FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 juin 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous menons une étude sur la politique étrangère du Canada par rapport à la Corée du Nord. Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
Nous accueillons Jack Kim, conseiller spécial, HanVoice; de même que Marius Grinius, présent ici à titre personnel. Nous tentons également d'établir la communication avec une personne qui témoignera par vidéoconférence depuis Vancouver, en Colombie-Britannique. Nous travaillons là-dessus, mais cela ne nous empêchera pas de commencer nos travaux.
Monsieur Kim, voulez-vous ouvrir le bal et nous présenter votre déclaration préliminaire? Nous passerons ensuite à l'autre témoin, puis nous terminerons par le témoignage par vidéoconférence, si nous sommes en mesure de l'entendre.
Monsieur Kim, je vous souhaite la bienvenue et vous cède la parole. Vous avez de sept à dix minutes.
Bien sûr, merci beaucoup. Je suis sûr que cela suffira, vu que mon exposé est rédigé. Je n'en ferai pas une lecture intégrale, mais quelques-unes des observations que je formulerai en sont tirées.
Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invité ici. Je joue plusieurs rôles au sein de la communauté d'intérêts nord-coréenne de Toronto. Par exemple, je participe aux activités de HanVoice — organisme de défense des droits de la personne —, de CanKor — blogue consacré exclusivement aux questions touchant la Corée du Nord — et du North Korean Human Rights Film Festival de Toronto. Au nom de toutes ces organisations, je vous remercie de m'avoir invité ici.
Je n'examinerai pas vraiment par le menu l'actuelle politique du Canada, car je suppose que tout le monde ici la connaît. Je me contenterai de dire qu'elle comporte divers énoncés, dont le plus vigoureux a donné lieu à ce que l'on appelle la politique d'engagement limité, appliquée depuis 2010. Il s'agit d'une politique très musclée qui restreint les discussions bilatérales avec la Corée du Nord sur plusieurs sujets définis et empêche essentiellement les Canadiens d'importer des produits de la Corée du Nord et d'y exporter quoi que ce soit. La politique s'assortit également de quelques sanctions liées à la technologie et aux activités financières.
La politique est une nature très symbolique, mais je crois — vu que j'ai participé à des consultations officieuses à l'époque où la politique a été établie — que le personnel du MAECI en est conscient. Il n'y a pas grand-chose que le Canada puisse faire pour imposer quoi que ce soit à la Corée du Nord sur le plan bilatéral. Au moment de procéder à un examen de la politique — et c'est probablement la raison pour laquelle nous sommes réunis ici aujourd'hui —, nous devons nous pencher sur quelques-unes des prémisses qui la sous-tendent. L'une d'entre elles tient à ce que la Chine peut influer sur la Corée du Nord. On suppose que, si la Chine applique les multiples sanctions dont elle a menacé la Corée du Nord, ce pays pliera l'échine et se mettra à faire tout ce qu'on lui demande. À mes yeux, il s'agit d'une hypothèse très hardie, dont la validité n'a pas encore été éprouvée.
Nous devons également nous demander si cela cadre vraiment avec les objectifs à long terme du Canada, et si la Chine souhaite simplement que la Corée du Nord demeure, à long terme, dans son état actuel ou dans l'état où elle était auparavant. Le cas échéant, pourquoi la Chine appliquerait-elle l'une ou l'autre des sanctions qu'elle a édictées contre la Corée du Nord? Voilà la première question que nous devons nous poser.
La deuxième question est la suivante: la Corée du Nord a-t-elle vraiment l'intention de renoncer à son armement nucléaire? Vu que nous déployons depuis 20 ans des efforts à cette fin, on peut se demander si elle souhaite vraiment le faire. D'un point de vue à la fois stratégique et tactique, la Corée du Nord se trouve au milieu de superpuissances économiques et militaires. Le Japon, qui n'est pas connu pour être une puissance militaire, consacre une part minuscule de son PIB à la défense, mais ce montant représente quatre fois le PIB de la Corée du Nord, ce qui inquiète ce pays. En outre, quel intérêt aurait la Corée du Nord pour le reste du monde si elle renonçait à son arsenal nucléaire? Elle ne serait plus qu'un pays pauvre auquel les États-Unis n'accorderaient aucune attention.
Si la Corée du Nord n'a pas l'intention d'abandonner son programme nucléaire, nous devons changer les prémisses de notre politique étrangère et commencer à la réorienter dans une certaine mesure. Si nous admettons que la Corée du Nord maintiendra son programme, nous devons commencer à réfléchir aux étapes suivantes.
Tout d'abord, nous devons nous pencher sur les tenants et aboutissants du désarmement. Le fait que les États-Unis possèdent des missiles nucléaires et que le président Obama peut décider de les utiliser ne nous préoccupe pas vraiment. On ne peut pas en dire autant du contrôle qu'exerce le président Ahmadinejad sur les missiles nucléaires que possède son pays. Ce qui est inquiétant, c'est la nature de l'État qui possède l'arme nucléaire. J'ose affirmer aujourd'hui que le Canada ne peut exercer la moindre influence sur la nature du régime nord-coréen et les actes qu'il pose. Le comportement de Kim Jong-un, dirigeant actuel de la Corée du Nord, le prouve. Qu'est-ce qui l'empêche de dormir la nuit?
Même si la Corée du Nord est un pays très opaque, voire l'un des plus opaques du monde, il est possible de recueillir des renseignements à son sujet et de formuler quelques hypothèses pour répondre à cette question. Pour établir ce qui le préoccupe, il s'agit d'examiner ce à quoi la Corée du Nord consacre du temps. Tout d'abord, il y a probablement la Chine. C'est elle qui alimente, si je peux dire, Pyongyang. À l'heure actuelle, la majeure partie des échanges commerciaux de la Corée du Nord se font avec la Chine. La Corée du Nord craint que la Chine la laisse tomber. Il s'agit de la première préoccupation.
