FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 7 mars 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons une séance d'information sur la situation en Ukraine. Nous allons débuter dans quelques instants.
Je tiens à informer tout le monde du fait que les cloches sonneront probablement dans 10 minutes environ. Cela veut dire que nous devrons tous quitter la salle sur-le-champ.
Je tiens à obtenir le consentement unanime des membres pour faire en sorte que nous puissions à tout le moins entendre le témoignage avant notre retour, ce qui nous mènerait au moins jusqu'à 16 heures. Vu le point où nous en sommes, nous aurons amplement de temps à notre retour à la Chambre.
Est-ce que tout le monde est d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci beaucoup. J'aimerais également obtenir votre consentement sur un autre sujet. Quelques membres supplémentaires des partis sont de nouveau présents à la table. Je présume que les membres sont d'accord avec leur présence.
Des voix: D'accord.
Le président: Merci beaucoup.
Je présente nos excuses aux témoins, car nous devrons participer à un certain nombre de votes cet après-midi. Nous accueillons cinq témoins, et chacun d'entre eux disposera d'environ cinq minutes pour présenter un exposé — de cette façon, nous pourrons les entendre tous. Nous nous rendrons en Chambre, nous participerons aux votes, puis nous reviendrons ici. Je vous présente de nouveau nos excuses. Il se peut que nous ayons à interrompre nos travaux une ou deux fois.
Nous avons jusqu'à 17 h 30 pour tenir la réunion, mais je ne sais pas combien de temps exactement exigeront les votes. Je tiens simplement à vous avertir du fait que les cloches sonneront probablement dans à peu près 10 minutes.
Ce serait bien si nous pouvions entendre tous les témoignages. Messieurs, je vais vous demander de vous présenter très brièvement au moment où vous prendrez la parole, et de nous indiquer vos fonctions actuelles. Monsieur Tarasyuk, nous allons vous demander d'ouvrir le bal. Nous entendrons ensuite les autres témoins.
Vous avez cinq minutes. Avant que vous ne preniez la parole, Borys, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités, 25 jeunes Canadiens d'origine ukrainienne de toutes les régions du pays qui participent au programme des jeunes chefs de file de la BCU Foundation. Je les remercie tous d'être ici, et leur souhaite la bienvenue à la réunion du comité.
Des voix: Bravo!
Le président: Nous allons faire le nécessaire pour que nous puissions entendre tous les témoignages. Monsieur Tarasyuk, à vous de commencer.
Merci.
Bonjour à tous. Je m'appelle Borys Tarasyuk. Je suis député au Parlement de l'Ukraine; je suis président du Comité sur l'intégration européenne; je suis chef du parti Roukh, qui a mené l'Ukraine à l'indépendance; et enfin, je suis coprésident de l'Assemblée parlementaire Euronest.
Chers confrères parlementaires, permettez-moi tout d'abord de vous dire que je vous suis reconnaissant de l'attention que vous accordez à notre pays, l'Ukraine. Cela prouve que les parlementaires canadiens suivent de près ce qui se passe en Europe en général, et dans mon pays en particulier. Le fait de m'adresser à des Canadiens revêt un caractère spécial pour moi, car en 1991, celui qui occupait le poste de consul général du Canada en Ukraine, à savoir Nestor Gayowsky — qui est présent parmi nous aujourd'hui —, a présenté une note verbale au gouvernement de l'Ukraine pour l'informer du fait que le Canada reconnaissait l'indépendance de notre pays. Le Canada a été le premier pays occidental — avec notre voisin, la Pologne — à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine.
Depuis ce temps, le Canada, et plus particulièrement son Parlement, a entretenu de très bonnes relations avec l'Ukraine. Je suis heureux de dire que les Ukrainiens et les Canadiens ont tissé une multitude de liens en raison de l'importante diaspora ukrainienne au Canada. L'importance de la communauté ukrainienne au Canada a beaucoup contribué à renforcer la relation entre les deux pays après que le nôtre a recouvré son indépendance en 1991.
Je suis heureux de dire que les Ukrainiens d'origine canadienne ont été les premiers à contribuer à l'élaboration de l'infrastructure de la politique étrangère de l'Ukraine. Cette communauté a été la première à offrir au gouvernement de l'Ukraine ce présent que constituent les principes de base d'une telle politique, lesquels représentent encore, à ce jour, le fondement de l'ambassade de l'Ukraine au Canada, et celui de la section des services consulaires de cette ambassade. Je tente de saluer l'extraordinaire contribution de tous les Canadiens et des Canadiens d'origine ukrainienne, qui a rendu possible la création de cette relation.
Le comité tient actuellement des réunions sur l'évolution de la démocratie en Ukraine. On m'a dit que vous cherchiez à examiner la manière dont la démocratie a évolué en Ukraine au cours des 10 dernières années. Pour ma part, j'ai beaucoup de difficulté à établir une comparaison entre la situation actuelle et celle qui régnait il y a 10 ans. Je tenterai de vous aider en mentionnant que les années précédant 2005 ont été marquées par la présence de forces politiques — qui sont au pouvoir depuis 2010 — ayant fait reculer la démocratie en Ukraine.
Après la victoire de la révolution orange, des autorités ukrainiennes ont changé le pays et son attitude à l'égard de la démocratie et de la liberté. Par la suite, Freedom House a fait passer la cote de l'Ukraine de « pays partiellement libre » à celle de « pays libre ». Malheureusement, en un peu moins de un an, les autorités actuellement en place ont réussi à ramener l'Ukraine du statut de pays libre à celui de pays partiellement libre, toujours selon l'indice de Freedom House. Ainsi, il s'agit du résultat de leur règle des deux ans.
Hélas, vu le temps qui nous est alloué, je ne pourrai pas fournir d'explications quant au recul de la démocratie en Ukraine, mais j'aimerais profiter de l'occasion qui m'est accordée pour vous demander à vous, parlementaires canadiens, de faire tout ce que vous jugerez nécessaire de faire, mais également de faire ce que nous, les Ukrainiens, nous attendons à ce que vous fassiez.
Nous nous attendons à ce que le Canada continue d'être un pays actif, vu qu'il est membre de quelques-unes des organisations les plus prestigieuses, par exemple, le G8, le G20, l'OTAN et le Fonds monétaire international. En outre, nous nous attendons — et je m'exprime ici à titre de député du Parlement de l'Ukraine et de membre de l'opposition — à ce que les réunions du comité débouchent éventuellement sur une résolution du Parlement du Canada concernant la situation qui règne en Ukraine.
Un événement politique très important pour l'Ukraine approche à grands pas, à savoir les élections parlementaires du 28 octobre. Nous prévoyons qu'elles nous permettront de changer le pays. Le parti d'opposition que je représente constitue la solution de rechange aux autorités actuellement au pouvoir en Ukraine.
Nous nous attendons à ce que le Parlement du Canada, les ONG canadiennes et, d'abord et avant tout, la communauté ukrainienne jouent un rôle aussi actif que celui qu'ils ont joué durant les élections présidentielles de 2004 dans le cadre de missions d'observation internationales.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Tarasyuk. Notre temps est limité, et je m'en excuse.
Nous allons passer à Valentyn Nalyvaichenko.
Je m'appelle Valentyn Nalyvaichenko. Je suis président du conseil politique du parti Notre Ukraine, et je suis également ici à titre de représentant du renouvellement des ONG du pays.
Je suis heureux de m'adresser aujourd'hui à vous, distingués parlementaires canadiens. Commençons par le programme de l'opposition en Ukraine. Nous comprenons à présent que nous devons être unis. Nous devons véritablement présenter le programme de l'Ukraine pour le XXIe siècle.
Tout d'abord, permettez-moi de remercier le gouvernement du Canada, de vous remercier des médecins canadiens qui ont rendu visite à Ioulia Timoshenko en prison pour lui faire subir un examen médical. Ils ont fait un excellent travail. Nous vous sommes reconnaissants, et nous aimerions vous encourager à continuer à mener de telles missions, qui sont très importantes, surtout pour les prisonniers politiques qui ont été envoyés derrière les barreaux par ceux qui sont au pouvoir actuellement, par le régime de M. Ianoukovitch.
Permettez-moi également d'indiquer que je crois fermement qu'il n'y a que trois moyens efficaces de résister au régime autoritaire en place dans mon pays, soit une opposition unie, une société civile solide et des élections justes.
Comme M. Tarasyuk l'a mentionné, les élections imminentes seront d'une importance cruciale pour le pays. Nous, membres de l'opposition unie, croyons que les seules forces qui puissent défendre et libérer les prisonniers politiques — permettez-moi de mentionner encore une fois Timoshenko, Loutsenko et les autres membres de l'opposition — doivent être unies et sur la même longueur d'ondes si elles veulent résister aux événements actuels et au gouvernement en place.
