:
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions l'objet des articles 174 à 199, Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, du projet de loi , Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposées au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en oeuvre d'autres mesures.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui. Nous accueillons Nadir Patel, sous-ministre adjoint et dirigeant principal des finances, Planification corporative, finance et ressources humaines, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Il ne s'agit pas de sa première présence devant le comité, et nous sommes heureux de le revoir.
Il est accompagné de Michael Small, sous-ministre adjoint, Équipe de transition, ministère des Affaires étrangères. Bienvenue à vous aussi.
Nous recevons également Vincent Rigby, vice-président, Direction générale des politiques stratégiques et du rendement, Agence canadienne de développement international. Soyez le bienvenu, monsieur.
Nous allons commencer par M. Patel, nous entendrons ensuite M. Rigby, puis nous verrons pour la suite des choses. Je vous cède la parole. Vous avez 10 minutes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les membres du comité.
Nous avons un bref exposé à vous présenter. Nous serons heureux de répondre ensuite à vos questions.
Le 21 mars, dans le cadre du Plan d'action économique 2013 du Canada, le gouvernement a annoncé la fusion de l'Agence canadienne de développement international — l'ACDI — et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international — le MAECI —, lesquels constitueront un nouveau ministère qui sera en mesure de mieux harmoniser nos politiques et nos programmes en matière d'affaires étrangères, de développement et de commerce. Comme mes collègues de l'ACDI et du MAECI, je suis heureux d'être ici ce matin pour étudier le projet de loi proposé qui, après avoir reçu la sanction royale, créera le nouveau ministère des Affaires étrangères, du Commerce international et du Développement.
Il est important de souligner que le projet de loi n'est qu'une première étape du processus de fusion enclenché par le budget de 2013. Au moment où le texte législatif est étudié par les deux chambres, une planification est en cours afin de déterminer la meilleure façon de réunir les services organisationnels offerts par les deux ministères sans pour autant perturber la poursuite des activités. En effet, les fonctionnaires de l'ACDI et du MAECI travaillent avec diligence pour veiller à ce que, lorsque le projet de loi recevra la sanction royale, toutes les conditions juridiques, administratives et financières soient remplies pour la mise sur pied du nouveau ministère, conformément aux règles du Conseil du Trésor. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais nous serons prêts à nous mettre immédiatement au travail.
Comme il est indiqué dans le budget de 2013, le développement international, l'atténuation de la pauvreté et l'aide humanitaire demeureront au coeur de la politique étrangère du Canada. De fait, ils constitueront une fonction centrale du nouveau ministère et permettront d'accroître l'incidence globale de nos activités.
L'atténuation de la pauvreté au moyen de l'aide au développement et la fourniture d'une aide humanitaire en situation de crise constituent une démonstration concrète des valeurs canadiennes, que le gouvernement continuera à défendre sur la scène internationale. À mesure que nous progresserons, le et le joueront, comme c'est le cas actuellement, un rôle important au moment de superviser et d'orienter la planification et la mise en place du nouveau ministère. Quant aux sous-ministres, ils assureront la supervision des activités journalières liées à la fusion.
Afin de contribuer à donner forme à la nouvelle organisation et de faire en sorte que tout se déroule aussi efficacement et harmonieusement que possible, on créera une équipe de transition qui collaborera étroitement avec toutes les personnes concernées et leur fournira d'essentiels éléments d'orientation. Nous espérons être en mesure de vous fournir, en temps voulu, de plus amples renseignements à ce sujet.
Je peux toutefois conclure mes observations en soulignant qu'il faudra plusieurs mois pour structurer les fonctions centrales du nouveau ministère et optimiser les synergies et la cohérence des politiques. Cela dit, je peux assurer les membres du comité que nous demeurons résolus à faire en sorte que ce processus soit le plus harmonieux possible tant pour les employés que pour les activités que nous menons au pays et à l'étranger. En effet, les leçons apprises de fusions antérieures de ministères au Canada, les pratiques exemplaires en la matière et l'expérience acquise à ce chapitre par d'autres pays sont prises en considération. Des intervenants externes et les employés seront consultés en cours de route. Au cours de la transition, le gouvernement continuera de tirer parti de toute occasion d'accroître l'efficacité et l'efficience de ses programmes et de ses activités.
Monsieur le président, je vais maintenant laisser la parole à mon collègue, Vincent Rigby qui, comme vous l'avez indiqué, est vice-président de la Direction générale des politiques stratégiques et du rendement de l'ACDI. Il vous expliquera de façon plus détaillée l'incidence qu'aura le projet de loi sur l'ACDI.
Monsieur Rigby.
Bonjour, mesdames et messieurs.
J'aimerais mettre en relief certains des éléments du projet de loi qui touchent plus particulièrement l'ACDI et la place qu'occuperont le développement et l'aide humanitaire au sein du nouveau ministère. Tout d'abord, d'après le projet de loi, l'aide canadienne visera encore à réduire la pauvreté et à apporter un soutien humanitaire, ce qui reflète les valeurs du Canada et notre engagement à changer les choses dans le monde. Le Canada continuera de jouer un rôle de premier plan au moment d'aider les populations les plus démunies.
Ensuite, pour la toute première fois, les rôles et les responsabilités dévolus au ministre du Développement international à l'égard du développement et de l'aide humanitaire seront inscrits dans la loi, de sorte que le développement sera sur un pied d'égalité avec le commerce et la diplomatie. Le projet de loi mentionne qu'un ministre du Développement international « est nommé », alors que la loi actuelle dit qu'un ministre « peut être nommé ». En outre, un poste de sous-ministre du développement international sera créé. Les personnes qui occupent les fonctions de ministre de la Coopération internationale et de président ou présidente de l'ACDI au moment de la sanction royale occuperont les postes de ministre du Développement international et de sous-ministre du Développement international au sein du nouveau ministère.
Selon le projet de loi, le ministre du Développement international aura pour responsabilité de favoriser le développement international durable et la réduction de la pauvreté dans les pays en voie de développement et de fournir de l'aide humanitaire en temps de crise, et ce, premièrement, en menant des activités relatives au développement international et à l'aide humanitaire; deuxièmement, en veillant à l'efficacité des activités du Canada en matière de développement international et d'aide humanitaire; troisièmement, en favorisant les relations avec les autres pays et les organismes menant des activités relatives au développement international ou à l'aide humanitaire; et enfin, en veillant à ce que la contribution du Canada à l'égard du développement international et de l'aide humanitaire soient conformes aux valeurs et aux priorités canadiennes.
[Français]
J'aimerais également attirer votre attention sur certaines des dispositions transitoires que renferme le projet de loi. Les fonctionnaires au service de l'ACDI à la date de la sanction royale deviendront automatiquement des employés du nouveau ministère.
En outre, les attributions actuelles du ministre de la Coopération internationale ainsi que du président et des fonctionnaires de l'ACDI continueront de leur être conférées une fois le nouveau ministère établi. Cette mesure assurera la continuité et une transition sans heurt au sein d'un ministère unifié.
Je vous remercie.
[Traduction]
Nous serons très heureux de répondre à vos questions.
Merci.
:
Merci, monsieur le président. Je vous remercie de me donner l'occasion de parler aux gens qui sont venus témoigner ce matin, mais je considère le processus actuel illégitime, même si nous acceptons d'y participer. Je ne crois pas qu'une loi de cette importance devrait être incluse dans un projet de loi omnibus. À mon avis, un changement aussi majeur devrait être étudié en détail par ce comité, et celui-ci devrait mener toutes les consultations nécessaires.
[Traduction]
À propos de consultations, monsieur le président, je tiens à dire que je suis quelque peu atterrée du fait que le comité n'entendra pas de représentant du CCIC — le Conseil canadien pour la coopération internationale —, principal organisme de coordination du secteur au Canada. Nous avons suggéré que des membres de cette organisation soient invités à témoigner devant le comité, mais je crois comprendre que cela ne sera pas le cas. Il s'agit d'un grave problème, qui vient s'ajouter à ceux dont s'assortissait déjà le processus.
Au fait, nous avons également demandé à ce que le se présente devant le comité. Il s'agit d'une chose très importante. Dans le passé, nous avions également demandé qu'il comparaisse devant nous pour parler du budget et de sa loi d'exécution. Il ne s'est pas présenté devant le comité depuis un bon moment, et je crois qu'il serait important qu'il le fasse, et qu'il serait responsable de sa part de le faire.
J'ai dit ce que je voulais dire à ce sujet. Je présente mes excuses aux témoins.
[Français]
J'ai cru qu'il était essentiel de faire valoir ces points.
Je vous remercie de vos présentations. Je pourrais vous poser des questions pendant plusieurs heures, mais je vais vous en poser une très brièvement, qui s'adresse à chacun de vous.
Quand vous a-t-on annoncé la fusion du MAECI et de l’ACDI?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie d'être ici. Je crois que notre discussion sera très intéressante et qu'elle permettra, du moins je l'espère, de mieux faire connaître aux Canadiens le travail colossal qu'effectue le gouvernement du Canada en matière de développement international et de les informer à propos des sommes qu'il consacre à l'aide humanitaire.