La deuxième a trait aux sanctions. Ce qui inquiète la Corée du Nord, ce sont non pas les sanctions de la nature de celles qui sont prises actuellement, mais les sanctions qui seraient de nature plus personnalisée, par exemple celles édictées contre la Banco Delta, située à Macao, et où les membres de l'élite de Pyongyang possédaient une foule de comptes bancaires. En bloquant ces comptes, les États-Unis ont été en mesure, en 2006, de ramener la Corée du Nord au sein du processus des pourparlers à six.
Il s'agit d'un élément crucial, vu que la Corée du Nord a besoin d'une grande quantité de devises fortes. Elle déploie énormément d'efforts pour tenter de s'en procurer, que ce soit par l'entremise de l'organisation spéciale appelée Division 39 ou de celle de ses diplomates. Parmi les mesures qui ont été prises, mentionnons la fabrication de faux dollars américains, le trafic de drogues et la vente d'armes. Ainsi, les devises fortes constituent en soi pour la Corée du Nord quelque chose de très précieux et de très préoccupant.
J'aimerais maintenant aborder un troisième élément, à savoir ce que j'appellerai les biens culturels. Il peut s'agir de biens matériels comme des émissions de radio, des clés USB et des DVD que des commerçants font entrer clandestinement en Corée du Nord. Ces clés USB et ces DVD contiennent des films, des documentaires et des émissions de télévision qui ne sont pas diffusés dans le pays. Des réfugiés nord-coréens m'ont dit que les séries les plus populaires étaient Spartacus et Trône de fer, produites par HBO. Il est intéressant de constater que, même en Corée, les Lannister se battent contre les Stark, ou, en tout cas, ce qu'il reste d'eux.
Il n'y a pas que les biens matériels qui se fraient un chemin en Corée du Nord — il y a également les biens immatériels, à savoir les idées. Les deux types d'idées que le régime nord-coréen craint le plus, ce sont les idées chrétiennes et les idées relatives aux droits de la personne. Voilà des choses qui doivent empêcher de dormir les membres du régime de Kim Jong-un.
Le quatrième élément dont j'aimerais parler, ce sont les réfugiés. À l'heure actuelle, il y a environ 25 000 réfugiés nord-coréens en Corée du Sud. Depuis le milieu des années 1990, à savoir depuis la famine, ce nombre ne cesse de croître. Depuis cette époque, quelque 2 500 personnes fuient chaque année la Corée du Nord. Toutefois, nous devons tenir compte du fait que, depuis 2012, à savoir depuis l'accession de Kim Jong-un au pouvoir, ce nombre est passé à environ 1 500, ce qui représente une diminution de 40 p. 100. D'après nos sources sur le terrain, cette diminution tiendrait à une surveillance accrue de la frontière entre la Corée du Nord et la Chine et au fait que le pays est beaucoup plus préoccupé par cette question des réfugiés.
Les bulletins d'information nous apprenaient récemment le rapatriement en Corée du Nord, sur l'ordre du régime en place, de neuf orphelins nord-coréens qui avaient trouvé refuge au Laos. Le fait que le régime fasse la chasse aux orphelins ayant fui le pays montre que la fuite de Nord-Coréens est une question qui le préoccupe.
Enfin, nous devrions nous intéresser aux changements internes qui surviennent en Corée du Nord, changements sur lesquels nous n'exerçons aucune emprise. À mes yeux, l'un des plus importants est l'apparition des marchés parallèles, ou jangmadang, comme on les appelle en coréen. Pour l'essentiel, les Nord-Coréens ont créé ces marchés parallèles à la suite de la famine, après l'effondrement de l'ensemble du système de distribution des aliments.
Ces marchés parallèles ont divers effets. Tout d'abord, ils diminuent la dépendance à l'égard de l'État. De plus, ils constituent des endroits où les gens peuvent échanger et diffuser de l'information. Enfin, ils réduisent l'inégalité entre les hommes et les femmes qui règne en Corée du Nord, vu qu'ils permettent aux femmes de faire leur part pendant que leurs maris occupent des emplois sans avenir de fonctionnaire pour l'État nord-coréen. La multiplication de ces marchés parallèles contribue à atténuer le déséquilibre entre les sexes.
Ces marchés inquiètent beaucoup le régime nord-coréen, d'une part, bien entendu, parce qu'ils sont de nature capitaliste, mais aussi, d'autre part, parce qu'ils diminuent le pouvoir qu'il exerce sur la population. Si la réforme monétaire de 2009 — qui visait à faire disparaître la classe commerçante — a échoué, c'est principalement en raison de la très grande insatisfaction des membres de cette classe commerçante. Les Nord-Coréens ont fusillé le responsable de cette réforme.
Je pourrais peut-être maintenant formuler quelques recommandations fondées sur ces observations.
Premièrement, il faut utiliser la Chine. J'ai des doutes quant à la politique qu'elle a adoptée, mais il faut l'exploiter. La Chine contribue énormément à l'économie nord-coréenne. Cela dit, la Chine n'a pas l'habitude de flancher sous la pression. Nous devons la convaincre que la stabilité du régime nord-coréen n'est peut-être pas dans son intérêt à long terme.
Deuxièmement, il faut adapter les sanctions. Il faut éviter d'avoir recours à des sanctions d'une portée exagérément vaste. D'après quelques-unes de mes sources d'information qui se sont rendues récemment à Pyongyang, l'Université Kim-II-sung disposait d'ordinateurs Hewlett-Packard et d'une zone d'accès Internet sans fil. Lorsque la principale université nord-coréenne dispose d'ordinateurs fabriqués aux États-Unis, on peut se poser des questions. On peut se poser des questions sur l'efficacité des sanctions.
La prise de sanctions adaptées faciliterait en outre l'adhésion de la Chine, qui n'a peut-être pas intérêt à ce que des sanctions d'une portée trop vaste soient prises contre la Corée du Nord. Des sanctions sur mesure — comme celles visant Banco Delta Asia — peuvent être utilisées pour tenter d'influer sur le régime.