Celui-ci a adopté une ligne de conduite manifestement pro-russe, de style soviétique, qui ne témoigne d'aucune compréhension évidente de ce que l'indépendance de l'Ukraine signifie pour tous ses habitants, de l'histoire du pays, de sa culture ou de nos aspirations globales en matière d'intégration européenne ou de relations outre-atlantiques.
Permettez-moi d'attirer une fois de plus votre attention sur la principale chose que nous vous demandons, distingués parlementaires: soutenez notre démocratie autant que vous le pouvez en dépêchant une mission d'observation à grande échelle au moment des élections qui se tiendront sous peu en Ukraine, comme vous l'avez fait à l'occasion de la révolution orange.
Nous remercions les communautés ukrainiennes du Canada et des États-Unis d'avoir mené des missions si importantes. Je vous demande encore une fois de soutenir par tous les moyens — de nature gouvernementale et parlementaire —, la tenue d'une telle mission d'observation en Ukraine.
Je conclurai mon exposé en disant ceci: d'un point de vue géopolitique, nous comprenons ce qui s'est passé en Ukraine, et ce que nous pouvons escompter de cette bande d'escrocs et de voleurs qui sont en train de reprendre le pouvoir à Moscou, en Russie. Je veux parler ici des aspirations et des plans de M. Poutine, qui consistent à ramener l'Ukraine au sein de la CEI — une union sur le modèle de l'URSS —, où un pays démocratique comme l'Ukraine n'a rien à faire, vu que les Ukrainiens ne veulent pas de nouveau vivre sous un régime de style soviétique.
Je vous demande de comprendre que l'Ukraine indépendante sera, bien entendu, la première cible que tentera d'atteindre M. Poutine dans le cadre de son nouveau mandat — son troisième — de président. Il tentera par tous les moyens de ramener l'Ukraine au sein de la Russie, de restreindre nos libertés et de limiter l'indépendance de l'Ukraine. Au moyen de sa politique étrangère et de sa politique intérieure, la Russie tentera autant que faire se peut d'isoler l'Ukraine du monde occidental — du monde démocratique — pour montrer que l'unique solution pour de tels pays — pour mon pays — est de revenir en son sein.
Merci de votre attention. Merci beaucoup.
Je m'appelle Marcin Swiecicki. Je suis membre du Parlement de la Pologne. Au cours des quatre dernières années, j'ai travaillé en Ukraine.
Monsieur le président, distingués membres du Parlement, je suis extrêmement heureux de témoigner devant vous dans le cadre de la présente réunion. J'aimerais tout d'abord, si vous le permettez, vous dire quelques mots à propos de la position de la Pologne et de l'Union européenne en ce qui concerne les droits de la personne et l'avenir de l'Ukraine.
La position de la Pologne sur l'Ukraine est fondée sur la pensée de Jerzy Giedroyc, célèbre écrivain et rédacteur polonais expatrié qui, dans les années 1970, avait déjà énoncé ce qu'il est convenu d'appeler une doctrine selon laquelle l'indépendance et la souveraineté de la Pologne étaient fortement tributaires de l'indépendance et de la solidité de l'Ukraine, du Bélarus et des pays Baltes.
C'est la raison pour laquelle la Pologne a été l'un des deux premiers pays à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine. Dans un premier temps, la Pologne a été déçue de la situation qui régnait en Ukraine en ce qui concerne les droits de la personne, surtout à la suite du meurtre de Gongadze. Il nous semblait même répugnant que notre président de l'époque rencontre le président Koutchma. Cependant, assez curieusement, cela s'est révélé utile ultérieurement, durant la révolution orange, au moment où le président Kwasniewski a joué le rôle de médiateur et de facilitateur dans le cadre des négociations ayant mené à la conclusion d'accords en Ukraine.
Les Polonais ont accueilli avec beaucoup d'enthousiasme la révolution orange — cela s'explique notamment par le sentiment de solidarité qu'ils éprouvent à l'égard des Ukrainiens; de fait, nos deux peuples ont souffert sous le régime communiste. Les jeunes qui, en raison de leur âge, n'avaient pas eu l'occasion de prendre part au mouvement Solidarnosc, a eu la possibilité de participer à un événement extraordinaire. Quant aux personnes plus âgées — tous les politiciens de tous les horizons politiques —, elles ont toutes indiqué à Maidan Nezalezhnosti qu'elles appuyaient la lutte pour la démocratie et l'indépendance.
En matière de droits de la personne, c'est-à-dire en ce qui concerne la liberté de la presse, la liberté d'association et la liberté d'expression, les suites de la révolution orange se sont révélées passablement satisfaisantes, et ce, pendant un assez long moment. Toutefois, sur le plan des réformes économiques, les résultats ont été moins satisfaisants, car les choses progressaient plus lentement à ce chapitre. Ce qui a déçu la Pologne à l'époque, c'est que l'on n'a pas offert à l'Ukraine la possibilité de devenir membre de l'Union européenne.
Pour cela, il aurait fallu que les membres du Conseil européen se prononcent à l'unanimité en faveur de l'Ukraine. Seul un vote majoritaire des membres du Parlement européen en faveur de l'adoption de résolutions peut offrir une telle perspective. Malheureusement, certains pays de l'Union européenne n'ont pas voté en ce sens. Nous savons d'expérience que la perspective de devenir membre de l'UE constitue le plus important facteur menant un pays à se mobiliser, à se discipliner et à montrer qu'il a pris la voie de la modernisation. Cela a joué un rôle extrêmement important pour ce qui est du processus de modernisation de la Pologne et d'autres pays d'Europe centrale. Je crois que cela serait également très bénéfique pour l'Ukraine.
La solution qui est proposée — un accord d'association, à savoir une entente spéciale prévoyant notamment une harmonisation des dispositions législatives — représente un pis-aller. Selon Philippe Cuisson, négociateur en chef de l'Union européenne, un tel accord peut procurer à l'Ukraine un statut juridique à l'égard de l'Union européenne équivalent à celui dont disposent la Norvège et la Suisse. Une fois cet accord mis en oeuvre, l'accession de l'Ukraine à l'Union européenne ne devrait pas poser de problème.
Toutefois, certaines choses font obstacle à cela, plus particulièrement en ce qui concerne la situation qui règne en Ukraine relativement aux droits de la personne et à la primauté du droit. À l’heure actuelle, les choses se détériorent — songeons aux problèmes que posent l’emprisonnement de Ioulia Timoshenko et d’autres chefs de file de l’opposition. Certains processus sont injustes. La situation se dégrade également au chapitre de la liberté de la presse. Tous ces problèmes préoccupent énormément les autorités et la société polonaises, de même que l’Union européenne.
Par conséquent, j'estime que la tenue d'élections justes représente un élément crucial, car il s'agit également de l'une des conditions de la ratification de l'accord d'association. Pour que l'accord puisse être ratifié, il faut que 27 parlements votent en sa faveur. Dans les conditions actuelles, il sera impossible d'obtenir une telle approbation
Il faut donc soutenir la société civile, qui joue un rôle très actif en ce qui a trait à la surveillance des élections... Il faut surveiller les élections depuis le tout début du processus, et il faut surveiller l'enregistrement des candidats, car certains d'entre eux sont victimes d'intimidation. L'accès aux médias est un autre élément très important. Ainsi, il faut surveiller non seulement l'élection proprement dite, mais également le processus préélectoral et la campagne électorale. C'est très important
À long terme, il est également important de soutenir une société indépendante, des groupes de réflexion indépendants, des universités indépendantes, etc. À mon avis, une partie des fonds de développement devrait être utilisée pour soutenir la constitution d'une société indépendante plutôt que pour soutenir des projets économiques spectaculaires.
En ce qui concerne l'avenir du pays, sur le plan géopolitique, l'Ukraine subit actuellement d'énormes pressions de la Russie. Celle-ci veut faire obstacle à la conclusion de l'accord d'association, mais si l'Ukraine parvient à se moderniser, si elle réussit à réaliser ses aspirations européennes, je crois que cela constituera un très bon modèle pour la Russie, pour toutes ces forces qui sont en Russie et qui, bien qu'elles soient minoritaires, luttent pour la démocratisation et la modernisation de la Russie, et l'instauration de la primauté du droit dans ce pays. Bien sûr, si l'Ukraine échoue, les conséquences seront désastreuses, car cela ravivera la nostalgie de l'empire et le désir d'une extension de son influence.
Merci beaucoup.
Je m'appelle James Sherr. Je suis agrégé supérieur de recherches, programme Russie et Eurasie de la Chatham House, le Royal Institute of International Affairs de Londres.
Monsieur le président, distingués membres du comité, on m'a demandé de parler des mesures qu'a prises la Russie en réaction à la politique européenne de l'Ukraine. Ces mesures peuvent être qualifiées de la manière suivante: proactives, multidimensionnelles et hostiles.
