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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 034 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 30 avril 2012

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous commençons notre étude du rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins d’aujourd’hui. Nous accueillons des représentants de la Sous-direction des délits commerciaux de la Gendarmerie royale du Canada: M. Stephen Foster, directeur, et Mme Gisèle Rivest, sous-officier en charge des opérations d’intérêt national et de la corruption internationale.
    Bienvenue à vous deux.
    Monsieur Foster, je crois que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Je vous cède la parole.
    Monsieur le président et honorables membres du comité, bonjour et merci d’avoir invité la GRC à participer aux délibérations d’aujourd’hui. Nous savons que le comité se penche sur le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international.
    En 2007, le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption, qui comporte une série complète de normes, de mesures et de règles que tous les pays peuvent appliquer pour renforcer leur régime juridique et réglementaire à l’appui de la lutte contre la corruption. Elle prévoit dans cette optique l’adoption de mesures préventives et la criminalisation des formes de corruption les plus répandues dans les secteurs public et privé.
    La convention renferme également plusieurs dispositions visant à améliorer la concertation à l’échelle mondiale. L’une d’elles exige que chaque État partie à la convention crée un organisme de prévention de la corruption chargé d’appliquer les politiques anticorruption pertinentes, de travailler à l’accroissement et à la diffusion des connaissances en la matière, et de prêter main-forte à ses partenaires dans les autres pays afin d’enrayer la corruption.
    Par respect des obligations qui incombent au Canada en vertu de la convention, le gouvernement fédéral a accordé des fonds à la GRC pour la création de deux groupes de lutte contre la corruption internationale, qui ont été mis sur pied et intégrés aux sections des délits commerciaux de la GRC à Ottawa et à Calgary en 2008. Un officier breveté de la Sous-direction des délits commerciaux de la Direction générale de la GRC assure la surveillance du programme.
    L’emplacement de ces groupes a été choisi de façon stratégique afin de couvrir les régions de l’Est et de l’Ouest. Ils disposent d’un effectif de sept personnes chacun et remplissent des fonctions de prévention, de détection et d’enquête en matière de corruption internationale, se concentrant principalement sur la corruption d’agents publics étrangers, qui constitue une infraction à la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers du Canada.
    En plus de mener leurs activités d’enquête, les groupes de lutte contre la corruption internationale font de la prévention et de la sensibilisation auprès du milieu des affaires et des cercles gouvernementaux. Ils collaborent étroitement avec des organismes d’application de la loi à l’étranger, ainsi qu’avec des instances canadiennes, dont le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le ministère de la Justice et le Service des poursuites pénales du Canada.
    La Sous-direction des délits commerciaux et d’autres autorités anticorruption ont relevé plusieurs domaines où le risque de corruption internationale est grand, dont les cinq suivants, vu les fortes sommes susceptibles d’être en jeu et l’intervention probable d’agents publics influents: les industries extractives, les mégaprojets de construction, l’aide au développement entre pays, les secours après sinistre et les marchés d’acquisition gouvernementaux.
    La corruption prend une ampleur différente selon le pays, notamment parce qu’elle n’est pas criminalisée, réprimée et punie de la même façon partout, mais aussi parce que les mentalités qui la favorisent s’installent petit à petit, jusqu’à ce qu’elles soient bien ancrées dans les pratiques d’affaires et le mode de vie.
    La corruption nuit à la productivité économique et perturbe les forces normales du marché. Elle peut donner lieu à des processus de passation de marchés où les soumissionnaires retenus ne méritent pas les contrats qui leur sont octroyés. Les activités entachées de corruption empêchent l’utilisation judicieuse des fonds publics pour le bien de la population. Les personnes qui font des affaires à l’échelle internationale doivent être conscientes des risques et tâcher de les atténuer ou de les éliminer. Elles doivent se conduire avec honnêteté et intégrité.
    Il existe des ressources en ligne qui peuvent aider les entreprises à éviter la corruption lorsqu’elles exercent leurs activités à l’étranger. À cette fin, elles peuvent, entre autres pratiques exemplaires, établir des mesures de contrôle interne et des politiques de conformité robustes, se renseigner sur les lois en vigueur dans les pays où elles font affaire, adopter un code de conduite, offrir une formation appropriée et s’assurer de bien connaître les agents ou les employés qui les représentent.
    Une partie du site Web de Transparency International est consacrée aux moyens de lutter contre la corruption, et le site Web de l’Organisation de coopération et de développement économiques comprend une rubrique intitulée « Soutenir la lutte contre la corruption dans des pays en développement ». Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, l’Agence canadienne de développement international, Exportation et développement Canada et d’autres ministères fédéraux offrent aussi des documents et des ressources en la matière sur leurs sites Web.
    Pour combattre la corruption à l’échelle mondiale au profit des pays en développement et des organismes d’envergure internationale, il faut que les gouvernements et le milieu des affaires continuent de travailler ensemble à établir des règles du jeu équitables, c’est-à-dire exemptes de corruption.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous commençons par M. Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie notre invité de comparaître aujourd’hui. Autant que je me souvienne, au cours de la dernière législature, lorsque nous examinions la question de la responsabilité sociale des entreprises, la GRC a pu faire part de son point de vue pour nous aider avec ces mesures législatives. C’est bien que vous comparaissiez devant nous de nouveau pour notre étude sur le rôle du secteur privé dans le développement international.
    Bien sûr, l’une des questions dont nous sommes saisis depuis peu — et en fait, nous l’avons soulevée à la Chambre des communes aujourd’hui —, c’est celle qui concerne une entreprise canadienne, dont le vice-président a été arrêté à la suite de questions sur la corruption et de blanchiment d’argent qui ont été soulevées après que des enquêtes ont été menées dans un autre pays. Je parle de l’arrestation de M. Ben Aïssa en Suisse.
    Je me demande si vous êtes au courant de cette affaire et si vous pouvez nous dire si la GRC a joué un rôle.
(1535)
    La GRC était au courant de l'affaire. En fait, j’ai apporté l’article que le Globe and Mail a publié en ligne aujourd’hui.
    En ce qui concerne l’enquête en question, je ne dirai rien de plus que ce que le porte-parole de la GRC cité dans l’article a dit:
    … confirmerai seulement que les forces policières de la Division A de la GRC basée à Ottawa, qui s’occupe des enquêtes sur la corruption internationale, avaient reçu une demande d’assistance dans l’affaire Ben Aïssa.
    Pouvons-nous donc présumer qu’il y a aussi eu des enquêtes coordonnées avec Affaires étrangères ici au Canada et à l’étranger? En d’autres termes, la GRC a-t-elle contribué à l’enquête menée par les Suisses avec Affaires étrangères au Canada?
    Je répéterai seulement que nous avions reçu une demande d’assistance. C’est ce qui a été confirmé par notre représentant des relations avec les médias. Il serait inopportun de notre part de faire d’autres commentaires sur des enquêtes en cours.
    Bien des gens sont inquiets du fait que nous ayons une entreprise aussi dominante que SNC-Lavalin. Par exemple, nous savons que cet homme collaborait avec les gouvernements tunisien et libyen. Nous savons qu’en Libye, à l’époque, et ce qui a inquiété bon nombre d’entre nous — et c’était avant les manifestations dans les rues —, il y avait des contrats pour la construction de prisons, par exemple. Je ne connais pas beaucoup de gens qui seraient à l’aise dans une prison libyenne sous le régime de Kadhafi. Il me semble que des pays qui ont connu des problèmes de corruption dans le passé suscitent des préoccupations et qu'il faut garder un oeil sur les entreprises canadiennes qui font des affaires dans des pays où il y a des problèmes.
    Mettons cette affaire de côté pour le moment.
    Suivez-vous les entreprises canadiennes et les activités qu’elles mènent dans d’autres pays, et connaissez-vous une méthode que la GRC utilise pour ce faire? Attendez-vous plutôt que d’autres pays interviennent, comme pour le cas de SNC-Lavalin, dans lequel c’est la Suisse qui a communiqué avec nous et ce n’est pas nous qui avons lancé l’enquête? En d’autres termes, suivez-vous les entreprises canadiennes ou attendez-vous que d’autres pays communiquent avec vous?
    À la GRC, nous travaillons avec des sources ouvertes. Certaines activités peuvent attirer notre attention. De plus, nous sommes préparés à prendre des renseignements d’une plainte ou des demandes d’aide venant d’autres pays.
    Est-ce qu'il vous arrive de lancer une enquête sur une situation rapportée par des citoyens d'autres pays?
    Cela peut arriver dans certaines circonstances, selon la fiabilité de l'information, et s'il y a des documents et des renseignements à l'appui provenant d'autres sources.
    Vous êtes au courant qu'un nouveau bureau de conseils a été mis en place récemment en réponse aux préoccupations que les gens ont sur les activités extractives menées à l'étranger.
    Vous parlez de la conseillère en responsabilité sociale des entreprises?
(1540)
    Oui.
    Oui.
    Vous a-t-elle demandé de faire enquête sur des plaintes ou des entreprises?
    Nous communiquons avec son bureau et je dirais que nous n'avons reçu aucune demande de sa part.
    Vous êtes donc en contact avec la conseillère, mais elle n'a pas communiqué avec vous, si je peux m'exprimer ainsi?
    C'est cela.
    Monsieur le président, bien entendu, je trouve que c'est intéressant, car l'une des préoccupations des gens, c'était que son mandat n'aurait pas la portée lui permettant de faire enquête. Étant donné qu'il y a eu des demandes d'enquête, je trouve intéressant que le bureau et la conseillère ne communiquent pas avec la GRC — mais nous en reparlerons peut-être un autre jour.
    Enfin, je voulais seulement revenir sur votre observation selon laquelle le Canada a récemment reculé de quelques rangs en matière de lutte contre la corruption. Notre pays était auparavant en sixième place, ce qui n'est pas le premier rang. Nous aimerions tous que le Canada soit au premier rang en la matière, mais il se retrouve maintenant au 10e rang.
    Le saviez-vous? À quoi attribuez-vous ce changement?
    Pouvez-vous être bref, s'il vous plaît? Nous n'avons que 30 secondes.
    Pour ce qui est du fait que nous soyons passés du sixième au dixième rang, je savais que la situation avait changé. Deux ou trois facteurs sont en cause. Il s'agit d'un indice de perception de la corruption, et c'est donc le niveau de corruption perçu. En partie, l'ajout de mesures de coercition est annoncé, ce qui engendre une hausse du niveau de corruption perçu. Parallèlement, les mesures mises en place peuvent mener à une baisse du niveau. C'est donc l'une des choses qui a des facteurs contradictoires.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Van Kesteren pour sept minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Pour poursuivre sur la même lancée, monsieur Foster, quels pays se classent devant le Canada? Pouvez-vous nous le dire comme cela?
    Pendant que vous cherchez, qui détermine le classement? Est-ce l'ONU?
    La Norvège et la Suède pourraient se trouver devant le Canada présentement. C'est Transparency International qui gère l'indice de perception de la corruption. L'information est présentée sur son site Web. Cela remonte à plusieurs années. Transparency International a changé la façon de fonctionner à quelques reprises, ce qui pourrait avoir eu une incidence sur différents classements.
    Ce n'est donc pas un organisme de l'ONU; c'est un...?
    C'est une ONG, une organisation non gouvernementale.
    D'accord. Je pense que c'est important.
    Je vous remercie de votre présence.
    Quels pays ou continents sont plus enclins à participer à des pratiques de corruption? Pouvez-vous préciser nous le préciser? Où y a-t-il les plus grands problèmes?
    Lorsque je me suis penché sur le problème pour la première fois, au début de l'année 2005, j'ai remarqué les domaines d'activités que j'ai mentionnés dans ma déclaration préliminaire; ce sont donc les endroits où l'on mène de telles activités: activités extractives, aide au développement, secours après sinistre. Ce sont des domaines pour lesquels les risques de corruption sont grands.
    Il n'y a pas, par exemple — je ne m'en prends pas à un pays en particulier — les pays de l'Afrique de l'Est par rapport à ceux de l'Afrique de l'Ouest, ou les pays sud-américains par rapport à ceux de l'Amérique centrale? Quels genres de gouvernement sont en place lorsque les pratiques de corruption sont plus répandues?