Mercredi dernier, je me suis présentée devant la Commission européenne pour le compte du Cabinet du premier ministre. J'ai annoncé que le gouvernement du Canada avait versé une somme de 75 millions de dollars pour soutenir le Mali. Le Canada fait partie des sept principaux pays donateurs, ce qui est véritablement remarquable. Nous versons beaucoup d'argent au Mali. Il s'agit d'un pays qui est au centre de nos préoccupations. En faisant l'annonce de ce financement, le Canada a une fois de plus prouvé sa générosité, qui s'inscrit dans la suite logique de ses activités en matière d'aide au développement et d'aide humanitaire.
Par exemple, au cours des deux ou trois dernières années, le Canada a créé le Fonds d'aide aux victimes de la sécheresse en Afrique de l'Est, dans lequel il a versé environ 142 millions de dollars, si je ne m'abuse. En outre, l'argent que nous avons versé à la région du Sahel au cours de la dernière année montre que nous avons pris les choses en main et reconnu à un stade précoce qu'il y avait des problèmes à régler. Nous avons fait notre part — nous avons versé sur le champ quelque 47 millions de dollars pour nous assurer de fournir de l'aide. Nous avons également fourni de l'aide humanitaire à la Syrie — une somme d'environ 80 millions de dollars. Cela n'invalide pas les activités de développement que nous menons. Nous continuons de mener ces activités parce que nous savons que nous devons mettre l'accent sur la consolidation à long terme de ces économies émergentes.
Monsieur Rigby, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais me concentrer sur le séjour que vous avez fait dans quatre pays pour vous informer de ce qui s'était passé là-bas. La semaine dernière, durant la conférence tenue à Bruxelles, je me suis entretenue avec des représentants de divers pays, notamment de ce petit pays qu'est la Finlande. Il y a plusieurs années, la Finlande a harmonisé ses activités en matière de développement et d'aide internationale avec les activités relevant du ministère responsable de la politique étrangère. L'Agence américaine pour le développement international et le Royaume-Uni ont fait la même chose il y a de cela plusieurs années.
Pouvez-vous nous fournir quelques précisions sur ce que vous avez appris et sur les pays où vous vous êtes rendu?
Excusez-moi, monsieur Small. Pouvez-vous nous dire comment se sont passées ces discussions avec des représentants de gouvernements d'autres pays et comment ils en sont venus à la décision qu'il s'agissait pour eux de la meilleure chose à faire?
:
Mon collègue, M. Rigby, aura peut-être quelque chose à ajouter, vu que j'ai bénéficié de maintes analyses effectuées dans le passé, et que l'organisation qu'il représente a organisé un voyage à l'étranger. Cette organisation de l'ACDI suit de très près ce que font tous les pays donateurs, y compris le Canada, et présente des rapports sur les leçons apprises au Comité d'aide au développement de l'OCDE. Ainsi, plutôt que de nous adresser à des représentants de la Commission européenne, nous avons fait de brefs séjours dans quatre pays, à savoir le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas et la Belgique — où nous avons rencontré des représentants du gouvernement national, établi à Bruxelles.
Avant cela, nous avons également eu une discussion brève, mais très productive, avec les ambassadeurs au Canada de ces quatre pays, de même qu'avec celui de la Suède, qui nous ont donné un aperçu de ce qui s'était passé dans leur pays.
Dans l'ensemble, cela s'est révélé fascinant. Chacun de ces pays a intégré l'aide au développement aux activités relevant du ministère des Affaires étrangères. La Belgique a fait cela il y a 10 ans, et les trois autres, il y a environ 20 ans, au début des années 1990. Ils l'ont fait à des fins de cohérence, et c'est pour les mêmes raisons que le gouvernement souhaite actuellement faire adopter le projet de loi qui nous occupe. Les gouvernements de ces pays ont reconnu que les activités d'aide au développement faisaient partie intégrante du rôle qu'ils jouaient à l'échelle internationale, et ils ont voulu faire en sorte qu'elles cadrent davantage avec leur politique étrangère. Plus récemment, plusieurs de ces pays procèdent également à une intégration de leurs activités en matière de commerce international. Par exemple, les Pays-Bas — pays donateur éminent et très efficace — ont décidé, il y a quatre mois, d'intégrer leurs activités en matière de commerce international à celles relevant du ministère des Affaires étrangères, ce qu'ils n'avaient pas fait auparavant.
Au Canada, les activités liées au commerce international et celles liées aux affaires étrangères ont été fusionnées au début des années 1980. Il s'agit d'une réalisation et d'un modèle importants sur lesquels nous nous appuierons et nous nous pencherons au moment d'établir les mesures qui doivent être prises pour intégrer et instaurer totalement le volet lié au développement une fois que le Parlement aura décidé d'adopter le projet de loi et que celui-ci deviendra une loi.
Tous les représentants que nous avons rencontrés nous ont dit que cela fonctionnait bien. Ils ont beaucoup insisté sur le fait qu'une décision n'est prise qu'une seule fois, qu'elle est ensuite mise à exécution, puis que, de façon inévitable, il y a toujours quelques mesures de réorganisation à prendre, selon les circonstances. Cependant, toutes les mesures de restructuration qu'ils ont prises au cours des 20 années suivantes visaient à susciter et à favoriser une plus grande cohérence et une plus grande cohésion. Ce qui s'est passé au Danemark constitue un très bon exemple. Là-bas, dans un premier temps, le ministère des Affaires étrangères a été scindé en deux: un groupe a été nommé responsable des pays du sud, à savoir les pays en voie d'industrialisation, et un autre, des pays industrialisés du nord où la démocratie est bien établie. Puis, il y a environ deux ans, on a décidé de procéder à une fusion afin de créer une structure beaucoup plus intégrée au sein de laquelle des gens s'occupent des activités liées au développement, à la politique étrangère et au commerce, sans égard au pays où elles sont menées.
Les représentants de la Norvège nous ont dit qu'ils avaient procédé à des changements de nature semblable parce qu'ils avaient pris conscience du fait que le monde était en train de changer. Les pays en voie d'industrialisation ne constituent plus un bloc homogène comme par le passé. Lorsque des organismes de développement comme l'ACDI ont vu le jour, le monde était clairement divisé entre pays du tiers monde et pays du monde industrialisé. Nous savons tous que les marchés émergents constituent une réalité complexe et intéressante. Les pays où le se rendra aujourd'hui et demain, à savoir le Pérou et la Colombie, sont des partenaires en matière d'aide au développement, des partenaires très notables en matière de commerce et d'investissement et d'importants acteurs de la scène politique.
Si les activités des fonctionnaires d'une organisation sont coordonnées, et si les ministres sont en mesure de collaborer les uns avec les autres au sein d'une politique étrangère intégrée, vous serez à même de mettre en oeuvre votre programme de façon plus efficace. Ainsi, le fait d'examiner l'expérience acquise dans ces pays s'est révélé un exercice pertinent.
Je pourrais ajouter quelque chose. Je ne veux pas prendre plus de temps pour répondre à la question, mais j'ajouterai, en ce qui concerne la question relative aux ressources humaines, que j'ai occupé le poste de sous-ministre adjoint des ressources humaines au sein du ministère des Affaires étrangères. Les représentants que nous avons rencontrés ont tous évoqué les ressources humaines et le fait de disposer d'une capacité plus intégrée pouvant contribuer à l'exécution de l'ensemble des diverses activités.
Je vais m'arrêter ici.
:
Je suis heureux d'être ici. Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie de vos exposés.
Oui, d'autres pays ont procédé à une telle initiative, mais la principale question est de savoir quelle sera, au bout du compte, l'incidence de la fusion des activités liées aux affaires étrangères, à l'aide au développement et au commerce international. Est-ce que l'on met davantage l'accent sur le commerce, au détriment de l'aide? Est-ce que quelques-unes des priorités clés disparaissent du fait que toutes les activités sont placées sous la responsabilité d'un seul ministère?
Mme Brown a parlé des sommes qui sont versées ici et là. Tout cela est très bien. Le fait de consacrer des sommes à l'aide est une très bonne chose, mais si cela n'est pas une activité à long terme... Dans le passé, j'ai joué un certain rôle dans des activités de l'ACDI, dans le programme Farmers Helping Farmers et dans d'autres activités du genre menées à l'étranger. En fournissant de l'aide, nous poursuivons des objectifs à long terme. L'aide a pour objet de réduire la pauvreté et d'aider des êtres humains.
Durant leurs déclarations préliminaires, M. Rigby et M. Patel ont semblé mettre l'accent sur les valeurs canadiennes. L'une des raisons pour lesquelles le gouvernement me préoccupe, c'est qu'il n'a pas énoncé sa vision, qu'il s'agisse de sa vision en matière de commerce — un jour, il insiste sur l'AECG, un autre sur le Partenariat transpacifique, et cette semaine, j'imagine qu'il privilégie l'Alliance du Pacifique vu l'endroit où le premier ministre se trouve en ce moment —, de sa vision en matière d'affaires étrangères ou de celle touchant l'aide.
