenter ce qu’ils ont l’intention de faire.
     Pourquoi je ne crois pas que l’on soit en présence d’une prise de contrôle non sollicitée? D’abord, je ne crois pas que l’ACDI ait jamais appartenu à quelqu’un d’autre que le gouvernement et la population du Canada. Elle n’est pas une possession des personnes qui y travaillent. Ensuite, je crois que l’ACDI a beaucoup à gagner de cette fusion. Son budget a augmenté, mais je ne suis pas sûr que sa réputation au pays ait crû beaucoup au cours des ans, même au Parlement. À mon avis, une des raisons qui expliquent ce fait vient de la tendance de l’ACDI à adopter une position qui ne tient pas vraiment compte de ce qui se passe ailleurs.
     Comme l’a écrit notre collègue Scott Gilmore, dans le magazine Maclean's, je crois, un jour, alors qu’il discutait avec un agent de dotation de l’ACDI, ce dernier a fait la réflexion suivante: « C’est peut-être une priorité du gouvernement du Canada, mais ce n’est pas une priorité de l’ACDI. » C’est ce genre d’état d’esprit qui imprègne une grande part de la pensée de ce que l’ACDI croit être sa place dans l’univers.
     Je crois que son intégration dans la nouvelle structure ramènera l’ACDI dans le circuit normal. Cela veut dire qu’elle peut prendre part à un jeu plus imposant et aspirer à jouir d’une influence extraordinairement accrue dans le domaine de son secteur d’activité. Je crois aussi que le gouvernement en général est gagnant. Nous avons beaucoup parlé des trois « M » et des opérations pangouvernementales. L’actuel projet permet d’abattre les silos bureaucratiques qui empêchent de concrétiser ces aspirations.
     Permettez-moi une remarque au sujet de la marque de l’ACDI et de l’image publique de l’ACDI. Je considère qu’il serait malheureux qu’elle disparaisse. Elle a attiré beaucoup d’honneur au Canada au cours des années. Donc, malgré la réorganisation et la fusion, je crois qu’il faut chercher un moyen de faire connaître l’ACDI à l’échelle internationale. Au moins deux exemples me viennent à l’esprit: USAID et AusAID. Pourquoi ne pas envisager CanAID? La structure dont nous parlons pourra sans aucun doute accueillir cette nouvelle marque.

  (1115)  

     Pour terminer, les réaménagements sont dangereux. Ils visent à améliorer les choses, mais les perturbations qu’ils provoquent et les pertes de productivité qu’ils entraînent sèment la pagaille la plupart du temps. D’après mon expérience, il est préférable de permettre aux bonnes gens de contourner la mauvaise structure plutôt que de tenter de réparer la structure. Par ailleurs, une nouvelle structure est proposée et je pense qu’il faut s’assurer d’avoir les bonnes personnes en place pour que la transition soit un succès, et ensuite vous devez obtenir que les bonnes personnes se consacrent à travailler la nouvelle structure.
     Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Robertson, vous avez 10 minutes.
     Je m’appelle Colin Robertson. J’ai travaillé aux affaires étrangères du Canada pendant plus de 32 ans. À l’heure actuelle, je suis vice-président du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute et conseiller principal chez McKenna Long & Aldridge, un cabinet d’avocats de Washington. C’est par leur entremise que je travaille avec le Conseil canadien des chefs d’entreprise. Mes activités bénévoles comprennent le conseil d’administration de Jeunesse Canada Monde, organisme qui est subventionné par l’ACDI.
     Ceci étant dit, les remarques que je vais exprimer sont personnelles et ne représentent d’aucune façon le point de vue de ces organisations.
     Je suis favorable à la réintégration de l’ACDI et des Affaires étrangères dans le Commerce international, parce que je considère que l’union des trois leviers politiques cruciaux que sont la diplomatie, le commerce et le développement permettra une plus grande cohérence des politiques en matière de défense des intérêts canadiens à l’étranger et de promotion des résultats du développement. Je crois que le lien entre développement, diplomatie et commerce fonctionne très bien et c’est le principe que nous tentons d’appliquer de retour au Canada, mais sur le terrain, ce que j’ai pu observer, c’est qu’il arrive que l’ACDI fonctionne à part. À mon avis, cette attitude ne servait pas nos intérêts internationaux et souvent déconcertait en particulier les personnes avec lesquelles nous transigions.
     Le problème à court terme, et Paul en a parlé, consiste à déterminer de quelle manière assurer le succès de l’intégration de l’ACDI dans le MAECI.
     L’expérience vécue de la restructuration n’est pas encourageante. La cession et la réintégration ultérieure du volet commercial du ministère au début des années 2000 ont miné les forces. Les meilleurs talents ont été utilisés non pour promouvoir l’intérêt national, mais pour déplacer des boîtes dans le cadre d’une odyssée bureaucratique plutôt pénible et drainante.
     Un développement qui crée les conditions qui rendront inutile l’aide au développement constitue le résultat recherché. Une collaboration plus étroite avec le secteur privé, toujours un thème au coeur de nos objectifs en matière de politique internationale, devrait être renforcée en même temps que la réintégration de l’ACDI dans le MAECI.
     J’ai regroupé les questions que je vais vous poser dans quatre corbeilles, soit la responsabilisation, la politique étrangère, le commerce et les valeurs et intérêts.
     En ce qui concerne la responsabilisation, est-ce que le MAECI sera prêt à gérer un budget qui aura quintuplé? C’est une augmentation de taille. Je vous renvoie aux travaux de Barry Carin et de Gordon Smith, deux anciens employés du ministère qui sont actuellement à l’emploi du CIGI à l’Université de Victoria, où ils travaillent sur le fonds de développement du millénaire. Ils cherchent à définir une norme en matière de reddition de comptes qui permettra de s’assurer que l’on en a pour son argent dans le domaine de l’aide au développement et je pense que c’est là une question à laquelle il faut prêter attention.
     Avec des crédits augmentés de 4 milliards de dollars dans ses goussets, est-ce que la culture du nouveau ministère saura le rendre capable de remplir sa tâche?
     L’ACDI a fait siens les rapports axés sur les résultats et les données ouvertes. Est-ce que le nouveau ministère va adopter cette approche?
     La difficulté que pose l’intégration, c’est de la réaliser sans nuire aux opérations ni limiter le développement de politiques, un problème toujours présent dans quelque intégration que ce soit. En tant que membres de ce comité, vous devez obtenir du ministère qu’il vous remette un calendrier de réintégration, jalons compris, et qu’il vous fasse part de qui, de quoi, de quand et surtout du pourquoi de tout cela.
     La deuxième corbeille concerne la politique étrangère. Il ne suffit pas de dire que nous allons mettre en adéquation le développement et nos intérêts en matière de politique étrangère; de ce fait, allez-vous effectuer une révision de notre politique étrangère? Prenons l’exemple des technologies de l’information: dans le système du MAECI, les missions diplomatiques en Afrique sont placées en bout de liste pour les mises à jour et les modernisations; à l’ACDI, leur place est au haut de la liste, et avec raison. Que fait-on pour concilier les priorités?
     Au niveau de la politique étrangère, est-ce que l’intégration de l’ACDI bouleversera les priorités du Canada en matière de politique étrangère sur le plan géographique? Est-ce que l’Afrique, par exemple, sera au coeur de la prochaine génération de relations mondiales du Canada? Comment traite-t-on dorénavant avec la Chine? La Chine cesse de recevoir de l’aide au développement de la part du Canada et devient elle-même un joueur sur l’échiquier du développement. Comment allons-nous travailler avec la Chine, après l’avoir aidée à atteindre un certain niveau de développement?
     Sur le front du commerce, comment le nouveau ministère abordera-t-il le secteur privé et les mouvements de capitaux? Est-ce que l’intégration permettra de conclure des ententes commerciales visant à faire gagner plus d’argent à une population et à créer des emplois grâce à l’exportation vers le Canada?
     Le Canada est un pays exportateur, donc trois politiques fondamentales sont nécessaires, soit la promotion des échanges commerciaux, une politique commerciale visant le libre échange et des négociations commerciales.

  (1120)  

     Nous manquons de ressources du côté des négociations commerciales, alors même que le reste du monde baigne là-dedans aux niveaux bilatéral, régional et mondial. Le premier ministre, bien sûr, se trouve à Cali aujourd’hui pour discuter de nouveaux pourparlers commerciaux et parler d’une alliance des pays sur la côte Pacifique. Encore une fois, je considère que c’est bien, mais nous n’avons pas les capacités nécessaires. Les équipes de négociations commerciales ont besoin du concours constant du secteur privé et cet élément demeure faible, contrairement à ce qui s’est passé lors de l’accord de libre-échange et de l’ALENA, sur lequel j’ai travaillé, à l’occasion duquel nous avions un système très solide de consultations avec divers secteurs. Le secteur privé, pour sa part, doit vraiment intensifier ses efforts. Il pourrait faire plus du côté des partenariats public-privé. L’apport d’idées nouvelles et de pratiques exemplaires constitue un exemple pratique de ce que la communauté des affaires pourrait apporter à la table des négociations et je vous invite à examiner, par exemple, le travail accompli aujourd’hui même par le Conseil canadien des chefs d’entreprise aux fins du rayonnement de l’ère du Pacifique.
     Pendant que les négociations commerciales se poursuivent, notre aide au développement à l’étranger devrait renforcer notre position sectorielle à l’échelle internationale, dont les droits des jeunes, des femmes et des administrations locales. Le dossier du Bangladesh et du secteur du vêtement est un bon exemple à cet égard.
     Quant à nos valeurs et à nos intérêts, je les considère comme importants, mais je les place en bas de ma liste de questions, et l’intégration de l’ACDI vérifie si nos valeurs sont en fait des intérêts déguisés. Prenons par exemple la situation des femmes et des jeunes filles. Tout État qui ne se préoccupe pas de la condition des femmes et des jeunes filles ne saurait être prospère ou sécuritaire. Est-ce que l’intégration fait avancer nos intérêts de politique étrangère autres que géographiques dans cette direction avec une plus grande fermeté? Est-ce que le Canada a dorénavant d’autres choix que celui d’accroître l’aide au développement?
     Regardons par exemple la Grande-Bretagne et le Japon. Malgré les coupures budgétaires de ces deux gouvernements, chacun a augmenté son aide et son soutien à l’étranger, en particulier pour les organisations de jeunes. Le Japon a mis en oeuvre un nouveau programme d’échanges avec 41 pays, dont le Canada. À mon avis, les échanges jeunesse sont le meilleur moyen de convaincre, car ils relaient une image de marque mondiale du Canada chez les jeunes. Après tout, notre pays est jeune. Cette démarche, à mon avis, est le premier pas vers ce qui constituera les tendances et les marques des entreprises canadiennes. Pour faire cela, je crois qu’il nous faut adopter l’attitude volontariste qu’on est capable de le faire, que le podium est à nous, comme ce fut le cas lors des Olympiades de 2010.
     L’ancienne ACDI comptait peut-être trop sur le secteur bénévole et communautaire pour traduire les valeurs canadiennes dans le travail de lutte contre la pauvreté dans le monde. Leur collaboration, par ailleurs, et en particulier dans le secteur minier, a montré que les partenariats public-privé peuvent être bénéfiques à toutes les parties concernées.
     Je répète qu’à mon avis, vous devez assigner au nouveau ministère la tâche d’élaborer une stratégie de marque de manière à ce que ces démarches soient non seulement coordonnées à l’étape de l’exécution, mais également facilement perçues et comprises par et dans le système canadien. Il importe que les Canadiens sachent ce que nous faisons du côté de l’aide au développement. Les Suédois font bien cela, tout comme les Australiens et les Américains.
     Je crois qu’il est logique d’instaurer des partenariats avec des entreprises nationales et des pays où nous sommes actifs. On n’a qu’à regarder le modèle allemand. Nous pouvons et devrions envisager du financement par EDC. C’est canadien de façon créative.
     Pour terminer, la réintégration de l’ACDI dans le MAECI a du sens pour assurer une meilleure cohérence administrative, mais plus vite ce sera terminé, plus tôt on pourra passer au développement de politiques, ce qui constitue l’objet premier des Affaires étrangères. Pour l’instant, l’accent doit être mis sur l’efficience administrative du nouveau ministère et, une fois que cela sera au point, on s’occupera de l’offre de programmes qui mettent en lumière nos valeurs et reflètent nos intérêts nationaux.
     En ce qui concerne la politique étrangère elle-même, la question sera soulevée une autre fois.
     Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Robertson.
     Nous allons passer le micro à M. Bradet; il a 10 minutes à sa disposition.

