JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la justice et des droits de la personne
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 25 février 2015
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Eh bien, on dirait que tout le monde est là. C'est excellent.
Nous sommes le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous en sommes à notre 64e séance. Conformément à l'ordre de renvoi adopté le mercredi 26 novembre, nous étudions l'objet du projet de loi C-583, Loi modifiant le Code criminel concertant l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale.
Nous avons avec nous Ryan Leef, le député du Yukon. Il est le parrain du projet de loi d'initiative parlementaire qui nous a été renvoyé. Nous allons écouter son exposé, puis nous allons passer aux séries de questions.
Cependant, avant, nous devons nous occuper de deux choses.
Mesdames et messieurs, il y a deux budgets à discuter. Le premier est lié au projet de loi C-587 et s'élève à 5 700 $. C'est le projet de loi qui vise la prolongation du délai préalable à la libération conditionnelle.
Quelqu'un peut présenter une motion pour l'adoption du budget de 5 700 $?
À titre d'information, sachez que je ne suis pas allé au comité de liaison, car nous avons adopté une motion visant le voyage au Yukon, à la dernière séance. Le bureau du greffier et son équipe ont fait du travail supplémentaire pour nous organiser un budget...
Une voix: C'est un excellent greffier.
Le président: Nous avons un greffier formidable.
Le budget s'élève à 68 776 $. Ce qui se produit, c'est que si le comité l'approuve, je vais aller demander l'approbation du comité de liaison. Si c'est approuvé, j'irai m'adresser aux leaders parlementaires, et ils détermineront si nous pouvons y aller ou pas.
Quelqu'un veut présenter une motion?
Cela va m'ajouter une autre réunion à ma journée de demain. Merci beaucoup.
Monsieur Leef, c'était à propos de l'argent qui nous permettrait de nous rendre au Yukon, dans votre circonscription. Monsieur, vous avez la parole. Il est question de l'objet de votre projet de loi d'initiative parlementaire.
D'accord. C'est bon.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître pour parler de ce sujet important.
[Français]
Je m'excuse, je vais faire ma présentation seulement en anglais. Je ne parle pas bien le français, mais je le comprends bien. Si vous avez des questions à me poser en français, cela me va.
[Traduction]
Je m'y exerce autant que possible. S'il y a des questions en français, je vais faire de mon mieux et miser sur l'interprétation au besoin.
J'ai eu quelques occasions de parler de mon projet de loi C-583 à la Chambre des communes. J'ai pensé qu'aujourd'hui, pour le comité, je m'arrêterais davantage à certaines des recommandations possibles. Puisque j'ai travaillé avec des groupes et des organismes qui ont régulièrement affaire avec les TCAF, j'aimerais peut-être donner quelques conseils se fondant sur mon expérience professionnelle acquise avant de devenir député, puis maintenant, en tant que député, afin de vous aider dans vos discussions sur ce sujet.
Avant, cependant, j'aimerais dire que j'ai trouvé très intéressant l'ensemble du processus de préparation d'un projet de loi d'initiative parlementaire à la Chambre des communes et le travail de mobilisation des partenaires communautaires et des collègues des deux côtés de la Chambre.
Je peux dire que, quand je me suis attaqué à ce projet, j'ai reçu un appui impressionnant du gouvernement du Yukon et, en fait, de l'opposition aussi. L'opposition néo-démocrate du Yukon s'est montrée très favorable à mes efforts. Je suis reconnaissant du soutien que l'opposition m'a donné à la Chambre des communes, de sorte que le projet de loi puisse être renvoyé au comité en vue d'une étude approfondie. Je pense donc que nous avons la possibilité de faire de l'excellent travail pour les personnes qui travaillent à tous les aspects liés aux TCAF.
Je sais que nous avons un collègue néo-démocrate qui a proposé un projet de loi portant sur cette question importante. Je sais que mes collègues conservateurs ont été saisis du dossier il y a longtemps. Bien entendu, j'ai des collègues, comme le député David Wilks, qui a constaté dans le cadre de sa carrière les effets des TCAF sur les gens et les conflits engendrés par ces troubles au sein du système de justice pénale.
En plus d'avoir grandi au Yukon, où la Fetal Alcohol Syndrome Society Yukon, la FASSY, fait preuve d'un leadership incroyable dans ses efforts pour réagir à ce problème critique au Canada, j'ai été surveillant correctionnel et membre de la Gendarmerie royale du Canada au cours de ma carrière. J'ai pu voir de mes propres yeux les problèmes que vivent les personnes atteintes de TCAF, en particulier quand elles sont en conflit avec la loi, et j'ai aussi pu constater des mesures que nous pouvons prendre pour les aider avant que le système judiciaire fasse inévitablement partie de leur vie.
Ces personnes sont représentées d'une manière disproportionnée dans le système judiciaire. Il y a plusieurs raisons à cela, et je pense que nous pourrons en parler quand je répondrai aux questions des membres du comité.
