:
Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je suis ravie d'être ici avec vous aujourd'hui pour discuter de la proposition de services et de droits connexes de Passeport canada, qui constitue le fruit de deux années de consultations publiques exhaustives menées en vertu de la Loi sur les frais d’utilisation.
Je commencerai par faire un survol de l'environnement opérationnel de Passeport Canada et des défis auxquels nous sommes confrontés. Je présenterai ensuite ce que nous avons accompli dans le cadre de nos consultations et de la préparation de notre proposition de services et de droits connexes.
[Français]
Passeport Canada offre l'un des services les plus visibles du gouvernement du Canada. L'an dernier, nous avons délivré plus de 4,8 millions de passeports aux Canadiens et plus de 99 p. 100 de nos clients ont reçu leur passeport à temps ou même avant la date indiquée.
Passeport Canada fonctionne entièrement selon le principe du recouvrement des coûts. Notre financement provient uniquement des droits qui sont versés par les requérants de passeport. Ces droits n'ont pas augmenté depuis l'année 2001, à l'exception d'une augmentation de 2 $ pour des frais d'expédition en 2005. De plus, la délivrance des passeports est une activité qui a vraiment beaucoup changé depuis 2001. Au cours de la dernière décennie, Passeport Canada a plus que doublé le nombre de passeports délivrés chaque année, de sorte qu'aujourd'hui, 67 p. 100 des Canadiens détiennent un passeport valide.
[Traduction]
Passeport Canada enregistre un déficit pour chaque livret délivré. Une augmentation des droits est nécessaire pour soutenir l'adoption du passeport électronique, appuyer notre lutte constante contre la fraude d’identité et passer d'un cycle d'affaires de 5 ans à un cycle de 10 ans.
Je parle d'un « cycle d'affaires » parce qu’à titre d'organisme qui fonctionne selon le principe du recouvrement des coûts, Passeport Canada fonctionne davantage comme une entreprise que comme une organisation gouvernementale conventionnelle. Nous utilisons la méthode de gestion par activités pour surveiller le coût réel de chacune des composantes de nos opérations.
Au cours de la dernière décennie, nous avons simplifié nos processus opérationnels en utilisant les technologies de manière efficace, et nous avons fait des gains d'efficacité là où c'était possible. Cependant, notre structure de droits actuelle ne cadre plus avec nos réalités. Elle ne nous permet pas de faire les investissements qu'il faut pour suivre les avancées technologiques et respecter les normes et les pratiques recommandées à l'échelle internationale. Ces préoccupations ont été soulevées par le Bureau du vérificateur général en 2005 et réitérées par le Comité des comptes publics en 2006 et en 2008.
[Français]
Le lancement du passeport électronique à l'échelle nationale et la mise en oeuvre de la technologie qui y est associée constitue un projet qui est très complexe. L'adoption du passeport électronique requiert la création d'un tout nouveau livret de passeport et nous devons aussi bâtir une réserve de livrets vierges.
La production du passeport électronique exige que nous remplacions aussi notre technologie d'impression, et ce, à l'échelle du Canada. Elle exige également de nombreux changements à notre système de technologie de l'information et, enfin, pour garantir un service de qualité aux Canadiens, notre personnel au Canada et dans les missions à l'étranger devra recevoir de la formation sur cette nouvelle technologie.
[Traduction]
Je vais maintenant présenter un survol du processus que nous avons suivi en ce qui concerne la Loi sur les frais d'utilisation.
Nous avons d'abord consulté les Canadiens au sujet de nos services au moyen d'un questionnaire en ligne, et plus de 7 000 Canadiens y ont répondu. Nous avons également tenu des tables rondes avec des représentants de groupes de consommateurs et de l'industrie. De plus, nous avons sollicité, au moyen d'une campagne épistolaire, la rétroaction de plus de 70 groupes d'intérêt non gouvernementaux. Nous croyons que nos consultations et nos initiatives de relations externes nous ont fourni une vue d'ensemble fidèle des opinions et des préférences des Canadiens.
Monsieur le président, je peux vous assurer que nous avons écouté attentivement ce que nos clients et les intervenants nous ont dit au cours des consultations. J'ai le plaisir de vous informer que les résultats de nos consultations ont mis en évidence la satisfaction des Canadiens à l'endroit des services offerts par Passeport Canada.
De plus, nous avons constaté un appui marqué pour l'adoption du passeport électronique d'une durée de validité de 10 ans. Environ 80 p. 100 des Canadiens nous ont dit qu'ils opteront pour un passeport de 10 ans; toutefois, de nombreux Canadiens souhaitent conserver la possibilité de se procurer un passeport d'une durée de validité de 5 ans.