Pourriez-vous nous expliquer clairement ce que vous entendez par « valeurs canadiennes »? Chacun a une vision différente de ce que sont ces valeurs canadiennes.
:
Je pourrais peut-être tenter en premier de répondre à cette question, monsieur le président.
Il y a deux ou trois choses que je pourrais dire à propos de ce que nous entendons par là. Tout d'abord, la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle — ou, comme nous l'appelons, la LRADO — comporte une définition de ces valeurs. Il y est question, entre autres, d'inclusion et de développement équitable. Il s'agit là d'un document à consulter si vous voulez disposer d'une définition.
Du point de vue de la politique étrangère du gouvernement du Canada et de l'aide au développement qu'il fournit, les valeurs canadiennes englobent, entre autres, la démocratie, la liberté, les droits de la personne et la primauté du droit, quatre valeurs qui sont généralement regroupées.
J'ai mentionné plus tôt la compassion, qui entre en ligne de compte, selon moi, du moment qu'il est question d'aide humanitaire.
De façon générale, c'est de cette manière que nous définissons habituellement les valeurs.
:
Je vous remercie, monsieur le président, et je vous remercie, messieurs, d'être ici ce matin.
Je constate que la décision stratégique que nous examinons est soutenue et approuvée par un assez grand nombre de diplomates et d'ONG, et que même les partis d'opposition y ont souscrit.
Colin Robertson, vice-président et agrégé supérieur de recherche du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute et ancien diplomate, a déclaré que la réintégration de l'ACDI au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international était une mesure judicieuse. Selon le Conseil canadien pour l'Afrique, la fusion de l'ACDI et du MAECI, si elle est réalisée de façon appropriée, sera profitable tant pour le Canada que pour ses partenaires. Même le chef de l'opposition, M. Mulcair, a dit que cela serait une bonne idée pour autant que le financement n'est pas réduit.
M. Axworthy, illustre ancien ministre des Affaires étrangères s'est exprimé en ces termes:
Je suis extrêmement favorable à l'initiative visant à mettre fin à l'indépendance de l'Agence canadienne de développement international et à placer ses activités sous la responsabilité du ministère des Affaires étrangères. Je félicite le gouvernement d'avoir pris cette mesure.
Même mon honorable collègue, la critique du NPD en matière de développement international, a fait part de son appui. De fait, elle a déclaré ce qui suit:
Disons les choses clairement: en principe, le fait de placer l'ACDI sous l'égide du MAECI n'est pas une mauvaise idée. En fait, ce type de mesure a donné de très bons résultats dans d'autres pays, notamment en Norvège, aux Pays-Bas et en Irlande, pays donateurs respectés et affichant un solide bilan.
Les propos tenus par les diverses parties intéressées indiquent très clairement que la fusion de ces trois ministères est une initiative judicieuse. Dans le cadre de ses activités, le comité a pu constater de façon évidente que, dans bien des cas, les objectifs du Canada en matière de commerce, de diplomatie et de développement sont déjà étroitement liés.
J'aimerais que M. Patel ou M. Small nous donne quelques exemples de situations où ses intérêts du Canada ont convergé
:
À mon avis, nos priorités en matière de développement et de politique étrangère sont déjà extrêmement harmonisées. Je crois que la fusion nous permettra d'aller un peu plus loin, de placer la barre plus haut, si je peux dire. Si vous passez en revue les objectifs généraux du Canada en matière de politique étrangère — à savoir la prospérité, la sécurité et la promotion de nos valeurs — à la lumière de quelques-unes des activités menées par l'ACDI, vous constaterez que nous les avons tous respectés.
En ce qui a trait à la prospérité, le comité a fait paraître un excellent rapport sur le secteur privé et la croissance économique durable. Lorsque nous menons des activités de croissance économique durable dans des pays en voie d'industrialisation, nous les aidons à s'extirper de la pauvreté. Nous les aidons à stimuler leur économie. Nous aidons les habitants de ces pays à sortir de la pauvreté. Sous l'angle du développement, tout cela est très bien, mais en faisant cela, nous créons également des marchés que pourront pénétrer les sociétés canadiennes et faisons la promotion des intérêts canadiens. Je ne crois pas que l'un exclue l'autre. En fait, j'avancerais que, de bien des façons, l'un renforce l'autre. Ainsi, je crois que nos activités de développement ont beaucoup contribué à la prospérité.
Pour ce qui est de la sécurité et de la stabilité, je pourrais vous fournir toutes sortes d'exemples de programme, mais je n'ai probablement pas le temps de le faire. En ce qui concerne la sécurité, là encore, j'estime que les initiatives de développement contribuent à régler à la source les conflits et les problèmes d'instabilité. Par conséquent, lorsque nous exécutons des programmes axés, par exemple, sur les enfants et les jeunes, l'éducation, la santé ou la démocratie, je pense que nous faisons effectivement la promotion de la stabilité et aidons à mettre en place les conditions qui empêcheront l'émergence de l'insécurité et de l'instabilité.
Enfin, je crois que bon nombre de nos activités favorisent l'instauration de nos valeurs, à savoir, comme je l'ai dit plus tôt, la démocratie, la liberté et la compassion. Au chapitre du développement, jetez un coup d'oeil aux activités que nous avons menées dans le cadre de notre initiative sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, initiative phare de l'ACDI depuis un certain nombre d'années, et à toutes nos autres activités d'aide humanitaire — tout cela montre notre compassion. Là encore, j'estime que cela a véritablement mis de l'avant nos valeurs. Cela contribue à jeter les fondements de la démocratie et des droits de la personne.
À mon avis, l'ACDI a fait beaucoup de bonnes choses, et le MAECI également.
:
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins de leurs exposés.
Une chose qui, je crois, est étonnante, pour bon nombre d'entre nous, c'est non seulement ce que ma collègue a dit par rapport à la façon dont le projet de loi est adopté... Évidemment, il ne vous appartient pas de faire un commentaire là-dessus. Ce n'est pas vous qui adoptez le projet de loi. Mais si on prend l'exemple du Royaume-Uni — et cela a été mentionné par M. Dechert — l'idée ne pose pas de problème pour nous. Ce qui est important, cependant, c'est la façon dont on procède aux consultations, les personnes qu'on consulte et les modalités du processus.
J'essaie de comprendre ce qui s'est passé ici, parce qu'il y a un projet de loi qui nous est présenté, et il s'agit d'un projet de loi budgétaire. Avec tout le respect que je vous dois, lorsqu'un projet de loi budgétaire est déposé, on ne permet évidemment pas de fuite au sujet de son contenu à moins d'avoir des motifs politiques de le faire. Il s'agit cependant de changer la structure du ministère. Lorsque le Royaume-Uni et nos voisins les Américains l'ont fait, ils ont procédé à de vastes consultations. Mme Clinton s'est occupée du dossier et a consulté beaucoup de monde.
J'essaie de comprendre ce qui s'est passé et pourquoi nous en sommes rendus au moment où il y a une équipe de transition en place. C'est très bien. C'est important du point de vue de la fonction publique. Nous avons devant nous un projet de loi enrubanné, enveloppé dans un projet de loi omnibus, mais où sont passées les consultations qui devaient avoir lieu avant que tout cela ne se fasse?
:
Je serais heureux de répondre à cette question. Dans les conversations que nous avons eues avec les représentants des pays que j'ai mentionnés, nous ne nous sommes pas penchés sur ce qui s'était passé auparavant, ce qui est exactement ce qu'ils ont fait au moment précis de la transition. Nous nous sommes penchés sur la façon dont ils ont assuré le bon fonctionnement des ministères intégrés. Les représentants des pays en questions nous ont aussi parlé sincèrement de ce qui n'avait pas bien fonctionné et de ce qu'ils avaient dû rajuster au fur et à mesure. En passant, deux ou trois de ces pays ont un organisme distinct qui est chargé de l'aspect technique — la Norvège, par exemple —, ils ont passé beaucoup de temps à expliquer les problèmes de délimitation des champs d'activité qui ont été créés par l'existence d'un organisme technique distinct du ministère des Affaires étrangères toujours chargé d'une partie du développement. Ce sont là quelques-uns des détails qui sont sortis de nos discussions.
Pour ce qui est de la planification de la transition, je commence à réunir des fonctionnaires des deux ministères que ce travail intéresse et qui l'appuient et qui mettent à contribution leur expertise et leurs connaissances concernant l'ensemble des activités potentielles du nouveau ministère. Évidemment, nous faisons cela au nom des ministres. Personnellement, je relève à la fois des sous-ministres des Affaires étrangères et de la présidente de l'ACDI pour l'instant, en tant que premier élément du noyau d'une équipe de transition. Il s'agit de tenir beaucoup de consultations et de discussions à l'interne, ainsi que de déterminer exactement quelles sont les ressources des organisations et où se trouvent les meilleures correspondances.
