:
Je m'excuse, monsieur le président, je ne cherche pas du tout à empiéter sur le temps de parole des témoins. J'essaierai d'être très bref.
Lors du vote, je vous ai fait part d'une question qui me préoccupe. Je voulais en parler sous forme d'un recours, je dirais plutôt de deux recours au Règlement, auxquels nous pourrons réfléchir, peut-être pour en discuter au début de la prochaine réunion.
Mon premier recours au Règlement est dû au fait que nous en sommes à notre troisième réunion consacrée à l'étude du comité sur le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international. On m'a dit — je crois que c'est vrai — que c'est la troisième réunion au cours de laquelle nous entendons des témoins proposés par la partie gouvernementale. Cela n'enlève rien à la compétence des témoins, mais les suggestions présentées par l'opposition ne se reflètent pas dans la composition des groupes invités à comparaître. À notre connaissance, aucun des témoins que nous avons proposés — et certainement aucun de ceux avec qui nous sommes en contact — n'a été approché jusqu'ici.
Je peux citer l'exemple un peu décevant d'Andrew Bauer, qui est de New York, mais qui se trouve exceptionnellement à Ottawa aujourd'hui seulement. Nous avons essayé hier — peut-être trop tard — de voir s'il était possible de l'inclure dans le groupe de ce matin. Cela nous aurait permis de réaliser des économies. Les travaux de M. Bauer sont surtout axés sur les mécanismes de gouvernance et de responsabilisation des institutions financières internationales et sur la gestion macroéconomique dans les pays en développement. Il aurait été extrêmement intéressant de l'entendre ce matin, particulièrement en présence du représentant de Développement international Desjardins. Il s'occupe surtout d'assistance technique, de recherche, etc.
C'est une bonne chose pour le comité d'entendre trois témoins en deux heures, mais un quatrième ne nous aurait certainement pas dérangés. Je me demande si nous pourrons trouver à l'avenir un moyen de réaliser l'équilibre. Ce mot n'est peut-être pas bien choisi parce que je ne suis pas sûr que nous ayons des intérêts opposés. Il faudrait donc trouver un moyen d'inclure les témoins proposés par les partis d'opposition qui, jusqu'ici, n'ont pas été intégrés dans l'étude. C'est ma première suggestion, monsieur le président.
Je vais maintenant aborder mon second recours au Règlement. Je voudrais m'excuser d'avoir manqué quelques réunions, mais, comme certains d'entre vous le savent, ma femme a eu des problèmes de santé, qui sont maintenant réglés. Je voudrais donc comprendre une chose, monsieur le président. Le plan de travail initial établi par nos analystes, et qui nous a été distribué en octobre, portait le titre L'Afrique au XXIe siècle: principaux défis et rôle du Canada. Mon collègue Mark Eyking m'a appris que l'étude a brusquement changé de thème. Nous examinons maintenant le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international. Je suis curieux d'entendre ce que vous avez à me dire, monsieur le président, sur la façon dont… Pour nous, l'Afrique était un important élément de l'étude.
J'ai l'impression qu'à mesure que nous avancerons dans l'examen du rôle du secteur privé qui, je l'ai déjà dit au cours d'une réunion précédente, est très intéressant en soi… J'aimerais, monsieur le président, que vous réfléchissiez à la façon dont nous pourrions insister davantage sur l'Afrique dans le cadre de notre étude. Nous pourrons en discuter à un autre moment. Je crains seulement qu'en continuant comme nous le faisons, nous perdions de vue le fait que nous avons reconnu avec enthousiasme — il y avait certainement un consensus autour de cette table — qu'il fallait insister sur l'Afrique en tant qu'élément important, sinon essentiel, de cette étude. Je voudrais donc que nous soyons conscients de cela tandis que nous poursuivons notre travail.
Je voulais simplement vous faire part de ces choses sans empiéter sur le temps de nos témoins.
:
Je m'appelle Yvon Bernier. Je suis vice-président, Expertise-conseil, Développement international Desjardins.
Pour faire une mise en contexte, le Mouvement Desjardins — vous le savez certainement — est maintenant parmi les grandes institutions financières canadiennes présentes sur presque tout le territoire canadien. Le Mouvement Desjardins a actuellement un actif d'environ 190 milliards de dollars, ce qui en fait la cinquième institution financière au Canada et la première en importance au Québec qui vise encore, après toutes ces années, étant une coopérative financière, l'inclusion financière.
Développement international Desjardins, DID, est un organisme sans but lucratif qui existe depuis une quarantaine d'années et qui oeuvre présentement dans une trentaine de pays, dans les pays en développement essentiellement, et dont la mission est de promouvoir aussi l'accès aux services financiers diversifiés, donc l'inclusion financière. DID, un organisme sans but lucratif, collabore et intervient beaucoup en partenariat avec l'Agence canadienne de développement international, principalement dans de grands projets bilatéraux et la plupart du temps très structurants, mais également dans le cadre du partenariat canadien au sujet duquel on vient de renouveler une entente en cofinancement avec le Mouvement Desjardins. Bref, mon propos fera état de l'accès aux services financiers comme moteur de développement du secteur privé.
Pour DID, l'amélioration de l'accès aux services financiers pour tous est une condition essentielle au développement du secteur privé. Le fait que, dans plusieurs pays, plus de 80 p. 100 de la population n'a toujours pas accès à des services financiers de qualité constitue en effet un frein à la croissance économique et au développement du secteur privé. Dans ce contexte, nous pensons qu'il est stratégique non seulement de travailler avec les petits entrepreneurs et agriculteurs qui créeront des emplois, mais également d'offrir à toute la population, incluant les plus pauvres, des services financiers diversifiés qui incluent l'épargne, le crédit, l'assurance et les services transactionnels. La microfinance devrait donc être ciblée, au sens large, comme un levier de développement économique durable, plutôt qu'on se limite au simple microcrédit.
Bien que le modèle financier coopératif nous semble particulièrement favorable à la proximité entre les institutions et les communautés qu'elles desservent, naturellement nous avons un penchant pour les coopératives financières. Nous appuyons l'émergence et le développement d'une diversité d'institutions financières en vue d'assurer une accessibilité maximale des services financiers. Quelle que soit leur nature, les institutions de finance de proximité devraient toutes viser à exercer leurs activités dans le cadre de l'industrie financière formelle et en fonction des normes de cette industrie, tout en s'adaptant à une économie majoritairement informelle, et à s'inscrire dans une perspective d'appropriation locale et de propriété locale.
Nous croyons aussi qu'il faut miser sur les ressources locales, que l'on pense à la mobilisation de l'épargne qui accroît l'indépendance des communautés desservies, au renforcement du leadership local et de la démocratie, puisque les acteurs de la communauté sont amenés à prendre part aux différents aspects de la vie démocratique de leur institution financière, ou encore au renforcement des capacités locales qui sont à la base de la performance et de la viabilité des institutions que nous appuyons.
DID croit que, pour avoir un impact significatif sur l'autonomisation des communautés et la croissance économique, les appuis offerts devraient viser la professionnalisation des institutions dans le but d'accroître leur rayonnement et leur impact. Nous croyons aussi que ces appuis devraient viser particulièrement les grands ensembles coopératifs, c'est-à-dire les institutions dont le rayonnement s'étend à l'ensemble du territoire national et couvre à la fois les régions urbaines et rurales.
Par exemple, en Afrique de l'Ouest, DID appuie sept institutions figurant parmi les plus importantes de leur pays respectif. Ensemble, ces institutions joignent près de 5 000 000 de membres et clients, dont 40 p. 100 sont des femmes, comptent quelque 1 000 points de service, emploient plus de 5 000 personnes, comptent sur l'appui d'autant d'administrateurs élus et affichent un actif global frôlant le milliard de dollars canadiens, alors que le crédit moyen s'élève tout juste à 900 $ canadiens.
Nous croyons que les institutions de finance de proximité doivent offrir des services financiers diversifiés qui contribuent à créer de la valeur. DID croit qu’il est de la première importance d’accentuer les efforts nécessaires pour assurer aux micro, petites et moyennes entreprises l'accès à des sources de financement adaptées à leurs besoins, puisqu’il s’agit souvent d’un frein à leur développement et, par conséquent, au développement économique des pays.
