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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 février 2012

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je vous souhaite tous la bienvenue à la 19e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous examinons la situation en Syrie.
    Nous accueillons Barbara Martin et Robert Dubeau, directeurs généraux, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Merci à vous deux de votre présence aujourd'hui.
    Je crois comprendre que vous allez présenter un exposé, Barbara.
    Nous verrons jusqu'où nous pourrons aller. Il semble que la sonnerie va peut-être retentir, mais j'ai bon espoir que nous pourrons entendre la majorité de votre témoignage aujourd'hui.
    Merci encore à vous deux de prendre le temps aujourd'hui de nous expliquer de votre mieux la situation sur le terrain en Syrie. Nous avons hâte de vous entendre. Je vais maintenant vous céder la parole. Après votre exposé, les députés autour de la table poseront des questions. Nous verrons comment la séance se déroule.
    Madame Martin, merci beaucoup d'être parmi nous. La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.
    C'est avec grand plaisir que nous témoignons et vous présentons un aperçu de la situation en Syrie.
    Les conditions de sécurité dans ce pays se sont détériorées au cours des derniers mois. Nous surveillons la situation d'heure en heure. Nous continuons à travailler en collaboration avec des partenaires régionaux et internationaux en vue d'un règlement pacifique de la crise.
    Si la révolution tunisienne a été déclenchée par l'auto-immolation d'un vendeur de fruits de Sidi Bouzid, vous pourriez dire que le soulèvement syrien a éclaté en raison d'un pot de peinture dans la ville frontalière de Daraa. Une quinzaine d'enfants y ont été arrêtés et cruellement torturés pour avoir peint des graffitis anti-régime le 6 mars de l'an dernier. Une course à la violence en a résulté. Les familles des garçons ont défilé jusqu'à la maison du gouverneur pour réclamer leur libération; elles ont subi des tirs réels.
    Des protestations ont suivi. Le régime Assad a tenté de les réprimer par la force, mais les manifestations se sont multipliées et propagées à d'autres villes. Les appels à la réforme qui avaient été ignorés ont refait surface alors que se poursuivaient les revendications pour la liberté, la démocratie et, tôt ou tard, la fin du régime Assad. Assad a tenté de calmer l'opposition grandissante avec une série de concessions progressives et tardives. Toutefois, la mise en oeuvre des mesures a été limitée, et les forces de sécurité de la Syrie ont maintenu la répression, qui mine les promesses de réformes.
    Le mois dernier, l'ONU a estimé qu'il y avait plus de 5 400 morts. Bien que la majorité de l'opposition reste pacifique, la répression inlassable et brutale du régime est en train de provoquer une insurrection armée.
    Je tiens à souligner qu'à notre avis, il ne s'agit pas encore d'une guerre civile. En effet, les attaques font surtout penser à une guérilla, marquée par la fuite immédiate. Elles sont parfois réalisées par des civils qui ont recours aux armes en réponse à la brutalité du régime, plutôt que par un corps de transfuges qui ont quitté l'armée pour se joindre à l'Armée syrienne libre.
    À certaines occasions, l'opposition armée s'est montrée capable de garder le contrôle de certaines villes, mais seulement pour un temps. Les défections sont en hausse, même s'il s'agit surtout de militaires de rangs inférieurs, tout comme les attaques sur des cibles contrôlées par le régime. Les armes continuent d'affluer en Syrie. Les violences se propagent dans plusieurs villes et même à Damas, la capitale syrienne pourtant calme en temps normal.
    La guerre civile entre communautés religieuses n'est pas inévitable, mais il s'agit d'un risque véritable si la violence continue de s'intensifier. Compte tenu de l'équilibre fragile entre ces communautés, de la position géopolitique de la Syrie, de l'appui du régime aux organisations terroristes, dont le Hamas et le Hezbollah, et de ses stocks d'armes chimiques présumés, la guerre civile aurait d'importantes conséquences pour la stabilité de la Syrie et de la région.
    Certains analystes donnent à penser que la Syrie pourrait tenter d'alléger les tensions régionales et nationales en utilisant son influence avec le Hezbollah pour provoquer une confrontation avec Israël. Toutefois, le Hezbollah et Israël ont affirmé à maintes reprises qu'ils n'avaient aucune intention d'amorcer une confrontation. L'instabilité en Syrie pourrait avoir d'importantes conséquences pour les pays voisins, comme le Liban, où les clivages confessionnels seraient plus importants qu'en Syrie.
