:
J'aimerais vous parler un peu de mes antécédents et de la façon dont le projet Brandaid a vu le jour.
J'ai passé les 25 dernières années à travailler dans le monde en développement, surtout en Haïti, dans le cadre de divers projets menés principalement par le secteur des ONG sans but lucratif. Durant ce temps, j'ai constaté que les modèles traditionnels de philanthropie et d'aide ne réussissaient pas à atténuer la pauvreté. En 2009, j'ai créé une entreprise, le projet Brandaid. L'autre cofondateur est le président de JWT Canada, une filiale de la plus grande agence de publicité du monde.
Le projet Brandaid a vu le jour après que j'ai réalisé que la pauvreté avait besoin de marketing. Elle a besoin de beaucoup de choses, et le marketing en est certainement une. Le projet Brandaid est une entreprise qui mise sur les puissants instruments de marketing de Madison Avenue — la publicité et la commercialisation de grande envergure — pour régler les problèmes d'exportation que connaissent les producteurs du monde en développement.
L'entreprise a été conçue en Haïti d'après un modèle haïtien, mais on retrouve des répliques dans de nombreux autres pays. Nous faisons partie du projet d'Alliance globale de l'UNESCO, partageant ainsi les meilleures pratiques des industries de création. Nous avons aussi l'intention de reproduire le modèle que nous avons créé en Haïti dans les 60 pays les moins développés.
Je vais vous donner un aperçu de ce que le projet Brandaid a accompli au cours de sa courte existence. L'entreprise a été officiellement inaugurée en 2009 lors de deux grands événements qui se sont déroulés aux États-Unis, parrainés par le magazine Vanity Fair et Dior. Cela est à l'image de ce que fait le projet Brandaid. Nous amenons de grands commanditaires et des experts en marketing à s'associer à de petites et moyennes entreprises du monde en développement. Dans ce cas-ci, il s'agit d'Haïti.
L'un de ces deux événements a eu lieu durant la semaine de la remise des Oscar à Los Angeles, et le deuxième s'est déroulé au cours de la semaine de la mode avec Diane von Furstenberg, à New York. Nous avons créé des collections de produits de décoration intérieure, que nous avons présentés à ces deux occasions à une audience de célébrités et de gens d'affaires. Le modèle vise à créer des débouchés pour les petits producteurs des pays en développement qui, autrement, resteraient dans l'anonymat. Les choses se sont très bien passées.
Puis, il y a eu le tremblement de terre. Le projet Brandaid était sur le point de servir de véhicule à l'UNESCO pour implanter ce modèle dans les 60 pays les moins développés. Lorsque le tremblement de terre a frappé Haïti, nous avons décidé, pour des raisons personnelles et des raisons d'entreprise, de nous concentrer en 2010 en Haïti. C'est ce que nous avons fait.
Plus précisément, nous avons cherché à obtenir des commandes pour les producteurs avec lesquels nous avions travaillé. Les commandes sont venues de la chaîne de grands magasins Macy's, aux États-Unis. Il s'agit d'une chaîne de 900 magasins. Nous avons fait venir les acheteurs et les designers de Macy's en Haïti. Ils sont entrés en contact avec des artisans haïtiens oeuvrant dans la fabrication de produits de décoration intérieure, et ils ont fabriqué 18 000 produits en l'espace de six à sept semaines, trois mois après le tremblement de terre et durant la saison des ouragans. Ces produits ont été finis, puis exportés à l'entrepôt de Macy's à New York, et des événements ont été organisés par Macy's dans 25 magasins-phares.
Au total, la commande a dépassé les 200 000 $. Nous n'avons pas effectué d'étude de base de ce projet particulier, mais nous avons pu constater que cet argent et les parts qui revenaient directement à ces producteurs leur ont permis d'améliorer grandement leurs conditions de vie. Cette initiative a aussi permis de créer une marque, « Heart of Haiti », que Macy's continue de vendre et qui, en fait, se répand dans d'autres magasins de la chaîne.
La commande passée par Macy's nous a appris bien des choses. L'une d'entre elles, c'est qu'il y a un certain seuil de prix où les petits producteurs des économies émergentes peuvent faire de l'argent, et il y a un certain seuil de prix au-delà duquel le rendement diminue. Grâce à cette commande, le projet Brandaid et Macy's ont fait l'objet d'une excellente couverture médiatique aux États-Unis et au Canada. En fait, cette histoire a fait la une du Globe and Mail, lorsque la ministre Bev Oda a vu ce que faisait Brandaid et a remarqué qu'il s'agissait d'une entreprise canadienne — quoique surtout active aux États-Unis. On nous a contactés. Nous avions déjà présenté un projet à l'ACDI pour lancer plusieurs marques d'origine haïtienne. Nous estimions qu'il était temps que notre modèle prenne de l'expansion et que nous pouvions faire bien davantage avec plus de ressources.