[Français]

    Monsieur le président et membres du comité, merci beaucoup de nous avoir invités.

[Traduction]

     Le Conseil canadien pour l’Afrique, si vous ne savez pas ce que c’est, a été créé il y a 12 ans environ. Nos membres ont un même objectif clair, soit le développement économique de l’Afrique. La grande entreprise, la petite entreprise, les universités, les collèges, l’Association des collèges communautaires du Canada, les gouvernements provinciaux du Québec, de l’Alberta et de l’Ontario ainsi que des organismes du gouvernement fédéral, soit EDC, l’ACDI et le MAECI, en sont membres. Quel que soit leur nom, ils sont à la table parce qu’ils croient très fort dans le développement économique.
     L’aide au développement officielle, la diplomatie et le commerce sont les trois piliers de notre place dans le monde. Le Canada se classe bien sur l’échelle de l’aide au développement officielle — peut-être pas assez bien pour certains, mais il se classe encore pas mal bien. Sur le plan diplomatique, le Canada n’est pas une superpuissance, et ne le sera jamais, je suppose, mais notre rôle au sein des pays du G8 et du G20 nous a donné du poids. Si ce n’était des échanges commerciaux, il faut admettre que le pays éprouverait de sérieuses difficultés.
     On pourrait prétendre que la fusion est inutile, puisque notre réussite est tellement grande. Au cours de la dernière décennie, un nouveau paradigme mondial a évolué et ce dernier veut que les gouvernements agissent de manière stratégique et définissent des politiques cohérentes.
     Il y a quelques années, le Canada pouvait compter sur un marché majeur sûr de ses résultats et du reste, soit les États-Unis. La situation n’est plus la même, du moins dans une certaine mesure. Le Canada pouvait compter sur une augmentation réglementaire des crédits alloués à l’aide au développement officielle. Les crises économiques successives ont changé cela jusqu’à un certain point.
     L’Afrique dépendait plus de l’aide que des investissements pour croître et prospérer. Ce n’est plus le cas. En effet, depuis 2006, elle reçoit plus d’investissements que de l’aide au développement officielle.
     Il y a quelques années, le Canada n’avait aucune difficulté à se faire élire au Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce n’est plus le cas, peu importe la raison.
     Il y a quelques années, la Chine, le Brésil, l’Inde et la Turquie n’étaient pas présents en Afrique.
     Il y a 10 ans, la Chine affichait des échanges commerciaux de moins de 10 milliards de dollars; cette année, soit 10 ans plus tard, les échanges commerciaux avec l’Afrique atteignent 200 milliards de dollars. En fait, l’année dernière, la Chine a versé autant d’aide à l’Afrique que les États-Unis, soit 75 milliards de dollars. Peut-être que les modalités ne sont plus les mêmes, mais rien n’empêche que c’est vrai.
     Il y a 10 ans, le Brésil était exactement comme le Canada, c’est-à-dire qu’il avait 17 ambassades et des échanges de 2 milliards de dollars. De nos jours, le Brésil a 32 ambassades —le Canada en compte un peu moins — et il a quasiment triplé son commerce avec l’Afrique. Le Canada a doublé son aide au développement officielle en Afrique, mais il a réduit le nombre de pays bénéficiaires, et vous savez, au cours des deux dernières décennies — je dis bien au cours des deux dernières décennies, et non les quelques dernières années seulement —, il a déclaré plusieurs fois qu’une plus grande cohérence entre les diverses composantes de ses activités internationales était nécessaire, mais rien n’a jamais été fait à cette fin. C’est un fait. Deux ou trois gouvernements précédents, je me rappelle, ont affirmé qu’ils allaient accomplir un meilleur travail et qu’ils souhaitaient faire un meilleur travail, mais rien n’a levé, quelle que soit la raison.
     Le nouveau contexte oblige le Canada à revoir en profondeur son mode de prise de décisions et son processus de définition de ses stratégies sur la scène internationale ainsi que la façon de veiller à ce que la réduction de la pauvreté et les droits de la personne demeurent au premier rang des priorités.
     Plusieurs motifs expliquent mon appui ferme en faveur de la fusion. Premièrement, il est temps que le ministre du Développement international, le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce s’assoient à la même table. Nous n’arriverons jamais à faire ce qu’on veut si ces trois personnes ne se réunissent pas toutes les semaines pour discuter de politiques. Il est également temps que les cadres supérieurs de ces trois organisations travaillent ensemble et qu’eux aussi se rencontrent toutes les semaines pour discuter de ces choses. Vous savez à quel point c’est important. Si quelqu’un est absent, c’est habituellement le perdant, et, dans le cas présent, l’ACDI a été bien des fois le perdant.
     Vous ne pouvez pas savoir combien de fois — et ces personnes confirmeront la chose, car elles ont déjà occupé le poste d’ambassadeur — on m’a répondu ne pas avoir été mis au courant d’une nouvelle approche ou politique dont je leur parlais. Des hauts dirigeants m’ont dit cela, et d’autres personnes aussi, ou encore qu’il n’était pas facile de travailler avec eux parce qu’ils ne comprennent pas le cadre général. L’un prenait la gauche, l’autre prenait la droite, mais sans faire exprès, et la structure en place n’aidait pas. Je ne sais plus combien de fois j’ai entendu un ambassadeur canadien me dire que l’aide au développement officielle est très importante, mais qu’il n’a pas grand droit de regard sur la question des priorités et de leur gestion. Il est difficile, voire impossible d’expliquer la chose aux Canadiens, et d’autant plus aux pays africains qui en sont les bénéficiaires.
     Il est temps d’associer tous les Canadiens au développement économique de l’Afrique et d’autres pays en développement le font. Les gouvernements, les ONG et le secteur privé ont des responsabilités, mais aussi des occasions d’améliorer les conditions de vie des gens.

  (1125)  

    Dans le projet de loi, nous saluons la disposition qui énonce clairement que le ministre des Affaires étrangères est également responsable du développement international, au paragraphe 10(2). Je ne reviendrai pas là-dessus, car vous en avez parlé au début. Nous aurons en fait deux ministres responsables au lieu d'un seul, et je crois que tout le monde en sortira gagnant. La mesure est extrêmement positive, car elle empêchera que l'APD soit reléguée à l'arrière-plan dans le nouveau ministère.
    Nous estimons toutefois que ce projet de loi accuse une ou deux lacunes. Mes collègues ont failli en parler, mais ne l'ont pas fait, et je tiens quant à moi à être très précis à ce sujet. Il s'agit des crédits parlementaires et affectations budgétaires. C'est une question qui me rend nerveux. D'aucuns se lamentent depuis des années qu'il est difficile de savoir comment l'argent est dépensé à l'ACDI. Je sais qu'il y a un livre bleu et un budget et tout cela, mais nous devons parler réalité. Or, la réalité c'est que les gens sont en train de faire ce genre de commentaires et, peu importe, s'ils le font à tort ou à raison, c'est tout de même une réalité.
    Pour commencer, la reddition de comptes est une chose assez complexe compte tenu de la multitude de programmes et des nombreux pays en développement et organisations multilatérales dont il s'agit. Nous savons néanmoins que les affectations budgétaires de l'ACDI sont dépensées par l'ACDI pour la mission de l'ACDI. Les enjeux risquent d'être très graves. Je crois que les Canadiens voudront avoir la certitude qu'il n'y aura pas de zone grise dans le nouveau ministère lorsqu'il s'agira de consacrer des fonds au développement international.
    Je suis persuadé que d'autres personnes ayant comparu avant moi auront fait des remarques analogues. Je ne serais pas surpris d'apprendre que la plupart des réserves formulées se rapportent à ce même sujet. L'argent destiné à l'APD sera-t-il écarté et confiné en quelque sorte? C'est là la question. Ce projet de loi n'y répond pas. Certes, le ministre a besoin d'une certaine marge de manoeuvre pour pouvoir gérer comme il faut le ministère, les programmes des ressources humaines et, comme on l'a dit, le commerce et tout le reste. Nous n'avons pas de solution au problème qui pourrait éventuellement surgir dans ce contexte, mais je crois que le comité devrait étudier la question très attentivement.
    Le deuxième aspect financier qui m'inquiète un peu est celui de la cohésion politique — et mon collègue en a touché un mot — non seulement au sein du ministère mais aussi à l'extérieur. Je ne sais pas si vous vous rendez compte que 69 p. 100 de l'APD sont dépensés par l'ACDI, mais les 31 p. 100 restants sont dépensés par d'autres entités. En fait il y a six autres ministères et organismes qui dépensent l'argent destiné à l'APD. Ce chiffre va diminuer un peu puisque le MAECI dépense environ 8 ou 9 p. 100, alors il s'agira d'environ 75 p. 100.
    Dans la loi, le ministre, et je suis en train de parler du ministre M majuscule, et aussi du ministre du Développement international, alors devrais-je pluraliser... les ministres, donc, devraient, dans la loi, être clairement responsables de l'élaboration du plan annuel global. Vous pouvez parler de stratégie, de planification et de politique, mais je crois qu'il est important de faire cela.
    Je recommanderais au comité d'interroger l'ACDI sur les changements qui se sont produits dans les chiffres au fil des ans. Les gens sont nombreux à affirmer que la part de l'ACDI a également rétréci; c'est quelque chose que je ne suis pas en mesure de corroborer, mais peut-être que le comité pourrait poser ces questions aux responsables. Ce chiffre de 69 p. 100 était plus élevé auparavant et il n'a fait que diminuer depuis. C'est un sujet de préoccupation qui mérite notre attention.
    Pour finir, monsieur le président, je crois que le message que je puis vous transmettre au nom du Conseil canadien pour l'Afrique, c'est que si nous nous montrons vigilants à l'heure de concevoir et de mettre en oeuvre la fusion — et les gens sont très importants, car la structure ne suffit pas à elle seule — et si tout le monde songe à la réduction de la pauvreté et aux droits de la personne, comme je le fais, et à l'avenir du Canada, comme nous en avons discuté, la qualité du programme diplomatique n'en sera qu'améliorée, je pense.
    Si les choses se passent ainsi, l'expansion de nos échanges commerciaux sera elle aussi une bonne chose pour l'Afrique et le Canada. L'aide internationale du Canada, l'APD, aura une incidence beaucoup plus marquée — et c'est ce qu'il nous faut ici — à l'heure de formuler les politiques gouvernementales. La réduction de la pauvreté et les droits de la personne demeureront extrêmement importants pour le Canada. C'est un des principaux atouts de la carte d'affaires qui nous présente aux yeux du monde, mais qui dit carte d'affaires dit participation du secteur privé et d'autres parties prenantes au Canada.