    La gravité de la crise est ressentie vivement par les voisins de la Syrie qui, avec les Syriens eux-mêmes, demeurent au coeur de toute solution. La Turquie a d'abord tenté d'exercer son influence diplomatique à titre d'allié et de partenaire économique de la Syrie et d'encourager la réforme. Toutefois, la Turquie est devenue frustrée par l'intransigeance du régime. Elle a imposé des sanctions contre la Syrie le 30 novembre.
    La Ligue arabe mène présentement les efforts visant à résoudre la crise. Le ministre Baird a applaudi son engagement et considère l'organisation comme un acteur clé dans toute solution.
    La Ligue arabe s'est engagée dans une nouvelle voie à titre d'observateur et de médiateur pour la paix. Dans ses efforts pour la transition démocratique en Syrie, elle a invité le régime à entreprendre des pourparlers avec l'opposition pour former un gouvernement d'union nationale dirigé par le vice-président. Le plan de la Ligue arabe prévoit des élections libres et équitables et un référendum sur une nouvelle constitution.
    La position ferme de la Ligue arabe souligne l'isolement sans précédent de la Syrie, que le président égyptien Nasser a déjà qualifié de « coeur battant de l'arabisme ». Elle a également augmenté la dépendance de la Syrie à l'Iran, qui fournit présentement au régime des armes et du personnel de sécurité, ainsi que du pétrole et un appui économique. La Syrie devient également de plus en plus dépendante de la Russie, qui demeure un important fournisseur d'armes au régime Assad et qui a entravé la semaine dernière les efforts déployés au Conseil de sécurité pour lutter efficacement contre la crise.
    Comme le ministre Baird l'a mentionné, le Canada est profondément déçu par la paralysie du Conseil de sécurité. Il a affirmé que « l'histoire jugera ceux dont l'obstruction sert uniquement à prolonger cette violence insensée. »
    Toutefois, il est important de souligner qu'aucun des membres de la communauté internationale ne réclame une intervention militaire internationale en ce moment.
(1540)

[Français]

    À travers la crise, le Canada est demeuré ferme: Assad doit partir. À cette fin, nous travaillons en collaboration avec des partenaires partageant les mêmes idées pour isoler davantage son régime et augmenter la pression qui pèse sur lui pour qu'il démissionne et pave la voie à une transition démocratique.
    Le Canada a imposé le 25 janvier son cinquième cycle de sanctions contre la Syrie en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Les mesures imposées par le Canada à ce jour comprennent: l'interdiction de toute opération ou transaction avec les membres supérieurs et les partisans du régime d'Assad; les sanctions contre le secteur pétrolier syrien; l'interdiction des importations en provenance de la Syrie; l'interdiction de nouveaux investissements en Syrie et l'interdiction d'exporter vers la Syrie des logiciels et des équipements pour la surveillance des moyens de télécommunications.
    Par leur nature, ces sanctions sont ciblées et ne visent pas le peuple syrien. Nos sanctions et celles de nos partenaires internationaux ont déjà commencé à se faire sentir. Après des années de mauvaise gestion économique et, plus récemment, environ une année d'agitation populaire, ces sanctions sont sur le point de mener la Syrie à une crise économique imminente qui pourrait miner l'appui que fournissent au régime les gens d'affaires influents de la Syrie.
    En plus de nos sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, le Canada a interdit l'exportation vers la Syrie de tous les biens et les technologies soumis au contrôle des exportations. Cela comprend les armes et les munitions ainsi que les articles militaires, nucléaires et stratégiques qui peuvent être utilisés par l'armée syrienne, la police ou les autres institutions publiques. Tous les accords et les initiatives de coopération bilatéraux ont été suspendus.
    Le gouvernement canadien a également engagé un dialogue politique avec l'opposition syrienne. Le ministre Baird a personnellement rencontré à de multiples occasions des représentants du Conseil national syrien, une coalition de groupes d'opposition, ainsi qu'une délégation de haut niveau en décembre dernier.
    Étant donné que, pour le moment, nous ne sommes pas en mesure de rencontrer les membres de l'opposition à l'intérieur de la Syrie sans compromettre leur sécurité, les autorités canadiennes maintiennent des contacts avec les membres de l'opposition en exil. Nous avons encouragé l'opposition syrienne à s'abstenir de toute violence, à surmonter les différences internes et à élaborer un plan concret pour une Syrie post-Assad qui respecte les droits de tous ses citoyens, y compris les minorités, et qui vit en paix avec les pays avoisinants.