Le projet que nous avions présenté à l'ACDI a été approuvé par la suite et, depuis six mois, nous utilisons une subvention de TFO-ACDI pour lancer 10 marques haïtiennes sur le marché mondial. Quatre de ces marques sont celles d'artisans, et les six autres sont celles de petites et de moyennes entreprises, c'est-à-dire des manufactures dont la taille varie de petite à moyenne. Il s'agit de produits et de textiles de décoration intérieure.
Je vais faire le point sur la situation actuelle, et je crois que j'aurai alors écoulé mes 10 minutes d'intervention.
Cela nous a amenés à faire des visites de ventes directes au Canada. La Baie — la Compagnie de la Baie d'Hudson — est ensuite devenue notre client. La chaîne de magasins va lancer un programme intégré basé sur le modèle du projet Brandaid en 2012 — je crois que ce sera au printemps de 2012. Avant-hier, je suis revenu de Londres, où nous avons eu des rencontres avec des représentants de Selfridges, un des plus grands magasins de la Grande-Bretagne. Ils ont aussi accepté de lancer un programme intégré, durant la semaine du design qui aura lieu en septembre prochain à Londres. Nous avons aussi obtenu un contrat avec le Cirque du Soleil pour un produit d'Haïti et une plus importante collaboration avec des groupes d'artisans haïtiens.
Voilà nos activités jusqu'à présent. Je crois que les choses vont bien avec ce contrat de l'ACDI. Il est en vigueur jusqu'en 2013. On s'est engagé à faire en sorte que le projet Brandaid crée une certaine valeur d'exportation pour ces dix marques de produits haïtiens. Je ne peux pas vous donner de chiffres, parce qu'aucune décision finale n'a encore été prise. Nous travaillons très fort à la réalisation de ce projet.
Je crois que cette mise en contexte est suffisante. Je suis ravi de céder la parole à quelqu'un d'autre ou de répondre à vos questions.
[Français]
Monsieur le président, je vous remercie de l'occasion qui nous est offerte ce matin de présenter le point de vue de notre organisation sur le sujet important du rôle du secteur privé dans le développement international.
J'ai l'honneur de représenter Résultats Canada. Il s'agit d'un organisme voué à créer la volonté politique nécessaire à l'élimination de la pauvreté absolue sur la planète. Nous faisons partie d'un réseau international d'organisations similaires qui sont toutes indépendantes, mais qui ont le même objectif général.
Notre organisation est non partisane et libre de toute attache religieuse ou idéologique. Un peu comme le secteur privé, notre organisation s'attache à identifier et à promouvoir des solutions contre la pauvreté qui ont le meilleur rapport coût/efficacité. Nous nous intéressons aux solutions qui sauvent des vies et qui donnent aux familles la chance de se créer une petite source de revenu stable.
[Traduction]
Concernant le secteur privé, la première chose que l'on doit dire, c'est que la mission du secteur privé est de faire des profits, et les conseils d'administration sont tenus légalement de réaliser cette mission. Il n'y a donc aucune place pour les missions purement altruistes. Toutefois, il peut être utile à l'image de l'entreprise d'investir dans des causes sociales. Du point de vue du secteur privé, cela contribue à attirer des clients, à obtenir peut-être de meilleures conditions de la part de certains fournisseurs, à attirer des employés qui cherchent un travail ou un lieu de travail plus signifiant, à attirer des investisseurs — en particulier les investisseurs animés d'une conscience sociale — ou peut-être à obtenir la collaboration des gouvernements locaux.
L'intérêt public et l'intérêt privé peuvent donc se rejoindre quelque part. Mais les principes économiques nous apprennent que le secteur public est mieux équipé pour créer des biens publics, comme la santé de tous sur une planète exempte de maladies infectieuses ou de bons niveaux d'éducation qui profitent à tous. Dans ces domaines de biens publics, le secteur privé joue un rôle complémentaire.
Les mêmes principes économiques nous montrent que le secteur privé est probablement mieux équipé pour créer de la richesse, tandis que le gouvernement joue plutôt un rôle de soutien à cet égard, en établissant le cadre de fonctionnement et de réglementation nécessaire à la création de cette richesse.
Avec votre permission, je vais me pencher sur ces deux domaines, le développement social et la création de la richesse, et en particulier sur deux sous-ensembles. L'un d'eux est le développement de la micro-entreprise, domaine dans lequel le secteur privé joue le rôle principal et le secteur public, un rôle complémentaire; l'autre est celui des maladies infectieuses, où les rôles du secteur privé et du secteur public sont inversés.