[Français]

    Merci beaucoup.

  (1130)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer par madame Laverdière, s'il vous plaît.
    Vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais vous remercier énormément tous les trois d'avoir bien voulu venir témoigner ce matin à propos de cet important sujet. Je dois souligner en commençant que malheureusement, le comité ne peut consacrer que fort peu de temps à un sujet de cette importance, car il a été inclus dans un projet de loi omnibus. Cela nous empêche évidemment de lui donner toute l'attention qu'il mériterait. Par ailleurs, il y a plusieurs témoins que nous n'avons malheureusement pas pu entendre, notamment des femmes. De fait, nous n'avons pas entendu de femmes lors des audiences. Par contre, messieurs, je ne vous en veux pas. Je vous remercie encore une fois de votre présentation.
    J'aimerais commencer par M. Robertson.
    J'ai grandement apprécié votre présentation vraiment très intéressante. Évidemment, étant une ancienne des affaires étrangères, j'ai bien aimé les références à ce qu'on appelle la people-to-people diplomacy, qui s'est avérée être un outil si important pour le Canada, un outil qu'on devrait continuer à utiliser.
    J'ai beaucoup apprécié les questions de niveau de financement aussi, dans l'optique de ce que font les Japonais et les Britanniques. C'est très important.
    J'ai trouvé des points très intéressants, entre autres en matière de technologie de l'information. Il est facile de dire qu'on va agir selon les priorités, mais l'ACDI n'a pas toujours les mêmes priorités géographiques. En fait, elle n'a vraiment pas forcément les mêmes priorités géographiques que le Commerce international et les Affaires étrangères. La façon dont cela va s'opérationnaliser risque d'être très complexe, sans compter les différences culturelles très importantes entre les deux ministères. Il faut penser aussi aux outils de gestion. La gestion axée sur les résultats fonctionne très bien quand on gère des programmes. Cependant, quand on essaie de prévenir une guerre, cela ne s'applique pas forcément de la même façon.
    Je m'excuse, je parle trop. Tout cela pour dire que j'aimerais bien que vous parliez un peu plus de votre expérience passée, quand on a défusionné, puis refusionné les Affaires étrangères et le Commerce international.

  (1135)  

    Je vous remercie de la question. Je regrette de ne pas être une femme, mais j'espère tout de même pouvoir répondre à votre question.

[Traduction]

    L'intégration est toujours très difficile.
     Pour ceux et celles d'entre vous qui avez lu le Harry Potter, c'est un peu comme recevoir la visite des « Démenteurs », qui viennent sucer toute l'énergie et rendre les choses très difficiles.
    De votre point de vue comme députés, et cela n'a rien de partisan, vous voulez un ministère des Affaires étrangères qui fonctionne de manière efficace. Ce que vous devez faire, c'est de le mettre sur la sellette pour qu'il en soit ainsi. Selon mon expérience, ce qui me ramène non seulement à la réintégration, désintégration et réréintégration du ministère du Commerce dans les années 2000, et bien entendu de l'ACDI et de l'Immigration dans les années 1980, et ensuite il y a eu le retrait de l'ACDI et le volet service extérieur qui a subséquemment été replacé sous l'égide de l'Immigration... Bref, l'expérience m'a appris que ces changements sont souvent mal agencés, ils sont énormément chronophages et nos meilleurs cerveaux, comme je l'ai dit, sont occupés à déménager des boîtes. Ce n'est pas ce que vous cherchez. Cela ne vous sera pas utile. Déplacer des boîtes dans un sens et dans l'autre ne rend pas service à vos électeurs.
    Ce que vous devez avoir c'est un programme très clair de la manière dont les choses vont se passer — en somme le qui, que, quoi, où, quand, comment et surtout, le quoi. Qu'essayons-nous de faire et comment est-ce que cela va nous permettre d'atteindre ce que nous, en tant que députés représentant les Canadiens allons...? Comment allons-nous atteindre une politique étrangère?
    Monsieur Bradet, je vous en prie.
    Oui. J'ai une petite remarque à faire.
    Il est très intéressant que vous posiez cette question, car c'est moi qui me suis occupé, dans une certaine mesure, du déménagement du commerce d'Industrie Canada. J'étais le directeur général du personnel et j'ai travaillé à cela avec Tony Eyton pendant au moins deux ans.
    Selon mon expérience, c'est quelque chose de très traumatisant pour les gens touchés. Il n'y a aucun doute de cela; c'est très difficile. Je l'ai fait également pour le MEIR au ministère de l'Industrie il y a 20 ans. Je me suis occupé de deux ou trois déménagements de la sorte.
    D'après mon expérience, les gens sont très découragés au départ, mais une fois qu'ils acceptent un nouveau principe ou une nouvelle tendance ils deviennent extrêmement enthousiastes, car ils pensent pouvoir faire des choses qu'ils ne pouvaient pas auparavant. Il y aura nécessairement des hauts et des bas.
    La chose va être difficile; ne nous leurrons surtout pas. Je crois que le MAECI accueillera les gens de l'ACDI les bras ouverts. Vont-ils être traités comme des égaux? Pas au début, mais je crois qu'ils finiront par constituer une famille. Les difficultés les plus grandes seront de voir qui il faudra désigner pour que les choses marchent comme il faut. La structure ne va pas résoudre le problème; ce sont les gens. M. Chapin l'a dit très clairement. À mon sens, ce sont les gens qui feront que la chose se produise, non pas la structure.
    En fait, si je puis dire, la structure ne va pas résoudre le problème. Je crois qu'il est très important et très pertinent de le rappeler. C'est même la position que nous avons adoptée à l'égard de la fusion. Comme j'aime à dire à présent, « fusionner ou ne pas fusionner: telle n'est pas la question ». Les problèmes auxquels est confrontée l'ACDI en ce moment n'ont rien à voir avec son appartenance ou non-appartenance au MAECI.
    Quant à la loi proprement dite, il y a un aspect qu'aucun de vous n'a mentionné, mais c'est une préoccupation très évidente pour beaucoup de gens. J'ai devant moi un extrait de la loi, où il est dit que les attributions du ministre consistent en partie à veiller à ce que « la contribution du Canada à l’égard du développement international et de l’aide humanitaire soit conforme aux valeurs et aux priorités canadiennes ». Beaucoup de gens ne sont pas tout à fait pour la conformité de l'aide humanitaire aux valeurs et priorités canadiennes, car nous savons tous que les principes fondamentaux de l'aide humanitaire sont l'humanité, la neutralité, l'impartialité et l'indépendance. De nombreuses organisations sont en train de dire que si nous politisons les choses, avec un p minuscule, et que nous plaçons l'aide humanitaire parmi les priorités canadiennes, la mesure sera contre-productive, voire dangereuse pour les personnes travaillant dans le domaine.
    J'aimerais entendre les commentaires de tous les trois, si possible.

  (1140)  