Nous allons donc continuer d'offrir aux Canadiens cette option à un coût inférieur.
Les Canadiens nous ont dit apprécier de pouvoir voyager dans de nombreux pays sans avoir à obtenir de visas, qui sont coûteux. Voilà pourquoi, une fois mis au courant de la technologie et des dispositifs de sécurité du passeport électronique, la plupart des Canadiens avaient une opinion positive du passeport électronique et évoquaient la nécessité de respecter les pratiques internationales et de rester à l'avant-garde dans le domaine de la sécurité des passeports.
[Français]
Les Canadiens ont clairement exprimé qu'ils sont en faveur d'un prix moindre pour les passeports pour enfant et notre proposition tient compte de cette opinion. Les passeports pour enfant demeureront valides pour cinq ans et les droits continueront de représenter 60 p. 100 des droits de passeport d'une durée de cinq ans pour adulte. Notre objectif, au moment d'élaborer notre proposition, était de maintenir les droits de passeport électronique de 10 ans aussi bas qu'on le pouvait.
Selon la nouvelle structure de droits proposée, le passeport électronique de 10 ans coûtera 160 $. Il coûtera donc moins cher par année que le passeport actuel. Le passeport électronique de cinq ans coûtera toutefois un peu plus cher par année. En plus de notre consultation, nous avons effectué une comparaison internationale. Grâce à notre proposition, le Canada se compare favorablement aux autres pays, bien que nous soyons dans une situation unique puisque contrairement à nos homologues internationaux, nous fonctionnons entièrement selon le principe du recouvrement des coûts.
[Traduction]
Après avoir écouté ce que les Canadiens avaient à nous dire, consulté les groupes de consommateurs et ceux de l'industrie, puis évalué les services de passeport dans d'autres pays, nous avons publié notre proposition de services et de droits connexes le 10 novembre 2011. Nous avons invité les Canadiens à nous soumettre leur rétroaction jusqu'au 25 novembre. Pendant cette période, plus de 7 000 personnes ont visité notre site Web, et 56 ont soumis leur rétroaction.
Passeport Canada a répondu à toute la rétroaction reçue avant la mi-décembre, c'est-à-dire dans les délais prescrits. Selon la Loi sur les frais d'utilisation, les personnes qui avaient soumis de la rétroaction pouvaient demander qu'un comité consultatif indépendant soit mis sur pied si elles n'étaient pas satisfaites de notre réponse. Aucune demande de cette nature n'a été reçue.
Nous en sommes maintenant à déposer notre proposition devant le Parlement. Nous croyons que cette proposition bénéficiera aux millions de Canadiens qui comptent sur Passeport Canada pour obtenir des documents de voyage fiables, sûrs et respectés à l'échelle mondiale. Notre organisation a élaboré une proposition de services et de droits connexes équilibrée et exhaustive. Notre proposition reflète nos coûts et met de l'avant une structure de droits qui nous permettra de faire la transition vers un cycle d'affaires de 10 ans.
[Français]
Après plus d'une décennie sans augmentation des droits de passeport, la nouvelle structure de services et de droits connexes nous permettra de moderniser nos services et d'améliorer la sécurité du programme de passeport, tout en assurant notre viabilité financière. Grâce à la mise en oeuvre du passeport électronique, les Canadiens auront des documents de voyage qui seront sécuritaires et hautement respectés à l'échelle internationale.
Passeport Canada travaille activement avec ses partenaires des secteurs privé et public. Les prochains mois seront vraiment cruciaux afin d'assurer une mise en oeuvre en temps opportun du passeport électronique. Passeport Canada veillera à ce que les services qui sont offerts aux Canadiens ne soient pas perturbés pendant que nous faisons la transition vers la nouvelle technologie.
Merci, monsieur le président. Il me fera plaisir de répondre à vos questions et à celles des membres du comité.
:
Je vais vous décrire ce que nous devons faire d'ici là.
Je dois dire que les prochains mois seront critiques. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous devons créer un tout nouveau livret. Nous devons aussi constituer nos stocks. L'an dernier, nous avons délivré 4,8 millions de passeports. Nous devons en avoir assez en stock pour les offrir à tous les Canadiens, à l'échelle du pays.
Nous devons mettre à niveau nos logiciels de technologie de l'information, et ce travail va déjà bon train. Nous devons nous procurer de l'équipement, et ce travail est aussi bien amorcé. Nous nous attendons d'ailleurs à recevoir l'équipement bientôt.
