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Bonjour, tout le monde.
Conformément à l’article 108(2) du Règlement, nous étudions l’objet des articles 174 à 199, Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, du projet de loi .
Je souhaite la bienvenue à nos témoins du jour et je les remercie beaucoup d’être là malgré un court préavis.
Il y a Paul Chapin, qui témoigne à titre personnel.
Il y a Colin Robertson, vice-président et agrégé supérieur, du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute.
Finalement, il y a Lucien Bradet, président et directeur général, du Conseil canadien pour l’Afrique.
Nous entendrons d’abord Paul Chapin.
Nous allons ensuite passer à nos remarques et faire suivre par les questions. Nous avons une heure et demie à notre disposition. Je crois que chacun d’entre vous veut prononcer une déclaration préliminaire de 10 minutes. Si l’on respecte cet horaire, nous serons en mesure de répondre à un certain nombre de questions durant la dernière heure.
Paul, je vous donne la parole.
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Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs.
C’est un honneur pour moi d’être ici aujourd’hui. J’ai travaillé autour de 30 ans au ministère des Affaires étrangères, en grande partie dans le secteur de la sécurité internationale, mais j’ai aussi exercé dans d’autres ministères. J’ai servi de conseil pendant quelque temps. J’ai occupé le poste de vice-président du Centre Pearson pour le maintien de la paix. Dernièrement, je me suis associé à l’Institut de la Conférence des associations de la défense. Par conséquent, j’espère donner une grande perspective, tant du point de vue du secteur public que sous l’angle du secteur privé, de ce que je considère comme une question très intéressante.
D’après ce que je comprends de la situation, je tire cinq conclusions. Permettez-moi de vous les expliquer brièvement, pour ensuite les préciser.
La première conclusion que je dégage, c’est que le gouvernement a désormais l’intention de donner la priorité au développement international plutôt qu’au soulagement de la misère dans sa politique d’aide canadienne. Le développement international désigne un concept plus large qui inclut le soulagement de la misère, mais je crois que la réorientation se fait par voie de conséquence.
Deuxièmement, il est question d’une structure qui est un ministère ayant trois secteurs d’activité, et non de trois ministères sous un même toit.
Troisièmement, si ça doit marcher, il faut un même scénario de quelque espèce. Le gouvernement du Canada doit formuler une stratégie des relations internationales qui explique le cadre plus large dans lequel ces trois secteurs d’activité vont s’inscrire, individuellement et collectivement.
Quatrièmement, je sais que ce fut contesté, mais rien ne permet de croire qu’il est question d’une prise de contrôle non sollicitée de l’ACDI par les Affaires étrangères. Je pense que tout le monde y gagne et je ne pense pas qu’adopter une vision inutilement négative de la situation soit particulièrement constructif.
Finalement, au bout du compte, et cela m’est inspiré par mon expérience de conseil, les gens vont faire le nécessaire pour que ça marche. Une structure et un réaménagement ne suffiront pas.
Permettez-moi de traiter brièvement de ces cinq points. Les dispositions transitoires énoncées dans le projet de loi sont plutôt simples, et il n’est pas nécessaire que je m’étende sur le sujet aujourd’hui.
Cependant, le langage utilisé me laisse croire que l’effort d’aide fait l’objet d’un important recadrage, ou du moins que les 4 milliards de dollars qui constituent traditionnellement le budget de l’ACDI sont placés dans un cadre de développement international plus large, au lieu de l’axe plus traditionnel du soulagement de la misère ou de réduction de la pauvreté suivi par l’ACDI. À la lecture de l’énoncé de la mission de l’ACDI, si vous examinez la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle du Canada, vous constaterez un très fort parti pris en faveur du soulagement de la misère. Dans ce projet de loi, je vois une remise en question au-delà du soulagement de la misère en vue de mettre l’accent sur un programme de développement international plus vaste.
Deuxièmement, ce qui est proposé fondamentalement, c’est le repositionnement d’un actif fédéral important. L’ACDI, avec son personnel très efficace et son très gros budget, doit être mise au service d’une stratégie internationale fédérale plus large pour entretenir les relations étrangères des Canadiens dans un contexte plus général.
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi, à mon avis, certaines suggestions faites lors de la présentation précédente sont quelque peu dans l’erreur. J’ai vu dans le projet de loi que les attributions du ministre des Affaires étrangères ont été élargies par rapport à ce qu’elles étaient en vertu de l’ancienne loi constitutive du ministère. Dans les lois précédentes, la tâche du ministre consistait à assurer la tutelle de l’ACDI. Elle consiste maintenant à favoriser le développement international, la réduction de la pauvreté dans les pays en voie de développement et l’aide humanitaire.
Les fonctions du ministre sont passées de la tutelle d’un corps constitué ou d’un organisme extérieur à la participation directe à la définition des politiques et de programmes. Je crois que les attributions dorénavant dévolues au ministre des Affaires étrangères sont également celles du nouveau ministre du Développement international, non de la Coopération internationale.
La clarté du texte de loi nous fait comprendre que les ministres du Développement international et du Commerce international doivent seconder le ministre des Affaires étrangères et fonctionner avec l’accord de ce dernier. Il n’y a donc aucun doute dans mon esprit que les trois ministres jouissent d’un même statut. Cette impression est renforcée à la lecture des attributions conférées aux sous-ministres — la même hiérarchie ressort de cette discussion. Donc, au final, nous avons un ministère avec un ministre et un sous-ministre, lesquels sont aidés d’autres ministères et d’autres sous-ministres.
Le troisième point, c’est que, pour que ça fonctionne, le gouvernement doit exposer clairement, du moins en termes généraux, ce qu’il entend faire, pas nécessairement grâce à la restructuration, mais dans son programme de travail international. Cette énonciation reste à faire sous une forme autre que les exposés périodiques du premier ministre dans une allocution prononcée devant une assemblée internationale.
Je ne crois pas que cette énonciation soit l’affaire d’un jour. À leur arrivé au pouvoir, les gouvernements élus démocratiquement ont le droit de présenter leur vision de l’avenir, en fait on s’attend à ce qu’ils le fassent. Cette vision peut bien différer, quant au fond ou quant à la forme, de celle de leur prédécesseur. Je crois que c’est là une bonne chose dans une démocratie. Le génie du processus démocratique réside dans la possibilité, pour la population, de changer d’avis ou de modifier la direction du pays au gré de sa fantaisie.
Je ne préconise donc pas un énoncé définitif de la politique internationale. Je recommande le début d’une pratique selon laquelle les nouveaux gouvernements présentent leurs politiques. Ils ne sont pas obligés d’effectuer une grosse révision des politiques toutes les fois, mais ils devraient au moins présenter ce qu’ils ont l’intention de faire.