    Il faudra que ce soit un seul d'entre vous, car nous avons dépassé le temps. Une réponse très rapide, s'il vous plaît.
    Allez-y, monsieur Chapin.
    Je vous répondrai rapidement. Je crois qu'« il n'y a rien là » — pour citer les propos du président Obama dans un autre contexte il y a une semaine ou deux. Je ne crois pas que vous deviez donner du poids, accorder du temps, de l'effort ni pas même l'ombre d'une inquiétude à ce petit bout de libellé. Je crois qu'il a fondamentalement été rédigé pour essayer de rassurer les gens. Si ce libellé ne vous rassure pas, les rédacteurs ont manqué leur coup. Je ne crois pas qu'ils avaient la moindre idée qu'ils étaient en quelque sorte en train de suggérer un changement de cap dans l'approche générale à l'égard de l'aide humanitaire que le Canada a traditionnellement adoptée. Il ne s'agit pas ici d'un jeu de quitte ou double.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Dechert, vous avez sept minutes.
    Merci monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie de votre présence ici ce matin et d'être venus partager votre considérable expérience et savoir-faire avec nous. J'aimerais commencer par M. Chapin.
    Monsieur Chapin, vous avez dit que vous avez 30 ans d'expérience en affaires étrangères, particulièrement dans le domaine de la sécurité internationale, ce que je trouve très intéressant. Vous avez également mentionné qu'à votre avis ce sont les gens qui feront le travail. En ma qualité d'avocat qui a exercé dans le domaine des fusions et acquisitions depuis 25 ans, je suis d'accord avec cette affirmation. C'est toujours les gens qui font que les choses fonctionnent chaque fois qu'il y a fusion entre deux organisations. Je sais que nous comptons sur d'excellents fonctionnaires en l'occurrence et j'ai tout lieu de croire qu'ils mèneront les choses à bien.
     J'aimerais que vous nous parliez de votre expérience comme expert en sécurité internationale, si possible. Vous avez écrit dans l'Ottawa Citizen que « les modestes tentatives d'intervention du Canada à l'issue de la guerre froide et des attaques du 11 septembre expliquent pourquoi il est temps que l'ACDI rentre au bercail ».
    Pouvez-vous vous étendre sur cet aspect et expliquer comment le fait d'amalgamer le MAECI et l'ACDI peut rehausser la réactivité globale du Canada à l'endroit d'événements aussi tragiques et historiques?
    Volontiers. Laissez-moi simplement vous dire que j'ai écrit cet article à la table de cuisine dans un condo en Floride à la demande du Citizen qui m'a parlé de l'existence de ce débat et invité à écrire quelque chose à ce sujet.
    J'ai examiné deux exemples de mon expérience personnelle pour voir pourquoi j'avais été déçu dans mon travail avec ce que l'ACDI avait contribué pour m'aider à m'acquitter de la tâche.
    Dans le premier cas, c'était à la fin de la guerre froide, la destruction de l'empire soviétique, et l'émergence soudaine d'une vingtaine de petits pays vulnérables, fin prêts à succomber aux anciens mouvements communistes ou à de nouveaux mouvements fascistes.
    Je me retrouvais à l'ambassade à Washington à l'époque — je ne sais pas si Colin était là lui aussi en 1989-1990 — et il était clair pour beaucoup d'entre nous qu'il fallait faire quelque chose pour promouvoir les processus démocratiques et économiques dans ces tout petits pays, qui n'avaient le plus souvent aucune expérience en autogestion.
    Les demandes d'aide transmises à l'ACDI ont été invariablement rejetées sous prétexte que l'Agence avait sa propre liste de priorités. L'ACDI s'occupait de la réduction de la pauvreté, et même s'il s'agissait là de causes tout à fait louables, elles ne faisaient pas partie des siennes.
    Les Affaires étrangères ont donc dû aller chercher de l'argent ailleurs, en présentant des demandes au ministère des Finances et à d'autres organismes encore. Enfin, le premier ministre Brian Mulroney a eu gain de cause. Il a en fait donné un discours annonçant un programme pour l'Europe de l'Est dont personne n'avait vraiment entendu parler à Ottawa.
    L'intérêt de l'affaire c'est la manière dont on a contourné le processus politique pour faire démarrer quelque chose, et ce processus a fonctionné assez bien. Le programme s'appelait Renaissance Europe de l'Est et il s'est déroulé pendant huit ou neuf ans avant que l'ACDI n'en assume le contrôle.
    Alors, les Affaires étrangères avaient-elles subitement acquis le savoir-faire interne nécessaire pour faire cela? Non. Où est-ce qu'elles l'ont obtenu? De l'ACDI.
    En fait, quand l'ACDI était en train de prendre le contrôle du programme, on a assisté à la mutation de nombreuses personnes des Affaires étrangères à l'ACDI. Elles ont traversé le pont pour aller travailler au programme Renaissance Europe de l'Est.
    C'est un exemple de la manière dont les différences politiques et les lacunes institutionnelles entre les deux entités ont empêché ce qui aurait été la solution normale. Il a fallu contourner la chose.
    La même chose s'est produite en Afghanistan.

  (1145)  

    J'allais justement vous interroger à propos de l'Afghanistan.
    Il ne s'agit pas là d'une activité traditionnelle de l'ACDI, mais il faut dire que l'Agence s'y est prise plutôt lentement.
    Croyez-vous que la fusion pourrait améliorer notre approche à l'égard de l'Afghanistan, en amalgamant ces champs d'activité?
    Je n'en ai aucun doute. Premièrement, il y a un ministre au lieu de deux ou trois, et une institution au lieu de deux ou trois. Ces aspects sont décidés à l'interne au niveau des ministres, mais bien avant cela les choses se passent au niveau des sous-ministres, des sous-ministres adjoints, et des directeurs généraux, c'est-à-dire au niveau des travailleurs. Ils conçoivent des plans et des programmes et les présentent.
    Au fil de l'évolution de la situation en Afghanistan, comme nous l'avons vu — et j'ai participé personnellement à de nombreux aspects — après un certain temps on ne pouvait plus faire une présentation au Conseil du Trésor ni proposer quoi que ce soit au Cabinet en l'absence des trois signatures des ministres qui devaient être apposées à la note de service. Les unités se sont donc vues obligées de travailler ensemble.
    De mon point de vue, cette proposition ne fait que normaliser ce qui a fini par être une série d'approches intelligentes que nous avons spécialement conçues en fonction des besoins.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais poser quelques questions à M. Robertson.
     Dans votre lettre au Globe and Mail, vous avez dit que le changement de cap philosophique qui est proposé ici n'est pas exclusif au Canada. Vous avez mentionné d'autres pays, tels le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et d'autres pays européens, qui sont en train de se donner le même objectif.
    Pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que les observateurs étrangers, tel Dambisa Moyo ou William Easterly sont en train de dire de l'avenir de l'aide internationale, et comment cette fusion vient s'insérer par rapport à certaines des choses qui sont en train d'être discutées par les érudits étrangers sur ce même sujet?
    Volontiers. On a pour ainsi dire commencé à songer à l'aide au développement sous un autre jour. Nous avons consacré près d'un billion de dollars à cela, et les résultats ne sont pas ce que nous avions escompté. Alors nous avons demandé aux gens de relever ce qui n'est pas en train de fonctionner.
    Dambisa Moyo, Paul Collier, William Easterly et d'autres ont commencé à dire qu'il n'était pas suffisant d'envoyer de l'argent. Ce qu'il s'agit de faire c'est de développer des compétences et ce que j'appellerais des « emplois durables ».
    La question c'est que le secteur privé doit jouer un rôle plus important à ce chapitre. Nous avons beaucoup d'investissements étrangers au Canada qui créent des emplois, et nous devrions faire la même chose en Afrique. Le secteur privé est en train de suivre ce cap en ce moment — les emplois qui contribuent au développement durable que nous cherchons à atteindre sont pour la plupart créés par des investissements étrangers, travaillant avec le gouvernement national. Il ne s'agit pas de développement tout court, comme nous avons vu par le passé.
    C'est un changement de cap au niveau de la pensée philosophique sur la manière dont nous avons offert l'aide depuis les 50 dernières années. Nous avons beaucoup d'opportunités. Songez à nos sociétés minières, qui sont extrêmement actives. Le premier ministre vient d'annoncer aujourd'hui au Pérou — et il va en faire autant en Colombie — que nous avons des occasions à saisir.
    Nous avons une place et une renommée certaine pour peu que nous décidions d'en faire usage. Cela nous mène à la responsabilité sociale des entreprises. Il y a des domaines comme le travail, l'environnement, et le respect pour les femmes où nous pouvons faire changer les choses. C'est plus difficile à faire, mais c'est faisable.
    J'aimerais faire un dernier commentaire sur l'intégration. J'ai une suggestion très pratique. Ne laissez pas l'ACDI se cloisonner de l'autre côté de la rivière. À mon avis, il faudrait prendre tous les bureaux chargés de l'Afrique et les mettre ensemble. Prenez le commerce, la politique... Selon mon expérience — et Paul a connu la chose également — quand vous rassemblez les deux, que vous les mettez côte à côte, et nous l'avons fait au début des années 1980, on prend ses repas ensemble, on marche dans les couloirs et on se parle. La pire chose que l'on puisse faire à cette intégration c'est permettre le cloisonnement.
    Merci beaucoup.
    Nous passerons maintenant à M. Eyking.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous messieurs d'être venus.
    Je vais commencer par ce qui a été dit. Je crois que vous avez parlé une autre fois, Paul, de ces impasses et inefficacités et de comment vous avez dû passer par divers ministres. Nous sommes en train de parler de ce nouveau super ministère avec un seul ministre responsable, et vous avez des sous-ministres. Pourquoi ne pas nous débarrasser simplement du ministre de l'ACDI? Nous pourrions économiser la limousine et le personnel correspondant. Les secrétaires parlementaires pourraient officier à l'inauguration et vous avez les chefs de service qui sont déjà en place. Avons-nous vraiment besoin d'un ministre de l'ACDI? Nous pourrions économiser beaucoup d'argent aux contribuables et nous ferions davantage d'économies.

  (1150)  

    La réponse toute simple c'est qu'il nous faut un ministre de l'ACDI, un ministre du Développement international. Je dirais que l'une des lacunes de la loi c'est qu'elle ne laisse pas la possibilité ouverte d'avoir beaucoup d'autres ministres. Dans le système britannique, ils en ont six ou sept ou huit dans leur portefeuille du Foreign and Commonwealth Office, en plus du DFID.
    À mon sens, si nous parlons d'un programme de 2 milliards de dollars pour les Affaires étrangères, et d'un programme de 4 milliards de dollars pour l'ACDI, plus nous aurons une sensibilité politique et un contrôle politique sur cela, mieux ça vaudra.
    Je ne saurais que vous dire à propos des limousines, mais je serais partisan d'avoir beaucoup d'avions pour que les gens puissent voyager et voir ce qui se passe partout dans le monde, librement et clairement. Avec le contrôle politique, vous avez la possibilité de vous y ajuster vraiment rapidement. Le ministre des Affaires étrangères risque de ne pas toujours être disponible. Il y a tellement de choses fixes à l'ordre du jour du programme international chaque année qu'il vaut mieux avoir toute une poignée d'autres ministres qui peuvent se déplacer pour les interventions au niveau des ministres — parler au nom du gouvernement, parler au nom du Cabinet dans d'autres pays.
    Je suis d'accord. Il me semble que notre présence là-bas est insuffisante parce que nous n'avons pas assez de personnel sur place. C'est ce que nous avons vu récemment en Afrique du Sud.
     La deuxième partie concerne les quatre milliards de dollars dont vous avez parlé. Nous en avons souvent parlé dans ce comité — le maintien de la réduction de la pauvreté et de l'argent qui y est alloué. Je crois qu'il y a eu différentes déclarations aujourd'hui au sujet de l'expansion des zones grises, du maintien du financement de l'APD et des faiblesses de la loi.
     Comment allons-nous nous assurer que cela sera maintenu? Est-ce que nous ne serons pas obligés d'adopter des amendements pour maintenir ces financements et nous assurer que nous respectons nos engagements et que nous continuons à participer à la réduction de la pauvreté?
    Hier, j'ai assisté à un autre débat. Il y avait 200 personnes, et j'ai dû défendre la fusion. C'était un débat MUN à l'Université d'Ottawa.
     Je sais que les ONG ne sont pas très favorables à la fusion, mais si vous me demandez ce qui préoccupait le plus les 200 Canadiens présents hier dans la salle, c'était de savoir où ira l'argent. Comment allons-nous identifier l'usage qui sera fait de l'argent? Va-t-il servir à d'autres choses?
     Paul a souligné le fait que nous devons avoir une vision globale des choses, mais en même temps, il faut tenir compte de ça dans la loi, je ne sais pas comment. Je ne sais pas comment cela sera délimité, mais il faudrait que cela soit un peu plus précis, tant au sein du ministère que parmi les 30 p. 100 de gens dans la ville qui donnent de l'argent pour l'APD.
     La seule manière d'y parvenir c'est d'avoir une politique cohérente, une stratégie qu'il faudra expliquer aux Canadiens, non pas dans un discours, mais dans un document pédagogique. C'est un défi. Il ne faut pas trop restreindre la circulation de cet argent, mais il faut s'assurer qu'il ne se retrouve pas dispersé pour que nous ne nous retrouvions pas à nous demander dans cinq ans, pourquoi l'APD a moins d'argent qu'avant. Il faut éviter cela. En tant que Canadien, je veux éviter cela. Je travaille avec le secteur privé et je ne crois pas que le secteur privé ne veuille cela non plus.
    Continuez.
    Je voudrais simplement faire une remarque, la crise financière a fait naître des inquiétudes légitimes au sujet de la baisse réelle ou possible de l'APD. Cela fait 10 ans que cette préoccupation existe et, dans le même temps, l'APD a doublé, il me semble donc qu'on crie un peu au loup en ce qui concerne la nécessité de protéger ce budget important. Cela fait longtemps qu'il augmente, le budget total de l'ACDI est d'environ 3,5 ou 4 milliards de dollars. Selon le Bureau du vérificateur général, le total pour tous les autres ministères le fait passer à 5,1 milliards de dollars. C'est une somme considérable. Sans parler des 21 ou 22 milliards de dollars que le MDN emploie à assurer la sécurité des Canadiens dans le monde.