J'ai dit quelques fois dans mes discours à la Chambre sur ce sujet que notre gouvernement se concentre sur les victimes et sur leurs droits. Je félicite notre gouvernement de cette approche. La raison pour laquelle ce sujet est si important, c'est que bien avant que les personnes atteintes de TCAF fassent une entrée fracassante dans le système judiciaire, elles sont d'abord des victimes. Malheureusement pour elles, c'est une peine à perpétuité. Les TCAF ne s'atténuent pas. C'est un état permanent, et il n'existe pas vraiment d'autre trouble neurologique qui puisse entraîner une personne, dès sa naissance, sur la voie d'une collision avec le système de justice pénale. C'est la mauvaise nouvelle.
La bonne nouvelle, c'est que nous pouvons faire beaucoup de choses, et vous entendrez parler de ces choses au cours des journées à venir, dans le cadre de cette étude. Des groupes et des partenaires communautaires, ainsi que notre gouvernement, font beaucoup d'excellent travail.
Je suis impatient de pouvoir parler d'une partie de l'excellent travail qui place le Yukon à l'avant-garde de la recherche et de l'engagement concernant les TCAF, et ce, en grande partie grâce aux contributions de notre gouvernement et aux investissements qui sont faits aux bons endroits et qui, je le sais, amélioreront les conditions sociales des personnes atteintes de TCAF, leur donneront de meilleures occasions dans la vie et, en fin de compte, leur éviteront la collision qui serait autrement inévitable avec le système de justice pénale.
Bien entendu, il y a un élément essentiel, et c'est la discussion sur la prévention. Je sais que d'autres experts et témoins vont vous en parler.
Dans cette veine, ce qui est ressorti de mes discussions avec les principaux intervenants et que vous allez probablement entendre aussi — et c'est ma recommandation —, c'est que le comité devrait envisager globalement des approches ministérielles. Du point de vue du comité de la justice, si toutes les voies mènent à un résultat lié à la justice, nous devons nous pencher sur les moyens de soutenir la prévention ou de changer cette voie. Je pense que nous reconnaissons tous que cela commence par des investissements et du soutien dans l'éducation, le soutien social, le logement, les occasions d'emploi, l'acquisition de compétences, les soins de santé et la prévention, ainsi que dans l'éducation relative à cela.
J'encourage le comité à essayer d'étendre autant que possible le bassin de témoins, si cela n'a pas été fait, afin de déterminer s'il est possible d'éliminer le cloisonnement aux échelons fédéral et provincial. Quand nous parlons de ces questions, il faut le soutien des provinces, des municipalités et des ONG dans la collectivité. Tout ne relève pas du gouvernement fédéral. Quoi qu'il en soit, le gouvernement fédéral peut assumer le rôle de lancer ces discussions et de fournir le soutien financier nécessaire, le soutien législatif et le réseautage, souvent possible à l'échelon fédéral.
Je pense qu'il est important pour le comité de tenir compte de quelques faits. Nous allons manifestement parler de l'incidence sociale des TCAF. Il y a aussi les coûts financiers, qui sont clairs. Je parle d'un rapport publié par la Fetal Alcohol Syndrome Society Yukon, dans lequel on estime que les coûts annuels des TCAF au Canada sont d'environ 5,3 milliards de dollars: le coût moyen par personne est d'environ 1 million de dollars, pendant toute sa vie.
Je pense que cela démontre clairement que la prévention et le soutien — surtout la prévention — ont un effet très important sur le coût financier global. Les diagnostics présentent des difficultés dont je sais que vous discuterez pendant l'étude, mais selon les meilleures estimations, un bébé sur 100 au Canada est atteint de TCAF. Ce sont des taux alarmants.
Je félicite le comité, et je le remercie de s'attaquer à cela. Les chiffres liés aux coûts sociaux et aux coûts financiers démontrent clairement que c'est un sujet qui mérite de faire l'objet d'une attention et d'une discussion de portée nationale. Je vous félicite et je vous remercie. Je vous souhaite du succès dans votre étude.
Sur ce, je serai ravi de répondre à toutes vos questions.
Merci de cet aperçu de votre projet de loi, monsieur Leef.
Nous passons maintenant aux questions, et c'est Mme Péclet, du Nouveau Parti démocratique, qui commence.
Je remercie mon collègue.
Je suis très heureuse de le voir préconiser l'augmentation des fonds consacrés au logement social et à l'éducation. Nous n'allons certainement pas le contredire à ce sujet. Nous savons tous qu'il y a en ce moment des personnes très vulnérables que nous devons aider.
[Français]
C'est un problème extrêmement important, et je suis très contente que l'on puisse se pencher sur la question. En ce moment même, dans les pénitenciers du Canada, des gens pourraient bénéficier d'une action prise maintenant.