Pour combler le vide séparant les petits entrepreneurs des services financiers dont ils ont besoin, DID met en place des centres financiers aux entrepreneurs que nous appelons des CFE. Les 10 CFE créés avec l’appui de DID en Afrique et en Amérique latine ont octroyé à ce jour 220 millions de dollars américains en prêts à quelque 82 000 petits entrepreneurs. En se basant sur le calculateur d’impact social de la Calvert Foundation, nous estimons que plus de 53 000 emplois ont ainsi été créés grâce à ces institutions.
Dans un contexte où le manque de sécurité alimentaire constitue un problème criant dans plusieurs régions du monde, les pays en développement ont d’énormes défis à relever. Ils doivent diversifier leurs cultures, moderniser leurs pratiques et atteindre une productivité agricole accrue. Pour que les agriculteurs et agricultrices puissent apporter leur contribution au développement de l’agriculture, ils doivent nécessairement accéder à des services financiers diversifiés, par exemple à des prêts agricoles spécialisés comme le crédit à l’investissement ou à la commercialisation, à de l'assurance récolte. Par ailleurs, dans la majorité des pays en développement, près de 80 p. 100 de la production alimentaire dépend du travail des femmes. Or on rapporte que si l’on réduit les inégalités structurelles entre les sexes, on peut augmenter les rendements agricoles de plus de 20 p. 100 sur le continent africain.
D’après ces constats, il apparaît donc crucial pour les institutions de microfinance de rendre accessible la ressource financière afin que les agriculteurs, et tout particulièrement les femmes, puissent prendre part pleinement à l’essor du secteur agricole et à la croissance économique.
Le financement de l’habitat répond à une préoccupation grandissante pour les populations des pays en développement. On a qu'à penser au taux d'urbanisation actuel dans les grandes capitales. Les impacts d’un habitat sain et durable sont énormes, tant sur la santé que sur l’éducation, la sécurité, la constitution d’un patrimoine, qui est de surcroît transmissible aux générations suivantes, et l’entrepreneuriat. Ce sont là autant de conditions préalables au développement du secteur privé local.
Offrir des produits et services financiers de proximité à des clientèles vivant dans des régions marginalisées implique des contraintes majeures en matière d’accessibilité, de sécurité et de coût. Dans ce contexte, DID croit que le recours à des solutions technologiques innovatrices et performantes est une condition essentielle à un accès élargi et sécuritaire aux services financiers. Qu’on pense aux logiciels transactionnels, aux applications mobiles, aux services bancaires mobiles par exemple, aux cartes à puce, à la biométrie et aux systèmes de transactions inter-Caisses, ce sont là autant d’outils préconisés par DID pour réduire le coût des transactions et améliorer la portée des services.
Pour Développement international Desjardins, l’émergence d’une véritable finance populaire et inclusive passe par une législation et une supervision adéquates, dans une perspective de professionnalisation du secteur et de protection des épargnants. DID fait, par ailleurs, la promotion de pratiques de microfinance saines, qui visent entre autres à prévenir le surendettement des membres et clients.
Pour conclure, nous réitérons que tous les appuis au développement, incluant les investissements, devraient être mis au service du renforcement des capacités locales et du développement du leadership local. C’est à ces conditions qu’on pourra multiplier l’impact des interventions d’aide au développement et obtenir un impact significatif et à grande échelle.
Merci beaucoup, monsieur le président, de nous avoir invités. J'ai commencé un peu nerveusement. S'il y a des questions pour nous très importantes, on sera bien heureux d'y participer.
:
Je vous remercie. Je suis, moi aussi, un peu nerveuse.
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter quelques réflexions sur cette étude au nom de l'Initiative pour les micronutriments. Avant d'aborder le fond du sujet, je voudrais vous dire quelques mots de l'IM.
Comme mère, je sais que je veille à ce que mon fils ait assez à manger, mais je surveille aussi ce qu'il mange. Les micronutriments tels que la vitamine A, le zinc, l'iode et le fer sont des éléments essentiels d'une bonne nutrition, des éléments essentiels à la santé humaine. Pourtant, à l'échelle de la planète, des milliards de personnes — j'ai bien dit des milliards — n'absorbent pas suffisamment des vitamines et des minéraux dont elles ont besoin pour survivre et s'épanouir.
Les déficiences en vitamines et en minéraux affectent tout un tiers de la population mondiale, nuisant à la santé des gens et en empêchant beaucoup de réaliser leur plein potentiel. Par conséquent, depuis près de 20 ans, l'Initiative pour les micronutriments, qui a son siège au Canada, s'est efforcée de trouver et de mettre en oeuvre des solutions peu coûteuses mais hautement efficaces pour combattre les déficiences en vitamines et en minéraux dans les populations les plus pauvres de la planète. En fait, nous sommes devenus des chefs de file mondiaux dans ce domaine. La portée et l'impact de nos efforts sont vraiment impressionnants. Au cours de la seule année dernière, nos programmes ont touché près de 500 millions de personnes.
Cela est attribuable au leadership que nous avons manifesté ainsi qu'au généreux appui du gouvernement du Canada, par l'entremise de l'Agence canadienne de développement international, et de partenaires exceptionnels comme Teck, dont je vous parlerai un peu plus tard. Avant d'aborder le partenariat d'IM avec Teck, j'ai pensé qu'il serait bon, parce que votre étude est surtout centrée sur l'aide et le secteur privé, de passer en revue certains aspects de notre travail dans lesquels le secteur privé a joué et peut jouer un rôle dans le succès et la durabilité de nos programmes.
L'iodation du sel a été une grande victoire non seulement pour l'IM, mais pour le monde entier. La déficience en iode est la principale cause évitable de lésions cérébrales. Elle peut baisser considérablement le quotient intellectuel de populations entières. Les effets les plus graves des déficiences en iode se produisent au stade du développement foetal et dans les premières semaines de la vie. Il est donc critique de toucher les femmes en âge de procréer et les jeunes enfants.
Comme le sel est un produit de consommation courante, même dans les régions très pauvres du monde, c'est un véhicule idéal pour administrer des suppléments d'iode. En fait, la stratégie mondiale préférée de prévention des troubles dus au manque d'iode est l'iodation universelle du sel. Nous tenons pour acquis, lorsque nous allons à l'épicerie, que tout le sel offert dans le commerce est iodé, mais cela n'est pas vrai dans de nombreux endroits des régions pauvres du monde.
L'iodation du sel constitue l'une des interventions mondiales les plus grandes et les plus efficaces en santé, intervention qui n'aurait pas été possible en l'absence du rôle central joué par le secteur privé. Au milieu des années 1990, 20 p. 100 seulement du sel consommé dans le monde était iodé. Aujourd'hui, ce pourcentage a grimpé à environ 75 p. 100.
L'IM travaille avec de petits et moyens producteurs de sel, leur offrant de l'assistance technique, des connaissances spécialisées et parfois même des applications technologiques, pour faire en sorte d'ioder les 25 p. 100 restants de sel non iodé dans le monde. Je dois ajouter que cette intervention, qui ne coûte littéralement que quelques sous par personne, a un énorme impact.
Le mois dernier, j'étais à Bima, coin très isolé de l'Indonésie. En compagnie d'un certain nombre de nos employés, je me promenais dans les marais salants pour m'entretenir avec les ramasseurs de sel. Ceux-ci remplissaient des bassins peu profonds d'eau tirée de l'océan à l'aide de pompes actionnées par le vent ou par des pédales. L'eau s'évapore sous l'action du soleil, et la solution de plus en plus concentrée est pompée dans différents bassins jusqu'à ce que le sel puisse littéralement être ramassé par les femmes à l'aide d'un râteau pour être séché et apprêté en vue du traitement.
À Bima, nous travaillons avec ces petits producteurs de sel pour améliorer leurs entreprises. Nous appuyons les efforts qu'ils déploient pour établir une coopérative de sel qui leur permettra d'augmenter leurs bénéfices, nous leur accordons une certaine aide technique pour les aider à satisfaire aux normes du gouvernement et à améliorer leur méthode de traitement et nous leur fournissons du matériel mobile d'iodation qui pulvérise de l'iode sur le sel pendant qu'il est moulu afin de produire le sel iodé qui améliorera la vie de la population et favorisera le développement de cerveaux sains. En iodant le sel, on peut relever le quotient intellectuel moyen d'une population de 13 points. Voilà un exemple de situation où l'intervention du secteur privé sert l'intérêt public.