L'objectif, c'est la cohérence et la synergie. Il faut établir les structures qui vont permettre de les réaliser. C'est précisément là-dessus que nous travaillons en ce moment, dans la phase de planification. Il s'agit entièrement de préparation à l'adoption du projet de loi, et à l'aspect concret de la fusion. Une fois que ce sera fait, si le Parlement décide d'adopter le projet de loi, il y aura toute une phase de mise en oeuvre, et c'est dans ce contexte que beaucoup de discussions pourront avoir lieu à l'interne et à l'externe concernant les processus fonctionnels, la façon de travailler avec certains pays fragiles et la façon de coordonner les moyens d'intervention. Il s'agit de recueillir de bonnes idées auprès des intervenants et du personnel, et c'est à cela que mon collègue faisait allusion.
C'est quelque chose que nous prévoyons déjà faire. Je dois dire que, pour l'instant, je me concentre sur la planification de ce qui devrait être en place pour que le nouveau ministère puisse être créé le jour suivant l'adoption du projet de loi.
:
Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais simplement ajouter deux ou trois choses, parce que je pense que c'est une question importante.
Comme mon collègue l'a souligné, nous en sommes à l'étape de la planification en ce moment. Il y a en ce moment une occasion, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire — et, en fait, c'est non seulement une occasion, mais également un désir — de mener des consultations. Je voulais simplement le préciser. Je ne suis pas sûr qu'il soit exact de dire qu'il n'y a pas eu de consultations, même jusqu'à maintenant. En réalité, je ne peux pas vous dire ce que le ministère des Finances a pu faire avant la présentation du budget actuel, mais ce que je sais, c'est que la question qui nous a été posée était celle de savoir quand nous avions été mis au courant de la chose. Nous l'avons su deux ou trois jours avant. Il y a cependant une occasion qui s'offre de consulter les intervenants, les employés et les agents négociateurs. À mon sens, il n'est pas déraisonnable que cela se fasse à ce moment-ci. En réalité, il va aussi falloir que cela se fasse en partie après la création du nouveau ministère. Nous allons nous concentrer sur certains éléments pour veiller à ce qu'ils soient abordés immédiatement, et certains autres éléments vont prendre plus de temps à harmoniser.
Nous utilisons le terme « consultations », et ce terme peut être interprété différemment par diverses personnes. Je crois toutefois qu'il est certainement possible de procéder à des consultations maintenant et que le désir que cela se fasse dans l'avenir existe. Je pense que le projet de loi devrait préciser les paramètres de la transition, et je crois que c'est le cas, mais je pense que c'est un point important et que nous allons continuer de travailler là-dessus.
:
Je pense que la question s'adresse à moi, puisque j'ai été chef de mission à deux reprises, et que les chefs de mission font partie des gens que nous avons consultés.
Le rôle d'un chef de mission est comme toujours d'intégrer et de coordonner dans son ensemble la présence du gouvernement canadien à l'étranger et de fournir des services aux ressortissants du Canada qui se trouvent à l'étranger. Voilà en quoi consiste leur rôle en général. Le changement apporté n'est pas spectaculaire, mais il est subtil et important. Ce que je peux dire, c'est que là où auparavant...
Je vais vous donner un exemple précis. J'ai été ambassadeur du Canada à Cuba de 2000 à 2003. Nous avions un programme d'aide de petite envergure, mais très utile et efficace, et ce programme existe toujours. J'appuyais fortement ce qu'on faisait dans le cadre de ce programme pour promouvoir la modernisation économique dans un contexte assez particulier. La différence, c'est que le chef de ce programme me tenait constamment informé des activités, et je m'occupais pour ma part des intérêts généraux du Canada dans le cadre de ce programme. Une fois qu'une fonction de développement fait partie du ministère, cependant, le chef de mission a un rôle beaucoup plus important à jouer en amont, dans le processus de planification et de discussion, relativement aux priorités pour l'avenir, et il évalue également le rendement des gens concernés. Les chefs de mission ne le font pas pour les gens qui viennent d'autres ministères. Ils sont là pour coordonner la mise en oeuvre, mais ils ne sont pas là pour procéder à l'évaluation en tant que telle.
La contrepartie est également importante, et c'est là le message que je transmets lorsque je participe à des discussions à l'interne. À partir de maintenant, au sein du nouveau ministère, le développement va être l'affaire de tous. Je le répète. C'est l'affaire de tous, de la même façon que le commerce est l'affaire de tous. Les chefs de mission vont donc être jugés à l'aune de leur contribution au programme d'aide au développement. Cela ne s'appliquera pas seulement aux endroits où il y a des programmes d'aide au développement.
J'ai expliqué à nos ambassadeurs, dans les quatre pays que nous avons visités, qu'on s'attendait d'eux — et j'ai effectué le suivi auprès d'eux — qu'ils commencent à régulièrement effectuer des analyses et à discuter avec les représentants de ces pays, et cela va se faire également dans les autres pays donateurs, de façon à ce que nous soyons mieux informés des activités des autres donateurs. La raison en est la suivante: même en Finlande — pour reprendre le pays que vous avez donné en exemple — notre chef de mission là-bas devrait placer un peu plus haut sur sa liste de priorités l'analyse et la compréhension de l'aide fournie par la Finlande, afin que nos activités soient mieux définies et mieux ciblées.
Il s'agit donc d'un changement de rôle qui est à la fois interne et externe, par rapport à la priorité établie pour les chefs de mission.
:
Je pense qu'il s'agit effectivement d'une réflexion très juste sur la façon dont cela pourrait fonctionner par rapport au développement international également. Pour ce qui est des activités quotidiennes, d'après la loi sur le MAECI actuelle — la loi habilitante du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international —, le ministre des Affaires étrangères demeure le ministre « principal », si vous voulez. Toutefois, la façon de fonctionner est très pragmatique. Le ministre du Commerce international est un ministre du Cabinet à part entière, et il est responsable de tous les programmes et les initiatives liés au commerce international au sein du ministère. Cela fonctionne très bien.
Ensuite, il y a le sous-ministre du Commerce international qui travaille en étroite collaboration avec le sous-ministre des Affaires étrangères, même si ce dernier est le chef comptable et est chargé en général de la gestion de l'ensemble de l'organisation au quotidien. Ce n'est pas envisagé dans le contexte de problèmes quelconques; il y a une très forte complémentarité.
Ce modèle, qui fonctionne bien depuis des années à l'administration centrale et à l'étranger peut assurément être appliqué par exemple à la fonction de développement international aussi. Il y a beaucoup de cohérence et de coordination dans les initiatives liées aux politiques étrangères et au commerce international. Je pense que cela peut être étendu, d'après certains des exemples que nous avons abordés tout à l'heure.
Il y a clairement, du point de vue des Affaires étrangères et du Commerce international — pour rependre ce que mon collègue vient de dire — une responsabilité par rapport aux objectifs, aux buts et aux priorités d'ensemble du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. En regroupant tout cela, cet élément de responsabilisation, ce qu'on a évoqué en parlant d'un seul aviron dans l'eau, s'étend à tout l'éventail des diverses initiatives aussi, le développement international inclus.
Bien entendu, cela permet également une optimisation du rendement et des ressources.
À ce sujet, j'ai été heureuse de voir que l'honorable secrétaire parlementaire a lu ma lettre d'opinion, mais j'espère qu'il a lu les paragraphes qui suivaient celui qu'il a cité, et dans lesquels je faisais état des problèmes que pose selon nous le processus actuel.
Une petite remarque au sujet des consultation publiques: effectivement, c'est une très bonne chose que de consulter les intervenants. À moins que je ne me trompe, les intervenants ont demandé que soient annulées les compressions budgétaires touchant l'ACDI, alors il nous reste à espérer que cela sera fait dans le prochain budget.
Excusez-nous, c'est simplement que nous tenons ce dialogue de temps en temps.
[Français]
J'aimerais vous poser une question sur l'échéancier.
À partir de maintenant, que va-t-il se passer? Quand certaines fonctions administratives vont-elles être mises en oeuvre? Quelles sont les prochaines étapes, en matière d'administration et de gestion du processus?
Merci.
:
Si le projet de loi est adopté comme prévu, le nouveau ministère sera créé à la date de la sanction royale. Cela signifie essentiellement qu'il y aura un certain nombre de choses à régler pour commencer, qu'elles aient trait au processus de gestion des dépenses, par exemple, ou au fait de savoir s'il y aura un seul chef comptable pour le ministère, de quelle nature sera le processus d'attestation en ce qui concerne la gestion financière, les pouvoirs financiers, les pouvoirs touchant les ressources humaines et autres choses de ce genre. Qu'est-ce qui doit être en place pour commencer? C'est là-dessus qu'on se concentrerait dans l'immédiat.