J'aimerais savoir quel genre de consultations a mené mon honorable collègue avant de présenter son projet de loi. Je ne veux pas une liste exhaustive des organismes consultés, qu'il s'agisse d'organismes liés à la santé ou autres. Nous traitons ici d'une modification au Code criminel. A-t-il consulté des organismes ayant des avis juridiques ou quelque chose du genre?
[Traduction]
Certainement.
Ce sont les résolutions de l'Association du Barreau canadien qui sont à l'origine de ce projet. Au fil du temps, l'ABC a fait des propositions, et c'est un problème qui était intéressant et important à mes yeux, quand je suis devenu député. J'ai donc parlé à des membres de la division du Yukon de l'Association du Barreau canadien qui étaient des porte-parole directs et qui intervenaient beaucoup à l'échelle nationale. Ils m'ont donné du contexte et de l'information sur ce qu'ils envisageaient.
Bien entendu, au cours de l'évolution de mon projet de loi, dont il y a eu plusieurs versions pendant ce temps, des rédacteurs spécialisés l'ont regardé, l'ont fait évoluer et ont veillé à ce qu'il n'y ait pas de conséquences imprévues.
Pendant tout ce temps, bien entendu, je continuais de consulter le CanFASD et la FASSY.
Divers groupes et organismes nationaux ont assisté à bon nombre des conférences pendant lesquelles nous avons pu présenter des versions de mon projet de loi, ce qui nous a permis de vérifier la langue juridique, mais aussi la langue propre au domaine, de sorte que le libellé corresponde à cela. C'est une approximation, mais je dirais que c'est plus de 100 groupes différents que j'ai consultés.
C'est une vaste consultation. Mes félicitations.
[Français]
Dans votre discours, vous avez aussi parlé d'une conférence qui a eu lieu à Vancouver. Vous dites être allé un peu partout au Canada pour consulter différentes organisations au sujet de votre projet de loi. Lors de votre discours à la Chambre des communes, vous avez parlé d'un consensus national sur l'importance d'agir relativement à ce problème. Comme vous l'avez dit, votre projet de loi a reçu l'appui de l'Association du Barreau canadien et de plusieurs autres organisations. On s'entend pour dire qu'il s'agit d'un problème extrêmement important.
[Traduction]
Nous devrions nous en occuper dès maintenant, car des gens pourraient profiter de cela dès maintenant.
[Français]
Des études ont déjà été faites par d'autres comités, notamment par le Comité permanent de la santé en 2006. Qu'est-ce que cette étude pourrait nous apporter de plus? Aujourd'hui même, le NPD était prêt à appuyer le projet de loi C-583 et à l'envoyer rapidement au Sénat. Pourquoi avoir voté contre le projet de loi alors que toutes les organisations l'appuient? Qu'est-ce que cette étude apportera de plus? Aujourd'hui, nous aurions au moins pu adopter quelque chose qui est susceptible d'aider les gens dans les pénitenciers qui, malheureusement, sont victimes d'un syndrome sur lequel ils n'ont aucun contrôle.
[Traduction]
Comme je l'ai dit à la Chambre, je n'ai aucun doute sur la valeur et sur les fondements du projet de loi. Bien entendu, le processus ne se limite pas à cela.
J'aimerais parler de quelques éléments d'une façon plus générale.
En ce qui concerne le projet de loi C-583 lui-même, quand je l'ai proposé, j'avais des problèmes avec l'étroitesse de sa portée. Je craignais qu'il n'ait d'effet que sur une partie de la population. Dans le sillage de mes consultations continues — tous les jours, je parlais avec les groupes et organismes —, nous nous sommes mis à penser au temps qu'il nous restait, au plus grand bien et au plus grand effet pour le plus grand nombre, et nous avons commencé à voir comme quelque chose de très profitable une étude dont le but serait le décloisonnement.
C'est dans une grande mesure en raison des conseils et de l'appui de bon nombre des groupes qui participent à cela, et non seulement des groupes et des organismes... Comme vous pouvez l'imaginer, j'ai été inondé de commentaires des familles qui vivent cela, qui vivent avec des enfants atteints de TCAF. J'obtenais la perspective très pure des familles. Les forces de l'ordre et les groupes et organismes du milieu de la santé soutiennent véritablement le travail que vous allez pouvoir accomplir dans le cadre de cette étude.
Vous avez aussi mentionné l'étude de 2006. Je vais vous corriger. Il n'y a pas eu beaucoup d'études. Il y a eu l'étude de 2006, mais depuis, les connaissances sur les TCAF ont formidablement évolué, en particulier dans le domaine du diagnostic, et c'est un aspect important à étudier. Je pense que les groupes vont vous dire clairement que nous en avons beaucoup appris, depuis 2006, et que ce qu'il est possible de faire avec cette information, à l'échelon fédéral, est très important. Cependant, en ce moment, je ne pense pas que l'information acquise depuis ce temps s'est rendue comme il se doit dans tous les ministères. C'est ce qui fait qu'il en vaut la peine d'accomplir ce travail pour suppléer à l'étude de 2006, laquelle avait quelques lacunes, à mon avis.