    Lorsque j'ai examiné les facteurs de risque, je n'ai pas trouvé que c'était précisément lié au type de gouvernement en place. J'ai écrit qu'on peut examiner divers facteurs, dont le type de gouvernement, le système d'éducation, le système de soins de santé et les systèmes d'aide sociale des pays. Ces facteurs peuvent aussi être liés à la présence de corruption.
(1545)
    Pourriez-vous fournir ces renseignements au comité? J'aimerais bien les voir.
    Ce n'est pas présenté sous forme de liste. C'est un document, mais ce n'est pas un problème.
    D'accord. Nous pourrions peut-être y jeter un coup d'oeil.
    Trouvez-vous que les entreprises canadiennes coopèrent? Évidemment, il faut un certain degré de coopération si l'on soupçonne des pratiques de corruption, et il faut que ce soit révélé, mais trouvez-vous qu'il y a une volonté d'opérer dans un contexte équitable qui respecte les lois?
    En général, oui; je pense qu'il y a un respect, on montre un intérêt. Le mouvement anticorruption prend de l'ampleur dans le monde. D'autres pays comptent sur l'aide du Canada pour des mesures contre la corruption et le volet de responsabilité sociale d'entreprise.
    La Convention des Nations Unies contre la corruption porte en partie sur l'aide des pays développés au renforcement des capacités d'autres pays, des pays moins développés.
    C'est une charte des Nations Unies. Trouvez-vous qu'en général, d'autres pays contribuent bien? Le Canada n'est pas la seule nation qui a des activités extractives. Les entreprises canadiennes ne sont pas les seules à en mener. Trouvez-vous qu'il y a une bonne coopération? Prenons l'exemple de la Chine. Trouvez-vous qu'elle tente aussi de faire la lumière sur le problème?
    D'après mon expérience, oui. La Chine s'intéresse au mouvement anticorruption. Pendant un certain nombre d'années, la Chine a présidé l'Association internationale des autorités anticorruption, qui est associée à l'ONUDC. Elle a fourni de l'aide en matière de gouvernance et dans la création de l'association.
    Je pense qu'elle montre un intérêt. Chaque année, elle organise un colloque sur la lutte contre la corruption et une rencontre annuelle qui comprend un groupe de travail. On y réunit les autorités anticorruption, ce qui inclut la GRC et la participation d'un certain nombre d'autres pays.
    Évidemment, s'il y a un problème et qu'un autre pays est concerné, des bonnes relations de travail seront nécessaires.
    Ma prochaine question est la suivante: est-ce ainsi partout? S'il y a un problème dans un pays, si une personne en particulier semble mêlée à des histoires de corruption... plusieurs pays ont des sociétés extractives. Peut-on simplement donner un coup de fil aux dirigeants américains, scandinaves ou chinois, peu importe, pour leur demander de collaborer à une enquête?
    Il n'y a pas de relations préétablies avec tous les pays. Toutefois, pour quelques-uns de ceux que vous avez mentionnés, les enquêteurs de la GRC entretiennent déjà des liens avec les enquêteurs de là-bas. Si ce n'est pas le cas, on pourrait entreprendre une enquête, pourvu qu'il soit possible de collaborer avec les intervenants étrangers et de forger une telle relation de travail.
    Je pense que c'est le cas depuis 2008 aux Nations Unies. C'est à ce moment-là que nous avons accepté de collaborer, si je ne me trompe pas.
    C'était le 2 octobre 2007.
    Diriez-vous que nous nous dirigeons dans la bonne direction, qu'il y a assurément eu une amélioration et que les parties commencent à collaborer? Avons-nous fait des progrès?
    Oui.
    C'est la réponse que j'espérais.
    Merci.
    Merci. C'est ce qui conclut vos sept minutes.
    Monsieur Eyking, vous avez sept minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur Foster, d'être ici aujourd'hui. C'est toujours agréable de se présenter devant les comités et de répondre à leurs questions. J'aimerais aborder trois points avec vous.
    Le NPD a déjà parlé de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives, aussi appelée l'ITIE. Il y a quelques semaines, nous avons entendu un témoin qui nous a dit que le plus grand obstacle au développement dans les pays sous-développés, c'est de savoir où est passé l'argent. Si je me rappelle bien, il nous a dit que 1 billion de dollars étaient tombés dans les mauvaises mains et transférés dans des banques un peu partout dans le monde, plutôt que d'être investis là où ils devaient l'être, c'est-à-dire dans le développement des pays et les trésoreries qui en ont besoin.
    On a parlé d'un article paru dans le Globe and Mail. On sait que le Parlement européen a adhéré à cette initiative. La Norvège, l'Australie et les Pays-Bas lui ont emboîté le pas, mais le Canada tarde à le faire. Aux États-Unis, il y a l'initiative Dodd-Frank.
     Y a-t-il une raison pour que nous n'adhérions pas à l'initiative? Est-ce que le gouvernement a quelque chose à craindre? Y aurait-il un problème de transparence ici aussi?
(1550)
    À ce que je sache, il n'y a pas de problème de transparence à l'égard des sociétés canadiennes ni de leur fonctionnement. Je ne vois pas pourquoi on devrait hésiter à se joindre à cette initiative.
    Différentes organisations mènent, à l'échelle régionale ou mondiale, des campagnes contre la corruption dans les opérations internationales. Il y a l'Organisation des États américains, l'OCDE, les Nations Unies, Transparency International, l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives, et quelques autres que je n'ai pas nommées.
    Pour ce qui est de savoir s'il serait avantageux pour elles d'adhérer à l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives, je ne suis pas nécessairement bien placé pour me prononcer là-dessus.
    Vous ne voyez pas de raison particulière qui justifierait de ne pas y adhérer.
    Il me semble que ce serait la chose à faire si tous ces autres pays le font. Ce n'est pas très bon pour notre image.
    Contrairement aux États-Unis, nous n'avons pas de loi qui a le même objectif que cette initiative. Il me semble que c'est une simple question de bon sens. Cela va de soi.
    Je ne sais pas ce que les sociétés vont en penser. Elles pourraient bien se dire que c'est une très bonne chose et décider de se joindre à l'initiative. Mais elles vont peut-être aussi se demander si faire preuve d'une extrême transparence ne pourrait pas compromettre leur compétitivité. Comment est-ce que cela va se traduire dans le marché mondial?
    Je ne peux pas prédire quelle sera leur décision, mais je vois les deux côtés de la médaille.
    Votre tâche première est, bien sûr, de faire enquête sur les actes répréhensibles commis à l'échelle internationale.
    Dernièrement, plusieurs groupes ont formulé des plaintes contre des sociétés minières ou extractives canadiennes, notamment des groupes indigènes des Philippines et du bassin de l'Amazone au Pérou.
    Oui, ce sont des sociétés canadiennes qui suivent les règles du pays où elles se trouvent. Cependant, les règles canadiennes sont très strictes. Pensez-vous que nous devrions renforcer les lois pour veiller à ce que les sociétés canadiennes suivent les lignes directrices du Canada quand elles font de l'extraction dans ces autres pays? Devrait-on resserrer la réglementation ou mettre en place un protocole quelconque?
    Ce serait difficile pour moi de commenter une loi non déterminée qui n'a pas été proposée, autant que de proposer une loi qui régirait l'exploitation des sociétés canadiennes à l'étranger.
    Nous encourageons les sociétés canadiennes à adopter de bonnes politiques en fait de responsabilité sociale et de conformité, et à faire preuve de transparence dans ces pays.
    Vous n'avez pas le pouvoir de faire enquête sur elles pour vous assurer qu'elles le font réellement. Elles sont laissées à elles-mêmes.
    Si elles font entorse à la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers en soudoyant un agent public étranger, nous avons le pouvoir de faire enquête sur ce genre d'infraction.
    Le gouvernement actuel insiste pour que le développement et l'aide soient assurés, en quelque sorte, par les sociétés. C'est l'objectif premier de ce projet.
    Devrait-il y avoir une loi qui nous permettrait de surveiller ces sociétés et de voir comment elles contribuent à l'aide étrangère? Devrait-on exercer un suivi plus serré? Est-ce que votre ministère devrait aussi voir à ce que l'argent se rende à bon port...?
    La société SNC-Lavalin et ses dépenses font les manchettes ces jours-ci, mais il ne s'agit pas techniquement d'argent destiné à l'aide étrangère. Cependant, si cela avait été le cas, auriez-vous eu le pouvoir de retracer cet argent?
    Si une infraction avait été commise à cet égard, nous aurions pu, dans le cadre de l'enquête, essayer de retracer les fonds qui ont été utilisés de façon illicite ou versés en pots-de-vin.
    Vous sembliez plutôt faire référence à une fonction réglementaire permanente. Je ne saurais vous dire si la loi devrait l'exiger. Je vous conseillerais peut-être de poser la question au ministre.
(1555)
    Vous n'avez probablement pas les outils juridiques nécessaires en ce moment.
    Il ne semble effectivement pas y en avoir encore.
    C'est exact.
    Si une société disposait de fonds destinés à l'aide étrangère et qu'elle devait contribuer à l'établissement d'un réseau d'aqueduc en Afrique — c'est une situation hypothétique —, et qu'une plainte était déposée, auriez-vous les outils nécessaires pour faire enquête? Par exemple, si le village en question se plaint à vous qu'il n'a pas eu le réseau d'aqueduc promis, avez-vous le pouvoir de mener une enquête là-dessus?
    L'exemple que vous nous avez donné ne serait pas couvert par la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers. Tout dépend où les instances ont été présentées. Si le gouvernement du Canada avait accordé ce financement sous la prémisse qu'il serait utilisé de telle ou telle façon à l'étranger, on pourrait alors ouvrir une enquête pour fraude à partir d'ici.
    D'accord.
    Il existe quelques zones grises ou des outils qui pourraient être utilisés.
    Le Code criminel contient de nombreuses dispositions concernant les cas de fraude.
    Merci, monsieur Eyking.
    Nous allons entamer notre deuxième tour, qui sera de cinq minutes. Mme Brown sera notre première intervenante.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais y aller très rapidement, monsieur Foster, parce que je sais que mon collègue a aussi des questions à vous poser.
    J'ai visité des pays qui avaient des pratiques pour le moins douteuses. En fait, quand je suis arrivée à mon hôtel lors d'un de mes déplacements, on m'a informée que si je voulais voir de l'argent changer de main, je n'avais qu'à descendre à la réception à 2 h du matin. J'aurais pu être témoin de l'échange.
    J'aimerais donc vous demander quelles mesures on devrait prendre pour que les stratégies anti-corruption portent fruit. Et comment le Canada peut-il aider les pays en développement à mettre en place des stratégies anti-corruption?
    Je vais céder la parole à mon collègue pour qu'il puisse poser ses questions. Vous pourriez peut-être répondre à toutes ces questions d'un seul coup. Est-ce que ça va? Va-t-il avoir le temps?
    Il va avoir le temps.
    Il aura du temps? D'accord.
     Alors je vous écoute.
    Vous vouliez savoir quelles mesures il faudrait prendre?
    Quelles mesures devrait-on prendre pour que les stratégies anti-corruption portent fruit, et comment le Canada peut-il aider les pays en développement à mettre en place des stratégies anti-corruption?
    Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question, mais elle semble assez vaste. Je pense que la Convention des Nations Unies contre la corruption est une stratégie anti-corruption. La convention anti-corruption de l'Organisation de coopération et de développement économiques fait aussi partie de la stratégie.
    Ce qu'il faut, c'est la coopération entre les forces de l'ordre, le gouvernement et le secteur privé, et les choses semblent vouloir se mettre en place. J'espère avoir répondu à votre question.
    Est-ce que la GRC peut aider au renforcement des capacités si un gouvernement en fait la demande? C'est une des choses que fait le Canada, et il le fait bien. J'ai rencontré des parlementaires de pays en développement qui demandent de l'aide pour établir les structures dont ils ont besoin, et le Canada a généreusement offert de son aide.
    Est-ce que la GRC peut offrir de son aide à cet égard par l'intermédiaire d'un mécanisme quelconque?