En outre, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous en sommes à l'étape de la planification. Le processus passera également à l'étape de la mise en oeuvre à un moment donné. L'étape de la planification offre l'occasion de s'informer le mieux possible, d'obtenir le plus grand nombre de points de vue possible, que ce soit auprès de gens aux vues similaires... ou auprès des représentants d'autres pays ayant connu la même situation, de nos agents négociateurs, de qui que ce soit que nous voudrons — que nous appelions ça des consultations ou autrement, cela n'a pas d'importance. Toutefois, c'est l'occasion pour nous de nous informer le plus possible au sujet d'une question à laquelle il faut répondre au moment où nous approchons de l'échéance.
Entre autres, pour ce qui est du début, il s'agit de savoir s'il y a des changements organisationnels et structurels qui doivent absolument être apportés, ou dans quelle mesure on disposera d'une certaine marge de manoeuvre par la suite. S'il y a une marge de manoeuvre, l'objectif sera de s'informer le plus possible, en ce qui concerne la mise en oeuvre ultérieure également.
Notre première échéance, si on veut, si je peux utiliser ce terme, sera donc liée à ce qui doit absolument être fait au début, simplement pour assurer la continuité des opérations. C'est là-dessus que nous allons nous concentrer dans l'immédiat du point de vue administratif et organisationnel. Une fois que les choses auront commencé, il y aura une série d'autres échéances, dont mon collègue Michael peut vous parler.
:
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie.
Je vais vous adresser la parole en anglais, mais si vous avez des questions à poser, je me ferai un plaisir de vous répondre dans la langue officielle de votre choix.
[Traduction]
Tout d'abord, comme beaucoup d'autres gens, je suis content de voir dans le projet de loi un engagement clair envers un programme d'aide canadien dont les objectifs sont axés sur le développement international durable, la réduction de la pauvreté et l'aide humanitaire. La clarté du mandat est une bonne chose, et j'y suis favorable. Le développement international durable, la réduction de la pauvreté et l'aide humanitaire sont des objectifs autour desquels tous les Canadiens devraient se rallier. J'espère que tous les partis politiques représentés au Parlement sont d'accord pour que ces objectifs forment la pierre d'assise du programme d'aide du Canada.
J'ai cependant quelques préoccupations au sujet de deux ou trois choses, et je vais porter ces préoccupations à l'attention du comité.
J'ai quelques préoccupations au sujet de l'alinéa 14d) de l'article 74, selon lequel l'aide humanitaire devrait être fournie de façon « conforme aux valeurs et aux priorités canadiennes ». L'expression « valeurs canadiennes » fait probablement allusion à l'article 3 de la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle. La citoyenneté mondiale, l'équité et le respect de la viabilité de l'environnement sont des valeurs canadiennes définies dans cette loi. Mais l'énoncé est vague, et il n'aborde pas le point essentiel, c'est à dire le fait que l'aide humanitaire doit être fournie de façon impartiale, en fonction du besoin objectif.
Je pense que le projet de loi devrait plutôt exiger que l'aide humanitaire soit fournie par le Canada conformément aux principes établis à l'échelle internationale ainsi qu'au droit humanitaire.
Je suis un peu déçu que cet important projet de loi fasse partie d'un projet de loi d'exécution du budget. J'estime que les articles 174 à 199 du projet de loi budgétaire sont suffisamment importants pour que le Parlement les examine en tant que projet de loi distinct. Comme je l'ai dit récemment dans un article publié dans l'Ottawa Citizen, nous avons la possibilité de renouveler le programme d'aide du Canada pour une génération ou plus. Je pense qu'il serait possible d'en arriver à un consensus au sein de tous les partis en ce qui concerne le renouvellement du programme d'aide du Canada. C'est assurément très souhaitable à mon avis. Il serait dommage que le renouvellement du programme d'aide du Canada ne reçoive pas l'appui de tous les partis simplement parce que le projet de loi qui le prévoit fait partie d'un projet de loi budgétaire contenant des dispositions inacceptables aux yeux d'un ou de plusieurs des partis d'opposition.
L'accent mis dans le projet de loi sur la réduction de la pauvreté et l'aide humanitaire est bien accueilli et est adéquat, mais cela comporte certains risques qui doivent être pris en compte.
L'objectif de réduction de la pauvreté se prête à une interprétation selon laquelle les interventions seront des interventions à court terme, par exemple la construction d'écoles, le forage de puits et la prestation de secours d'urgence. J'ai connu toutes ces choses au cours de ma carrière. Elles font assurément partie du portefeuille d'aide actuel du Canada et devraient continuer d'en faire partie. Toutefois, si nous prenons au sérieux l'engagement du Canada à favoriser le développement international durable, notre programme d'aide doit être doté d'objectifs, à court, à moyen et à long terme. Notre programme d'aide doit contribuer à l'accroissement des capacités et à la mise au point de systèmes permettant aux pays en voie de développement d'être de plus en plus autonomes. Le succès des efforts déployés dans ce domaine peut être mesuré à l'aide des indicateurs de gestion à court terme habituels. Nous nous attaquons à des problèmes dont le cycle est de 20 ans dans le cadre de projets d'une durée de cinq ans et de cycles budgétaires annuels.
En outre, afin de bien fonctionner à long terme, le programme d'aide du Canada doit comporter un bon volet de recherche, d'analyse des politiques et d'évaluation, de sorte qu'il puisse toujours profiter des leçons apprises et s'améliorer. Notre programme d'aide doit favoriser l'acquisition par nos partenaires des pays en voie de développement de la capacité d'effectuer des recherches, des analyses des politiques et des évaluations de ce type, afin qu'ils puissent eux aussi constamment tirer parti des leçons apprises, s'améliorer et acquérir leurs propres compétences, capacités et systèmes. C'est la clé de la réduction véritablement durable de la pauvreté à long terme.
Permettez-moi d'ajouter une chose au sujet du secteur privé et de notre programme d'aide. Le secteur privé est en grande partie à l'origine de la richesse et de la diversité actuelles de notre pays. Le programme d'aide du Canada devrait faire intervenir le secteur privé lorsqu'il fait la promotion des objectifs de réduction de la pauvreté, de développement durable et de promotion de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit. Nous pouvons trouver des solutions avantageuses pour tous qui permettront au gouvernement du Canada de redorer son blason, aux entreprises canadiennes de réaliser des profits intéressants et aux entreprises privées d'investir pour réduire la pauvreté, protéger l'environnement et assurer le respect des droits de la personne.
Il n'est pas dans notre intérêt national que les entreprises du Canada adoptent des pratiques corrompues et illégales à l'étranger, et ce comportement ne correspond pas aux valeurs canadiennes. La politique canadienne, que ce soit en matière de promotion du commerce ou d'aide, ne devrait jamais encourager ce genre de comportement.
Je voudrais dire une chose au sujet de l'efficacité de l'aide.
Les lois sont importantes pour l'établissement d'objectifs et de principes à respecter, mais elles ne devraient pas viser à tout couvrir. Il y a des choses très importantes pour l'efficacité du programme d'aide du Canada qui ne figurent pas dans le projet de loi. Pour citer deux problèmes criants qui nuisent à l'efficacité de notre programme d'aide, on pourrait parler de la centralisation excessive du pouvoir au cabinet du ministre et, chose connexe, du rythme de la prise de décisions à l'ACDI, lequel semble constamment ralentir. Je m'empresse d'ajouter que la faute n'incombe pas à nos bons fonctionnaires.
Le résultat, jusqu'ici, c'est que des parties importantes du budget réservé à l'aide ne sont pas dépensées à la fin de l'exercice, que des besoins importants de nos bénéficiaires ne sont pas comblés et que beaucoup de très bons petits organismes de charité du Canada ont des problèmes de flux de trésorerie parce qu'ils comptent sur la rapidité et la clarté du processus décisionnel lorsqu'ils décident d'essayer d'obtenir des fonds gouvernementaux dans le cadre d'appels d'offres concurrentiels. Cette lenteur attribuable à la centralisation accrue des dernières années s'ajoute aux processus administratifs et financiers existants qui ne peuvent être décrits que comme étant fastidieux au départ. Si nous voulons vraiment que l'aide soit efficace, c'est le premier obstacle à surmonter.
Enfin, les pays donateurs fusionnent et défusionnent leurs organismes d'aide et leur ministère des Affaires étrangères depuis des décennies maintenant. Selon plusieurs études, ni la fusion ni la défusion des organismes d'aide et des ministères des Affaires étrangères n'est en soi un modèle supérieur. Ce qui compte, pour la qualité d'un programme d'aide, c'est la clarté du mandat, la volonté politique d'en assurer le bon fonctionnement — ce qui signifie souvent qu'il faut laisser les gestionnaires faire leur travail — et les pressions exercées par la société civile, les médias et les parlementaires pour que le programme fonctionne et continue de bien fonctionner.
Le projet de loi contribuera beaucoup à la clarté du mandat. La tâche qui reste à accomplir consiste à veiller à ce que les deux autres éléments, la volonté et les pressions politiques, soient présents eux aussi.