Nous devons ensuite le mettre en place, étape par étape, d'un bout à l'autre du pays, puis nous devons l'installer dans nos principales installations. Nous avons deux installations d'impression, dont une à Gatineau et l'autre, à Toronto. Enfin, nous devons offrir de la formation partout au Canada.
Parce que nous fonctionnons selon le principe du recouvrement des coûts, nous devons aussi être conscients de la nécessité de veiller à établir l'équilibre entre la demande et l'offre de manière à ne rien gaspiller. Nous devons donc éliminer graduellement l'ancien passeport et introduire le nouveau. Nous travaillons très soigneusement avec le secteur privé, ainsi qu'avec nos partenaires du gouvernement, pour que les choses se fassent le plus rapidement possible.
En gros, nous nous attendons à ce que la mise en place s'amorce à la fin de l'année civile. Nous délivrerons alors le passeport électronique et le passeport ordinaire qui a une durée de validité de cinq ans. Nous allons tout mettre en oeuvre à l'échelle du pays, puis quand nous serons en mesure d'offrir à tous les Canadiens le passeport d'une durée de validité de 10 ans, nous passerons à la mise en oeuvre complète — vraisemblablement au printemps de 2013.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Madame Desloges, je vous remercie ainsi que vos collègues d'être ici avec nous et pour le travail souvent difficile et très technique que vous faites tous.
Comme M. Williamson, je suis député d'une circonscription rurale au Nouveau-Brunswick. Vous dites avoir permis aux agents de Service Canada dans des petites communautés rurales d'aider les gens en vérifiant si leur demande avait été remplie comme il se doit. Dans ma circonscription, on donne souvent des conseils à ceux qui ne sont pas très habiles à remplir une demande par voie électronique. Je sais que cela aide beaucoup et que cela diminue la frustration. Dans les petites communautés éloignées d'un bureau de Passeport Canada, c'est une initiative qui a beaucoup aidé. Je tenais à vous le dire.
À en croire l'expérience d'électeurs que j'envoie à votre bureau de Fredericton, le personnel y est exceptionnel et très professionnel. Chez nous, en cas d'urgence ou de complication, la façon de faire la plus directe est d'aller à Fredericton. Comme députés, le service que nous recevons de ces bureaux et de votre bureau à Ottawa est aussi très impressionnant. Je tenais à vous le dire et à vous remercier.
Je vais reprendre les questions de mon ami John Williamson. Il est sûr que les gens s'informent du coût quand ils viennent dans nos bureaux. Tout le monde veut plus de services tout en payant moins de taxes et de frais de service. C'est ce qu'on voit souvent. Dans votre proposition, vous essayez d'évaluer les frais du ePassport. Vous avez parlé de frais de 13 p. 100 pour les auxiliary products and services et de 10 p. 100 pour les new and ongoing investments.
Cela sonne comme des phrases de fonctionnaires qui veulent dire quelque chose ou peut-être rien du tout. Donnez-moi un exemple de ces
[Traduction]
« les produits et services connexes » et « les investissements nouveaux et actuels ».
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie infiniment nos témoins. Leurs renseignements nous sont fort utiles.
Je sais que, dans la région de York, où se trouve ma circonscription, on est aux prises avec un véritable problème de fraude, et qu'on paie pour obtenir une fausse pièce d'identité dont on se sert par la suite illicitement. La Police régionale de York a beaucoup de difficulté à éradiquer ce problème. Je suis donc ravie d'entendre que ces nouveaux dispositifs changeront la donne.
Abordons maintenant la question de la falsification des documents. En fait, le passeport électronique constitue en quelque sorte une assurance contre le vol d'identité, n'est-ce pas? Le passeport électronique étant doté d'une puce contenant ma photo, il sera virtuellement impossible — je devrais peut-être plutôt dire « presque impossible » — de décoder le contenu de la puce pour préparer les documents qui permettraient d'usurper mon identité, parce que Passeport Canada pourra toujours effectuer les vérifications pour prouver qu'il y a eu falsification. Les Canadiens devraient donc se dire qu'ils auront ainsi une police d'assurance.
Ma question porte sur la carte NEXUS que je possède et qui, je le sais, permet la lecture rétinienne. À l'aéroport de Toronto, je dois passer devant le lecteur d'empreinte rétinienne qui lit ma carte. Passeport Canada envisage-t-il d'intégrer la lecture rétinienne au passeport? Est-ce l'étape suivante?
:
La vérificatrice générale avait fait deux recommandations dans le rapport de 2005.
[Traduction]
Selon la première recommandation, nous devions recueillir des données fiables sur les coûts par rapport aux normes de service, et Michel a donné des détails précis sur la gestion par activité et la comptabilité par activité. Nous savons maintenant quel est le coût de chaque activité.