Troisièmement, il faut favoriser l'entrée des biens culturels en Corée du Nord. Nous pouvons appuyer les organisations qui font entrer clandestinement les biens de ce genre en Corée du Nord, mais notre politique actuelle — la politique d'engagement limité — est d'une portée un peu trop vaste et englobe la technologie. Nous comprenons que, par technologie, ce qui est visé, c'est peut-être davantage les missiles balistiques que les DVD. Nous avons demandé au MAECI de nous fournir des éclaircissements à propos de cette politique, mais nous n'avons toujours pas reçu de réponse précise. Des éclaircissements seraient extrêmement appréciés.
Quatrièmement, le Canada aide les réfugiés nord-coréens et peut continuer de le faire. L'ambassade du Canada à Séoul exécute un programme qui met en contact des réfugiés nord-coréens et des Canadiens qui enseignent l'anglais. De telles initiatives contribuent énormément à renforcer les liens qui unissent les réfugiés nord-coréens en Corée du Sud. En outre, l'un de vos collègues, le député Barry Devolin, participera au lancement d'un programme dans le cadre duquel un Nord-Coréen réfugié en Corée du Sud viendra faire un stage à HanVoice et au Parlement. Ce type d'initiative visant à créer des liens communautaires est crucial au moment d'aider les réfugiés à s'établir et à s'intégrer au sein de la société.
Le Canada peut également participer à un programme permettant de faire venir au Canada, par le truchement de programmes de parrainage privés, des Nord-Coréens qui se sont réfugiés, par exemple, en Thaïlande. La communauté coréenne du Canada est plus que disposée à prendre part à ce programme. À coup sûr, le Canada peut apporter sa contribution — fût-elle minime — à cette initiative.
Enfin, le Canada peut favoriser les changements au sein de la société nord-coréenne en exécutant des programmes de développement ou d'aide humanitaire et en contribuant ainsi à combler les besoins fondamentaux de la population. Il y a diverses raisons de faire cela; en effet, il s'agit là non seulement d'initiatives de nature altruiste visant à aider nos semblables, mais également de gestes qui suscitent le changement, vu que les personnes affamées et malades ne descendent pas dans la rue pour protester contre le régime et changer les choses.
Grâce à l'apparition des marchés parallèles, la Corée du Nord a une véritable occasion de constituer une classe moyenne, dont proviennent depuis toujours les personnages clés des mouvements qui ont fait tomber des gouvernements, comme le montrent les événements de la Révolution française et du printemps arabe, et ce qui se passe actuellement en Turquie, ou même ce qui s'est passé à la place Tiananmen, notamment un certain 4 juin. Nous sommes aujourd'hui le 4 juin.
Il y a une autre raison. Comme les missionnaires canadiens l'ont fait en Corée au XIXe siècle en construisant des écoles, des hôpitaux et des orphelinats, nous pouvons amener un peu du Canada au sein de la Corée du Nord et contribuer à son ouverture, laquelle ne peut que survenir. Je n'ai aucun doute là-dessus. Des Églises et des organisations canadiennes sont déjà sur le terrain. L'Université des sciences et de la technologie de Pyongyang est un exemple probant d'initiatives privées menées par des Canadiens.
En conclusion, je ne vous en voudrai pas si vous êtes sceptique et croyez que le fait de changer la Corée du Nord représente une tâche colossale. Je ne vous en voudrai pas, car nous avons tous l'image d'une Corée du Nord statique et immuable. Cependant, cette image n'est pas étayée par les faits. Au cours des 20 dernières années, des changements spectaculaires se sont produits dans ce pays, principalement grâce aux efforts déployés par les Nord-Coréens, et malgré les mesures prises par le régime en place pour les réprimer.
Je vous laisserai sur la question suivante: Que pourrait-il se passer si le Canada aidait vraiment le peuple nord-coréen?
Merci.
Merci beaucoup, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'adresser au comité permanent.
En 2006, Ottawa m'a demandé de rédiger un bref texte énonçant mon point de vue sur la Corée du Nord. Ce texte commençait par quelques observations concernant l'affirmation selon laquelle le véritable État stalinien mis en place en Corée du Nord par le « grand dirigeant » Kim II-sun et son fils Kim Jong-il rendrait jaloux Staline lui-même. J'indiquais que la Corée du Nord était l'État le plus terrifiant auquel j'avais eu affaire au cours de mes 30 années de service à l'étranger. J'ai eu affaire aux Khmers Rouges dans la jungle, et je peux vous dire qu'ils paraissent bien inoffensifs par comparaison aux membres du régime nord-coréen.
Comme vous le savez, j'ai été ambassadeur du Canada en Corée du Sud de 2004 à 2007. En 2005, Ottawa a décidé de transférer à Séoul — donc à moi — ses activités diplomatiques relatives à la Corée du Nord. Selon les chiffres les plus récents, 13 ambassadeurs étrangers établis à Séoul — y compris celui du Canada, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande et de l'Irlande — étaient accrédités à Pyongyang. À l'époque, nous nous appelions le « Club Pyongyang ».
Durant mon mandat, je me suis rendu quatre fois à Pyongyang. Avant de faire des commentaires à propos de la politique du Canada à l'égard de la Corée du Nord, j'aimerais formuler quelques observations et conclusions personnelles sur ce pays, à la lumière des années que j'ai passées là-bas, des discussions que j'ai eues avec des membres de groupe de réflexion à Beijing et à Séoul et de ce que m'ont dit diverses personnes que j'ai rencontrées.
J'ai dit que la Corée du Nord était l'État le plus terrifiant avec lequel j'aie eu à traiter. Cela est attribuable au lavage de cerveau que l'on fait subir dès leur petite enfance aux gens là-bas. On leur enseigne que tout découle de la bonté de la dynastie Kim, que la Corée du Nord a remporté la guerre de Corée, que la Corée du Sud constitue un désastre économique, et, bien sûr, que le pays risque à tout moment d'être envahi par les Américains impérialistes.