[Traduction]

    Le gouvernement a également pris des mesures sans précédent pour encourager les Canadiens en Syrie à quitter le pays pendant que les moyens commerciaux sont toujours disponibles. Nous maintenons ce conseil. Du 15 décembre au 14 janvier, le Canada a entrepris une évacuation volontaire, en accélérant le traitement des documents de voyage pour les citoyens canadiens et des visas pour les conjoints et les enfants à charge non citoyens. Plus de 470 demandes de services accélérés ont été reçues. Au cours de cette période, les fonctionnaires canadiens ont également fait plus de 3 400 appels téléphoniques aux Canadiens qui se trouvaient en Syrie et à leurs familles au Canada et ils ont répondu à plus de 1 580 appels provenant de Canadiens.
    Même si les citoyens canadiens ne sont pas obligés d'informer le gouvernement de leurs déplacements, plus de 300 Canadiens qui étaient en contact avec le MAECI ont fait savoir qu'ils avaient quitté la Syrie. Un total de 1 550 Canadiens sont enregistrés auprès du Service d'inscription des Canadiens à l'étranger, mais nous croyons qu'il y a en réalité un peu moins de 5 000 Canadiens en Syrie. Nous continuons d'exhorter tous les Canadiens en Syrie à quitter le pays immédiatement, tant que les moyens commerciaux demeurent disponibles.
    La sécurité du personnel de l'ambassade canadienne en Syrie continue d'être notre priorité. L'ambassade a réduit son personnel depuis la fin de l'évacuation volontaire et elle ne conserve à présent qu'un effectif de base. La section des visas et de l'immigration, qui constituait précédemment le centre régional de la citoyenneté et de l'immigration, est fermée. Les services ont été transférés aux bureaux des visas dans les pays avoisinants.
    Les ambassades partageant les mêmes idées que nous réduisent également leur personnel, en réaction à la détérioration des conditions de sécurité. Certains pays ont rappelé leurs chefs de mission, mais leurs ambassades demeurent ouvertes.
    Même avec un personnel réduit, l'ambassade du Canada continue de jouer un rôle important pour surveiller les conditions locales concernant la politique, l'économie et la sécurité. À la lumière de l'échec de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, certains ont suggéré que le Canada rappelle son ambassadeur de Damas. Nous ne croyons pas en ce moment qu'un rappel peut ajouter aux fortes déclarations qu'ont fait le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Nous continuons de surveiller l'évolution de la situation pour nous assurer de la sécurité de notre personnel.
    Permettez-moi de ne pas minimiser la situation en Syrie, qui est sombre. Nous en sommes profondément préoccupés. La répression de l'opposition par le régime Assad est implacable et impitoyable. L'opposition répond de plus en plus par la force des armes. À notre avis, le plan de transition de la Ligue arabe est le meilleur espoir de parvenir à une solution pacifique à la crise. Il mérite notre appui. Ce serait un euphémisme de dire que l'échec du Conseil de sécurité samedi dernier est une déception.
    Nous ne nous faisons pas d'illusions. La voie à suivre pour la Syrie, les pays avoisinants et la communauté internationale sera parsemée d'embûches. Toutefois, nous demeurons déterminés à maintenir la pression sur le régime Assad et à travailler avec la communauté internationale pour mettre un terme à la crise actuelle.
    Nous répondrons aux questions avec plaisir.
(1545)
    Merci, madame Martin.
    Allons-y tout de suite.
    Je crois que la sonnerie retentira vers 16 h 10. Nous devrions donc avoir le temps de poser une série de questions.
    Commençons sans plus tarder.
    Allez-y, madame Laverdière.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup à Mme Martin et à M. Dubeau d'être ici avec nous aujourd'hui. C'est un sujet d'une extrême importance. Sans vouloir faire de politique, je crois que nous tous ici sommes également très préoccupés par la situation. J'ai une quarantaine de questions à poser. Je vais commencer par celles qui me semblent les plus importantes.
    Vous parlez de travailler avec la Ligue arabe. Quel genre d'appui ou de collaboration le Canada peut-il apporter à la Ligue arabe pour la soutenir dans ses efforts?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Si vous le permettez, je vais répondre dans ma langue.
    Bien sûr.
    Le Canada a exprimé très énergiquement son soutien aux efforts de la Ligue arabe.