Pourquoi je ne crois pas que l’on soit en présence d’une prise de contrôle non sollicitée? D’abord, je ne crois pas que l’ACDI ait jamais appartenu à quelqu’un d’autre que le gouvernement et la population du Canada. Elle n’est pas une possession des personnes qui y travaillent. Ensuite, je crois que l’ACDI a beaucoup à gagner de cette fusion. Son budget a augmenté, mais je ne suis pas sûr que sa réputation au pays ait crû beaucoup au cours des ans, même au Parlement. À mon avis, une des raisons qui expliquent ce fait vient de la tendance de l’ACDI à adopter une position qui ne tient pas vraiment compte de ce qui se passe ailleurs.
Comme l’a écrit notre collègue Scott Gilmore, dans le magazine Maclean's, je crois, un jour, alors qu’il discutait avec un agent de dotation de l’ACDI, ce dernier a fait la réflexion suivante: « C’est peut-être une priorité du gouvernement du Canada, mais ce n’est pas une priorité de l’ACDI. » C’est ce genre d’état d’esprit qui imprègne une grande part de la pensée de ce que l’ACDI croit être sa place dans l’univers.
Je crois que son intégration dans la nouvelle structure ramènera l’ACDI dans le circuit normal. Cela veut dire qu’elle peut prendre part à un jeu plus imposant et aspirer à jouir d’une influence extraordinairement accrue dans le domaine de son secteur d’activité. Je crois aussi que le gouvernement en général est gagnant. Nous avons beaucoup parlé des trois « M » et des opérations pangouvernementales. L’actuel projet permet d’abattre les silos bureaucratiques qui empêchent de concrétiser ces aspirations.
Permettez-moi une remarque au sujet de la marque de l’ACDI et de l’image publique de l’ACDI. Je considère qu’il serait malheureux qu’elle disparaisse. Elle a attiré beaucoup d’honneur au Canada au cours des années. Donc, malgré la réorganisation et la fusion, je crois qu’il faut chercher un moyen de faire connaître l’ACDI à l’échelle internationale. Au moins deux exemples me viennent à l’esprit: USAID et AusAID. Pourquoi ne pas envisager CanAID? La structure dont nous parlons pourra sans aucun doute accueillir cette nouvelle marque.
Pour terminer, les réaménagements sont dangereux. Ils visent à améliorer les choses, mais les perturbations qu’ils provoquent et les pertes de productivité qu’ils entraînent sèment la pagaille la plupart du temps. D’après mon expérience, il est préférable de permettre aux bonnes gens de contourner la mauvaise structure plutôt que de tenter de réparer la structure. Par ailleurs, une nouvelle structure est proposée et je pense qu’il faut s’assurer d’avoir les bonnes personnes en place pour que la transition soit un succès, et ensuite vous devez obtenir que les bonnes personnes se consacrent à travailler la nouvelle structure.
Merci, monsieur le président.
Je m’appelle Colin Robertson. J’ai travaillé aux affaires étrangères du Canada pendant plus de 32 ans. À l’heure actuelle, je suis vice-président du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute et conseiller principal chez McKenna Long & Aldridge, un cabinet d’avocats de Washington. C’est par leur entremise que je travaille avec le Conseil canadien des chefs d’entreprise. Mes activités bénévoles comprennent le conseil d’administration de Jeunesse Canada Monde, organisme qui est subventionné par l’ACDI.
Ceci étant dit, les remarques que je vais exprimer sont personnelles et ne représentent d’aucune façon le point de vue de ces organisations.
Je suis favorable à la réintégration de l’ACDI et des Affaires étrangères dans le Commerce international, parce que je considère que l’union des trois leviers politiques cruciaux que sont la diplomatie, le commerce et le développement permettra une plus grande cohérence des politiques en matière de défense des intérêts canadiens à l’étranger et de promotion des résultats du développement. Je crois que le lien entre développement, diplomatie et commerce fonctionne très bien et c’est le principe que nous tentons d’appliquer de retour au Canada, mais sur le terrain, ce que j’ai pu observer, c’est qu’il arrive que l’ACDI fonctionne à part. À mon avis, cette attitude ne servait pas nos intérêts internationaux et souvent déconcertait en particulier les personnes avec lesquelles nous transigions.
Le problème à court terme, et Paul en a parlé, consiste à déterminer de quelle manière assurer le succès de l’intégration de l’ACDI dans le MAECI.
L’expérience vécue de la restructuration n’est pas encourageante. La cession et la réintégration ultérieure du volet commercial du ministère au début des années 2000 ont miné les forces. Les meilleurs talents ont été utilisés non pour promouvoir l’intérêt national, mais pour déplacer des boîtes dans le cadre d’une odyssée bureaucratique plutôt pénible et drainante.
Un développement qui crée les conditions qui rendront inutile l’aide au développement constitue le résultat recherché. Une collaboration plus étroite avec le secteur privé, toujours un thème au coeur de nos objectifs en matière de politique internationale, devrait être renforcée en même temps que la réintégration de l’ACDI dans le MAECI.
J’ai regroupé les questions que je vais vous poser dans quatre corbeilles, soit la responsabilisation, la politique étrangère, le commerce et les valeurs et intérêts.
En ce qui concerne la responsabilisation, est-ce que le MAECI sera prêt à gérer un budget qui aura quintuplé? C’est une augmentation de taille. Je vous renvoie aux travaux de Barry Carin et de Gordon Smith, deux anciens employés du ministère qui sont actuellement à l’emploi du CIGI à l’Université de Victoria, où ils travaillent sur le fonds de développement du millénaire. Ils cherchent à définir une norme en matière de reddition de comptes qui permettra de s’assurer que l’on en a pour son argent dans le domaine de l’aide au développement et je pense que c’est là une question à laquelle il faut prêter attention.
Avec des crédits augmentés de 4 milliards de dollars dans ses goussets, est-ce que la culture du nouveau ministère saura le rendre capable de remplir sa tâche?
L’ACDI a fait siens les rapports axés sur les résultats et les données ouvertes. Est-ce que le nouveau ministère va adopter cette approche?
La difficulté que pose l’intégration, c’est de la réaliser sans nuire aux opérations ni limiter le développement de politiques, un problème toujours présent dans quelque intégration que ce soit. En tant que membres de ce comité, vous devez obtenir du ministère qu’il vous remette un calendrier de réintégration, jalons compris, et qu’il vous fasse part de qui, de quoi, de quand et surtout du pourquoi de tout cela.
La deuxième corbeille concerne la politique étrangère. Il ne suffit pas de dire que nous allons mettre en adéquation le développement et nos intérêts en matière de politique étrangère; de ce fait, allez-vous effectuer une révision de notre politique étrangère? Prenons l’exemple des technologies de l’information: dans le système du MAECI, les missions diplomatiques en Afrique sont placées en bout de liste pour les mises à jour et les modernisations; à l’ACDI, leur place est au haut de la liste, et avec raison. Que fait-on pour concilier les priorités?