[Français]
Depuis 2006, l'étude n'a peut-être pas été satisfaisante pour le député, mais c'est parce que le gouvernement n'a pas suivi les recommandations du comité. C'est peut-être la raison pour laquelle il n'y a pas assez d'information du point de vue du Parlement.
J'ai ici plusieurs études qui démontrent l'importance d'agir en ce qui a trait à la justice criminelle. Je sais bien que quelqu'un reconnu coupable d'une infraction fait partie du principe fondamental de la justice criminelle. Toutefois, on doit donner des indications aux juges et aux acteurs du système de justice criminelle. Cela entre dans les principes établis dans l'arrêt Gladue — vous devez connaître ce jugement de la Cour suprême.
Historiquement et culturellement, des gens victimes de ce syndrome se retrouvent dans des institutions pénitentiaires sans recevoir aucune aide. Pourquoi ne pas venir en aide à ces personnes en adoptant votre projet de loi C-583? Nous pourrions aussi demander au gouvernement de respecter les recommandations contenues dans l'étude de 2006 et d'aider ces gens.
[Traduction]
Je vous remercie de cette question.
Nous n'étions pas là, ni l'un ni l'autre, en 2006, alors nous ne pouvons ni l'un ni l'autre parler des mesures prises pour mettre en oeuvre les recommandations de cette étude. Nous pouvons parler de l'excellent travail que vous vous préparez à accomplir, j'en suis sûr, et des recommandations qui découleront de votre étude.
Pour ce qui est du point que vous soulevez, je pense que vous allez certainement pouvoir obtenir cette information quand vous parlerez avec les témoins de cet aspect particulier de la justice pénale. Comme je l'ai dit, je n'ai manifestement aucun doute sur les valeurs et les fondements du projet de loi. Je suis conscient des bienfaits qu'il aurait pu avoir si j'avais pu faire adopter le projet de loi. Pour diverses raisons, j'ai conclu que je n'aurais pas le temps de le faire adopter, compte tenu du temps qu'il restait, et que je ne me satisferais pas d'un gain symbolique si le projet de loi mourait de sa belle mort au Feuilleton, à l'étape du Sénat, quand la session se terminerait en juin.
J'ai eu des conservations profondes et sincères avec les gens qui se sont investis à fond avec moi dans cette aventure. Fort de leurs conseils et de leur soutien, j'ai décidé de miser sur l'excellent travail déjà fait et sur l'importance que notre gouvernement accorde à ce projet de loi pour veiller à en tirer des bienfaits. Dans mon esprit, les bienfaits viendront du comité.
Quand j'ai parlé aux intervenants — et je vais les laisser dire ce qu'ils ont à dire eux-mêmes —, ils m'ont dit à quel point c'est une évolution positive. Ils sont très enthousiastes à l'idée de cette occasion qui s'offre, et je vous encourage à tout donner pour eux, parce qu'ils pensent que ce que vous allez faire représente probablement la plus importante étape à ce jour.
Merci beaucoup de ces questions et réponses.
C'est maintenant le tour de M. Goguen, du Parti conservateur.
Merci, Ryan, d'avoir mis en lumière ce problème important.
Il y a lieu de vous féliciter de vous être fait le champion de la cause des troubles causés par l'alcoolisation foetale devant le Parlement. Votre témoignage d'aujourd'hui est une autre étape dans la résolution de ce problème extrêmement complexe.
J'aimerais poursuivre sur ce que Mme Péclet vous demandait, sur votre désir d'élargir le champ de l'étude à d'autres aspects de la santé mentale. Vous avez indiqué qu'en tant qu'agent correctionnel, vous aviez été exposé à de nombreux détenus atteints de troubles mentaux. Bien entendu, une fois qu'ils sont détenus, ils ne sont pas toujours diagnostiqués. Certains d'entre eux sont peut-être atteints de troubles causés par l'alcoolisation foetale, mais d'autres souffrent d'autres troubles, qu'il s'agisse de la schizophrénie, de la paranoïa ou d'autre chose. C'est très certainement au coeur de votre motivation d'élargir la portée de l'étude: pourquoi ne pas faire quelque chose qui pourrait s'appliquer globalement à tous ceux qui souffrent de troubles mentaux? Cela a dû représenter un facteur de motivation important dans votre décision de proposer cette étude, n'est-ce pas?
Effectivement. Dès le moment où le projet de loi a été proposé, j'ai constaté ce défi intéressant. Pourquoi ce groupe et pas un autre? Comment peut-on penser à offrir ce que je me permettrai d'appeler des bienfaits à un groupe, dans le système judiciaire, mais pas à un autre? Et alors, comment faire la part des choses?