    C'est vraiment un moment historique, un tournant dans la nature des activités et de la participation de la Ligue arabe. Il est digne d'intérêt qu'une organisation régionale prenne l'initiative de tenter de trouver une solution à la crise actuelle. Elle a énormément de crédibilité et d'influence à cet égard. La mission d'observation que la ligue a mise sur pied était formée de représentants de pays membres de la Ligue arabe, ce qui était aussi très positif. Je crois que les Nations Unies avaient soutenu directement la formation de certains des observateurs qui faisaient partie de la mission.
    À cette étape-ci, notre soutien consiste avant tout à encourager la ligue dans ses efforts et à appuyer énergiquement son plan. Si elle nous demandait de participer, nous examinerions la question très sérieusement.
    Merci. Je procède rapidement, car je dispose de si peu de temps.
    Je crois comprendre qu'il reste environ 12 employés à l'ambassade, et qu'elle est située dans un endroit relativement sécuritaire à Damascus. Je présume que nous avons les spécialistes des affaires consulaires et des questions d'urgence...?
(1550)
    Oui. L'ambassadeur est particulièrement à l'écoute des besoins consulaires et attentif à la sécurité du personnel canadien. Des mesures d'intervention en cas d'urgence ont été mises en place, mais évidemment, je ne peux pas en parler publiquement. Nous surveillons continuellement la situation de près. À l'heure actuelle, des discussions suivies sont en cours entre l'administration centrale et la mission.
    Robin, je ne sais pas si tu souhaites ajouter quelque chose?

[Français]

    Notre ambassadeur là-bas est très actif en ce qui concerne la surveillance des différentes sources d'information pour avoir la meilleure idée de ce qui se passe sur le terrain. Il a également mis en place des mesures d'atténuation de risques qui font en sorte que le personnel n'est pas exposé aux violences. Il maintient à jour des plans d'urgence de façon continue. Notre ambassadeur a exercé un très grand leadership dans le développement de plans qui ont fait l'objet de simulations à plusieurs reprises et qui permettraient à l'ambassade de répondre aux urgences qui pourraient se présenter.
    Merci beaucoup.
    Effectivement, je suis convaincue que l'ambassadeur fait un excellent travail. Par expérience, je connais des spécialistes qui ne sont pas ambassadeurs et qui se promènent habituellement d'un point chaud de la planète à l'autre et qui possèdent une expertise assez extraordinaire pour gérer ce type de situations. Évidemment, j'ai tout à fait confiance par rapport à ce que peut faire le ministère à ce sujet.
    Pour terminer,

[Traduction]

    la grande question est peut-être la suivante: quelle est la prochaine étape? Que faisons-nous maintenant? Retournons-nous encore une fois devant l'ONU?
    Je sais que vous ne pouvez pas nous donner de détails, mais sans mentionner les pays, et si vous pouvez en parler, lesquels sont nos principaux partenaires? Je pense entre autres aux États-Unis, au Royaume-Uni et à la France. Quelles seraient les prochaines étapes, à leur avis?
    C'est effectivement la grande question, et il est très difficile d'y répondre sans dévoiler des choses.
    Un nombre considérable d'activités ont lieu en coulisse; il y a des discussions entre les pays qui ont soutenu le plan de la Ligue arabe et qui ont été déçus de qui s'est passé au sujet de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, et des efforts sont présentement déployés pour trouver des moyens d'aider concrètement la Ligue arabe, mais à ce moment-ci, les discussions sont très préliminaires.
    Pour répondre à votre question précédente, lorsque j'ai dit que des échanges avaient lieu entre l'ambassade et l'administration centrale, je veux préciser que le ministre Baird a lui-même discuté avec l'ambassadeur hier pour faire le point sur la sécurité des Canadiens qui se trouvent à Damascus. Il a également remercié l'ambassade de son travail extraordinaire dans des conditions extrêmement difficiles.
    J'ai une dernière question. À quel point surveillons-nous, et que savons-nous au sujet des transferts d'armes russes à la Syrie?
    Encore une fois, je m'excuse de poser mes questions très brièvement. Je ne veux pas vous sembler impolie. C'est que je veux vous entendre le plus possible.
    Nous sommes conscients que des transferts d'armes ont lieu. Il est difficile de dire exactement à quel point, encore une fois, publiquement, ce que je regrette.
    Nous sommes inquiets au point où nous avons soulevé nos préoccupations sur la situation en Syrie auprès des Russes en suivant une démarche par notre ambassade à Moscou. Je pense que bien d'autres membres de la communauté internationale sont inquiets de cette situation également.