Au niveau de la politique étrangère, est-ce que l’intégration de l’ACDI bouleversera les priorités du Canada en matière de politique étrangère sur le plan géographique? Est-ce que l’Afrique, par exemple, sera au coeur de la prochaine génération de relations mondiales du Canada? Comment traite-t-on dorénavant avec la Chine? La Chine cesse de recevoir de l’aide au développement de la part du Canada et devient elle-même un joueur sur l’échiquier du développement. Comment allons-nous travailler avec la Chine, après l’avoir aidée à atteindre un certain niveau de développement?
Sur le front du commerce, comment le nouveau ministère abordera-t-il le secteur privé et les mouvements de capitaux? Est-ce que l’intégration permettra de conclure des ententes commerciales visant à faire gagner plus d’argent à une population et à créer des emplois grâce à l’exportation vers le Canada?
Le Canada est un pays exportateur, donc trois politiques fondamentales sont nécessaires, soit la promotion des échanges commerciaux, une politique commerciale visant le libre échange et des négociations commerciales.
Nous manquons de ressources du côté des négociations commerciales, alors même que le reste du monde baigne là-dedans aux niveaux bilatéral, régional et mondial. Le premier ministre, bien sûr, se trouve à Cali aujourd’hui pour discuter de nouveaux pourparlers commerciaux et parler d’une alliance des pays sur la côte Pacifique. Encore une fois, je considère que c’est bien, mais nous n’avons pas les capacités nécessaires. Les équipes de négociations commerciales ont besoin du concours constant du secteur privé et cet élément demeure faible, contrairement à ce qui s’est passé lors de l’accord de libre-échange et de l’ALENA, sur lequel j’ai travaillé, à l’occasion duquel nous avions un système très solide de consultations avec divers secteurs. Le secteur privé, pour sa part, doit vraiment intensifier ses efforts. Il pourrait faire plus du côté des partenariats public-privé. L’apport d’idées nouvelles et de pratiques exemplaires constitue un exemple pratique de ce que la communauté des affaires pourrait apporter à la table des négociations et je vous invite à examiner, par exemple, le travail accompli aujourd’hui même par le Conseil canadien des chefs d’entreprise aux fins du rayonnement de l’ère du Pacifique.
Pendant que les négociations commerciales se poursuivent, notre aide au développement à l’étranger devrait renforcer notre position sectorielle à l’échelle internationale, dont les droits des jeunes, des femmes et des administrations locales. Le dossier du Bangladesh et du secteur du vêtement est un bon exemple à cet égard.
Quant à nos valeurs et à nos intérêts, je les considère comme importants, mais je les place en bas de ma liste de questions, et l’intégration de l’ACDI vérifie si nos valeurs sont en fait des intérêts déguisés. Prenons par exemple la situation des femmes et des jeunes filles. Tout État qui ne se préoccupe pas de la condition des femmes et des jeunes filles ne saurait être prospère ou sécuritaire. Est-ce que l’intégration fait avancer nos intérêts de politique étrangère autres que géographiques dans cette direction avec une plus grande fermeté? Est-ce que le Canada a dorénavant d’autres choix que celui d’accroître l’aide au développement?
Regardons par exemple la Grande-Bretagne et le Japon. Malgré les coupures budgétaires de ces deux gouvernements, chacun a augmenté son aide et son soutien à l’étranger, en particulier pour les organisations de jeunes. Le Japon a mis en oeuvre un nouveau programme d’échanges avec 41 pays, dont le Canada. À mon avis, les échanges jeunesse sont le meilleur moyen de convaincre, car ils relaient une image de marque mondiale du Canada chez les jeunes. Après tout, notre pays est jeune. Cette démarche, à mon avis, est le premier pas vers ce qui constituera les tendances et les marques des entreprises canadiennes. Pour faire cela, je crois qu’il nous faut adopter l’attitude volontariste qu’on est capable de le faire, que le podium est à nous, comme ce fut le cas lors des Olympiades de 2010.
L’ancienne ACDI comptait peut-être trop sur le secteur bénévole et communautaire pour traduire les valeurs canadiennes dans le travail de lutte contre la pauvreté dans le monde. Leur collaboration, par ailleurs, et en particulier dans le secteur minier, a montré que les partenariats public-privé peuvent être bénéfiques à toutes les parties concernées.
Je répète qu’à mon avis, vous devez assigner au nouveau ministère la tâche d’élaborer une stratégie de marque de manière à ce que ces démarches soient non seulement coordonnées à l’étape de l’exécution, mais également facilement perçues et comprises par et dans le système canadien. Il importe que les Canadiens sachent ce que nous faisons du côté de l’aide au développement. Les Suédois font bien cela, tout comme les Australiens et les Américains.
Je crois qu’il est logique d’instaurer des partenariats avec des entreprises nationales et des pays où nous sommes actifs. On n’a qu’à regarder le modèle allemand. Nous pouvons et devrions envisager du financement par EDC. C’est canadien de façon créative.
Pour terminer, la réintégration de l’ACDI dans le MAECI a du sens pour assurer une meilleure cohérence administrative, mais plus vite ce sera terminé, plus tôt on pourra passer au développement de politiques, ce qui constitue l’objet premier des Affaires étrangères. Pour l’instant, l’accent doit être mis sur l’efficience administrative du nouveau ministère et, une fois que cela sera au point, on s’occupera de l’offre de programmes qui mettent en lumière nos valeurs et reflètent nos intérêts nationaux.
En ce qui concerne la politique étrangère elle-même, la question sera soulevée une autre fois.
Merci.
:
Monsieur le président et membres du comité, merci beaucoup de nous avoir invités.
[Traduction]
Le Conseil canadien pour l’Afrique, si vous ne savez pas ce que c’est, a été créé il y a 12 ans environ. Nos membres ont un même objectif clair, soit le développement économique de l’Afrique. La grande entreprise, la petite entreprise, les universités, les collèges, l’Association des collèges communautaires du Canada, les gouvernements provinciaux du Québec, de l’Alberta et de l’Ontario ainsi que des organismes du gouvernement fédéral, soit EDC, l’ACDI et le MAECI, en sont membres. Quel que soit leur nom, ils sont à la table parce qu’ils croient très fort dans le développement économique.
L’aide au développement officielle, la diplomatie et le commerce sont les trois piliers de notre place dans le monde. Le Canada se classe bien sur l’échelle de l’aide au développement officielle — peut-être pas assez bien pour certains, mais il se classe encore pas mal bien. Sur le plan diplomatique, le Canada n’est pas une superpuissance, et ne le sera jamais, je suppose, mais notre rôle au sein des pays du G8 et du G20 nous a donné du poids. Si ce n’était des échanges commerciaux, il faut admettre que le pays éprouverait de sérieuses difficultés.