L'intégration à l'Union européenne représente un choix de civilisation, et la réussite de cette intégration aurait des répercussions sur la civilisation, non seulement en Ukraine, mais également en Russie. Pour la classe dirigeante russe et la majeure partie de la société russe, l'Ukraine est une composante de l'identité de la Russie. Cette vision des choses est partagée aussi par les opposants les plus libéraux au régime Poutine — ils adhèrent fidèlement à l'axiome énoncé par Vernadsky selon lequel la démocratie russe prend fin là où la question ukrainienne commence.
Au sein de l'État intolérant que représente la Russie d'aujourd'hui, la politique identitaire représente un élément fondamental de la politique étrangère du pays, et a pour effet d'aggraver tous les autres problèmes qui caractérisent les relations entre l'Ukraine et la Russie, par exemple les problèmes géopolitiques, géoéconomiques et commerciaux, et ceux liés à la sécurité.
Un autre sujet que j'aimerais aborder est celui de l'Union européenne — l'UE — proprement dite. Au cours des 10 dernières années, le point de vue de Moscou à propos de l'UE a résolument changé pour le pire. Dans les années 1990, le renforcement de l'UE était vu d'un bon oeil, car celle-ci était considérée comme un contrepoids géopolitique à l'OTAN et aux États-Unis. À présent, les Russes comprennent, à juste titre, que l'UE est d'abord et avant tout un projet et un mécanisme d'intégration fondés sur un modèle sociopolitique et opérationnel différent de ceux qui prévalent dans les États de la Russie postsoviétique, voire contraire à ceux-ci. Le modèle prédominant dans les États de la Russie postsoviétique est fondé non pas sur les marchés, mais sur les réseaux; il est axé non pas sur les consommateurs, mais sur les producteurs; son système de valeurs est fondé non pas sur la concurrence, mais sur le monopole; il repose non pas sur le droit de propriété et l'intégrité judiciaire, mais sur les relations patron-client, sur un ordre juridique laissant place aux négociations et sur un système où le milieu des affaires et les structures de pouvoir entretiennent des relations privilégiées à tous les échelons.
En outre, il s'agit d'un modèle fondé sur la cohabitation et l'argent — des sommes astronomiques d'argent —, moyens que l'on utilise non seulement pour récompenser les membres des réseaux qui soutiennent le modèle, mais également pour permettre à ces réseaux de prendre de l'expansion, et pour miner le système de valeurs axé sur les règles des États membres de l'UE et leurs structures de réglementation.
L'avant-dernier point que je veux soulever est le suivant: malgré tout ce que j'ai dit, le principal obstacle à l'intégration de l'Ukraine à l'UE est non pas la Russie, mais l'Ukraine elle-même, plus particulièrement le régime Ianoukovitch et les intérêts qui le soutiennent. Le président Ianoukovitch est indifférent à sa propre incapacité de comprendre les prémisses sur lesquelles se fonde l'intégration à l'UE. À ses yeux, cette intégration représente l'accès à des marchés, et non pas une occasion de procéder aux changements qui permettraient à l'Ukraine d'exploiter ces marchés dans son propre intérêt.
Il ne fait aucun doute que Ianoukovitch préférerait la conclusion d'un accord d'association avec l'UE à une intégration à la CEI, union douanière parrainée par la Russie. Toutefois, ce qui est encore plus certain, c'est que Ianoukovitch préférerait être président d'une Ukraine qui réintégrerait le giron russe que de ne plus être président d'une Ukraine qui intégrerait l'UE.
En raison des contraintes de temps, j'aborderai mon dernier sujet — qui concerne ce que le Canada peut faire — durant la période des questions et réponses.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Sherr.
Nous allons maintenant entendre le dernier témoin, M. Piontkovsky.
Vous avez cinq minutes, monsieur.
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Andrei Piontkovsky. Je suis agrégé supérieur de recherches à l'Académie des sciences de Russie, et membre du corps exécutif du mouvement Solidarnost, qui s'oppose au régime Poutine.
Je suis arrivé de Russie tout juste après la prétendue élection organisée par le régime Poutine. Il s'agissait non pas d'une élection, mais une d'opération spéciale menée par le régime corrompu de Vladimir Poutine afin de permettre à ce dernier de rendre légitime son règne à vie. Cette prétendue élection a été falsifiée bien avant le jour du vote; à cette fin, on a commencé par empêcher tout membre de l'opposition de se porter candidat à la présidence. Poutine a lui-même sélectionné quatre bouffons à qui il a demandé d'orchestrer cette opération spéciale.
Durant cette opération, on a énormément parlé de l'Ukraine. Le principal slogan de la propagande de Poutine était le suivant: « Arrêtez la peste orange ». Ce régime a tenté de présenter la révolution orange ukrainienne comme un complot occidental — plus particulièrement américain — visant à démanteler l'Ukraine, la Russie et les autres États de l'ancien empire soviétique.
Des auditoires américains et occidentaux m'ont souvent demandé de leur dire ce qu'ils pouvaient faire pour appuyer la cause de la démocratie en Russie. Chaque fois, je leur ai répondu qu'il était plutôt difficile d'aider la Russie. Il s'agit d'un pays extrêmement vaste. Le moyen le plus efficace d'aider la Russie est d'aider l'Ukraine. Aidez l'Ukraine, aidez-la à devenir un exemple montrant qu'il est possible de créer une solution euro-atlantique. Cet exemple de réussite deviendra le principal argument de ceux qui, à l'intérieur de la Russie, mènent une lutte contre les ennemis de la démocratie. Toutefois, les pays occidentaux, plus particulièrement ces secteurs de premier plan de l'UE que sont la France et l'Allemagne, ont fait tout leur possible durant la présidence de Iouchtchenko pour que les aspirations européennes du peuple ukrainien s'estompent.
La recommandation que je formule à l'intention des distingués membres du comité des affaires étrangères est semblable à celle formulée par mon collègue polonais: fournissez de l'aide dès maintenant. Aidez la démocratie ukrainienne, sur le plan tant moral que politique, à remporter l'élection parlementaire qui sera tenue cette année. Dans la Russie d'aujourd'hui, le discours politique du régime Poutine n'a plus cours — son système corrompu s'est aliéné tous les éléments créatifs de la société, mais il est tout de même parvenu à conserver le pouvoir. Dans un tel contexte d'instabilité, la réussite de notre allié sur la route de la démocratie et de l'intégration européenne sera déterminante, non seulement pour l'Ukraine elle-même, mais également pour la Russie et pour tous les États de l'ex-URSS.
Merci.
Merci.
Je remercie les témoins. Je dois suspendre la séance. Nous devons participer à des votes dans 12 minutes, Avec un peu de chance, nous serons de retour vers 16 h 30.
Merci beaucoup. Je vous présente de nouveau nos excuses. C'est la dernière fois que je présenterai des excuses en raison des cloches, mais je souligne qu'elles sonneront de nouveau, probablement dans trois ou quatre minutes. Nous allons tenter de mener le plus grand nombre de tours de questions possible. On entendra de nouveau la sonnerie de 30 minutes, ce qui chambardera le reste de l'après-midi.
Nous allons commencer immédiatement. Il s'agira d'un tour de cinq minutes, et nous procéderons par alternance, le plus rapidement possible. Les cloches sonneront de nouveau. J'aviserai simplement les témoins du fait que nous poursuivrons pendant environ 15 minutes. Nous allons poser le plus grand nombre de questions possible. Ensuite, nous devrons probablement conclure la séance, vu que nous allons nous replonger là-dedans une fois de plus.
Je vais demander à Mme Latendresse de lancer le premier tour. Vous avez cinq minutes.
[Français]
J'aimerais commencer par vous dire diakuyou douje, merci beaucoup.
[Traduction]
Merci beaucoup de votre exposé.
[Français]
Et merci d'avoir été présents aujourd'hui pour nous expliquer cela.
Tous ceux qui sont intéressés à répondre pourront le faire.
Pensez-vous que l'Occident devrait concentrer ses efforts sur un seul pays de la région, lui accorder son appui et espérer que la transition vers la démocratie finisse par amener à la démocratie les quatre autres pays qui sont autour — la Moldavie, l'Ukraine, la Biélorussie et la Russie?
Pensez-vous qu'il serait mieux de se concentrer sur un pays en particulier, plutôt que de diviser les efforts? On peut voir que c'est ce qui se passe au Caucase, car la Géorgie, qui est de plus en plus démocratique, aide les deux autres pays de cette façon à se diriger vers la démocratie.
J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus, si c'est possible.
Merci.
[Traduction]
Permettez-moi de vous dire d'abord ce qui suit:
Bien sûr, nous devrions protéger la Moldavie, l'Ukraine, la Géorgie et les pays baltes contre les nouveaux plans de M. Poutine, qui veut procéder à ce qu'il appelle une expansion de l'ex-URSS, qu'il est convenu d'appeler la CEI, l'union douanière ou une autre union eurasienne.