    Quand c'était possible, la GRC a répondu aux demandes d'aide concernant le renforcement des capacités. Nous avons par exemple offert aux autorités mexicaines les services d'un expert de la division des infractions commerciales, qui les a aidés à préparer leurs propres cours en fonction des lois mexicaines et des enjeux pertinents. Nous leur avons offert notre expertise pour élaborer leur propre cours dans le contexte qui leur est propre.
    Nous offrons aussi une assistance continue à la Chine. Nous l'aidons à comprendre comment le Canada met en application son programme anti-corruption international, en ce qui concerne non seulement l'exécution de la loi, avec nos deux équipes spécialisées, mais aussi la prévention, la détection, la mise sous enquête et les poursuites judiciaires.
(1600)
    Est-ce que des systèmes judiciaires devraient aussi être mis en place en marge de ces stratégies?
    Pourriez-vous préciser votre question?
    Pour un pays en développement, rien ne sert de détecter les cas de corruption s'il ne possède pas de mécanisme pour traduire les délinquants en justice. J'imagine qu'il faut aussi que des systèmes judiciaires soient en place pour que ces stratégies soient efficaces.
    Oui, c'est nécessaire. C'est en partie le rôle que jouent les Nations Unies dans le cadre de la Convention contre la corruption.
    Le groupe anti-corruption de l'OCDE a un processus d'évaluation par les pairs, qui prévoit entre autres l'examen des volets exécution de la loi et poursuites judiciaires, pour veiller à ce que des lois soient en place afin de criminaliser la corruption intérieure et internationale en ce qui a trait au soudoiement d'agents publics étrangers.
    Merci.
    Je crois que j'ai terminé.
    Oh, vous avez effectivement terminé, de même que M. Dechert. Il pourra intervenir au prochain tour.
    Monsieur Harris, cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, surintendant, d'être avec nous aujourd'hui. J'ai une question à vous poser.
    Je n'essaie pas de vous blâmer, mais comme c'est vous qui êtes ici, c'est à vous que je vais poser la question. Il n'y a pas seulement Transparency International qui a critiqué le Canada; l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, dont vous êtes membre, s'est aussi montrée très critique à son égard. En mars dernier, elle a indiqué que le Canada avait seulement...
    Je sais que le traité est récent, mais nous avons adopté une loi anti-corruption il y a 12 ans. La seule société à jamais avoir été déclarée coupable de corruption s'est vu imposer une sanction moins élevée que le montant qu'elle avait versé en pots-de-vin à une société américaine.
    Je voudrais savoir quelle sorte de message on envoie ainsi aux sociétés canadiennes faisant des affaires à l'étranger, notamment dans les pays où l'argent circule en pleine nuit dans les halls d'hôtel, comme le mentionnait Mme Brown. Les sociétés canadiennes pourraient craindre de perdre de leur compétitivité si elles ne font pas de même.
    Est-ce que ces antécédents envoient un mauvais message? Comment pouvons-nous rectifier le tir? Le processus repose-t-il entièrement sur le dépôt de plaintes? Autrement dit, si aucune plainte n'est formulée, pouvez-vous tout de même intervenir?
    Toutes nos interventions ne sont pas motivées par des plaintes. Nous recourons en partie à des renseignements de source ouverte.
    Pour ce qui est des critiques formulées par l'OCDE à l'endroit du Canada, c'est entre autres en raison de la politique du gouvernement du Canada concernant la transmission de renseignements sur les enquêtes en cours. En vue de la rencontre avec l'OCDE sur la phase 3 de l'examen de la mise en oeuvre de la convention au Canada, j'avais calculé le nombre d'enquêtes en cours. Il y en avait 34.
    De plus, l'unité anti-corruption internationale de Calgary s'est attirée de très bonnes critiques grâce aux poursuites qu'elle a intentées et au montant de la sanction imposée dans cette affaire. On a indiqué que cela aurait une incidence sur les sociétés canadiennes, leur faisant comprendre que le Canada était...
    Il y a donc eu une deuxième condamnation.
    ... prenait l'affaire au sérieux.
    Quelle était la première, monsieur?
(1605)
    L'affaire Hydro Kleen.
    Hydro Kleen, en effet. La deuxième condamnation a suivi le plaidoyer de culpabilité, en juin dernier, d'une entreprise canadienne dont le siège est à Calgary. Celle-ci a reçu une amende d'un peu moins de 9,5 millions de dollars, y compris le supplément pour le service d'aide aux victimes.
    C'est donc plus sévère.
    D'après son rapport, l'OCDE craint notamment que la capacité du Canada à mener à bien des poursuites à l’issue de ces enquêtes soit compromise si d'autres ressources ne sont pas attribuées pour poursuivre les nombreuses affaires qui devraient en découler.
    Estimez-vous que votre organisation a suffisamment de ressources pour mener ses enquêtes et engager des poursuites en réponse aux plaintes? Sinon, accuse-t-elle un retard par manque de ressources, comme le prétend l'OCDE?
    L'OCDE a parlé de ressources insuffisantes. Nous avons deux équipes de sept personnes à Calgary et à Ottawa, sous la supervision d'un agent de police des quartiers généraux de la GRC. Ces équipes sont intégrées aux sections des délits commerciaux et ont accès à leurs ressources. Elles se consacrent pleinement à cette tâche et, en plus, elles peuvent augmenter leur capacité grâce aux ressources de la section.
    Il y a un an, 20 enquêtes étaient en cours; vous en avez aujourd'hui 34, qui sont réalisées par 14 personnes situées dans deux villes différentes. Cela retarde-t-il les poursuites qui pourraient être intentées relativement aux enquêtes? Sinon, à quoi la lenteur des procédures semble-t-elle attribuable?
    Je sais que les délits commerciaux sont des affaires complexes, mais vous semblez convaincu d'avoir suffisamment de ressources pour mener ces 34 enquêtes.
    Oui, c'est ce que...
    J'ai une dernière question. Transparency International a laissé entendre que le Canada n'exerçait pas suffisamment sa « compétence à l'égard de la nationalité » concernant la poursuite de citoyens accusés de corruption à l'étranger.
    Êtes-vous au courant de cette préoccupation?
    Le temps est écoulé, mais le témoin peut répondre.
    Je suis au courant. Pour l'instant, nous exerçons notre compétence territoriale conformément à l'interprétation de l'arrêt R. c. Libman. Autrement dit, si un élément est étroitement lié au Canada — comme une décision prise au Canada, de l'argent provenant d'ici ou un compte à l'étranger géré à partir du Canada —, la juridiction extraterritoriale s'applique, mais pas la compétence à l'égard de la nationalité; selon moi, c'est ce qui fait l'objet de critiques.
    Il ne s'agit pas de Canadiens qui posent des gestes illégaux à l'étranger. Bien.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Dechert pour minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Foster, je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
    Si le représentant d'un gouvernement étranger demande un pot-de-vin à une entreprise canadienne, à qui cette dernière peut-elle le signaler au Canada?
    Elle devrait s'adresser à la GRC.
    Que fera ensuite la GRC de cette information?
    Si le pot-de-vin est signalé à la GRC, la plainte sera transmise à un des groupes de lutte contre la corruption internationale, soit à Calgary ou à Ottawa.
    J'imagine que l'information sera ensuite communiquée à la force policière du pays en question.
    Vous parlez des autorités étrangères en question...?
    M. Bob Dechert: C'est exact.
    Surint. Stephen Foster: C'est possible. Mais s'il s'agit d'une infraction en vertu de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, c'est notre groupe qui aura le pouvoir de mener l'enquête.
    Mais disons qu'une entreprise canadienne à qui on a demandé un pot-de-vin s'adresse à vous pour savoir quoi faire, une procédure permet-elle de porter l'information à l'attention des autorités du pays en question?
    Oh, bien sûr.
    Pardonnez-moi, j'avais mal compris la question.
    J'ai pratiqué le droit commercial plus de 25 ans au Canada, et je crois que les entreprises canadiennes veulent bien faire. Or, il arrive que les représentants de gouvernements étrangers leur demandent de tels paiements illicites. Elles veulent simplement savoir quoi faire pour éviter d'être accusées d'activités malhonnêtes. Elles veulent également s'assurer que les règles du jeu sont équitables entre eux et la concurrence étrangère.
    Voici ma prochaine question: si une entreprise canadienne soupçonne un concurrent étranger de verser un pot-de-vin à un représentant gouvernemental d'un tiers pays, peut-elle le signaler à la GRC?
(1610)
    Elle pourrait le faire savoir à la GRC. Elle peut aussi décider de le signaler à la police du pays en question, mais tout dépend duquel il s'agit.
    Dans ce type de pays, selon mon expérience, il se pourrait que l'entrepreneur canadien préfère ne pas signaler le comportement aux autorités sur place, car a) ce serait probablement inutile puisque rien ne serait fait à cet égard, et b) ses intérêts commerciaux pourraient en souffrir énormément.
    Quelle autre solution s'offre à l'entreprise canadienne? Si elle sait qu'un concurrent étranger se livre à ce type de corruption, j'imagine qu'elle peut le signaler aux autorités de son pays d'origine. La GRC pourrait-elle le faire à sa place?
    Prenons un exemple. Si une entreprise canadienne apprenait qu'une entreprise suisse a versé un pot-de-vin au représentant gouvernemental d'un tiers pays et qu'elle en informait la GRC, celle-ci aviserait-elle les autorités suisses?
    Pas nécessairement. Tout dépend de la crédibilité de l'information, des autres renseignements obtenus à cet effet, des preuves à l'appui ou des documents liés à la plainte en question. Nous ne tenterions pas nécessairement d'entraver immédiatement ce qui est peut-être le processus de passation des contrats du pays en question et d'y mêler la police si c'est déplacé. Nous pourrions alors commettre un méfait public.
    La Convention des Nations Unies contre la corruption pourrait-elle être utile à une entreprise canadienne dans une situation semblable? Comme vous l'avez sûrement compris, des entreprises canadiennes apprennent chaque jour que des concurrents étrangers versent ce genre de pots-de-vin dans le but de décrocher des contrats. Ils ne veulent pas leur emboîter le pas, mais ils aimeraient que les règles du jeu soient équitables. Le droit international leur permet-il de parvenir à cet équilibre?
    À certains égards, ce pourrait être au moyen de la procédure de plainte, mais tout dépend de la situation particulière. Si un organisme ou un ministère est mêlé au problème, la plainte pourrait être déposée au ministère du pays en question ou aux forces policières locales, ou encore aux ministères ou aux forces policières correspondantes du Canada. Certaines organisations internationales pourraient également recevoir la plainte. Il en va de même si l'infraction est liée à un prêt international dans le cadre d'une opération bancaire appuyée par plusieurs pays.
    S'il y a suffisamment de preuves ou de plaintes, j'imagine que des mesures seront prises et contribueront à équilibrer les règles du jeu.
    Dans votre exposé, vous avez dit que chaque État signataire de la convention doit créer un organisme permanent de lutte contre la corruption chargé d'appliquer les politiques pertinentes, de travailler à l'acquisition et à la diffusion des connaissances en la matière, et de prêter main-forte aux partenaires étrangers afin d'endiguer la corruption.
    La GRC informe-t-elle les Canadiens sur ces mesures de lutte contre la corruption et sur notre adhésion à la convention?
    Je vais demander à la sergente d'état-major Rivest de répondre à la question.
    L'an dernier seulement, nous avons offert 72 présentations à ce sujet, auxquelles plus de 6 000 personnes ont assisté. Il s'agissait de représentants d'entreprises, de l'industrie minière, et même d'écoles. Nous tentons également de susciter l'intérêt des professeurs de droit pour qu'ils l'incluent à leur programme.
    La présentation se trouve-t-elle sur le site Web de la GRC ou ailleurs?
    Oui. Nous avons un prospectus à ce sujet. J'en ai une copie en main, et il se trouve également sur notre site Web. Nous avons aussi distribué des affiches en guise de sensibilisation.
    Merci, monsieur Dechert.
    C'est maintenant au tour de M. Schellenberger.
    Je vous remercie de votre exposé et de votre présence.
    Les problèmes de corruption sont-ils courants au sein des pays en développement? Quels sont les principaux obstacles qu'on y rencontre?