Deuxièmement, la vérificatrice nous avait recommandé d'améliorer la consultation des clients. Ce qui l'inquiétait le plus, je pense, c'est que, dans la foulée des attentats du 11 septembre, il nous fallait deux fois plus de temps pour délivrer les passeports parce que nous avions adopté de nouveaux protocoles de sécurité. Nous avons été aux prises avec une augmentation de la demande. Nous avions décidé que chaque enfant devait dorénavant être doté d'un passeport. Le délai est passé de cinq à 10 jours pour les demandes présentées au comptoir. Ce fut notre principal problème.
Nous avons entamé un très long processus de consultation, que Mme Desloges vous a expliqué. Un grand nombre de Canadiens y ont participé. Nous avons eu recours aux médias sociaux, comme YouTube, Facebook et Twitter. Je pense que la consultation s'est révélée un franc succès.
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Merci beaucoup. Bonjour, tout le monde.
Permettez-moi de vous remercier pour cette occasion. Je suis Soudanaise et j'habite et je travaille à Khartoum, au Soudan. Je suis chercheuse de métier, et j'occupe le poste de directrice exécutive de la Sudanese Organization for Research and Development. Je vous parlerai de mon organisation dans quelques minutes.
C'est un véritable honneur pour moi de m'adresser à vous aujourd'hui, et je vous en remercie.
En juillet 2011, le pays que l'on connaissait autrefois comme le Soudan a été divisé en deux pays distincts. C'est par référendum que les Sud-Soudanais ont préféré la sécession à l'unité.
L'indépendance du Sud-Soudan n'a malheureusement pas favorisé la stabilité des deux pays, puisque les hostilités ont repris de plus belle. Elles risquent d'ailleurs de se poursuivre si on ne presse pas les leaders des deux pays à revenir à la table de négociation.
Il fallait s'attendre à une reprise des hostilités, puisque certains litiges n'étaient toujours pas résolus à l'échéance de la période intérimaire suivant la mise en oeuvre de l'Accord de paix global. Il était notamment question de la délimitation des deux territoires, de la région contestée d'Abyei, de toute la problématique entourant le pétrole, et de la présence de Sud-Soudanais au Nord, et de Nord-Soudanais au Sud.
De plus, le conflit du Darfour, qui a éclaté en 2003, bat toujours son plein. Même s'il attire un peu moins l'attention qu'avant, il fait toujours rage. Après la proclamation de l'indépendance du Sud-Soudan, de nouveaux affrontements ont surgi dans la région du Kordofan du Sud et du Nil Bleu.
La situation économique du Soudan va de mal en pis, et la livre soudanaise poursuit sa dégringolade tandis que les prix, eux, grimpent en flèche. La population du Soudan a faim, et se retrouve sans toit, sans emploi et malade.
Les forces de sécurité nationales continuent à violer les droits de la personne en toute impunité et sous le couvert de l'immunité la plus complète. Les défenseurs des droits de la personne sont souvent arrêtés, emprisonnés et interrogés. Des journaux indépendants sont fréquemment forcés de cesser leurs activités et subissent la censure. Les gens sont victimes de harcèlement, surtout les femmes. Des lois inconstitutionnelles, légalisant entre autres le viol conjugal, le mariage des petites filles et la brutalité conjugale, sont appliquées en vertu des prétendues lois familiales de la charia islamique.
Il y a donc de moins en moins de place pour la société civile. Notre secteur de travail se limite également à la prestation de services d'aide d'urgence et à des activités rémunératrices.
Les organisations non gouvernementales, les groupes de la société civile et les organismes communautaires ont du mal à obtenir des fonds depuis la proclamation de l'indépendance du Sud-Soudan. La plupart des agences des Nations Unies, des ONG internationales et des donateurs ont canalisé leurs efforts vers le Sud-Soudan, selon la prémisse que les besoins du Sud sont plus grands en ce qui concerne les infrastructures, les services et le renforcement des capacités. De plus, la communauté internationale a présumé que le Soudan jouissait d'une certaine stabilité et qu'il était gouverné par un gouvernement prétendument élu de façon démocratique.
Les présomptions de stabilité et de démocratie se sont révélées fausses. La situation de mon pays est loin d'être stable. Le tiers de son territoire est déchiré par la guerre, et le gouvernement soi-disant démocratique multiplie les atrocités et les violations des droits de la personne. Il travaille activement à mettre en place une constitution islamique et à faire du Soudan un État islamique.