Qui plus est, en Ukraine, nous croyons actuellement que, de concert avec nos amis de Géorgie, de Lituanie et de Moldavie, nous pourrions créer une sorte d'ONG — les amis de la démocratie — qui compterait des membres de tous ces pays. Certes, la Moldavie et l'Ukraine s'opposent actuellement l'une à l'autre, mais il n'en demeure pas moins que la mobilisation de la société civile — les ONG — de l'Ukraine et de celle de Géorgie constitue le meilleur moyen de répliquer à tout projet d'expansion envisagé par l'administration Poutine.
Merci de la question.
Bien entendu, comme je suis Ukrainien et que je vis en Ukraine, je préférerais que nos amis concentrent leurs efforts sur l'Ukraine. Plus sérieusement, j'aimerais dire que, après la victoire de la démocratie, c'est l'Ukraine qui a entrepris d'unir et de coordonner les pays partageant les mêmes valeurs démocratiques qu'elle dans toute la région s'étendant des pays baltes à la mer Noire en passant par la mer Caspienne. De concert avec la Géorgie, l'Ukraine a créé la communauté que l'on appelle la Communauté du choix démocratique.
Ce que je tente de dire, c'est que plus vous déploierez d'efforts afin de soutenir la démocratie en Ukraine — le plus grand pays de la région et de l'Europe —, mieux ce sera.
Merci.
Dans quelque pays que ce soit, on ne devrait jamais laisser tomber les forces qui luttent pour la démocratie et la liberté. Toutefois, à ce moment-ci, en général, si vous jetez un coup d'oeil à la carte, vous constaterez que l'Ukraine est le pays le plus vaste, et j'estime que l'aide étrangère peut véritablement constituer l'élément décisif. Ainsi, j'oserais dire que, dans cette région du monde, l'Ukraine est un élément clé de la transformation démocratique.
[Français]
On nous dit souvent que, pour améliorer la démocratie en Ukraine en particulier, l'idéal serait de donner un appui direct à la société civile. Cela nous permettrait, comme par effet de pyramide, d'y implanter la démocratie par après.
Où pourrions-nous concentrer nos efforts, au sein des groupes civils, pour améliorer la démocratie en Ukraine?
[Traduction]
Merci de la question. De fait, la société civile ukrainienne est un facteur très important de la démocratisation de l'Ukraine. La victoire de la démocratie en Ukraine à l'issue de la révolution orange est attribuable au fait que la société civile était bien établie. Bon nombre d'analystes avaient des doutes quant au degré de maturité de la société civile ukrainienne avant 2004, mais cette année-là, il a été démontré que la société civile était très solide dans ce pays, et qu'elle était un rouage très influent de la démocratisation de l'Ukraine.
J'aimerais dire que nous nous attendons à ce que le gouvernement et le Parlement du Canada soient suffisamment empressés à soutenir la société civile ukrainienne, qui a besoin de ce soutien, surtout si l'on tient compte des tendances antidémocratiques des autorités actuelles.
Merci.
C'est tout le temps dont nous disposions. Je vous présente mes excuses. Nous allons passer au prochain intervenant.
Monsieur Dechert, vous avez cinq minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de ces renseignements très importants.
J'ai quatre questions à poser à quatre personnes différentes. Je vais les formuler, et je vous laisserai y répondre à tour de rôle.
Ma première question s'adresse à M. Tarasyuk.
Monsieur Tarasyuk, vous avez mentionné l'indice de Freedom House. Cette organisation attribue aux pays une cote liée à la liberté de la presse, et la cote de l'Ukraine à cet égard est passée de « libre » à « partiellement libre ». Vous pourriez peut-être exposer les motifs de cette évaluation.
Ma question suivante s'adresse à M. Swiecicki. À votre avis, si Ioulia Timoshenko et M. Loutsenko sont toujours en prison en octobre, peut-on affirmer que les élections qui se tiendront ce mois-là sont justes?
Monsieur Sherr, vous avez dit que vous aviez quelques recommandations à formuler quant aux mesures que le Canada pourrait prendre pour offrir de l'aide. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
Ma dernière question s'adresse à M. Nalyvaichenko. Vous avez dit que l'Ukraine avait besoin d'une société civile solide. Le gouvernement du Canada soutient la société civile ukrainienne par le truchement de l'ACDI. L'un des programmes — d'une valeur de 5,6 millions de dollars — exécutés par cet organise vise à lutter contre la corruption. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de cela, et ce que nous pouvons faire d'autre pour aider l'Ukraine.
Freedom House est une prestigieuse ONG internationale. Je suis de près ses activités depuis bon nombre d'années. Je crois que Freedom House a effectué une évaluation objective de la situation qui règne en Ukraine en ce qui a trait au respect des droits de la personne. En 2010 — c'est-à-dire deux ou trois mois après l'arrivée au pouvoir du nouveau président et d'un nouveau gouvernement —, une multitude d'analystes se sont demandés pourquoi les autorités ukrainiennes étaient parvenues si rapidement à gâter la relation que le pays avait nouée avec des institutions démocratiques comme l'Union européenne et le Conseil de l'Europe.
Permettez-moi de vous rappeler que la première résolution fondamentale adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe en ce qui concerne l'état critique de la démocratie en Ukraine date d'octobre 2010. Le 25 novembre, le Parlement européen a approuvé cette première résolution.
Il n'aura fallu que neuf mois aux nouvelles autorités — menées par Ianoukovitch — pour gâter les relations de l'Ukraine avec la communauté des pays démocratiques — son prédécesseur — en fait, celui qui a précédé son prédécesseur, à savoir Leonid Koutchma — avait mis six ans pour faire la même chose. Il avait fallu six ans à M. Koutchma pour ruiner les relations nouées avec les institutions démocratiques, et Ianoukovitch a accompli le même exploit en quelques mois.
Non, les élections ne peuvent pas être considérées comme entièrement justes en raison de l'emprisonnement de Ioulia Timoshenko et de Yuri Loutsenko. Cela ne fait aucun doute, mais il se peut qu'elles soient suffisamment justes pour permettre la ratification de l'accord d'association et constituer le Parlement qui abrogera les dispositions du code pénal en vertu desquelles Ioulia a été déclarée coupable.
Nous devons persuader les forces qui ont tout avantage au maintien du statu quo tant en Russie qu'en Ukraine du fait que leur modèle socioéconomique et opérationnel est non seulement nuisible, mais également improductif. En septembre, au moment de lancer un raid touchant 20 entreprises affiliées à Gazprom, l'UE a déjà pris une mesure essentielle, à savoir la reconnaissance des lois, des règles et des normes de l'administration ukrainienne.
Je crois que le Canada possède l'expérience et l'autorité requises pour justifier l'initiative consistant à faire cela à grande échelle. Il s'agit de la chose la plus efficace que nous puissions faire, et cela enverra un message clair aux personnes qui sont au pouvoir dans ces pays. À mon avis, c'est là-dessus que nous devons concentrer la plupart de nos efforts.
Permettez-moi de mentionner que je suis d'accord avec M. Sherr pour dire que cette méthode peut avoir beaucoup d'influence — on peut également mentionner les enquêtes sur le blanchiment d'argent ou la corruption.
Cela dit, je vais répondre à la question que m'a posée l'honorable parlementaire.
À l'heure actuelle, la meilleure chose à faire consiste à soutenir l'ACDI, et à revoir ses méthodes et ses outils, c'est-à-dire la manière dont elle s'y prend pour soutenir les ONG et la société civile dans mon pays. Entre autres priorités, je mentionnerais les ONG qui luttent pour la tenue d'une élection juste. Il est également important de ne pas attendre les élections d'octobre pour prendre des mesures — il faut commencer dès maintenant à diffuser des renseignements concernant les préparations, les fraudes possibles, au moyen de cours de formation et d'outils de communication, voire de sites Web destinés aux Ukrainiens. Nous devons commencer dès maintenant à oeuvrer pour la tenue d'élections justes — il ne faut pas attendre le jour du vote pour le faire.
Une autre priorité que j'aimerais mentionner est la suivante: il faut soutenir les organisations de la diaspora ukrainienne. Nous devons réexaminer ce qui s'est passé, et revoir notre façon de protéger la démocratie. La meilleure option consiste à commencer par les organisations de la diaspora ukrainienne présentes au Canada, aux États-Unis, en Argentine et dans le reste du monde. Pourquoi? Parce que ces gens connaissent notre pays. Ils parlent notre langue. Ils savent à quel point il est important de soutenir un projet comme celui de la célébration de l'anniversaire des forces insurgées ukrainiennes. Cela pourrait permettre d'indiquer clairement à M. Poutine et à son administration que l'Ukraine est un pays indépendant. Nous aimerions que l'Ukraine demeure ukrainienne, qu'elle soit un pays européen possédant ses propres héros et sa propre histoire. Dans certains cas, cela pourrait constituer un moyen sûr et efficace d'instaurer et de protéger la démocratie dans ce pays.
Merci.
Merci, monsieur le président, et merci à vous, messieurs, d'être ici aujourd'hui.