(1615)
    Voulez-vous savoir ce que les Canadiens ont constaté ou bien ce que d'autres à l'échelle mondiale...
    Je veux savoir ce qu'il peut se passer dans ces pays.
    Je crois savoir que la corruption peut y être omniprésente, mais je n'ai pas de chiffres là-dessus. Les pays en développement sont plus risqués. Il se peut que les agents publics ne soient pas rémunérés suffisamment et qu'ils cherchent d'autres sources de revenus. Mais je n'ai aucune donnée à vous présenter sur le risque des pays en développement.
    Bien.
    La corruption ne sévit pas uniquement dans les pays en développement; des pays développés peuvent également être minés par la corruption, n'est-ce pas?
    En effet.
    Et peut-être même plus que les pays en développement?
    La corruption peut bel et bien atteindre les pays développés, et parfois plus que les pays en développement.
    Certaines industries sont-elles plus sujettes à ce problème?
    Oui; comme vous l'avez certainement constaté dans les médias, il s'agit notamment des industries extractives, de la construction, des acquisitions gouvernementales... Les occasions sont nombreuses, car presque toute transaction de grande valeur entre deux parties, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale, peut engendrer de la corruption.
    Dans quelle mesure la GRC instaure-t-elle un dialogue avec les entreprises canadiennes privées qui font affaire avec des pays en développement?
    Comme je viens de le dire, nous offrons une présentation et essayons constamment de sensibiliser les gens.
    L'été dernier, je crois, nous avons embauché un étudiant qui devait repérer les entreprises à risque et leur envoyer une lettre pour les informer de la loi et leur demander si elles voulaient que nous leur présentions notre exposé.
    Dans quelle mesure le Canada s'efforce-t-il de lutter contre la corruption comparativement à d'autres pays, comme les États-Unis et le Royaume-Uni?
    Je suis assez bien au fait de la situation aux États-Unis; je connais les organismes responsables et l'ampleur du travail accompli à cet égard. Étant donné la taille des États-Unis, je dirais que nous déployons des efforts comparables.
    Le Royaume-Uni vient de modifier sa loi. Selon la plus récente mise à jour de l'OCDE, à la suite de son évaluation de phase 3, le pays devrait la modifier à nouveau, même si je comprends mal... Le Royaume-Uni a adopté une modification, et il devait en adopter une autre peu après. Il ne me semblait toutefois pas que la nécessité en serait bien démontrée à ce moment.
    Le régime actuel du Royaume-Uni a été félicité sur la scène internationale pour ses dispositions. Au Canada, nous consacrons des ressources à cette fin, à la différence de bien d'autres pays membres de l'OCDE ou d'autres pays développés.
    Merci.
    C'est tout le temps dont vous disposiez.
    Madame Péclet, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Bonjour, je remercie beaucoup nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Selon la loi, présentement, pour qu'une compagnie soit reconnue coupable, il faut que la Couronne établisse un lien entre l'infraction commise dans un pays quelconque — autre que le Canada — et le Canada. Parfois, c'est directement prévu par la loi. Par exemple, on peut parfois parler du trafic d'êtres humains ou de tourisme sexuel quand certains Canadiens vont dans d'autres pays. L'infraction est alors considérée commise au Canada. Il faut donc que ce soit prévu par la loi. Pour l'instant, ce n'est pas prévu par la LCAPE. Il faut qu'il y ait un tel lien dans la majorité des cas.
    Pouvez-vous nous parler de la façon dont la GRC peut établir un lien quelconque, par exemple, dans le cas d'une compagnie minière qui a des activités dans un autre pays et qui commet une infraction dans un autre pays, peu importe que ce soit SNC-Lavalin ou une autre compagnie? Il faut que le lien puisse être fait avec le Canada pour qu'elle puisse être reconnue coupable, n'est-ce pas?
(1620)
    Je pense qu'on a déjà répondu à la question lorsqu'il a été question du type de juridiction. Il faut qu'il y ait plus de liens. Ce ne peut pas être seulement le fait qu'il s'agisse d'un Canadien. Ce peut-être l'argent qui a été échangé là où le délit a été commis, que ce soit au Canada ou à l'extérieur du pays. Cela dépend du cas. Cela dépend de beaucoup de choses.
    On a dit plus tôt qu'il y a 24 cas en ce moment. Est-ce un problème pour la GRC et pour la Couronne quand on poursuit des entreprises? Est-ce un obstacle pour que les entreprises soient reconnues coupables?
    Je ne dirais pas que c'est un obstacle. Toutefois, prouver la corruption n'est pas facile. Cela prend énormément de temps. C'est pourquoi, probablement, on n'a pas plus de cas de poursuites. Il faut du temps pour en faire la preuve.
    Le rapport de l'OCDE, auquel mon collègue faisait référence plus tôt, parlait de « clarifier que la police et le ministère public ne peuvent pas tenir compte de facteurs tels que l’intérêt économique national et les relations avec un État étranger lorsqu’ils décident d’ouvrir ou non des enquêtes ou d’engager des poursuites sur la base d’allégations de corruption transnationale. »
    Il faudrait clarifier la loi et indiquer que les relations politiques ne devraient pas avoir d'influence sur les procès, etc. Pouvez-vous faire des commentaires sur cette conclusion du rapport de l'OCDE?
    Pas vraiment, mais à la suite de ce qui a été fait du côté de l'OCDE et du MAECI, nous avons demandé aux gens des compagnies et des ONG ce qu'ils pensaient des suggestions de l'OCDE. Des améliorations doivent être apportées, c'est certain, et nous nous penchons là-dessus présentement.
    On dit dans le rapport qu'il faudrait préciser que la loi ne s'applique pas uniquement aux affaires destinées à réaliser un profit, mais à toutes les affaires internationales.
    Est-ce que c'est aussi inclus dans vos consultations?
    Oui. Cette question est à l'étude en ce moment.
    Vous parlez d'ONG, mais avez-vous consulté le public en général? Ne trouvez-vous pas qu'il est un peu étrange de consulter les compagnies sur quelque chose qui sert à

[Traduction]

    poursuivre les compagnies?

[Français]

    C'était une consultation assez vaste. On a amené à la table des experts de ce domaine et on leur a demandé quelle était leur opinion sur le sujet.
    D'accord. Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Schellenberger, avez-vous une brève question?
    Oui.
    Si l'on croit que la corruption règne dans le pays où l'on veut faire des affaires, ne serait-il pas plus prudent de s'adresser à la GRC plutôt qu'au gouvernement corrompu? Dans l'affirmative, que peut faire la GRC par rapport à ce gouvernement étranger?
    À quelle étape de la transaction commerciale?
    Disons que je suis un homme d'affaires et que je veux faire des affaires dans un pays en développement donné, mais que j'y soupçonne la présence de corruption. Je ne peux m'adresser au gouvernement local, car il sera probablement corrompu. Si je fais appel à vous, comment pourrez-vous intervenir autrement qu'en me conseillant de ne pas faire affaire là-bas? La GRC pourrait-elle faire quoi que ce soit dans une telle situation à l'étranger?
    Je pense que ce genre de situation est hors de notre portée, car elle semble se dérouler avant la transaction commerciale. Elle relève peut-être d'autres ministères ou organismes gouvernementaux, comme Affaires étrangères et Commerce international Canada, les délégués commerciaux, Exportation et développement Canada ou l'ACDI, mais pas nécessairement de la GRC au début d'une transaction commerciale.
(1625)
    Bien.
    Merci.
    Merci.
    Je remercie les témoins de leur comparution.
    Nous allons suspendre la séance quelques minutes afin de préparer la vidéoconférence du prochain témoin.
    Merci beaucoup.

(1630)
    Puis-je demander à tous les membres du comité de revenir à la table?
    Je souhaite la bienvenue à Christopher Dunford, agrégé supérieur de recherche, qui nous parle par vidéoconférence de Sacramento, en Californie.
    Bienvenue, monsieur. Nous sommes ravis de vous parler.
    Nous vous demandons de nous présenter votre exposé, après quoi les membres du comité vous poseront des questions à tour de rôle.
    Monsieur, vous avez la parole 10 minutes. Nous avons hâte de vous écouter.
    C'est un honneur pour moi d'être convoqué par le comité, d'autant plus que je suis Américain et que mes liens avec le Canada sont ténus.
    Je m'appelle Chris Dunford. Depuis 20 ans, je suis président de Freedom from Hunger, dont le siège se trouve à Davis, en Californie, dans la banlieue immédiate de Sacramento.
    Tout récemment, je suis devenu agrégé supérieur de recherche. Dans ce rôle, je suis chargé de rassembler les leçons apprises par notre organisation et des organisations analogues sur l'appui aux efforts d'auto-assistance de personnes qui sont si pauvres qu'elles souffrent de famine chronique. Je vous demande de ne pas l'oublier, car cela conditionnera le reste de mes remarques.
    On parle donc d'un milliard de personnes, qui vivent, pour la plupart, dans les pays en développement, particulièrement du sud de l'Asie et de l'Afrique. Ce nombre est considérablement plus élevé que celui des personnes qui souffrent de famine catastrophique, d'origine naturelle ou humaine. Leur famine chronique provient principalement de leur grande pauvreté chronique. Ce milliard de personnes correspond en gros au nombre de celles qui disposent, pour leur subsistance, de moins de 1,25 $ américain par jour, le seuil de la grande pauvreté défini par la Banque mondiale.
    Sachez, c'est important, que ces victimes ne sont pas passives. Dotées de la résilience et des ressources de l'esprit humain, elles peuvent compter les unes sur les autres pour l'aide mutuelle et la solidarité. L'intervention qui convient le mieux à leur développement, consiste donc — plutôt que de remplacer ces atouts non négligeables pour l'auto-assistance — à les aider à s'aider elles-mêmes, elles et leurs familles.
    C'est dans ce créneau qu'oeuvre Freedom from Hunger depuis plus de 65 ans. La méthode d'aide qui s'est révélée la plus rentable, la plus viable pour les efforts d'auto-assistance des familles très pauvres consiste à offrir à la fois des services de microcrédit, d'éducation et de santé à des groupes de femmes vivant dans des communautés très pauvres.
    Nous avons élaboré cet ensemble de services sous la forme d'un tout intégré et nous avons donné de la formation et fourni de l'aide technique à une large gamme d'organisations: coopératives de crédit, banques rurales, établissements de microcrédit et ONG non financières. Nous les avons aidés à adopter ce modèle de prestation de services et à l'adapter aux circonstances particulières dans lesquelles vivent les populations qu'elles desservent. Nous sommes, en effet, un grossiste de l'innovation auprès de détaillants de services aux pauvres.
    À la fin de 2011, notre personnel qui, mondialement, ne compte que 50 personnes, avait donné de la formation et de l'aide technique à environ 150 organisations locales dans 19 pays, plus particulièrement en Afrique occidentale francophone, où nous avions noué des partenariats fructueux et durables avec plusieurs fédérations de coopératives de crédit qu'avait fait démarrer et qu'appuie toujours le Mouvement Desjardins et, aussi, dans les pays des Andes d'Amérique du Sud ainsi qu'en Inde, aux Philippines et au Mexique.
    Aujourd'hui, ces partenaires — nos partenaires — prodiguent cette combinaison de services de microcrédit, d'éducation et de santé à plus de 4 millions de femmes. Cela représente, si on compte les familles, près de 30 millions d'hommes, de femmes et d'enfants. Bien sûr, c'est une goutte d'eau dans la mer par rapport au milliard de pauvres qui souffrent de faim chronique, mais ce que nous voulons faire, c'est démontrer de façon éloquente les solutions qui peuvent s'appliquer à ces personnes.
    J'ai trois choses à dire, mais, d'abord, je dois faire remarquer que Freedom from Hunger est un organisme classique de charité, par sa direction, ses propriétaires et sa structure de financement, même s'il agit beaucoup comme une firme-conseil — mais avec un objectif social très clair.