La Sudanese Organization for Research and Development a vu le jour en 2007, dans la foulée de l'Accord de paix global et de la période intérimaire. Notre organisation est le fruit d'une série de discussions entre des activistes de la société civile qui avaient une vision commune et qui s'inquiétaient du rôle de la société civile dans la promotion de la démocratie, des droits des citoyens et de la coexistence pacifique. La SORD a tôt fait de prendre sa place au sein des organisations de la société civile qui tendent vers ces objectifs.
La SORD s'est imposée comme organisation de recherche et a été reconnue pour son travail sérieux et son engagement envers l'éducation civique, la justice sensible à la spécificité des sexes et l'inclusion sociale. Au cours des quatre dernières années, la SORD a réussi à mettre en oeuvre des programmes et des projets favorisant l'éducation civique, le soutien des organismes communautaires et le respect des droits des femmes. Notre travail s'étend maintenant à cinq autres États à l'extérieur de Khartoum, rejoignant ainsi des milliers de femmes et de jeunes gens à l'échelle du pays.
Un des principaux programmes-cadres qu'entreprend actuellement la Sudanese Organization for Research and Development porte sur la justice sensible à la spécificité des sexes et les droits des femmes au Soudan. Avec ce programme, nous revendiquons la ratification de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et du Protocole relatif aux droits de la femme en Afrique.
Nous tentons d'accroître le leadership politique et social des femmes. Nous voulons combattre la discrimination et les pratiques discriminatoires, principalement dans les limites du cadre juridique du Soudan, et nous nous opposons à la loi actuelle sur le statut personnel, entre guillemets la loi familiale musulmane. Nous tâchons également d'offrir ou de proposer des solutions de rechange. Le travail de la SORD a deux visées: sensibiliser et éduquer la population, et changer le comportement et les pratiques de nombreux segments de la sociétés. Nous croyons qu'il est possible de faire changer ces lois.
La SORD a gagné en crédibilité en produisant des données fondées sur la recherche, en diffusant des documentaires et en racontant l'histoire de certaines femmes.
Ceci dit, notre travail se heurte aux sensibilités religieuses mues par la loi familiale musulmane, à un point tel que les salafis, des fondamentalistes islamiques, ont ouvert le feu sur nous. Depuis quelques temps, ce groupe critique très ouvertement notre travail et notre organisation — désignant même des personnes au sein de l'organisation —, affirmant que nous allons à l'encontre de l'islam et de la culture islamique.
Les attaques des purs et durs ou des fondamentalistes islamiques ont toutefois permis de faire connaître le travail que nous faisons, et nous recevons maintenant de nombreuses demandes provenant d'un peu partout au pays.
Merci aux témoins d'avoir accepté notre invitation.
Juste avant les dernières élections, ici, au Canada, nous avons justement produit un rapport sur le Soudan. Nous avons insisté pour le faire à ce moment-là, car nous voulions étudier la situation du Soudan avant la tenue du référendum.
Il est intéressant de noter que les préoccupations qui sont ressorties des témoignages entendus avant le référendum portaient sur le territoire d'Abyei, les champs pétroliers et le sort qui attendait les Sud-Soudanais présents dans le Nord, particulièrement les femmes, et bien sûr la présence de Nord-Soudanais dans le Sud. Et voilà que vous nous présentez aujourd'hui les mêmes préoccupations. Nous étions nombreux à souhaiter que la paix coulerait de source après le référendum, même si nous étions pleinement conscients que les choses ne se passeraient pas ainsi, notamment compte tenu de l'échec des négociations concernant Abyei.
J'aimerais vous poser une question d'ordre géopolitique. Je céderai ensuite la parole à mon collègue, M. Saganash.
Dans les derniers jours, le président al-Bashir a tenu des propos très inquiétants. Je suis en tout cas très inquiet de savoir qu'il désigne les Sud-soudanais et les forces militaires comme des insectes à exterminer. Inutile de remonter bien loin dans le temps pour constater que lorsque quelqu'un commence à comparer les autres à quelque chose qui n'a rien d'humain, c'est un signe que nous devons intervenir. J'ai lu aujourd'hui que l'ancien président des États-Unis Jimmy Carter avait évoqué la possibilité que les Nations Unies assurent des opérations de maintien de la paix là-bas.
Il est donc évident que la communauté internationale doive surveiller la situation de près. Cela ne fait aucun doute. J'aimerais donc savoir de quelle façon, selon vous, le Canada et la communauté internationale pourraient intervenir, autrement qu'en aidant votre organisation à faire son travail. Je vais laisser mes collègues aborder le sujet plus en détail, mais qu'y a-t-il à faire en général?