On pourrait prétendre que la fusion est inutile, puisque notre réussite est tellement grande. Au cours de la dernière décennie, un nouveau paradigme mondial a évolué et ce dernier veut que les gouvernements agissent de manière stratégique et définissent des politiques cohérentes.
Il y a quelques années, le Canada pouvait compter sur un marché majeur sûr de ses résultats et du reste, soit les États-Unis. La situation n’est plus la même, du moins dans une certaine mesure. Le Canada pouvait compter sur une augmentation réglementaire des crédits alloués à l’aide au développement officielle. Les crises économiques successives ont changé cela jusqu’à un certain point.
L’Afrique dépendait plus de l’aide que des investissements pour croître et prospérer. Ce n’est plus le cas. En effet, depuis 2006, elle reçoit plus d’investissements que de l’aide au développement officielle.
Il y a quelques années, le Canada n’avait aucune difficulté à se faire élire au Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce n’est plus le cas, peu importe la raison.
Il y a quelques années, la Chine, le Brésil, l’Inde et la Turquie n’étaient pas présents en Afrique.
Il y a 10 ans, la Chine affichait des échanges commerciaux de moins de 10 milliards de dollars; cette année, soit 10 ans plus tard, les échanges commerciaux avec l’Afrique atteignent 200 milliards de dollars. En fait, l’année dernière, la Chine a versé autant d’aide à l’Afrique que les États-Unis, soit 75 milliards de dollars. Peut-être que les modalités ne sont plus les mêmes, mais rien n’empêche que c’est vrai.
Il y a 10 ans, le Brésil était exactement comme le Canada, c’est-à-dire qu’il avait 17 ambassades et des échanges de 2 milliards de dollars. De nos jours, le Brésil a 32 ambassades —le Canada en compte un peu moins — et il a quasiment triplé son commerce avec l’Afrique. Le Canada a doublé son aide au développement officielle en Afrique, mais il a réduit le nombre de pays bénéficiaires, et vous savez, au cours des deux dernières décennies — je dis bien au cours des deux dernières décennies, et non les quelques dernières années seulement —, il a déclaré plusieurs fois qu’une plus grande cohérence entre les diverses composantes de ses activités internationales était nécessaire, mais rien n’a jamais été fait à cette fin. C’est un fait. Deux ou trois gouvernements précédents, je me rappelle, ont affirmé qu’ils allaient accomplir un meilleur travail et qu’ils souhaitaient faire un meilleur travail, mais rien n’a levé, quelle que soit la raison.
Le nouveau contexte oblige le Canada à revoir en profondeur son mode de prise de décisions et son processus de définition de ses stratégies sur la scène internationale ainsi que la façon de veiller à ce que la réduction de la pauvreté et les droits de la personne demeurent au premier rang des priorités.
Plusieurs motifs expliquent mon appui ferme en faveur de la fusion. Premièrement, il est temps que le ministre du Développement international, le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce s’assoient à la même table. Nous n’arriverons jamais à faire ce qu’on veut si ces trois personnes ne se réunissent pas toutes les semaines pour discuter de politiques. Il est également temps que les cadres supérieurs de ces trois organisations travaillent ensemble et qu’eux aussi se rencontrent toutes les semaines pour discuter de ces choses. Vous savez à quel point c’est important. Si quelqu’un est absent, c’est habituellement le perdant, et, dans le cas présent, l’ACDI a été bien des fois le perdant.
Vous ne pouvez pas savoir combien de fois — et ces personnes confirmeront la chose, car elles ont déjà occupé le poste d’ambassadeur — on m’a répondu ne pas avoir été mis au courant d’une nouvelle approche ou politique dont je leur parlais. Des hauts dirigeants m’ont dit cela, et d’autres personnes aussi, ou encore qu’il n’était pas facile de travailler avec eux parce qu’ils ne comprennent pas le cadre général. L’un prenait la gauche, l’autre prenait la droite, mais sans faire exprès, et la structure en place n’aidait pas. Je ne sais plus combien de fois j’ai entendu un ambassadeur canadien me dire que l’aide au développement officielle est très importante, mais qu’il n’a pas grand droit de regard sur la question des priorités et de leur gestion. Il est difficile, voire impossible d’expliquer la chose aux Canadiens, et d’autant plus aux pays africains qui en sont les bénéficiaires.
Il est temps d’associer tous les Canadiens au développement économique de l’Afrique et d’autres pays en développement le font. Les gouvernements, les ONG et le secteur privé ont des responsabilités, mais aussi des occasions d’améliorer les conditions de vie des gens.
Dans le projet de loi, nous saluons la disposition qui énonce clairement que le ministre des Affaires étrangères est également responsable du développement international, au paragraphe 10(2). Je ne reviendrai pas là-dessus, car vous en avez parlé au début. Nous aurons en fait deux ministres responsables au lieu d'un seul, et je crois que tout le monde en sortira gagnant. La mesure est extrêmement positive, car elle empêchera que l'APD soit reléguée à l'arrière-plan dans le nouveau ministère.
Nous estimons toutefois que ce projet de loi accuse une ou deux lacunes. Mes collègues ont failli en parler, mais ne l'ont pas fait, et je tiens quant à moi à être très précis à ce sujet. Il s'agit des crédits parlementaires et affectations budgétaires. C'est une question qui me rend nerveux. D'aucuns se lamentent depuis des années qu'il est difficile de savoir comment l'argent est dépensé à l'ACDI. Je sais qu'il y a un livre bleu et un budget et tout cela, mais nous devons parler réalité. Or, la réalité c'est que les gens sont en train de faire ce genre de commentaires et, peu importe, s'ils le font à tort ou à raison, c'est tout de même une réalité.
Pour commencer, la reddition de comptes est une chose assez complexe compte tenu de la multitude de programmes et des nombreux pays en développement et organisations multilatérales dont il s'agit. Nous savons néanmoins que les affectations budgétaires de l'ACDI sont dépensées par l'ACDI pour la mission de l'ACDI. Les enjeux risquent d'être très graves. Je crois que les Canadiens voudront avoir la certitude qu'il n'y aura pas de zone grise dans le nouveau ministère lorsqu'il s'agira de consacrer des fonds au développement international.