C'est à n'en pas douter une partie de la motivation, parce que nous voulons manifestement que la loi que nous proposons soit juste et équitable pour tous les groupes, dans la mesure où nous pouvons le faire.
D'autres conditions ont été soulevées. Vous soulevez des cas très poignants, puis d'autres font surface. J'ai pu mettre les choses en perspective en disant qu'en réalité, nos établissements correctionnels ne sont pas bondés de personnes atteintes du syndrome de Down ou d'autisme, par exemple, mais qu'il y a beaucoup de personnes atteintes de TCAF. Il y a d'autres troubles neurologiques, et d'autres troubles mentaux qui justifient qu'on s'y attarde davantage, et je pense que le comité peut faire cela.
Pour revenir à ce qui a été discuté, soulignons qu'il y a encore aujourd'hui un mécanisme qui donne aux tribunaux une discrétion judiciaire. C'est possible, et rien ne les en empêche. J'essayais de resserrer les choses un peu en droit, mais je suis très enthousiaste à l'idée de la portée élargie de cette discussion, car je pense que la collectivité pourra en profiter beaucoup plus que je ne m'y attendais à l'origine.
Je pense qu'il est bien avisé d'élargir la portée de l'étude, car le projet de loi que vous avez présenté a été en général bien reçu par toutes les parties. Ce serait un tremplin pour une étude plus approfondie et de plus vaste portée, alors je vous en remercie.
Précédemment, vous avez parlé des causes. De toute évidence, nous savons que c'est la consommation d'alcool pendant la grossesse. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les causes sociologiques? La plupart des gens reconnaissent que la consommation d'alcool est malsaine et qu'elle cause des dommages à l'enfant. Pourriez-vous nous parler un peu de cela?
Vous avez aussi parlé des coûts élevés. Pourriez-vous nous donner des exemples pratiques des résultats de ces coûts? Quels sont les facteurs derrière ces coûts?
Je vais commencer par la première partie de votre question; c'est une excellente occasion de parler vraiment généralement des TCAF.
Vous avez raison. Les TCAF sont causés par la consommation d'alcool pendant la grossesse. Certains facteurs sociaux y contribuent comme la toxicomanie ou la maladie mentale. Il se peut aussi que la femme enceinte soit atteinte elle-même de TCAF. Il peut arriver aussi que la femme ne se sache même pas enceinte. Nous ne savons toujours pas à compter de quel moment de la grossesse la consommation d'alcool peut être néfaste, ni la quantité d'alcool qui peut être néfaste.
Les TCAF s'accompagnent de beaucoup de honte et peuvent donner lieu à divers défis plus tard, concernant l'identification, le diagnostic, le traitement et le soutien. C'est naturellement très honteux. C'est la raison pour laquelle il est si important d'en parler ouvertement dès maintenant au Parlement; il faut balayer la honte et comprendre clairement, au Canada, qu'il n'y a pas lieu de chercher à jeter le blâme sur quelqu'un. Il y a des choses à faire pour contribuer à l'éducation des gens et pour éviter cela, mais il y a des circonstances qui ne sont pas nécessairement évitables et dont personne n'est vraiment responsable. C'est le but d'une grande discussion nationale: veiller à balayer la honte qui entoure cela. Après cela, nous pourrons discuter intelligemment de la question.
En ce qui concerne les coûts, il y a le soutien au logement — les personnes gravement atteintes de TCAF ne peuvent pas vivre de façon autonome et ont besoin de soutien —, l'éducation, le soutien individuel... Les erreurs de diagnostic sont aussi très coûteuses au Canada, car les degrés de traitement varient et des personnes ne sont pas traitées. Il y a manifestement les coûts du système de justice pénale, où aboutissent ces gens, souvent dès leur adolescence. Vous pouvez imaginer comment les coûts peuvent se mettre à grimper, avec le soutien social, l'éducation et les soins de santé, et les possibles coûts liés au système de justice pénale. Je ne pourrais ventiler tous les coûts pour vous, mais ils sont alarmants.
Vous avez parlé d'une chose.
D'après votre expérience, dans la région où vous vivez, les TCAF sont-ils vraiment générationnels? Sont-ils transmis d'une génération à l'autre? Voyez-vous une prévalence de ce problème?
C'est possible. C'est un facteur.
Mais je voudrais faire tomber un autre mythe. Nous pensons à l'arrêt Gladue et nous parlons de problème générationnel... L'un des grands mythes entourant les TCAF, c'est qu'il s'agit d'un problème propre aux Autochtones des régions nordiques du Canada. Les TCAF ne se limitent pas à un groupe social ou à une communauté. Des personnes des classes sociales supérieures en sont atteintes, et ce, dans les régions rurales et les régions urbaines du Canada.
Les diagnostics sont légèrement différents. Nous pouvons parler un peu différemment de la honte et des défis que cela présente, mais ce n'est pas un problème autochtone. Ce n'est pas un problème de pauvres. Les TCAF sont bien présents dans toutes les collectivités, dans tous les groupes sociaux et dans tous les groupes ethniques auxquels vous pouvez penser.