Que devraient faire les Nations Unies? Je sais que les discussions habituelles ont eu lieu aux Nations Unies. Pouvez-vous cependant me dire très précisément ce que vous recommanderiez aux Nations Unies pour faire cesser la violence et régler quelques-uns des différends en suspend?
Merci.
Je dois dire tout d'abord que je suis entièrement d'accord avec vous. Nous avons tous été abasourdis par les propos d'al-Bashir, qui n'ont pas été sans conséquence. Sitôt son discours terminé, ses paroles étaient rapportées partout dans les médias. Fidèle à sa promesse, il a déjà lancé des raids dans la région. Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais une très grande église sud-soudanaise a été détruite samedi dernier à Khartoum.
Cela dit, au même moment, des foules de gens se rassemblent, autant des membres de la société civile que des défenseurs des droits de la personne, pour tenter d'analyser la situation de façon objective et diffuser des communiqués condamnant la sortie d'al-Bashir, ce que font aussi les partis politiques.
Je crois avoir dit dans mon témoignage qu'il fallait exercer plus de pression. Je pense aussi que la situation est ce qu'elle est en partie parce que le mouvement démocratique du Soudan n'a pas bénéficié d'un soutien adéquat, surtout pendant la période intérimaire. Il a dû s'en remettre uniquement au SPLM et au Congrès national. J'estime qu'il est grand temps que la communauté internationale dirige son attention vers les forces antagonistes soudanaises, les mouvements pacifiques et non violents, notamment les mouvements démocratiques. Il faut les appuyer. Les groupes de jeunes doivent être appuyés.
Même s'il est important que la communauté internationale fasse pression sur le gouvernement, il l'est tout autant qu'une certaine pression provienne de l'intérieur. Les forces internes ont besoin d'être reconnues et soutenues comme il se doit. C'est le seul moyen, à mon avis, de retrouver un certain équilibre. En même temps, j'ai l'impression que la même chose doit se produire dans cette Chambre. Je ne veux pas parler en votre nom, mais c'est aussi ce qui est en train d'arriver... oui.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Elkarib, merci beaucoup de votre exposé. Bienvenue au Comité des affaires étrangères. Nous sommes très heureux de vous accueillir.
Il y a trois mois, j'ai eu le privilège de me rendre à Djouba. En effet, j'ai eu l'occasion de visiter le Soudan du Sud avec l'Association parlementaire Canada-Afrique. Je crois que nous étions la première délégation étrangère à être reçue dans ce pays. Un de nos administrateurs, Adrian Norfolk, travaille là-bas; il gère les affaires canadiennes.
Le Soudan est toujours visé par la politique d'aide financière étrangère du Canada. Nous avons visité plusieurs projets en cours là-bas. Nous ne sommes pas allés dans le Nord, c'est-à-dire au Soudan; nous ne nous sommes donc pas rendus à Khartoum. Mais nous étions à Djouba, et nous y avons vu des projets que le Canada soutient depuis plusieurs années, notamment un hôpital et un programme de formation en soins infirmiers.
Ensuite, nous avons pris l'avion jusqu'à Wau, où nous avons visité un projet de l'ACDI, qui investit dans l'aide à l'agriculture. Nous avons constaté que plusieurs programmes permettaient aux femmes d'avoir accès au microfinancement. Nous avons vraiment eu la chance de visiter certaines régions du pays et de faire connaissance avec la population du Soudan du Sud.
Ma question concerne l'éducation et les soins de santé, qui sont, je pense, probablement à peu près les mêmes au Soudan et au Soudan du Sud. Il y a une très grande diaspora soudanaise au Canada. J'aimerais savoir si des membres de la diaspora se sont engagés tant envers les problèmes que les bonnes choses qui se produisent au Soudan. Certains d'entre eux occupent-ils des postes clés, afin d'offrir une perspective différente en ce qui concerne certains des problèmes, surtout dans le domaine de l'éducation?
J'ai rencontré quelques fillettes mariées. J'ai vu des petites filles, qui n'avaient peut-être pas plus de 12 ou 13 ans, porter des bébés — leurs propres bébés. On doit s'occuper du problème des fillettes mariées. Elles doivent avoir accès à l'éducation, car c'est ce qui va changer leur vie.
J'aimerais savoir si des membres de la diaspora qui ont émigré au Canada ou dans d'autres pays reviennent au Soudan du Sud pour contribuer à atténuer certains de ces problèmes.
Permettez-moi d'abord de préciser que mon beau-fils vient du Ghana. Il vient juste de terminer un doctorat en sciences au Canada. Je ne pense pas qu'il retournera au Ghana, ce qui constitue une grande perte pour ce pays, à mon avis.