Voici un autre exemple. J'ai apporté avec moi quelques accessoires. Vous me pardonnerez, je suis incorrigible. Nous appelons ceci des chispitas. Ce sont de petits sachets contenant de multiples micronutriments en poudre: fer, vitamines A et C, zinc. Ils permettent d'augmenter la valeur nutritive des aliments donnés aux petits enfants. Imaginez un petit village dans une région rurale — ce mélange vient de Bolivie — où ce qui cuit dans la marmite familiale est servi à tous les membres de la famille, même aux tout petits d'un an ou de moins de deux ans. Il peut s'agir par exemple d'une bouillie d'avoine. Si vous ajoutez le contenu de ce petit sachet — qui ne coûte vraiment que quelques sous — à la portion des enfants, vous leur donnerez un repas d'une excellente valeur nutritive.
En Bolivie, l'IM travaille avec le ministère de la Santé sur une soumission visant à produire des micronutriments en poudre et à offrir de l'assistance technique aux producteurs du secteur privé. Les producteurs étaient motivés parce qu'ils ont un acheteur garanti du secteur public. En fin de compte, les chispitas ont été vendus avec succès aux utilisateurs ultimes dans le cadre d'un programme de ventes subventionnées organisé par le secteur privé. Encore une fois, c'est un exemple d'intervention du secteur privé qui sert l'intérêt public.
Je vais vous donner un dernier exemple avant de parler de notre partenariat avec Teck. Il s'agit de vitamine A.
Cette petite capsule rouge a un petit bouton à l'une de ses extrémités. On arrache le bouton et on pince la capsule pour en vider le contenu de vitamine A dans la bouche d'un enfant. Elle a l'air très simple, mais c'est une petite merveille de technologie et de santé. Elle coûte deux cents, et il suffit d'en donner deux par an pour prévenir la cécité, renforcer le système immunitaire et sauver des vies. Je répète: deux cents par capsule et deux capsules par an pour sauver une vie.
Avec l'aide de l'ACDI, l'IM a distribué 7 milliards de ces capsules à des enfants partout dans le monde. Pour arriver à le faire, nous collaborons avec des fabricants du secteur privé afin de nous assurer de la production de la quantité voulue de vitamine A de grande qualité pour répondre à la demande mondiale. La production du secteur privé doit satisfaire aux normes les plus élevées. Imaginez, en effet, la technologie qu'il faut pour s'assurer que cette petite capsule gardera son précieux contenu en bon état dans une chaleur torride et survivra au transport à destination des endroits les plus éloignés du monde. J'ai vu des flacons de ce produit dans des cliniques du Kenya et dans des postes sanitaires isolés de l'Éthiopie.
L'administration de suppléments de vitamine A a contribué à une véritable révolution dans le domaine de la survie des enfants. Encore un autre exemple où le secteur privé sert l'intérêt public.
Enfin, mon dernier exemple — qui est aussi l'un des plus intéressants — concerne la collaboration de l'IM avec le gouvernement du Canada et la société Teck Resources pour former un partenariat privé-public-société civile appelé l'Alliance du zinc pour la santé de l'enfant.
Il y a une maladie persistante qui tue plus de 4 000 enfants par jour ou 1,5 million par an: c'est la diarrhée. Malheureusement, personne n'en parle. On entend parler de pneumonie et de paludisme, mais pas assez de diarrhée. Il est vraiment temps de commencer à en parler.
La réhydratation orale combinée à 10 doses de zinc constitue le nouveau traitement extrêmement puissant pour combattre les maladies diarrhéiques. De nombreux pays essaient d'ajouter du zinc à leurs programmes de santé pour enfants et demandent à cette fin l'aide d'organismes tels que l'Initiative pour les micronutriments. C'est là qu'intervient la société Teck. Dans le cadre de son engagement en matière de responsabilité sociale des entreprises, Teck a offert à l'IM un financement de 5 millions de dollars pour renforcer ses programmes de traitement de la diarrhée par réhydratation orale et administration de zinc. À cette généreuse contribution s'ajoute un financement à trois pour un offert par l'ACDI, qui est une autre partenaire de l'alliance.
Le premier projet de l'alliance sera réalisé au Sénégal avec l'aide et le leadership du gouvernement sénégalais. Nous envisageons d'étendre ce projet à quatre autres pays où nous pensons obtenir des résultats. Nous pensons que l'alliance peut sauver et améliorer la vie d'enfants partout dans le monde. Elle permettra donc au Canada non seulement d'atteindre ses objectifs de Muskoka, mais aussi de montrer la voie de la prochaine révolution en matière de survie des enfants. Voici encore un autre exemple du secteur privé au service de l'intérêt public. L'IM est honorée d'être partenaire de cette entreprise.
Je voudrais dire, pour terminer, que l'IM apprécie beaucoup ses relations avec des partenaires privés tels que la société Teck et considère que ce partenariat fait partie intégrante des moyens mis en oeuvre pour s'acquitter de sa mission. Par conséquent, nous nous félicitons de la décision du comité d'entreprendre cette étude.
Je vous remercie.
Merci, Chris.
Teck et son prédécesseur, Cominco, ont extrait, traité, raffiné et vendu du zinc depuis une centaine d'années. C'est seulement au cours de la dernière décennie que nous avons compris que notre produit ne sert pas seulement à produire de l'acier galvanisé et à empêcher nos poubelles de rouiller. Le zinc est un merveilleux oligo-élément qui joue un rôle vital dans la santé humaine. Les enfants déficients en zinc ne se développent pas normalement. Ils ne sont pas atteints d'incapacité physique, mais leurs facultés mentales s'en ressentent. De même, les récoltes qui ne peuvent pas tirer assez de zinc du sol sont déficientes en qualité et en quantité.
Le zinc sert de quatre façons différentes pour combattre ces déficiences. Premièrement, il permet de traiter les déficiences aiguës. Il peut prévenir la mort des suites de la diarrhée ou des complications qui y sont associées. Deuxièmement, il sert à traiter les déficiences chroniques qui entravent la croissance et provoquent l'arriération mentale. Troisièmement, il est ajouté aux aliments, ce qui profite non seulement aux enfants, mais à l'ensemble de la population. Quatrièmement, il devrait également servir à l'amélioration des engrais, ce qui devrait — du moins en théorie — améliorer la qualité des céréales et du riz cultivés sur des sols assez riches en zinc. Nous pourrions peut-être éradiquer un problème qui, d'après l'UNICEF et l'OMS, contribue aujourd'hui à quelque 450 000 décès par an parmi les enfants de moins de 5 ans.
Nous sommes très heureux d'avoir formé un partenariat avec l'Initiative pour les micronutriments et le gouvernement du Canada au sein de l'Alliance du zinc pour la santé de l'enfant. Nous tenons à remercier le comité de nous avoir invités à lui parler de cette initiative.
Teck est une entreprise d'exploitation de ressources, une société minière et métallurgique qui a son siège à Vancouver. Elle a des activités dans l'hémisphère occidental qui vont de 1 000 kilomètres au nord d'Anchorage, en Alaska, jusqu'au sud du Chili. Comme je l'ai dit, nous produisons du zinc, du charbon métallurgique ou sidérurgique et du cuivre. Nous vendons nos produits dans le monde entier. Nous sommes l'un des plus importants producteurs de zinc de la planète.
De concert avec l'UNICEF, nous avons appuyé les initiatives de santé axées sur le zinc directement avec l'IM et par l'intermédiaire de l'Association internationale du zinc.
Le défi mondial est dû non à un manque de zinc, mais à la pénurie de moyens pour le distribuer, pour le faire parvenir aux mères qui soignent leurs enfants et pour leur faire comprendre l'importance qu'il joue dans le régime alimentaire. Le défi est fonction de l'éducation, de la distribution et du travail à faire dans la chaîne d'approvisionnement. Toutefois, la chaîne elle-même ne constitue pas vraiment un problème.
Nous travaillons avec l'IM depuis un certain nombre d'années pour mettre au point le partenariat que nous avons maintenant formé, et qui réalisera un programme d'abord au Sénégal, puis dans d'autres pays peut-être, comme Chris l'a mentionné. Nous avons lancé le programme en juin dernier. Nous sommes extrêmement heureux d'être en mesure de le poursuivre. Grâce à nos ressources, aux connaissances et aux capacités sur le terrain de l'IM et à l'appui de l'ACDI, d'autres partenaires que nous espérons attirer à l'avenir — nous souhaitons persuader d'autres entreprises et d'autres organisations comme Aide à l'enfance de se joindre à nous — et de l'UNICEF, nous pouvons renforcer les programmes de santé partout dans le monde.