  (1155)  

    Vous avez déjà fait allusion à l'Afrique. Le gouvernement actuel a été critiqué pour son manque de travail et de présence en Afrique. Il a été sous-entendu que d'autres investissaient davantage en Afrique, que cela soit pour l'aide ou dans des missions. Un rapport du Sénat est sorti récemment, écrit je crois par Colin Kenny. Il a fait un rapport complet sur l'Afrique. Il disait que nous devrions avoir davantage de gens sur le terrain et peut-être aussi une ambassade plus importante quelque part en Afrique. Je ne dis pas qu'il faut une super-ambassade, mais nous devons être plus investis et intervenir concrètement.
     Cela étant dit, je crois que quelqu'un a fait remarquer qu'il ne s'agit pas simplement d'aide mais aussi d'investissement. Ce nouveau « super ministère » pourrait nous donner la possibilité, si la volonté politique et la volonté du gouvernement sont de retourner en Afrique et d'y être présents, non seulement d'aider ce continent à se transformer, mais de le faire avec nos entreprises et nos ONG.
     Si vous étiez en charge de ce nouveau ministère, quelles seraient d'après vous les avancées concrètes qu'il nous faudrait accomplir en Afrique?
    Tout d'abord, je veux m'assurer que les choses sont claires. Ces 12 à 18 derniers mois, le gouvernement a beaucoup mis l'accent sur l'Afrique. Je dois l'admettre. Je me souviens qu'il y a trois ans, je déplorais le fait que nous n'y étions pas suffisamment présents. Sans en faire la publicité, le gouvernement, par ses actions, a fait beaucoup plus que par le passé. Les ministres se rendent régulièrement en Afrique. Le gouverneur général y est allé deux fois au cours des deux ou trois dernières années. Sans aller jusqu'à dire que l'Afrique devient une priorité, comme cela a été le cas de l'Amérique du Sud, elle est de facto en train de le devenir, et j'en suis ravi. C'est le premier point.
     Le deuxième point, c'est qu'il n'y a pas de doute que la pression qu'exerce l'ACDI sur le commerce et sur le ministère des Affaires étrangères va jouer un rôle important pour changer cela. Il est certain que tous les pays exportateurs et investisseurs du monde considèrent désormais l'Afrique comme une priorité. Cela modifiera certains des problèmes dont parlait Paul, les systèmes et ainsi de suite. Il y aura un conflit sur ce point, cela ne fait aucun doute. Mais le fait qu'ils seront dans la même pièce, et qu'il y a des députés ici qui croient beaucoup à l'Afrique, comme c'est le cas dans d'autres pays, indique me semble-t-il que ce continent sera une priorité dans les années à venir, non seulement pour l'aide, mais aussi pour le commerce.
     Mark Carney a dit il y a deux jours que le Canada devrait être de plus en plus attentif aux pays en voie de développement. Quels sont ces pays? La Chine en fait peut-être partie, mais il est évident que les espoirs futurs résident dans les 54 pays africains qui ont eu une croissance annuelle moyenne de 5 à 6 p. 100 ces trois dernières années, et c'est en augmentation.
     La raison l'emportera. De dire ou non qu'il s'agit d'une priorité n'y changera pas grand-chose, cela deviendra une priorité de facto. C'est notre point de vue.
    Le drapeau précède souvent le commerce. Dans le cas présent, en Afrique, le commerce est la première chose à se mettre en place, donc je crois que nous allons y retourner pour toutes les raisons évoquées par Lucien.
    Merci. Le temps est écoulé.
     Nous allons commencer notre second tour, vous aurez cinq minutes chacun.
     Madame Brown.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Robertson, nous vous donnerons peut-être la possibilité de continuer sur cette question.
     Je voudrais être très claire, pour ce comité et pour les gens qui liront peut-être ceci, en disant qu'il y a une différence très nette entre nos actions d'aide humanitaire et nos actions de développement. Je voudrais simplement citer le premier ministre:
Mais lorsque les besoins sont grands et la cause est juste, les Canadiens sont toujours là. Et nous le serons toujours. Car c'est ce que font les Canadiens.
     Nous sommes montés au créneau au Sahel, lors de la sécheresse en Afrique de l'Est, en Syrie, en Haïti. Le Canada a été présent lors d'innombrables crises humanitaires, le Canada est encore présent. Allons nous continuer?
     Cependant je voudrais avancer une théorie un peu différente, et j'aimerais connaître votre position à ce sujet. Le Canada a énormément contribué. En fait nous sommes l'un des plus gros contributeurs au fonds international. Le recul de la tuberculose et du VIH-sida est significatif partout dans le monde. Nous avons énormément contribué au recul de la polio, la réussite est telle à ce sujet que s'en est presque incroyable. Nous avons mis de l'argent dans le Programme alimentaire mondial, et là encore nous sommes parmi les plus gros contributeurs. L'initiative sur la santé maternelle, néonatale et infantile, qui est un projet directement attribuable au Canada, sauve la vie de mères et d'enfants dans toute l'Afrique. Nous assistons à des taux de mortalité réduits, le taux de survie des bébés atteignant l'âge de cinq ans est en hausse.
     Cela ne signifie-t-il pas que nous devons restructurer notre aide au développement parce que nous avons affaire à une génération régénérée? Il ne s'agit plus simplement de bouches à nourrir. Il nous faut envisager les choses à long terme, les compétences, la formation et les possibilités d'emploi, parce que nous avons une nouvelle génération, dieu merci, de jeunes gens vivants qui ont besoin d'espoir et d'avenir.
     Avez-vous des commentaires à ce sujet, messieurs?

  (1200)  