Je suis persuadé que d'autres personnes ayant comparu avant moi auront fait des remarques analogues. Je ne serais pas surpris d'apprendre que la plupart des réserves formulées se rapportent à ce même sujet. L'argent destiné à l'APD sera-t-il écarté et confiné en quelque sorte? C'est là la question. Ce projet de loi n'y répond pas. Certes, le ministre a besoin d'une certaine marge de manoeuvre pour pouvoir gérer comme il faut le ministère, les programmes des ressources humaines et, comme on l'a dit, le commerce et tout le reste. Nous n'avons pas de solution au problème qui pourrait éventuellement surgir dans ce contexte, mais je crois que le comité devrait étudier la question très attentivement.
Le deuxième aspect financier qui m'inquiète un peu est celui de la cohésion politique — et mon collègue en a touché un mot — non seulement au sein du ministère mais aussi à l'extérieur. Je ne sais pas si vous vous rendez compte que 69 p. 100 de l'APD sont dépensés par l'ACDI, mais les 31 p. 100 restants sont dépensés par d'autres entités. En fait il y a six autres ministères et organismes qui dépensent l'argent destiné à l'APD. Ce chiffre va diminuer un peu puisque le MAECI dépense environ 8 ou 9 p. 100, alors il s'agira d'environ 75 p. 100.
Dans la loi, le ministre, et je suis en train de parler du ministre M majuscule, et aussi du ministre du Développement international, alors devrais-je pluraliser... les ministres, donc, devraient, dans la loi, être clairement responsables de l'élaboration du plan annuel global. Vous pouvez parler de stratégie, de planification et de politique, mais je crois qu'il est important de faire cela.
Je recommanderais au comité d'interroger l'ACDI sur les changements qui se sont produits dans les chiffres au fil des ans. Les gens sont nombreux à affirmer que la part de l'ACDI a également rétréci; c'est quelque chose que je ne suis pas en mesure de corroborer, mais peut-être que le comité pourrait poser ces questions aux responsables. Ce chiffre de 69 p. 100 était plus élevé auparavant et il n'a fait que diminuer depuis. C'est un sujet de préoccupation qui mérite notre attention.
Pour finir, monsieur le président, je crois que le message que je puis vous transmettre au nom du Conseil canadien pour l'Afrique, c'est que si nous nous montrons vigilants à l'heure de concevoir et de mettre en oeuvre la fusion — et les gens sont très importants, car la structure ne suffit pas à elle seule — et si tout le monde songe à la réduction de la pauvreté et aux droits de la personne, comme je le fais, et à l'avenir du Canada, comme nous en avons discuté, la qualité du programme diplomatique n'en sera qu'améliorée, je pense.
Si les choses se passent ainsi, l'expansion de nos échanges commerciaux sera elle aussi une bonne chose pour l'Afrique et le Canada. L'aide internationale du Canada, l'APD, aura une incidence beaucoup plus marquée — et c'est ce qu'il nous faut ici — à l'heure de formuler les politiques gouvernementales. La réduction de la pauvreté et les droits de la personne demeureront extrêmement importants pour le Canada. C'est un des principaux atouts de la carte d'affaires qui nous présente aux yeux du monde, mais qui dit carte d'affaires dit participation du secteur privé et d'autres parties prenantes au Canada.
[Français]
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais vous remercier énormément tous les trois d'avoir bien voulu venir témoigner ce matin à propos de cet important sujet. Je dois souligner en commençant que malheureusement, le comité ne peut consacrer que fort peu de temps à un sujet de cette importance, car il a été inclus dans un projet de loi omnibus. Cela nous empêche évidemment de lui donner toute l'attention qu'il mériterait. Par ailleurs, il y a plusieurs témoins que nous n'avons malheureusement pas pu entendre, notamment des femmes. De fait, nous n'avons pas entendu de femmes lors des audiences. Par contre, messieurs, je ne vous en veux pas. Je vous remercie encore une fois de votre présentation.
J'aimerais commencer par M. Robertson.
J'ai grandement apprécié votre présentation vraiment très intéressante. Évidemment, étant une ancienne des affaires étrangères, j'ai bien aimé les références à ce qu'on appelle la people-to-people diplomacy, qui s'est avérée être un outil si important pour le Canada, un outil qu'on devrait continuer à utiliser.
J'ai beaucoup apprécié les questions de niveau de financement aussi, dans l'optique de ce que font les Japonais et les Britanniques. C'est très important.
J'ai trouvé des points très intéressants, entre autres en matière de technologie de l'information. Il est facile de dire qu'on va agir selon les priorités, mais l'ACDI n'a pas toujours les mêmes priorités géographiques. En fait, elle n'a vraiment pas forcément les mêmes priorités géographiques que le Commerce international et les Affaires étrangères. La façon dont cela va s'opérationnaliser risque d'être très complexe, sans compter les différences culturelles très importantes entre les deux ministères. Il faut penser aussi aux outils de gestion. La gestion axée sur les résultats fonctionne très bien quand on gère des programmes. Cependant, quand on essaie de prévenir une guerre, cela ne s'applique pas forcément de la même façon.
Je m'excuse, je parle trop. Tout cela pour dire que j'aimerais bien que vous parliez un peu plus de votre expérience passée, quand on a défusionné, puis refusionné les Affaires étrangères et le Commerce international.
:
Je vous remercie de la question. Je regrette de ne pas être une femme, mais j'espère tout de même pouvoir répondre à votre question.
[Traduction]
L'intégration est toujours très difficile.
Pour ceux et celles d'entre vous qui avez lu le Harry Potter, c'est un peu comme recevoir la visite des « Démenteurs », qui viennent sucer toute l'énergie et rendre les choses très difficiles.
De votre point de vue comme députés, et cela n'a rien de partisan, vous voulez un ministère des Affaires étrangères qui fonctionne de manière efficace. Ce que vous devez faire, c'est de le mettre sur la sellette pour qu'il en soit ainsi. Selon mon expérience, ce qui me ramène non seulement à la réintégration, désintégration et réréintégration du ministère du Commerce dans les années 2000, et bien entendu de l'ACDI et de l'Immigration dans les années 1980, et ensuite il y a eu le retrait de l'ACDI et le volet service extérieur qui a subséquemment été replacé sous l'égide de l'Immigration... Bref, l'expérience m'a appris que ces changements sont souvent mal agencés, ils sont énormément chronophages et nos meilleurs cerveaux, comme je l'ai dit, sont occupés à déménager des boîtes. Ce n'est pas ce que vous cherchez. Cela ne vous sera pas utile. Déplacer des boîtes dans un sens et dans l'autre ne rend pas service à vos électeurs.
Ce que vous devez avoir c'est un programme très clair de la manière dont les choses vont se passer — en somme le qui, que, quoi, où, quand, comment et surtout, le quoi. Qu'essayons-nous de faire et comment est-ce que cela va nous permettre d'atteindre ce que nous, en tant que députés représentant les Canadiens allons...? Comment allons-nous atteindre une politique étrangère?
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Volontiers. Laissez-moi simplement vous dire que j'ai écrit cet article à la table de cuisine dans un condo en Floride à la demande du
Citizen qui m'a parlé de l'existence de ce débat et invité à écrire quelque chose à ce sujet.
J'ai examiné deux exemples de mon expérience personnelle pour voir pourquoi j'avais été déçu dans mon travail avec ce que l'ACDI avait contribué pour m'aider à m'acquitter de la tâche.
Dans le premier cas, c'était à la fin de la guerre froide, la destruction de l'empire soviétique, et l'émergence soudaine d'une vingtaine de petits pays vulnérables, fin prêts à succomber aux anciens mouvements communistes ou à de nouveaux mouvements fascistes.
Je me retrouvais à l'ambassade à Washington à l'époque — je ne sais pas si Colin était là lui aussi en 1989-1990 — et il était clair pour beaucoup d'entre nous qu'il fallait faire quelque chose pour promouvoir les processus démocratiques et économiques dans ces tout petits pays, qui n'avaient le plus souvent aucune expérience en autogestion.
Les demandes d'aide transmises à l'ACDI ont été invariablement rejetées sous prétexte que l'Agence avait sa propre liste de priorités. L'ACDI s'occupait de la réduction de la pauvreté, et même s'il s'agissait là de causes tout à fait louables, elles ne faisaient pas partie des siennes.
Les Affaires étrangères ont donc dû aller chercher de l'argent ailleurs, en présentant des demandes au ministère des Finances et à d'autres organismes encore. Enfin, le premier ministre Brian Mulroney a eu gain de cause. Il a en fait donné un discours annonçant un programme pour l'Europe de l'Est dont personne n'avait vraiment entendu parler à Ottawa.
L'intérêt de l'affaire c'est la manière dont on a contourné le processus politique pour faire démarrer quelque chose, et ce processus a fonctionné assez bien. Le programme s'appelait Renaissance Europe de l'Est et il s'est déroulé pendant huit ou neuf ans avant que l'ACDI n'en assume le contrôle.
Alors, les Affaires étrangères avaient-elles subitement acquis le savoir-faire interne nécessaire pour faire cela? Non. Où est-ce qu'elles l'ont obtenu? De l'ACDI.
En fait, quand l'ACDI était en train de prendre le contrôle du programme, on a assisté à la mutation de nombreuses personnes des Affaires étrangères à l'ACDI. Elles ont traversé le pont pour aller travailler au programme Renaissance Europe de l'Est.
C'est un exemple de la manière dont les différences politiques et les lacunes institutionnelles entre les deux entités ont empêché ce qui aurait été la solution normale. Il a fallu contourner la chose.
La même chose s'est produite en Afghanistan.
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Volontiers. On a pour ainsi dire commencé à songer à l'aide au développement sous un autre jour. Nous avons consacré près d'un billion de dollars à cela, et les résultats ne sont pas ce que nous avions escompté. Alors nous avons demandé aux gens de relever ce qui n'est pas en train de fonctionner.
Dambisa Moyo, Paul Collier, William Easterly et d'autres ont commencé à dire qu'il n'était pas suffisant d'envoyer de l'argent. Ce qu'il s'agit de faire c'est de développer des compétences et ce que j'appellerais des « emplois durables ».
La question c'est que le secteur privé doit jouer un rôle plus important à ce chapitre. Nous avons beaucoup d'investissements étrangers au Canada qui créent des emplois, et nous devrions faire la même chose en Afrique. Le secteur privé est en train de suivre ce cap en ce moment — les emplois qui contribuent au développement durable que nous cherchons à atteindre sont pour la plupart créés par des investissements étrangers, travaillant avec le gouvernement national. Il ne s'agit pas de développement tout court, comme nous avons vu par le passé.
C'est un changement de cap au niveau de la pensée philosophique sur la manière dont nous avons offert l'aide depuis les 50 dernières années. Nous avons beaucoup d'opportunités. Songez à nos sociétés minières, qui sont extrêmement actives. Le premier ministre vient d'annoncer aujourd'hui au Pérou — et il va en faire autant en Colombie — que nous avons des occasions à saisir.
Nous avons une place et une renommée certaine pour peu que nous décidions d'en faire usage. Cela nous mène à la responsabilité sociale des entreprises. Il y a des domaines comme le travail, l'environnement, et le respect pour les femmes où nous pouvons faire changer les choses. C'est plus difficile à faire, mais c'est faisable.
J'aimerais faire un dernier commentaire sur l'intégration. J'ai une suggestion très pratique. Ne laissez pas l'ACDI se cloisonner de l'autre côté de la rivière. À mon avis, il faudrait prendre tous les bureaux chargés de l'Afrique et les mettre ensemble. Prenez le commerce, la politique... Selon mon expérience — et Paul a connu la chose également — quand vous rassemblez les deux, que vous les mettez côte à côte, et nous l'avons fait au début des années 1980, on prend ses repas ensemble, on marche dans les couloirs et on se parle. La pire chose que l'on puisse faire à cette intégration c'est permettre le cloisonnement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Robertson, nous vous donnerons peut-être la possibilité de continuer sur cette question.
Je voudrais être très claire, pour ce comité et pour les gens qui liront peut-être ceci, en disant qu'il y a une différence très nette entre nos actions d'aide humanitaire et nos actions de développement. Je voudrais simplement citer le premier ministre:
Mais lorsque les besoins sont grands et la cause est juste, les Canadiens sont toujours là. Et nous le serons toujours. Car c'est ce que font les Canadiens.
Nous sommes montés au créneau au Sahel, lors de la sécheresse en Afrique de l'Est, en Syrie, en Haïti. Le Canada a été présent lors d'innombrables crises humanitaires, le Canada est encore présent. Allons nous continuer?
Cependant je voudrais avancer une théorie un peu différente, et j'aimerais connaître votre position à ce sujet. Le Canada a énormément contribué. En fait nous sommes l'un des plus gros contributeurs au fonds international. Le recul de la tuberculose et du VIH-sida est significatif partout dans le monde. Nous avons énormément contribué au recul de la polio, la réussite est telle à ce sujet que s'en est presque incroyable. Nous avons mis de l'argent dans le Programme alimentaire mondial, et là encore nous sommes parmi les plus gros contributeurs. L'initiative sur la santé maternelle, néonatale et infantile, qui est un projet directement attribuable au Canada, sauve la vie de mères et d'enfants dans toute l'Afrique. Nous assistons à des taux de mortalité réduits, le taux de survie des bébés atteignant l'âge de cinq ans est en hausse.
Cela ne signifie-t-il pas que nous devons restructurer notre aide au développement parce que nous avons affaire à une génération régénérée? Il ne s'agit plus simplement de bouches à nourrir. Il nous faut envisager les choses à long terme, les compétences, la formation et les possibilités d'emploi, parce que nous avons une nouvelle génération, dieu merci, de jeunes gens vivants qui ont besoin d'espoir et d'avenir.
Avez-vous des commentaires à ce sujet, messieurs?
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins pour leurs commentaires intéressants.
Monsieur le président, pour souligner ce qu'ils ont démontré aujourd'hui par leurs témoignages, il y a, je crois, le fait que le processus dans lequel nous sommes actuellement engagés est insuffisant. Lorsque l'on regarde ce qu'ont fait d'autres pays et la manière dont ils l'ont fait, on voit qu'ils ont pris le temps de le faire correctement. Je veux encore insister sur ce point, comme je l'ai déjà fait auparavant dans d'autres comités sur ce même sujet. Nous avons un projet de loi omnibus devant le Comité des finances, nous n'y touchons pas du tout. Nous n'avons pas la possibilité de le changer ni d'écouter des gens comme vous pour l'influencer. Espérons qu'ils écouteront là-bas lorsqu'ils feront des audiences au ministère des Finances.
Je dis cela en rapport à certains de vos arguments… il faut faire cela correctement. C'est une question de personnes, mais aussi de structure. J'approuve ce que vous avez dit au sujet des gens grâce auxquels cela fonctionne, mais il arrive aussi que des structures empêchent les gens de faire du bon travail.
Je vais commencer par vous, monsieur Robertson, et je crois, monsieur Chapin que vous en avez parlé également. Lorsque l'on prend le type d'approche que nous avons vu avec le Royaume-Uni, en tout cas pour le modèle que je connais, c'est-à-dire d'aligner ses aspirations au développement sur sa politique étrangère, n'est-il pas absolument vital d'avoir une politique étrangère que les gens soient en mesure de comprendre? Je dis cela parce que je crois que c'est le dilemme auquel nous sommes désormais confrontés. Je dis cela sans a priori, croyez-le ou non. Après que nous ayons perdu notre siège au Conseil de sécurité, une des idées que j'ai défendues devant le Comité des affaires étrangères était de permettre à ce comité d'avoir un débat avec les Canadiens sur les orientations à donner à notre politique étrangère. Je mets au défi quiconque autour de cette table de nous dire précisément en quoi consiste notre politique étrangère. Où trouve-t-on cette information sur le site Internet des Affaires étrangères Canada? On entend des discours, on entend des commentaires disant que nous sommes en faveur de la liberté et de la démocratie, comme si ce n'était pas le cas de tout le monde.
Quel est le défi si notre politique étrangère n'est pas d'abord formulée dans cette équation, parce si l'on n'a pas de politique étrangère clairement formulée, est-ce que cela ne perturbera pas cette approche et ne sapera pas toutes les choses positives de ce modèle?
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J’aimerais dire quelques petites choses à ce sujet. Tout d’abord, comme je l’ai souligné dans mon allocution, vous aurez désormais deux ministres responsables. Il leur faudra parler la même langue, car sinon ils risquent d’avoir des problèmes.
Ensuite, les ambassadeurs seront en meilleure posture pour communiquer avec les pays et pour mieux gérer l’exécution des activités. Vous allez dans certaines ambassades et l’ambassadeur vous dit: « Lucien, l’ACDI est ici, je suis là et l’immigration est là-bas » et il y a effectivement un manque de connexion entre tout cela. Cela devrait permettre de résoudre le problème.
Maintenant, le ministre des Affaires étrangères devrait également se prononcer fermement en faveur du développement international. Je pense que le gouvernement a tout à y gagner s’il procède judicieusement et je n’ai aucune raison de penser que ce ne sera pas le cas. Il s’agit cependant d’un plus pour le commerce. Le ministre du Commerce, M. Fast, travaille en étroite collaboration avec le ministre des Affaires étrangères, M. Baird, et lorsque je voyage, je m’en aperçois désormais constamment. Je vois qu’il y a un lien qui n’existait pas auparavant et le ministre Fantino s’y rend également, juste avant ou juste après. Je peux vous garantir que notre réputation est à la hausse en Afrique, grâce à cette exposition. La fusion aidera l’Afrique à mieux comprendre le Canada, car on me dit parfois: « Nous ne comprenons pas. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, ici. » Cela permettra de résoudre les problèmes de communication. Pour ce qui est de la philosophie, je n’en sais rien, mais pour les communications, c’est indéniable.
Nous avons parlé des femmes. La semaine prochaine, nous allons organiser une conférence avec 13 délégations africaines et des femmes d’affaires se réuniront à Toronto pour parler du développement des affaires entre les femmes africaines en affaires et les Canadiens. Tout cela en fait partie. Un des grands commanditaires de cet événement est l’ACDI et le ministre Fantino y sera d’ailleurs présent. Vous voyez la convergence qui se détache, ici, à savoir le commerce, les femmes d’affaires et le développement. C’est justement ce qu’il nous faut intensifier, à l’avenir.
Désolé, mais il s’agit d’une annonce publicitaire.
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Je crois que les avantages seront le fait que l’aide correspondra davantage à la politique générale du gouvernement qui, selon certains, n’est pas toujours claire. Les choses n’en seront que plus claires.
Une des choses que les gens ne savent pas, c’est que 80 p. 100 de nos activités en Afrique se situent dans le secteur du savoir et des services. Savez-vous quoi? Lorsqu’une entreprise s’en va en Afrique, elle fait tout d’abord deux choses. Premièrement, elle trouve un partenaire là-bas, car elle ne peut pas être concurrentielle si elle n’a pas de partenaire. Ce qu’elle fait avec le projet, c’est qu’elle laisse ensuite les connaissances derrière elle, elle crée ainsi de bonnes économies pour le Congo ou un autre pays et cela permet de créer des emplois.
Deuxièmement, elle fait quelque chose de très bon, à savoir qu’elle crée des possibilités d’investissement, comme l’industrie minière. L’industrie minière du Canada a créé 50 000 emplois en Afrique. Cela a rapporté plus que tout autre secteur sur le continent. À mes yeux, c’est très important.
Troisièmement, vous avez parlé d’EDC, il y a une minute. J’espère que les membres du Comité effectueront prochainement des pressions auprès d’EDC pour qu’elle ouvre un bureau en Afrique. C’est le seul continent où elle n’ait pas encore établi de bureau. J’ai une très bonne relation de travail avec EDC, ne vous méprenez pas. Je crois qu’elle est le champion de l’Afrique. Mais il est temps qu’elle élargisse sa façon de voir les choses et qu’elle déclare que c’est l’endroit où faire des affaires.
Cela fait cinq ans, Lucien, qu’ils me disent que ça s’en vient. Eh bien, on attend toujours. Il faut donc s’assurer d’avoir quelque chose, en Afrique du Sud ou ailleurs.
Je pourrais vous parler de cela pendant une heure, je suis désolé. Je m’arrêterai ici.
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Merci. Je partagerai mon temps de parole avec Mme Péclet.
Je voudrais simplement mettre certaines choses au clair, monsieur Robertson. C’est à vous que je vais m’adresser.
Lors de nos dernières audiences, nous avons entendu des témoins nous parler de leurs inquiétudes quant à la concentration des pouvoirs au bureau du ministre des Affaires étrangères et c’est certainement quelque chose que l’on a vu dans des annonces, entre autres.
Vous nous avez dit qu’il fallait nous assurer de ne pas perdre la voix du développement international, ce qui va certainement dans le même sens, et nous comprenons tous la même chose en ce qui concerne notre politique étrangère. Toutefois, dans le projet de loi tel que vous le voyez ici, nous avons « le ministre », ce qui signifie le ministre des Affaires étrangères, puis nous avons les « attributions auxiliaires ». Je comprends certainement — et j’appuie — cette idée de mettre les gens ensemble et de faire converger les choses, mais à l’heure actuelle ce qui m’inquiète, c’est que nous avons un bureau très concentré et que nous avons une structure qui va absorber un autre bureau.
Vous souligniez tout à l’heure la question de l’enveloppe du développement et vous vous demandiez où tous ces fonds allaient se retrouver. À votre avis, comment va-t-on gérer, disons… cette tension créatrice? D’autres personnes auront peut-être d’autres qualificatifs en tête, mais comment peut-on veiller à ce que les choses ne se fassent pas avaler par un seul et même ministère? Je crois qu’il s’agit là d’une préoccupation valable, surtout à la lumière d’un projet de loi structuré comme celui-ci, on se demande comment les choses vont se passer. Qui commandera quoi, en quelque sorte?
Nous avons entendu une autre personne nous dire que les gens au commerce pourraient prendre de la graine des gens de l’ACDI qui font du bon travail au chapitre de la RSE.
Le rapport de Kofi Annan sur l’Afrique qui, j’en suis persuadé, a grandement attiré votre attention, est en quelque sorte une leçon. On ne peut pas regarder uniquement le PIB et les exportations; regarder les résultats. Et cette sensibilité est généralement celle des gens qui travaillent en développement international. Comment peut-on s’assurer de ne pas perdre cette voix importante au sein de la structure?
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Si l’on fait abstraction des personnalités, le projet de loi, tel que je le lis maintenant, fait de la question une partie importante du portefeuille du ministre des Affaires étrangères, lequel exerce la responsabilité globale, ce qui me semble être une bonne chose. On a besoin d’un seul point de contact.
Je crois qu’en ajoutant cela au portefeuille du ministre, ce ministre, par définition, de par le fait qu’il soit redevable devant le Conseil des ministres et devant vous, à titre de parlementaires, doit en tenir compte. Cela devient un élément de plus. Par le passé, si l’on remonte aux années 1980 et 1990, par exemple, lorsque l’on a quelque peu changé les choses et qu’on a ajouté certaines questions au portefeuille du ministre des Affaires étrangères… il ne faisait aucun doute, à l’époque, au début des années 1980, par exemple, que lorsque nous avons fait cela, le ministre des Affaires extérieures de l’époque, Allan MacEachen, se prononçait avec beaucoup d’autorité, car cela faisait partie de son portefeuille.
Je suis convaincu que le ministre actuel, M. Baird, devrait prendre… Il dispose — même s’il n’est pas très étoffé pour l’instant — d’un agenda pour la dignité qui couvre de nombreux éléments qui sont primordiaux pour le développement, à savoir les femmes, les filles et les groupes défavorisés.
Je crois que l’ajout de l’ACDI devrait être décisif, car il ne faut pas l’oublier — et je remonterai jusqu’à Lloyd Axworthy, qui lui aussi a fait changer les choses lorsqu’il était à la tête du ministère, avec son approche du pouvoir discret. Il a tenu compte de tous les aspects des affaires étrangères. D’une certaine façon, vous êtes en train de contribuer à l’arsenal du ministre des Affaires étrangères. Encore une fois, pour citer d’autres pays en exemple, le ministre des affaires étrangères britannique, le ministre des affaires étrangères de bien des pays européens, Hillary Clinton et ce qu’elle a fait — ils ont ajouté la question de l’aide à son portefeuille et elle a considérablement augmenté les résultats, elle s’est engagée plus précisément sur deux questions, dont celle des femmes, comme vous le savez.
Ainsi, ce que je cherche à dire, c’est que le ministre des Affaires étrangères aura cette possibilité, car cela fera désormais partie de ses responsabilités. Cela nous permettra en quelque sorte d’avoir une meilleure...
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J’ai simplement une chose à dire, si vous me permettez de répondre à un commentaire fait par M. Dewar, il y a quelques instants.
Bon sang, nous avons besoin d’une politique étrangère que les gens comprennent et dont ils peuvent discuter. Cela n’a pas besoin de se faire éternellement. Il ne s’agit pas de la parole d’évangile, mais il faut la préciser régulièrement, notamment lorsqu’il s’agit d’un nouveau gouvernement pour que tout le monde comprenne le message et saisisse ce qui est important.
Je pense que si vous jetez un coup d’oeil au rapport du vérificateur général qui est sorti il y a environ deux mois, si vous regardez où l’argent est investi en termes d’aide au développement international, c’est l’ACDI qui en reçoit une bonne part. Ensuite, il y a encore une demi-douzaine ou une douzaine de ministères qui reçoivent également de l’argent. Mais il y a une colonne, dans le rapport du VG, qui indique combien de cet argent est en réalité transféré à des institutions internationales, surtout onusiennes ou ayant trait à l’ONU. Sur un total de 5,1 milliards de dollars, cela représente près de 3 milliards de dollars.
Ici, nous sommes en train de parler de réorganisation et de la façon dont on peut faire face aux 2,1 milliards de dollars restants. Nous devons examiner très sérieusement l’architecture internationale dont nous nous servons, car si nous voulons réduire la pauvreté, le Canada sera capable de faire tant, mais le système onusien et tous ces organismes sont ceux qui détiennent la réponse. Nous devons donc faire preuve de plus de diligence dans nos échanges avec ces institutions et, le cas échéant, aller jusqu’à les menacer de les quitter et d’aller voir ailleurs avec notre argent. Si nous voulons aborder les choses en fonction des résultats et si nous voulons vraiment atténuer la pauvreté, nous pouvons y arriver, tout comme nous pouvons éradiquer la polio et bien d’autres choses, si nous y mettons du nôtre, mais pas si nous maintenons la même vieille approche.