Commençons par la micro-entreprise. Dans le monde en développement, la plupart des gens ne sont pas employés par des entreprises en bonne et due forme ou par le gouvernement. Il n'y a tout simplement pas d'emploi. Les gens offrent donc de travailler de façon sporadique ou travaillent à leur compte. Dans ce contexte, le développement de la microfinance a eu une incidence extraordinaire sur les gens très pauvres au cours des 30 dernières années, compte tenu de la demande pour le travail autonome parmi ces populations.
[Français]
Quand on parle de microfinance, de quoi parle-t-on?
Il s'agit essentiellement de tout petits prêts consentis à des personnes très pauvres pour se lancer en affaires. Ces prêts comportent un intérêt qui est, en général, commercial. De plus, l'expérience montre que le taux de remboursement est souvent supérieur à 90 p. 100.
Le mouvement du microcrédit a été lancé par le professeur Yunus. Cela lui a valu le prix Nobel de la paix, il y a quelques années. Quel est le résultat de ce mouvement?
Aujourd'hui, 138 millions d'emprunteuses très pauvres ont accès à du crédit, alors que seulement 8 millions de personnes avaient accès au microcrédit lorsque Résultats a lancé le Sommet sur le microcrédit, en 1997. Il s'agit donc d'une croissance phénoménale.
Cela veut-il dire qu'il n'y a pas de défi? Oui, il y a des défis et ils sont importants. Il s'agit, tout d'abord de rejoindre les plus pauvres. Trop souvent, les moins pauvres se trouvent en tête du peloton pour obtenir un prêt, tandis que les plus pauvres, les marginaux, sont exclus de l'effort d'expansion du microcrédit. Pourtant, c'est en rejoignant les plus pauvres qu'on fait avancer le développement.
Le deuxième défi est qu'il faut s'assurer que les plus pauvres sortent bel et bien de la pauvreté. Il ne suffit pas de voir si les prêts sont remboursés. Encore faut-il s'assurer que la microentreprise génère des profits de manière régulière.
L'étude de l'impact social du microcrédit est fondamentale et c'est précisément l'un des rôles que les agences publiques, comme l'ACDI, doivent financer.
[Traduction]
Quel est le rôle du secteur privé dans le développement de la micro-entreprise?
Tout d'abord, la microfinance relève presque exclusivement du secteur privé. Très peu d'organismes d'État s'occupent de microfinance. C'est le secteur privé à but lucratif ou sans but lucratif. Les deux systèmes existent, mais ce qui importe, c'est que le profit ne doit pas l'emporter sur la mission sociale du fournisseur de microcrédit.
La ligne de démarcation est difficile à tracer. Par exemple, on a beaucoup parlé de Compartamos Banco, un fournisseur de microcrédit au Mexique, qui offrait et offre toujours des prêts à un taux d'intérêt de plus de 90 p. 100 par année. C'est évidemment beaucoup, mais, par ailleurs, ce fournisseur de microcrédit est présent dans presque toutes les collectivités pauvres du Mexique et dessert surtout des femmes, à qui il accorde de très petits prêts. Son taux de pénétration est sans égal. Il faut donc éviter de juger trop vite. Il s'agit d'un sujet de controverse, qui mérite probablement un plus ample débat.
Celui qui dirige un établissement de microcrédit fait partie évidemment du secteur privé, mais le secteur privé peut aussi aider les fournisseurs de microcrédit de différentes façons. Tout d'abord, ils peuvent fournir les capitaux nécessaires à la réaffectation des prêts. En fait, c'est là un domaine où les autorités publiques font piètre figure; elles n'ont pas les outils nécessaires. L'ACDI n'a pas les outils pour fournir des capitaux qui serviront à la réaffectation des prêts. L'organisme est efficace lorsqu'il s'agit de fournir une aide technique, mais vaut mieux se tourner vers le secteur privé pour les prêts de capitaux aux micro-entreprises.
Les capitaux peuvent provenir des Canadiens. Très peu de gens le savent, mais les Canadiens ont la possibilité d'investir dans les micro-entreprises du monde en développement par l'intermédiaire d'organismes admissibles aux REER, comme la Fédération canadienne des coopératives de travail, par l'intermédiaire d'Oikocredit, qui est l'un des plus importants fournisseurs de microcrédit dans le monde.
Autre exemple de la contribution du secteur privé: l'aide technique au microcrédit, dont Développement international Desjardins est un bel exemple. L'organisme assure un soutien et le développement de compétences pour le Réseau des coopératives des caisses populaires du Burkina Faso qui, à son tour, reçoit les épargnes des personnes moins pauvres de ce pays. Grâce à ces épargnes, il consent des prêts à des paysans très pauvres par l'entremise d'un réseau appelé Caisses Villageoises. Tout le monde y gagne. C'est une belle réussite.