À mes yeux, le régime nord-coréen tombe assurément en déliquescence. Il ne parvient même pas à nourrir sa population. M. Kim a évoqué l'atroce bilan de ce pays en matière de droits de la personne.
La politique du Songun, qui accorde la priorité à l'armée, est à prendre au sérieux. La survie de la dynastie Kim a toujours été tributaire de l'armée, et cela continue à être le cas. J'ai eu une fois l'occasion de rencontrer des membres de l'armée nord-coréenne, qui n'ont pas l'habitude de discuter avec des diplomates étrangers. Ce qui devait être une visite de politesse d'une vingtaine de minutes s'est transformée en discussions d'environ 90 minutes. Nous avons échangé nos points de vue de manière franche et fraternelle. Le principal élément que j'ai retenu est le fait qu'il s'agissait de l'unique des quatre rencontres officielles avec des représentants de l'État nord-coréen au cours de laquelle mon accompagnateur du ministre des Affaires étrangères s'est vu refuser l'accès. Je crois que cela donne une assez bonne idée de l'influence, si je peux dire, de l'armée de la Corée du Nord.
Bien entendu, ces militaires m'ont dit que l'armement nucléaire nord-coréen constituait la seule raison pour laquelle les États-Unis n'envahissaient pas le pays. Bien sûr, j'ai répliqué qu'il s'agissait d'une absurdité, et nous avons eu, comme je l'ai mentionné, un très long échange à ce sujet. On ne sait que très peu de choses, voire rien, à propos de la structure de commandement et de contrôle de l'armement nucléaire nord-coréen. Cela devrait beaucoup nous inquiéter. J'ai conclu de cette discussion que l'armée coréenne ne possédait assurément aucune compréhension de la réalité géopolitique, mais qu'elle était certainement très puissante en coulisse, et heureuse de demeurer dans l'ombre.
Il est évidemment très judicieux de la part de Kim Jong-un de suivre les traces de son père afin de conserver les rênes du pouvoir. Des gens répètent sans cesse qu'il finira comme Ceausescu, mais j'estime qu'il est fort possible que l'armée nord-coréenne fasse de mauvais calculs.
Vous êtes probablement tous au courant des actes posés par la Corée du Nord au cours des six derniers mois. Je mentionnerai, entre autres, la rupture de l'armistice, la fermeture de Kaesong, les mesures prises pour que l'armée demeure sur le pied de guerre, et même l'injonction adressée à des étrangers établis à Séoul de quitter le pays. Et puis, récemment, la Corée du Nord a annoncé qu'elle prévoyait remettre en service le réacteur nucléaire de Yongbyon. De surcroît, trois essais de missile nucléaire ont eu lieu.
Il s'agit de la première fois que le pays pose des gestes d'une telle virulence. À l'époque, il proférait sans cesse la menace de mettre Séoul à feu et à sang, mais on en faisait fi et on passait à autre chose. Je crois que Séoul recommence à adopter cette attitude. Cela dit, les événements que j'ai mentionnés ont eu un certain nombre de résultats, si je peux dire. À coup sûr, la Corée du Nord a fait perdre patience à la Chine. En fait, durant une série de rencontres que j'ai eues avec des représentants officiels de la Chine, j'ai fait valoir que, d'une part, la Chine avait toujours adopté une vision stratégique à très long terme, et, d'autre part, que la Corée du Nord, en tant qu'État en voie de déliquescence, représentait à présent un boulet pour la Chine. En fin de compte, à long terme, la Chine a tout intérêt à établir les meilleures relations politiques et commerciales possible avec la Corée du Sud.
À coup sûr, la Corée du Nord est parvenue à se mettre à dos les États-Unis, et leur a donné une raison supplémentaire de déployer leur armée. La Corée du Nord a donné aux États-Unis et à la Chine une excellente raison d'établir des liens plus étroits. Un peu plus tard cette semaine, le président de la Chine et celui des États-Unis vont se réunir, et je m'attends à ce que la Corée du Nord soit l'un de leurs sujets de discussion. La Corée du Nord a insulté le nouveau président de la Corée du Sud, Park Guen-hye, et, bien sûr, elle a contrarié le Japon.
En fait, la plupart des proclamations de Kim Jong-un semblent s'inscrire dans une stratégie intérieure visant à affermir continuellement son pouvoir. De fait, la Corée du Nord n'a réalisé aucun de ses objectifs en matière de politique étrangère, qu'il s'agisse de la levée des sanctions, de la tenue de discussions directes avec les États-Unis ou de l'obtention d'une aide financière de la Corée du Sud et du Japon. Je ne pense pas qu'elle parviendra à réaliser ses objectifs dans un avenir prévisible.
Cependant, nous n'avons aucune raison de croire que des sanctions auront de meilleurs résultats dans l'avenir, même si la Chine les applique en tous points. En outre, il n'y a aucune raison de croire que la Corée du Nord mettra fin à son programme nucléaire. Dans les faits, il est incroyable qu'un État tombant en ruines comme la Corée du Nord, véritable vestige de l'époque stalinienne, soit parvenu à survivre aussi longtemps. Cet État doit sa survie non pas à sa démence ou à la seule chance, mais à ses actes froidement calculés, à ses discours grandiloquents, à ses bombes, à ses missiles, à son emprise tyrannique sur sa population, à sa manière astucieuse de manipuler ses voisins et à ses rares amis, parmi lesquels on compte, bien sûr, la Chine. Cela dit, il est possible que la Corée du Nord fasse une erreur de calcul, et il s'agit d'une très forte possibilité.