Ce qui s'est dit jusqu'à maintenant est très intéressant. Je regrette que les votes et la cloche ne cessent d'interrompre ce qui serait autrement une conversation très intéressante à écouter pour les Canadiens. Ces séances sont télévisées. C'est donc important, non seulement pour les Canadiens d'origine ukrainienne, qui ont naturellement un intérêt profond à l'égard de l'évolution des droits de la personne et de la démocratie en Ukraine, mais également pour les autres Canadiens, qui ne connaissent pas aussi bien qu'ils le devraient la relation qu'entretiennent le Canada et l'Ukraine, ainsi que le rôle que le Canada peut jouer à l'appui de la société civile, de la démocratie et des droits de la personne en Ukraine.
Nous avons beaucoup entendu parler des problèmes du gouvernement actuel et de l'administration actuelle en Ukraine. C'est évidemment une source de préoccupation. L'un des problèmes dont nous entendons parfois parler, c'est le fait que l'opposition est fragmentée. Je parle de l'opposition politique qui pourrait servir de contrepoids au pouvoir du président en poste. Je me demande si vous entrevoyez la possibilité qu'une opposition plus unie se constitue, une opposition mieux coordonnée.
Ma deuxième question découle directement de celle qu'Alexandrine a posée en lien avec la société civile. Nous avons entendu dire que, parfois, en l'absence d'une opposition efficace et libre, la société civile comble les lacunes. Je me demande si vous pourriez nous dire qui seraient les dirigeants de cette société civile. Qui pourrait jouer le rôle de partenaire des groupes canadiens, de l'ACDI et d'autres organisations qui veulent contribuer au progrès en Ukraine?
Enfin, si quiconque connaît quelqu'un au sein du gouvernement actuel qui pourrait être ouvert à des réformes constructives, à des réformes réelles qui permettraient les changements dont nous avons entendu parler lundi, nous aimerions que vous nous en parliez. Y a-t-il au sein du gouvernement actuel des gens qui pourraient souhaiter travailler avec les parlementaires canadiens ou d'autres groupes en vue de réaliser cet objectif?
Merci de vos questions concernant l'opposition. Il est malheureusement vrai que l'opposition ukrainienne était fragmentée. Je ne vais pas me concentrer sur les raisons maintenant, mais c'était le cas. Malheureusement, il était nécessaire d'arrêter Ioulia Timochenko pour que tous les autres membres des forces démocratiques en arrivent à la conclusion que nous devons nous unir. Le surlendemain de l'arrestation de Ioulia Timochenko, l'opposition, dont je faisais partie, a signé une déclaration concernant la création du comité contre la dictature en Ukraine. Le comité est actif depuis août de l'année dernière. Nous avons déjà transmis beaucoup de messages très importants à la société ukrainienne.
Depuis les élections de 2004, nous sommes témoins du fait que la majorité des électeurs ukrainiens appuient les démocrates. C'est une tendance. Que doivent faire les dirigeants de l'opposition? Le comité réunit 11 partis opposés à la dictature, ce qui démontre à nos partisans — la majeure partie des électeurs en Ukraine — que nous sommes capables de nous acquitter de nos responsabilités devant le pays. Heureusement, nous le faisons très bien. Nous prévoyons gagner les élections parlementaires qui vont avoir lieu en octobre 2012. Notre objectif est de présenter un candidat pour chacun des districts d'élection à la majorité, un candidat de l'opposition. Les autres seront vus comme les représentants des autorités.
Un autre objectif, c'est de préparer une seule liste pour le parti. Les élections vont être mixtes: 50 p. 100 pour la liste de partis et 50 p. 100 pour le district d'élection à la majorité. Notre objectif est d'établir une liste de partis unifiée. Quatre partis ont déjà signé des ententes, y compris le mien, le Roukh ou Mouvement populaire d'Ukraine, afin de présenter leurs candidats sur une seule liste de partis fondée sur le Batkivshchina, le parti de Ioulia Timochenko. Nous espérons que d'autres vont se joindre à nous et que nous allons ainsi présenter une seule liste de candidats. Pour nos partisans, qui forment la majorité, il sera plus facile de savoir pour qui voter.
Merci beaucoup. Je suis désolé, monsieur, vos cinq minutes sont écoulées.
J'ai demandé au comité. Il a été suggéré que nous revenions à 17 h 15. Je pense que c'est ce que nous allons faire. Nous avons fait tant de chemin que nous devons utiliser le temps que nous avons le mieux possible.
Monsieur Hawn, vous avez cinq minutes. Nous allons terminer, puis nous recommencerons tout à l'heure.
Dobry den moj Ukrainski druze.
À mes amis polonais: dzien dobry przyjaciel .
À mes amis russes: zdravstvujte!
Monsieur Sherr, je me demandais si vous pouviez fournir vos recommandations par écrit au comité — les mesures que vous pensez que le Canada devrait prendre, et ainsi de suite. Pourriez-vous en parler un peu?
Excellent. Ce serait parfait.
Monsieur Piontkovsky, vous qui êtes russe, jusqu'où Vladimir Poutine ira-t-il selon vous? Pensez-vous qu'il ferait quelque chose de semblable à ce qu'il a fait en Géorgie?
Eh bien, à en croire ses discours, il pourrait aller très loin.
Il a fait son soi-disant discours de victoire le soir du 1er mars, et il était presque hystérique, avec les larmes aux yeux. Il n'a pas parlé de sa victoire contre Ziouganov, Jirinovski et les autres. Il a parlé de leur victoire sur « eux » et dit qu'« ils » cherchaient à détruire la mère patrie russe. Ce « ils » incluait les États-Unis en particulier.
Il déteste sincèrement l'Occident, peut-être d'abord et avant tout parce qu'il s'agit d'un exemple d'un autre modèle politique et économique, et, assurément, il déteste tout particulièrement la Géorgie, dont les Russes envient de plus en plus le succès. Il déteste l'Ukraine pour la Révolution orange et ce qu'elle a généré.
Ce que je pense, personnellement, c'est qu'il ne peut pas oser lancer des opérations militaires aériennes, et je vais vous expliquer pourquoi. L'Occident a énormément de pouvoir sur lui. Ce pouvoir, non seulement sur lui, mais sur l'ensemble de la kleptocratie poutinienne, vient des comptes bancaires où se trouvent plusieurs milliards de dollars, des biens et des actifs immobiliers en Occident, aux États-Unis et ainsi de suite. Tout cela est connu, bien connu, non seulement des services spéciaux des pays occidentaux, mais aussi de tous les journalistes. C'est connu en Russie.
J'ai recommandé plusieurs fois à mes collègues occidentaux de tout simplement arrêter deux hommes ou de geler leurs comptes: le multimilliardaire Abramovitch, qui vit à Londres, et le multimilliardaire Timchenko, qui vit en Suisse. Personne n'ignore que ces deux hommes sont les pantins de Poutine et qu'ils gèrent son empire financier. Vous avez des lois contre le blanchiment de capitaux obtenus par l'intermédiaire d'activités criminelles. Il ne faut que la volonté politique des dirigeants occidentaux pour infliger un coup très important à l'empire financier de Poutine, et, par conséquent, à son empire politique et à ses ambitions politiques.
Je peux peut-être ajouter un petit quelque chose.
Monsieur Poutine a déjà commencé l'invasion. En Crimée, la flotte russe en Mer noire est déployée jusqu'en 2042. Des agents du FSB russes, jusqu'à 100 personnes, sont de retour à Sébastopol, encore une fois, en Ukraine. Jusqu'à 70 p. 100 de notre système bancaire dépend de la Russie. Jusqu'à 75 p. 100 des médias ukrainiens, télévision et autres, sont des médias russes.
C'était ma petite contribution à ce que M. Piontkovsky vient de dire.
Très rapidement, monsieur Tarasyuk, vous avez parlé du fait que vous aimeriez qu'il y ait une élection libre et juste, bien évidemment. Est-ce que vos lois électorales favorisent cela, ou devez-vous faire quelque chose à ce chapitre? Est-ce que vos lois électorales offrent la possibilité d'exiger la tenue d'élections libres, ou de tenir une élection?
Merci de votre question.
Je suis d'avis que les gens qui sont actuellement au pouvoir en Ukraine ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour modifier, pour adapter les lois électorales en fonction de leurs attentes et de leur volonté politique. Ils ont réduit les possibilités pour l'opposition, pour les forces démocratiques, en créant des conditions défavorables. Ils ont par exemple interdit aux partis de présenter des candidats en bloc. Ils ont fait passer le seuil de 3 à 5 p. 100.
Par ailleurs, ils ont en fait créé les conditions nécessaires, au moyen de l'appel constitutionnel, pour supprimer la disposition qui permettait, d'après la loi approuvée par la majorité et par l'opposition, à un candidat de se présenter de deux façons, c'est-à-dire dans un district d'élection à la majorité et selon le système proportionnel. Il est fort probable qu'ils vont modifier la disposition en question, par l'intermédiaire du tribunal constitutionnel, qui leur mange dans la main.