Outre cette aide technique générale, le secteur privé peut aussi offrir une aide de nature spécialisée, par exemple, des applications logicielles comptables pour les téléphones intelligents, pour les gens qui vont dans les villages, collectent les épargnes, offrent du crédit, etc.
Il importe de bien comprendre le rôle complémentaire que le secteur financier peut jouer ici, en plus de tout cela. Le secteur financier peut aider ses clients à quitter graduellement le monde du microcrédit pour faire leur entrée dans le monde traditionnel des finances. Par exemple, la Banque Scotia en Amérique centrale et en Amérique du Sud a divers programmes et consent des prêts dont la moyenne varie entre 2 000 et 3 000 $, ce qui est, en fait, idéal pour des clients qui, grâce à des prêts de 200, 300 ou 800 $, ont réussi à bâtir une micro-entreprise à partir de rien et faire en sorte qu'elle atteigne presque la taille d'une entreprise de marché. Ils peuvent ensuite progresser jusqu'au secteur officiel.
Au-delà de la microfinance, il y a le monde de la micro-assurance, dont j'aimerais vous parler un peu tout à l'heure.
Avant de terminer, je tiens à vous parler de deux alliances importantes qui montrent le rôle complémentaire que le secteur privé peut maintenant jouer avec le secteur public dans le domaine de la santé publique. L'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, l'Alliance Gavi, est un exemple parfait de ce partenariat public-privé. L'alliance réunit tout un éventail de partenaires: ses donateurs, les pays en développement, les gouvernements, les compagnies pharmaceutiques, les organisations de la société civile et les fondations privées. Tous ces gens poursuivent un but commun, celui de fournir une immunisation bon marché au monde en développement.
Voici ce que fait l'alliance. Elle renforce les systèmes existants à tous les niveaux. Il convient ici de souligner également une initiative particulière du secteur privé et du gouvernement du Canada, le mécanisme de garantie de marchés pour le vaccin antipneumococcique, qui permet à des millions d'enfants du monde entier d'avoir accès à des vaccins. Voici ce qu'a fait le gouvernement du Canada. Il a offert une garantie aux compagnies pharmaceutiques qui étaient prêtes à fournir des vaccins bon marché partout dans le monde. Cette initiative a fait chuter le coût du vaccin antipneumococcique à 5 p. 100 du prix original du marché américain.
Permettez-moi de terminer en vous parlant du fonds mondial qui, depuis sa création il y a une dizaine d'années, a mobilisé des entreprises privées, des grandes sociétés, des fédérations d'affaires, etc. ainsi que le secteur public et la société civile, qui désormais forment une grande alliance afin de combattre les pandémies de tuberculose, de paludisme et de sida. Le secteur privé a contribué, par exemple, pour 182 millions de dollars à ce partenariat en 2008. Les exemples les plus connus sont les initiatives de marketing comme RED qui, avec des partenaires comme American Express, Nike, Apple, Starbucks, ont permis de recueillir plus de 150 millions de dollars américains pour lutter contre le sida au Rwanda, au Ghana, au Lesotho et au Swaziland.
Je pourrais également parler un peu plus tard des initiatives dans le secteur bancaire, où le Canada a quelques points forts, et également du secteur minier.
[Français]
En résumé, pour Résultats Canada, il est clair que le secteur privé peut jouer un rôle de premier plan dans le développement économique, en particulier dans le secteur de la microfinance.
Par ailleurs, le secteur privé peut également jouer un important rôle d'appoint dans le domaine de la santé, en particulier en ce qui a trait à l'immunisation et à la prévention, dans le cadre de la lutte contre les grandes pandémies.
Il me reste à vous remercier de l'occasion qui nous a été offerte de présenter notre point de vue. Merci.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de votre présence aujourd'hui et de vos exposés très instructifs. Durant cette séance, j'ai beaucoup appris sur Brandaid et votre travail.
Félicitations du travail accompli par votre organisation. Il y a quelques semaines, j'ai eu le plaisir d'assister avec mon collègue Dean à la conférence que vous avez organisée avec des bénévoles. J'étais très impressionnée de la détermination des bénévoles, qui venaient de partout au pays et qui consacraient leur fin de semaine à l'important travail de votre organisation. Je dois vous féliciter de votre excellente collaboration avec eux, parce que les séances d'information qu'ils ont tenues avec les députés après la conférence étaient très pertinentes.