Je vous remercie de vos questions et réponses.
Notre prochain intervenant est M. McKay, du Parti libéral.
Merci, monsieur le président.
Je vous félicite de vos efforts pour faire avancer le projet de loi.
Vous avez essentiellement pris un projet de loi qui bénéficie du ferme soutien de tous les partis, je dirais, et vous avez décidé de le soumettre à une étude. Vous aviez non seulement l'appui solide de tous les partis, mais aussi l'appui de l'Association du Barreau canadien.
J'imagine que je suis là depuis trop longtemps. Certains diront que c'est bien le cas. Je me rappelle, en 1997, quand Paul Szabo s'était fait le champion de cela et qu'il avait reçu un incroyable appui de la part d'une grande diversité de personnes. Je pense que ma collègue Kirsty Duncan a un certain nombre de projets de loi connexes.
C'est une décision assez curieuse, que vous avez prise, de soumettre un projet de loi gagnant à une étude dont les conclusions sont probablement déjà tirées.
C'est une très bonne question à laquelle je peux répondre.
Évidemment, la décision n'a pas été prise en vase clos, comme je l'ai dit. J'ai étudié le calendrier — et soyons honnêtes ici; nous arrivions en juin, et il est peu probable que la Chambre reprenne ses travaux après l'été —, il fallait que je sois réaliste. Je devais déterminer si, selon moi, le projet de loi allait franchir toutes les étapes à la Chambre et toutes les étapes au Sénat.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je n'allais pas me contenter d'une victoire symbolique et dire: « Excellent, nous nous sommes rendus jusqu'ici. Nous pouvons être soulagés. » Je voulais que le projet de loi soit adopté ou j'allais trouver une autre façon de procéder.
Je n'ai pas pris cette décision seul. J'ai passé beaucoup de temps avec ceux qui ont participé activement à ce dossier: les gens de l'organisme FASSY; Rod Snow et Heather McFadden, de l'Association du Barreau canadien, qui s'intéressent à cette question depuis longtemps; CanFASD; FASD Prevention; des familles qui ont communiqué avec moi; et des experts autochtones locaux qui étaient ici à Ottawa durant la semaine où j'essayais de finaliser tout cela.
N'empêche que c'est une décision plutôt étonnante, parce qu'à l'automne, vous avez décidé de retirer le projet de loi, ou plutôt d'en faire une étude. Pourtant, à ce moment-là, il vous restait un an; disons jusqu'en juin cette année. Vous aviez l'appui des partis. Vous auriez pu convertir le projet de loi une fois que... Vous auriez pu présenter ce projet de loi encore plus tôt, et je suis convaincu que beaucoup de gens auraient collaboré avec vous.
Ce n'est pas comme si vous aviez beaucoup d'opposition de la part des libéraux au Sénat.
Étant donné le calendrier, je me disais que vous aviez de bonnes chances d'obtenir la sanction royale. Cela aurait pu être une grande victoire pour vous par opposition à une étude. On ne veut pas refuser d'études, mais je me demande s'il y a des éléments nouveaux qui en découleront.
Je reconnais qu'on peut tout de même faire avancer les choses, mais un amendement au Code criminel n'est pas banal.
Absolument. Je ne suis pas en désaccord avec vous et je l'ai toujours dit.
Tout d'abord, nos analyses sont visiblement différentes, non seulement en ce qui concerne le calendrier, mais aussi l'importance de l'étude. Les résultats ne sont plus entre mes mains, mais bien entre les vôtres, alors tout dépend de l'effort que vous y mettrez. J'espère que les choses iront bien et que nous obtiendrons de bons résultats.
Je peux vous dire que la communauté est très emballée. Elle ne voit pas du tout cela comme une perte. En fait, je peux vous lire les courriels que j'ai reçus lorsque nous en sommes arrivés à cette conclusion. Les groupes et les organismes sont très enthousiastes à l'égard de cette vaste étude...
Il y a des gens dans ma circonscription, Bonnie Buxton et Brian Philcox, — en fait, ils habitent tout près de mon bureau — que je connais depuis des années et qui font partie de l'organisation nationale. Je peux vous dire, avec une certaine assurance, qu'ils sont déçus que cela n'ait pas été présenté comme un projet de loi. Bien entendu, il n'y a rien de garanti en politique, mais je crois que ce projet de loi avait de bonnes chances d'être adopté.
Par conséquent, si un projet de loi est déposé à la Chambre, comme celui de mon collègue Sean Casey, qui est très semblable au vôtre, est-ce que cela veut dire que vous l'appuierez?
Vous avez abordé plusieurs points, alors je vais commencer par votre dernière question. Si un tel projet de loi est déposé, je vais l'appuyer.