    Près de la moitié de notre financement provient de particuliers des États-Unis. L'autre moitié, d'établissements privés qui accordent des subventions, notamment la Fondation MasterCard de Toronto, avec la bénédiction de bon aloi de Revenu Canada, je m'empresse de le préciser. Nous n'avons jamais reçu de financement de l'ACDI ni d'autres ministères fédéraux canadiens, et nous n'y comptons pas. Nous n'avons donc pas de parti pris. Cependant, certains de nos partenaires dans les pays en développement ont reçu et continuent de recevoir de l'aide, sous une forme ou une autre, de l'ACDI.
    La première chose que je voulais dire, c'est que le problème de la faim chronique et de l'aide à l'auto-assistance aux pauvres est essentiellement un problème de service social qui, dans les économies développées, relève du secteur public. Toutefois, certains services sociaux, comme les services financiers aux pauvres, qui sont plus viables et plus efficaces à long terme s'ils sont fournis par le secteur privé — dans lequel j'inclus le secteur des coopératives privées — surveillé et réglementé, cependant, de façon appropriée par l'État, particulièrement quand il s'agit de services d'épargne. Bien sûr, nous connaissons tous les innombrables échecs de l'État survenus dans la fourniture de services financiers aux pauvres, sur le marché du détail, au cours des dernières décennies.
(1635)
    Je veux ensuite dire que plus la clientèle du fournisseur de services microfinanciers, le microcréditeur, est pauvre, plus elle doit affronter des problèmes graves que négligent les services spécialisés habituels comme ceux de l'éducation, de la santé, de la vulgarisation agricole, de la création d'entreprises, etc., particulièrement dans les régions rurales et dans les franges périurbaines. Le microcréditeur peut être le seul fournisseur local de services sociaux.
    Souvent, il perçoit qu'il est très rentable pour lui, très intéressant de se diversifier dans la prestation de services non financiers, en sus des services financiers, particulièrement en matière d'éducation et de formation ainsi que pour faciliter l'accès aux autres services, quels qu'ils soient, fournis par d'autres organisations, localement, y compris par l'État.
    Par exemple, il est évident qu'un client en bonne santé sera probablement plus rentable pour lui qu'un client malade ou qu'un client dont les enfants sont malades. Nos études de marché au Burkina et au Bénin ont permis de constater que le tiers du revenu annuel des ménages très pauvres est consacré au combat contre une seule maladie, la malaria. Voilà un impact financier énorme qu'un microcréditeur ne peut pas ignorer.
    Nous avons montré que ces microcréditeurs peuvent instruire leurs clients, et leurs employés, d'ailleurs, à la prévention et au traitement de la malaria, leur fournir des moustiquaires traitées à l'insecticide et leur donner accès à des traitements en clinique contre la malaria et d'autres maladies, quand ils sont localement accessibles. Le coût est minime et ils n'entament leurs profits annuels que de quelques pourcentages. Les profits passeraient, disons, de 24 à 22 p. 100, la moyenne établie pour cinq microcréditeurs de cinq pays, sur quatre continents, qui fournissent ce genre de services de protection en matière de santé.
    Enfin, je voulais dire que tous les microcréditeurs ne sont pas animés par des motifs professionnels identiques. Beaucoup ont un esprit strictement d'entrepreneur et ne recherchent que le profit, particulièrement dans les régions développées comme l'Est de l'Europe et le Centre de l'Asie, mais un nombre au moins égal, particulièrement en Afrique ou en Asie du Sud, est principalement motivé par des objectifs sociaux.
    Même s'ils fonctionnent comme des commerces, en obéissant au même impératif de recouvrer tous leurs coûts réels et de dégager un profit — appelons cela un excédent, si leur structure est coopérative et non axée sur le profit — eux-mêmes et leurs bailleurs de fonds ou leurs investisseurs ou membres vont volontiers sacrifier quelques pourcentages de leurs profits pour atteindre des objectifs sociaux mesurables tels que l'amélioration de la sécurité alimentaire des familles et de leur état de santé.
    Sur le plan du microcrédit vu comme une infrastructure de prestation de services sociaux par le secteur privé, il importe beaucoup de discerner les fournisseurs de microcrédit principalement animés par des motifs commerciaux ou sociaux. Peu importe leurs motifs, presque tous se disent socialement motivés, mais seulement ceux qui le sont vraiment, au quotidien, sont susceptibles de se dépasser pour fournir une combinaison efficace de services à la fois financiers et non financiers, indispensables aux efforts d'auto-assistance des pauvres chroniquement affamés.
    Voilà pour ma déclaration préliminaire. Je serai très heureux d'entendre vos observations et d'essayer de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Dunford.
    L'opposition ouvrira le bal.
    Monsieur Saganash, bienvenue.
    Merci, monsieur le président et merci également à notre invité, pour son exposé très important.
    Les chiffres que vous mentionnez sont assez effarants. Vous oeuvrez dans un domaine très important, où il reste beaucoup de travail à faire. Les diverses initiatives entreprises au fil des ans ont été très utiles, je crois. Beaucoup ont été louées pour leurs résultats positifs dans les collectivités des pays en voie de développement. Au fil des années, j'en ai visité beaucoup.
    Merci de votre exposé et merci aussi des diverses initiatives dont vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence.
    Voici ma première question. Je sais que vous avez effleuré le sujet, très rapidement, dans votre exposé, mais est-ce que le rôle du secteur privé devrait être plus important dans les efforts internationaux pour le développement?
(1640)
    Eh bien, je ne peux vraiment parler que du domaine des services financiers, où le secteur privé est déjà l'acteur prédominant.
    En fait, le sentiment général, dans les cercles de services financiers, particulièrement ceux du microcrédit dans les pays en développement, est que l'État devrait jouer un rôle moins actif que par le passé.
    D'autre part, le microcrédit est une industrie relativement nouvelle — industrie est le mot juste, même dans le cas des entrepreneurs dont les motifs sont sociaux et qui rendent service à des personnes vraiment pauvres. C'est pour cette raison qu'elle traverse une période de rodage, d'erreurs nombreuses, de création de modèles, d'apprentissage intense. Une partie de l'apprentissage concerne le rôle que l'État doit jouer dans la réglementation du microcrédit, sans l'étouffer.
    Comme j'ai mentionné, particulièrement dans le cas des établissements qui acceptent de détenir l'épargne du public, la réglementation est absolument obligatoire. Mais la réglementation de l'activité bancaire, comme elle est habituellement faite, tend à causer des problèmes aux établissements de microcrédit, qui ont besoin d'avoir les coudées plus franches pour imposer des taux plus élevés, parce qu'il est plus coûteux d'atteindre les pauvres, tout en n'abusant pas de ce droit en imposant des tarifs excessifs pour attirer les investisseurs avides de profits.
    Merci. J'ai une deuxième question.
    Vous avez choisi de travailler dans des parties du monde où la pauvreté est endémique, notamment dans les régions rurales des pays en développement, où les gens disposent de peu de ressources, y compris de ressources naturelles, bien sûr.
    Le gouvernement actuel a commencé à élaborer de nouvelles priorités qui privilégient les pays où le Canada détient des intérêts politiques ou miniers. Au Canada, l'aide au développement est de plus en plus politisée, plutôt que d'essayer de répondre au véritable problème dont vous avez parlé, la pauvreté extrême. Par exemple, nous venons d'apprendre que l'ACDI mettra fin au service de financement qu'il accordait dans divers pays, notamment le Bénin, la Bolivie, le Nigeria, le Rwanda, le Zimbabwe, et ainsi de suite.
    Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont votre organisme s'y est pris pour choisir les pays où il oeuvrerait? Son choix a-t-il été dicté par les besoins, avant les autres intérêts?
    Notre choix s'est fondé sur les besoins et sur les occasions qui se présentaient. Comme je l'ai dit, nous formons d'autres organisations locales aux méthodes d'élaboration et d'adaptation d'un ensemble de services qui comprennent le microcrédit. Il faut qu'il existe une société civile assez vigoureuse, qui comprend des organisations locales possédant suffisamment de capacités en gestion et la motivation sociale convenable, d'après nous, pour être de bons partenaires, avides de suivre notre enseignement et de l'appliquer. Elles doivent pouvoir également adapter l'enseignement reçu pour toucher un grand nombre de personnes.
    Pour nous, il est très important de pouvoir travailler avec des organismes qui peuvent rejoindre beaucoup de personnes souffrant de faim chronique. Manifestement, dans un pays donné, nous aurions l'espoir de nouer un partenariat avec des organisations qui rejoignent les très pauvres, la fraction la plus pauvre possible de la population. Dans un pays extrêmement pauvre, il peut être difficile de trouver une société civile suffisamment développée, aux capacités suffisantes pour nouer ce genre de partenariat avec nous. Nous pouvons comprendre les difficultés des organismes d'aide, notamment, dans de tels pays. Mais des pays sont mieux lotis, et j'ai mentionné que nous oeuvrons en Inde, aux Philippines et au Mexique, pays manifestement dans le milieu de la fourchette des revenus, mais où, pourtant, on trouve d'importantes poches de pauvreté, et même des pauvres qui souffrent de faim chronique. Il en va de même des pays andins. Ce n'est que dans l'Afrique occidentale francophone et au Ghana, où nous sommes présents, qu'il est très évident que nous nous trouvons dans un milieu où une grande proportion de la population fait partie de la catégorie de ceux qui souffrent de faim chronique.
    Pouvez-vous donner une idée de l'importance des établissements et des coopératives de microcrédit, pour l'accès local à la propriété et leur propre prise en main par les collectivités?
    La capacité locale de se prendre en main, comme j'ai dit, est extrêmement importante. Je ne suis pas certain si je peux dire que l'accès à la propriété locale est aussi importante, autrement dit à la propriété privée d'un établissement de microcrédit. Il s'agit souvent de sociétés commerciales d'actionnaires, et les actionnaires peuvent très bien être des organismes ou des particuliers de l'extérieur.
    En général, ces particuliers habitent le pays. Bien sûr, les sociétés de l'extérieur peuvent injecter beaucoup de capitaux. En fait, je fais allusion aux organismes d'aide au développement et aux sociétés multilatérales, pas simplement les bilatérales mais les multilatérales comme la Banque interaméricaine de développement.
    Les moyens d'investissement dans le microcrédit sont aussi très nombreux. Il s'agit essentiellement de mises de fonds dans une société par des particuliers. Cette société investit dans les actions des établissements de microcrédit ou leur accorde des prêts. En acquérant des actions, elles assument un rôle de propriétaire.
    Cela ne présente aucun problème, d'après moi, tant que la gestion locale est effectivement confiée à des nationaux capables de diriger une bonne organisation en mesure d'atteindre ses objectifs.
(1645)
    Merci beaucoup.
    Au tour, maintenant, de Mme Brown, qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Dunford pour vos propos très intéressants.
    Il y a trois ans, au Bangladesh, j'ai eu l'occasion de rencontrer Muhammad Yunus. Pendant une heure, j'ai pu converser avec lui au sujet de son organisation et de ses opinions. J'avais lu son livre, Banker to the Poor. Ma lecture de son deuxième livre est encore en chantier. Mais notre conversation a été très intéressante.
    Je sais que, dans ce pays, Grameen et BRAC sont, sans conteste, des entreprises à but lucratif. De fait, M. Yunus, dans son livre, mentionne qu'elles imposent des taux d'intérêt d'environ 20 p. 100 pour les prêts de microcrédit.
    Je suis également allée au Burkina, au Bénin, au Togo et au Ghana, où se trouve votre organisation.
    J'aimerais en savoir un peu plus sur la provenance des capitaux que vous affectez au microcrédit. Constate-t-on un effet de retombée?
    Quand j'étais au Bangladesh, on nous a présenté des femmes, des « shasta shabika », formées par les banques à diagnostiquer les premiers stades de la tuberculose. Elles peuvent administrer des médicaments et veiller à leur prise régulière par les patients. Cela devient effectivement pour elles une entreprise. Elles reçoivent une formation supplémentaire, ce qui en fait vraiment des infirmières d'un système public de santé dans son enfance. J'y vois un effet de retombée du microcrédit dans la collectivité.
    Je me demande si, d'abord, vous pouvez nous dire d'où proviennent les capitaux. Vous avez parlé d'investisseurs. Quel est le taux d'intérêt demandé aux femmes qui obtiennent le microcrédit? Y a-t-il un effet de retombée dans la société qui, par ricochet profite à d'autres nouvelles entreprises?