Nous parlons aujourd'hui de microfinance, de l'aide étrangère du Canada et du rôle du secteur privé. Mais je veux aussi prendre un moment pour dire que nombre de vos campagnes sont axées sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. J'ai beaucoup aimé que les groupes travaillent par région. Les gens avec qui j'ai discuté venaient de l'île et de la région de Vancouver. J'ai pu comprendre le travail effectué là-bas, et nous avons pu échanger.
Votre travail concernant le sida, la tuberculose et le paludisme est excellent. Depuis que je travaille sur la Colline parlementaire, j'ai beaucoup appris sur la tuberculose, ses causes et ses conséquences. Nous savons que le fonds mondial permet de sauver des millions de vies, mais il connaît des temps très difficiles. J'ai lu à la une de certains journaux que le Fonds mondial pour la santé suspendait de nouveaux programmes et même qu'il réduisait la taille de certains programmes mis en oeuvre.
Je félicite le gouvernement du Canada de son très généreux soutien envers le fonds. Dans vos dernières communications, vous avez dit:
Dites au gouvernement canadien que vous soutenez un engagement substantiel pour le fonds mondial qui appuiera des programmes économiquement avantageux pouvant sauver des vies en les protégeant de maladies infectieuses mortelles.
C'est ce que vous avez communiqué.
Toutefois, à force d'examiner la question, je commence à être un peu préoccupée par les programmes supprimés et ceux qui ne sont pas mis en oeuvre. Selon l'information recueillie, même si nous avons promis ce qui est selon moi un bon montant, je ne sais pas combien d'argent a été versé au fonds mondial. La dernière fois que j'ai consulté le site Internet, j'ai constaté que nous n'avions toujours pas versé les fonds. Je crains que nous mettions des vies en danger, si le fonds mondial est en si mauvaise posture.
Donc, comment percevez-vous...
:
Tout d'abord, je pense qu'il est pertinent de parler du livre
Brand Aid: Shopping Well to Save the World. Il ne porte pas sur mon entreprise, mais sur l'aide apportée par les entreprises. Ce livre critique beaucoup Product Red et le fonds mondial. Je le recommande à tous ceux qui s'intéressent aux discussions sur la question.
Je peux maintenant répondre à vos questions. Les problèmes d'infrastructure que nous rencontrons dans les pays émergents, surtout Haïti, sont très complexes et ils ne semblent pas diminuer. Pour ce qui est de l'infrastructure qui aide les producteurs, surtout les petits producteurs, à livrer leurs produits dans la capitale ou à l'aéroport, il faut surmonter plusieurs obstacles qui vont de l'absence de route à la réglementation, qui rend l'exportation si complexe qu'un artisan ou un petit producteur ne va même pas essayer de s'en occuper lui-même.
Au projet Brandaid, nous y voyons une occasion de travailler en partenariat avec les petits producteurs dans les pays émergents et de leur donner les ressources, le savoir-faire et la compréhension du marché mondial qui leur font tout simplement défaut. Notre partenariat fonctionne très bien.
Je pense que nous devons réexaminer notre hypothèse qu'après un ou deux ans, les gens sauront bien sûr comment s'y prendre. Le meilleur exemple de pensée magique, c'était que l'arrivée d'Internet et du commerce électronique allait forcément transformer l'économie mondiale des petits producteurs, qu'ils deviendraient leurs propres spécialistes du marketing et qu'ils auraient tous accès au marché mondial. Cette hypothèse ne s'est pas du tout réalisée.
Il y a quelques années, le Centre de recherches pour le développement international a produit une étude marquante sur le commerce électronique et ses conséquences pour les petits producteurs. La conclusion était que la révolution du commerce électronique avait permis aux petits producteurs de rejoindre moins de 5 p. 100 du marché potentiel. La question est complexe. Il faut donc des professionnels pour créer une image de marque et faire du marketing.
L'an dernier, 500 milliards de dollars ont été dépensés en publicité dans le monde, sans compter le marketing. En comparaison, l'industrie du cinéma, qui est très importante, dépense peut-être 35 milliards dans une bonne année. Nous ne comprenons même pas la publicité qui nous est présentée; elle est si omniprésente que nous ne la remarquons même pas. La grande majorité des petits producteurs dans les pays émergents sont tout à fait exclus de la publicité, s'ils veulent vendre leurs produits sur le marché mondial.
Le projet Brandaid se fonde sur deux convictions profondes. D'abord, la pauvreté dans le monde est une occasion d'affaires. Certaines personnes voient peut-être la question comme une obligation morale de montrer leur nature charitable, mais c'est avant tout une occasion d'affaires. Avec la bonne approche, les PME, les grandes entreprises et les multinationales peuvent faire de l'argent. La conviction profonde à Brandaid, c'est qu'il faut faire des affaires pour régler tous les problèmes, notamment les problèmes d'infrastructure. Le commerce a été inventé pour créer de la prospérité où il y avait de la pauvreté et il est le seul à pouvoir le faire.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
:
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins de leur présence ce matin et de leurs exposés. Je pense que nous les avons tous trouvés très intéressants et pertinents.