Je n'exclus pas le fait qu'ils aillent plus loin en modifiant la loi d'ici les élections. Ils l'ont fait pour les élections locales de 2010. Ils ont modifié la loi deux mois avant l'élection pour que les démocrates se retrouvent dans une situation très défavorable.
Merci beaucoup.
Chers collègues, vous disposez de cinq minutes avant le vote, alors je vais suspendre la séance encore une fois.
Nous serons de retour à 17 h 15, j'espère, alors à tout de suite.
Bienvenue encore une fois. J'ai l'impression que vous n'êtes jamais partis. Je suis content d'être de retour.
Nous allons poursuivre la période de questions. La cloche ne sonnera pas avant 18 h 40, alors s'il est possible de dépasser le temps prévu de quelques minutes, nous pourrions faire deux ou trois tours. Je pense que cela fonctionnerait probablement.
Nous ne vous retiendrons pas toute la soirée. Je vous le promets.
Nous allons maintenant revenir à l'opposition.
Madame Latendresse, vous avez la parole, pour cinq minutes. Merci.
[Français]
Ma question s'adresse à M. Swiecicki. Au début de votre présentation, vous avez mentionné la théorie prométhéenne qui date du rétablissement de l'État polonais, au début du XXe siècle. C'est assez incroyable de constater à quel point cette vieille idée est encore valable aujourd'hui dans un contexte d'Union européenne et de démocratie.
J'aimerais savoir quelles sont, grosso modo, les mesures prises par la Pologne pour aider la démocratie en Ukraine. De plus, est-il possible et souhaitable que le Canada coordonne ses efforts actuels avec ceux de la Pologne?
[Traduction]
Si j'ai bien compris votre question, vous me demandez quelles mesures sont prises en Pologne pour venir en aide à l'Ukraine.
Tout d'abord, il y avait beaucoup d'observateurs — un grand nombre d'observateurs, par exemple, durant la Révolution orange — et aussi énormément de soutien de la part de la classe politique polonaise à l'égard de la démocratisation. En outre, comme je l'ai dit, le président Kaczynski avait été invité à prendre part au comité international, ou à la table ronde, et il l'a fait, pour essayer de trouver une solution pendant la crise de la Révolution orange.
Il y a des centaines d'universités, de fondations et d'instituts polonais qui trouvent de bon goût d'avoir un programme et une relation de collaboration avec des associations, des fédérations et des fondations ukrainiennes dans le but d'inviter des étudiants ukrainiens et de leur offrir des bourses. Bien entendu, la Pologne étant encore un pays assez pauvre relativement aux pays de l'Union européenne, nous prenons diverses mesures au sein de l'Union européenne — un fonds de dotation pour la démocratie.
C'est un partenariat. Le programme Erasmus Mundus vise à accroître le rôle de l'Union européenne dans l'aide à la société civile ukrainienne, parce que, comme je l'ai dit, la capacité de la Pologne est trop petite comparativement à...
Ainsi, je pense que le Canada peut également promouvoir le soutien à l'Ukraine à l'échelle mondiale au sein de diverses autres organisations. Il peut également donner de l'ampleur aux programmes d'échange et aux programmes de bourses d'étude et de bourses de recherche. Il peut contribuer au financement, et soutenir les universités, les groupes de concertation indépendants et les fondations en Ukraine, et inviter des gens, par exemple, simplement pour accroître la capacité humaine à l'égard du fonctionnement de la démocratie ou du fonctionnement de l'économie dans les pays libres.
Bien entendu, le Canada pourrait aussi offrir un appui très important au processus de surveillance de l'élection qui commence.
[Français]
Selon vous, le fait d'ouvrir les portes, de faciliter l'accès aux pays occidentaux — le Canada en particulier — pour les jeunes Ukrainiens, Biélorusses et Moldaves ne pourrait-il pas couper l'herbe sous le pied des dictateurs et faire en sorte que la situation se démocratise? On sait que lorsque les jeunes s'impliquent, beaucoup de choses changent.
[Traduction]
Puis-je compléter ce que M. Swiecicki a dit? Il y a une assemblée interparlementaire Ukraine-Pologne. Il y a aussi une assemblée interparlementaire Ukraine-Pologne-Lituanie. Pourquoi n'y aurait-il pas une assemblée interparlementaire Ukraine-Pologne-Lituanie-Canada? C'est l'une des possibilités.
En ce qui concerne l'accès des jeunes gens au Canada, je pense que c'est une question très importante. C'est l'élément fondamental du changement positif dans tous les pays — que les jeunes aient la possibilité de visiter facilement d'autres pays démocratiques, et le Canada en particulier.
À cet égard, permettez-moi de vous raconter une anecdote. Pendant les deux périodes où j'ai été ministre des Affaires étrangères, c'est-à-dire en 2005 et en 2007, j'ai lancé un régime de voyage sans visa pour l'ensemble des citoyens des États membres de l'UE, du Canada et des États-Unis. À l'heure actuelle, tous les citoyens canadiens ont le droit de se rendre en Ukraine sans visa.
Il a fallu que je déploie beaucoup d'efforts pour obtenir un visa canadien afin de pouvoir venir ici et témoigner devant le comité. Ainsi, la personne qui a accordé à tous les citoyens canadiens un régime de voyage sans visa a reçu un visa pour un seul séjour. Je ne pense pas que c'est une attitude adéquate de la part du Canada.
Merci.
Merci. C'est tout le temps que nous avions. Nous allons revenir du côté du gouvernement.
Monsieur Bezan, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Je veux remercier tous les témoins des exposés qu'ils ont présentés aujourd'hui. Je sais que vous avez fait un long voyage pour être ici. Je suis fier de mes origines ukrainiennes, et je suis très heureux de voir qu'il y a des gens de l'Ukraine, de la Pologne, de la Grande-Bretagne et de la Russie qui militent pour la démocratie et la liberté en Ukraine.
Je sais que ma baba et mon gido ont quitté l'Ukraine il y a plus de 100 ans et n'ont jamais connu la démocratie en Ukraine. C'est la raison pour laquelle ils sont venus au Canada. Ma famille est très fière que l'un de ses membres travaille au Parlement du Canada aujourd'hui.
Je me suis rendu en Ukraine à titre d'observateur du processus électoral, et je suis très préoccupé au sujet des lois — du fait qu'elles soient même constitutionnelles et du fait qu'il y ait ou non une jurisprudence indépendante au sein du système judiciaire. Vous parlez de l'influence qu'a le gouvernement, que Ianoukovitch a auprès des tribunaux constitutionnels et du fait que cela va jouer sur le résultat des élections. Vous parlez d'observer de plus près ces élections.
J'étais là-bas avec nombre de mes amis, qui se sont joints à nous aujourd'hui, à titre d'observateurs à l'occasion de la dernière élection présidentielle. Ce que nous pouvons faire est limité, et s'ils continuent de changer les lois, comment allons-nous faire pour garantir que le processus est équitable et ouvert?
J'ai toujours été contre le fait qu'autant d'argent soit dépensé lorsqu'il y a des élections en Ukraine. Il n'y a pas de limite. On a dépensé autant d'argent en Ukraine à l'occasion de la dernière élection présidentielle, pour Ioulia Timochenko et pour Viktor Ianoukovitch, qu'au cours de la dernière élection présidentielle américaine. C'était un milliard de dollars. C'est atroce qu'on dépense des sommes de cet ordre alors qu'on aurait pu les dépenser de meilleure façon pour stimuler l'économie et créer des emplois et des possibilités de croissance économique en Ukraine.
Comment nous y prendre pour changer ces lois? Comment exercer cette influence, comme Canadiens? Je sais qu'il devrait y avoir une surveillance accrue et une supervision à long terme accrue du processus électoral et du système de la commission électorale, lequel est extrêmement partisan. À mon avis, il faudrait que ce soit un organisme gouvernemental tout à fait impartial.
Je vais demander à M. Tarasyuk et à M. Nalyvaichenko de parler de cela.
Monsieur Sherr, je vous remercie de vos commentaires très sincères sur ce que nous pouvons faire au sujet de l'influence russe en Ukraine. Vous pourriez peut-être parler de tout le rôle que les sociétés civiles peuvent jouer pour influer le cours des choses concrètement en Ukraine.
Merci beaucoup.
Je pense que tout ce que nous serons en mesure de faire pour établir des liens et des relations institutionnalisées au sein de la classe des entrepreneurs qui ont une petite ou une moyenne entreprise en Ukraine sera un énorme investissement dans l'avenir. Ces gens sont les mieux placés pour avoir un intérêt direct et concret à voir les normes européennes appliquées dans ce pays.
Nous connaissons tous beaucoup de représentants de ce groupe qui seraient tout à fait prêts à voir leur revenu diminuer de 40 ou de 50 p. 100 en échange du fait de ne pas vivre dans un pays où ils font l'objet d'intimidation, de pression et de harcèlement à toutes les semaines. Cette combinaison est nécessaire. Je pense que les efforts les plus utiles sont ceux qui correspondent aux intérêts directs des gens du pays et qui ne sont pas purement oecuméniques. Malheureusement, on fait très peu de choses dans ce domaine. Pour l'instant, ces gens ont une conscience politique très limitée, et je pense que c'est de là que la nouvelle génération de dirigeants va venir.