    Pour répondre à la première question, Freedom from Hunger n'a pas d'investisseurs en soi; comme je l'ai dit, nous sommes une oeuvre de bienfaisance classique. Toutefois, nous avons créé ou aidé à créer un organisme affilié appelé MicroCredit Enterprises, qui est un de ces fonds internationaux spécialisés en microfinance — pour faire une distinction nette entre un établissement de microfinance et un fonds international spécialisé en microfinance.
    Je vais utiliser l'exemple de MicroCredit Enterprises parce que je suis membre du comité de prêt de cette entreprise et que je connais assez bien ses prêts — elle ne fait pas d'investissements en actions. Les prêts qu'elle consent aux établissements de microfinance dans ces divers pays lui rapportent environ 8 p. 100 par année, lorsqu'il s'agit d'intérêts en dollars américains. Lorsqu'il s'agit de prêts en devises locales, le pourcentage réel peut varier. Habituellement, il est plus élevé, parce que le fait de prêter dans une devise locale est plus risqué; il y a des problèmes de risque lié à la devise.
    En ce qui concerne le genre de revenus qu'un fonds international spécialisé en microfinance peut obtenir, il s'agit maintenant d'un marché très concurrentiel; il y a maintenant beaucoup plus de capital à la recherche de bons établissements de microfinance pour prêter ou investir qu'il en existe à l'heure actuelle. Bien qu'ils soient très nombreux — il y en a des milliers —, seuls quelques centaines conviennent vraiment à ce genre de prêts et d'investissements internationaux.
    La plupart de ces établissements ont débuté comme des organismes de bienfaisance à part entière et ont accumulé un capital de prêt ou leur portefeuille de prêts a été bâti à partir des dons et ensuite, à partir des bénéfices non répartis tirés des intérêts exigés des clients. Alors, essentiellement, elles ont obtenu leur capital à partir de sources subventionnées ou de bienfaisance et à partir des bénéfices qu'elles ont réalisés sur les prêts accordés aux pauvres eux-mêmes.
    Nous aimons travailler, en Afrique de l'Ouest en particulier, avec des coopératives de crédit. Il s'agit d'un modèle très différent de mobilisation du capital dans ce sens qu'il mobilise le capital principalement des villes, de la classe moyenne, et nous leur avons montré comment investir ce capital sous forme de prêts à des groupes de femmes dans des villages plus ruraux. Essentiellement, il s'agit d'un capital qui est déplacé des villes vers les régions rurales dans le même pays.
    Pour répondre au deuxième point, je suis très au courant du modèle shasta shabika. Il s'agit vraiment d'une des options de protection de la santé, comme je les appelle, que les établissements de microfinance peuvent adopter. BRAC, au Bangladesh, est probablement le modèle mondial pour ce genre de services intégrés et une grande partie de travail que nous faisons avec les établissements de microfinance et les établissements semblables ailleurs s'inspire dans une certaine mesure du modèle BRAC.
    Toutefois, il faut garder à l'esprit, pour parler du point que vous avez soulevé sur les retombées, que nous essayons beaucoup de travailler avec les établissements qui prêtent aux personnes les plus pauvres qu'elles peuvent trouver; alors, il ne devrait pas y avoir des retombées en termes d'effet direct des prêts. Seulement une certaine proportion de la communauté peut obtenir ces prêts.
    Vous vous demandez ce qui arrive aux autres membres de la communauté qui n'ont pas trouvé ces prêts attrayants ou qui, pour d'autres raisons, n'adhèrent pas à un de ces programmes. Nous voyons un effet de ricochet dans le reste de la communauté, mais l'effet est modeste.
    Pour ce qui est de la création de nouvelles entreprises, shasta shabika est un exemple de nouvelle entreprise qui est créée par l'établissement de microfinance lui-même, l'aidant à devenir un vendeur de produits de santé au niveau local. Pour ce faire, l'entreprise peut contracter un prêt du BRAC ou de l'un de nos partenaires pour acheter l'inventaire et ensuite, le vendre avec une marge bénéficiaire.
(1650)
    Quelque part à Ouagadougou j'ai un compte dans une coopérative de crédit dans lequel il y a de l'argent qui est prêté à des gens dans le domaine de la microfinance. Je n'ai même pas reçu de relevé de compte de cet établissement, mais j'ai de l'argent là-bas. Alors, c'est intéressant.
     Excellent.
    Grâce à mes études en économie, je sais que le principe numéro six veut que la productivité soit la recette du succès pour faire augmenter le niveau de vie dans n'importe quel pays. Au fur et à mesure que ces entreprises de microfinance s'installent dans de nombreux pays en développement, nous voyons la productivité augmenter et, dans certains cas, très rapidement parce que ces gens sont maintenant maîtres de leur destinée. Ils prennent leur vie en main. C'était très excitant à voir, lorsque j'étais au Bangladesh, au Bénin, au Burkina Faso, au Togo, toutes ces microentreprises qui créaient une véritable économie et des occasions pour les familles de ces pays. C'était très excitant.
    Le président me signale que mon temps est écoulé.
    Merci, madame Brown.
    Nous allons maintenant retourner à l'opposition.
    Monsieur Eyking, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Dunford, de votre présence ici aujourd'hui.
    Dans un grand nombre de ces pays non développés, pauvres ou déchirés par la guerre, il arrive souvent que les hommes soient déplacés, ou qu'ils ne fassent pas habituellement partie de l'équation autant que les femmes pour les initiatives familiales ou les initiatives d'affaires. Alors, très souvent, la meilleure occasion réside avec les femmes de la communauté, même si elles ont déjà beaucoup de responsabilités.
    J'ai quelques questions.
    Y a-t-il une corrélation entre le fait d'offrir des services de microfinance et le fait de donner plus de pouvoir aux femmes? Voilà ma première question.
    Oui, il y a une corrélation certaine, en ce sens que lorsque vous voyez une femme se joindre à un de ces groupes, au début, elle est très gênée et très réticente à prendre la parole dans les réunions de groupe, surtout si un étranger est présent. Il est assez remarquable de pouvoir constater, après quelques réunions ou après un mois ou deux de participation, une différence marquée chez cette dernière au niveau de la confiance en soi et de la volonté de prendre la parole, et dans d'autres manifestations plus subtiles de cette valorisation.
    Leur pouvoir décisionnel réel au sein de leur foyer et au sein de leur communauté demande plus de temps et pose plus de problèmes. Cela dépend beaucoup de l'établissement de microfinance et de l'effort qu'il consacre à former ces groupes pour les aider à s'autogérer et pour aider les femmes elles-mêmes à maîtriser ce qui se passe — c'est ce qui donne le plus de pouvoir. Mais le simple fait de contracter un prêt et de réussir à le rembourser peut donner beaucoup de pouvoir, du moins dans certaines dimensions.
(1655)
    Je suppose que ce genre de choses, surtout pour les filles assises autour de la table et qui voient ce que leur mère peut faire, peut aider la génération suivante.
    Y a-t-il suffisamment de programmes dans le monde de la microfinance qui sont adaptés aux femmes? Y a-t-il des programmes qui, lorsqu'on établit un modèle d'affaires, tiennent compte du fait qu'elles pourraient encore devoir s'occuper des enfants et faire beaucoup d'autres choses comme cela? Y a-t-il des programmes qui sont adaptés pour les femmes et qui sont différents?
    Oui, c'est le cas, mais quant à savoir s'il y en suffisamment, pour répondre à votre question, il n'y a pas de bonne classification des programmes de microfinance qui permet de distinguer à quel point ils sont efficaces pour aider les femmes à profiter des occasions de microfinancement. De façon générale, les programmes qui ont le plus de succès sont ceux qui assurent également une éducation visant à faire participer les femmes dans des questions qui ont une importance réelle pour elles, par exemple la santé de leurs enfants et leur propre santé — surtout en ce qui a trait à la maternité, à l'allaitement et à des questions du genre —, mais qui portent également sur les types d'entreprises qu'elles ont tendance à créer et qui donnent une certaine formation sur les principes fondamentaux des affaires adaptés à ces microentreprises. Les programmes de microfinance assortis d'une éducation ont tendance à être assez efficaces.
    Il est certain qu'il n'y a pas suffisamment de ce genre de programmes, parce qu'un très grand nombre de femmes n'ont même pas la possibilité d'adhérer à l'un d'eux. En outre, évidemment, il y a la question des hommes dans les foyers, et c'est probablement une autre question.
    Cette année, 2012, est l'année des coopératives. Il y a seulement 70 à 80 ans, de nombreuses régions rurales du Canada étaient... la situation n'était pas semblable à celle des pays sous-développés, mais nous étions dans une situation assez difficile, et les coopératives ont permis à beaucoup de collectivités rurales et à d'autres collectivités partout au Canada d'avoir accès à la prospérité et de travailler ensemble. Souvent, vous voyez ces collectivités partager un système d'irrigation, ou de l'équipement, ou quoi que ce soit d'autre; c'est très important.
    Y a-t-il suffisamment de programmes qui peuvent aider les coopératives? Voyez-vous cela comme un besoin important?
    Il y a certainement une excellente occasion, dans la mesure où il y a un mouvement coopératif actif dans un pays. L'Afrique de l'Ouest francophone possède un mouvement coopératif financier très actif, ce qui explique pourquoi nos partenaires de choix en Afrique de l'Ouest francophone sont les coopératives de crédit et les coopératives d'épargne et de crédit.
    Je dirais que les femmes qui se regroupent au sein de tels groupes qui, idéalement, comptent de 15 à 30 membres… En fait, ce sont des pré-coopératives; elles ne sont pas formellement enregistrées comme telles, mais elles suivent les mêmes principes coopératifs. Cette taille est vraiment idéale.
    Le fait de travailler ensemble est une tradition là-bas.
    C'est vrai; alors, essentiellement, nous ne faisons qu'ajouter plus de structure et de discipline dans un modèle qu'elles appliquent déjà de par leur culture.
    Je suppose que nous devrions travailler un peu plus sur cette question. Ou il faudrait encourager des programmes au sein du gouvernement et avec les établissements financiers…?
    C'est exact, mais il y a vraiment une différence dans le genre de coopérative dont je parle, à savoir, comme je l'ai dit, qu'il s'agit d'une pré-coopérative. Sa taille est suffisamment petite pour que les femmes puissent savoir vraiment ce que chacune fait, aussi bien en dehors des réunions que durant les réunions; alors, elles peuvent vraiment faire de la gouvernance coopérative.
    Les comparatives de plus grande taille, comme les coopératives de crédit ou les coopératives agricoles, qui comptent des milliers de membres, peuvent être un peu plus problématiques en ce qui concerne les avantages que procurent ces coopératives aux individus. Alors, cela dépend de la coopérative. Cela dépend du type de coopérative, financière, agricole ou autre.
    Mais il y a des occasions pour les coopératives de recevoir des prêts et de progresser véritablement — si c'est une coopérative qui est bien gérée au niveau interne.
    Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?
    Il vous reste une minute.
    Pouvez-vous me donner certains exemples de ces coopératives qui oeuvrent dans les pays sous-développés?
    De façon générale, les meilleurs exemples de réussite, comme j'y ai fait allusion, sont les coopératives financières en Afrique de l'Ouest et dans certains autres pays. Lorsqu'il est question de rejoindre les régions rurales et les communautés les plus pauvres, les coopératives financières ont eu plus de succès que les coopératives agricoles. Il y a toujours des exemples isolés de coopératives agricoles qui sont une réussite, mais elles ont tendance à être plus problématiques.
(1700)
    Pourquoi?
    Je ne suis pas un spécialiste des coopératives en soi; alors, je ne sais pas si je peux vous dire ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans les coopératives agricoles.
    Mais il y a des indications que les coopératives agricoles n'ont pas autant de succès.
    C'est exact.
    Y a-t-il une raison particulière?