Je vais poser trois questions, dont une à M. Brohman
[Français]
et deux à M. Tardif.
[Traduction]
Je trouve le concept de Brandaid très intéressant. Je suis en grande partie d'accord avec vous sur l'importance de ce qui nous semble peut-être être des principes élémentaires de publicité et de marketing dans le secteur privé. Il faut ouvrir le marché aux économies émergentes et aux artisans locaux qui ne croyaient pas pouvoir y accéder. Si les choses sont faites correctement, ces gens pourront en profiter beaucoup.
Vous avez parlé de certains obstacles. Si je ne m'abuse, vous êtes très actifs en Haïti. Je suis curieux de connaître les autres projets auxquels vous songez. Vous avez parlé du manque d'infrastructure et d'autres obstacles. Par expérience, je sais que l'administration gouvernementale de certains pays émergents peut baigner dans la corruption. Si on veut charger un conteneur rempli de meubles pour le transporter par bateau de Port-au-Prince au Macy's, il faut plus qu'un camion. Il doit y avoir une série interminable d'obstacles administratifs, dont certains ouvrent la voie à la corruption.
Je me demande si c'est le cas et comment vous pouvez aider les artisans victimes de l'administration, de la police et d'autres entreprises locales. Je pense que toutes les étapes à suivre pour vendre ses produits sur le marché doivent rendre les artisans très vulnérables aux profiteurs. J'aimerais en savoir plus là-dessus.
[Français]
Monsieur Tardif, je vais poser mes questions en rafale et je vais peut-être avoir le temps d'entendre vos réponses par la suite.
Vous avez dit deux choses qui ont vraiment suscité mon intérêt, notamment que les secteurs financier et minier étaient des domaines où le Canada avait certains atouts de même qu'un certain leadership. Vous avez manqué de temps pour nous donner plus de détails à ce sujet. Je serais curieux d'en entendre davantage.
[Traduction]
Vos commentaires sur le microcrédit et le fait que les profits ne doivent pas porter ombrage aux objectifs sociaux m'intéressent aussi. Monsieur Brohman, vous avez d'abord dit qu'un aspect important des affaires, c'était le profit et qu'il fallait le comprendre.
Je me demande comment vous envisagez de conjuguer microcrédit et profit. Je ne suis pas en désaccord avec vous, mais je voudrais que vous donniez des précisions, car c'est peut-être le noeud du problème. Nous avons tous réagi en entendant parler d'un taux d'intérêt de 90 p. 100; cela semble révoltant. Mom Boucher et les Hells Angels fonctionnent peut-être ainsi; on ne dirait pas qu'il y a un objectif social. Mais vous avez presque dit que ce genre de prêt usuraire avait peut-être un objectif social. J'aimerais obtenir des précisions à ce propos.
Merci.
:
Parlons des secteurs financier et minier. Ce sont des secteurs pour lesquels le Canada possède un avantage comparatif. En effet, les banques sont plus importantes, et le secteur minier est très largement présent au Canada et ailleurs dans le monde.
Je souhaite donner deux exemples. Ce ne sont pas des exemples canadiens, mais le Canada pourrait les copier très facilement. Tout d'abord, au Ghana, en Afrique, la compagnie AngloGold Ashanti a soumis une proposition au Fonds mondial pour lutter contre la malaria et le paludisme et a reçu des fonds pour la mise en oeuvre d'un projet. Ce projet a connu un grand succès. La compagnie a elle-même fourni plus de 1,7 million de dollars en équipement, expertise et infrastructures pour les cinq ans du programme. C'est donc un exemple où le secteur privé a vraiment joué un rôle de leadership.
Ensuite, dans le domaine bancaire, il faut souligner que la Standard Bank, en Afrique du Sud, a conclu une entente bénévole afin de fournir de la formation financière à ceux qui recevaient de l'argent du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, afin de savoir comment gérer les fonds, etc. La banque a donné cette formation financière et comptable. C'est une chose très simple, mais qui a une incidence très pratique et utile sur le terrain. Ce sont donc deux exemples que je voulais souligner.
Il y a deux choses à souligner en ce qui a trait au taux de 90 p. 100. On est en faveur du profit, mais pas du profit excessif. Le pourcentage de 90 p. 100 est très élevé. Par contre, il y a deux semaines, j'ai parlé aux représentants mexicains du secteur à but non lucratif qui étaient présents au cinquième sommet mondial du microcrédit en Espagne. Après leur avoir demandé combien ils demandaient, ils m'ont répondu qu'eux aussi demandaient 90 p. 100. Le secteur privé et le secteur à but non lucratif demandaient le même montant.