Merci.
Merci.
Je suis désolé, nous n'aurons pas suffisamment de temps pour vous deux, alors qui veut parler?
Monsieur Nalyvaichenko.
Merci.
Puisque nous parlons de lois, je pense que la meilleure position, pour l'instant, c'est d'être unis comme M. Tarasyuk l'a mentionné plusieurs fois, et d'être en contact et d'avoir un lien de collaboration avec des ONG qui souhaitent appuyer des élections démocratiques et justes. Pour cette année, en tout cas, nous sommes tout à fait sûrs que, si nous les appuyons, elles vont nous rendre la pareille pendant les élections. Je pense que le meilleur investissement — si vous me passez l'expression — dans la démocratie ukrainienne, c'est le fait que la communauté internationale appuie ce genre d'ONG en Ukraine.
L'Ukraine a besoin de changements dans ses lois — et de toutes les modifications que nous pouvons apporter — au cours d'une future législature, d'une nouvelle législature, en ce qui concerne la législation de lutte contre la corruption. Il faudrait combattre la corruption à l'aide de toutes les lois et de tous les textes législatifs. C'est une priorité pour une nouvelle situation dans une nouvelle législature.
Merci.
Merci beaucoup.
Voilà qui termine le deuxième tour. Il va falloir que nous nous dépêchions. Je suis désolé, monsieur Tarasyuk.
Nous allons commencer le troisième tour. Monsieur Opitz, s'il vous plaît.
Merci beaucoup.
Monsieur Nalyvaichenko, vous avez parlé de l'opposition. Je vais poser une série de questions assez rapidement, parce qu'il y a beaucoup de choses que j'aimerais faire verser au compte rendu en cinq minutes.
Vous avez parlé du fait que l'opposition soit unie. Pour les élections qui s'en viennent, cette union va être quelque chose de crucial. Si votre opposition est manifestement divisée, vous ne serez pas très efficaces.
Soit dit en passant, nous soutenons beaucoup des ONG. Les ONG sont exceptionnellement fortes ici, au Canada. La diaspora est exceptionnellement importante.
C'est ici que l'holodomor a été reconnu comme étant un génocide grâce au projet de loi de M. Bezan. La Ligue ukrainienne canadienne a exercé beaucoup de pressions, et c'est la raison pour laquelle vous êtes ici aujourd'hui, parce qu'elle a joué un rôle crucial à cet égard.
Vous avez aussi une jeunesse très active. Dans le cadre du Programme parlementaire Canada-Ukraine, nous avons reçu récemment des stagiaires ukrainiens, et ils étaient excellents. J'en ai accueilli une moi-même, et elle était brillante. Ce sont des jeunes très engagés. Ils sont au courant de ce qui se passe dans leur pays. Ils sont actifs, ils sont intéressés et ils sont à la recherche d'une orientation. Ils sont en quête de leadership. Ils sont jeunes, et ils ont besoin de cela.
Monsieur, comment allez-vous réunir une opposition crédible, et, en fait, une opposition qui a maintenant à combler le vide laissé par Ioulia Timochenko?
Tout d'abord, merci beaucoup. Permettez-moi de vous remercier, au nom de tous les Ukrainiens, de votre appui durant l'enquête sur le génocide des Ukrainiens par les Bolcheviques, par les communistes, en 1932 et en 1933 en Ukraine.
Le tribunal ukrainien, le tribunal de Kiev a rendu une décision concernant ce crime, et le verdict fait partie de notre législation. Le monde entier sait ce qui s'est passé dans notre pays, ce qui est arrivé à notre nation.
En ce qui concerne les éléments politiques de votre question — en Ukraine, je pense qu'il s'agit pour nous non seulement de dire à quel point il est important que les politiciens de l'opposition s'unissent, mais aussi que nous réalisions cette union et que nous créions les mécanismes nécessaires pour nous unir. Première chose, très efficace, la déclaration a été signée. Ensuite, nous avons signé un accord de soutien mutuel, et avons prévu des mesures et des événements communs pendant les élections. La prochaine étape devrait être l'opposition unie, combinée, dans les districts d'élection à la majorité absolue et dans le système d'élection partiel proportionnel de la part de l'opposition unie.
Je vais m'adresser à M. Tarasyuk très rapidement. En route vers Lviv en 2010, le premier ministre s'est arrêté à l'Université catholique ukrainienne et à la prison Lontski. On a dit après sa visite que le directeur de l'université et le directeur du musée avaient été harcelés et intimidés par le gouvernement.
Pouvez-vous faire un bref commentaire là-dessus, monsieur?
Eh bien, il n'y a rien à dire, si ce n'est pour exprimer des préoccupations au sujet de cette activité des autorités ukrainiennes. Cette tentative d'exercice d'un pouvoir sur les ONG et sur différents établissements a été condamnée par le Parlement européen et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
C'est inadmissible en démocratie.
Monsieur Sherr, à votre avis, combien d'observateurs le Canada devrait-il déployer pour la prochaine élection?
C'est une question qui dépasse mon champ de compétence. Je dirais simplement, le plus franchement du monde, qu'il devrait en déployer le plus possible.
Je dirais aussi — et c'est une chose que comprend maintenant pleinement l'OSCE — que ce qui est encore plus important que la surveillance efficace le jour de l'élection, c'est la surveillance dans la période qui précède, et le fait de comprendre les règles et les entorses qui sont faites à celles-ci pendant cette période très importante.
Monsieur Swiecicki — et je vais revenir à vous à la fin, monsieur, si j'ai un instant — la Coupe d'Europe qui sera organisée par le Canada et la Pologne cet été, comment — est-ce que j'ai posé une question que vous vouliez poser?
Quel est l'avantage de cela pour les deux pays? En quoi cette entreprise conjointe bénéficiera-t-elle à l'Ukraine et contribuera-t-elle éventuellement à la promotion de la démocratie?
Je ne suis pas convaincu qu'elle puisse contribuer beaucoup à la promotion de la démocratie, mais elle peut certainement contribuer à la promotion de l'Ukraine et de la beauté de diverses villes qui n'ont pas encore été découvertes par beaucoup d'Européens. J'espère que l'Ukraine recevra la visite d'un plus grand nombre de touristes et aura davantage de liens, après la Coupe d'Europe.
Monsieur Tarasyuk, vous vouliez dire quelque chose au sujet des observateurs du processus électoral.
Je voudrais vous rappeler que, en 2004, à l'occasion des élections présidentielles les plus spectaculaires, les ONG et les parlementaires canadiens étaient représentés au sein du plus important groupe d'observateurs étrangers, lequel comptait 1 500 membres. Nous nous attendons cette fois à ce que le Canada fournisse pas moins de 1 500 observateurs étrangers.
Des voix: Oh, oh.
[Français]
Je vous remercie tous de vos présentations et commentaires, qui étaient très intéressants. Cela fait ressortir à nouveau qu'en amont de la journée des élections, bien avant la journée même de l'élection, bien avant le travail d'observation électorale, il y a tout un travail de préparation à faire. Celui-ci est souvent très crucial, si ce n'est pas plus crucial que le travail préparatoire aux élections.
On a aussi mentionné un autre sujet à quelques reprises aujourd'hui. Il s'agit de la question d'une société civile active, saine et organisée qui a son mot à dire dans les choses de l'État.
On a entendu plusieurs commentaires relativement au fait de travailler avec les ONG locales dans le domaine de la préparation des élections. On a parlé de groupes de réflexion, de fondations, de jeunes et du fait que les médias sont contrôlés à l'étranger, pour une bonne part.
Bref, ma question, très large, s'adresse à l'ensemble d'entre vous. Si on voulait appuyer la société civile ukrainienne, selon vous, quels seraient les secteurs les plus cruciaux où il faudrait consacrer nos énergies?
[Traduction]
Permettez-moi de commencer par les ONG. Nous appuyons l'intégration euro-atlantique. Il y a beaucoup de gens en Ukraine, dans différentes régions de l'Ukraine, d'un bout à l'autre du pays, qui croient en cette intégration. C'est l'idée la plus populaire chez les jeunes Ukrainiens.
Tous les moyens et tout le soutien possibles devraient être mis à la disposition de ces ONG qui combattent la corruption, qui recueillent de l'information dans les collectivités, qui font du travail sur le terrain et qui exigent des autorités qu'elles agissent pour mettre fin à la corruption dans les districts. Nous devons également appuyer les ONG et les organisations de jeunes qui participent aux activités électorales, aux activités d'observation, et à toute activité légale dont le but est d'expliquer aux gens ordinaires la loi, la façon de voter, ce qu'il faut faire pour empêcher les actes de falsification, et toutes les choses du genre.