[Français]
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci de m'avoir invité à témoigner devant vous. J'aurai peut-être un peu de difficulté, car je viens de subir une intervention chirurgicale aux yeux et je n'ai pas encore de nouvelles lunettes, alors j'espère que les caractères sur ma copie seront assez gros pour que je puisse suivre. Autrement, je risque d'être moins cohérent.
Je vais me présenter rapidement. Je suis directeur général de la Banque canadienne de grains, qui regroupe 15 églises et organismes religieux canadiens voués à la lutte contre la faim dans le monde. Nous célébrons cette année notre 30e anniversaire, et nous avons maintenu une collaboration étroite avec l'ACDI au cours de ces 30 années.
Avant de devenir directeur général de la banque de grains, j'ai passé 15 ans dans le domaine du développement international et de l'aide humanitaire. À cette époque, j'entretenais des liens considérables avec le programme d'aide internationale du Canada, en plus de gérer un programme bilatéral de l'ACDI dans la Corne de l'Afrique.
J'exerce aussi la fonction de président du conseil d'administration du Conseil canadien pour la coopération internationale, association nationale regroupant des organisations canadiennes qui se consacrent au développement international et à l'aide humanitaire.
Permettez-moi de dire tout d'abord que je suis en quelque sorte un agnostique pour ce qui est de savoir si la fusion de l'ACDI et du MAECI est une bonne chose ou non: je n'en ai aucune idée. Je dois avouer que l'idée de la disparition du nom et de l'image de marque de l'ACDI, après 45 ans, m'attriste. La réputation de l'ACDI à Ottawa n'a pas toujours été reluisante, mais l'organisme a généralement été bien perçu auprès du public canadien et sur la scène internationale et a contribué à l'image de marque positive du Canada dans le monde. C'est un avantage qui sera perdu dans ce processus de fusion, et je crois que nous devons le préciser.
Néanmoins, à mon avis, un programme d'aide internationale efficace peut être offert par l'intermédiaire d'un organisme international distinct, comme l'ACDI, ou sous l'égide d'un ministère des Affaires étrangères. Les deux modèles sont viables. Chacun présente des avantages potentiels et des risques réels.
Comme on a déjà pris la décision d'intégrer l'ACDI au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, je vais me concentrer sur les mesures nécessaires pour protéger et accroître l'intégrité du programme d'aide et sur la façon dont le projet de loi peut contribuer à la prestation d'un programme d'aide efficace.
L'objectif de développement, à savoir la réduction de la pauvreté dans les pays en développement, risque toujours d'être subordonné aux objectifs canadiens en matière de commerce et de diplomatie, au détriment de l'efficacité du programme d'aide au chapitre de la réduction de la pauvreté. Or, le fait d'intégrer le programme d'aide canadien à un ministère qui est également responsable du commerce et de la diplomatie accroît ce risque.
Le programme d'aide internationale du Canada a été lancé dans les années 1950, bien avant la création de l'ACDI, avec l'acheminement de l'excédent de grains canadiens vers des pays aux prises avec un taux élevé de famine et de pauvreté. Il s'agissait des premiers programmes d'aide. Ils traduisaient un effort pour aider à lutter contre la famine et la pauvreté tout en apportant du soutien aux agriculteurs canadiens. Au fil des ans, nous avons appris que ce type de modèle à double fin, bien que relativement utile, est souvent beaucoup moins efficient et efficace. C'est pourquoi les donateurs libèrent de plus en plus leur aide de toute attache et le Canada a récemment libéré son aide alimentaire de toute attache. C'est aussi pourquoi on insiste davantage sur la clarté de l'objet du programme d'aide et qu'on évite de fixer trop d'objectifs parfois divergents, voire carrément incompatibles.
À la lumière de mes voyages aux quatre coins du pays pour parler à des milliers de Canadiens, je constate invariablement que nombre de Canadiens se soucient des habitants de pays en développement qui vivent dans la pauvreté. Ils prennent des mesures pour faire leur part, et ils s'attendent à ce que le Canada, en tant que pays, réponde aux besoins des personnes les plus vulnérables au monde: celles qui font face à des crises, sont prises dans le piège de la pauvreté, sont opprimées, négligées et laissées pour compte.
Cette préoccupation transcende les idéologies politiques. Je me souviens d'une rencontre, il y a quelques années, avec un groupe d'agriculteurs dans un sous-sol d'église en Saskatchewan. Il y avait à ma gauche un agriculteur militant pour le parti réformiste, et, à ma droite, un autre agriculteur militant pour le NPD. J'ai commencé à explorer avec eux des facteurs qui les avaient amenés à se réunir afin de lutter contre la famine dans le monde. Ils étaient tous deux d'avis que chaque personne est importante, que la faim et la pauvreté privent les gens de leur dignité et que nous avons la responsabilité de faire quelque chose. Bon, ils ne s'entendaient pas sur les meilleures stratégies — c'est un débat légitime —, mais ils convenaient du fait que nos efforts en matière d'aide devraient viser à améliorer le sort des pauvres, sans égard aux avantages que nous pouvons en tirer.
Lorsque nous tenions des rencontres avec des agriculteurs pour leur parler de dissocier l'aide alimentaire des autres objectifs et leur expliquer en quoi cette mesure favoriserait l'efficience et l'efficacité, la plupart étaient d'accord. Ils voyaient l'aide alimentaire comme visant principalement à réduire la faim et la pauvreté, et si le fait d'exiger que les denrées proviennent du Canada compromettait son efficacité, alors ils étaient prêts à appuyer le changement.
À notre avis, il est vital que le programme d'aide canadien mette au coeur de son mandat et de ses activités les besoins des personnes vivant dans la pauvreté et la souffrance. Le degré d'allégement de la souffrance et de la pauvreté et le degré d'accès des familles et des collectivités aux services de santé et d'éducation dont elles ont besoin devraient être la principale mesure du succès. Je crois également que la plupart des Canadiens partagent ce point de vue, quelle que soit leur allégeance politique.
Certes, il est possible de mieux coordonner les relations du Canada avec les pays en développement de façon à contribuer à la réduction de la pauvreté, à la paix mondiale et à la sécurité ainsi qu'à la prospérité du Canada, il est — à notre avis — essentiel que la réduction de la pauvreté soit au coeur du programme d'aide canadien — et non pas subordonnée à d'autres objectifs — et qu'il y ait un programme d'aide distinct investi d'un mandat clair de réduction de la pauvreté.
À cette fin, nous sommes heureux de voir que le projet de loi mentionne explicitement le mandat du ministère en matière de réduction de la pauvreté dans les pays en développement et charge un ministre du Développement international et un sous-ministre du Développement international de remplir ce mandat. Ce mandat et cette structure d'origine législative peuvent aider à protéger l'intégrité du programme d'aide. Nous nous attendons au maintien d'un programme d'aide internationale distinct centré sur la réduction de la pauvreté dans les pays en développement.
À notre avis, on pourrait renforcer encore davantage la loi en renvoyant à la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle. Ce texte précise que l'aide canadienne doit être axée sur la réduction de la pauvreté, tenir compte du point de vue des pauvres et être conforme aux normes internationales en matière de droits de la personne.
La fusion pourrait aussi accroître les risques liés aux modalités de distribution de l'aide humanitaire. L'écart entre la prestation d'aide humanitaire et d'autres structures liées aux politiques étrangères diminuera. Ainsi, l'aide humanitaire risque davantage d'être instrumentalisée à des fins politiques, militaires ou économiques particulières. Il est essentiel que le Canada respecte son engagement à l'égard de l'aide humanitaire fondée sur les besoins et que l'aide humanitaire ne soit pas politisée.
Dans un contexte conflictuel, les principes fondamentaux d'humanité, de neutralité, d'impartialité et d'indépendance indiquent à toutes les parties que le seul objet de l'aide humanitaire est de prévenir et d'alléger la souffrance et que cette initiative ne doit être associée à aucun objectif politique, militaire ou économique.
Il serait possible de renforcer le projet de loi en mentionnant les principes humanitaires liés à la prestation d'aide humanitaire. À l'article 14 du projet de loi, où il est question des devoirs du ministre responsable du développement international, on pourrait ajouter une disposition selon laquelle le ministre est tenu de veiller à ce que les contributions du Canada au chapitre de l'aide humanitaire internationale soient conformes aux principes humanitaires internationalement reconnus. Un libellé différent pourrait permettre de s'assurer que l'aide humanitaire internationale du Canada est offerte en fonction de besoins clairement définis. Le libellé actuel de l'article 14 du projet de loi, qui relie l'aide humanitaire aux priorités canadiennes, est problématique. Il vaudrait mieux envisager l'aide humanitaire séparément.
Enfin, on confère à juste titre au ministre du Développement international la responsabilité de veiller à ce que les activités de développement international et d'aide humanitaire du Canada soient efficaces. Il serait possible de renforcer cette responsabilité en mentionnant le respect des principes couramment acceptés en matière d'efficacité de l'aide et du développement.