    La Syrie est de plus en plus isolée de ses voisins et de la communauté internationale. Son cercle d'amis se rétrécit de façon considérable. Ce que nous souhaitons, c'est que les gens soient persuadés que l'ampleur de la répression et de la violence en Syrie est insupportable, et qu'il est temps de mettre un frein aux transferts d'armes.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Dechert. Vous disposez de sept minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Martin, je vous remercie de votre exposé.
    Savez-vous si le premier ministre a eu l'occasion de soulever la question de la Syrie auprès du gouvernement chinois à Pékin au cours de sa visite?
    Je l'ignore.
(1555)
    Je crois comprendre qu'il l'a fait, et qu'il a exposé clairement sa position au sujet du veto que la Chine a opposé au Conseil de sécurité de l'ONU.
    Nous savons également que récemment, les États-Unis ont décidé de suspendre leurs activités dans leur ambassade en Syrie, et de faire revenir l'ambassadeur américain pour des consultations. Je me demande si vous pouvez dire au comité ce qui a mené le pays à prendre cette décision exactement et, du point de vue de la diplomatie, si cela signifie que les États-Unis ont suspendu toutes leurs relations diplomatiques avec la Syrie?
    Je vais commencer par la question à laquelle il est facile de répondre: non, les États-Unis n'ont pas suspendu leurs relations diplomatiques. Ils ont simplement fermé leur ambassade pour le moment.
    Les médias ont rapporté que la fermeture de l'ambassade est liée aux conditions de sécurité à Damascus qui étaient spécifiques à l'ambassade américaine, et à certaines menaces auxquelles les Américains croyaient être exposés; les médias ont également rapporté que le régime syrien ne pouvait pas garantir qu'il serait en mesure d'assurer la sécurité pour l'ambassade; la fermeture de l'ambassade américaine a donc été faite en fonction de raisons qui s'appliquent à la situation des États-Unis à Damascus.
    Merci.
    Dans votre exposé, vous avez dit que la Syrie dépend de l'Iran qui, bien entendu, fournit des armes et du personnel de sécurité au régime Assad. Le premier ministre a dit sans équivoque que l'Iran constitue la plus grande menace pour la paix et la sécurité dans le monde.
    Jusqu'à quel point est-ce inquiétant, et comment le gouvernement a-t-il exercé en même temps des pressions sur le régime iranien?
    L'Iran inquiète le Canada pour trois raisons. Il y a tout d'abord les violations graves des droits de la personne et la répression de tout genre de la dissidence politique au sein du régime. Ensuite, il y a l'influence qu'a l'Iran dans la région en soutenant le Hamas et le Hezbollah, ce qui est déstabilisant en Syrie et aussi au Liban. Par conséquent, cela constitue une menace pour Israël. Cette semaine, le président Ahmadinejad a dit qu'Israël est un cancer qui doit disparaître.
    Toutefois, la principale préoccupation concerne les activités nucléaires de l'Iran et son refus d'être transparent envers la communauté internationale au sujet de ses activités. Il affirme que ces activités servent à des fins pacifiques, mais en novembre, le rapport de l'AIEA montrait en détail qu'il y a des liens entre ses activités nucléaires et militaires, ce qui a soulevé de très sérieux doutes.
    Il fait de l'enrichissement d'uranium à 20 p. 100, ce qui ne suffit pas à fabriquer une bombe nucléaire — l'uranium doit être enrichi à 90 p. 100 pour le faire —, mais on peut rapidement passer de 20 à 90 p. 100. L'Iran a suffisamment d'uranium pour fabriquer quatre bombes. C'est extrêmement inquiétant.
    Monsieur le président, j'aimerais céder le reste de mon temps de parole à Mme Brown.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Martin, vous avez parlé d'un sujet qui m'intéresse beaucoup, la menace pour Israël.
    Compte tenu de l'instabilité qui règne en Syrie et du fait que ce pays dépend de l'Iran pour ses armes — et le pétrole aussi, je crois —, je me demande si vous pouvez nous parler du pétrole. Jusqu'à quel point le pays dépend-il du pétrole de l'Iran, et pouvez-vous en dire davantage sur la menace pour Israël et sur ce que cela signifie du point de vue géopolitique?
    Je ne peux pas vous donner beaucoup de renseignements au sujet de la dépendance de la Syrie à l'égard du pétrole iranien. Toutefois, la situation de la Syrie par rapport à son environnement économique, à la suite des sanctions, devient d'extrêmement difficile. Il y a une chute de la monnaie, et il y a l'inflation. Des files d'attente pour obtenir des vivres se forment. Il y a des pannes d'électricité en raison du manque d'accès au carburant qui fait fonctionner les générateurs. La dépendance au pétrole maintien l'économie dans une situation précaire.