Pendant des années, la société civile ukrainienne a été fragmentée. Beaucoup d'ONG travaillaient de leur côté sans coordonner leurs activités. Récemment, les ONG de l'Ukraine se sont unies sous l'égide du Partenariat oriental, à l'échelle nationale. Des dizaines d'ONG ukrainiennes différentes tiennent maintenant leurs activités dans le cadre de cette plateforme nationale unique.
Il y a des ONG ukrainiennes qui sont expertes dans la surveillance de la mise en oeuvre ou de l'absence de mise en oeuvre des engagements pris par l'Ukraine, des engagements pris par les autorités, au pays. Tout ce qui peut être fait pour aider ces gens, y compris les choses importantes que Borys Tarasyuk a dites au sujet de la libéralisation des visas, sera extrêmement important.
Le Canada se trouve dans une situation unique pour ce qui est de sa capacité d'aider l'Ukraine à contrer la politique identitaire à laquelle se livre la Russie de façon énergique, qui consiste entre autres en une prétendue révision et une distorsion de l'histoire. Le Canada devrait appuyer les efforts des historiens ukrainiens impartiaux qui cherchent à faire connaître l'histoire réelle du pays aux gens et à générer des discussions apolitiques au sujet des controverses historiques. Le Canada peut assurément jouer un rôle crucial à cet égard, vu l'expérience et les connaissances de ses citoyens.
Merci.
Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir l'occasion de poser des questions de suivi.
Je sais que nous avons parlé des élections qui s’en viennent et que nous nous sommes beaucoup concentrés là-dessus. L’une des autres choses que le comité a abordées, ce sont les préoccupations concernant la situation actuelle des droits de la personne, le fait qu’il existe ou non des procédures judiciaires indépendantes et l’oppression de l’opposition politique et des médias. On a parlé tout à l’heure du fait qu’il faut que nous nous assurions de prendre des mesures contre les personnes qui influencent l’Ukraine de façon malveillante. Qu’il s’agisse de sanctions individuelles contre les gens qui le font en Russie — comme nous l’avons dit, les pantins de Poutine — ou encore que nous parlions ou non des principaux acteurs du régime de Ianoukovitch, ainsi que ceux qui font des entorses aux règles pour répondre à leurs propres besoins d’ordre politique et personnel.
Le Canada devrait-il prendre des mesures plus sévères à l'égard des personnes et aussi envoyer des messages clairs quant aux ententes globales que nous avons conclues avec l'Ukraine et celles que nous sommes en train de négocier, comme l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine?
C'est oui dans les deux cas, bien sûr, si vous voulez mon avis.
Le message le plus efficace et le plus clair que le Canada et les États-Unis peuvent envoyer à nos représentants — surtout à nos représentants du gouvernement, puisqu'ils sont surveillés de très près par les sociétés internationales d'application de la loi — c'est celui de la lutte contre le blanchiment d'argent à l'échelle internationale. Ce pourrait être la contribution cruciale des organismes d'application de la loi canadien et du gouvernement canadien, et, en même temps, bien sûr, du point de vue du G7 et du Canada, demander au gouvernement ukrainien de respecter ses obligations prises dans le cadre d'accords internationaux.
Quelqu'un d'autre veut dire quelque chose là-dessus?
Lorsque j'ai participé à la mission d'observation des élections de la Fondation Canada-Ukraine — Bohdan Onyschuk était ici —, nous avons présenté un rapport à Kiev, et nous avons remarqué la somme d'argent qui est utilisée pour influencer la politique ukrainienne. Il s'agit non seulement de publicité et de promotion des dirigeants politiques, mais aussi d'acheter une place dans les listes partisanes. Seulement les cinq ou six premiers noms sont publiés. On ne sait jamais qui a acheté sa place de député. Les gens paient pour devenir candidat.
J'espérais que, en procédant par voie de représentation directe, en offrant à chaque oblast la possibilité d'élire directement ses représentants, nous serions en mesure d'éliminer une partie de cette corruption. Vous dites que la façon dont les règles sont fixées — j'ai lu les règles et remis en question la constitutionnalité de la manière dont elles sont appliquées. Pouvons-nous revenir en arrière jusqu'à l'époque où les premières élections ont été tenues et où nous avions des régimes de représentation directe pour l'élection au Parlement et peut-être ainsi ramener un régime démocratique davantage occidental? Au début de l'histoire démocratique de l'Ukraine, après l'indépendance, les députés étaient élus de façon directe.
Au cours de nos 20 années d'indépendance, nous avons adopté tous les régimes électoraux qui existent. Nous avons d'abord adopté le régime purement majoritaire, dont le fonctionnement était gâché par ce que l'on a appelé la ressource administrative, et les autorités locales influençaient les résultats des élections. Le Parlement a alors décidé de créer un régime mixte d'abord, c'est-à-dire en proportions assez égales, une représentation proportionnelle et une représentation à la majorité. Il y avait beaucoup d'abus de pouvoir dans le cadre de ces élections, alors nous avons opté pour un régime purement proportionnel. Maintenant, les autorités ont décidé, pour leur bénéfice, qu'il serait préférable de revenir au régime mixte, c'est-à-dire moitié-moitié.
En Ukraine, peu importe le régime que l'on propose, il sera discrédité, en raison surtout de la faiblesse de la culture politique. J'aimerais être objectif, mais il me semble que les représentants du pouvoir en place, qui forment la majorité, sont responsables de cette faible culture politique et de ses mauvaises pratiques dans le domaine.
Merci.
Je n'en ai qu'une seule, et très brève, et permettez-moi simplement de commencer par dire que j'espère me rendre moi-même en Ukraine cette année, car j'aimerais vivre une expérience concrète. Winnipeg-Nord est essentiellement bâtie par notre communauté ukrainienne, et je suis très content de vous voir ici aujourd'hui.
Vous avez parlé du fait que 1 500 personnes du Canada sont allées en Ukraine pour la dernière élection. Je suis sûr que je pourrais intéresser suffisamment 1 500 personnes à Winnipeg-Nord.
Auriez-vous d'autres suggestions à faire, surtout pour les membres de la communauté ukrainienne qui s'intéressent à ce qui se passe dans leur pays d'origine et qui veulent pouvoir participer d'une façon quelconque? Y a-t-il d'autres moyens que vous proposeriez? Peut-être que c'est en passant par les églises, les églises ukrainiennes très fortes qu'on trouve un peu partout au Canada. Y a-t-il d'autres moyens que vous suggéreriez aux membres de la communauté ukrainienne et à d'autres pour qu'ils puissent exprimer leur soutien à l'Ukraine qui vivra cette année une autre élection? Pouvez-vous nous recommander quoi que ce soit?
J'ose dire que la communauté ukrainienne du Canada — et non seulement au Canada, mais partout dans le monde — comprend très bien qu'il est nécessaire d'aider la mère patrie à être démocratique. C'est la raison pour laquelle nous pouvons dire que, en raison de ce facteur, nous avons vu beaucoup de représentants ukrainiens durant la campagne présidentielle de 2004.
Je pense qu'il fallait attendre le troisième tour pour que l'on comprenne dans différents pays, y compris le Canada, que les élections de 2004 avaient bel et bien un caractère très dramatique et exigeaient une présence massive de gens capables d'effectuer une surveillance et qui connaissaient la langue, et il s'agit de la diaspora ukrainienne. J'ose dire que les élections parlementaires qui s'en viennent vont revêtir une signification qui ne sera pas moindre pour l'avenir de l'Ukraine que celle qu'ont revêtue les élections présidentielles de 2004. C'est la raison pour laquelle il faut que le plus grand nombre possible d'observateurs étrangers, de représentants de la société civile canadienne et de représentants de la communauté ukrainienne du Canada y participent.
Si je peux ajouter quelque chose, ce qui est à mes yeux très important, c'est d'organiser la surveillance du processus avant l'élection, et de l'organiser de telle sorte que les organisations qui effectuent la surveillance puissent rendre compte de tous les abus immédiatement et les rendre publics, de façon à ce qu'ils ne restent pas seuls avec leurs observations et que personne ne se soucie par la suite de ce qu'ils ont découvert durant le déroulement du processus électoral ou durant la campagne.
Le système doit être structuré d'une telle manière que tous les abus qui ont lieu au pays soient dénoncés immédiatement, qu'on diffuse l'information, qu'on les rende publics et que les gouvernements posent des questions — qu'est-ce qui se passe dans tel ou tel oblast? — immédiatement, sans attendre que l'élection soit terminée.
L'organisation de ce système est donc très importante maintenant comme forme d'appui aux organisations en Ukraine qui peuvent et qui souhaitent participer à la surveillance des élections.
Merci beaucoup.
Je tiens à remercier nos témoins et aussi nos invités d'aujourd'hui de la patience dont ils ont fait preuve lorsque nous avons dû aller voter, et je remercie aussi tous nos collègues.
Voilà qui termine la période de questions, et, encore une fois, merci beaucoup à vous tous d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui.
Merci.
La séance est levée.
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