    J'ai fait allusion à la raison qui, je pense, est la plus souvent citée. Je ne suis pas certain s'il existe beaucoup de preuves tangibles, mais généralement, c'est la taille. Lorsque la coopérative dépasse une certaine taille, la capacité des membres de participer vraiment à la gouvernance est diluée, et cela ouvre la porte à la corruption, aux choses qui se font en secret, à l'argent qui disparaît et à tout le reste.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous allons débuter un second tour, qui sera de cinq minutes pour les questions et les réponses, par M. Williamson.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Dunford, merci de votre présence ici aujourd'hui. Vous nous avez donné des renseignements très utiles.
    Je veux revenir en arrière un peu et savoir ce que vous pensez de certaines questions. En fin de compte, ce que vous et d'autres groupes participant à la microfinance essayez vraiment de faire, c'est de développer des marchés dans ces pays — ou plutôt, vous essayez d'utiliser le pouvoir du marché, si vous voulez, pour aider ces pays à se développer.
    Seriez-vous d'accord avec cette évaluation? Pourquoi le faites-vous de cette façon plutôt que de simplement consacrer de l'argent à l'éducation ou à certains des autres fondements des sociétés ou des pays?
    Vous vous souviendrez que dans ma déclaration liminaire, j'ai fait allusion au fait que la microfinance pour des gens qui sont si pauvres qu'ils ont chroniquement faim devrait vraiment être considérée comme de l'aide sociale, dans le sens que les pauvres participent à des transactions financières généralement dans le secteur informel avec des parents, des amis, des prêteurs, des petits commerçants. Les pauvres doivent conclure un grand nombre de transactions financières pour étaler leur consommation, comme diraient les économistes, de manière à avoir suffisamment d'argent pour acheter suffisamment de nourriture pour la journée.
    Vous entendez parler des gens qui vivent avec 1 ou 2 $ par jour, mais cet argent ne vient pas sous forme de paiements réguliers de 2 $ par jour. Il peut s'agir peut-être de 4 $ un jour et rien du tout les trois jours suivants, et ensuite, peut-être 6 $ le quatrième jour, et ainsi de suite. Ils ont la difficulté d'avoir à négocier avec d'autres sources de financement pour emprunter, pour économiser et ils dépendent de l'entraide pour pouvoir s'en tirer, pour étirer leur argent afin de s'assurer qu'ils ont suffisamment de nourriture sur la table, s'ils ont une table, tous les jours.
    La microfinance pour les pauvres doit être vue comme l'établissement d'une infrastructure sociale pour l'aide sociale. Le fait que cela débute par un service financier plutôt que par la santé ou l'éducation s'explique par le fait que le service financier est quelque chose que les pauvres sont très habitués de payer et, souvent, à fort prix; ils ne sont pas habitués de payer pour des services de santé et d'éducation et d'autres services du genre. En conséquence, il est difficile de bâtir une infrastructure de prestations de services qui est autosuffisante dans le sens du secteur privé en se concentrant sur l'éducation et la santé et d'autres services du genre. Il est possible de le faire en se concentrant sur les services financiers.
    Ce que cela signifie, c'est que la microfinance pour les pauvres tend à ne pas être un développement de marché ou une activité de développement économique. C'est davantage la création d'une infrastructure d'aide sociale qui peut aider ces gens à profiter de toute occasion économique rendue accessible par le véritable développement économique. Vous avez un service offrant des prêts à un niveau élevé s'adressant, généralement, à ce qu'on appelle des PME, les petites et moyennes entreprises, qui, dans les régions rurales, seraient de nature agricole. Il y a une chaîne de valeur entre les producteurs et les consommateurs. Si cette chaîne de valeur est développée, nourrie par des petites et moyennes entreprises, par le développement agricole, alors, les éléments les plus pauvres de cette population peuvent profiter de cette chaîne de valeur s'ils ont réussi à combler leurs besoins fondamentaux en matière de santé, d'éducation et de finances, de manière à pouvoir s'écarter de la marge de survie pour effectivement profiter de toute occasion économique qui pourrait se présenter.
    Nous devrions voir une distinction entre la réduction de la pauvreté par le biais du développement économique et le soulagement de la pauvreté par le biais de l'aide sociale.
    Je suis d'accord avec vous, mais, en fin de compte, vous êtes effectivement en train de créer un marché. Vous mettez en place les règles et les institutions permettant aux gens de se réunir, de commercer et d'accroître leurs avoirs en matière de ressources, d'argent, d'épargne.
    Seriez-vous d'accord avec cette idée qu'en fait, vous créez un marché?
(1705)
    Oui.
    Je crois que c'est important. Dites-moi si vous croyez que j'ai tort ou que je fais fausse route. C'est que ces règles et ces institutions jouent un rôle important dans le développement. C'est difficile de trouver des pays qui ont réussi à se sortir d'une immense pauvreté sans ces règles et ces institutions. Nous constatons que le microcrédit fonctionne parce qu'il repose sur le commerce volontaire et la collaboration. Êtes-vous d'accord sur ce point, de façon générale?
    Oui, absolument. Je vous remercie d'apporter cette précision.
    Le mouvement mondial de microfinancement crée certainement un marché plus structuré et fiable pour offrir des services financiers aux pauvres, en leur donnant accès à des services qu'ils n'avaient pas auparavant. Les institutions de microfinancement sont supérieures aux prêteurs, aux amis et aux parents qui jouent le rôle de bailleurs de fonds, principalement parce qu'elles présentent de nombreuses caractéristiques des banques, bien que les banques puissent considérer qu'il n'est pas rentable de joindre une telle clientèle. Ces institutions ressemblent en de nombreux points aux banques. Elles sont liées par des règles, elles sont fiables, elles sont passablement impersonnelles, de sorte que les gens peuvent faire affaire avec elles sans avoir à dévoiler les secrets de famille au reste de la communauté, ce qui est souvent le cas avec les amis et les parents et même avec les prêteurs.
    On crée ainsi un marché plus officiel pour les services financiers dans les communautés qui n'avaient pas un tel marché auparavant. C'est une énorme amélioration en soi. Il ne fait aucun doute que le microfinancement a permis cela. Reste à savoir s'il a contribué à un développement économique réel, s'il a permis aux pauvres de s'implanter réellement sur le marché avec de vraies entreprises.
    D'accord. Et c'est une chose que nous allons voir au fil du temps, je suppose. Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre réponse et je vous encourage à poursuivre votre bon travail.
    Je devrais me présenter. Je suis John Williamson. Je suis ravi d'entendre vos commentaires aujourd'hui. Merci de vous joindre à nous.
    Merci, monsieur Williamson.
    Nous allons donner la parole à l'opposition. Monsieur Dewar.
    Merci, et merci à nos invités de se joindre à nous aujourd'hui.
    Je dois m'étendre un peu plus sur le sujet. Le microfinancement est certes important — et vous en avez parlé un peu plus tôt —, mais c'est l'un des éléments de l'équation, quand on songe aux personnes extrêmement pauvres et au milliard de personnes dont on parle souvent et qui sont difficiles à rejoindre. Plusieurs ont avancé des idées sur la façon d'aller plus loin et d'atteindre les personnes qui sont souvent abandonnées, et le microfinancement a certainement sa place.
    Par ailleurs, je trouve intéressant que vous travailliez dans une région du monde où l'on parle français, en partenariat avec une institution canadienne de surcroît. C'est une dynamique intéressante. Vous êtes en Californie et vous nous parlez à nous, qui sommes au Canada, des contacts que vous avez avec quelqu'un au Québec pour votre travail de développement, et je crois que nous pouvons en être fiers et nous pouvons vous en féliciter.
    Êtes-vous d'accord pour dire que le microfinancement ne devrait pas arriver au premier rang des priorités, alors qu'il faut aussi investir dans l'éradication de la tuberculose ou de la malaria et soutenir les services de santé?
    Oui. On devrait certes voir le microfinancement comme un outil parmi tant d'autres qui servent au développement économique en général et, en particulier, à venir en aide aux personnes très pauvres. Ce n'est qu'un outil. Il y a une raison, qui est très puissante, selon moi, et à laquelle j'ai fait allusion, pour laquelle il faut mettre le microfinancement en tête de file. C'est qu'il peut — et il l'a clairement fait dans certains cas — créer une infrastructure de prestation de services sociaux qui s'autofinance et pour laquelle les personnes pauvres elles-mêmes sont prêtes à payer.
    C'est possible dans la mesure où cette infrastructure peut être utilisée pour offrir d'autres services, que ce soit par l'institution de microfinancement elle-même ou par d'autres qui se serviront de cette même infrastructure. Je parle ici de l'infrastructure humaine plus souple. Imaginez. Vous avez, chaque jour, dans le monde en développement, ces groupes de femmes, ces groupes mixtes d'hommes et de femmes, et plus de contacts individuels entre hommes et femmes et les institutions de microfinancement. Il y a cette interaction entre un organisme de l'extérieur et les gens qui vivent dans des communautés à très faible revenu, et l'on crée une intermédiation sociale où un lien de confiance se tisse entre les gens de l'extérieur et ceux de l'intérieur de ces communautés.
    C'est une infrastructure, si je peux m'exprimer ainsi, qui permet la prestation de services, en commençant par des services de microfinancement parce c'est ce qu'on demande en premier lieu. Mais lorsqu'on offre d'autres services parallèlement au microfinancement, ou qu'on encourage l'utilisation d'autres services lors des réunions sur le microfinancement, que ce soit des rencontres individuelles ou en groupes, on crée en fait une infrastructure sociale pour la prestation des services. Dans ce sens, il vaut la peine de lui accorder la priorité, de mettre en place l'institution de microfinancement en premier, puis de profiter de cette infrastructure si, en fait, elle crée une véritable intermédiation sociale.
(1710)
    Vous ne préconiseriez pas le retrait du financement des programmes déjà existants pour le remplacer par...
    Non.
    Je le dis parce que je fais partie de l'opposition ici. Nous avons un gouvernement qui a plafonné son budget d'aide au développement et qui réduit certaines choses comme le financement des projets de lutte contre la tuberculose que nous avions par le passé.
    En tant que politicien, je veux m'assurer de ce dont nous parlons ici. Il ne s'agit pas de remplacer un programme par un autre, mais bien de promouvoir l'idée du microfinancement et sa valeur, au lieu de dire que nous pouvons réduire notre budget d'aide d'un côté et, de l'autre, que nous pouvons saupoudrer du microfinancement ici et là et avoir l'air de jouer un rôle important.
    C'est mon travail de souligner cela, pas le vôtre, et je viens de le faire.
    Enfin, j'aimerais vous poser des questions sur les microprêts. Je crois que bien des gens seraient surpris d'apprendre quels sont les taux d'intérêt assortis aux microprêts. Pouvez-vous nous dire quelle est la moyenne? Évidemment, les gens voudront savoir pourquoi les taux sont si élevés.
    Bien sûr. Il s'agit d'une question très controversée, en particulier avec la venue des investisseurs qui cherchent la maximisation des profits dans le secteur du microfinancement. Il y a eu des exemples spectaculaires, en Inde et au Mexique, d'investisseurs qui font énormément d'argent lorsqu'un premier appel public à l'épargne est émis pour une institution de microfinancement.
    On justifie les taux d'intérêt du fait qu'il est plus coûteux d'atteindre les gens pauvres. Bien souvent, c'est la banque qui doit venir vers eux; elle doit équiper un agent de crédit d'une motocyclette pour qu'il se rende dans l'arrière-pays. Même lorsqu'on est dans une région urbaine, il faut quitter la banque et se rendre sur place, dans la communauté. En soi, cela exige une formation spéciale, un soutien spécial, des moyens de transport, etc., et c'est donc plus coûteux, sans parler des économies d'échelle qui ne sont pas très favorables puisqu'il en coûte autant d'accorder un prêt de 1 000 $ que d'en accorder un de 100 $. Si vous avez toute une série de prêts de 100 $, c'est problématique parce que vous devez faire assez d'argent pour couvrir vos coûts.
    Ce sont les principales raisons, mais il est aussi très difficile de bien comprendre les coûts réels qu'imposent les institutions de microfinancement, quel est le taux d'intérêt réel. Même les fournisseurs de prêts ont souvent du mal à comprendre quel est le véritable taux annuel en pourcentage de leurs prêts. Un mouvement est en train de se mettre en branle pour assurer une plus grande transparence à cet égard pour que les pauvres qui ont à choisir entre diverses sources de financement puissent faire des comparaisons entre des produits identiques.