En somme, nous sommes heureux de constater que le projet de loi mentionne clairement la réduction de la pauvreté dans les pays en développement à titre de mandat du ministère et charge un ministre du Développement international et un sous-ministre du Développement international d'accomplir ce mandat. On pourrait renforcer cette disposition en mentionnant la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement, en ajoutant une disposition pour s'assurer que la contribution du Canada en matière d'aide humanitaire internationale est conforme aux principes humanitaires internationalement reconnus ou est offerte pour répondre à des besoins clairement définis et en mentionnant explicitement l'application de principes couramment acceptés en matière d'efficacité de l'aide et du développement.
Merci de votre attention, et je serai ravi de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci infiniment à vous deux pour vos exposés extraordinaires. Vraiment, j'en suis presque au point où les mots me manquent, ce qui n'arrive pas souvent.
Tout d'abord, je suis généralement d'accord pour dire que l'enjeu ici n'est pas vraiment la fusion. Le fait de fusionner ou de ne pas fusionner n'est pas la question qui importe ici.
En outre, j'ai entendu dans chacun de vos exposés un point dont je conviens tout à fait, à savoir la nécessité de dissocier l'aide humanitaire des priorités canadiennes. En effet, elle doit être fondée sur des normes internationales, des principes humanitaires et le droit humanitaire international. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Je pourrais m'attarder sur un certain nombre de questions que vous avez soulevées. Il importe que nous tenions des discussions approfondies. Il est si rare qu'on ait l'occasion de discuter du mandat intégral du ministre et du ministère. Comme vous l'aurez bien sûr deviné, nous sommes aussi d'avis que cette mesure n'aurait pas dû être prise dans le cadre d'un projet de loi d'exécution du budget. Nous avons besoin de consultations en profondeur pour bien faire les choses.
J'ai tant de questions. Désolée, j'ai du mal à garder le fil.
L'un des enjeux que vous avez mentionnés, monsieur Munro, tient à la grande lenteur du processus d'approbation des projets et des programmes en raison de la centralisation du cabinet du ministre. Selon nos observations, la tendance centralisatrice semble s'accentuer, comme vous le disiez, ce qui ralentit encore la cadence et pose aussi un problème sur le plan de la transparence, car beaucoup de gens disent qu'ils ne savent plus quels sont les critères. Il est très difficile de déterminer pourquoi un projet est approuvé ou non.
Pourriez-vous nous parler un peu de cela?
:
Je dirais deux ou trois choses. Premièrement, lorsque j'ai fait cette remarque, je ne visais pas particulièrement le gouvernement actuel. Des tendances semblables pouvaient s'observer sous des gouvernements antérieurs. J'aimerais que cette idée soit bien comprise.
Le développement et la coopération internationale connexe sont une entreprise risquée. Il s'agit d'une activité d'affaires. Il y a plein de risques et d'incertitude. Les deux risques sont différents. Vous connaissez les probabilités, mais il y a toujours de l'incertitude. Il est temps que les parlementaires tiennent une conversation entre adultes avec les Canadiens au sujet des risques et de l'incertitude ainsi que du développement international.
Je connais le développement international. J'évolue dans ce domaine depuis le début de ma carrière et j'adore en parler comme d'une succession de gains facile. Faites-nous un don, et nous nourrirons cet enfant, puis l'enfant sera bien alimenté comme par magie. J'ai travaillé dans l'est du Congo et au Soudan du Sud, ce genre d'endroits. Ce n'est pas si facile.
Par contre, une série de mesures de gestion publique ont été prises sous le gouvernement actuel et des gouvernements antérieurs — et pas seulement au Canada — qui disent essentiellement aux fonctionnaires qu'il faut se montrer toujours plus frileux. Nous ne laissons pas les gestionnaires gérer, comme nous le faisions il y a 10 ou 20 ans. Nous accumulons les couches de gouvernance et de gestion du risque, puis nous ajoutons des approbations supplémentaires par-dessus une couche de surveillance politique, ce qui est normal et naturel dans notre système parlementaire.
Peut-être que nous devrions envisager la chose comme le ferait peut-être le secteur privé. Regardez l'industrie du capital-risque. Les sociétés de capital-risque financent de 10 à 20 compagnies et s'attendent à ce que, de ce nombre, une ou deux fonctionnent. Elles prévoient 18 ou 19 échecs, mais les deux qui fonctionnent sont de si grande envergure que la société de capital-risque fait de l'argent.
Peut-être que les Canadiens ne sont pas tout à fait prêts à accepter ce genre de taux d'échec, mais tenons une discussion honnête sur la possibilité de s'aventurer en terrain difficile et risqué, d'accepter que les initiatives ne fonctionneront pas toutes, mais que nous allons prendre les mesures qui s'imposent pour protéger les deniers publics, apprendre systématiquement de nos erreurs et nous améliorer. C'est ainsi que nous accroîtrons notre rendement économique à long terme. Voilà peut-être une façon intéressante de réaménager notre programme d'aide qui, je l'espère, jouira d'un appui massif de tous les partis.
:
Cela dépend de la façon dont on procède.
Dans le cadre d'un tel réaménagement organisationnel — et j'ignore combien j'en ai connu dans ma carrière, mais il y en a eu un bon nombre —, les écueils se trouvent toujours dans les détails. On constitue des équipes de transition très compétentes. Je connais très bien deux des trois cadres supérieurs qui viennent tout juste de témoigner. Il s'agit de professionnels extrêmement compétents. Je ne connais pas la teneur de leurs discussions en coulisse sur la façon dont ils réaliseront une synergie.
Ce qui me frappe, c'est que l'essentiel de la conversation — dans la sphère publique, à tout le moins — tient à l'harmonisation des Affaires étrangères et de l'ACDI, et la question du commerce international, du développement du secteur privé et de la responsabilité sociale des entreprises a suscité relativement moins d'attention. Comme vous, je crois que cette question mérite probablement un débat public qui va beaucoup plus en profondeur. Si j'étais membre du comité, je poserais peut-être des questions détaillées sur les modalités de la transition qui permettront au secteur privé de jouer un rôle — un plus grand rôle, un rôle plus efficace ou un rôle plus adéquat — dans le programme d'aide du Canada, parce que, comme je l'ai mentionné dans mes remarques, je ne m'oppose pas au secteur privé en soi, mais quiconque souhaite travailler avec le secteur privé devrait choisir avec soin ses partenaires du secteur privé.
Nombre d'entreprises légitimes et responsables ne cherchent qu'à faire des profits, et c'est très bien. Certaines n'ont aucun scrupule, et mes amis du secteur privé craignent un peu qu'à l'occasion un soutien inconditionnel au secteur privé par l'entremise du programme d'aide ne profite aux entreprises malhonnêtes et, par conséquent, ne détruise l'image de marque canadienne du secteur privé légitime qui veut seulement respecter la loi et faire des profits raisonnables.
:
Merci, monsieur le président.
Merci d'être parmi nous.
Quelqu'un a parlé du Soudan du Sud, que le président et moi avons visité. J'adore ce pays. Je suis enthousiasmé par ce qui s'y passe. C'est le pays le plus pauvre du monde entier, mais je suis tout de même enthousiasmé par ses habitants. Je crois qu'ils sont capables de grandes choses, et je vais vous dire pourquoi.
Je vois des gens qui rongent leur frein, et qui n'attendent rien d'autre que de se lancer en affaires et de travailler. Il s'y passe plein de choses, mais, en même temps, il y a tellement de misère. C'est la guerre depuis 40 ans. Il n'y a pas d'infrastructures, pas de lignes électriques. Si on veut de l'électricité, on doit se procurer une génératrice.
Nous avons visité une ferme. En fait, c'est la raison pour laquelle nous sommes allés là-bas: nous rendions visite à un groupe philanthropique canadien qui tente de mettre en place des techniques agricoles modernes. Le pays importe tous ses produits alimentaires, et ce, même s'il a la capacité non seulement de suffire à ses besoins, mais probablement aussi de nourrir toute la région. C'est extrêmement fertile.
Je ne vous apprends rien, monsieur Cornelius.
Je regarde ce qui se passe, je vois toutes ces occasions, et je suis frustré par le statu quo.
Je vais vous dire pourquoi je suis frustré. Lorsque nous sommes allés à Juba, il y avait plein de véhicules sur la route, mais ils appartenaient tous à des ONG. On voyait passer en trombe tous les camions des Nations Unies et ceux d'autres organisations. Le gouvernement a les mains complètement liées, parce qu'il ne peut rien faire. S'il veut de l'argent, il doit faire ce que ces gens lui disent. Cependant, le pays est littéralement une mine d'or. « Il y a de l'or dans ces collines », et il y a du cuivre aussi, mais il n'y a aucune route ni aucune infrastructure.
Je suis peut-être un peu naïf, mais voici ce que je pense: en tant que Canadiens, nous pourrions aider ces gens. Nous pourrions les aider à exploiter ces mines de cuivre et d'or en leur présentant des entreprises. Et c'est ici qu'on commence à parler de commerce international. Nous allons leur présenter une entreprise, Goldcorp ou une autre entreprise du genre. En passant, ces gens ne sont pas là pour la même raison que nous. Ils ne sont pas là pour des raisons humanitaires. Ils veulent faire des profits. Mais il y aura des retombées, et cette main non guidée se mettra au travail comme vous n'auriez pu imaginer. On pourrait ainsi créer de la richesse dans ce pays.