    Oui, nous avons toujours rapidement fourni de l'aide dans les endroits ayant subi des catastrophes, et cela a toujours été la clé de voûte de notre action, mais en même temps on peut penser le développement comme le moyen d'arriver à un niveau où notre aide au développement devient inutile. Nous utilisons toutes sortes de leviers politiques pour y parvenir.
     Vous avez surtout parlé de l'Afrique et des actions que nous y menons. Je sais que Mme Laverdière a fait voici quelque temps une excellente proposition concernant la fourniture de médicaments. Voilà, je crois, le genre de choses qui mérite de temps à autre d'être réexaminé, surtout à la lumière de ce que vous avez décrit comme l'engagement personnel du premier ministre envers le développement et l'amélioration de la santé maternelle et infantile, ainsi que l'engagement réel et personnel qu'il a pris auprès du président de la Tanzanie par le biais des Nations Unies.
    Une voix: Oui, Kikwete.
    Paul.
    Nous sommes un pays qui marche au coup par coup. Nous sommes tout le temps en train de patauger. Si vous prenez l'approche des Américains, des Britanniques, des Français et d'autres, ils sont passés maîtres dans l'art de voir les choses dans leur ensemble et dans la durée. Assez souvent, malgré les gens qui rejettent cela comme un ensemble d'idées plutôt stupides sorties d'un laboratoire de pensée qui n'aura jamais d'effet sur rien ni sur personne, nous nous situons à l'autre extrémité du spectre. Nous n'anticipons pas sur plus de quelques jours, un an ou deux tout au plus.
     Une des raisons pour lesquelles j'ai dit qu'il nous fallait une stratégie internationale équitable… il nous faut aussi une stratégie en matière de sécurité nationale. Prenez toutes les institutions au Canada censées travailler pour la sécurité et la protection des Canadiens. Travaillent-elles selon un programme commun? Il faut que nous accomplissions un meilleur travail d'exploration des grandes tendances en Afrique, en Amérique Latine et ailleurs, puis que nous sélectionnions les endroits qui comptent aux yeux des Canadiens. Il en va de l'intérêt du Canada. Les contribuables canadiens mettent l'argent sur la table, alors ils peuvent légitimement s'attendre que cela soit aussi dans l'intérêt du Canada, que cela ne soit pas seulement de l'altruisme. Cela devrait être de l'altruisme, cela fait partie du caractère canadien que de faire ce genre de choses. Mais nous devons réfléchir beaucoup plus, pas seulement sur cette idée mais sur la manière dont nous pourrions être efficaces.
     Le temps que j'ai passé au Centre Pearson pour le maintien de la paix m'a convaincu que nous pouvions faire davantage pour éduquer, augmenter la capacité, comme l'a dit Colin, des autres pays à accélérer le mouvement. Je crains que nous quittions l'Afghanistan dans une, deux ou trois années en ne laissant derrière nous qu'un petit programme de l'ACDI et que tout ce que nous avons investi, le temps, les efforts, l'argent mais aussi les morts et les blessés de ce conflit qui touche un millier de Canadiens, n'ait été en vain.
     Il nous faut développer la capacité de certains pays en particulier, et je crois que c'est ce que le Canada a de mieux à faire. Lorsque vous demandez aux Américains, aux Britanniques ou aux Français de faire ce genre de chose, ils viennent avec leur grosse puissance et leur bagage colonial. Personne ne soupçonne les Canadiens ou les Australiens d'avoir des arrières-pensées lorsqu'ils apportent leur aide. Il ne s'agit pas d'un créneau. Il s'agit d'un programme global, nous devons axer ce programme global sur les enjeux importants, puis mettre le pied dans quelques-uns des enjeux qui comptent et qui nous permettront d'obtenir des résultats.
    Donc c'est une occasion pour nous de changer de regard sur le développement à long terme.
    En effet, c'est ce que je dis. Pourquoi menions-nous jusque très récemment un programme de réduction de la pauvreté de 30 à 35 millions de dollars en Chine? Quelqu'un est-il allé à Shanghai récemment, ou quelqu'un a-t-il regardé le budget militaire de la Chine? C'est de l'ordre de 120 milliards de dollars. Ils n'ont pas besoin que le Canada leur donne 30 millions de dollars.
    Merci beaucoup.
     Nous allons maintenant passer à M. Dewar. Monsieur, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci aux témoins pour leurs commentaires intéressants.
     Monsieur le président, pour souligner ce qu'ils ont démontré aujourd'hui par leurs témoignages, il y a, je crois, le fait que le processus dans lequel nous sommes actuellement engagés est insuffisant. Lorsque l'on regarde ce qu'ont fait d'autres pays et la manière dont ils l'ont fait, on voit qu'ils ont pris le temps de le faire correctement. Je veux encore insister sur ce point, comme je l'ai déjà fait auparavant dans d'autres comités sur ce même sujet. Nous avons un projet de loi omnibus devant le Comité des finances, nous n'y touchons pas du tout. Nous n'avons pas la possibilité de le changer ni d'écouter des gens comme vous pour l'influencer. Espérons qu'ils écouteront là-bas lorsqu'ils feront des audiences au ministère des Finances.
     Je dis cela en rapport à certains de vos arguments… il faut faire cela correctement. C'est une question de personnes, mais aussi de structure. J'approuve ce que vous avez dit au sujet des gens grâce auxquels cela fonctionne, mais il arrive aussi que des structures empêchent les gens de faire du bon travail.
     Je vais commencer par vous, monsieur Robertson, et je crois, monsieur Chapin que vous en avez parlé également. Lorsque l'on prend le type d'approche que nous avons vu avec le Royaume-Uni, en tout cas pour le modèle que je connais, c'est-à-dire d'aligner ses aspirations au développement sur sa politique étrangère, n'est-il pas absolument vital d'avoir une politique étrangère que les gens soient en mesure de comprendre? Je dis cela parce que je crois que c'est le dilemme auquel nous sommes désormais confrontés. Je dis cela sans a priori, croyez-le ou non. Après que nous ayons perdu notre siège au Conseil de sécurité, une des idées que j'ai défendues devant le Comité des affaires étrangères était de permettre à ce comité d'avoir un débat avec les Canadiens sur les orientations à donner à notre politique étrangère. Je mets au défi quiconque autour de cette table de nous dire précisément en quoi consiste notre politique étrangère. Où trouve-t-on cette information sur le site Internet des Affaires étrangères Canada? On entend des discours, on entend des commentaires disant que nous sommes en faveur de la liberté et de la démocratie, comme si ce n'était pas le cas de tout le monde.
     Quel est le défi si notre politique étrangère n'est pas d'abord formulée dans cette équation, parce si l'on n'a pas de politique étrangère clairement formulée, est-ce que cela ne perturbera pas cette approche et ne sapera pas toutes les choses positives de ce modèle?

  (1205)  

    Cela me rappelle une phrase de Lester Pearson, que j'admirais beaucoup. Il m'a donné envie de rejoindre le service extérieur. Son point de vue était: ne passez pas trop de temps à étudier la politique étrangère — c'était dans le contexte de l'étude Trudeau — faites de la politique étrangère. Mais rappelez-vous qu'il y a consacré toute sa carrière et qu'il a développé une grande connaissance de la politique étrangère.
     Il faut bien sûr une combinaison. Il y a tout le temps des développements. Il me semble qu'en tant que comité vous avez la responsabilité de faire venir les experts des Affaires étrangères Canada pour vous informer des tendances pour que vous puissiez faire les arbitrages politiques qui s'imposent. Il faut éviter d'enfermer le ministère des Affaires étrangères pendant les deux prochaines années dans une réorganisation alors que ce qu'il faudrait, en ce moment critique… Le monde continue d'évoluer, comme vous l'avez notamment mentionné à propos de la Chine. Vous avez besoin des esprits les plus brillants — et je crois qu'il y a encore beaucoup d'esprits brillants aux Affaires étrangères Canada — pour vous conseiller afin que vous puissiez prendre les décisions nécessaires en toute connaissance de cause.
     Concernant le développement, le fait que les Affaires étrangères Canada s'en mêlent ne m'inquiète pas outre mesure… Je crois que c'est une bonne chose pour les Affaires étrangères Canada parce que je pense que les problèmes de développement n'ont pas toujours été pris en compte. Nous avons entendu cela autour de la table. Je crois que les Affaires étrangères Canada seront désormais un acteur décisif autour de la table. Cela ne m'effraie pas. C'est ce que je dis à mes amis du développement. N'ayez pas peur. Vous avez l'occasion d'exercer une immense influence.
     J'ai vécu à Hong Kong pendant cinq ans. Nous venons de parler de la Chine. L'influence de Hong Kong sur le reste de la Chine… Les idées sont puissantes. Vous avez affaire à un ministère des idées, surtout en ce qui concerne Affaires étrangères Canada. Il s'agit essentiellement d'idées. Pas tellement de distribution; ça c'est le rôle de l'ACDI. Il s'agit d'idées. Je crois qu'il est vital de réunir toutes ces idées sous un seul toit: le développement, le commerce et la politique étrangère… Il faut des députés, et en particulier des membres de ce comité, pour jouer le rôle de délégués du peuple canadien, en quelque sorte, pour s'assurer que la politique étrangère reflète les valeurs et les intérêts du peuple canadien.
    C'est exactement la nature de ce comité n'est-ce pas?
    M. Paul Dewar: Cela devrait l'être.
    M. Lucien Bradet: Affaires étrangères et développement, il n'y a rien de choquant là-dedans alors?
    C'est exact.
    Nous avons vu que cela allait de pair, n'est-ce pas?
    Merci beaucoup.
     Nous allons passer à M. Harris.
     Monsieur, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Messieurs, merci pour vos exposés.
     Monsieur Chapin, vous avez dit tout à l'heure que les Canadiens veulent savoir quel intérêt a leur pays à apporter son aide, et ils ont tout à fait le droit de savoir comment est employé l'argent de leurs impôts. Hélas, au cours de ces dernières années, lorsqu'il s'agit d'aide internationale, les seules nouvelles qui passent dans les médias sont celles de financements détournés par des milices, ou de produits, destinés à une région frappée par un désastre, qui disparaissent. C'est une fraction minuscule de l'ensemble, mais c'est tout ce dont parlent les médias et c'est ce qu'entendent les Canadiens.
     Bien sûr je sais qu'il y a un système de surveillance mis en place. Je me demande dans quelle mesure la fusion de l'ACDI dans le MAECI pourrait améliorer l'efficacité de la distribution de fonds, de biens et de services aux gens qui en ont le plus besoin. Vu que c'est un corps plus grand, peut-être pourrons-nous faire un meilleur usage de leur service de communication pour être sûrs que les Canadiens sauront que l'argent que nous envoyons à l'étranger est bien employé.

  (1210)  

    J’aimerais dire quelques petites choses à ce sujet. Tout d’abord, comme je l’ai souligné dans mon allocution, vous aurez désormais deux ministres responsables. Il leur faudra parler la même langue, car sinon ils risquent d’avoir des problèmes.
     Ensuite, les ambassadeurs seront en meilleure posture pour communiquer avec les pays et pour mieux gérer l’exécution des activités. Vous allez dans certaines ambassades et l’ambassadeur vous dit: « Lucien, l’ACDI est ici, je suis là et l’immigration est là-bas » et il y a effectivement un manque de connexion entre tout cela. Cela devrait permettre de résoudre le problème.
     Maintenant, le ministre des Affaires étrangères devrait également se prononcer fermement en faveur du développement international. Je pense que le gouvernement a tout à y gagner s’il procède judicieusement et je n’ai aucune raison de penser que ce ne sera pas le cas. Il s’agit cependant d’un plus pour le commerce. Le ministre du Commerce, M. Fast, travaille en étroite collaboration avec le ministre des Affaires étrangères, M. Baird, et lorsque je voyage, je m’en aperçois désormais constamment. Je vois qu’il y a un lien qui n’existait pas auparavant et le ministre Fantino s’y rend également, juste avant ou juste après. Je peux vous garantir que notre réputation est à la hausse en Afrique, grâce à cette exposition. La fusion aidera l’Afrique à mieux comprendre le Canada, car on me dit parfois: « Nous ne comprenons pas. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, ici. » Cela permettra de résoudre les problèmes de communication. Pour ce qui est de la philosophie, je n’en sais rien, mais pour les communications, c’est indéniable.
     Nous avons parlé des femmes. La semaine prochaine, nous allons organiser une conférence avec 13 délégations africaines et des femmes d’affaires se réuniront à Toronto pour parler du développement des affaires entre les femmes africaines en affaires et les Canadiens. Tout cela en fait partie. Un des grands commanditaires de cet événement est l’ACDI et le ministre Fantino y sera d’ailleurs présent. Vous voyez la convergence qui se détache, ici, à savoir le commerce, les femmes d’affaires et le développement. C’est justement ce qu’il nous faut intensifier, à l’avenir.
     Désolé, mais il s’agit d’une annonce publicitaire.
    Monsieur Chapin, je crois que c’est vous qui avez dit que le secteur privé devait être davantage présent à la table, que nous devions accroître sa participation à toutes nos négociations commerciales internationales — ou bien s’agissait-il de M. Robertson qui en a fait mention? Pourriez-vous en dire un peu plus long, nous indiquer pourquoi cela n’est pas le cas actuellement et nous donner un exemple pour nous montrer jusqu’où nous pouvons aller pour rendre nos négociations plus efficaces?
    Oui, mais je me base sur mon expérience et sur mes conversations avec des membres du secteur privé, notamment sur le terrain, qui font appel à nos bureaux. Je me servirai de l’Afrique à titre d’exemple et, jusqu’à un certain point, de l’Amérique latine, où les entreprises se présentaient et essayaient d’obtenir de l’aide de l’ACDI pour mieux cerner les projets et pour qu’elle leur dise ce qu’elle faisait. L’ACDI s’est sentie contrainte, pour une raison ou une autre, et n’avait pas l’impression de vraiment travailler avec les entreprises canadiennes. Les délégués commerciaux se sont dit que c’était l’occasion d’allier le développement au commerce. Je crois que Lucien a souvent dû assister à ce genre de situation.
     J’espère que c’est une des choses que cette fusion va permettre de faire, car on voyait une différence philosophique qui ne desservait pas les intérêts canadiens. Encore une fois, j’en reviens au développement à long terme. Cela dépend d’emplois durables qui, à leur tour, créent les conditions nécessaires qui nous permettent de développer d’autres choses. Les Canadiens en ressortent gagnants, car nous commerçons également avec ces pays. Cela fait partie de ce que fait le premier ministre.
     Ainsi, cet état d’esprit doit changer. C’est pour cela que j’appuie la partie développement. Je peux vous donner des exemples précis, mais je crois que vous avez compris l’idée générale.
     Je dirais qu’Exportation et développement Canada ne devrait pas être laissée pour compte dans cette équation, car elle joue un rôle très constructif pour aider les entreprises canadiennes à oeuvrer à l’étranger. Je pense que cela doit également bien cadrer avec la partie développement, car cela représente une importante somme d’argent — à savoir plus de quatre milliards de dollars — et cela permet également d’asseoir la présence canadienne à l’étranger, de façon significative. Cela concerne les intérêts canadiens, dans leur ensemble, et tout l’aspect canadien de la question.
     C’est pour cela que je ne veux pas handicaper le ministère des Affaires étrangères en déplaçant des boîtes ici et là. Nous devrions, à ce moment charnière, penser en termes de politiques, au sens large.