    Vous me demandez quelle est la moyenne. Cela dépend du pays. Elle est très haute au Mexique, et un taux annuel en pourcentage de 80 p. 100 serait probablement la norme. Au Bangladesh, il pourrait être de 20 à 30 p. 100.
    Merci.
    Madame Brown.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Dunford.
    J'aimerais approfondir la question un peu plus. Je viens du milieu des affaires, et je comprends les risques et les prêts et ce qu'il en coûte pour emprunter de l'argent. Il y a des coûts qui sont assortis, et le microfinancement est un type d'entreprise. Les institutions doivent évaluer les risques en permanence. Dans certains projets de microfinancement que j'ai vus, des femmes ont pu avoir accès à suffisamment d'argent pour acheter une douzaine de poules. Elles ont ensuite grossi leur élevage et vendaient leurs oeufs dans tout le village. Elles ont mis sur pied toute une entreprise.
    Premièrement, j'aimerais rectifier les faits et préciser que le Canada n'a pas réduit le financement qu'il accorde aux programmes de vaccination. En fait, l'an dernier, nous avons donné 50 millions de dollars à l'Alliance GAVI, qui s'emploie à éradiquer des maladies comme la tuberculose. Le gouvernement du Canada a bien l'intention de faire ce type d'investissements dans les pays.
    J'aimerais revenir à une question que nous avons abordée un peu plus tôt. Lorsque j'ai parlé de l'effet de retombée, vous avez dit que c'étaient les gens les plus pauvres, et vous avez utilisé l'expression « effet d'entraînement ». Vous venez de nous parler des gestionnaires qui se rendent sur place, dans les communautés. Ce sont eux qui sont formés pour traiter l'argent et faire la comptabilité pour l'entreprise qui fait un emprunt.
    Je me demande si vous pouvez nous parler de ce type d'emplois et nous dire quel est leur impact dans la société. Au Bangladesh, j'ai vu des gens qui étaient formés pour aller dans les villages, faire le point sur les prêts consentis, accorder de nouveaux prêts lorsque c'était nécessaire, accepter les remboursements et rapporter l'argent à la banque.
    C'est un niveau très différent de gestion d'argent qui est en train de prendre place dans cette société. Je me demande si vous pouvez nous dire en quoi cela contribue au développement de ce pays.
(1715)
    Eh bien, je ne connais pas de cas concrets, mais je crois certainement que ce doit être un impact majeur, en particulier dans les régions rurales qui sont desservies par des institutions de microfinancement, mais aussi dans les régions urbaines qui sont desservies par de nombreuses institutions de microfinancement. Dans les régions urbaines, ces institutions se livrent une certaine concurrence, et elles embauchent un grand nombre de personnes. On estime qu'il y a quelque 3 500 institutions de microfinancement dans le monde, sans compter les coopératives de crédit et ce type d'établissement. Toutes ces institutions embauchent plus de personnel parce que ces employés doivent conclure de plus petites transactions, aller dans les régions rurales, etc.
    Il y a un double impact. Le premier, qui est évident, c'est que ces gens obtiennent des emplois et peuvent se perfectionner. Ils acquièrent des compétences. En outre, c'est une façon pour les jeunes et les gens d'âge moyen de redonner à leur propre communauté, puisqu'ils proviennent bien souvent de ces mêmes régions. On exige souvent qu'ils parlent le dialecte des communautés qu'ils servent. Ils sont donc, très souvent, issus de ces communautés, et ils ont ainsi la chance non seulement de gagner de l'argent, qui peut être réacheminé aux membres de leurs familles, qui vivent peut-être dans des communautés semblables, mais aussi de participer au développement de leur pays, ce qui est très édifiant pour eux.
    C'est particulièrement vrai quand ce sont plus que des agents de prêt, lorsqu'ils sont engagés dans un processus d'éducation avec leurs clients. Ils développent une relation d'écoute et d'engagement personnel qui ne peut être que bénéfique, non seulement pour les clients, mais pour eux en tant qu'individus et pour les personnes qu'ils côtoient ailleurs dans la société. Cet engagement auprès des pauvres, qui permet de saisir pleinement ce qu'est leur vie et de faire disparaître les stéréotypes, peut être un facteur très important dans le développement d'un pays.
    Je suis content que vous ayez soulevé ce point, parce qu'il s'agit d'un impact important du développement de l'industrie du microfinancement.
    Je vais faire une simple observation, puisque le temps me manque. Je suis allée dans ces pays. Au Bangladesh, en particulier, même s'il n'y a pas d'électricité, s'il n'y a pas l'infrastructure nécessaire pour l'électricité ou les services de téléphonie, tout le monde a un téléphone cellulaire et tout le monde est branché. Il devient donc de plus en plus possible d'établir des liens avec un secteur de la société beaucoup plus vaste. Je m'attends à ce que le microfinancement ait aussi ce genre d'impact. Non seulement ces gens pourront avoir leur propre entreprise dans leur communauté mais, parce qu'ils sont reliés par téléphone cellulaire à d'autres endroits, ils ont la possibilité de percer d'autres marchés.
    Merci beaucoup.
    Nous allons terminer la séance d'aujourd'hui avec M. Dechert.
    Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Dunford.
    Je vais poursuivre dans le même ordre d'idée que ma collègue, Mme Brown, et parler de la technologie qui facilite les mécanismes de paiement, en particulier dans les pays en développement. D'autres témoins nous ont beaucoup parlé des modes de paiement par téléphone cellulaire.
    Pouvez-vous nous dire quel rôle joue cette technologie dans le microfinancement, selon vous?
    J'aimerais parler également du rôle que peuvent jouer les diasporas. L'une des grandes forces de l'économie du Canada, de même que celle des États-Unis et de nombreux autres pays, c'est que nous avons ici des gens des quatre coins du monde, d'un grand nombre de pays en développement que nous essayons d'aider, qui ont réussi à prospérer ici, au Canada. Nous cherchons des façons de motiver et d'aider ces diasporas à fournir du microfinancement, à transférer de l'argent de façon plus efficace à leurs parents et amis dans ces pays, pour que cet argent puisse servir au microfinancement.
    Je me demande si vous avez déjà travaillé, aux États-Unis, avec la diaspora d'un de ces pays. Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?
(1720)
    Pour répondre à votre deuxième question, au sujet des diasporas, je ne peux pas dire que Freedom from Hunger a eu une expérience directe. Il est clair que c'est une opportunité importante pour les institutions de microfinancement que nous connaissons. En fait, un grand nombre s'occupent de faciliter les paiements de transfert de particuliers, aux États-Unis ou au Canada, vers des pays comme Haïti, le Nicaragua, etc.
    C'est un nouveau domaine pour les institutions de microfinancement.
    En ce qui a trait aux transactions au moyen de téléphones cellulaires ou d'autres technologies, ce n'est évidemment pas exclusif aux institutions de microfinancement. C'est un secteur novateur. Il y a beaucoup de téléphones cellulaires en circulation. La plupart sont très primitifs. Ce ne sont pas des téléphones intelligents. On trouve souvent des téléphones cellulaires même dans les régions rurales qui ne sont habituellement pas couvertes par un service de téléphonie cellulaire.
    Il faut être prudent quand on évalue le nombre de téléphones cellulaires en circulation. Il faut savoir combien sont effectivement utilisés, et encore combien sont utilisés pour des paiements de transfert et ce genre de transactions. Mais c'est très prometteur, et beaucoup de projets expérimentaux sont menés. La fondation Gates pousse particulièrement dans ce sens, non seulement pour que les gens fassent des paiements de transfert et des transactions financières, mais pour qu'ils épargnent, ouvrent des comptes d'épargne et y fassent des dépôts réguliers et reçoivent même des prêts.
    M-Pesa, au Kenya, est un exemple spectaculaire. Il n'est pas certain que la combinaison relativement unique de circonstances qui a contribué au succès de M-Pesa se retrouve dans d'autres pays.
    Alors, l'enthousiasme pour les transactions financières au moyen des téléphones cellulaires dépasse la réalité, mais c'est tout de même un domaine d'expérimentation extrêmement actif et très prometteur.
    Dans certains cas, les gens y voient une façon de contourner les contraintes des institutions de microfinancement et d'éviter les contacts personnels nécessaires au microfinancement dans sa forme traditionnelle. C'est un peu alarmant, à mon avis, parce qu'une grande part des avantages, des avantages moins tangibles, du microfinancement se trouvent dans les interactions personnelles entre les employés de l'institution et les gens des communautés.
    Tout cela reste hypothétique. Mais ce que nous allons voir, et ce que nous voyons déjà, c'est que le téléphone cellulaire ou ce genre d'appareil peut être utilisé par les agents sur le terrain pour améliorer leur travail. Ils peuvent ainsi devenir de meilleurs intermédiaires pour les gens avec qui ils travaillent sur le terrain et de meilleures sources d'information au-delà du domaine financier.
    Merci.
    À votre avis, dans quelle mesure les envois d'argent faits par les diasporas sont-ils importants pour le développement économique de ces pays en développement? Avez-vous...
    Oh, ce sont des sommes énormes.
    Je ne suis pas un expert dans ce domaine. Je lis sans doute les mêmes documents que vous. Les envois d'argent dépassent de loin l'aide au développement officielle. Tout dépend du pays, bien sûr.
    Nous avons travaillé en Haïti, et j'ai souvent dit que le plus grand espoir pour ce pays vient de la diaspora haïtienne et du soutien qu'elle peut fournir.
    Vous avez mentionné l'importance de l'éducation, et vous venez de parler de l'importance des envois d'argent. Que pensez-vous des programmes visant les travailleurs étrangers temporaires, qui permettent aux gens des pays en développement de travailler un certain temps dans un pays développé, puis de retourner chez eux en apportant avec eux certaines compétences et, espérons-le, un peu d'argent. Est-ce un bon modèle?
    J'hésite à dire que c'est un bon modèle, mais il est courant dans certains pays.
    Il est très répandu aux Philippines, de même qu'en Thaïlande. Ce sont les deux pays asiatiques que je connais le plus.
    À titre d'exemple, nous avons vu des Philippins et des Philippines revenir, après avoir travaillé à l'étranger, avec une certaine somme d'argent qu'ils cherchent à investir. Ils deviennent des prêteurs d'argent moins officiels, pourrait-on dire, parce qu'ils sont profondément ancrés dans la communauté, et ils voient la possibilité d'aider les entrepreneurs de leur communauté en leur donnant accès à des capitaux qu'ils n'auraient pas autrement.
    Vous voyez des gens rapporter de l'argent et trouver des façons créatives de se lancer en affaires. Ils ne se contentent pas de construire de grandes maisons plus somptueuses que celles de leurs voisins. Certains le font aussi, mais vous les voyez investir dans des entreprises qui profitent à l'économie.
(1725)
    Apportent-ils avec eux des compétences en affaires qui sont utiles?
    Je ne pourrais le dire, parce qu'un grand nombre occupent des emplois peu spécialisés à l'étranger. Toutefois, ils reviennent avec une vision du monde beaucoup plus vaste, et cette connexion au monde élargi est certes un avantage.
    Merci, monsieur Dechert.
    Merci beaucoup, monsieur Dunford. Nous avons abordé un sujet très intéressant aujourd'hui. Merci de votre exposé. Je l'ai trouvé très utile.
    Vous pouvez partir, mais nous ici, nous devons rester.
    Mme Laverdière a démissionné de son poste de vice-présidente, et nous devons donc élire un remplaçant.
    Monsieur Dechert.
    J'aimerais proposer M. Dewar comme nouveau vice-président du Comité des affaires étrangères.
    Y a-t-il d'autres nominations?
    Puisqu'il n'y en a pas, je vais mettre la question aux voix.
    Tous ceux en faveur de M. Dewar?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: C'est une victoire facile. Regardez ça.
    Vous auriez eu besoin de cet appui durant la course à l'investiture. Vous auriez pu être...
    Des voix: Oh, oh!
    C'est exact.
    Quoi qu'il en soit, merci beaucoup, tout le monde. On se revoit mercredi.
    La séance est levée.
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