C'est vraiment fascinant. Comme Chris l'a dit, nous pouvons sauver des vies. La vitamine A coûte 2 ou 4 ¢ le comprimé. Le traitement au zinc combiné à la réhydratation orale élimine presque complètement les conséquences de la diarrhée. Le zinc renforce le système immunitaire. Les sels de réhydratation orale rétablissent l'eau perdue par l'organisme. À 25 ¢ le traitement, on peut sauver la vie d'un enfant de moins de 5 ans. Par conséquent, plus il y aura de collaboration et de partenariats, plus nous disposerons de ressources et de capacités.
On nous demande toujours pourquoi nous nous occupons d'un tel projet. C'est principalement pour sauver la vie à des enfants, pour restituer et pour faire quelque chose qui fasse reconnaître notre société. Nos employés sont extrêmement enthousiasmés par cette initiative. Il est extraordinaire de les voir et de ressentir leur enthousiasme pendant qu'ils font des collectes dans leurs propres rangs ou qu'ils achètent des articles que nous offrons sur notre site Web et qui portent le logo du zinc et de la santé. Ils sont vraiment très engagés.
Il n'est certainement pas question de vendre davantage de zinc. La quantité de cet élément qui est nécessaire pour satisfaire tous les besoins humains s'élève peut-être à 2 p. 100 de notre production annuelle, c'est-à-dire 1 p. 100 de la production annuelle de l'ensemble de notre industrie. C'est une quantité insignifiante d'un point de vue transactionnel. Il s'agit plutôt de réputation, de citoyenneté du monde et de faire le bien. Avoir la possibilité d'utiliser notre propre production pour contribuer autant est vraiment passionnant pour nous.
En parlant de déficience en zinc, il faut noter qu'environ un tiers de la population mondiale en souffre. La déficience en zinc contribue au décès de près de 1,5 million d'enfants chaque année, dont 500 000 pourraient être sauvés grâce au traitement que j'ai mentionné, d'après les études de l'OMS et de l'UNICEF et d'autres preuves scientifiques. Ayant pris conscience de cette occasion de contribuer au règlement d'un problème mondial, nous avons décidé d'agir et avons pris les mesures qu'il nous était possible de prendre.
Si vous le permettez, je voudrais mentionner qu'en 2008, une organisation appelée le Copenhagen Consensus Center — certains d'entre vous en ont probablement entendu parler — a demandé à huit scientifiques, dont cinq prix Nobel, de déterminer ce qu'ils feraient pour améliorer la situation sur terre s'ils disposaient de 50 milliards de dollars. Le premier article de la liste de 10 projets qu'ils ont élaborée était le traitement des déficiences en vitamine A et en zinc, notamment parce que le zinc sauve la vie des gens atteints de diarrhée, mais aussi à cause de la possibilité de relever le quotient intellectuel des populations en Afrique subsaharienne, en Asie et dans certaines régions de l'Amérique du Sud touchées par la déficience en zinc. La hausse du quotient intellectuel augmenterait la croissance économique. Si vous pouviez voir les résultats de la recherche et les preuves accumulées, vous penseriez vous aussi qu'il n'y a rien de meilleur qu'on puisse faire.
Teck Resources Limited fait partie du Pacte mondial des Nations Unies. À ce titre, nous devons consacrer des ressources et des efforts à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement. Dans notre cas, nous avons choisi l'objectif n° 4 qui prévoit de réduire des deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans entre 1990 et 2015.
Les activités de l'Initiative pour les micronutriments correspondaient parfaitement à nos engagements concernant le zinc dans le cadre du Pacte mondial et nous ont donné l'occasion d'agir. Nous espérons que nous pourrons, de concert avec l'IM et l'ACDI, amener l'Alliance du zinc pour la santé de l'enfant bien au-delà de sa portée et de son étendue actuelles. Le premier programme, celui que nous lançons maintenant, est canadien. Nous croyons qu'il peut être reproduit dans des pays tels que l'Australie qui ont des producteurs de zinc, des agences d'aide gouvernementales et d'autres. Il pourrait y avoir une Alliance du zinc pour la santé de l'enfant en Australie, aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Nous pouvons nous adjoindre d'autres partenaires recrutés dans la communauté des ONG. Aide à l'enfance pourrait en être. Nous pouvons aller encore plus loin en formant d'autres partenariats, comme l'initiative Le zinc sauve les enfants de l'Association internationale du zinc.
Un peu partout dans le monde, des organisations comme la Fondation Bill et Melinda Gates et la Global Alliance for Improved Nutrition ou GAIN ont reconnu l'importance du zinc et agi en conséquence. D'une certaine façon, nous montrons la voie aux autres. Nous croyons que, grâce à notre travail, nous quittons les sentiers battus au chapitre des partenariats publics-privés.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier les témoins de leur présence au comité ce matin.
Comme ancien producteur de légumes, j'ai beaucoup travaillé avec de petits agriculteurs d'Amérique centrale à l'établissement de coopératives. Vos témoignages m'intéressent donc au plus haut point. J'apprends beaucoup en vous écoutant.
D'après mon expérience, une fois qu'on s'est débarrassé des hommes forts, des dictateurs, une fois que les gens ont des droits à l'égard de la terre et quelques droits individuels, on peut faire beaucoup avec de petits investissements stratégiques. Vous en avez parlé un peu.
Vos témoignages sont différents, mais ils ont en commun l'approche pancommunautaire. Vous êtes très conscients des objectifs du millénaire et du travail qui s'est fait dans ce domaine.
J'ai également collaboré avec les fondations Gates et Rockefeller plus ou moins dans le domaine de l'approche pancommunautaire. Je pense que c'est à cela que je veux en venir. Bien sûr, tout commence quand on arrive dans ces collectivités. On fait des analyses du sol pour déterminer les déficiences qui ont des effets sur les grains, le bétail, les humains, l'eau et différentes autres choses. Il m'arrive de penser que nous avons différentes organisations qui travaillent là, mais c'est peut-être parce qu'elles travaillent en vase clos. Voilà pourquoi j'aime bien les objectifs du millénaire de la Fondation Gates. Je ne dirais pas qu'elle fait un travail parfait, mais elle a adopté cette approche pancommunautaire.
D'après votre expérience, cette approche est-elle devenue assez courante? Faut-il en faire davantage sur ce plan? Les gouvernements devraient-ils encourager cette approche lorsqu'ils déterminent les paramètres du développement? Si une collectivité peut trouver de l'eau potable à proximité, les enfants n'auront plus besoin d'aller la chercher très loin. Ils pourront donc aller à l'école. Voilà un exemple d'approche pancommunautaire. Devrions-nous généraliser cette approche? Est-ce que d'autres pays le font? Le gouvernement du Canada devrait-il favoriser de telles initiatives?
N'importe qui peut répondre.
:
Vous avez abordé une question extrêmement importante, particulièrement dans le domaine de la nutrition, parce que nous savons que la seule façon de faire des progrès est d'amener les gouvernements eux-mêmes à donner la priorité à cet objectif et à éviter que le travail se fasse en vase clos. La nutrition a été négligée et privée du financement nécessaire, en partie parce qu'on s'en débarrasse sans lui accorder la priorité qu'elle mérite. Il y a maintenant un mouvement mondial pour l'amélioration de la nutrition. Le Canada y joue un rôle de leadership, de concert avec d'autres gouvernements. Jusqu'ici, 21 pays en développement ont adhéré au mouvement.
Il ne s'agit pas d'une campagne de souscription qui ne veut rien dire. Dans chaque gouvernement, il faut que quelqu'un prenne en main le dossier pour dire que la nutrition, par exemple, est un domaine intersectoriel et interministériel, qui relève de l'agriculture, du développement économique et de la santé, c'est-à-dire de différentes subdivisions du mandat et des opérations du gouvernement.
Il y a un vrai mouvement en faveur de l'horizontalité et de la synergie, afin d'éviter le travail en vase clos qui n'aboutit souvent pas à des résultats. Vous avez abordé un sujet d'une importance extraordinaire. Le Canada et le monde sont en train de reconnaître que les interventions cloisonnées peuvent être problématiques.