Comme l'agriculteur du NPD et celui du Parti réformiste, je comprends qu'il y a deux points de vue possibles. Mais, nom d'un chien, nous avons déjà essayé l'autre méthode. Je n'ai pas voyagé autant que vous, mais je suis allé au Ghana, par exemple, et j'ai vu des projets qui ne fonctionnaient pas et d'autres couronnés de succès, mais, inévitablement, il faut faire une place au secteur privé.
Je vais vous raconter une autre histoire, parce qu'on essaie de tout faire sous l'égide des Affaires étrangères. La Turquie est un pays musulman. C'est un pays musulman modéré. Je crois qu'il s'agit d'une porte d'entrée dans le monde musulman, et les Turques participent eux aussi au travail humanitaire. Ils ont beaucoup de succès dans d'autres pays. Ils ont moins de succès dans les pays chrétiens comme le Soudan du Sud, mais ils travaillent avec le Soudan du Nord. Je ne devrais pas l'appeler ainsi, c'est le Soudan. Nous pourrions saisir une incroyable occasion, en tant que puissance douce, en décidant de travailler avec la Turquie. Il y a suffisamment de pétrole là-bas. Je crois que la Turquie possède la troisième réserve de pétrole en importance, et elle est inexploitée. Les pauvres dans le Nord n'ont pas d'argent parce qu'il ne transite pas dans cette direction, et le Sud...
Mais si le Canada et la Turquie travaillaient ensemble, si les deux pays travaillaient en collaboration... Maintenant, voyez-vous, nous travaillons avec l'ACDI et avec Commerce international et Affaires étrangères. N'est-ce pas tout simplement la chose sensée à faire?
Le Soudan est un endroit où nous pourrions vraiment faire bouger les choses, et, au bout du compte, changer toute cette région de l'Afrique. Ces gens sont prêts, et ils ont tout ce dont ils ont besoin à portée de main, mais personne n'exploite les ressources.
Ai-je tort de formuler une telle suggestion ou même de tout simplement avoir un tel espoir?
[Français]
Comme je l'ai mentionné au cours de la première heure de la réunion, évidemment, de ce côté-ci, nous croyons fermement que cette mesure aurait mérité une étude à part, plutôt que d'être insérée dans un projet de loi omnibus.
[Traduction]
Pour revenir au thème des partenariats public-privé, je suis toujours surprise par le fait que, lorsqu'on parle d'entreprises privées, pour beaucoup de personnes, notamment les représentants du gouvernement, on semble parler exclusivement des grandes entreprises canadiennes.
Prenons les modèles américains de partenariats public-privé — et je crois que les États-Unis sont un modèle à ce chapitre dans le monde — ils travaillent non seulement avec leurs entreprises nationales, mais aussi avec des entreprises canadiennes et australiennes. Ils ne doivent pas nécessairement travailler exclusivement avec des entreprises canadiennes.
De plus, une des choses que nous semblons oublier ou considérer uniquement comme une retombée, c'est la petite et moyenne entreprise dans les pays en développement, qui est très souvent le principal moteur de la croissance, bien plus que les sociétés minières, par exemple, qui s'installent pour quelques années, puis partent.
Croyez-vous que le fait de travailler non seulement avec des entreprises canadiennes, mais avec des entreprises d'ailleurs, y compris des entreprises dans les pays en développement — et j'en reviens encore une fois à vos deux agriculteurs —, pourrait améliorer le sort de ces deux agriculteurs?
Merci beaucoup.
:
Il y a deux ou trois éléments différents dans ce que vous avez dit.
Oui, lorsqu'on travaille avec le secteur privé, ce n'est pas nécessairement toujours avec de grandes sociétés multinationales. On peut aussi travailler avec de petites et moyennes entreprises. On peut travailler avec des coopératives, des sociétés mutuelles ou des caisses populaires. Ces formes d'entreprises du secteur privé sont solidement enracinées dans de nombreuses régions du pays. Je viens de la Saskatchewan, et je reconnais l'importance du mouvement coopératif.
Pour revenir à la question précédente concernant l'aspect gouvernemental de la question, je crois que c'est pour l'essentiel une question d'institutions et de gouvernance. C'est une chose de permettre à une société minière l'accès à la région, mais que fait-on des recettes? Y a-t-il de bons contrôles financiers en place au sein de l'organisme responsable de la collecte des recettes? Procède-t-on régulièrement à des vérifications? Y a-t-il un examen public, réalisé par le truchement des médias, des comptes, et ce genre de choses?
Les antécédents au chapitre de l'exploitation des ressources sont en fait beaucoup moins reluisants, monsieur, que vous ne semblez le croire. Il y a de nombreux ouvrages sur ce qu'on appelle la malédiction des ressources. Si un pays devient trop riche trop vite et qu'il ne dépense pas bien sa richesse, on constate qu'il y a des problèmes de vol ou de gaspillage. C'est ce qu'on a vu se produire à de nombreuses reprises dans le passé.
Je crois qu'il faut s'astreindre à mettre en place des institutions et des structures de gouvernance dans des endroits comme le Soudan du Sud et ailleurs, afin qu'on puisse au moins espérer que les recettes, qu'elles proviennent de l'exploitation minière ou d'une autre activité, soient utilisées à bon escient.
Et tandis que nous faisons la promotion du secteur privé — les petites, moyennes ou grandes entreprises, les organisations sans but lucratif ou les coopératives, et ainsi de suite —, nous devons aussi garder à l'esprit ces mêmes leçons. En fait, je dirais que les organisations agricoles à petite échelle sont une option qui sera très viable au Soudan du Sud, en grande partie parce que c'est une façon de créer beaucoup plus d'emplois que n'en crée le secteur minier.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais préciser, au profit des personnes qui lisent la transcription de nos échanges ou de visiteurs qui sont parmi nous, que l'ACDI travaille effectivement avec un grand nombre d'organisations, mais nos fonds sont versés à des ONG. J'utilise l'exemple d'EUMC, qui travaille au Burkina Faso avec Barrick Gold. EUMC est responsable des programmes qui permettent de s'assurer que les personnes travaillant pour l'organisation acquièrent les compétences qui leur seront vraiment utiles au sein de l'économie globale.
Une des choses dont nous avons parlé aujourd'hui, c'est l'incidence à long terme. Dans cette optique, j'avancerais que l'objectif du financement des pays en développement devrait toujours être de faire en sorte que nous n'ayons plus rien à faire là-bas. Il devrait s'agir de notre objectif à long terme. Il faudra peut-être 20 ans pour y arriver. Vous avez parlé de la malédiction des ressources. Ce que nous devons faire, c'est vraiment aider ces pays à gérer leurs ressources de la façon la plus efficiente pour stimuler leur économie.
J'écoutais les nouvelles de 6 h de la BBC ce matin, et il y avait un commentaire sur des tigres asiatiques qui perdent un peu de leur lustre au profit des lions africains qui sortent de l'ombre. Lorsqu'on voit ce que ces pays sont en train de devenir, force est d'admettre que beaucoup d'occasions s'offrent à eux. Cela signifie que nous réussirons peut-être à devenir inutiles là-bas de notre vivant, et il devrait s'agir de notre objectif.
J'ai eu l'occasion de présenter un exposé il y a deux semaines dans le cadre d'une conférence sur les investissements Canada-Nigéria au Royal York Hotel, à Toronto. Il y avait plus de 400 intervenants du Nigéria. Ils étaient ici pour étudier des débouchés d'investissement au Canada. Il y avait aussi des entreprises canadiennes qui, elles, cherchaient des occasions d'investir au Nigéria. Ça va dans les deux sens. Les activités de développement sont très différentes de ce qu'elles étaient dans les années 1950, époque où nombre de ces organisations humanitaires ont été mises sur pied, alors nous avons la possibilité d'apporter certains changements.
Il y aura une semaine, vendredi, que le président et moi-même aurons eu l'occasion de prendre la parole à l'Institut Nord-Sud, qui examine de nouvelles occasions de développement pour les entreprises canadiennes et africaines pour favoriser la croissance et l'émergence de ces économies. Je crois qu'il y a là beaucoup d'espoir, je le crois vraiment.
En ce qui concerne le travail que nous faisons pour aligner notre financement pour le développement sur notre politique étrangère, monsieur Munro, j'aimerais premièrement vous demander si vous croyez qu'à long terme les valeurs canadiennes vont changer. On parle de liberté, de démocratie, de droits de la personne et de primauté du droit. Croyez-vous que ces valeurs vont changer, et voyez-vous au sein d'un autre gouvernement potentiel des dirigeants susceptibles de changer ces valeurs et de changer ce que nous tentons de faire là-bas à long terme?