Maintenant, vous avez nommé deux personnes, et je ne voudrais pas minimiser leur opinion là-dessus, mais j'ai 200 personnes qui appuient clairement cette étude et le travail que vous êtes sur le point d'entreprendre, alors plutôt que de revenir sur le passé, je vous encourage à vous concentrer sur la tâche à accomplir, c'est-à-dire la réalisation d'une étude approfondie et l'élaboration de recommandations en conséquence.
Nous pouvons sans cesse nous remettre en question, mais sachez que cette étude est bien accueillie par la communauté. Comme je l'ai dit, je suis très heureux de l'appui du NPD. J'ai toutefois été surpris que les libéraux s'y opposent, mais voilà où nous en sommes.
Vous avez ici l'occasion de faire oeuvre utile, et je vous prie d'agir.
Comme je l'ai exprimé, le fait de convertir un projet de loi en étude est en quelque sorte décevant parce que cela fait 17 ans que je suis député et, en toute honnêteté, cette question a été étudiée sous toutes les coutures. J'aimerais bien savoir si l'Association du Barreau canadien estimait que le mieux était de mener une étude. Elle n'aurait pas milité pour un amendement au Code criminel si, en fait, il n'y avait pas d'incohérence dans l'application des principes de détermination de la peine à l'échelle du pays, et cela aurait été la grande réussite de votre projet de loi, c'est-à-dire que le Parlement du Canada aurait demandé aux juges de considérer le SAF comme une circonstance atténuante dans la détermination de la peine. Cela aurait été énorme.
C'est vraiment dommage que vous ayez raté une telle occasion, surtout dans le contexte d'un gouvernement majoritaire.
Merci.
Je vous remercie de votre opinion. De tous les documents que j'ai lus et de toutes les lettres que j'ai reçues de la part de groupes, d'organisations, de familles ou de professionnels ayant travaillé dans le dossier, on n'a jamais fait allusion au fait que cette question avait été étudiée à outrance. Personne n'a jamais dit qu'on avait étudié cette question ad nauseam.
Je vous invite à poser cette question à tous les groupes et organismes qui comparaîtront devant vous et je peux vous garantir qu'ils vous répondront par un non catégorique.
Toutefois, si je leur demande s'ils préfèrent une étude ou un amendement au Code criminel, je crois que la réponse sera différente.
Bien sûr, mais si vous êtes prêts à faire vos devoirs et à ne pas seulement ressasser les événements du passé, ces gens vous répondront qu'ils sont grandement favorables à une étude qui donnera lieu à des recommandations concrètes. N'empêche que cela dépend, en premier lieu, du travail que vous accomplissez en comité.
Je crois que si vous vous en tenez à une décision qui a été prise et que vous ne posez pas les questions qui s'imposent au sujet de l'ETCAF, vous allez vous heurter à des obstacles difficiles à surmonter, mais si vous vous y mettez réellement et que vous accordez de l'importance à ces troubles et aux besoins de ces gens, vous serez agréablement surpris des résultats.
Merci pour ces questions et réponses.
Notre prochain intervenant est M. Dechert, du Parti conservateur.
Je tiens à remercier mon collègue Ryan Leef d'avoir présenté ce que je considère être une étude très importante que le comité doit mener.
Pour faire suite à la discussion que vous avez eue avec M. McKay, j'aimerais préciser que mon collègue est ici depuis 17 ans. Pendant plusieurs années, il a fait partie d'un gouvernement libéral majoritaire. Il devrait donc se demander pourquoi les libéraux n'ont pas présenté un projet de loi sur cette question lorsqu'ils en avaient l'occasion, surtout qu'il estime que cette question a été étudiée à outrance.
Monsieur Leef, même si je sais depuis longtemps que des gens souffrent de troubles causés par l'alcoolisation foetale, je n'avais aucune idée de l'ampleur ni des coûts que cette condition implique. Vous m'avez donc éclairé là-dessus, et je vous en remercie.
Vous savez sans doute qu'au cours de notre dernière réunion, le comité a adopté une motion pour se rendre au Yukon afin de parler avec des experts de l'ETCAF. J'aimerais que vous nous disiez si, selon vous, c'est une bonne idée et s'il s'agit d'une bonne utilisation du temps du comité pour lui permettre de mieux comprendre le sujet, et ce que cela signifierait pour les gens que nous allons rencontrer au Yukon.
Merci pour votre question, et je ne voudrais pas prêcher pour ma paroisse, mais je crois que les députés vont toujours se réjouir d'un voyage dans leur circonscription, étant donné que c'est très bénéfique. Le Yukon, à mon avis, est largement reconnu comme un chef de file dans la recherche sur l'alcoolisation foetale. J'ai parlé un peu plus tôt des préjugés. L'avantage, au Yukon, c'est que nous avons surmonté ces préjugés. Nous sommes prêts à en parler publiquement. Contrairement à d'autres régions du pays, je crois que nous commençons à faire abstraction de la honte, ce qui nous permet de traiter ces questions en profondeur et d'en arriver à des solutions.