Cela étant dit, il faut être prudent: en intégrant quelque chose dans un tout, nous devons prendre garde à ce que cette chose ne soit pas perdue. Par exemple, la vitamine A, qui a sauvé la vie de millions d'enfants, a été intégrée dans ce qu'on appelle les Journées internationales de la santé de l'enfant, qui sont organisées deux fois par an. Il faudrait donc éviter de pécher par excès de zèle. Nous ne pouvons pas laisser les interventions peu coûteuses mais hautement efficaces, qui ciblent les plus vulnérables, se perdre dans des initiatives trop vastes.
Nous devons donc essayer de jouer sur les deux tableaux en veillant à ce que l'importance des mesures à prendre soit reconnue d'une manière globale, tout en évitant de perdre le terrain que nous avons déjà couvert.
:
Ce sera peut-être une longue réponse.
Tout d'abord, le Fonds Desjardins pour la finance inclusive est un nouveau fonds qui est issu d'une expérience que nous avons conduite pendant les 10 dernières années sur un fonds de développement international géré par Développement international Desjardins et une corporation en commandite, afin de bien faire la distinction entre les diverses utilisations des fonds.
Le Fonds Desjardins pour la finance inclusive vise à faire des prêts — à prendre du capital — à des institutions de microfinance qui visent des clientèles plus pauvres et défavorisées. Il peut le faire sous forme de prêts ou de débentures avec des coopératives financières pour leur procurer des liquidités et, surtout, pour combler un manque de ressources à moyen terme dans les institutions financières des pays en développement. L'épargne locale mobilisée est une ressource à vue, donc à très court terme. Et pour permettre aux institutions de respecter les ratios réglementaires des différentes banques centrales de ces pays — les institutions ayant besoin de capitaux à moyen terme —, on apporte ces éléments.
L'autre action importante est qu'on a investi dans des corporations. On acquiert donc du capital, on devient membre d'un conseil d'administration d'une entreprise à capital-actions, qui n'est pas une coopérative, avec d'autres investisseurs internationaux. Ce fonds sert d'effet de levier pour mobiliser des ressources supplémentaires.
Présentement, on travaille en partenariat avec la Banque africaine de développement, la Banque interaméricaine de développement, le FMO des Pays-Bas, Bluewater Investment Group, qui est un immense groupe d'investissement en microfinance.
Nous avons toujours une approche pour favoriser l'investissement local et la propriété locale. On amène des investisseurs à caractère communautaire nationaux dans ces nouvelles entreprises et, en participant au conseil d'administration, on apporte des règles de gouvernance extrêmement rigoureuses et strictes, ce qui permet de former des organisations.
Présentement, DID appuie fortement quatre institutions financières de cette nature en Zambie, en Tanzanie, au Panama, et bientôt on le fera en Ouganda, car un projet démarre.
L'ensemble des projets de développement que nous menons sont répartis dans 15 à 20 pays, également. On participe à des projets bilatéraux en Haïti qui visent l'appui à une institution financière coopérative nationale, la fédération Le Levier. Nous participons aussi à un projet structurant au niveau national avec le gouvernement haïtien pour développer les mécanismes de financement agricole.
Au Mali et, en fait, dans quatre pays d'Afrique de l'Ouest, nous travaillons avec la Bill & Melinda Gates Foundation à implanter de nouvelles technologies dans les institutions financières de microfinance pour leur permettre d'aller plus loin en milieu rural et d'accéder à des clientèles encore plus défavorisées. Au Burkina Faso, on travaille avec la plus grande institution financière coopérative à développer des centres financiers aux entrepreneurs. Au Sénégal, on travaille avec le gouvernement sénégalais pour appuyer l'ensemble du secteur de la microfinance par des actions structurantes pour assainir le secteur et apporter des technologies aux plus petites institutions de microfinance, etc. En fait, 40 projets actifs sont présentement en cours.
Cela répond-il à votre question?
Je vais prendre l'exemple de la Zambie, qui est peut-être l'un des plus récents.
En Zambie, le montant moyen des prêts consentis à un entrepreneur est d'environ 4 000 dollars américains. Les entrepreneurs sont souvent des ébénistes, des gens qui travaillent le métal et des gens qui font différents commerces.
Donc, l'entrepreneur type est celui qui aurait une petite entreprise d'ébénisterie. Il s'agit de financer son fonds de roulement afin qu'il soit en mesure d'acquérir ses biens pour ensuite les transformer et de l'aider à financer sa commercialisation. Généralement, environ trois ou quatre emplois seront créés par la suite. Au départ, il s'agit souvent d'un seul travailleur qui, avec un prêt, réussit à augmenter sa production.
On finance aussi beaucoup l'habitat relativement aux petits entrepreneurs. C'est un autre secteur où il est possible d'observer des effets. Il s'agit souvent de financer l'atelier qui est joint à la maison ou à la case de la personne. Donc, on finance la construction d'une partie supplémentaire de la maison, d'une chambre, par exemple, pour créer l'atelier. Là encore, dans cet atelier, petit à petit, des emplois se créent. Environ quatre à cinq emplois sont habituellement générés par un premier prêt.
Il faut dire que la procédure dans le cas d'un premier prêt est extrêmement rigoureuse. Il est difficile d'obtenir le premier prêt, mais, par la suite, lorsque l'historique d'emprunt de l'entrepreneur est établi, il peut avoir un deuxième et un troisième prêts. On est capable de l'accompagner jusqu'à ce qu'il devienne, s'il poursuit ses activités dans son domaine, un entrepreneur plus stable.
Je pense que tout le monde souhaiterait que l'aide internationale soit plus importante compte tenu du contexte mondial dans lequel on se situe et des besoins dont on entend parler tous les jours. Tout le monde souhaite que l'aide internationale s'accentue, qu'elle se diversifie et que le nombre de pays aidés soit multiplié. C'est un grand souhait.
La population canadienne doit soutenir les gouvernements pour que ça demeure une priorité et qu'il y ait une portion de notre PIB ou des budgets conséquents.
Par contre, nous, individuellement et comme société, devons mériter ces projets. Ce n'est jamais automatique. On ne peut jamais prévoir 10 ans à l'avance que nous aurons un portefeuille qui nous permettra de créer 25 projets. Chaque projet se mérite et il y en aura toujours à accomplir. Il faut apporter une plus-value aux projets et ainsi favoriser un développement pertinent pour les pays dans lesquels on intervient.
Chaque fois que l'on regarde nos budgets et que l'on constate ce qui se passe, on essaie de créer davantage de meilleurs projets qui ont plus d'incidences, qui sont capables de rejoindre le plus de personnes possible et qui sont, surtout, voulus et souhaités par les communautés dans lesquelles on intervient.
:
Au Burkina Faso, on a fait une étude d'impact, qui s'est échelonnée sur plusieurs années, pour mesurer entre autres l'impact du crédit, particulièrement pour les femmes.
Cette étude a été menée de concert avec un réseau de caisses populaires — l'équivalent des institutions financières canadiennes Credit Unions —, pour mesurer les impacts sur une période de deux ou trois ans.
Je n'ai pas tous les résultats en main. Par contre, je peux dire qu'on a rapidement remarqué que, lorsqu'on fait crédit aux femmes, ce crédit amène immédiatement une augmentation de la productivité ou des revenus de leurs activités commerciales. Par la suite, les femmes utilisent leurs revenus pour investir davantage dans la famille — sur les plans de la santé et de l'éducation. Il y a donc un impact immédiat sur la qualité de vie des enfants et de la famille: meilleure nutrition, paiements des frais de scolarité, accès aux soins primaires de santé. Il y a immédiatement une corrélation qui peut être faite. Il s'agit de petits prêts à court terme d'environ 100 $, qui sont effectués deux ou trois fois par année. Lorsqu'on augmente ces prêts à environ 500 $ ou 800 $, l'impact est beaucoup plus durable dans la communauté. Il y a un véritable impact sur la dimension de l'entreprise de la dame en question. Ça se multiplie. Elle peut elle-même générer, dans son propre milieu, un emploi supplémentaire ou réussir à dégager un surplus de revenus qui lui permet de réinvestir et de faire grandir son petit commerce ou sa culture. L'impact est énorme.