    En ce qui concerne la menace pour Israël, Israël perçoit la menace de l'Iran comme une menace à sa survie. C'est en raison des déclarations que le régime a faites concernant l'existence d'Israël. Son soutien au Hamas et au Hezbollah représente également une menace. Tant le Hamas que le Hezbollah hésitent de plus en plus à s’allier au régime syrien présentement, et selon la rumeur, le chef du Hamas tenterait de persuader Assad d’accepter le plan de la Ligue arabe. Le Hezbollah a également dit qu’il ne cherchera pas à se lancer dans une confrontation avec Israël à ce moment-ci.
    La menace est bien réelle, mais présentement, les acteurs prennent position de façon prudente, ce qui, je pense, montre à quel point les gens s’inquiètent des conséquences de l’instabilité qui vient de la Syrie.
(1600)
    En ce qui concerne la proximité de la Syrie pour Israël, nous savons que l’Iran dit avoir des missiles qui pourraient atteindre Israël. Je suppose ce qu'elle lance dans les airs peut traverser le pays également. Pensez-vous qu’ils maintiendront ces liens ouverts avec la Syrie afin d’utiliser cela comme plan stratégique si jamais ils décident d’attaquer Israël?
    C’est probablement une très bonne analyse. Je ne peux pas vous répondre avec certitude, mais je pense que de toute évidence, vous comprenez la complexité de la situation.
    Mme Lois Brown: Merci.
    Monsieur Eyking, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d’être venus ici à si court préavis. Nous en avons parlé seulement la semaine dernière.
    J’ai passé quelque temps à Damascus. Il y a huit ans, j’y suis allé avec notre gouvernement pour des questions commerciales. Observer la grande population de jeunes de Damascus nous ouvre les yeux. Le taux de chômage est très élevé, et on peut presque sentir la frustration parmi la population. Je ne suis donc pas complètement surpris de ce qui se passe.
    Les Russes s’y sont rendus au cours des derniers jours, et il paraît qu’ils ont été très bien reçus. Nous avons entendu dire que plus d’un million de gens se sont présentés au rassemblement lorsque les Russes sont arrivés. Bon nombre de personnes savent que la majorité des appuis que reçoit Assad vient des minorités; on y trouve beaucoup d'adeptes du régime. Kadhafi et Moubarak semblaient avoir surtout un appui militaire, mais à mesure que la situation évolue, les choses se compliquent davantage si une bonne partie de la population appuie un dictateur, ou peu importe comment on l’appelle.
    Ce qui me préoccupe... Nous espérons que ces troubles mèneront à quelque chose de positif, mais je suis inquiet au sujet de ces minorités et du rôle qu’elles jouent présentement. Comment les traitera-t-on après, au bout du compte?
    Je pense que cette préoccupation est légitime.
    Le régime Assad est soutenu par la minorité alaouite, qui ne représente en fait que 12 p. 100 de la population. Les chrétiens représentent 10 p. 100 et les juifs, 3 p. 100.
    Les élites alaouites, chrétiennes et sunnites soutiennent le régime Assad. La majorité sunnite s’oppose au régime; c’est pourquoi on s’inquiète beaucoup de l’évolution d’une guerre confessionnelle en Syrie, et de la situation de grande vulnérabilité dans laquelle la minorité alaouite ou même la minorité chrétienne pourraient se retrouver si une majorité sunnite était capable de prendre les rênes du pouvoir. Il y a un malaise quant à ce que cela signifierait pour l’avenir des droits des minorités en Syrie.
    Oui, car l’histoire est remplie d’exemples. Nous avons vu ce qui s’est passé au Rwanda. Lorsque quelqu’un prend soudainement le pouvoir, cela peut être effrayant.
    De plus, je crois comprendre que l’opposition syrienne se trouve en Turquie. Notre ambassade dans ce pays discute-t-elle beaucoup avec les représentants de l'opposition? Je ne sais pas quelle est son influence, mais j’ai de l'espoir. Ces discussions l'aiderait-elle peut-être à se préparer? L'opposition dirigera peut-être inévitablement le pays. C’est similaire à ce à quoi nous avons dû faire face en Libye. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui se passe là-bas?
    On participe beaucoup, non seulement par notre ambassade à Ankara, mais avec un certain nombre d’ambassades dans le monde. Le Conseil national syrien est composé avant tout de Syriens expatriés, et l’une des difficultés à laquelle il fait face, c’est de développer son appui à l’intérieur.