Il faut aussi mentionner qu'on accepte le profit essentiellement pour assurer la pérennité de l'entreprise, sa viabilité financière, mais pas pour enrichir les investisseurs, comme le souligne clairement Muhammad Yunus lui-même. Cela permet à l'entreprise de défrayer ses coûts. On a un exemple très clair de cela en dehors du microcrédit. Il s'agit de l'association entre la Grameen Bank et la compagnie Yogourt Danone au Bangladesh. Cela a permis de fournir des yogourts à très bas prix partout au Bangladesh. Ces yogourts contiennent des suppléments nutritifs, des micronutriments pour élever le niveau de nutrition au Bangladesh. Cela a été fait de manière à couvrir tous les coûts de l'expansion partout au Bangladesh sans repayer les investisseurs. C'est ce que l'on appelle de l'entreprise sociale. C'est un modèle important, je crois, pour qu'il y ait une contribution du secteur privé au développement international.
:
Permettez-moi d'expliquer l'importance de la marque, parce que je pense que, dans notre société, c'est quelque chose que nous tenons souvent pour acquis. C'est un mot dont nous pensons connaître la signification.
Dans une économie émergente, la marque est cruciale, parce qu'elle touche la question de la propriété intellectuelle. Je peux vous donner l'exemple, vu sur le terrain, à Haïti, de Donna Karan, la marque DKNY, une marque importante au niveau mondial. Donna Karan est allée à Haïti, comme Macy, et elle a commencé à faire des affaires avec de très petits producteurs, des ateliers, des micro-entrepreneurs, qui avaient trois à cinq employés. Ces sociétés se sont simplement comportées comme d'habitude, profitant, dans les petites économies, du désespoir des petits joueurs qui ont besoin de remplir leurs carnets de commandes. Elles ont donc acheté des produits, elles les ont fait produire sous leurs marques...
La marque capture la valeur du produit. C'est pourquoi elle existe. C'est pourquoi quelqu'un qui vend sans autorisation un produit sous le nom de Nestlé ou de Tim Horton est poursuivi par une nuée d'avocats et perd beaucoup d'argent. La marque protège la valeur. C'est vrai pour les micro-producteurs. J'aimerais citer une étude effectuée dans l'ouest de l'Afrique par Light Years IP, une grosse organisation de Washington, sur l'effet des grandes marques sur les petits producteurs de café et, également, je crois, de cacao. Elle a conclu que les petits producteurs retenaient moins de 3 p. 100 de la valeur à la source, parce qu'ils vendent leur café à Nestlé, le premier acheteur de café de la planète, et la marque Nestlé capture cette valeur.
Cela a conduit à des rebondissements très intéressants. Le chocolat Divine a été créé en partenariat avec des Européens et 20 000 producteurs de cacao du Ghana, dans l'ouest de l'Afrique. Avant l'arrivée de cette marque sur le marché, ces producteurs vendaient leur chocolat à Hershey. Hershey, qui possède la marque, empochait l'argent. À l'époque, il fixait le prix du cacao, qui baissait d'une année à l'autre, au point que, comme dans le secteur du café, les producteurs perdaient de l'argent, parce qu'ils n'avaient aucune emprise sur la chaîne de valeur. Ils ne pouvaient capturer aucune valeur à la source.
Puis le chocolat Divine est arrivé. C'était une marque créée par un partenariat moitié-moitié entre de brillants mercaticiens européens et les producteurs, une coopérative de 20 000 producteurs de cacao. Sa mise en marché a eu beaucoup de succès en Europe, et la valeur de la marque revient aux propriétaires, les producteurs de cacao.
C'est ce que fait le projet Brandaid. Les études de référence que nous avons réalisées pour ce projet de l'ACDI concernent quatre collectivités. Elles se situent au début du projet. Nous voulons montrer que la création de marques protège la propriété intellectuelle — dans ce cas, la conception des produits par les artisans —, que les produits iront sur le marché sous un nom de marque appartenant aux artisans et que la valeur capturée à la source sera de 20 à 25 p. 100. Actuellement, comme je l'ai dit, cette valeur est de moins de 3 p. 100, parfois moins de 1 p. 100. Pour chaque dollar de produits exportés, cinq à dix cents restent à Haïti — et c'est vrai pour l'habillement, les produits de base, les mangues, le café, tout.
La création d'une marque est donc essentielle à la capture de la valeur et à la sécurité du marché et de la part de marché.
Est-ce que c'était assez clair?
:
Que cette question est douce à mon oreille! Elle concerne vraiment notre activité de prédilection.