Je parle du Burkina Faso, parce que c'est l'expérience que je connais le mieux. Si on reproduit cela à l'échelle du Burkina Faso, par exemple... Le Burkina Faso était, il y a 40 ans, le premier partenaire de DID. Aujourd'hui, l'institution financière rejoint un million de personnes dans ce pays. Il y a encore de la place, puisque le taux de pénétration se situe autour de 8 p. 100. On devrait arriver à 25 p. 100. Il y a encore beaucoup de personnes non « bancarisées », qui n'ont pas de compte bancaire ou qui n'ont pas accès à un compte bancaire.
Cette institution mobilise plus de 300 000 $ d'épargne à elle seule et recycle en crédits... Maintenant, il y a une diversité de produits de crédit — c'est là qu'on peut mesurer l'impact — qui vont des crédits, les petits groupements pour les femmes, soit l'équivalent de 50 $, qui tournent très rapidement, à un centre financier pour entreprises qui offre des prêts pouvant aller jusqu'à 10 000 $ ou 15 000 $.
C'est toujours le membre du réseau, qui était accompagné et qui était pauvre au départ, qui a amélioré sa situation. Son institution financière a réussi à l'accompagner et lui a fait des prêts de plus en plus importants, de sorte qu'il a pu développer des spécialités qui font qu'il est maintenant capable de financer son entreprise.
Du côté agricole — ces institutions financières interviennent également en milieu rural —, ce réseau rejoint 10 000 producteurs agricoles, ce qui est non négligeable dans ce pays. Il est maintenant consulté par les autorités du pays et les ministères de l'Agriculture. Car, selon ses politiques, son réseau de distribution permet de rejoindre des masses critiques de producteurs, soit sous la forme de produits de crédit spécialisés soit sous d'autres formes d'intervention étatique dont ils ont besoin pour parler avec les producteurs agricoles. Donc, il y a énormément d'impacts, mais tout ça se construit avec le temps. Il y a une maturité...
Il faut toujours garder en tête qu'il faut avoir des appuis institutionnels, parce que le renforcement des capacités change avec le temps. Il y a 40 ans, on démarrait la caisse dans un petit village en brousse. Aujourd'hui, on amène des technologies de pointe pour qu'ils soient capables de travailler avec le téléphone cellulaire pour faire des prêts à distance. On n'est plus dans les mêmes sphères d'intervention, mais un appui conseil est encore nécessaire pour accélérer ces développements.
J'ai été intrigué par les exposés que vous avez présentés ce matin.
J'ai une petite histoire à vous raconter. Dans mon adolescence, j'avais acheté quelques veaux à une vente aux enchères. L'un d'eux avait un grand goitre. En rentrant chez moi, j'ai pensé: « Je n'ai pas beaucoup d'argent à dépenser, mais je devrais quand même parler à un vétérinaire. » Je me suis effectivement adressé à un vétérinaire, qui m'a dit que je n'avais pas les moyens de payer ses services, mais qu'il me suffisait de donner un peu d'iode à ce veau pour le débarrasser de son goitre. Une fois rentré à la maison, j'ai pris le flacon d'iode de ma mère, et j'en ai prélevé quelques gouttes que j'ai ajoutées au lait destiné au veau. En une semaine, le goitre avait disparu.
Par conséquent, oui, on n'a pas besoin de choses très compliquées. Les micronutriments qu'on trouve à l'état naturel, comme vous l'avez expliqué aujourd'hui, donnent de bons résultats. La plupart de nos aliments — du moins, les aliments transformés — sont enrichis. Ils sont additionnés de vitamines et de minéraux. Je peux donc comprendre les effets que des initiatives portant sur des micronutriments peuvent avoir dans ces pays.
Ma question concerne l'infrastructure nécessaire pour mettre en oeuvre ces programmes. Y a-t-il déjà une infrastructure, ou bien est-ce très difficile dans ces régions, en Afrique par exemple, de mettre en place l'infrastructure nécessaire pour toucher la population cible? L'infrastructure est-elle là? Est-il difficile d'amener les collectivités locales à participer à vos programmes? Faut-il encourager une plus grande participation des collectivités? De plus, à votre départ, sont-elles en mesure de maintenir ces programmes? Quel est le taux de succès à cet égard?
Je sais que cela fait beaucoup de questions. J'espère que vous voudrez y répondre.
:
Vous savez, il est absolument essentiel d'obtenir la participation des collectivités locales.
Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter, Doug, mais dans le cas du zinc, lorsque des enfants ont la diarrhée, les mères ne pensent pas toujours à les emmener à l'hôpital, à la clinique ou au poste sanitaire. Bien sûr, en Afrique, beaucoup des infrastructures de la santé sont endommagées. Nous nous efforçons de reconstruire.
Nous essayons de travailler par l'intermédiaire des gouvernements nationaux en les aidant directement, mais aussi en comptant sur des ONG internationales qui sont présentes dans le dernier mille. Je parle du dernier mille parce que 80 p. 100 des gens vraiment pauvres vivent très loin des centres urbains en Afrique. Il faut vraiment leur offrir des services de santé tout près de chez eux. C'est la réalité. Nous le faisons de différentes façons.
Pour revenir au zinc, à la réhydratation orale et aux maladies diarrhéiques, il faut absolument obtenir la participation des collectivités par l'éducation, puis par la mobilisation sociale, en usant de toutes sortes de méthodes pour leur faire comprendre que le zinc et la réhydratation orale constituent une solution qui aidera leurs enfants à se sentir moins malades… J'étais récemment au Sénégal, dans un poste sanitaire rural. Nous avons été présentés à toutes les grands-mères qui étaient venues dans le cadre de la participation de la collectivité au programme. Les grands-mères — partout dans le monde, mais surtout en Afrique — ont une voix très forte. Nous les renseignons sur les éléments nutritifs et sur l'addition de micronutriments afin de rendre le régime alimentaire local plus nutritif. Une fois qu'elles ont compris, elles transmettent leur savoir à leurs filles et à leurs enfants. C'est un exemple de la façon de faire participer les collectivités et de l'utilisation de techniques éducatives et autres pour communiquer un message et atteindre les intéressés.
:
J'ai acquis une certaine expérience au Népal. C'est en fait une question de distribution. Lorsque nous avons commencé à mettre en oeuvre ce programme, le chef de la direction et moi-même avions l'impression qu'il s'agissait simplement de compter les pilules et le nombre d'enfants sauvés. Quand on arrive sur le terrain, on se rend compte que c'est beaucoup plus que cela.
Le problème au Népal est que la disponibilité des tablettes de zinc est d'environ 95 p. 100, mais que l'utilisation n'atteint que 7 p. 100. La différence réside essentiellement dans les connaissances que possèdent les mères et les travailleurs du secteur de la santé. Il faut faire des efforts pour donner de la formation, pour éduquer et pour faire venir les gens. Il y a toutes sortes de moyens fascinants de le faire, mais cet aspect de la chaîne de distribution est le plus difficile.
Nous tenons pour acquise la qualité des aliments. Quand on y pense sérieusement, on se rend compte qu'on n'offre aux mères que deux choix. Le premier, qu'elles connaissent depuis longtemps, comprend l'approche antibactérienne et les antibiotiques. Ce qu'elles ne savent pas, c'est que la diarrhée est essentiellement virale et que les antibiotiques ne sont pas efficaces. Toutefois, on leur a appris dans le passé à compter sur les antibiotiques. Maintenant qu'on leur offre quelque chose de nouveau, elles ne sont pas sûres de son efficacité. Et comme c'est la vie de leur enfant qui est en jeu, on peut comprendre qu'elles aient besoin d'apprendre et d'observer. Cela prendra du temps, mais c'est ainsi que les choses se font.
Cela nous ramène dans une certaine mesure à une question qui a été posée tout à l'heure au sujet de l'argent et de sa valeur. Pour moi, d'après ce que j'ai vu là-bas, c'est le fait de dépenser l'argent à bon escient qui compte le plus. Pour cela, il faut un plan, de la surveillance, la responsabilisation et ensuite une description.
Grâce à notre collaboration avec l'IM et l'ACDI, nous espérons établir un modèle qui permettra d'obtenir certaines sommes dans le secteur privé. Les contribuables ne pourront pas assumer toute la charge à l'avenir. Nous devons vraiment trouver des moyens de susciter de l'intérêt dans le secteur privé. Notre société n'est qu'un seul exemple. Il y en a beaucoup d'autres, comme Desjardins et d'autres entreprises partenaires.