    Les discussions que nous avons avec les représentants du conseil ressemblent à celles que nous avons avec l’administration centrale. Nous les incitons à trouver une solution pacifique, mais aussi à tenter de trouver l’unité au sein de l’opposition et d’élaborer un plan stratégique sur la façon de gérer les choses. Et bien sûr, nous faisons constamment la promotion des principes fondamentaux de la démocratie, de la primauté du droit et du respect des droits de la personne, notamment des femmes et des minorités. Pour nos représentants en la matière, c’est un maître mot.
(1605)
    Au cours des négociations commerciales auxquelles j’ai participé là-bas, nous avons constaté qu'il est difficile de faire des affaires là-bas. Nous n'avons pas très bien réussi. Nous tentions d’aider les entreprises avec le gaz naturel; il y a beaucoup de gaz naturel en Syrie.
    Au cours de votre exposé, vous avez parlé des sanctions dans le secteur pétrolier et des changements que vous ferez. Que faisons-nous à cet égard? S'agit-il de faire des pressions sur le plan économique?
    Nous sommes parmi les premiers pays alliés à imposer des sanctions au régime syrien, notamment celles sur le secteur pétrolier. Ces sanctions, parce qu’elles sont imposées par un groupe de négociants importants avec la Syrie, commencent à faire sentir leurs effets. La Syrie compte beaucoup sur les revenus du pétrole pour les revenus du gouvernement.
    Je m'inquiète en outre pour nos entreprises. C'est d'ailleurs là où je voulais en venir; de quelle façon pourraient-elles être touchées par ces sanctions?
    Nous faisons en ce moment très peu de commerce en Syrie. La plus grande entreprise qui s'y trouvait l'a quittée depuis des mois. En fait, elle opérait à partir de l'Europe et c'est essentiellement à la suite des sanctions imposées par l'Union européenne qu'elle a dû partir. Modestes, nos relations commerciales avec la Syrie diminueront encore davantage.
    Vous voulez dire que les conséquences ne seront pas énormes sur nos entreprises parce qu'il n'y en a pas beaucoup.
    C'est tout, monsieur le président. Je n'ai pas d'autre question.
    Nous passons maintenant aux conservateurs.
    Avez-vous des questions? Je sais que nous attendons la sonnerie, mais nous pouvons continuer jusque-là.
    Madame Martin, que pouvez-vous nous dire de l'appel que le gouvernement du Canada a lancé auprès des Canadiens restants pour qu'ils partent?
    À ce que je sache, le gouvernement a annoncé en décembre une évacuation volontaire. Pouvez-vous expliquer en quoi consistait l'« accès rapide » et comment cela fonctionnait? De quelle façon la diaspora syrienne a-t-elle été associée au processus?
    Je vais donner la parole à mon collègue, M. Dubeau.
    L'évacuation volontaire a été appliquée pendant un mois, de la mi-décembre à la mi-janvier. Il s'agissait d'aider les gens à obtenir le plus rapidement possible les documents nécessaires pour quitter le pays par transport commercial.
    Durant cette période, nous avons mis en place différentes mesures, de portée modeste ou vaste. Nous avons tout d'abord rallongé les heures d'ouverture à l'ambassade. Quant à l'« accès rapide » dont vous parliez, il consistait à accélérer la production des titres de voyage et documents d'immigration. Ainsi, le traitement d'une demande de passeport qui prend normalement 15 jours ouvrables, en prenait 5. Cela a permis aux gens d'utiliser les transports commerciaux disponibles par l'entremise des agences de voyage. Nous les adressions aussi aux compagnies aériennes et aux entreprises de transport terrestre.
    Autre mesure, nous avons augmenté la capacité de notre centre d'appels ouvert 24 heures sur 24 et sept jours sur sept pour prendre les appels des gens au Canada ou en Syrie, et répondre à leurs questions le plus rapidement possible. Comme vous l'a dit ma collègue dans sa déclaration, nous avons reçu près de 1 600 appels. De notre côté, nous en avons fait 3 400 pour fournir les dernières informations à nos ressortissants inscrits.
    L'une des dernières choses que nous avons faites a été de communiquer le plus possible par tous les moyens disponibles: diffusions massives par courriel, messages textes, appels téléphoniques pour que les gens convainquent leurs proches de quitter le pays. Nous pensons que cette campagne a été efficace puisque 300 des personnes avec lesquelles nous sommes entrés en contact nous ont dit qu'elles étaient parties.