  (1215)  

    Merci beaucoup.
     Nous allons maintenant entamer notre troisième tour de questions. J’ai l’impression que nous aurons la chance d’aller jusqu’au bout du troisième tour.
     Madame Grewal, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Ma question s’adresse à M. Bradet.
     Monsieur Bradet, au cours des neuf dernières années, vous avez été à la tête de plus d’une vingtaine de missions dans plus d’une vingtaine de pays africains et vous avez aidé à organiser un certain nombre de conférences, au Canada, sur le développement économique. Il me semble que la question du développement international vous tient beaucoup à coeur, tout comme le fait de combiner le développement international et les affaires étrangères.
     Récemment, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a décidé de concentrer son engagement en Afrique sur les nouvelles économies qui prennent rapidement de l’expansion. Pensez-vous qu’en fusionnant l’ACDI et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international nous pourrons atteindre ces objectifs?

[Français]

    Certainement.

[Traduction]

     J’aime l’ACDI et j’ai travaillé très étroitement avec l’ACDI au cours des deux ou trois dernières années. Toutefois, à l’instar de M. Robertson, j’estime que nous devons veiller à ce qu’ils travaillent tous en étroite collaboration, jour et nuit, tout comme pendant les petits déjeuners et les pauses. Le processus d’intégration sera très important.
     Lors de mes récents entretiens avec les gens de l’ACDI et du MAECI, j’ai ressenti de l’espoir des deux côtés indiquant que nous pouvons en faire plus qu’avant, pour le compte de tous et pour chaque Canadien. Nous nous entretenons avec le secteur privé. Vous savez que le secteur privé est un outil de développement. Je pense notamment à CRC Sogema, de Montréal, qui a mis sur pied un système fiscal dans 17 pays africains. Avec quel argent? Avec l’argent de l’ACDI. Il s’agit là de commerce, d’investissement et c’est bon pour le développement. Je pourrais vous citer d’autres exemples comme celui-là.
     Je suis d’accord avec M. Robertson pour dire que les personnes les mieux accueillies à l’ACDI n’ont pas toujours été les gens du secteur privé, mais les choses sont en train de changer, car on les voit désormais comme d’importants instruments de développement.
     Je pense donc que ce sont là de bonnes nouvelles. Assurons-nous que les choses fonctionnent bien. Mais nous aurons besoin de votre aide et de votre appui. À titre de comité, vous jouez un rôle très important, car les gens vous écoutent au Parlement et car les Canadiens veulent savoir ce que vous pensez. Nous allons mettre la main à la pâte, mais vous devez également y mettre du vôtre pour que tout cela se concrétise et fonctionne. Je pense que c’est important.
    Nombreux sont ceux qui pensent que la question du développement comporte plusieurs volets, que l’on en tient compte lorsqu’on examine les politiques étrangères et que cela aura un effet positif sur les autres pays, puisque le développement est essentiel pour venir en aide à un grand nombre de pays avec lesquels le Canada interagit.
     À la lumière de votre expérience en tant que président et directeur général du Conseil canadien sur l’Afrique et étant donné votre vaste expérience à la suite de votre visite dans plusieurs pays africains, pourriez-vous nous parler des avantages que nous apporterait la fusion entre l’ACDI et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international?
    Je crois que les avantages seront le fait que l’aide correspondra davantage à la politique générale du gouvernement qui, selon certains, n’est pas toujours claire. Les choses n’en seront que plus claires.
     Une des choses que les gens ne savent pas, c’est que 80 p. 100 de nos activités en Afrique se situent dans le secteur du savoir et des services. Savez-vous quoi? Lorsqu’une entreprise s’en va en Afrique, elle fait tout d’abord deux choses. Premièrement, elle trouve un partenaire là-bas, car elle ne peut pas être concurrentielle si elle n’a pas de partenaire. Ce qu’elle fait avec le projet, c’est qu’elle laisse ensuite les connaissances derrière elle, elle crée ainsi de bonnes économies pour le Congo ou un autre pays et cela permet de créer des emplois.
     Deuxièmement, elle fait quelque chose de très bon, à savoir qu’elle crée des possibilités d’investissement, comme l’industrie minière. L’industrie minière du Canada a créé 50 000 emplois en Afrique. Cela a rapporté plus que tout autre secteur sur le continent. À mes yeux, c’est très important.
     Troisièmement, vous avez parlé d’EDC, il y a une minute. J’espère que les membres du Comité effectueront prochainement des pressions auprès d’EDC pour qu’elle ouvre un bureau en Afrique. C’est le seul continent où elle n’ait pas encore établi de bureau. J’ai une très bonne relation de travail avec EDC, ne vous méprenez pas. Je crois qu’elle est le champion de l’Afrique. Mais il est temps qu’elle élargisse sa façon de voir les choses et qu’elle déclare que c’est l’endroit où faire des affaires.
     Cela fait cinq ans, Lucien, qu’ils me disent que ça s’en vient. Eh bien, on attend toujours. Il faut donc s’assurer d’avoir quelque chose, en Afrique du Sud ou ailleurs.
     Je pourrais vous parler de cela pendant une heure, je suis désolé. Je m’arrêterai ici.

  (1220)  

    C’est tout le temps dont nous disposons.
     Nous allons maintenant amorcer la ronde des cinq minutes, en commençant par M. Dewar.
    Merci. Je partagerai mon temps de parole avec Mme Péclet.
     Je voudrais simplement mettre certaines choses au clair, monsieur Robertson. C’est à vous que je vais m’adresser.
     Lors de nos dernières audiences, nous avons entendu des témoins nous parler de leurs inquiétudes quant à la concentration des pouvoirs au bureau du ministre des Affaires étrangères et c’est certainement quelque chose que l’on a vu dans des annonces, entre autres.
     Vous nous avez dit qu’il fallait nous assurer de ne pas perdre la voix du développement international, ce qui va certainement dans le même sens, et nous comprenons tous la même chose en ce qui concerne notre politique étrangère. Toutefois, dans le projet de loi tel que vous le voyez ici, nous avons « le ministre », ce qui signifie le ministre des Affaires étrangères, puis nous avons les « attributions auxiliaires ». Je comprends certainement — et j’appuie — cette idée de mettre les gens ensemble et de faire converger les choses, mais à l’heure actuelle ce qui m’inquiète, c’est que nous avons un bureau très concentré et que nous avons une structure qui va absorber un autre bureau.
     Vous souligniez tout à l’heure la question de l’enveloppe du développement et vous vous demandiez où tous ces fonds allaient se retrouver. À votre avis, comment va-t-on gérer, disons… cette tension créatrice? D’autres personnes auront peut-être d’autres qualificatifs en tête, mais comment peut-on veiller à ce que les choses ne se fassent pas avaler par un seul et même ministère? Je crois qu’il s’agit là d’une préoccupation valable, surtout à la lumière d’un projet de loi structuré comme celui-ci, on se demande comment les choses vont se passer. Qui commandera quoi, en quelque sorte?
     Nous avons entendu une autre personne nous dire que les gens au commerce pourraient prendre de la graine des gens de l’ACDI qui font du bon travail au chapitre de la RSE.
     Le rapport de Kofi Annan sur l’Afrique qui, j’en suis persuadé, a grandement attiré votre attention, est en quelque sorte une leçon. On ne peut pas regarder uniquement le PIB et les exportations; regarder les résultats. Et cette sensibilité est généralement celle des gens qui travaillent en développement international. Comment peut-on s’assurer de ne pas perdre cette voix importante au sein de la structure?
    Si l’on fait abstraction des personnalités, le projet de loi, tel que je le lis maintenant, fait de la question une partie importante du portefeuille du ministre des Affaires étrangères, lequel exerce la responsabilité globale, ce qui me semble être une bonne chose. On a besoin d’un seul point de contact.
     Je crois qu’en ajoutant cela au portefeuille du ministre, ce ministre, par définition, de par le fait qu’il soit redevable devant le Conseil des ministres et devant vous, à titre de parlementaires, doit en tenir compte. Cela devient un élément de plus. Par le passé, si l’on remonte aux années 1980 et 1990, par exemple, lorsque l’on a quelque peu changé les choses et qu’on a ajouté certaines questions au portefeuille du ministre des Affaires étrangères… il ne faisait aucun doute, à l’époque, au début des années 1980, par exemple, que lorsque nous avons fait cela, le ministre des Affaires extérieures de l’époque, Allan MacEachen, se prononçait avec beaucoup d’autorité, car cela faisait partie de son portefeuille.
     Je suis convaincu que le ministre actuel, M. Baird, devrait prendre… Il dispose — même s’il n’est pas très étoffé pour l’instant — d’un agenda pour la dignité qui couvre de nombreux éléments qui sont primordiaux pour le développement, à savoir les femmes, les filles et les groupes défavorisés.
     Je crois que l’ajout de l’ACDI devrait être décisif, car il ne faut pas l’oublier — et je remonterai jusqu’à Lloyd Axworthy, qui lui aussi a fait changer les choses lorsqu’il était à la tête du ministère, avec son approche du pouvoir discret. Il a tenu compte de tous les aspects des affaires étrangères. D’une certaine façon, vous êtes en train de contribuer à l’arsenal du ministre des Affaires étrangères. Encore une fois, pour citer d’autres pays en exemple, le ministre des affaires étrangères britannique, le ministre des affaires étrangères de bien des pays européens, Hillary Clinton et ce qu’elle a fait — ils ont ajouté la question de l’aide à son portefeuille et elle a considérablement augmenté les résultats, elle s’est engagée plus précisément sur deux questions, dont celle des femmes, comme vous le savez.
     Ainsi, ce que je cherche à dire, c’est que le ministre des Affaires étrangères aura cette possibilité, car cela fera désormais partie de ses responsabilités. Cela nous permettra en quelque sorte d’avoir une meilleure...
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Péclet, je suis désolé.
     Je partage une partie de mon temps de parole.