Nous devons coordonner les efforts parce qu'une multitude d'organisations différentes sont présentes et ont chacune des intérêts particuliers. Dans une certaine mesure, elles sont en concurrence les unes avec les autres pour obtenir les mêmes fonds. Elles avancent des idées différentes pour résoudre le même problème. Par conséquent, la coordination est importante, de même que la mobilisation de fonds provenant de nombreuses sources et une utilisation judicieuse de ces fonds.
On en revient à se poser des questions comme « Quel est le vrai problème? » et à essayer de comprendre. S’agit-il de l'approvisionnement en vitamine A, en zinc ou autre chose? Est-ce le système de distribution? Dispose-t-on de connaissances suffisantes? Il y a maintenant de plus en plus de gens qui connaissent la réponse à ces questions, du moins dans le contexte d'un pays particulier. La situation peut cependant être différente d'un pays à l'autre. Ces gens commencent donc à échanger les connaissances qu'ils ont acquises. Tout cela contribue à améliorer la situation.
:
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup à nos invités. Ce que vous faites a beaucoup de valeur. En tant que député du Québec, je suis content de voir les représentants du Mouvement Desjardins. Je suis touché par votre implication dans le développement international.
Je trouve toujours fascinant d'entendre des invités nous expliquer avec de grands chiffres, de grands nombres, les problèmes qui existent et les solutions qui sont apportées en ce qui concerne les questions internationales. Cela nous amène toujours à une grande réflexion.
Par contre, j'aimerais qu'on revienne à la question initiale inscrite à l'ordre de jour concernant l'Afrique. Vous serait-il possible de nous donner un exemple, beaucoup plus modeste, d'une petite communauté où vous intervenez par l'entremise d'un projet, spécifiquement en Afrique? Pouvez-vous vulgariser pour nous, expliquer très simplement l'impact que vous produisez dans cette communauté spécifique?
Aussi, quel serait l'effet produit si des délais étaient imposés? Je souhaite avoir une véritable image de ces gens, dans cette petite communauté en Afrique, qui vivent les problèmes, et des solutions spécifiques que vous avez appliquées. Qu'est-ce qui arriverait s'il y avait des délais qui n'étaient pas raisonnables?
:
Je vais essayer de répondre à vos questions le mieux possible.
Je ne sais pas si vous l'avez remarqué dans le texte, mais tout à l'heure, je parlais d'appuyer des grands ensembles, des ensembles déjà déployés qui ont d'immenses réseaux de distribution mis en place au cours des dernières années.
À ce stade-ci, nous faisons face à cet enjeu. Le travail d'intervention directe dans la communauté de base se fait par les Africains eux-mêmes. Ce sont vraiment eux, nos partenaires, qui font de plus en plus ce travail à partir de leurs propres ressources.
Nous avons de moins en moins d'interventions où l'on part de zéro, où l'on entre dans une communauté pour y créer la première caisse. Nous espérons que ces immenses projets reviendront, mais pour le moment, nous travaillons davantage à augmenter les taux de pénétration des institutions financières existantes, à renforcer leur gouvernance et à amener des technologies pour qu'elles soient capables d'aller plus loin dans les communautés.
Voici un exemple de répercussions plus restreintes. On est à Ségou, dans un petit village dans le Nord du Mali où il y a une seule institution financière. Seule la caisse locale est ouverte, et elle doit être ouverte trois ou quatre jours par semaine. Elle mobilise l'épargne des gens de là-bas. Elle accorde du crédit, principalement à des agriculteurs. La caisse réinvestit dans son milieu par ses surplus ou avec son réseau — car toutes les caisses sont en réseau fédéré maintenant. Elle peut donc avoir des activités communautaires de développement, comme soutenir un dispensaire ou une école, avec ses moyens. Donc, elle contribue avec d'autres ressources. Ainsi, un lien de confiance s'établit entre la communauté et l'institution financière de base.
Je viens de penser à une image plus claire que je vais vous donner. En Haïti, pendant les problèmes de gouvernance, aucune caisse du réseau de la fédération Le Levier n'a été attaquée. Je parle de la période d'avant le séisme. Pendant le séisme, quatre caisses ont été détruites. Les gens se sont solidarisés pour les remettre en marche, et elles continuent de fonctionner. Je pense qu'il y a un ancrage très profond du type d'institutions dans la communauté. Elles servent les besoins de la communauté et elles fonctionnent.
Par ailleurs, vous me demandez quels problèmes un délai d'alimentation en fonds peut occasionner, or ça ne se passe pas tout à fait ainsi pour nous maintenant. Si, par exemple, on cessait le programme d'appui à la fédération Le Levier en Haïti, effectivement, il y aurait un retrait de l'appui technique et un ralentissement des programmes.
Je peux vous dire que nous n'avons pas connu ça. Même face à tous les problèmes vécus, il y a vraiment eu, pour nous, une bonne diligence à l'ACDI pour réajuster les programmes. Il n'y a pas eu de discontinuité entre des événements sur lesquels des fonds non acheminés auraient eu des répercussions. Nous ne l'avons pas vécu comme ça. Peut-être que d'autres l'ont vécu de différentes façons, mais cela n'a pas été notre cas.
Naturellement, c'est sûr que si un engagement a été pris, qu'une rupture de ces fonds a lieu pour différentes raisons administratives et qu'ils ne se rendent pas à destination, il y aura des répercussions, puisqu'une série d'activités sont engagées. Toutefois, dans notre cas, nous n'avons pas vécu ce genre de problème récemment. Historiquement, nous avons déjà fait face à ça, mais pas depuis une dizaine d'années.
:
C'est une autre bonne question.
Le programme visant à mettre en oeuvre un système de financement et d'assurance agricole en Haïti a commencé il y a quelques mois seulement. C'était pour répondre à une requête du ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural d'Haïti. On y a répondu de concert avec l'Institut interaméricain de coopération pour l'agriculture. La Financière agricole du Québec se spécialise dans le domaine de l'assurance-récolte. Nous essayons de faire en sorte, en collaboration avec les autorités gouvernementales, qu'il y ait là-bas une réponse nationale à une problématique nationale de sécurité alimentaire. On tente d'établir une synergie avec des intervenants qui travaillent dans les domaines de l'approvisionnement en intrants agricoles et des méthodologies visant à augmenter la productivité, ainsi qu'avec d'autres qui s'occupent de l'établissement de circuits commerciaux destinés aux produits locaux.
On arrive à intéresser le secteur financier dans sa totalité — il ne s'agit donc pas uniquement des institutions de microfinance ou des coopératives financières, mais également des banques commerciales — au financement du secteur agricole. On dote les banques d'un dispositif de formation destiné à leurs agents de crédit. Ça porte sur les méthodes qu'ils doivent suivre pour analyser un portefeuille de prêts, de façon à minimiser les risques.
Par la suite, un fonds de garantie est constitué. Il s'agit d'une garantie de portefeuille de prêts, en l'occurrence d'une proportion d'environ 30 p. 100 ou 40 p. 100, qui constitue un incitatif complémentaire quant aux risques. Haïti est exposé à de violents cyclones et à d'importantes inondations, notamment. Les catastrophes naturelles s'y produisent pratiquement à répétition. Il faut donc trouver des mécanismes pour amortir les risques.
Par la suite, un fonds pour l'assurance-récolte destiné aux cas de catastrophe naturelle devrait être mis en oeuvre et devenir pérenne. Il s'agira de fournir une assurance-récolte de base aux agriculteurs. Vu qu'on n'en est qu'aux débuts, il m'est difficile de parler des impacts. Je pense par contre que ce système devrait avoir un effet de levier, entraîner la participation d'autres investisseurs et accroître les fonds qui, pour le moment, sont générés par l'Agence canadienne de développement international, mais intéressent la Banque mondiale, ce qui va intéresser la Banque interaméricaine de développement.
Il y a donc là un effet d'entraînement. On espère créer beaucoup plus de synergie dans le secteur agricole et beaucoup plus de professionnalisation en matière de financement agricole. On souhaite également arriver à innover dans le domaine de l'assurance-récolte dans un pays à haut risque. Nos activités ont commencé il y a quatre mois seulement. Nous n'en sommes qu'au stade de la planification opérationnelle. Ça a bien débuté et c'est bien accueilli.