Je dois vous parler de mon parcours. Je suis allé à Londres, discuter avec Selfridges. Pour ceux qui ne savent pas — on peut visiter son site Web — Selfridges se targue d'être le grand magasin le plus branché de la planète. Et c'est certainement vrai. C'est un endroit incroyable. On n'y vend pas que des produits. Le magasin organise des manifestations sur place pour attirer la clientèle, capter l'attention des médias et participer à la vie culturelle. À cette fin, il est à l'affût de choses et d'idées nouvelles.
Nous lui avons présenté un concept appelé « Voodoo Nouveau ». Bref, il l'a avalisé. Voodoo Nouveau répond à votre question sur le problème de l'image de marque d'un pays et sur son effet sur l'économie de ce pays.
Je suis allé à Haïti pour la première fois en 1977. J'étais jeune, je cherchais l'aventure, et c'était l'endroit le plus effrayant de la terre. Je voulais y aller pour découvrir ce qui était si effrayant et j'ai certainement trouvé la réponse. Au cours des 25 années qui ont suivi, j'ai vu à quel point la sinistre réputation du pays avait complètement fait fuir l'investissement et le tourisme. Elle a isolé le peuple, la culture et le pays. Bien sûr, cela n'a rien rapporté à l'économie nationale, à la population. Cela a simplement contribué au déclin constant de l'économie et à la pauvreté extrême. Au cours des 25 dernières années, Haïti s'est appauvrie à cause de cette réputation.
C'est en changeant l'image de marque d'Haïti que le projet Brandaid s'est vraiment aiguisé les dents. Je pense que le point culminant a été l'identification de la véritable nature du problème. C'est le vaudou. Grâce au programme de démonisation de Hollywood, qui se poursuit depuis des décennies, les gens pensent que le vaudou est... Eh bien, nous savons ce que les gens pensent du vaudou. En fait, c'est le coeur et l'âme d'un peuple. C'est une tradition religieuse incroyablement courageuse. Au 20e siècle, Haïti a connu deux fois l'occupation. Chaque fois, le vaudou a été mis hors la loi. Il était illégal de danser ou de battre du tambour. Les temples ont été rasés, et les objets sacrés brûlés. Enfin, le président Aristide, peu importe votre opinion sur l'homme, a érigé le vaudou en religion nationale, par décret présidentiel, et tous les Haïtiens ont poussé un soupir de soulagement, parce qu'ils ne se sentaient plus honteux de cette grande tradition spirituelle.
Nous attaquer au problème de l'image de marque directement et essayer de le résoudre dans un contexte économique, voilà vraiment le programme très stimulant que nous allons lancer avec Selfridges durant la Semaine du design à Londres, en septembre prochain.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le président, je voudrais que l'on prenne acte du fait que le Canada a doublé son aide à l'Afrique depuis que nous formons le gouvernement. Plus important encore, notre aide n'est plus liée, ce qui permet une utilisation plus efficiente des fonds. Ainsi, une aide plus soutenue peut aller aux économies émergentes et aux pays en développement où les organisations sur place profitent de ressources financières accrues pour acheter des vaccins au meilleur coût possible de telle sorte que plus de gens puissent en bénéficier. Lorsque notre aide était liée, moins de gens avaient accès aux vaccins en raison des coûts. Il est important que les Canadiens le sachent.
Monsieur Brohman, nous avons reçu comme témoin il y a quelques semaines M. Hernando de Soto. Je ne sais pas si vous connaissez son travail.
Je suis heureuse que ce soit le cas, car je n'aurai pas à faire de mise en contexte.
Parmi les choses importantes dont il nous a entretenus, il y avait la question des droits de propriété. Il nous a expliqué à quel point cela pouvait poser problème au sein des économies émergentes, car les gens qui souhaitent devenir entrepreneurs y opèrent en marge des limites de la légalité. Il soulignait, entre autres le cas des entrepreneurs qui souhaitent lancer leur entreprise, mais n'ont pas accès aux capitaux nécessaires parce qu'ils ne possèdent aucun actif immobilier.
J'aurais donc une question au sujet de ces artisans auxquels vous venez en aide. La question des droits de propriété, notamment pour les biens immobiliers, est très problématique en Haïti, un pays dont le système judiciaire est extrêmement limité à l'heure actuelle. Comment protégez-vous ces droits?
Et si je puis me permettre d'ajouter une question, pourriez-vous nous dire combien de femmes participent à ces groupes de production artisanale?
Par ailleurs, en aidant ces gens à accéder à la rentabilité, dans quelle mesure contribuez-vous à diminuer les besoins d'aide financière à venir pour ces pays?
Finalement, j'avais plusieurs questions.