Passons à la politique étrangère du Canada. À mon avis, au fil des ans, le Canada a affiché un bon bilan en matière d'aide humanitaire à la Corée du Nord. Il a pris part, entre autres, à des programmes de la Croix-Rouge et d'organismes des Nations Unies, y compris le Programme alimentaire mondial. Les communiqués de presse du MAECI contiennent toutes sortes de statistiques à propos des programmes d'aide de ce genre. Le Canada appuie toujours totalement les sanctions édictées par les Nations Unies contre la Corée du Nord, mais en toute honnêteté, la portée de ces sanctions est très limitée, vu que les échanges commerciaux avec le pays sont à peu près nuls, et que le Canada n'exerce aucune sorte de pression sur la Corée du Nord en interrompant son prétendu commerce avec elle.
De plus, rien n'indique que la Corée du Nord ait tenté de contourner le régime canadien de contrôle des exportations de technologie nucléaire ou balistique. La présence canadienne au sein du commandement des Nations Unies est modeste, mais assurément appréciée des États-Unis et de la Corée du Sud.
M. Kim a parlé de l'adoption par le Canada, en 2010, de la politique d'engagement limité.
L'actuel ambassadeur du Canada à Séoul, en poste depuis pas moins de deux ou trois ans, si je ne m'abuse, n'a toujours pas présenté ses lettres de créance à Pyongyang. Pourquoi? À coup sûr, je n'ai pas été informé du moindre échange diplomatique de bas niveau avec la Corée du Nord, ni de visites canadiennes à Pyongyang.
Comme M. Kim l'a mentionné, les mesures prises par le Canada sont de nature symbolique, et j'estime que, à l'heure actuelle, dans le dossier nord-coréen, le Canada joue un rôle secondaire, et risque de voir l'importance de son rôle réduite à néant.
Là encore, le Canada n'exerce pas une influence équivalente à celle de la Chine, des États-Unis ou du Japon, mais il peut quand même contribuer à changer les choses. Cela dit, pour être en mesure de le faire, il doit engager le dialogue avec les Nord-Coréens à un échelon élevé. En d'autres termes, l'ambassadeur du Canada doit faire part aux hauts dirigeants nord-coréens des préoccupations du Canada à propos de la non-prolifération des armes nucléaires, des droits de la personne, du cyberespace et de la sécurité régionale. À coup sûr, c'est ce que j'ai fait lorsque j'ai présenté mes lettres de créance à Kim Yong-nam, numéro deux du gouvernement nord-coréen et président du Présidium de l'Assemblée populaire suprême. Nous avons eu une discussion sérieuse, franche et fraternelle, comme celles que j'ai eues avec de hauts dirigeants à divers endroits de Pyongyang.
Je souligne au passage qu'il est très rare que l'on ait l'occasion de discuter avec des hauts dirigeants. Lorsque j'étais ambassadeur au Vietnam, je m'adressais habituellement à une personne qui était assise à une distance équivalente à celle qui me sépare de la jeune personne assise dans la deuxième ou la troisième rangée ici. Cette personne écoutait attentivement mes propos et prenait des notes. Il s'agit d'une stratégie à long terme.
Il faut se rendre régulièrement à Pyongyang pour constater ce qui se passe dans les rues et ailleurs. Il faut faire le voyage de 26 heures en train de Beijing à Pyongyang et voir ce qui se passe à la campagne. C'est de cette façon que l'on peut acquérir de la crédibilité et de l'expertise. Ce n'est que si vous êtes allé sur le terrain que vous pouvez parler de façon éclairée et mobiliser véritablement des intervenants clés, par exemple la Chine, en ce qui concerne le dossier nord-coréen.
Enfin, de façon plus générale, le Canada doit considérer le fait de nouer un dialogue sérieux avec la Corée du Nord comme l'un des fondements importants de son engagement politique en Asie.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
Merci beaucoup.
Nous allons commencer par M. Dewar.
Vous avez sept minutes, monsieur. Allez-y, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos deux invités, dont les exposés étaient très complémentaires.
Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Grinius. Un intéressant rapport a été publié en Chine aujourd'hui. Entre autres, il y est mentionné que les relations entre la Corée du Nord et la Chine sont polies, mais pas chaleureuses — image intéressante qui indique la manière dont les choses ont évolué. Il y est également question du fait que la Chine vient tout juste d'envoyer à Kim une lettre sévère, et se penche sur la démarche qu'elle doit adopter pour l'amener à écouter ce qu'elle a à dire. De toute évidence, comme nous le savons tous, de la frustration se fait sentir à Beijing.
Cela dit, je crois que vos commentaires selon lesquels nous devons engager un dialogue ont été accueillis favorablement. Il y a deux ou trois ans, j'ai assisté, au Moyen-Orient, à une conférence à laquelle participaient des représentants de la Corée du Nord — ce qui est extrêmement rare — et de la Corée du Sud. J'ai demandé à un ancien ministre des Affaires étrangères de la Corée du Sud de me dire ce que, selon lui, le Canada devrait faire. Il m'a dit que le Canada devait continuer à jouer un rôle actif, et que son pays avait besoin que le Canada continue à le faire. Ainsi, je comprends ce que vous avez dit à propos de la nécessité de présenter nos lettres de créance et de continuer à jouer un rôle actif.
Toutefois, on a des raisons de craindre que le modèle que nous souhaitions tous voir adopter, celui des pourparlers à six, ne fonctionne pas. Je suis curieux de savoir de quoi il retourne. Si ce modèle ne fonctionne pas, y en a-t-il d'autres qui puissent nous permettre d'engager un dialogue? En outre, quelle est notre responsabilité à cet égard? De toute évidence, comme nous le savons tous, le Canada ne pourra pas agir seul. Quelle est votre opinion à ce sujet?
Merci, monsieur.
Auparavant, les relations entre la Chine et la Corée du Nord étaient qualifiées d'extrêmement étroites, et à présent, on dit qu'elles sont chaleureuses.
Il est très intéressant de constater que la Chine exprime sa frustration de diverses façons, par exemple dans le cadre du Conseil de sécurité.
Je discutais avec des Chinois chaque fois que je devais passer par Beijing pour me rendre à Pyongyang. À coup sûr, à l'époque, ils disaient qu'il fallait préserver la stabilité, qu'ils étaient inquiets de l'arrivée de réfugiés en Chine et qu'ils souhaitaient faire en sorte que tout reste calme. De toute évidence, la situation a changé, vu que la Chine n'exerce pas vraiment de contrôle sur les incidents provoqués par la Corée du Nord.
À mon avis, la relation entre ces deux pays est fascinante. Les Nord-Coréens ne reconnaissent pas l'aide fournie par la Chine durant la guerre de Corée. Si vous vous rendez au musée du front de la patrie de Pyongyang, vous ne décèlerez à peu près aucune mention de la Chine. Encore aujourd'hui, les hauts dirigeants chinois sont mécontents du fait que le fils de Mao Tsé-Toung soit mort en Corée.
En ce qui concerne les pourparlers à six, je vous dirai qu'il s'agit d'un cadre au sein duquel les intervenants ne sont pas tous égaux. Là encore, les deux rôles principaux sont joués par la Chine et les États-Unis. Il est peut-être possible d'en faire davantage dans le cadre de discussions bilatérales ou trilatérales que dans celui des pourparlers à six.
J'ai deux ou trois choses à ajouter. Dans le passé, la Russie a exercé une influence dans la région, mais ce n'est plus le cas. Elle est présente, mais son importance est négligeable. Malgré le respect que je dois à ce pays, je dois dire que le Japon doit se débarrasser de son importante amnésie historique, notamment en ce qui a trait à son passé colonial dans les deux Corée et en Chine, bien entendu. Le Japon a de l'argent, mais il a encore des problèmes à régler là-bas. Tout se résume peut-être au fait de tenter d'engager des discussions avec la Chine et les États-Unis. Je dois souligner respectueusement que, malgré tout ce qu'ils savent à propos de tant de choses, les États-Unis sont incapables d'adopter la façon de raisonner innovatrice qui est nécessaire pour régler des problèmes comme celui de la Corée du Nord.
Il se peut qu'il existe d'autres modèles, mais je ne saurais vous dire lesquels. On doit mener une foule de discussions. Je crois, comme M. Kim l'a mentionné, que la Chine représente l'élément clé. Si l'on possède la crédibilité requise et qu'on parvient à mener les Chinois à pousser leur réflexion un peu plus loin, il est possible de les mobiliser.
Merci.
Monsieur Kim, j'ai une brève question à vous poser. J'aimerais simplement que vous précisiez un commentaire que vous avez formulé à propos de l'entrée de biens culturels en Corée du Nord. J'imagine que vous n'êtes pas en train de suggérer que nous mettions en place des réseaux de contrebande. Quelle serait la manière judicieuse de faire cela?
Il y a une foule d'organisations sur le terrain qui participent à de telles activités. En ce moment, la plus importante est Radio Free Asia, organisation conçue à l'image de l'ancienne Radio Free Europe. Elle est soutenue par le département d'État des États-Unis, et elle diffuse chaque jour des émissions en Corée du Nord.
Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Toutefois, il y a aussi des organisations qui font entrer clandestinement des DVD et des clés USB en Corée du Nord et qui les distribuent gratuitement à la population pour qu'elle puisse avoir une idée de ce qui se passe à l'extérieur du pays.
Merci, monsieur le président.
Merci à nos invités d'être ici aujourd'hui.
Je me suis moi aussi rendu en Corée du Nord. En fait, je n'ai fait que quelques pas sur ce territoire. En 2009, j'ai visité la zone démilitarisée et l'édifice des Nations Unies qui est à cheval sur la frontière internationale. Le premier ministre Harper était présent. Je n'oublierai jamais l'image de M. Harper qui regarde par la fenêtre en direction d'un garde nord-coréen qui l'observait au moyen de jumelles. On aurait dit une scène d'un film d'espionnage de série B de l'époque de la guerre froide. Je n'aurais jamais cru assister à une telle scène durant mon existence.
Cela dit, on pouvait soupçonner que les gardes qui se trouvaient là étaient probablement les Nord-Coréens les plus en santé de leur pays. Ils étaient visiblement différents des gardes sud-coréens — ils étaient manifestement plus minces et plus émaciés, et semblaient avoir besoin d'une meilleure alimentation.
Même avant de me rendre là-bas, j'étais perplexe quant aux raisons qu'a la Chine de permettre qu'une telle situation perdure. Vous avez tous deux mentionné la Chine. Lors de mon premier séjour là-bas, en 1987, le PIB moyen par habitat était d'environ 250 $. À présent, nous pouvons constater que, dans l'intervalle, un miracle s'est produit là-bas. Il me semble que la Corée du Nord représente la pire publicité du monde pour le communisme. Je ne comprends pas pourquoi la Chine ne veut pas que la Corée du Nord parvienne à faire ce qu'elle a elle-même réussi à faire pour sa propre population.
Monsieur Kim, vous avez dit que Pyongyang était alimentée par la Chine, son principal partenaire commercial. Si j'ai bien compris, il y aurait encore plus de gens qui mourraient de faim chaque année en Corée du Nord si la Chine ne fournissait pas d'aliments à ce pays. La Corée du Nord possède des armes nucléaires. On a fait allusion à la possibilité d'un accident nucléaire. La Chine se trouve tout près de la Corée du Nord, et un accident qui surviendrait là-bas pourrait avoir des répercussions sur elle. Monsieur Kim, vous avez évoqué le fait que la Corée du Nord a besoin de devises fortes, et cela me préoccupe. Ce qui me tient éveillé la nuit, c'est le fait qu'elle pourrait conclure que l'Iran représente une bonne source de devises fortes et qu'elle décide de vendre une partie de sa technologie nucléaire à ce pays — qui tente désespérément de mettre au point des armes nucléaires — ou à des terroristes d'autres régions du monde.
Qu'est-ce que la Chine veut préserver et protéger en Corée du Nord? J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet et, par la suite, si c'est possible, je tenterai d'en apprendre davantage sur ce que le Canada peut faire pour tenter de convaincre... Je crois, monsieur Kim, que vous avez dit que nous devions convaincre la Chine de changer ses façons de faire plutôt que d'exercer des pressions sur elle pour qu'elle le fasse, vu qu'il est plutôt difficile d'exercer des pressions sur un pays d'une telle envergure. Cela dit, nous possédons certaines choses qu'elle souhaite, et les relations commerciales entre les deux pays sont bonnes. Il y a peut-être d'autres mesures que nous pouvons prendre pour convaincre la Chine du fait qu'elle devrait modifier sa politique à l'égard de la Corée du Nord.
J'aimerais vous entendre tous les deux là-dessus. Nous pourrions commencer par M. Kim ou...
Merci.
Il s'agit d'un vaste enjeu. La Chine a un certain nombre de préoccupations. Sur le plan stratégique, sa principale préoccupation à long terme concerne probablement sa relation avec les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud, de même que les alliances et les autres choses du genre. Tout d'abord, je pense que la Chine ne souhaite pas l'unification des deux Corées. Je crois que cela va se produire. À mon avis, la Corée du Nord finira par s'imposer, mais elle ne veut pas voir les forces armées américaines sur le fleuve Yalu. À coup sûr, durant certaines discussions auxquelles j'ai participé, il a été question du fait que la Chine et les États-Unis avaient conclu une forme d'entente géopolitique et militaire, un accord en matière de sécurité selon lequel ils permettraient l'unification des deux Corées. Les tenants et aboutissants d'une Corée unifiée inquiètent la Chine, mais à long terme, il s'agirait d'une situation bénéfique pour tous.
Si vous vous rendez à Pyongyang par les temps qui courent, vous constaterez certainement la présence d'une foule de Chinois opportunistes qui tentent de conclure des marchés en vue de se procurer une bonne partie des ressources que possède la Corée du Nord. Je ne crois pas que nos amis et camarades nord-coréens possèdent tous les compétences en matière de commerce qui leur permettraient de conclure les marchés les plus avantageux pour eux. Il y a également la question de la corruption, mais la Chine veut s'assurer d'avoir la mainmise sur les ressources.
L'afflux de réfugiés est une autre chose qui préoccupe la Chine. À mes yeux, cette préoccupation relève de l'hypocrisie. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, des réfugiés de la mer originaires du Laos, du Cambodge et du Vietnam sont arrivés en masse en Thaïlande — où je me trouvais —, et avec l'aide de la communauté internationale, le pays a réussi à exécuter le programme de prise en charge de ces réfugiés. Cela a été extrêmement difficile, mais la Thaïlande a réussi à le faire. La Chine peut prendre en charge sans difficulté tout afflux de réfugiés, et les Nations Unies devraient élaborer des plans pour s'assurer que, à mesure que se poursuit l'implosion de la Corée du Nord, les Nord-Coréens restent en place.
Je tiens simplement à ajouter que, à mon avis, tant et aussi longtemps que la Chine croit qu'elle peut exercer un contrôle sur la Corée du Nord et jouer un rôle de premier plan là-bas, son objectif à long terme consistera à s'assurer que la Corée du Nord ne s'effondre pas, pour la raison que Marius a mentionnée, à savoir qu'elle ne souhaite pas partager sa frontière avec un voisin hostile, à savoir la Corée du Sud, ou, en l'occurrence, une Corée unifiée.
Voyez dans quelle situation se trouve la Chine. Elle est entourée de voisins hostiles. Elle porte bien son nom d'« Empire du Milieu ».
Croyez-vous que la Chine considère encore aujourd'hui tous ces pays comme des pays hostiles, vu les relations commerciales qu'elle entretient avec eux?
À mon avis, c'est toujours le cas, dans une certaine mesure, du moins à Beijing. La population chinoise est peut-être d'un autre avis, mais à Beijing, cette mentalité règne toujours. Il s'agit de cette mentalité séculaire selon laquelle les barbares menacent toujours d'envahir le pays. Cette façon de voir les choses est toujours présente dans une certaine mesure.
La stabilité de la Corée du Nord constitue assurément un autre enjeu à prendre en considération. Si la Chine abandonnait la Corée du Nord à ce moment-ci, le pays entier imploserait, ce qui est extrêmement préoccupant, surtout à la frontière, lorsqu'il s'agit d'un pays qui possède des armes nucléaires et une armée composée de près de un million de soldats.
Il y a aussi ce que Marius a mentionné...
Je suis désolé de vous interrompre, mais mon temps est limité, et il y a un sujet que je veux aborder. Le gouvernement de la Chine a réussi à assurer la prospérité du pays et de sa population tout en conservant le contrôle politique. Il dispose du modèle permettant de réaliser de tels résultats. Pourquoi ne transmet-il pas ce modèle à la Corée du Nord, de manière à ce qu'elle puisse faire la même chose?
Eh bien, il faut être deux pour danser le tango, et les Nord-Coréens n'adhèrent pas nécessairement à ce modèle...
La Chine peut exercer des pressions sur la Corée du Nord puisqu'elle lui fournit ses aliments et, d'après ce que je crois comprendre, la plupart de sa technologie.
En ce qui concerne la Corée du Nord, si j'ai bien compris... et, dans une certaine mesure, en raison de son opacité, il est difficile de la comprendre. Toutefois, si vous vous penchez sur la question, vous constaterez que la clé de voûte du régime, ce qui fait en sorte qu'il ne s'effondre pas, c'est le pouvoir. La Corée du Nord croit que toute ouverture sur le plan économique, toute réforme du genre de celle menée en Chine ou même au Vietnam, représente une perte de pouvoir.
À l'heure actuelle, la Corée du Nord semble renoncer petit à petit à une partie de ce pouvoir. Par exemple, il y a quelque deux millions de téléphones cellulaires en circulation dans le pays, et les femmes ont été autorisées à porter des pantalons. Toutefois, le régime veut conserver le pouvoir, et je pense que Pyongyang considère les concessions à ce chapitre comme un cheval de Troie.
C'est tout le temps dont nous disposions. Je vais céder la parole à M. Rae.
Monsieur, vous avez sept minutes.
Je vais passer outre aux formalités.
Monsieur Kim, êtes-vous d'accord avec M. Grinius pour dire qu'il serait une bonne idée que le gouvernement du Canada envoie notre ambassadeur à Pyongyang de manière à stimuler le dialogue?
Tout à fait. Cependant, je tiens également à souligner que le dialogue que l'on parviendrait à engager avec le régime nord-coréen serait probablement d'une ampleur ou d'une valeur minimes. Nous devrions plutôt tenter d'établir des liens avec le peuple nord-coréen et mettre l'accent sur les discussions officieuses.
Monsieur Grinius, ma question porte sur deux éléments cruciaux. Le premier, bien sûr, tient à la situation qui règne en Corée du Nord sur le plan des droits de la personne, situation qui, comme tout le monde le sait, est catastrophique. Le deuxième a trait à l'échec total de tous ceux qui ont tenté de mettre en vigueur une politique de dénucléarisation. Nous parlons de cela depuis 2002. Il est possible d'affirmer que nous avons complètement échoué à ce chapitre.
Il est tout à fait politiquement incorrect de faire valoir un tel point de vue, mais j'aimerais savoir s'il est possible d'imaginer que la Corée du Nord accepte que ses installations nucléaires fassent l'objet de contrôles et que la Chine consente à participer à ces contrôles? Par la suite, nous pourrons faire valoir que nous avons essayé cela, mais que cela n'a pas fonctionné, et que nous devons donc tenter autre chose.
Bien entendu, la situation qui règne sur le plan des droits de la personne est terrible. On peut faire part des préoccupations du Canada, comme nous l'avons fait devant le Conseil des droits de l'homme, à Genève, ou comme je l'ai fait, mais cela donne des résultats limités. La question de la dénucléarisation est probablement celle qui suscite le plus de frustration. Lorsque je demande à des Chinois si le fait qu'un homme à la coiffure bouffante comme Kim Jong-un puisse décider de lancer une bombe nucléaire les dérange, ils ne répondent rien.
Les promesses liées aux réacteurs à eau ordinaires et la KEDO — l'organisation de développement énergétique de la Corée —, qui voulait offrir de l'énergie nucléaire à la Corée du Nord si elle mettait fin à son programme d'armement nucléaire, ont donné des bons et des moins bons résultats. Nous avons utilisé plusieurs fois de tels processus. Hélas, à ce moment-ci, je ne vois pas le jour où le régime nord-coréen consentira à céder son pouvoir à l'AIEA et à mettre fin à son programme d'armement. Il s'agit de sa carte maîtresse.
L'une des choses frustrantes tient au fait que l'armée nord-coréenne croit peut-être même que les armes nucléaires dont dispose le pays empêchent les États-Unis de l'envahir. Nous ne parviendrons tout simplement pas à lui faire entendre raison. Il faudra mener une foule de discussions de nature géopolitique et géostratégique avant que nous puissions peut-être aborder des sujets de ce genre. On m'a dit que même l'armée chinoise avait de la difficulté à communiquer avec l'armée nord-coréenne.
Il s'agit d'un défi colossal.
Oui. Ce que la Chine pourrait ou ne pourrait pas faire suscite beaucoup de questions. Je dois dire que je peux imaginer que, sur les plans stratégique et tactique, une enclave comme la Corée du Nord peut être utile d'une foule de façons pour la Chine. Tant que cette enclave n'a pas de répercussions directes sur elle, la Chine peut se dire que, eh bien, c'est... En outre, à mes yeux, la Chine ne croit pas que la Corée du Nord utilisera les armes nucléaires dont elle dispose. Elle en parle beaucoup, mais il est peu probable qu'elle les utilise.
Dans le monde actuel, le problème auquel nous faisons tous face tient au danger d'effectuer de mauvais calculs. À un moment ou à un autre, il est possible que nous fassions des prévisions inexactes quant à ce que feront les autres. Vous avez dit que les deux principaux acteurs sur le plan géopolitique étaient les États-Unis et la Chine. Le Canada est bien loin d'exercer une influence équivalente à celle de ces pays, mais il est en mesure de s'engager avec eux — et avec la Corée du Sud — quant à la politique qu'il devrait adopter.
Est-il juste de dire cela?
Je pense que oui, mais nous devons avoir quelque chose à proposer. En d'autres termes, nous devons acquérir de la crédibilité et de l'expérience en ce qui concerne la Corée du Nord.
En outre, je suis d'accord avec la voie qui consisterait à mener des discussions officieuses, mais il est très difficile de discuter avec les prétendus citoyens ordinaires de la Corée du Nord. Nous devons tout essayer. Aucun pays ne possède le monopole de la sagesse, et cela s'applique assurément à la Chine et aux États-Unis. J'estime que nous pouvons contribuer à l'établissement d'un dialogue rationnel, stratégique et à long terme.
Enfin, je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, mais j'aimerais savoir si, à votre avis, au cours des dernières années, le Canada a davantage renoncé au dialogue qu'entamé le dialogue.
Oui. En ce qui concerne les deux Corées, il a adopté une vision manichéenne des choses selon laquelle la Corée du Sud est un bon pays démocratique, et la Corée du Nord, un méchant pays communiste avec lequel il ne faut pas traiter.
On pourrait citer d'autres exemples illustrant cette politique étrangère adoptée par le Canada. À mes yeux, il s'agit d'une mauvaise politique.
Sur le plan tactique, il s'agit d'une tactique qui nuit à nos propres intérêts. Nous devons être en mesure de discuter avec tout le monde.
J'aimerais que le comité poursuive cette étude. Je crois que le sujet soulève beaucoup de questions. À mon avis, nous n'avons fait que les effleurer, et donc...
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