Quel était l'autre volet de votre question?
:
Merci, monsieur le président.
D'après un récent article de l'Economist, le secteur de l'aide internationale connaîtra des temps difficiles. L'article mentionne la crise financière de l'Union européenne, la crise américaine et les compressions budgétaires aux États-Unis. C'est un peu la même chose à l'ACDI. Le financement devient sporadique.
Par conséquent, sur le plan de l'offre, il devient de plus en plus difficile d'obtenir du financement, tandis que sur le plan de la demande, le besoin est énorme. Certains des pays qui viennent de se débarrasser de leurs dictateurs auront besoin de notre aide pour bâtir des structures de gouvernance adéquates. Il y a aussi les changements climatiques et la croissance démographique. Bref, la demande augmente et l'offre diminue.
Doug, vous appartenez bien sûr au monde des affaires. Cette situation peut susciter des problèmes. Vous avez dit tout à l'heure que nous devons mobiliser le secteur privé. Le Globe and Mail a publié aujourd'hui un article d'après lequel, dans le seul cas du Canada, l'âge moyen des gens qui font des dons à diverses organisations est passé de 45 à 55 ans. On craint donc qu'avec le vieillissement, le nombre des donateurs ne diminue constamment. En même temps, il semble manquer de gens plus jeunes, dans le groupe des 30 ou 35 à 45 ans.
Cela étant dit, j'ai une question à vous poser, Doug. Comment pouvons-nous mobiliser le secteur privé? Comment pouvons-nous persuader cette génération d'offrir davantage de financement? Nous avons connu quelques succès. Dans le cas de la Somalie et d'Haïti, les gens se sont montrés très généreux. Je suis cependant inquiet de l'avenir. Quand on voit ces nombres, on se demande comment il sera possible de convaincre ce groupe d'âge non seulement des avantages d'un reçu aux fins d'impôt, mais aussi de ce que ce financement peut réaliser. Comment pouvons-nous, comme vous l'avez dit, mobiliser le secteur privé? Comment pouvons-nous aussi mobiliser ce groupe d'âge?
:
Je vais répondre comme mon collègue l'a fait. C'est une bonne question, mais il n'y a pas de bonne réponse.
Je crois que je vais vous renvoyer la balle. À certains égards, les politiciens vont devoir intervenir auprès des dirigeants. C'est intéressant. J'avais remarqué cet article, qui avait d'ailleurs été précédé par d'autres concernant le vieillissement des donateurs. Autrement dit, les jeunes ne remplacent pas ceux qui cessent de donner.
Je travaille beaucoup avec la Fondation de l'hôpital St. Paul's et d'autres établissements de Vancouver. Nous avons remarqué la même chose.
Les jeunes ont-ils des difficultés financières, ou bien y a-t-il eu un changement dans les valeurs éthiques? Qu'est-ce qui explique que les gens d'il y a une ou deux générations se montraient plus généreux que certains des jeunes d'aujourd'hui? Comment pouvons-nous établir et susciter ces valeurs? Ce sont de grandes questions politiques. Toute opinion exprimée à ce sujet ne représente qu'une seule parmi de nombreuses autres.
Pour ce qui est de mobiliser le secteur privé, je parlais en fait des sociétés qui, comme la nôtre, veulent faire preuve de responsabilité sociale sur la scène mondiale. Nous souhaitons prendre des initiatives, à titre de citoyens du monde, dans le cadre de nos opérations commerciales, que ce soit dans une petite ville du nord du Chili, où nous offrons une aide scolaire ou des soins de santé, ou dans le cadre d'une initiative mondiale qui n'a en fait rien à voir avec notre entreprise. Nous avons des activités au Pérou où l'UNICEF réalise un de ses programmes, mais nous n'avons pas aidé le Pérou à cause de cela. Nous l'avons fait parce que le Pérou était prêt et avait mis en place le système de santé nécessaire. C'est la même chose au Sénégal. Ce n'est pas un pays qui nous intéresse sur le plan des affaires, mais nous nous y intéressons à titre de citoyens du monde.
Je sais que beaucoup de sociétés comme la nôtre — par exemple Rio Tinto et BHP — font la même chose. C'est bon, mais ce n'est pas assez. Il est essentiel de toucher les citoyens du monde, particulièrement dans le monde occidental, l'Europe de l'Ouest, les États-Unis, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, pour faire comprendre aux jeunes que l'aide au développement est d'une importance critique, que beaucoup de gens ont un niveau de vie très inférieur au leur et qu'ils peuvent contribuer à l'amélioration de la situation dans le monde. Je ne connais pas vraiment la réponse, Mark. C'est peut-être…
:
Merci, monsieur le président.
Avant de poser ma question, j'aimerais faire un bref commentaire. Je vais parler davantage du continent africain, que je connais plus particulièrement. En termes de développement, je crois que l'on est passé de l'ère du développement tout court à l'ère du développement durable. Cette dimension, à mon avis, est très importante. En effet, elle va demander des implications beaucoup plus fines, beaucoup plus stratégiques. À la dernière séance, l'un des témoins — dont j'ai oublié le nom — nous avait parlé d'investissements intelligents. Je crois qu'on est fondamentalement entré dans ce principe d'investissement intelligent.
Ma question s'adresse à M. Bernier. En ce qui concerne l'offre de diversification des services financiers, je connais un peu tout ce qui concerne le modèle financier coopératif. Je sais, d'après ce que vous nous avez dit, que cela a des effets très positifs, particulièrement en Afrique, puisque tous les investissements sont réinvestis à l'intérieur de la collectivité. Cette même collectivité en bénéficie. Je trouve ce principe absolument positif.
Par contre, en matière de diversification de l'accès à différents services financiers, quelles balises mettez-vous en oeuvre pour protéger les gens en matière de surendettement, pour éviter que les gens ne s'endettent ou ne se surendettent?
:
Je crois savoir qu'il y a deux volets à la question.
Relativement au premier volet, il s'agit d'accorder un appui technique et technologique aux institutions financières pour qu'elles puissent offrir des services financiers appropriés à des problématiques plus risquées ou plus complexes.
Prenons l'exemple du financement agricole. Nos organisations partenaires faisaient beaucoup de financement en milieu rural, mais très peu de prêts directement liés à l'agriculture, compte tenu des risques inhérents à ces productions. Il s'agit de proposer des méthodologies, une façon de mitiger les risques à l'échelle nationale de leur réseau, des portefeuilles plus diversifiés, donc une série de mécanismes. Il arrive que l'on soit chanceux et que l'on travaille parfois de concert avec les autorités politiques afin d'offrir des garanties ou des fonds supplémentaires.
L'objectif de cela est de renforcer les capacités et de développer une expertise relativement au financement agricole. Souvent, la formation en crédit est offerte à des agronomes qui connaissent les filiales, les risques du secteur et les coûts. C'est la même chose relativement à l'habitation et à la micro-assurance. Il s'agit d'inclure l'expertise au sein des institutions, pour maîtriser ces nouveaux créneaux. C'est là où se situe notre apport.
En ce qui a trait à l'autre partie de la question, il y a beaucoup de sensibilisation et de transparence quant aux taux d'intérêt. Il faut s'assurer que nos taux d'intérêt sont connus. Il s'agit aussi, lorsqu'on fait l'analyse du crédit, de prendre en considération l'information liée à l'endettement. Si les capacités de remboursement ne sont pas évidentes, il faut refuser des prêts. Il y a beaucoup d'éducation financière qui est faite à l'intérieur des réseaux. Je dis « beaucoup », mais pour être franc, ce n'est pas partout égal. Il y a un manque d'investissement à ce niveau. C'est un objectif à atteindre pour éviter de démultiplier...
Je conclurai en disant que c'est le problème de la microfinance dans plusieurs pays parce qu'il n'y a pas d'information. Ici, il y a un bureau de crédit qui détient de l'information quant à l'historique d'emprunt d'un emprunteur, à savoir si cet emprunteur a fait affaire avec plusieurs institutions financières. Dans ces pays-là, on n'a pas accès à ces renseignements. On ne sait pas si la personne a emprunté une somme d'argent à une autre institution financière. Il faut faire plus de recherches et documenter nos prêts. C'est la raison pour laquelle cette démarche est longue et coûteuse. Toutefois, elle est essentielle et obligatoire, même.