Les membres de la diaspora ont-ils l'occasion d'offrir leur contribution personnelle?
:
Merci. Il s'agit d'une question très pertinente.
Tout d'abord, permettez-moi de préciser que le contexte du Soudan du Sud est complètement différent de celui du Soudan. La plupart des membres de la diaspora, surtout au Canada — et j'espère que je ne les trahirai pas —, sont ici pour des raisons politiques. Le contexte politique est le même au Soudan. C'est pourquoi, étant donné le contexte politique et juridique, même s'il existe une très grande coordination entre nous et la société civile, et les membres de la diaspora au Canada et dans d'autres parties du monde, les occasions de revenir et d'investir au Soudan sont inexistantes.
Par exemple, en ce qui concerne l'éducation, il est parfaitement légal, au Soudan, de retirer les filles de l'école. En fait, selon la loi, une fillette de 10 ans peut se marier. La loi rend les choses difficiles, même pour nous qui sommes au Soudan et qui encourageons les filles à aller à l'école. Je dois donc dire qu'il n'est pas facile, pour les gens qui viennent de l'extérieur et de la diaspora, d'intervenir dans ce domaine.
Les choses bougent un peu dans le domaine de la santé; par exemple, des membres de la diaspora soudanaise de partout dans le monde appuient certaines activités liées à la santé, viennent travailler durant les vacances, et accomplissent certaines tâches, mais malheureusement, ils n'en font pas autant pour les droits des femmes et des petites filles. C'est surtout en raison du contexte politique. C'est différent au Soudan du Sud, car le contexte politique favorise les choses, alors qu'au Soudan, il ne les favorise pas du tout.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être ici, et de la franchise avec laquelle vous avez décrit certaines des circonstances difficiles qui prévalent au Soudan. J'ai certainement appris beaucoup, et je vous suis reconnaissant d'être ici. Je vais peut-être reprendre les questions de notre collègue, Mme Brown, car je pense que nous nous demandons tous ce que le gouvernement du Canada, la société civile canadienne et la diaspora peuvent faire pour appuyer la progression des droits de la personne — et surtout des droits des femmes — au Soudan, le renforcement des capacités dans les institutions publiques — même si c'est pénible — et l'évolution vers les institutions démocratiques.
Pourriez-vous approfondir vos commentaires, qui ont été analysés par Mme Brown, je pense, sur le fait qu'il serait peut-être mieux d'établir des partenariats avec les gouvernements des États plutôt qu'avec le gouvernement national? Je ne prétends pas comprendre la fédération ou la structure du Soudan. Si les institutions nationales sont faibles, font preuve d'un grand manque de respect envers la primauté du droit ou sont incapables de protéger son application, et que les droits des femmes sont assujettis à, comme vous l'avez dit, l'influence ou aux interventions très négatives de groupes islamiques intégristes, comment cela ne se répercutera-t-il pas sur les paliers inférieurs de gouvernement?
On aurait honte, à différents paliers de gouvernement, d'investir des sommes considérables et de l'énergie dans un système où, à partir du sommet, se répercutent une série d'interventions assez négatives qui rendent la situation intenable, ou qui bloquent, très rapidement, les changements que nous espérions tous que cet argent allait engendrer.
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Le système fédéral du Soudan est clairement défini; la santé et l'éducation relèvent des États. Chaque État a le pouvoir et le droit de prendre des décisions, dans les limites du cadre national, évidemment. Mais chaque État se charge de l'investissement dans l'éducation, et de la qualité de l'éducation et de la santé.
Nous n'avons plus d'hôpitaux nationaux. Même les hôpitaux de Khartoum appartiennent maintenant à l'État de Khartoum. Nous devons comprendre cela, et c'est ce dont je parle lorsqu'il s'agit de santé et d'éducation, en particulier.
Les questions relatives aux droits, aux lois et aux libertés doivent évidemment être traitées au niveau national. En effet, les questions liées aux droits et aux droits des femmes — et tout ce qui concerne le cadre législatif — doivent être traitées au niveau national. Toutefois, le gouvernement national a prouvé hors de tout doute qu'il ne voulait rien entendre.
L'une des plus importantes commissions liées à l'APG, c'est-à-dire la Commission des droits de la personne, n'a vu le jour que lorsque l'Accord de paix global a expiré. Cela démontre à quel point le gouvernement n'est pas engagé à l'égard des droits de la personne.
Qui travaille sur les questions des droits de la personne et de la société civile? Ce sont ceux qui font la promotion de ces questions, et qui tentent de leur faire de la place avec l'aide de la communauté internationale. C'est dans ce domaine que l'appui des gouvernements, par exemple celui du Canada, est si important pour la société civile et les mouvements démocratiques du Soudan.