[Français]

    En fait, dans vos trois présentations, vous avez dit explicitement que les politiques de ces trois ministères s'agençaient parfaitement. Toutefois, on s'entend sur le fait que le rôle du Commerce international et des Affaires étrangères consiste à faire valoir les intérêts du Canada à l'extérieur, tandis que celui du développement international n'est pas exactement le même. Ce n'est pas faire valoir les intérêts du Canada à l'extérieur, mais plutôt promouvoir le respect des droits de la personne, de même que la réduction, voire l'abolition de la pauvreté. Il y a des petites nuances. On se demande justement comment ces politiques vont pouvoir s'agencer. Selon vous, c'est très beau, tout est déjà fait, tout s'agence parfaitement, mais ça reste à voir.
    Monsieur Robertson, vous avez parlé de la responsabilité sociale des entreprises. Il est important de savoir que la responsabilité sociale des entreprises est nécessaire aux yeux du ministère du Commerce international, mais ce n'est pas obligatoire. En fait, on s'en tient aux normes internationales, mais celles-ci ne sont pas obligatoires au Canada. En revanche, en matière de développement international, le respect des droits de la personne est l'un des piliers de l'ACDI.
    Comment peut-on s'assurer que la responsabilité sociale des entreprises va être respectée et mise en avant en tant que politique du Canada dans le développement international?

  (1225)  

[Traduction]

    Monsieur Robertson, très rapidement, s’il vous plaît. Nous avons déjà dépassé le temps prévu.
    Si je peux me permettre d’utiliser l’expression « responsabilité sociale des entreprises », je dirais que les entreprises se rendent maintenant compte que c’est ainsi qu’elles doivent faire affaire. La responsabilité sociale englobe des choses comme les femmes et les filles. Il s’agit de bonnes pratiques commerciales. Cela fait maintenant partie de la culture des entreprises. Elles font les choses ainsi, non pas parce qu’elles y sont obligées, mais parce qu’elles voient que c’est bon pour les affaires.

[Français]

    J'aimerais juste ajouter un dernier mot

[Traduction]

pendant que le président ne me regarde pas.

[Français]

    Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que tout est parfait. Si tout était parfait, nous ne ferions pas ce que nous faisons aujourd'hui.

[Traduction]

     Les choses ne fonctionnent pas toujours à la perfection. Je crois que les efforts consacrés à la fusion vont essayer de corriger certains de nos problèmes — et nous avons effectivement certains problèmes, car sinon, nous n’aurions pas ce projet de loi.
    Merci beaucoup.
     Nous allons terminer avec M. Dechert pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     J’aimerais revenir à vous, monsieur Robertson. Plus tôt, nous parlions de ce que d’autres pays ont fait. Pourriez-vous nous faire part de l’expérience de ces pays, nous indiquer comment ils ont intégré la politique étrangère à celle sur le développement et nous dire comment le Canada peut tirer des leçons de leurs expériences?
    Il existe toute une série de pratiques exemplaires. Je sais que les ministères vont examiner cette question. Ils devraient vous donner des renseignements sur ces pratiques exemplaires. J’ai parlé du qui, quoi, quand, où et pourquoi. Ce sont là toutes des questions que vous devez poser. Nous avons un ministère...
    Avez-vous un exemple de quelque chose qui n’aurait pas bien tourné dans un de ces pays, un écueil que nous pourrions éviter?
    Il y a un grand nombre de mauvaises expériences, dont nous pouvons parler, mais je préférerais examiner les exemples les plus positifs. L’important, c’est ce qu’on apprend dans tout cela. Chaque cas est un peu différent, mais je crois que la voie que nous suivons est la bonne. Après tout, nous parlons de commerce et de développement. Ce que nous devrions dire, c’est que le commerce est synonyme de développement.
    Effectivement. Merci.
     Permettez-moi de vous poser une question générale à tous les trois. Vous avez tous beaucoup d’expérience en affaires internationales; vous avez travaillé au ministère des Affaires étrangères et ailleurs, au cours de vos carrières. Avez-vous pensé à cette possibilité par le passé? En avez-vous parlé entre vous et avec d’autres membres de la communauté internationale? Avez-vous été le moindrement surpris que cela se produise? Vous pourriez peut-être nous dire depuis combien de temps on discute de cette question, depuis combien de temps cette idée circule au sein de la communauté internationale, ici, au Canada.
     Qui désire commencer?
    Je ne suis pas surpris. Je me disais que cela allait arriver à un moment donné. Il est vrai que le conseil supérieur a fait des recommandations, il y a cinq ou six ans, pour améliorer la cohérence des politiques, pour encourager une vision stratégique et, chaque fois, nous nous disions que cela serait bien que ces trois se réunissent chaque semaine, dans la même salle, pour se pencher sur leurs problèmes et en arriver à un consensus. Cela fait quelques années que nous nous disons cela et je crois qu’il est important que ça se passe maintenant.
    Monsieur Chapin.
    Je pourrais préciser ici que, dès que l’ACDI est devenue une agence par décret, cela l’a en quelque sorte immunisée contre le reste du gouvernement? Le reste du gouvernement a ensuite eu beaucoup de mal à traiter avec l’ACDI, sauf peut-être à des niveaux plus élevés ou sur le terrain. Je sais, de par le temps que j’ai passé comme responsable aux Affaires étrangères et comme directeur général aux Affaires étrangères et dans des ambassades, qu’il a toujours été fâcheux de voir que le gouvernement du Canada n’était pas capable de faire preuve de cohérence, de combiner ses ressources et de faire certaines choses à l’unisson.
     En un sens, cela a mis du temps à arriver, mais cela a fait l’objet de réflexions, probablement depuis la création de l’ACDI, avant que quelqu’un aux Affaires étrangères se dise: « Mais quelle est cette idée farfelue? »

  (1230)  

    Est-ce que les membres de la communauté des ONG canadiennes devraient être surpris par tout cela?
    Je pense que l’on en parle depuis longtemps. Si je remonte en arrière, le bureau d’aide extérieure faisait partie des Affaires étrangères. Nous avons participé au Plan de Colombo, sous l’ancien ministère des Affaires extérieures. Ce n’est pas comme si cela n’en faisait pas partie, avant d’en être séparé. Encore une fois, nous sommes en train de parler des compartiments.
     Dès mon arrivée, on en a également toujours débattu, même au sein de la communauté du développement. Il s’agit simplement de demander comment est-ce que l’on peut — pour être direct — en avoir le plus pour son argent et comment est-ce que l’on peut s’assurer que la politique étrangère intègre toutes les différentes positions?
     Cela s’imposait depuis longtemps et me semble très logique, tant et aussi longtemps que l’intégration se fait rapidement, pour ensuite passer à l’aspect politique des choses.
    Il faut procéder correctement et avec prudence, à mon avis. Dans tous les cas de fusion, entre deux grandes organisations, il s’agit uniquement d’une question d’administration de l’intégration et de relations personnelles. Je suis certain que l’on y accordera de l’attention.
     Est-ce que vous avez d’autres commentaires, messieurs?
    J’ai simplement une chose à dire, si vous me permettez de répondre à un commentaire fait par M. Dewar, il y a quelques instants.
     Bon sang, nous avons besoin d’une politique étrangère que les gens comprennent et dont ils peuvent discuter. Cela n’a pas besoin de se faire éternellement. Il ne s’agit pas de la parole d’évangile, mais il faut la préciser régulièrement, notamment lorsqu’il s’agit d’un nouveau gouvernement pour que tout le monde comprenne le message et saisisse ce qui est important.
     Je pense que si vous jetez un coup d’oeil au rapport du vérificateur général qui est sorti il y a environ deux mois, si vous regardez où l’argent est investi en termes d’aide au développement international, c’est l’ACDI qui en reçoit une bonne part. Ensuite, il y a encore une demi-douzaine ou une douzaine de ministères qui reçoivent également de l’argent. Mais il y a une colonne, dans le rapport du VG, qui indique combien de cet argent est en réalité transféré à des institutions internationales, surtout onusiennes ou ayant trait à l’ONU. Sur un total de 5,1 milliards de dollars, cela représente près de 3 milliards de dollars.
     Ici, nous sommes en train de parler de réorganisation et de la façon dont on peut faire face aux 2,1 milliards de dollars restants. Nous devons examiner très sérieusement l’architecture internationale dont nous nous servons, car si nous voulons réduire la pauvreté, le Canada sera capable de faire tant, mais le système onusien et tous ces organismes sont ceux qui détiennent la réponse. Nous devons donc faire preuve de plus de diligence dans nos échanges avec ces institutions et, le cas échéant, aller jusqu’à les menacer de les quitter et d’aller voir ailleurs avec notre argent. Si nous voulons aborder les choses en fonction des résultats et si nous voulons vraiment atténuer la pauvreté, nous pouvons y arriver, tout comme nous pouvons éradiquer la polio et bien d’autres choses, si nous y mettons du nôtre, mais pas si nous maintenons la même vieille approche.
    Il semble que vous nous ayez donné l’occasion de discuter, ultérieurement, du type de grandes organisations que nous pourrions étudier.
     C’est tout le temps dont nous disposons.
     Je sais que Mme May est venue et désire poser une question. Pour ce faire, nous avons besoin du consentement unanime. J’ai besoin du consentement unanime du comité pour que Mme May puisse poser sa question. Sinon, nous avons terminé.
    En sommes-nous arrivés aux travaux du comité?
    Pas encore, mais cela ne saurait tarder. Nous allons d’abord suspendre la séance, mais Mme May voulait venir poser une question. J’ai besoin du consentement unanime du comité pour qu’elle puisse le faire.
    Non.
    Très bien.
     Chers témoins, merci beaucoup pour votre présence. Nous avons eu d’excellentes discussions aujourd’hui. Nous tenons à vous remercier chaleureusement.
     Nous allons suspendre la séance et nous reviendrons pour traiter des travaux du comité.
     Merci beaucoup.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU