FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 mars 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous entreprenons notre étude de la politique étrangère du Canada pour l'Arctique.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Tout d'abord, nous accueillons David VanderZwaag, qui comparaît à titre personnel; il est professeur de droit et il occupe la Chaire de recherche du Canada sur le droit de la mer et la gestion des océans à l'Université Dalhousie. Bienvenue, David. Merci d'être ici aujourd'hui.
Nous accueillons également John Crump, de GRID-Arendal, conseiller principal, Changement climatique, Centre polaire. Bienvenue, John. Nous sommes heureux que vous soyez des nôtres.
Nous accueillons aussi David Hik; il comparaît également à titre personnel. Il est professeur au département des sciences biologiques de l'Université de l'Alberta.
Par téléconférence, d'Edmonton, en Alberta, nous accueillons Anita Dey Nuttall, directrice associée de l'Institut circumpolaire canadien.
Je vais suivre la liste des témoins; nous allons donc d'abord entendre M. Crump.
Nous allons entendre les exposés et nous aurons ensuite le temps de discuter. Étant donné que certaines personnes ne seront pas présentes, j'ai décidé de combiner les exposés; nous disposons donc de deux heures. Nous allons d'abord entendre les exposés, passer ensuite aux questions, et nous verrons à ce moment-là.
Monsieur Crump, vous livrerez d'abord votre exposé, et nous entendrons ensuite M. Hik, M. VanderZwaag et nous terminerons avec Anita Dey Nuttall par téléconférence.
Monsieur Crump, vous avez la parole. Nous avons hâte d'entendre votre exposé.
Merci beaucoup, monsieur le président. Si j'avais su que nous aurions plus de temps, j'aurais apporté mon exposé de trois heures. Ne vous inquiétez pas, vous aurez droit à la version abrégée.
J'aimerais vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Pour vous mettre en contexte, je travaille pour une fondation norvégienne appelée GRID-Arendal, qui est basée dans une très petite ville de la Norvège appelée Arendal. Nous collaborons avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement. Je travaille pour le Centre polaire, et nous avons plusieurs autres projets concernant l'Arctique.
En ce qui concerne mes antécédents, j'ai été journaliste dans le nord et le sud du Canada. J'ai vécu au Yukon, et deux de mes enfants sont nés là-bas. La plus grande partie de mon travail pendant ma vie adulte a porté sur les différentes questions stratégiques concernant le Nord.
Avant d'occuper mon poste actuel, j'étais secrétaire exécutif du Secrétariat des peuples autochtones, à Copenhague. Le Secrétariat des peuples autochtones appuie les participants permanents qui sont membres du Conseil de l'Arctique.
Comme je l'ai mentionné, GRID collabore avec plusieurs organismes et avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement. Nous portons le drapeau du PNUE au Conseil de l'Arctique. Le groupe composé du PNUE et de GRID est un observateur au Conseil de l'Arctique depuis sa création. Notre mandat consiste à transformer la science et la recherche en matériel concret qui peut servir aux différents décideurs.
L'un des volets principaux de notre travail est de faire le lien entre l'Arctique et le reste de la planète. En effet, ce qui se produit dans l'Arctique a des conséquences à l'échelle mondiale. Comme vous le savez, aucune région du monde ne se réchauffe aussi rapidement que l'Arctique. C'était d'ailleurs le message de l'Évaluation des impacts sur le climat de l'Arctique, en 2004, et cette information a été confirmée par des centaines d'études scientifiques.
Le PNUE a publié son annuaire il y a environ deux mois, et il contient un chapitre qui examine les dernières découvertes scientifiques sur l'Arctique. J'ai pensé qu'un bref examen de ce chapitre pourrait servir à orienter la discussion d'aujourd'hui. Cela nous aidera aussi à établir le cadre de la présidence du Conseil de l'Arctique que le Canada assurera dans quelques mois.
L'une des principales conclusions publiées dans l'annuaire, c'est qu'en 2012, on a enregistré la fonte la plus étendue de glace de mer pluriannuelle. En effet, la région pourrait être libre de glace à la fin de cette décennie. Une étude qui a été publiée hier prévoit que cela pourrait arriver dès 2015, c'est-à-dire lorsque la présidence du Canada au Conseil de l'Arctique se terminera. L'été dernier, on a trouvé des indices de fonte en surface sur 97 p. 100 de l'inlandsis du Groenland. C'est une augmentation spectaculaire comparativement aux années précédentes.
La fonte de neige et de glace dans l'Arctique est accélérée par les polluants climatiques à courte durée de vie, notamment le carbone noir ou la suie, qui s'accumule sur les surfaces de neige et de glace et absorbe la chaleur. Une diminution des quantités de carbone noir pourrait aider à ralentir le réchauffement de l'Arctique et présenter un avantage important sur le plan de la santé. En effet, on pense que ces polluants causeraient la mort de 2 millions de personnes dans le monde chaque année.
Plus tôt ce mois-ci, une nouvelle étude a démontré que le changement climatique est à l'origine du verdissement de la région arctique, car la végétation est plus fournie à des latitudes de plus en plus élevées. Trente années d'observations par satellite démontrent que les conditions d'aujourd'hui ressemblent à celles qu'on trouvait de 4 à 6 degrés de latitude plus au sud en 1982; cela représente de 400 à 700 kilomètres, selon d'où viennent les mesures. Évidemment, la fragmentation de l'habitat, la pollution, le développement industriel, la surexploitation des ressources fauniques, etc. entraînent tous des répercussions à l'échelle régionale et à plus grande échelle.
Le rétrécissement des glaciers dans la région aura des répercussions importantes sur l'élévation du niveau de la mer dans d'autres régions du monde. La capacité décroissante de la région à servir de système de refroidissement pour la planète aura des répercussions à long terme sur les conditions météorologiques du pays et de partout dans le monde, et c'est peut-être même le cas aujourd'hui. On pourrait débattre la question au jour le jour.
À titre d'exemple, GRID-Arendal est l'un des partenaires principaux dans un programme appelé Many Strong Voices qui fait le lien entre l'Arctique et des petits états insulaires en développement — même s'il s'agit d'une alliance peu probable. Cette alliance a été créée à partir d'efforts collectifs pour sensibiliser les gens aux effets du changement climatique dans ces régions, car le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a déterminé qu'elles étaient les régions les plus vulnérables du monde. Nous avons apporté quelques documents relatifs à ce programme et nous les remettrons à la greffière.
Le message principal de ce programme, c'est qu'il y a un intérêt commun entre les gens qui vivent dans des régions très éloignées. Il reconnaît que les sociétés et les modes de vie dans l'Arctique et les petits États insulaires sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques, en raison de leur lien étroit avec la terre et la mer. Ces régions sont les baromètres des changements environnementaux. Le fait que la population des petits États insulaires souhaite collaborer avec la population de l'Arctique démontre que ce qui se produit dans l'Arctique ne concerne pas seulement l'Arctique.
La politique étrangère du Canada ne peut pas seulement se concentrer sur le Nord; elle doit aussi voir l'Arctique comme étant un élément clé du changement environnemental à l'échelle mondiale. Les politiques stratégiques doivent tenir compte des préoccupations nationales et des obligations internationales.
Au moment où le Canada accepte la présidence du Conseil de l'Arctique, il a l'occasion de devenir un chef de file à l'égard des enjeux liés à l'Arctique qui ont des effets à l'échelle mondiale. À titre d'exemple, j'aimerais examiner trois volets du mandat du Canada.
Tout d'abord, il y a l'appui envers les peuples autochtones. Le Conseil de l'Arctique a été le premier organisme international à inviter les organismes autochtones à la table des négociations. Il a ainsi servi de modèle à l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. Dans de nombreuses régions du monde, on considère qu'il est un exemple à suivre. Les participants permanents, les organismes autochtones au Conseil de l'Arctique, ont parlé de l'Arctique à plusieurs reprises dans les forums internationaux auxquels ils participent, notamment à la réunion du conseil d'administration du PNUE qui s'est tenue le mois dernier à Nairobi.
Le gouvernement du Canada a exprimé son intérêt pour aider à préserver le savoir et le mode de vie traditionnels. Trois des participants permanents au Conseil de l'Arctique sont Canadiens et ont un bureau au Canada. Il s'agit du Conseil circumpolaire inuit, du Conseil arctique des Athabaskans et du Conseil international des Gwich'in. Le Canada pourrait diriger la réflexion pour trouver une façon de valoriser le rôle de ces organismes et d'autres organismes autochtones au sein du conseil. Il y a 10 ans, avec l'aide du haut représentant de l'Arctique et du président du Conseil islandais de l'Arctique, nous avons élaboré une proposition qui aurait assuré un appui financier permanent aux participants permanents. Ce n'était pas beaucoup d'argent, mais malheureusement, on n'a pas fait suivre cette démonstration d'enthousiasme par un engagement réel. Le Canada a maintenant l'occasion d'encourager tous les États de l'Arctique à fournir un financement durable et permanent.
Le deuxième volet concerne les agents de forçage ou les polluants du climat à courte durée de vie. La ministre du Conseil de l'Arctique au Canada a déclaré que le Canada allait faire progresser les travaux sur les agents de forçage du climat à courte durée de vie, par exemple le carbone noir. C'est une déclaration importante. En effet, même si les réductions importantes des émissions de dioxyde de carbone sont toujours au coeur des efforts pour limiter les conséquences à long terme du changement climatique, comme je l'ai dit il y a quelques instants, les réductions rapides des émissions d'agents de forçage du climat à courte durée de vie, par exemple le carbone noir et le méthane, représenteraient la stratégie la plus efficace pour ralentir le réchauffement et la fonte des glaces dans l'Arctique au cours des prochaines décennies.
Le président sortant du Conseil de l'Arctique, c'est-à-dire la Suède, a suggéré que les huit États de l'Arctique deviennent des chefs de file à l'échelle mondiale et prennent des mesures énergiques pour réduire les émissions de carbone noir. Lorsque le Canada assurera la présidence du conseil, il pourra collaborer avec ses États partenaires et les participants permanents pour appuyer l'adoption de mesures rigoureuses par le Conseil de l'Arctique, notamment la création d'un organisme de négociation sur l'adoption d'un instrument circumpolaire visant le carbone noir à la prochaine réunion des ministres. Cet organisme pourrait être chargé d'envisager plusieurs solutions, notamment l'adoption d'une vision commune à l'échelle circumpolaire en ce qui concerne la réduction des émissions de carbone noir, le développement de plans d'action pour la réduction du carbone noir à l'échelle nationale et l'établissement de processus concernant les rapports et les consultations sur les mesures de réduction adoptées à l'échelle nationale, en utilisant le Conseil de l'Arctique comme tribune.
La plupart des pays de l'Arctique sont membres de la Coalition pour le climat et l'air pur qui a été mise sur pied par les États-Unis. Le Canada était l'un des chefs de file dans ce projet. Il y a donc un précédent; les travaux sont déjà en cours. Il est important que le Conseil de l'Arctique soit la figure de proue de ces travaux. Évidemment, il faut aussi mener des travaux sur le carbone noir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
Le troisième volet concerne la prévention des déversements de pétrole. Même si des changements rapides sont en cours dans l'Arctique, la région peut toujours servir de modèle mondial en matière de développement durable. La prévention des déversements de pétrole pourrait faire partie de ce scénario. Selon un document de janvier 2013 qui donne un aperçu des plans du Canada pendant son terme à la présidence du conseil, un instrument international ou une initiative liée à la prévention des déversements pétroliers en mer est la suite logique des travaux actuels du conseil en matière de prévention et de l'accord qui vient d'être négocié sur la coopération dans le régime de préparation et d'intervention en cas de déversement d'hydrocarbures en milieu marin. L'accord exige que chaque pays maintienne un plan d'intervention d'urgence et détermine les régions qu'il faut d'abord protéger sur le plan écologique. Toutefois, dans une lettre envoyée en janvier aux hauts représentants de l'Arctique, plusieurs organismes qui participent au forum des ONG de l'Arctique ont fait valoir que: « L'accord n'engage pas les parties, ensemble ou individuellement, à être mieux préparées par l'entremise d'investissements plus importants et par l'affectation de ressources en personnel et en équipement. »
Les ONG, dont certains sont des observateurs au Conseil de l'Arctique, ont proposé plusieurs améliorations à l'accord dans leur lettre, et ont conclu en encourageant les États membres du Conseil de l'Arctique à adopter un processus qui permettrait de poursuivre les travaux entrepris dans le cadre de cet accord et de combler les lacunes.
Le Canada peut donc jouer un rôle prépondérant dans la solidification du Conseil de l'Arctique par de nombreux moyens. Je viens de décrire seulement trois de ces moyens.
J'aimerais terminer en vous rappelant qu'il y existe un précédent très important. Dans les années 1990, les données canadiennes recueillies par l'entremise du programme national sur les contaminants, combinées à la force morale des peuples autochtones de l'Arctique et à la volonté de tous les États de l'Arctique de participer, ont contribué à la signature de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.
C'est le premier instrument environnemental international qui a banni les substances toxiques et on considère qu'il s'agit d'un précédent important. C'est le résultat de recherches éclairées et de l'alliance des peuples autochtones et des États de l'Arctique, ce qui est toujours possible au Conseil de l'Arctique. Cela a permis de faire progresser la gestion de l'environnement mondial. C'est le genre de réussite qui démontre clairement que ce qui se produit dans l'Arctique a des effets à l'échelle mondiale.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Crump.
Nous entendrons maintenant David Hik. Vous avez la parole pendant 10 minutes, monsieur.
Merci beaucoup, monsieur le président, et j'aimerais remercier les membres du comité de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
J'aimerais d'abord vous donner un peu d'information sur mon expérience. Je suis professeur de sciences biologiques à l'Université de l'Alberta. J'ai passé les 30 dernières années à étudier les écosystèmes et les collectivités de la toundra, surtout au Yukon, mais aussi dans la baie d'Hudson, dans le centre de l'Arctique, au Svalbard et dans quelques autres endroits. J'ai vécu au Yukon pendant quatre ans lorsque j'étais dans la vingtaine. Je dois vous dire que je serais très heureux de retourner vivre dans le Nord si j'en avais l'occasion, même si les hivers sont rigoureux. Je les ai vécus et je les trouve très supportables.
Au cours de la dernière décennie, j'ai aussi beaucoup participé aux organismes et aux activités liés aux sciences de l'Arctique. Pendant cinq ans, j'ai été directeur exécutif du Secrétariat canadien de l'année polaire internationale et je suis actuellement le président du Comité international des sciences de l'Arctique. J'en parlerai dans quelques instants. Je suis le vice-président de l'initiative des réseaux d'observation durables de l'Arctique menée par le Conseil de l'Arctique. Je suis aussi membre de la Commission canadienne des affaires polaires, du Programme du plateau continental polaire et de l'Institut arctique de l'Amérique du Nord.
Grâce à ces réseaux, je pense que j'ai eu le privilège de rencontrer des collègues et des chercheurs de partout au Canada et dans le monde.
Ce matin, j'aimerais surtout parler des différents volets de la coopération internationale en matière de science de l'Arctique, non seulement au sein du Conseil de l'Arctique, mais aussi dans un large éventail d'organismes gouvernementaux et non gouvernementaux qui participent à différents volets de la recherche sur l'Arctique.
Pourquoi s'intéresse-t-on tellement, à l'échelle internationale, à l'Arctique? Eh bien, les États de l'Arctique ont manifestement souveraineté sur les terres et la plus grande partie de l'environnement marin et ils en sont responsables. Il existe toujours une zone internationale au centre de l'océan Arctique, mais tous les États de l'Arctique ont élaboré des stratégies ou des déclarations axées sur l'Arctique qui priorisent la protection et la gestion de l'environnement. Il y a d'ailleurs une convergence très intéressante dans le langage utilisé dans tous ces documents, si vous les examinez dans leur ensemble, et je trouve cela très encourageant.
Évidemment, du point de vue environnemental, l'Arctique est un bien commun. La région fait partie du bien commun international et elle est influencée par les processus internationaux, dont certains ont été décrits par John. Quelques-unes des évaluations les plus récentes sur la cryosphère, l'évaluation sur la neige, l'eau, la glace et le pergélisol menée par le Conseil de l'Arctique qui a été publiée l'année dernière, l'évaluation imminente de la biodiversité de l'Arctique à laquelle le Canada participe par l'entremise du Conseil de l'Arctique, et la prochaine conférence sur l'acidification de l'océan Arctique sont tous des exemples du lien solide qui unit les processus mondiaux aux événements qui se produisent dans l'Arctique.
Par exemple, dans mon propre laboratoire, nous étudions les changements dans les arbustes de l'Arctique et leurs liens avec les chutes de neige. Au cours de la dernière décennie, ces minuscules arbustes de l'Arctique ont dépassé la couche de neige et l'effet de cette découverte est équivalant à celui de l'albédo dans l'océan Arctique, c'est-à-dire l'assombrissement de la surface de la Terre.
En fait, même si les changements qui se produisent dans l'océan Arctique ont reçu énormément d'attention, ceux qui se produisent dans l'hémisphère Nord et dans les régions arctique et subarctique sont tout aussi spectaculaires. Les conséquences sur le cycle du carbone, sur les interactions entre les plantes et les animaux, sur les utilisations de la terre et sur l'infrastructure se matérialisent beaucoup plus rapidement que nous l'avions prévu.
Je pense que l'un des défis émergents auxquels fait face le Canada, et tous les États de l'Arctique, consiste à renforcer les liens entre les processus locaux et les processus mondiaux. Les conséquences de ces changements se font sentir dans de petites régions, mais elles sont étroitement liées à l'échelle mondiale.
À l'échelle mondiale, on a l'habitude de coopérer dans le domaine scientifique. L'organisme dont je suis le président, c'est-à-dire le Comité international sur la science de l'Arctique, a été créé par les huit pays de l'Arctique en 1990, mais il compte actuellement 21 pays membres représentés par leur organisme scientifique polaire national, et des scientifiques de tous ces pays participent aux études collaboratives sur l'Arctique maritime et terrestre, sur la cryosphère et sur l'atmosphère, et aux enquêtes sur les aspects sociaux et humains.
Le Comité international de la science de l'Arctique favorise et encourage la coopération et la collaboration, y compris dans la recherche de financement conjoint et l'utilisation efficace des ressources. Le comité collabore aussi très étroitement avec d'autres organismes qui participent aux recherches sur l'Arctique, notamment l'Association internationale des sciences sociales arctiques, l'Organisation météorologique mondiale, le Conseil international pour la science et, évidemment, le Conseil de l'Arctique.
Il est intéressant de noter que les Canadiens mènent ou mèneront bientôt, dans les prochains mois, tous les organismes internationaux que je viens de mentionner. Cette coïncidence présente peut-être des occasions ou des possibilités intéressantes.
L'Année polaire internationale, que vous connaissez tous d'une façon ou d'une autre, a remporté un énorme succès et a démontré la valeur de la coopération internationale dans l'Arctique. Comme vous le savez, le Canada a investi 150 millions de dollars dans l'API, et il a été un chef de file dans cette initiative. Je crois que cet investissement a produit des résultats très probants. En effet, les nouvelles connaissances scientifiques, les efforts de collaboration, les nouvelles observations, les réseaux d'observation et les outils de gestion et de diffusion des données engagent les résidents du Nord — surtout les peuples autochtones et leur savoir traditionnel — dans le processus scientifique, les activités et la formation de la prochaine génération de scientifiques et de chercheurs par l'entremise de l'Université de l'Arctique. L'Association of Polar Early Career Scientists, un nouvel organisme créé pendant l'API, est devenue un modèle pour encourager les scientifiques en début de carrière à s'intéresser bien plus tôt qu'auparavant à la mise sur pied de programmes scientifiques.
Nous sommes actuellement au stade précoce de la planification d'une nouvelle initiative polaire internationale. Il ne s'agit pas d'organiser 10 API supplémentaires; il s'agit plutôt d'un effort coordonné pour protéger certains des legs les plus importants de l'Année polaire internationale et de chercher à rendre l'utilisation des ressources et des installations existantes plus efficace. Il ne s'agit pas d'obtenir du nouveau financement, mais de chercher comment, en collaboration avec les pays et les organismes qui participent à la recherche dans l'Arctique, nous pouvons mieux utiliser les ressources, discuter des priorités des nouveaux investissements et trouver une façon d'établir des liens entre les chercheurs, les besoins des utilisateurs et les services, par exemple dans le domaine des prévisions météorologiques.
Cela s'applique à l'échelle mondiale. À l'échelle locale, les recherches sur l'Arctique doivent aussi être étroitement liées. Nous avons besoin de leadership, non seulement à l'échelle nationale et internationale, mais aussi à l'échelle locale et régionale. Je crois vraiment que le centre de gravité, du moins au Canada — mais aussi autour de l'Arctique —, se déplace vers le Nord. Au Canada, c'est le résultat des revendications territoriales et du transfert des responsabilités fédérales aux territoires. Par exemple, les trois territoires ont maintenant des conseillers scientifiques qui font partie des organismes centraux et qui ont pour tâche de planifier des recherches axées sur l'investissement et les priorités. Les collèges du Nord — et je sais que des témoins précédents l'ont mentionné — planifient une capacité et des activités de recherche. De plus, les initiatives fondées sur le savoir local et collectif émergent partout dans le Nord, et certaines d'entre elles résultent de l'Année polaire internationale, par exemple l'étude des lacs Old Crow dans le Nord du Yukon.
Je crois qu'il est profitable de discuter non seulement d'une politique scientifique fédérale de l'Arctique, mais aussi de la façon dont partout au Canada, nous pouvons mieux utiliser les ressources dont nous disposons — les ressources humaines, les ressources physiques, les ressources en logistique et d'autres sources de financement pour la recherche.
Aux États-Unis, on vient de publier un plan de recherche quinquennal interinstitutions pour guider l'utilisation de certains de ces investissements. Les organismes des États-Unis viennent de créer un nouveau comité de la National Academy of Sciences pour donner des conseils sur les priorités en matière de recherche pendant les 10 à 20 prochaines années. On m'a nommé membre de ce comité et la première réunion a eu lieu à Washington D.C. le mois dernier. Dans le contexte de la présidence future du Canada et des États-Unis au Conseil de l'Arctique, on pourrait profiter de certaines de ces occasions pour déterminer comment nous pouvons améliorer la coopération bilatérale scientifique de façon à servir aussi nos propres intérêts.
J'aimerais terminer en mentionnant que l'environnement de l'Arctique évolue très rapidement, plus rapidement que nous l'avions prévu il y a seulement quelques années. Je pense que les scientifiques s'entendent tous sur le fait que l'Arctique se dirige vers un nouvel état qui changera le Nord de façon importante, et aussi la planète. Toutefois, notre compréhension de cet enjeu et notre capacité de répondre et de nous adapter à ces changements évoluent aussi. Je pense qu'il faut s'appuyer sur un savoir approprié, approfondi et pertinent. Les quatre piliers de la stratégie nordique du Canada s'appuient sur la science et la technologie, ce qu'on a déjà surnommé « l'anneau qui les unit tous ». Je pense que nous avons la capacité nécessaire pour y arriver. Nous devons seulement veiller à ne pas nous éloigner de cet objectif.
Au cours des prochaines années, nous aurons l'occasion inespérée d'apprendre de nos réalisations passées et de maintenir le Canada à l'avant-scène de la science et de la technologie de l'Arctique.
Merci.
Merci, monsieur Hik.
Nous allons entendre David VanderZwaag, qui est professeur en droit. Vous avez la parole, monsieur.
Merci de m'avoir invité à parler pendant 10 minutes et, je l'espère, provoquer certaines discussions.
Le Canada et l'avenir de la gestion de l'océan Arctique sont au centre de mon exposé. À mon avis, l'image qui représente notre situation actuelle est celle d'une mer de défis. Ces derniers mois, votre comité s'est penché sur un grand nombre de ces défis, mais je crois qu'il pourrait être utile que je vous énumère les 10 défis liés à l'océan Arctique qui sont les plus importants, à mon avis, en matière de politique étrangère. Je pourrais vous en nommer 20, mais j'ai seulement 10 minutes, et je vais donc m'en tenir à 10 défis.
Tout d'abord, il faut faire aboutir les négociations sur l'adoption d'un code efficace et obligatoire en matière de navigation polaire. Comme vous le savez tous, depuis 2009, ce code fait l'objet de négociations continues avec l'Organisation maritime internationale. Il y a de nombreux débats et discussions sur un grand nombre de questions. Quelles devraient être les normes en matière de construction en ce qui concerne la capacité de déglaçage et de renforcement contre les glaces dans l'Arctique? Le système canadien de zonage devrait-il s'étendre à toute la région de l'Arctique et se fonder sur un système qui accorderait ou refuserait l'entrée? Pourrait-il s'étendre à l'Arctique au complet? Quelles devraient être les exigences en matière de formation théorique et pratique pour les officiers de navigation dans les glaces? Et, évidemment, dans quelle mesure les normes s'appliquant au rejet dans l'environnement devraient-elles être sévères?
Dans le cas de l'Antarctique, on ne permet aucun déchargement de pétrole, de substances toxiques ou dangereuses et de déchets, sauf les déchets alimentaires, au-delà de 12 milles marins de la terre ou de la glace la plus proche. La même limite devrait-elle s'appliquer à l'Arctique? Qu'en est-il des eaux usées des bateaux à passagers? En ce moment, la convention MARPOL, c'est-à-dire la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, a établi des normes très peu élevées, car elle permet de disposer des eaux usées non traitées au-delà de 12 miles marins.
Le deuxième défi dont j'aimerais parler, c'est qu'il faut régler les questions de gouvernance liées à la zone du centre de l'océan Arctique qui échappe à toute compétence nationale. Je crois que vous connaissez tous le « trou de beigne » — d'autres témoins en ont parlé — situé au centre de l'océan Arctique et qui ne relève d'aucune compétence nationale; c'est une région de 2,8 millions de kilomètres carrés. Comme vous l'avez déjà entendu, ce n'est pas une région sans lois. En effet, elle est visée par la loi de la Convention sur le droit de la mer, adoptée en 1982. Cette loi accorde des droits en matière de navigation et de pêche à d'autres États, par exemple le Japon, la Corée et la Chine, si ces États souhaitent se prévaloir de ces droits plus tard, mais ils sont évidemment assortis de responsabilités, par exemple la responsabilité de protéger et de préserver les milieux marins et de coopérer avec d'autres États dans leurs efforts de protection du milieu marin.
À mon avis, les États de l'Arctique doivent s'intéresser de plus près à la gestion de la région qui échappe à toute compétence nationale. Quel avenir envisagent les États de l'Arctique: la commercialisation, la conservation ou un mélange des deux? Et qu'en est-il des collectivités autochtones autour de l'Arctique? Quelle est leur vision de l'avenir? À ma connaissance, nous n'avons encore rien entendu à cet égard.
Quelles initiatives supplémentaires en matière de gouvernance devrait-on envisager? Les publications universitaires offrent un large éventail de solutions, par exemple l'imposition d'un moratoire de précaution jusqu'à ce que nous ayons accumulé plus de connaissances scientifiques sur l'écosystème, avant de permettre la pêche commerciale. On a mentionné qu'il serait peut-être nécessaire de créer un nouvel organisme scientifique, ou de faire appel à un organisme scientifique existant, pour favoriser la recherche dans cette région, et peut-être créer un nouvel organisme régional de gestion des pêches pour cette partie de l'océan. Personnellement, je ne crois pas que nous sommes prêts à fonder un organisme régional de gestion des pêches. Certains éminents scientifiques ont laissé entendre qu'il passera beaucoup d'eau sous les ponts avant que nous permettions la pêche commerciale dans le centre de l'océan Arctique, si on la permet un jour, en raison de la faible productivité, mais nous devons en être conscients.
Le troisième défi consiste à veiller à avoir l'infrastructure appropriée pour appuyer la navigation future dans l'Arctique et le développement durable de la région. Je me répète peut-être, car j'ai constaté que d'autres témoins vous avaient dit la même chose, mais j'aimerais le répéter encore une fois: nous devons dresser des cartes marines détaillées. En effet, moins de 10 p. 100 de nos eaux marines sont cartographiées de façon précise dans l'Arctique. Il nous faut suffisamment de ports et d'installations de traitement des déchets, de dispositifs d'aide à la navigation et de services de communication, d'aide au déglaçage et d'équipement d'intervention d'urgence contre la pollution, mais aussi du personnel. Je crois que nous sommes loin d'être prêts à intervenir en cas d'incident grave nécessitant une capacité en recherche et sauvetage dans l'Arctique.
Je reviens donc au point que faisait valoir John Crump. Nous avons ce nouvel accord sur l'intervention en cas de déversement de pétrole, mais cela demeure un problème, car il contient une échappatoire, en quelque sorte; en effet, un article permet aux pays de le mettre en oeuvre en fonction de leur capacité et de leurs ressources.
Encore une fois, on est inquiet lorsqu'il s'agit de prendre les idées élaborées sur papier et de les mettre en pratique.
Le quatrième défi concerne l'identification et la protection des régions importantes sur les plans écologique et culturel dans l'Arctique. L'Évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique en avait fait une priorité en 2009 et, dans l'Arctique, il n'y a pratiquement aucune organisation obligatoire ou même volontaire des routes de navigation; c'est très rudimentaire. Par contre, au nord de la Norvège, on trouve les chefs de file dans ce domaine. En effet, le pays a un système d'organisation des routes de navigation au large de la côte nord de la Norvège, où les grands pétroliers et les cargos de plus de 5 000 tonnes qui font des voyages internationaux sont censés demeurer à 30 milles marins de la côte, afin de protéger les collectivités. Il y a aussi une séparation des routes de navigation dans les régions importantes.
Il y a aussi la côte de l'Alaska, à Prince William Sound, où encore une fois, il y a des dispositifs de séparation des routes de navigation, car la région reçoit de grandes quantités de pétrole, bien sûr, pour l'Alaska.
À ma connaissance, jusqu'à ce jour, les lois du Canada n'imposent aucune exigence en matière de séparation des routes de navigation. Nous avons des lignes directrices qui suggèrent aux navires de demeurer à 10 milles nautiques de Lancaster Sound pendant l'automne, lorsque les mammifères marins migrent dans la région, mais ce sont seulement des lignes directrices.
Le cinquième défi, très brièvement, consiste à veiller à la ratification et à la mise en oeuvre des accords en matière de navigation maritime internationale et d'environnement concernant l'Arctique. Je vais vous donner un exemple. Nous avons une convention sur les eaux de ballast qui date de 2004. Elle n'est pas en vigueur, mais lorsqu'elle le sera, elle est censée exiger le déversement des eaux de ballast dans les eaux profondes, en haute mer, afin de prévenir la prolifération d'espèces envahissantes. On procédera à la mise en oeuvre graduelle de technologies de traitement à bord des grands cargos d'ici 2016 pour tuer les petites créatures, afin qu'elles ne prolifèrent pas autour de l'Arctique. Seulement cinq des États de l'Arctique ont ratifié cet accord jusqu'ici: le Canada, le Danemark, la Norvège, la Fédération de Russie et la Suède, et seulement 36 parties dans l'ensemble, ce qui représente seulement 29,07 p. 100 du tonnage de la flotte mondiale. Nous devons avoir 35 p. 100 de ce tonnage mondial pour mettre l'accord en oeuvre; il y a donc un problème, et je pourrais aussi vous donner des exemples d'autres conventions.
Le sixième défi, et je le mentionnerai brièvement, c'est d'envisager des approches plus proactives en ce qui concerne la gestion des produits chimiques toxiques. Le Programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique, le PSÉA, un groupe de travail, a souligné, dans son rapport sur la pollution arctique en 2009, qu'il y a peut-être plus de 4 300 produits chimiques organiques qui ont des propriétés d'accumulation dans l'Arctique.
Selon le traité mondial sur les polluants organiques persistants, c'est-à-dire la Convention de Stockholm de 2001, nous réglementons et gérons seulement 22 produits chimiques. À mon avis, il est nécessaire d'adopter des approches proactives, et si nous avons le temps, je pourrai vous donner quelques idées. Je n'ai pas le temps d'approfondir pendant mon exposé, mais nous devons vraiment en faire plus en ce qui concerne la gestion des produits chimiques toxiques. Nous n'avons pas réglé ce problème.
J'aimerais ajouter qu'il y a plus de 70 millions de produits et de substances chimiques énumérés dans le Chemical Abstracts Service des États-Unis. Ils n'ont pas d'usage commercial, mais c'est une préoccupation pour l'avenir de la gestion de nos produits chimiques.
Le septième défi concerne la mise en oeuvre de l'approche écosystémique dans l'Arctique. On en parle beaucoup au sein du Conseil de l'Arctique, et quelques spécialistes travaillent en groupe sur la gestion fondée sur l'écosystème, mais nous sommes très loin de la mise en oeuvre d'une approche écosystémique. Nous n'avons pas de réseau de régions marines protégées dans l'Arctique, et ce n'est pas pour bientôt. La convention sur la diversité biologique fixe un objectif international selon lequel d'ici 2020, nous devons établir ce réseau dans différentes régions du monde. J'aimerais aussi ajouter au compte rendu que nous n'avons pratiquement aucune planification intégrée qui traverse les frontières dans l'Arctique. Nous n'avons aucune planification spatiale intégrée visant une région de l'Arctique.
Le huitième défi, très brièvement, consiste à renforcer le financement du Conseil de l'Arctique. John Crump en a déjà parlé, mais nous n'avons pas déterminé de financement stable en ce qui concerne la participation des Autochtones à leur capacité de développement. Il y a aussi d'importants problèmes de capacité et, évidemment, même les projets et les évaluations du Conseil de l'Arctique seront largement financés de manière improvisée et volontaire. Récemment, nous avons bien sûr déterminé, avec le conseil, le financement du secrétariat. Nous avons établi une formule claire, mais il s'agit seulement des coûts du secrétariat liés à l'organisation des réunions.
Le neuvième défi est de décider s'il faut oui ou non interdire l'utilisation ou le transport de mazout lourd à bord des navires qui circulent dans l'Arctique. Depuis le 1er août 2011, ce combustible est bel et bien interdit dans la Zone du Traité sur l'Antarctique, et ce, afin de le garder à distance puisqu'un déversement causerait des problèmes de nettoyage majeurs. En attendant, la Norvège mène une étude sous l'égide du Conseil de l'Arctique pour déterminer s'il en va de même dans l'Arctique. Le rapport, qui devrait être déposé au courant de l'année si tout va bien, proposera des solutions en plus de déterminer si nous devrions prendre des mesures réglementaires supplémentaires à cet égard.
Je pense qu'il me reste encore une minute. Mon temps est-il bientôt écoulé?
C'est vrai.
Grâce à l'Organisation maritime internationale, ou OMI, nous voulons lutter contre les vecteurs de pollution causée par les navires, de carbone noir, d'émissions de gaz à effet de serre et de pollution par le bruit. Voilà les travaux en cours au sein de l'OMI.
Pour conclure, je tiens à dire que je pourrais continuer encore et encore, mais j'espère que nous aurons le temps d'en discuter. Nous avons presque deux heures, apparemment. Mais au bout du compte, une chose est sûre: le Canada et les États arctiques commencent tout juste leur quête d'une gouvernance efficace dans l'Arctique et dans les eaux côtières.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous ne vous voyons peut-être pas puisque vous êtes au téléphone, Anita, mais nous ne vous avons pas oubliée. Je vous invite donc à nous présenter votre exposé.
Anita Dey Nuttall est la directrice associée de l'Institut circumpolaire canadien.
La parole est à vous.
Merci infiniment, monsieur le président.
Je vous remercie d'avoir invité l'Institut circumpolaire canadien de l'Université de l'Alberta à prendre part à la séance. J'en suis la directrice associée. En quelques mots, l'institut fait valoir et soutient la recherche sur le Nord depuis plus de 50 ans au sein de l'Université de l'Alberta. Nous nous intéressons aussi à l'Antarctique depuis peu.
À titre d'information, j'ai fait des études en histoire et en relations internationales, et mes recherches portent surtout sur le rapport entre science et politique dans les régions polaires.
Je vous remercie encore de nous permettre de formuler quelques observations sur la politique étrangère du Canada pour l'Arctique sur le plan environnemental. Je tiens aussi à vous remercier d'avoir accepté que je témoigne par téléphone. J'aborderai deux ou trois grands thèmes dans mon exposé. Puisque je suis la dernière à comparaître, certains de mes arguments viendront naturellement renforcer ceux des témoins précédents.
Le Canada jouit d'une solide réputation internationale concernant les affaires arctiques, qui sera mise en évidence lorsque nous accéderons à la présidence du Conseil de l'Arctique en mai.
En plus des relations entre le Canada et les autres États arctiques, il faut tenir compte du volet international des priorités arctiques canadiennes, c'est-à-dire des relations entre le Canada et les États non arctiques. J'aimerais donc commencer par souligner l'importance des relations entre le Canada et les économies émergentes, comme la Chine, la Corée du Sud et l'Inde, en ce qui a trait au développement durable et aux changements environnementaux dans l'Arctique.
En fait, ces États non arctiques s'intéressent à l'Arctique pour des raisons à la fois scientifiques et économiques. Nous ne sommes pas sans savoir qu'ils aimeraient aussi siéger au Conseil de l'Arctique à titre d'observateurs. La Chine, l'Inde et la Corée du Sud possèdent d'ailleurs des stations de recherche au Svalbard. De plus, ces pays s'intéressent vivement aux affaires arctiques et aux occasions commerciales, surtout relativement aux industries extractives.
Qui plus est, on ne peut passer sous silence la présence de ces pays en Antarctique. En tant que Parties consultatives au Traité sur l'Antarctique, la Chine, l'Inde et la Corée du Sud mènent des recherches scientifiques en Antarctique depuis longtemps et se considèrent déjà comme des intervenants majeurs dans les régions polaires. Le Canada doit se doter de stratégies pour anticiper les occasions et les obstacles à venir au sein des relations bilatérales actuelles et futures entre le Canada et chacun de ces pays.
Les relations commerciales entre le Canada et ces pays font peut-être l'objet de discussions distinctes, mais je pense qu'il vaudrait mieux tenir compte de l'Arctique.
Même s'il n'a rien à voir avec la Chine ou l'Inde, le Groenland est une autre économie émergente à laquelle le Canada devrait accorder la plus grande attention puisqu'il est près de chez nous. Nous avons une frontière commune avec ce territoire. En raison de sa relation avec le Danemark, notre voisin est inextricablement lié aux pays membres de l'Union européenne, qui s'intéressent considérablement à l'Arctique et avec lesquels le Canada entretient d'importantes relations internationales.
Le Groenland est une économie émergente dont l'objectif avoué est d'obtenir son indépendance du Danemark. Le territoire compte accéder à l'indépendance financière grâce à l'exploitation de ses ressources pétrolières, gazières et minérales. L'indépendance économique et possiblement politique du Groenland pourrait avoir de grandes répercussions sur les relations internationales entre celui-ci, le Danemark et le Canada. C'est important sur le plan des sciences et de la technologie, sans compter que le territoire met l'accent sur la recherche ayant trait aux changements climatiques et sur l'éducation pour que les Groenlandais possèdent de nouvelles compétences commerciales et industrielles. On peut donc établir un parallèle étroit entre le Groenland et le Nunavut, au Canada.
Le Canada peut aussi saisir l'occasion pour nouer des liens solides avec le Groenland en matière de commerce et d'éducation. Les sociétés minières canadiennes s'intéressent à ce territoire et y seront sans doute plus actives dans un proche avenir. Dans le secteur de l'éducation, par exemple, l'Université de l'Alberta a noué des liens solides avec des institutions sur place au cours des dernières années.
D'ailleurs, l'Université du Groenland, le Centre de recherche climatologique du Groenland et l'Institut des ressources naturelles du Groenland sont justement en train de mettre au point un protocole d'entente.
J'aimerais préciser que l'Université de l'Alberta est également en train de nouer des liens très étroits avec des établissements chinois et indiens.
Le deuxième grand thème que j'aimerais aborder est le suivant: le Canada a besoin d'une politique scientifique globale concernant l'Arctique et le Nord. Il pourrait également user de diplomatie scientifique dans le cadre de sa politique étrangère pour l'Arctique.
En fait, une politique scientifique concernant l'Arctique et le Nord permettrait au Canada d'encadrer les enjeux environnementaux dans l'Arctique, par exemple. La Stratégie pour le Nord et la politique étrangère du Canada pour l'Arctique reconnaissent toutes deux le rôle important de la science dans une politique solide et dans la prise de décisions éclairées, dans l'avancement de l'engagement international, dans la gérance environnementale et dans le développement de l'énergie et des ressources.
Compte tenu du contexte politico-scientifique, la capacité scientifique polaire et l'infrastructure sont des sources de préoccupations constantes au Canada. Le milieu scientifique a souligné à bien des occasions le besoin d'un point de convergence pour les compétences intellectuelles du Canada dans ce domaine. On s'attarde souvent à la coordination de la recherche et à l'uniformisation de la planification budgétaire en matière de recherche et de logistique.
La Station de recherche du Canada dans l'Extrême-Arctique assurera une forte présence de chercheurs dans l'Arctique canadien au service du Canada et du reste du monde. Or, certains pourraient dire que son vaste mandat préconisant une multitude d'intervenants pose un défi, compte tenu de leurs grandes attentes et de leurs valeurs divergentes, voire contraires, sur l'activité scientifique.
Pour terminer, j'aimerais reconnaître le travail des huit États arctiques ayant mené à la conclusion d'une entente sur la recherche et le sauvetage. Lorsque le Canada présidera le Conseil de l'Arctique, il pourrait jouer un rôle déterminant dans l'adoption d'un Code polaire dans l'Arctique.
Si l'on tient compte de la gouvernance de l'Arctique et de la politique étrangère du Canada pour l'Arctique, il pourrait être avantageux d'adopter un protocole environnemental pour l'Arctique qui s'inspirerait de celui de l'Antarctique. Même si nombreux sont ceux qui doutent de la possibilité de conclure un traité sur l'Arctique ou même de la nécessité de celui-ci, on pense encore qu'il faut de nouveaux régimes juridiques et institutions gouvernementales pour l'ensemble de la région. Un protocole environnemental pourrait énoncer les principes de base entourant l'activité humaine dans certaines régions de l'Arctique, et le Canada pourrait engager les pourparlers à cet égard.
Je vous remercie infiniment de votre attention.
Merci beaucoup.
Nous allons commencer par l'opposition.
Monsieur Dewar, vous avez la parole sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins d'aujourd'hui. Vous nous avez tous présenté d'excellents tours d'horizon et des exposés concis.
Pour faire une analogie avec la culture populaire, monsieur le président, on peut parfois examiner ces enjeux sous l'angle de La guerre des étoiles ou bien de Star Trek.
Personnellement, je suis amateur de Star Trek.
Des voix: Oh, oh!
M. Paul Dewar: Vous savez, certains ont parfois dit que nous serions plus en sécurité si nous déployions notre puissance militaire dans le Nord, à l'image de La guerre des étoiles. Je pense que cette question est réglée. Si je poursuis l'analogie, je pense que la plupart des gens préfèrent désormais une collaboration multilatérale et judicieuse, à l'image de Star Trek.
Je sais que tous les députés ministériels ne voient pas nécessairement les choses ainsi, mais nous y travaillons. Je remarque qu'il faut collaborer à cet égard. Aussi, j'ai constaté que tous les témoins d'aujourd'hui en ont parlé.
Je déplore que nous n'ayons pas pu convoquer nos amis de la Norvège et d'autres pays. Nous avions espoir d'entendre leur témoignage devant le comité, mais nos amis d'en face n'étaient pas d'accord.
Puisque je suis politicien, c'est mon travail d'exprimer mes réserves à ce sujet.
Je vais maintenant poser mes questions aux témoins.
Permettez-moi de commencer par vous, monsieur Crump.
En passant, vous avez oublié de préciser que vous habitiez Ottawa-Centre, si ma mémoire est bonne.
Bien; simple vérification. Je n'étais pas certain si vous y étiez toujours.
Vous avez parlé d'une chose dont la plupart des gens du Sud ne saisissent pas l'importance, à savoir le noir de carbone. Vous avez mentionné la convention de Stockholm et ses « douze vilains »; je pense que c'était leur nom. Pour ceux d'entre nous qui ne prennent pas toujours le temps d'approfondir les mémoires, la convention de Stockholm avait pour objectif d'interdire ces douze polluants organiques persistants.
Compte tenu de ce protocole et des mesures prises au sujet du noir de carbone, envisage-t-on la mise au point d'un autre protocole? Comme vous l'avez dit, il faut des outils de mesure.
J'aimerais vous poser deux petites questions là-dessus. D'où ce polluant provient-il? Que proposez-vous de faire à ce sujet? Vous nous avez déjà parlé des problèmes qu'il cause et de ses effets.
Je pense que deux éléments entrent en ligne de compte. J'ai parlé de la Coalition pour le climat et l'air pur, dont le Canada et d'autres pays arctiques sont déjà membres. Ce groupe déploie des efforts à l'échelle nationale pour sensibiliser le public et diminuer la présence de noir de carbone. Certaines mesures sont donc prises à cet égard. De plus, le Conseil de l'Arctique pourrait créer un « instrument » — puisque les membres n'aiment pas le mot « traité » — qui ressemblerait à l'instrument sur la recherche et le sauvetage et à celui sur le déversement d'hydrocarbures, mais qui porterait sur le noir de carbone. Un tel instrument placerait les États arctiques à l'avant-plan. Ils devraient tous suivre la procédure afin de diminuer la présence de noir de carbone. C'est un problème local dans l'Arctique, et il est possible d'en réduire la présence à certains endroits. Tout le monde y gagne. La portée de l'instrument n'a pas à être internationale, même si ce pourrait être le cas, j'imagine.
Le noir de carbone est une suie produite par des procédés industriels. Les émissions des moteurs diesel, qui ont des conséquences majeures sur la santé humaine, en sont un bon exemple. La question va au-delà des changements climatiques. C'est un véritable problème pour la santé humaine, sur lequel j'aurais probablement dû insister davantage.
Lorsque je suis allé au nord du 60e parallèle, une des choses que j'ai remarquées est l'omniprésence du diesel et ses répercussions considérables sur la santé humaine.
Monsieur Hik, j'aimerais vous poser quelques questions sur vos travaux. Vous collaborez avec nos voisins du Sud. Je trouve que l'échange d'information est un enjeu préoccupant. C'est une critique de l'opposition. Lorsque nous menons des enquêtes et des recherches conjointes avec nos amis du Sud, nous n'avons pas accès à l'information en raison de certaines limites. Si je voulais connaître les résultats des recherches réalisées conjointement par les États-Unis et le Canada, je pourrais les obtenir à partir des États-Unis, mais pas d'ici. Voilà mon reproche.
J'aimerais connaître votre avis sur ce genre d'ententes. Vous avez présenté des idées concernant le travail multilatéral. Vous participez au lancement d'un processus complet aux États-Unis. Vous avez abordé tous les éléments, mais nous devons mieux comprendre les obstacles à surmonter. En ce qui concerne les recommandations que notre comité pourrait soumettre au gouvernement et au Conseil de l'Arctique, quelles sont les mesures les plus importantes que nous devons prendre pour que l'échange de savoir, de données et de recherche scientifique soit plus complet? Comment procéderiez-vous sur le plan structurel?
Il y aurait notamment l'initiative « Sustaining Arctic Observing Network » du Conseil de l'Arctique, codirigé par l'IASC. L'initiative a été approuvée par tous les États du Conseil de l'Arctique, et ce, à trois occasions, par l'entremise de trois déclarations ministérielles. Je pense que nous avons sous-estimé le temps, les ressources et l'engagement nécessaires pour coordonner la recherche, les connaissances et les données. Aux États-Unis, les principaux bailleurs de fonds et les organismes qui dirigent les recherches sur l'Arctique exigent que les chercheurs du gouvernement et des universités diffusent l'information disponible sur différents portails et dans un temps donné.
Il y a un portail de données ouvertes, une vaste initiative nationale. Je crois qu'il y a un consensus, bien que ce ne soit pas obligatoire. J'ai appris récemment que les trois organismes subventionnaires, le CRSH, le CRSNG et les IRSC, allaient établir des exigences en ce sens. Tout est dans la manière de le faire. On ne peut pas obliger quelqu'un à archiver ou à diffuser des données s'il n'y a pas de support pour les accueillir.
Nous travaillons à l'établissement des centres de données, tâchant de trouver des façons de consigner l'information. On espère que d'ici la prochaine année, ce genre d'information sera plus accessible au Canada. Il reste quelques points à régler. Au fil du temps, les États-Unis ont donné accès librement à une grande quantité de données satellites. Nous allons en tirer profit. D'autres satellites nationaux n'offrent pas autant de données publiques. Nous avons conclu des ententes afin d'avoir accès à cette information. Je pense que c'est une des choses dont nous devrions discuter. Je sais que l'Agence spatiale canadienne et la NASA ont déjà entrepris des activités conjointes à cet effet.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à chacun de vous d'être ici aujourd'hui. C'est très intéressant pour nous de mener cette étude sur l'Arctique.
J'ai fait mes propres recherches sur vous, alors j'ai des questions pour vous tous.
Monsieur Hik, vous aviez préparé le Document parlementaire no 4 sur les politiques scientifiques canadiennes pour le Nord...
C'était pour une réunion organisée par le Comité canadien des ressources arctiques, il y a peut-être trois ans de cela.
Vous dites qu'un fossé sépare la science et les politiques. Avons-nous réussi à combler ce fossé? Avons-nous fait des progrès depuis?
Je crois que oui. Le Canada a été l'hôte de la dernière conférence de l'Année polaire internationale, qui a eu lieu à Montréal en avril dernier. Le thème de la conférence était « De la connaissance à l'action ». À mon avis, cela a vraiment amorcé une réflexion à cet égard. C'est entre autres une question de capacité, mais aussi d'application des connaissances.
C'est le modèle qui a évolué, à mon avis, au cours des dernières années, en ce sens qu'il est de plus en plus accepté par les bailleurs de fonds et les scientifiques. Les premières étapes des initiatives sont entreprises conjointement par les intervenants et les chercheurs, qui conçoivent et mettent en oeuvre les projets en collaboration, et qui collaborent également à la production des connaissances et à l'application adéquate des résultats. C'est une nouvelle façon de faire les choses, mais je crois effectivement que nous avons fait des progrès.
Je présume que d'autres pays ont également leurs propres chercheurs qui recueillent ce genre de données. Ils se penchent sur les mêmes enjeux que nous, car nous sommes confrontés aux mêmes problèmes. Est-ce que la communauté scientifique échange ce genre de renseignements? Ma question s'adresse à chacun d'entre vous. Est-ce que quelque chose est fait en ce sens régulièrement? Est-ce que cela contribue à combler le fossé qui sépare la science et les politiques? Nous devons travailler ensemble.
Très brièvement, oui. Les groupes de travail du Conseil de l'Arctique sont très efficaces pour recueillir ces données auprès des États de l'Arctique. C'est dans ce contexte que les observateurs et quelques-uns des observateurs scientifiques du Conseil de l'Arctique peuvent également offrir d'autres points de vue internationaux.
Je crois que nous sommes sur la bonne voie. Tout n'est pas rose, mais c'est un bon début.
Merci.
Monsieur VanderZwaag, au sujet du droit de la mer et de la gestion des océans — et c'est tiré du mémoire de la chaire de recherche du Canada —, vous avez dit ceci:
La Stratégie sur les océans du Canada, parue en 2002, souligne la nécessité de renforcer la gestion des océans, mais demeure vague quant aux réformes juridiques et institutionnelles qui s'imposent. Plus de 70 p. 100 de la pollution marine est d'origine terrestre; pourtant, aucune convention concernant la pollution tellurique des océans n'a encore été négociée.
Vous en avez parlé dans votre présentation. Pourrait-on conclure une entente internationale...? Croyez-vous que ce serait possible?
Je vous répondrai très simplement que non, pas dans l'immédiat. J'ai l'impression que la communauté internationale est un peu lasse de tous ces traités.
La pollution tellurique est un sujet épineux, au même titre que les changements climatiques. Il y a énormément d'industries établies le long des côtes, et cela impliquerait d'élaborer une foule de normes différentes, des installations d'égouts aux usines, entre autres choses.
Il existe un programme d'action mondial pour la protection du milieu marin contre la pollution due aux activités terrestres. Ce n'est pas un programme très vigoureux. Il s'inscrit dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l'environnement. Il tente de survivre avec un financement probablement insuffisant. C'est sans doute de ce côté qu'il faudrait d'abord regarder. Il y a évidemment un programme d'action régional pour l'Arctique en ce qui a trait à la protection du milieu marin contre la pollution due aux activités terrestres.
Encore là, je crois qu'il s'agit d'un exercice théorique, d'après ce que je vois. Le Canada a participé à la révision du plan régional en 2009, mais à ce que je sache, il n'existe pas de processus permettant de vérifier comment les différents pays mettent ce plan en oeuvre. On dirait qu'il a été laissé sur une tablette quelque part. Je ne pense pas qu'on en discute beaucoup.
C'est un autre enjeu auquel le Conseil de l'Arctique doit s'attaquer. Comment garder en vie les documents qu'il produit pour éviter qu'ils se transforment en simples ramasse-poussière. Je pense qu'il faudrait se pencher sur la question.
C'est une autre initiative que pourrait entreprendre le Canada.
Ai-je encore du temps, monsieur le président?
J'ai encore une question à poser, et celle-ci s'adresse à Mme Dey Nuttall.
Vous avez préparé un document intitulé Europe's Northern Dimension: Policies, Cooperation, and Frameworks, qui faisait partie d'une publication assez volumineuse — je ne l'ai pas téléchargée au complet. Vous parlez un peu dans ce document de ce qui se passe pour les peuples autochtones du Nord. Vous dites entre autres, et c'est un commentaire qui me préoccupe, que même s'il a été adopté par la Commission européenne:
[Traduction] ... ce thème demeure sur papier. Aucun financement n'a été accordé, aucune allocation budgétaire n'a été prévue, tout relève encore de la théorie. L'extraction pétrolière et gazière se poursuit et s'étend, mais en ce qui a trait aux droits et aux intérêts des Autochtones, rien n'a bougé.
J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus et que vous nous disiez ce que vous en pensez. Le Canada, qui assumera la présidence du conseil, tient évidemment à améliorer le sort de la population du Nord. Pourriez-vous nous éclairer un peu sur ce qui se passe là-bas?
C'est un énoncé général soulignant la nécessité de protéger les droits des peuples autochtones en ce qui a trait au développement des ressources qui aura lieu dans le Nord; il évoque aussi la façon dont certains des avantages du développement peuvent contribuer à la viabilité des moyens de subsistance des peuples autochtones.
Madame Dey Nuttall, j'aurais dû revenir un peu plus loin en arrière par rapport à ce commentaire. Je voulais davantage faire référence à la population de la Russie. J'aurais en fait dû vous demander ce que fait le Canada pour faire avancer les choses. Avons-nous fait des progrès en ce sens, et est-ce que les autres pays de la région polaire ont aussi fait du chemin pour ce qui est de la situation des peuples autochtones?
Oui, le Canada a certainement amélioré les choses, et je dirais même qu'il sert d'exemple pour bien des pays. Évidemment, il reste encore bien du chemin à faire. C'est un processus lent et graduel. Il faudra du temps pour y arriver, mais le Canada s'approche graduellement du but.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus nous parler aujourd'hui.
Comme vous le savez, c'est une étude qui s'avère très intéressante jusqu'à présent. On pense parfois avoir tout entendu, et voilà que de nouvelles informations nous sont présentées.
C'est la seule occasion que j'aurai de vous poser des questions. J'ai trois ou quatre questions pour vous, et si on pouvait s'en tenir à des réponses brèves, je pourrai peut-être toutes vous les poser.
Ma première question s'adresse à vous, Anita. Je ne vous vois pas, mais je vous entends. J'ai trouvé intéressant votre point de vue sur le Groenland, qui pourrait gagner en autonomie, à votre avis. Vu la proximité du Groenland par rapport au Canada, j'imagine qu'à long terme la mentalité de sa population ressemblera plus à la nôtre qu'à celle des Européens. Nous en avons eu un avant-goût avec la chasse au phoque, notamment.
Je viens du Canada atlantique, alors la variation des espèces de poisson et la modification de nos méthodes de pêche... Ce sera une priorité pour nous de conclure un accord de pêche avec le Nouveau-Groenland compte tenu de la variation des espèces de poisson? Chez nous, on voit comment le maquereau se déplace maintenant avec les écarts de température de un ou deux degrés. Est-ce un des enjeux que nous devrions aborder de façon prioritaire avec le Groenland au cours des prochaines années, c'est-à-dire conclure un accord de pêche qui nous permettrait de travailler ensemble?
C'est certainement une option à ne pas négliger. Pour ce qui est de l'avenir du Groenland — je ne sais pas si nous avons eu des nouvelles des élections qui ont eu lieu récemment —, le nouveau parti qui veut prendre le pouvoir vise l'indépendance du Groenland et la séparation du Danemark. Mais évidemment, il faudra du temps avant d'atteindre l'autonomie financière voulue.
Pour le moment, j'imagine qu'il faudra tâcher de conclure un accord de pêche avec le Groenland et le Danemark. Il faut garder à l'esprit qu'à long terme, le Groenland pourrait devenir un partenaire crucial dans tout accord à conclure, que ce soit pour les pêches ou pour tout autre secteur.
Merci.
Ma deuxième question s'adresse aux autres témoins. Elle porte davantage sur les États-Unis.
On a fait référence aux polluants de courte durée: les Américains nous pointent du doigt notamment en raison des étangs de goudron. Est-ce qu'on risque d'en entendre parler lors de la prochaine conférence sur l'Arctique? Est-ce que cela va nous causer des problèmes?
John.
J'invoque le Règlement, à des fins de clarification. Voulez-vous parler des étangs de goudron de la Nouvelle-Écosse ou des sables pétrolifères en...?
Vous voulez dire les sables bitumineux.
L'hon. Mark Eyking: Oui, les sables bitumineux. Chez nous, on dit « sables pétrolifères ».
M. John Williamson: Vous avez dit « étangs de goudron »; vous mêlez les choses. Dites « sables bitumineux » et tout le monde va savoir de quoi on parle.
Il y a probablement des étangs de goudron en Alberta aussi, mais bon...
Est-ce un problème? Est-ce que cela contribue beaucoup aux émissions de carbone?
La production dans cette région y contribue certainement.
Comment on mesure cela, c'est un autre débat, je suppose, mais je ne crois pas que cela pose de problème en tant que tel au Conseil de l'Arctique. En fait, le conseil fait tout ce qu'il peut pour éviter les controverses. Le développement industriel n'est pas au programme.
Ma prochaine question s'adresse à vous, David. Je suis heureux de voir un Néo-Écossais parmi nous.
C'est à propos des couloirs de navigation. Je pense que vous avez dit que les différents pays collaboraient à l'élaboration de nouveaux protocoles sur l'Antarctique, mais parlons un peu du protocole sur le passage du Nord-Ouest et de la façon dont nous allons gérer tout cela. Devrions-nous conclure un accord distinct avec les États-Unis à propos de ce passage, un peu comme celui que nous avons conclu pour la Voie maritime du Saint-Laurent? Devrions-nous envisager différents protocoles, sachant que des navires transportant du matériel militaire s'y aventurent... ou peu importe ce qui se trouve à bord? Devrions-nous conclure une entente avec les États-Unis à l'égard de ce passage?
Il y a plusieurs façons de répondre à cette question. Je pourrais notamment vous dire que nous gérons le différend assez efficacement en ce moment. Un accord sur l'Arctique a été conclu entre les États-Unis et le Canada en 1988. Les deux pays ont convenu qu'ils n'avaient pas à s'entendre sur le statut du passage et que les brise-glace américains devaient demander la permission du Canada pour s'engager dans le détroit. Cela semble très bien fonctionner. Évidemment, il n'est pas question des navires militaires ni des navires à vocation commerciale, qui pourraient finir par emprunter cette voie. C'est donc une préoccupation.
J'ajouterais également que selon l'avis de la plupart des universitaires, moi y compris, l'article 234 de la Convention sur le droit de la mer s'appliquerait au passage du Nord-Ouest, ce qui vous permettrait non seulement de légiférer le passage, mais aussi d'appliquer des mesures spéciales, comme les objectifs de zéro pollution pour le pétrole et les déchets, qui sont fixés en ce moment.
Je crois qu'on exagère parfois l'ampleur du conflit, mais on ne sait jamais quand un différend peut s'envenimer. Je vous répondrais donc que cela pourrait être une bonne chose, si on pense à long terme, de revoir l'accord sur l'Arctique pour peut-être l'appliquer aussi aux navires commerciaux.
Pour les navires militaires, c'est une autre paire de manches. Je ne suis pas au courant de toutes les ententes qui peuvent avoir été conclues à cet égard et je ne peux pas vraiment vous dire non plus où devraient aller les choses. C'est un tout autre dossier.
Le budget va être déposé dans deux jours, et je suis certain que l'encre a déjà eu le temps de sécher. Mais si vous pouviez influer sur le budget à venir afin de remédier aux lacunes dont souffrent l'infrastructure et les sciences dans le Nord, dans quoi investiriez-vous?
Nous avons CanNor, et des processus ont été mis place pour établir les priorités.
L'une des questions auxquelles le Canada n'a pas accordé suffisamment d'attention, je crois, c'est le besoin de services de brise-glace, même si la glace fond. En examinant ce que font les Russes... Je reviens tout juste du sommet sur la navigation en Arctique qui se tenait à Montréal la semaine dernière, et les Russes y ont fait un certain nombre d'exposés. Comme vous le savez, ils développent la route maritime du Nord. Nous avions 46 passages l'an dernier, et la circulation augmentera de façon monumentale au cours de la prochaine décennie. La Fédération de Russie prévoit construire trois brise-glaces nucléaires.
Il y a un grand débat pour déterminer si le Canada doit avoir des brise-glaces nucléaires. Je préfère ne pas faire de commentaires à ce sujet, mais je pense que le besoin de brise-glaces... Il y a la mise en service du John G. Diefenbaker qui est prévue. Si nous voulons être un vrai pays arctique, le brise-glace et les patrouilleurs suffiront-ils? Je ne le pense pas.
Merci. C'est tout le temps que nous avons, monsieur Eyking.
Nous allons commencer notre second tour; il s'agira d'interventions de cinq minutes. C'est Mme Grewal qui commence.
Merci, monsieur le président, et je remercie les témoins de leur présence et des exposés très informatifs qu'ils nous ont présentés.
Au cours de notre étude, bien des préoccupations ont été exprimées: elles concernent des questions prioritaires, comme la durabilité, les activités de navigation et les répercussions sur nos communautés du Nord.
Vous n'avez pas la même formation, ni le même point de vue. À votre avis, qu'est-ce qui devrait être au centre des préoccupations du gouvernement canadien à court terme? Que pensez-vous de l'Évaluation des impacts sur le climat de l'Arctique de 2004?
J'ai eu l'occasion de participer à l'évaluation en travaillant pour les organisations autochtones ainsi qu'aux négociations sur le document de politique qui y était lié, que probablement personne n'a lu et qui était probablement introuvable pour les gens qui voulaient le consulter.
L'évaluation des impacts sur le climat a été fructueuse à quelques égards. Tout d'abord, pour la première fois, on intégrait des connaissances traditionnelles dans une évaluation scientifique mondiale majeure. C'était également la première évaluation sur le climat régional. L'autre chose, c'est qu'elle a vraiment permis de sensibiliser la population sur l'Arctique comme jamais auparavant. J'ai travaillé dans l'Arctique pendant bien des années, et lorsque j'allais au Nunavut, des amis et des voisins me demandaient pourquoi j'y allais et ce qui se passait là-bas. Cela fait maintenant partie de notre cadre.
Dans notre situation actuelle, l'une des choses que le Conseil de l'Arctique ne fait pas — et il y a bien des raisons politiques dont nous pouvons parler si vous le voulez —, c'est un suivi. Ce que je veux dire, c'est que des efforts ont été déployés pour établir des listes de mesures d'adaptation possibles, etc., mais le conseil ne fait rien présentement au sujet de l'adaptation. C'est un enjeu majeur partout en Arctique, je veux dire, comme vous le savez, au Canada. On en fait état dans le plan actuel pour le Conseil de l'Arctique, mais je pense que le Canada pourrait grandement contribuer à cet égard.
Les activités de navigation prévues dans l'Arctique feront augmenter de beaucoup les risques pour la sécurité et l'environnement des gens et du territoire dans le Nord. S'il survenait une situation d'urgence, comme un déversement de pétrole, quel type de précautions le Canada peut-il prendre pour réduire au minimum les effets qu'auraient de telles situations sur notre vaste région de l'Arctique?
Nous avons maintenant les deux accords. Celui qui est présentement négocié sera adopté, en mai, je l'espère, pour ce qui est des interventions d'urgence. C'est en partie ce qui se dessine.
À mon sens, ce qui est vraiment nécessaire, bien entendu, c'est d'agir concrètement et de nous assurer que nous avons des services de recherche et de sauvetage dans le Nord. À l'heure actuelle, il y en a surtout dans le sud du pays et il en est de même pour les interventions d'urgence.
Pour ce qui est des interventions d'urgence, c'est difficile parce que dans un sens, on peut attendre que l'industrie augmente ses activités de forage pétrolier et gazier, et on est mieux préparé. Toutefois, il faut que le gouvernement soit également préparé. C'est vraiment aussi l'une des questions entourant l'établissement de programmes. Dans quelle mesure le gouvernement prendra les devants et coopérera avec l'industrie, et dans quelle mesure l'industrie prendra les devants?
De toute évidence, il devra probablement y avoir un partage des responsabilités. Dans notre région du Nord, pour la navigation, le premier intervenant sera la garde côtière, en plus de l'industrie. Pour ce qui est des activités pétrolières et gazières, ce sera, dans une large mesure, la responsabilité des entreprises.
Encore une fois, le gouvernement devra être prêt également, car s'il y avait un déversement majeur... Prenez ce qui s'est passé dans le golfe du Mexique, aux États-Unis. Même l'industrie ne pouvait pas régler le problème et rappelez-vous à quel point même les États du golfe et le gouvernement fédéral n'étaient pas préparés. Donc, je le répète, il y a des enjeux majeurs de préparation aux situations d'urgence dans l'Arctique que nous n'avons pas encore réglés complètement.
Bon nombre de comités et d'organismes, comme le Conseil de l'Arctique et les services de trafic maritime du nord du Canada, appellent à la sauvegarde de l'Arctique. Dans quels secteurs le Canada peut-il élaborer un cadre légal pour garantir la sécurité, la souveraineté et le succès de l'Arctique?
Je dirais que le Canada a déjà déclaré publiquement qu'il défendrait la sécurité de la navigation en Arctique dans le cadre du rôle qu'il jouera bientôt à la présidence du conseil.
J'ai entendu deux ou trois choses. Premièrement, il veut vraiment aller de l'avant avec le code polaire et, encore une fois, j'insiste là-dessus.
Deuxièmement, il veut établir des lignes directrices pour le tourisme en Arctique. Encore une fois, il s'agit peut-être d'un grand besoin, car combien de touristes les petites collectivités peuvent-elles accueillir? En Antarctique, des lignes directrices relatives au tourisme ont été adoptées en 2011, au moment où on a essentiellement accepté de limiter le nombre de gens qui débarquent en Antarctique — où il n'y a pas de communautés, à part la communauté animale — à 100 personnes, et même à un nombre moins élevé dans certaines zones.
Encore une fois, je pense que le Canada pourrait être un chef de file pour les lignes directrices relatives au tourisme en Arctique et s'assurer que les collectivités du Nord ont un tourisme qui leur convient.
Merci beaucoup.
Madame Grewal, votre temps est écoulé.
La parole est à M. Bevington, pour cinq minutes.
Je remercie les témoins. J'ai eu bon nombre de contacts avec certains d'entre vous au fil des ans. Je vous remercie de nous donner votre point de vue aujourd'hui.
Je serais un peu prudent concernant le tourisme en Arctique. Si nous établissons une politique nationale en passant par des organisations internationales, cela posera un vrai problème, à mon avis. Je pense que les organismes internationaux comme le Conseil de l'Arctique se concentrent sur les enjeux internationaux dont nous parlons ici, que les gouvernements ne peuvent pas régler, ce qui doit se faire à l'échelle internationale.
Monsieur VanderZwaag, vous en avez mentionné un certain nombre qui, je pense, sont très pertinents, de même que les autres.
La semaine dernière, j'ai pu assister à la réunion du Comité permanent des parlementaires de la région arctique à Washington, où le personnel de recherche qui présente les nouvelles politiques de recherche dans l'Arctique pour le gouvernement américain. Ce sont des politiques très concises.
Existe-t-il quelque chose d'équivalent au Canada? J'essaie de trouver notre politique de recherche dans l'Arctique depuis des années. Savez-vous si nous avons un forum ou un mécanisme au pays pour présenter une politique de recherche coordonnée?
C'est difficile, car je pense que plus de 20 ministères et organismes fédéraux jouent un rôle à divers égards dans la recherche sur l'Arctique. Comme je l'ai dit tout à l'heure, de plus en plus, une partie de cette capacité se trouve dans le Nord, dans les territoires et les provinces du Nord, et nous n'avons pas l'équivalent de ce qu'ont les États-Unis, soit l'Inter-agency Arctic research policy committee, qui a le mandat de coordonner le tout. Nous avons des mécanismes efficaces, parfois, par les divers comités de sous-ministres adjoints et de sous-ministres, mais je ne suis pas sûr qu'on les charge d'élaborer une politique.
Lorsque j'ai parlé aux membres du personnel de recherche sur l'Arctique aux États-Unis, ils m'ont dit que leur plan consistait en partie à se pencher sur les changements de temps intercontinentaux qui ont commencé depuis que des changements dans les conditions arctiques se sont manifestés. Ils disent maintenant qu'ils veulent continuer à étudier les changements de temps en Amérique du Nord et à comprendre comment cela fonctionne, car, bien entendu, la question de l'Arctique n'est plus qu'un enjeu de climat en Arctique, mais aussi un enjeu qui a des répercussions sur nous tous.
Avez-vous quelque chose à dire au sujet de la nécessité d'aller vers ce type de recherche?
C'est probablement la plus grande priorité d'un point de vue météorologique.
Vous savez, le Canada préside actuellement l'Organisation météorologique mondiale. Il s'agit de David Grimes, qui est sous-ministre adjoint du Service météorologique d'Environnement Canada. Une réunion de son groupe sur l'Arctique s'est tenue en Chine la semaine dernière. La question des prévisions polaires et de la façon dont c'est lié à ce qui se passe aux latitudes moyennes est une priorité pour chaque pays concerné. Elle figure certainement en haut de la liste des États-Unis, et pas trop loin de la tête de la nôtre, à mon avis.
D'accord. Au cours de la dernière semaine, les Chinois ont dit qu'ils prévoyaient accroître leurs activités de navigation dans l'Arctique, que d'ici 2020, 20 p. 100 de leurs besoins en matière de navigation seraient comblés par la région de l'Arctique.
Vous avez parlé des Russes. Croyez-vous que c'est une bonne idée d'intégrer les Chinois au Conseil de l'Arctique compte tenu de ce type d'engagement?
L'une des façons de voir les choses concernant les observateurs du Conseil de l'Arctique, c'est de dire que plus on est de fous plus on rit.
Étant donné que la Chine, le Brésil, l'Inde et d'autres pays veulent être plus actifs dans l'Arctique — et, comme Anita l'a dit, certains d'entre eux ont des programmes sur l'Arctique et l'Antarctique —, je pense qu'il est important qu'ils participent aux discussions.
La grande question, c'est de déterminer de quelle façon le Conseil de l'Arctique peut s'adapter de façon à établir un rôle important pour les observateurs. À l'heure actuelle, on dit « asseyez-vous, écoutez et vous pourrez peut-être dire quelque chose », ce qui fait également l'objet de discussions. Encore une fois, c'est un rôle que le Canada pourrait jouer — il ne peut le faire seul, mais il peut poursuivre la discussion sur la façon de faire participer au Conseil de l'Arctique des pays qui ne sont pas situés dans la région de l'Arctique.
En ce qui concerne les pays comme la Chine et l'Inde et le fait qu'ils aimeraient avoir un rôle d'observateurs au Conseil de l'Arctique — encore une fois, pour les activités qu'elles mèneront dans l'Arctique, en particulier en ce qui a trait aux effets que leurs activités dans le Nord auront sur l'environnement —, le fait d'avoir un cadre, comme un protocole environnemental, serait utile au moins pour suivre et peut-être limiter le type d'activités qui peuvent y être menées dans certains cas, qu'il s'agisse des pays de la région Arctique ou d'autres pays.
Je pense donc qu'il est important d'admettre que l'intérêt que portent ces pays à l'Arctique ne fera qu'augmenter, mais aussi de déterminer de quelle façon on peut les intégrer dans un cadre établi.
À cet égard, je pense que la Chine compte probablement passer par la route maritime du Nord, vu l'infrastructure qu'il y a là-bas et la campagne du gouvernement russe. Elle suivra donc les normes établies par la Fédération de Russie. Si elle passe en haute mer, par la route transpolaire, il faudra alors un code polaire, de toute évidence, pour établir les normes dans cette zone. Encore une fois, c'est une raison pour laquelle il faut aller de l'avant et élaborer un code polaire.
En ce qui concerne le statut d'observateur, je le répète, nous avons maintenant des critères sur lesquels les membres du Conseil de l'Arctique se sont entendus, dont la reconnaissance du droit de la mer comme cadre global, et il faut donc appliquer ces critères pour les observateurs. Par contre, je dirais qu'il faut peut-être un plus grand engagement pour les pays asiatiques, et les pays de l'Union européenne à long terme également. Il faut sortir des sentiers battus. Il ne s'agit pas uniquement d'un statut d'observateur. Depuis bien des années, je pense que nous avons peut-être besoin d'une organisation de l'océan Arctique, d'un cadre de discussions sur les questions de politique, comme c'est le cas pour d'autres régions maritimes dans le monde: le Congrès des mers d'Asie de l'Est, par exemple.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins de leur présence.
Monsieur Crump, il en a déjà été question ici, et vous avez parlé du carbone noir qui, d'après ce que je comprends, est la combustion incomplète des combustibles fossiles, des biocarburants et de la biomasse. Cela étant dit, avez-vous une idée de la façon de réduire les émissions de carbone noir, de compléter le procédé de combustion, vu que la planète semble dépendre de certains combustibles fossiles, comme le charbon métallurgique?
Je dois admettre que je n'ai pas beaucoup de choses à dire sur la façon d'achever le processus de combustion. Je pense qu'on peut réduire les émissions de carbone noir de différentes façons. Par exemple, il s'agirait d'avoir un bon système de filtrage pour les moteurs diesel. On peut également concevoir des moteurs diesel plus écoénergétiques de sorte que la combustion soit plus propre et qu'une plus grande quantité de sous-produits soit éliminée. Je ne suis pas un spécialiste du domaine.
D'accord, merci.
Monsieur Hik, vous avez dit que le changement est aussi radical au sol que sur l'eau. Je crois que vous avez parlé d'une plante. Pourriez-vous donner d'autres exemples de changements au sol et de leurs conséquences pour l'Arctique?
Bien sûr.
La plante dont j'ai parlé, c'est le saule. Il y a bon nombre d'espèces. Le réchauffement climatique leur permet de croître plus rapidement. Les tiges et les feuilles se développent. Les plantes résistent et demeurent au-dessus de la neige.
Le deuxième changement en importance, c'est le caractère saisonnier de la couverture de neige. La fonte des neiges se produit plus tôt dans la saison et entraîne un albédo plus élevé et une surface plus sombre qui absorbe davantage l'énergie solaire. Par conséquent, la profondeur de la couche active du pergélisol et l'hydrologie en surface changent. C'est ainsi que les cours d'eau, les rivières et les lacs se rejoignent dans les régions de gélisol.
Tous ces facteurs semblent avoir un effet cumulatif. Le réchauffement s'accélère à mesure que les changements au sol s'opèrent. La région concernée est très vaste. Étant donné que les changements ne surviennent que depuis 10 ans, nous n'avons pas réellement anticipé les conséquences. Mais je répète que ces changements sont aussi graves que ceux qui se produisent dans l'océan Arctique.
Merci.
Madame Dey Nuttall, vous avez dit qu'il faut s'intéresser au Groenland. Je présume qu'il en va de même pour l'Islande. Concernant les effets observés dans l'Arctique, pouvons-nous appliquer les meilleures pratiques que le Groenland et l'Islande ont mises en oeuvre au fil des ans et que nous ne connaissons pas?
Je ne peux pas commenter les pratiques de l'Islande que nous pourrions appliquer. Dans un sens, le Groenland pourrait adopter les meilleures pratiques du Canada.
Je parle des mesures environnementales, des industries extractives et de la possibilité de tenir des audiences publiques et des consultations. D'après ce que je comprends, le Groenland cherche maintenant à établir des cadres pour que les gens puissent participer davantage aux prochaines discussions sur le développement industriel et économique et que les entreprises soient plus ouvertes et plus inclusives dans les consultations publiques, par exemple.
Oui, le Canada a un rôle à jouer pour une économie ou un pays émergent comme le Groenland.
Merci beaucoup.
Monsieur VanderZwaag, vous avez parlé de la gouvernance dans la zone internationale et de la participation autochtone liée aux trois territoires et à la dévolution de pouvoirs récente aux Territoires du Nord-Ouest. Quelles améliorations faut-il apporter, ou quelles mesures devons-nous prendre concernant les Autochtones?
Je dirais que c'est une région inexplorée en grande partie. Il y a la revendication territoriale du Nunavut qui concerne la région du Nunavut et qui comprend bien sûr les eaux territoriales. Des accords de gestion portent sur cette région. En zone internationale, le Canada a clairement tous les droits aux termes de la loi canadienne de faire une revendication, que nous espérons présenter en décembre cette année. Cette revendication sera reconnue tôt ou tard.
Selon la formule à l'article 82 de la Convention sur le droit de la mer, les ressources minières situées au-delà de 200 miles marins seront partagées avec les pays en développement, avant tout selon la structure établie par l'ONU.
Je pense que ça soulève des questions. Devons-nous penser aux Inuits et à une contribution...? Quelle sera la participation inuite? Il faudra peut-être prévoir un certain partage des ressources à l'avenir.
Ce sont des questions très politiques, mais selon la Convention sur le droit de la mer, c'est clair que le Canada peut faire une revendication. De plus, la convention ne fait aucune mention des Autochtones et est très centrée sur les États. Durant une réunion tenue à Ottawa la semaine dernière, les Inuits ont réagi à l'Évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique et ont évoqué ces questions.
Parfois, la principale question du dernier député à prendre la parole a été posée. Vous y avez très bien répondu, mais je vais quand même demander quelques précisions.
À votre avis, le Canada doit-il protéger l'environnement et garantir la sécurité dans l'Arctique en ce qui a trait aux déversements de pétrole, aux croisières et aux navires pour lesquels il sera profitable d'emprunter les divers trajets qu'offre l'Arctique? S'agit-il plutôt d'une responsabilité partagée?
Il semble que nous avons bien plus d'eaux navigables et de littoral à protéger dans le passage du Nord-Ouest que les autres membres du Conseil de l'Arctique. Cette responsabilité doit-elle être partagée? C'est surtout la garde côtière qui va garantir la sécurité et réaliser les sauvetages. Faut-il qu'une garde côtière internationale l'appuie dans son travail?
Je pense que nous avons l'occasion d'établir quelles seront les voies de navigation. C'est sans doute prioritaire de terminer la cartographie du passage du Nord-Ouest pour prendre des décisions de gestion. Selon moi, c'est très clair que le Canada est en droit de terminer le levé hydrographique, qui progresse très lentement à l'heure actuelle. Nous devons examiner un certain nombre de technologies différentes pour être plus efficaces.
Concernant l'application de la loi et la réglementation, je pense qu'il existe des mécanismes. Mais nous devons établir les voies navigables et empêcher les navires de passer n'importe où dans l'archipel.
C'est clair que la principale responsabilité incombe au Canada, qui doit être prêt pour réagir pour ses eaux intérieures. Comme il l'a fait dans une certaine mesure, le gouvernement peut déléguer cette responsabilité à l'industrie.
L'accord présentement négocié et qui sera idéalement conclu en mai va en gros stipuler qu'en cas d'accidents majeurs, les États devront peut-être réagir ensemble comme dans le golfe du Mexique, où les capacités d'un seul pays étaient insuffisantes. Il faudra aussi s'entendre concernant le dédouanement de l'équipement pour éviter les tarifs élevés et veiller à ce que les opérations se réalisent sans délai.
À mon avis, c'est le genre de questions qu'il faut régler dans l'accord, la coopération, la communication des informations et les autorités à contacter si un navire s'approche de la frontière. Nous devrons sans doute nous entendre aussi sur la haute mer et établir qui doit réagir en cas d'incident. L'accord va souligner le besoin de surveillance et d'informer les autres pays et indiquer comment il faut réagir pour la zone internationale.
M. Gary Schellenberger: Monsieur Crump?
Lorsque le Conseil de l'Arctique a été formé en 1996, personne ne pouvait imaginer que nous allions en discuter ou même soulever la question. Le monde a changé plus vite que le conseil.
Je suis bien sûr d'accord pour dire que le Canada doit assumer une grande responsabilité dans ses eaux intérieures. Comme l'a dit Anita, la responsabilité pourrait être partagée en vertu d'un protocole ou d'un instrument établi par le Conseil de l'Arctique pour orienter le transport dans le passage du Nord-Ouest et partout dans l'Arctique et anticiper quels seront les changements et les besoins à l'avenir. Je pense qu'un tel instrument peut jouer un rôle important.
Le Canada peut-il décider quels navires vont passer dans ses eaux? Je reviens au carbone noir. Les navires ont-ils des épurateurs ou...? Si on trace un parallèle avec l'industrie automobile et les convertisseurs catalytiques, il faut 63 nouvelles voitures pour émettre autant de pollution qu'une voiture fabriquée il y a 20 ans.
Dans certains cas, il faut que les technologies existent. Mais les gens ne veulent peut-être pas les acheter si elles sont disponibles, simplement parce qu'elles sont un peu coûteuses.
Je vais vous donner deux réponses brèves. Je pense qu'en vertu de l'article 234, le Canada pourrait prendre des mesures pour prévenir la pollution. Mais il devrait s'en abstenir selon moi, car la question fait l'objet de discussions à l'Organisation maritime internationale. Les volumes de carbone noir ou de suie que laissent échapper les navires dans l'Arctique sont un problème important et seront cinq fois plus élevés d'ici 2030, selon les estimations d'un sous-comité qui étudie les liquides et les gaz et qui se penche sur le besoin d'imposer une réglementation globale. Je pense que l'OMI doit s'occuper de la question en premier. En cas d'échec, le Canada pourra envisager d'adopter des mesures.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais également remercier les quatre personnes qui se sont adressées à nous ce matin. Il s'agissait de quatre présentations vraiment très intéressantes.
Ma première question va peut-être vous sembler un peu étrange. Souvent, dans plusieurs organisations ou processus comme le Sommet des Amériques, on utilise une formule de troïka: le pays qui a la présidence travaille très étroitement avec le pays qui avait la présidence auparavant et le pays qui s'apprête à l'avoir par la suite. Je crois que c'est ce que les Scandinaves ont fait dans le cas du Conseil de l'Arctique.
Je me demandais comment vous voyiez cette possibilité. Croyez-vous que dans vos domaines à vous, en particulier, ça aurait un impact si le Canada travaillait étroitement avec son prédécesseur et son successeur pour continuer des plans à long terme?
Merci.
[Traduction]
Pour ma part, je pense que le Canada doit aller de l'avant. Le programme mis en oeuvre par les pays nordiques et bien sûr les négociations et les discussions auxquelles tous les pays membres du Conseil de l'Arctique prennent part tous les deux ans ont permis de réaliser un certain progrès sur lequel il convient de s'appuyer. Le Canada entretient d'excellentes relations. J'ai participé à deux ou trois séances durant lesquelles le ministre suédois des Affaires étrangères a parlé de l'Arctique. La coopération existe déjà.
C'est très sensé d'avoir un président issu de l'Amérique du Nord, mais surtout de collaborer étroitement avec les États-Unis. Sans surprise, le département d'État américain parle déjà aux gens de l'Alaska et d'autres régions du programme qu'il va appliquer dans deux ans.
Je n'aime pas ce terme, mais je pense que nous pouvons profiter de synergies claires. C'est ce que nous pourrions faire. Désolé, mais je n'ai pas d'autres mots pour décrire ma pensée.
Les parlementaires de l'Arctique ont recommandé au Conseil de l'Arctique de prolonger la planification pour peut-être modifier les priorités tous les 10 ans. Je pense que nous devons examiner un autre modèle pour la deuxième phase du Conseil de l'Arctique.
Merci beaucoup.
Je vous envie d'avoir eu l'occasion d'entendre le point de vue de l'ambassadeur de la Suède. Nous pourrions vous demander de nous produire un rapport, qui profiterait à tout le comité. Désolée, je m'éloigne un peu de la question à l'étude.
Monsieur Hik, vous avez aussi parlé des capacités de recherche et du besoin d'avoir une stratégie en matière de science pour l'Arctique, peut-être en partie fondée sur le modèle américain. Veuillez donner un peu plus de précisions. Qui participerait à la stratégie, et quel serait le cadre global?
Merci.
Les États-Unis sont organisés de façon un peu différente. C'est utile d'examiner leur modèle, mais je ne pense pas que nous pouvons ou que nous devons l'adopter.
Pour moi, la durabilité des ressources financières et humaines, les relations entre les organisations, l'infrastructure et la logistique pour travailler dans l'Arctique ne sont pas la seule question qui se pose. Nous devons également examiner de quelle façon les organisations peuvent coordonner leurs priorités. Les discussions peuvent nous aider à régler cette question. Nous espérons que le programme de la Station de recherche du Canada dans l'Extrême-Arctique serve de point de convergence, mais il faudra plus de temps pour s'entendre.
Les représentants de la Commission canadienne des affaires polaires vous ont peut-être parlé en décembre du rôle qu'elle peut jouer pour faciliter les discussions entre les ministères fédéraux, les universités, les partenaires industriels dans le Nord, etc. Nous devons nous assurer que le gouvernement n'examine pas la question à lui seul et que les autres parties très actives à divers égards en matière de recherche dans l'Arctique participent aussi aux discussions.
Merci, monsieur Allison.
Je vais revenir à des questions déjà posées.
Monsieur VanderZwaag, j'imagine que le code polaire dont vous avez parlé s'applique en dehors des eaux intérieures du Canada. Pouvez-vous en parler un peu? En quoi ce code polaire diffère-t-il du droit de la mer?
Au fond, le code polaire est censé être un document complémentaire aux conventions comme MARPOL, qui prévoit des normes sur la pollution par les navires. La Convention SOLAS, un texte international pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, établit des normes générales sur la construction des navires, mais elle ne porte pas spécifiquement sur l'Arctique et la région polaire. Le code polaire concerne toutes sortes de choses comme l'équipement de survie supplémentaire nécessaire en cas d'accident. Les questions environnementales et les normes spéciales sur la pollution qu'il faut établir font l'objet de discussions à l'heure actuelle.
Une des principales questions, c'est de savoir ce qui va arriver au bout du compte si nous avons négocié... C'est clair que le code concerne tout l'Arctique. Les directives s'appliquent à la majorité de l'Arctique, jusqu'à la région près de la mer de Barents, par exemple. Mais il faut savoir avant tout ce que le Canada va faire s'il est en désaccord pour un certain nombre de normes, qui pourraient être plus faibles que les normes canadiennes. Le Canada pourrait continuer d'appliquer son propre régime dans ses eaux intérieures et mettre le code en oeuvre seulement en haute mer, parce que le code n'est pas assez sévère. Même s'il prévoit des normes plus élevées que les normes globales du code polaire, le régime de réglementation canadien pourrait très bien coexister avec l'article 234 de la Convention sur le droit de la mer.
Ma question s'adresse à Mme Anita Dey Nuttall.
Avez-vous aussi parlé d'un protocole? Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
Oui.
Je veux simplement confirmer ce que vient de dire David. Quel que soit le code établi, il doit être mis en contexte auprès de tous les autres pays concernés. Un code et possiblement un protocole environnemental sont absolument nécessaires pour les activités qui ont lieu actuellement dans l'Arctique.
Merci.
Monsieur VanderZwaag, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de limiter le transport de mazout lourd dans les eaux canadiennes, et je me suis demandé s'il s'agissait d'une suggestion sérieuse ou si vous lanciez simplement une idée, comme ça. Je n'étais pas certain si vous le suggériez ou si ce n'était qu'une réflexion.
Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Oui.
Ce que je disais, c'est que la question du mazout lourd fait actuellement l'objet de discussions au sein du Conseil de l'Arctique. La Norvège a entrepris une étude, sous l'égide du groupe de travail PEMA, et en est à la phase deux de cette étude. Ces gens tentent d'établir l'utilisation que l'on fait du mazout lourd et l'endroit où il est utilisé dans l'Arctique, et ils formuleront possiblement certaines suggestions pour la prise de mesures supplémentaires. Encore une fois, nous n'avons pas encore reçu ce rapport de la Norvège par l'entremise du conseil; voilà le problème. Bien sûr, on a pratiquement interdit le mazout lourd dans l'Antarctique en vertu de la Convention MARPOL il y a quelques années, en 2011. Je crois qu'on le permet pour la recherche et le sauvetage, et il y a au moins une exception mineure qui le permet. Il faut se demander pourquoi on le fait en Antarctique et pourquoi on ne le ferait pas dans l'Arctique. Il y a peut-être des intérêts industriels différents. C'est ce que l'étude norvégienne est censée établir.
Je le demande parce qu'actuellement, on transporte du mazout dans diverses collectivités du Nord. De toute évidence, cela pose un problème important sur le plan de la logistique. En plus, étant donné la fonte des glaces, il se pourrait que nous voyions — encore une fois dans un échéancier générationnel de 10 ou 20 ans — les pétroliers commencer à circuler dans le Nord. J'essaie ici d'obtenir une réponse précise, afin que les membres du comité comprennent clairement ce qu'il y a à l'horizon. S'il faut davantage d'études, c'est bien, ou si c'est précisément à ce moment-ci.
Mais dans ce cas-ci, j'aimerais que cela se concrétise, car c'est fait par la Norvège; elle y travaille depuis plusieurs années. J'aimerais savoir ce que révèle l'étude sur le plan des besoins et des problèmes. Ensuite, une décision devra être prise par le Conseil de l'Arctique dans le cadre du groupe de travail PEMA.
Merci, John. Votre temps est écoulé.
Nous allons entamer notre quatrième et dernière série de questions. Commençons par M. Dewar, après quoi ce sera au tour de M. Van Kesteren et, pour finir, de M. Eyking.
Allez-y, monsieur Dewar.
Merci.
Je voudrais faire un commentaire au sujet des observations de M. Schellenberger sur les eaux navigables. Je pense que nous devrions en faire plus pour renforcer la surveillance là-bas. Nous sommes heureux de l'entendre dire, du moins, que cela existe, et que nous devrions probablement assurer une surveillance. Je pense qu'il sait ce que je veux dire.
Nous allons peut-être voir cela dans le budget, qui sait.
En ce qui concerne les peuples autochtones, je veux que tout soit clair. Je vais commencer par vous, monsieur Crump. Nous entendons différentes choses. Nous entendons dire que nous les soutenons; nous connaissons le défi de la Russie. Qu'avons-nous à présenter ici? Toutes les parties doivent-elles y être, avec le financement stable, avec les critères pour déterminer qui devrait être à la table? De toute évidence, chaque État-nation apportera sa propre sensibilité et ses propres préoccupations. Du point de vue canadien, que devrions-nous faire pour donner l'exemple?
Il y a un certain nombre de choses à faire. Le gouvernement du Canada finance les bureaux canadiens des participants permanents depuis de nombreuses années. J'ignore où en est ce financement actuellement. Les participants permanents, les organisations des peuples autochtones du conseil, ont toujours été confrontés non seulement à un problème financier, mais également, comme l'a mentionné David, à un problème de capacité: avoir accès aux experts, aux ressources et aux recherches auxquels ils n'auraient pas accès dans leurs petits bureaux. Le gouvernement canadien devrait également avoir un moyen de fournir les renseignements aux organisations...
Excusez-moi, voulez-vous terminer? Quant à ce dont David parlait au sujet de la collaboration — y a-t-il quelque chose qui se passe là-bas dont nous devrions entendre parler?
Il est très difficile pour les participants permanents de jouer un rôle dans toutes les activités qu'entreprend le Conseil de l'Arctique, pour les raisons que John vient de mentionner.
Je peux vous donner comme exemple les réseaux d'observation de longue durée de l'Arctique. Une entente a été conclue pour l'un des participants permanents, le Conseil circumpolaire inuit, afin qu'il représente les cinq autres dans cet organisme et qu'il leur fasse rapport. C'est peut-être possible. Je crois tout de même que de nouvelles ressources sont nécessaires, mais je pense que parfois, il pourrait être approprié, même si cela ne fonctionne pas toujours, que les organismes participants permanents s'entendent pour qu'un ou deux d'entre eux représentent les autres. Nous en avons un exemple maintenant.
Je suis d'accord avec David, mais il faut toujours se rappeler que les organisations des peuples autochtones du Conseil de l'Arctique ne sont pas des ONG. Ce ne sont pas des groupes de pression. Elles représentent des personnes ayant des droits souverains, peu importe les ententes particulières conclues dans chaque pays. C'est très clair, et elles citeront toujours la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones pour étayer leurs arguments.
David a raison. Je pense que l'entente avec les réseaux SAON est très importante, mais que c'est du cas par cas; ils donneront leur accord pour tel groupe. S'il s'agit d'une question technique, oui. S'il s'agit d'une question politique, ce sera...
John, vous avez parlé de votre travail, des effets des changements climatiques et de l'apport autochtone. Vous vous êtes penché sur cette question pour la première fois il y a environ deux ans. Cela dit, il serait intéressant que l'on maintienne cette méthode en ce qui concerne ces enjeux pour l'ensemble du Conseil de l'Arctique, de façon à ce que le point de vue des Autochtones soit vraiment entendu. Je pense que c'est quelque chose que nous devrions développer dans notre pays.
Je ne veux pas sous-estimer ce qui se passe, car le point de vue des Autochtones est entendu, et de nombreux groupes de travail et de nombreuses études — dont l'Évaluation de la navigation maritime dans l'Arctique — ont profité d'un apport important des Autochtones.
C'est ce que tout le monde nous a dit, et cela mérite d'être souligné. Personne, selon moi, ne conteste cela.
Merci.
Merci à tous d'être ici. Nous avons une discussion très intéressante ce matin.
Vous avez abordé la question de la poussière noire, dont nous connaissons la source. Je crois qu'on laisse même entendre que le charbon des centrales électriques de la partie supérieure de l'hémisphère pourrait également être repoussé là-bas. Mais j'ai été surpris de ne pas vous entendre parler — et c'est peut-être simplement un oubli ou parce que personne n'a soulevé la question — du gaz naturel. Nous avons d'importantes réserves de gaz naturel. Les Américains aussi. En fait, on trouve de plus en plus de gaz naturel, et nous avons la capacité de l'extraire.
Je préside un caucus sur le gaz naturel. Je suis un fervent partisan du gaz naturel. Quand nous parlons du Nord, certains disent que les deux principaux besoins en matière de développement dans le Nord sont les ressources humaines et les ressources énergétiques. Nous avons la capacité de desservir le Nord grâce au gaz naturel liquéfié. Nous sommes aussi capables maintenant... On en parle de plus en plus, et je pense que dans quelques années, nous verrons des navires fonctionnant au gaz naturel. J'aimerais savoir ce que vous pensez du gaz naturel comme carburant de remplacement.
J'adresserai d'abord ma question à M. Crump, puisqu'il a soulevé la question le premier.
J'ai remplacé un appareil de chauffage au mazout polluant par un appareil au gaz naturel dans ma maison et j'ai tout de suite vu des avantages économiques et une réduction des émissions.
Les combustibles fossiles sont dans un continuum. Il y en a qui sont plus polluants que d'autres. Avec le gaz naturel, au moins, l'utilisation du carburant est moins polluant que le mazout ou le charbon, par exemple. J'imagine qu'il s'agit aussi de savoir comment ce gaz naturel, en considérant le cycle de vie du produit, est exploité.
Je crois qu'il pourrait s'agir d'une solution de rechange pour certaines collectivités de l'Arctique. Je ne sais pas si ce serait le cas pour toutes. Nous sommes en train de travailler au programme Many Strong Voices, qui ralliera des personnes de l'Arctique et des petits États insulaires, l'automne prochain, dans le cadre d'un grand congrès dont l'objectif sera d'examiner quelques-unes des autres solutions énergétiques durables qui pourraient être possibles dans ces deux régions, compte tenu de leur éloignement et de leurs différences, bien sûr. Je pense qu'il faut tenir un certain nombre de discussions au sujet du mixte énergétique.
Mais en réalité, nous n'en sommes pas encore là. Si nous envisageons des sources de remplacement, je crois que ce sera des combustibles fossiles. Êtes-vous d'accord pour dire que le gaz naturel serait la meilleure solution pour un combustible fossile?
C'est intéressant. John a indiqué qu'il nous faut diverses solutions à différents endroits, et je crois que c'est ce qu'ont constaté les collectivités en procédant à des vérifications de la durabilité énergétique au cours des dernières années. Je crois que vous avez raison; à certains endroits, le gaz naturel serait la solution, mais à d'autres...
Je dis cela parce que l'industrie démontre maintenant une réelle volonté de travailler en partenariat avec les gouvernements. C'est une stratégie qui est très sensée pour nous, en tant que nation. Quoi qu'il en soit, je ne devrais pas monter à la chaire.
Nous avons parlé des Chinois. Je vais vous raconter quelque chose. Je suis allé en Chine en 2007 avec trois autres députés, je crois. Mark, vous n'y étiez pas. Il y avait deux libéraux, un néo-démocrate et moi-même. Les Chinois nous ont invités à aller en Chine. Quand nous sommes revenus, ils m'ont appelé pour me dire qu'ils voulaient discuter. Bien sûr, excellent. Nous avons discuté. De quoi voulaient-ils parler? De l'environnement. C'est formidable. Et nous avons parlé de l'environnement, mais durant notre conversation, ils m'ont clairement fait comprendre qu'ils n'étaient pas responsables de la pollution qui cause tous les problèmes atmosphériques que nous avons. En fait, ils ont un retard d'environ 200 ans, alors ils s'imaginent avoir beaucoup de temps à rattraper, et cela ne les intéressait pas vraiment. Alors, quand je vois des gens devenir tout exubérants à propos de leurs intentions, cela m'agace un peu, car je suis maintenant un peu plus cynique à cet égard.
Qu'est-ce qui pourra empêcher les Chinois, s'ils le veulent, de commencer à se frayer un chemin par le pôle Nord? Soyons réalistes, David, nous pouvons adopter toutes les lois que nous voulons, mais le droit de la mer... Si quelqu'un veut tout simplement emprunter cette route, que pouvons-nous faire? Comment pouvons-nous réagir face à cette situation?
Il y a quelques enjeux ici. L'un porte sur toute la question de la pollution, et je crois qu'elle ne suscite pas suffisamment d'attention; beaucoup de sources de pollution viennent de l'Asie. Nous savons que plus de la moitié des sources de mercure viennent de la région de l'Asie. Un instrument de réglementation sur le mercure à l'échelle mondiale sera achevé cette année; nous réalisons donc des progrès sur ce plan. Et nous devons, bien sûr, nous assurer que les États asiatiques respectent leurs engagements, et que nous, en Amérique du Nord, respectons aussi nos engagements. Il y a donc d'énormes enjeux relatifs à la mise en oeuvre.
Pour ce qui est du transport maritime, il n'y a probablement pas grand-chose à faire si la Chine décide d'emprunter la route maritime du Nord. Encore une fois, il doit y avoir des discussions, et pour cela, il doit y avoir un engagement en ce sens dans l'avenir. Cela peut se faire de bien des façons. Il peut s'agir de délégations du Canada, de délégations de la Chine, ici, de façon informelle; il y a bien des moyens. Le statut d'observateur au sein d'un conseil pourrait être une autre manière d'entreprendre le dialogue. Mais je crois qu'il doit y avoir un dialogue dans l'avenir.
À mon sens, on ne passera pas par le tracé extracôtier au cours de la prochaine décennie. Selon les plus récentes études, on empruntera peut-être cette route autour de 2040 ou 2050. Nous entendons aussi les dernières prédictions, dont le suivi est très difficile.
Permettez-moi de vous interrompre. Selon certains témoins que nous avons entendus, on ne passera pas non plus par le passage du Nord-Ouest, car il y a trop d'embâcles. Ce qu'on me dit le plus souvent, c'est que s'il y a de la navigation circumpolaire, ce sera par le tracé extracôtier.
Je ne sais pas si on vous dit la même chose, John? David?
Monsieur Van Kesteren, c'est tout le temps dont nous disposons.
Si vous voulez répondre brièvement, allez-y.
La distance serait plus courte, premièrement. Puis, bien sûr, des normes différentes s'appliqueraient sans doute, ce qui peut être intéressant, même si on devra tout de même traverser des zones nationales. C'est donc une question un peu délicate.
Merci, monsieur le président.
Je vais revenir aux activités dans nos voies navigables du Nord. Il ne fait aucun doute qu'il y aura un passage. Le sujet a été abordé très souvent, et c'est ce que les gens disent.
Pour donner suite à la question de M. Schellenberger, certains États de l'ouest des États-Unis ont des règles et règlements qui s'appliquent aux navires qui entrent dans leurs eaux. Nous avons une législation semblable selon laquelle un certain cautionnement doit être fourni pour qu'un pétrolier traverse nos eaux.
David, vous êtes bien au courant de ce qui se passe sur l'île Scatarie, où il y a un navire dont personne n'assume la responsabilité. Nous pouvons nous compter chanceux qu'il n'ait aucune cargaison. Que ferions-nous si, par exemple, il contenait des contaminants? On voit que nous ne sommes pas vraiment... comment dire, pas vraiment prêts.
Devrions-nous établir un certain protocole pour qu'une somme soit automatiquement déposée en cautionnement quand un navire entre dans nos eaux? C'est ce que j'ai vu dans le canal de Panama où des fonds sont transférés électroniquement à l'arrivée d'un navire. S'il y a des dommages... Les fonds sont récupérés à la sortie. Devrait-il y avoir un système en place? Les activités augmenteront, car les navires pourront naviguer dans ces eaux. Plutôt que d'attendre le moment où nous allons soudainement nous disputer pour déterminer qui fera le nettoyage ou qui remorquera un navire échoué sur une certaine masse terrestre, ne devrions-nous pas commencer maintenant à établir une sorte de protocole? Des navires emprunteront nos voies navigables en passant par le Nord, et nous devrons faire payer un cautionnement qui sera remboursé à la sortie.
C'est une question très difficile et complexe. Pour y répondre, je dirais que nous avons déjà des conventions internationales sur la pollution par les hydrocarbures transportés par des pétroliers, en vertu desquelles les armateurs sont strictement responsables jusqu'à un certain montant. Il y a également une convention portant création d'un fonds auquel contribue l'industrie du pétrole, de même qu'un autre protocole à suivre en cas de déversement. La couverture totale serait d'environ un milliard de dollars, ce qui représente déjà beaucoup d'argent. Le Canada est signataire de ces conventions, y compris le protocole supplémentaire.
Je pense que nous nous en sortons très bien en ce qui concerne le transport de marchandises. C'est plutôt les champs de pétrole et de gaz qui devraient vous préoccuper, car, une fois de plus, les sociétés pétrolifères sont beaucoup moins responsables conformément à nos lois. Cela dit, dans un rapport récent — publié il y a environ un an —, l'Office national de l'énergie, qui réglemente les activités extracôtières liées au pétrole et au gaz, parle encore une fois de la façon dont sera établi le niveau de sécurité financière que devra avoir chacune des sociétés concernées.
Si j'ai bien compris, il semblerait que c'est plutôt du cas par cas. Aucune convention mondiale ou régionale ne porte sur la responsabilité et l'indemnisation en cas de déversement de pétrole ou de gaz provenant d'une plateforme de forage extracôtière.
Serions-nous autorisés à mettre en place un certain système selon lequel nous aurions un point d'entrée et un point de sortie où ils devraient... Est-ce faisable?
En ce qui concerne le pétrole et le gaz, le Canada pourrait certainement le faire parce que nous établissons des règles en vertu de notre droit national.
Je parle de porte-conteneurs, d'autres navires, de quiconque passe par là. Il faudrait qu'un cautionnement soit versé avant d'entrer dans nos eaux.
Je crois que cela poserait un problème à cause des conventions internationales. L'article 234 met l'accent sur la prévention de la pollution. Il n'aborde pas les questions plus vastes telles que, par exemple, la mise en place d'un cautionnement. Je pense que d'autres pays n'aimeraient pas l'idée et qu'ils vous causeraient peut-être des ennuis. Je ne dis pas que vous ne pourriez pas essayer, mais je pense qu'il y aurait certaines difficultés sur le plan légal pour...
Ma dernière question ne s'adresse à personne en particulier.
Sommes-nous prêts à présider le Conseil de l'Arctique? On a laissé entendre que... Nous assurons la présidence de beaucoup d'autres organisations. Sommes-nous prêts? Quel genre d'embûches allons-nous devoir surmonter? Y a-t-il des questions sur lesquelles nous allons buter à défaut de nous être préparés et que les autres membres pourraient utiliser contre nous?
Je n'ai pas directement participé au processus, dernièrement. Je pense que la nomination du président des hauts représentants de l'Arctique il y a une semaine ou deux était une étape importante. J'ai le sentiment que nous serons prêts. Au cours des dernières années, les autres pays n'ont pas eu plus de temps que nous pour se préparer. Notre situation est donc la même que celle dans laquelle ils s'étaient retrouvés.
Je pense qu'il est important que tous les pays aient eu la possibilité de présider le Conseil. Le deuxième cycle des mandats à la présidence, que commencera le Canada, est l'occasion de définir certains problèmes de procédure quant à la priorité des questions visées par le mandat du Conseil de l'Arctique.
Cela dit, nous allons présider le Conseil à un moment déterminant de son histoire compte tenu de tous les changements et de toutes les possibilités à venir.
Je pense que le Canada est sous les projecteurs. Tout le monde a lu le compte-rendu des débats, et les points de vue sur ce qu'il devrait faire sont nombreux. En fait, chacun de nous a sa propre opinion, tout comme nos organisations.
Le Canada a été le premier à présider le Conseil de l'Arctique. Il était là à sa création et en est considéré comme l'un des membres les plus importants. Il a toujours soutenu les peuples autochtones. Je pense que la barre est très haute, et vous avez raison, les changements en cours ont lieu beaucoup plus rapidement que ce que nous avions anticipé. L'idée est de bien cerner les enjeux et de les aborder avec une perspective circumpolaire. Les politiques du Canada sont bien sûr très importantes et elles doivent l'être, mais le Conseil de l'Arctique n'est pas censé les refléter. Il constitue plutôt un ensemble d'autres éléments.
Merci, Monsieur Eyking. Oui, c'est tout le temps que nous avons.
J'aimerais remercier grandement nos témoins de la discussion que nous avons eue aujourd'hui. Je pense qu'elle s'est bien déroulée. Merci également à Anita d'avoir participé par téléconférence depuis Edmonton.
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