    Voilà, en gros, les mesures que nous avons prises pendant cette période.
(1610)
    Vous semblez avoir déployé des efforts considérables pour aider les Canadiens en Syrie.
    Avez-vous une idée du nombre de nos ressortissants qui sont encore là-bas?
    Eh bien, comme ma collègue l'a dit, près de 1 600 Canadiens sont toujours inscrits, mais il ne faut pas oublier qu'on n'est pas tenu de le faire. Selon le chiffre auquel est arrivée la mission par différents calculs — il s'agit davantage d'une estimation que d'une donnée scientifique —, il y aurait moins de 5 000 Canadiens encore là-bas.
    Auriez-vous une idée de la taille de la diaspora syrienne au Canada?
    Au Canada? Je ne sais pas.
    Avez-vous collaboré avec des organisations canado-syriennes à propos de l'évacuation et d'autres questions entourant la crise actuelle en Syrie?
    Oui, avant Noël, nous avons organisé — si ma mémoire est bonne — deux téléconférences avec des associations canado-syriennes et de la Ligue arabe pour leur expliquer la nature de ces mesures et pour qu'elles encouragent les gens à prendre avantage de ces mesures et à quitter le pays.
    Je peux vous dire que j'ai rencontré des Canado-Syriens dans ma ville de Mississauga, où ils sont nombreux. Je les ai rencontrés à nouveau récemment, durant le congé parlementaire. Ils sont généralement très heureux du service qu'ils ont reçu de notre ambassade en Syrie et du ministère des Affaires étrangères, ainsi que de la position que le Canada a prise jusqu'à maintenant à propos de la crise. Nous garderons le contact avec eux et vous ferons savoir ce qu'ils nous disent.
    Je suis ravi de l'apprendre, merci.
    Avez-vous une autre question?
    En ai-je le temps?
    Le président: Vous avez 30 secondes.
    Mme Lois Brown: Je la poserai quand même, au cas où l'on pourrait y répondre… Je me demande quels ont été nos contacts avec la Ligue arabe, les sortes de communications que nous avons eues avec elle, le cas échéant, et sa situation.
    Je peux vous répondre brièvement. Notre ambassadeur au Caire, où siège la Ligue, a rencontré le président. Nous poursuivons le dialogue à divers niveaux, mais celui-ci a été amorcé au plus haut niveau.
    D'accord. Je pense que Mme Laverdière a une question rapide à poser, pour terminer.
    Il y en aura peut-être deux, très rapides.
    D'abord à propos du Service d'inscription des Canadiens à l'étranger, est-ce que ceux qui ont la double citoyenneté s'y inscrivent généralement et est-ce que les Canadiens qui y sont inscrits sont généralement des expatriés ou des gens qui ont la double citoyenneté?
    Ce sont surtout des gens qui ont la double citoyenneté. Très peu de Canadiens qui ne l'ont pas s'inscrivent.
    D'accord, merci.
    J'ai une autre question, et de vaste portée. Pouvez-vous nous dire, en quelques mots, quelle est votre évaluation de l'état actuel de l'armée syrienne? Selon certains rapports, elle perd du terrain, ses ressources s'amenuisent et elle s'affaiblit.
    L'armée syrienne est grande et extrêmement bien équipée. En outre, elle est en général très loyale. C'est une force redoutable.
    Monsieur Eyking, vous pouvez poser une dernière question, puis nous terminerons.
    J'ai une question à propos du Liban. Il y a très longtemps, le Liban faisait partie de la Syrie et le lien qui unit ces deux pays est étroit. Les Libanais qui vivent au Canada se disent très inquiets parce qu'ils ont des parents en Syrie, et vice versa. Des gens y vont et viennent pour leur travail.
    Devrions-nous nous inquiéter de la frontière libanaise ou des gens qui se réfugient au Liban? Quelles pourraient être, sur le Liban, les répercussions de tout ce qui se passe?
    Vous avez très bien décrit ce qui nous inquiète. Toute tension sectaire en Syrie se répercutera probablement au Liban où les mêmes groupes sont présents. Il y a donc un risque. Il y a aussi un risque d'exode de gens fuyant la violence et cherchant refuge au Liban.
    Madame Martin, monsieur Dubeau, nous vous remercions beaucoup d'être venus.
     Nous allons lever la séance. Nous ne reviendrons pas pour la seconde heure, car il n'y aura pas assez de temps.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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