À mon avis, et c'est mon conseil, à moins que des changements spectaculaires se produisent — et qu'ils aient des répercussions sur la constitution islamique —, en ce moment, le gouvernement n'est absolument pas disposé à discuter des questions concernant les droits de la personne.
Je ne veux pas parler du fait qu'en général, les Soudanais ne sont présentement pas satisfaits du gouvernement et qu'il y a des efforts pour le changer à l'aide d'élections à venir ou d'autres moyens. Pendant que ces évènements se déroulent, je pense que l'argent et l'appui devraient aller à la société civile.
Le renforcement des capacités de la société civile est tellement important, et l'argent est beaucoup mieux utilisé lorsqu'il est versé à la société civile que lorsqu'il va au gouvernement. Lorsque je parle de la société civile, je parle aussi, bien sûr, des organismes internationaux. Je parle de la société civile nationale, mais aussi de la société civile internationale, qui joue un rôle clé dans les efforts relatifs aux questions liées aux droits.
Lorsqu'il s'agit de services, je pense que cela revient, dans les collectivités et au niveau fédéral, aux chances qu'ils reçoivent un appui. C'est exactement ce que je veux dire lorsque j'affirme que les contextes du Soudan du Sud et du Soudan sont différents.
:
En effet, nous travaillons dans des conditions assez difficiles. Nous sommes une organisation non gouvernementale. Nous avons une présence juridique et nous sommes enregistrés. Nous suivons les procédures qui sont établies par le gouvernement et qui nous confèrent une existence légale dans le pays.
Cela dit, le gouvernement n'approuve pas nécessairement nos activités, et les forces de sécurité nous abordent fréquemment. Certains de mes employés ont été arrêtés par les forces de sécurité parce qu'ils travaillaient sur des questions relatives aux droits des femmes et des enfants. Nous essayons d'expliquer à nos membres, à notre conseil et à nos parties intéressées comment composer avec ces conditions.
L'OSRF fait partie d'un groupe de défenseurs des droits de la personne au moyen duquel nous essayons d'apprendre à nous protéger, à protéger nos documents et surtout à protéger les groupes avec lesquels nous travaillons.
Oui, nous savons que nous travaillons dans une situation délicate. Nous tentons de travailler ensemble et nous avons toujours des plans d'urgence. Mais évidemment, c'est nous qui avons décidé de le faire, et nous faisons une différence. Nous tentons aussi d'approcher les femmes, surtout au sein du gouvernement, car elles peuvent aborder certaines questions en laissant de côté leur idéologie politique. Nous essayons donc de travailler avec des personnes aux idées moins rigides et de les amener de notre côté, ce qui n'est pas facile, mais c'est la façon dont nous avons fonctionné jusqu'à maintenant.
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En effet, la séparation a des répercussions négatives sur le mouvement des femmes au Soudan. Avant la séparation et surtout durant la période suivant l'Accord de paix global, il y avait un mouvement des femmes fort. Les femmes du Nord et du Sud du pays collaboraient, se coordonnaient et s'appuyaient, ce que nous avons perdu maintenant, vous savez.
Nous tentons toujours d'établir des liens, de mettre en commun nos stratégies et nos expériences, mais il est certain que dans le Nord, il y a des répercussions sur le mouvement des femmes.
Il y a également des répercussions à d'autres égards, surtout sur la question de la loi islamique. Avant l'indépendance, un fort mouvement en faveur de la diversité religieuse existait. Puisque nous ne sommes pas tous des musulmans, nous avions un argument contre la charia. Nous perdons cela, car la plupart des gens du Nord sont musulmans.
Il nous faut également changer nos stratégies. Nous ne pouvons plus nous servir de cette raison. Bien que nous ne soyons toujours pas tous des musulmans, la situation n'est plus la même, ce qui a des répercussions sur le mouvement.
La situation a aussi des conséquences sur les femmes du Soudan du Sud, car elles étaient aussi très soutenues par le mouvement relativement fort des femmes dans le Nord, ce qu'elles sont en train de perdre. Elles le perdent de plus en plus aussi parce que la structure gouvernementale dans le Sud a intégré des femmes de la société civile qui sont devenues ministres. Le mouvement du Sud est donc aussi en difficulté.
Nous faisons maintenant partie d'une société qui rassemble les femmes du Nord et du Sud. J'espère que ce qui s'est produit la semaine dernière n'aura pas d'effets négatifs à cet égard, mais j'ai bien peur que ce soit le cas.