Le Yukon est doté d'un groupe bien organisé, la Fetal Alcohol Syndrome Society Yukon. Le gouvernement a adopté des stratégies novatrices issues d'études actuellement en cours au centre correctionnel sur les options de logement indépendant financé par le gouvernement du Canada.
Les stratégies en matière de soutien social sont bien établies et continuent de progresser. Nous avons des gens instruits au Yukon qui sont très engagés dans ce dossier, et j'ose dire que ce ne sont pas seulement des experts au pays, mais des experts de renommée internationale. De ce point de vue, je crois que ce serait un avantage. Lorsqu'on se rend dans des circonscriptions aussi loin de la capitale nationale, évidemment, les gens de ces régions sont extrêmement reconnaissants. Je pense que cela montre aux Canadiens en général que si nous sommes prêts à nous rendre dans ces localités, nous avons tout le pays à coeur.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de certaines recherches qui ont été effectuées récemment et qui ont abouti à des découvertes, notamment en ce qui concerne le diagnostic. Pourriez-vous nous détailler un peu plus ces recherches et nous dire si, selon vous, on devrait faire davantage de recherche?
Je pense que les intéressés vous diront qu'il faut poursuivre la recherche. NeuroDevNet est un bon exemple d'une organisation qui fait ce genre de travail. On essaie d'identifier des biomarqueurs. On a accompli des progrès, mais c'est loin d'être parfait. C'est là où on doit investir. Le gouvernement du Canada a versé 1,1 million de dollars à NeuroDevNet pour l'aider dans ses travaux de recherche sur l'ETCAF et l'autisme.
Ce sont des éléments importants sur le plan des diagnostics et de la recherche comportementale. Je pense qu'il serait également important de comprendre les services de soutien nécessaires, que ce soit le logement, l'éducation ou le développement des compétences des ressources humaines. À mon avis, il serait avantageux de mener des recherches dans ces domaines, de sorte que lorsqu'on fait des investissements, on sait que ce sont les meilleurs investissements qui soient, au lieu de simplement injecter des fonds dans quelque chose et espérer obtenir de bons résultats. Je crois qu'il est important d'effectuer des recherches au préalable afin de pouvoir investir en toute connaissance de cause. Chacune de ces étapes du réseau de soutien social est fondée sur des données probantes et va donner les meilleurs résultats possible.
Vous avez également indiqué qu'on a estimé les coûts pour la société en général et pour les personnes qui souffrent de ces troubles. Vous avez parlé de 1 million de dollars par personne. Est-ce attribuable à la perte de revenus ou à d'autres...?
Il s'agit d'une estimation fondée sur le coût des soins, autrement dit ce que cette condition coûte à la personne ou à la société. Comme je l'ai dit, la personne qui est atteinte de troubles graves ne vivra jamais de manière autonome. Il y a donc des services d'aide à la vie autonome qui doivent être pris en compte. Certaines provinces et municipalités offrent de meilleurs services de soutien que d'autres, mais le coût estimé englobe tous les soins que recevra une personne aux prises avec l'ETCAF au cours de sa vie. Certains coûts vont varier, si on commence à extrapoler... par exemple, si la personne a des démêlés avec la justice ou si son inconduite occasionne d'autres coûts, mais ces facteurs ne sont pas concrets et, par conséquent, ils sont très difficiles à mesurer.
Je comprends. Vous avez dit que certains tribunaux tiennent maintenant compte de l'incidence des troubles du spectre de l'alcoolisation foetale au moment de déterminer la peine. Je crois que vous avez également dit que ce n'était pas nécessairement uniforme à l'échelle du pays. Pourriez-vous nous en dire davantage là-dessus, à savoir depuis combien de temps les tribunaux accordent de l'importance à ces troubles et, selon vous, quelle est la proportion des tribunaux qui en tiennent compte?
Je ne pourrais pas vous dire. Il y a sûrement des gens plus experts que moi qui ont des chiffres précis, mais d'après ce que j'ai entendu au sein des groupes, plusieurs juges sont conscients de ces troubles. Bon nombre d'entre eux se trouvent dans des localités où ils sont témoins de cette porte tournante; ils voient le même client récidiver et ils arrivent à reconnaître l'ETCAF. Certains d'entre eux se sont très bien renseignés sur le sujet. Les gens qui s'y connaissent prodiguent des conseils aux juges pour les aider à mieux comprendre. Quant à la proportion des tribunaux canadiens qui y accordent de l'importance, la plupart du temps, on n'arrive même pas à diagnostiquer l'ETCAF pour nous permettre de faire appel au pouvoir discrétionnaire des juges.
Je sais que vous avez de l'expérience comme directeur adjoint des opérations dans un centre correctionnel. Dans quelle mesure cette expérience vous a-t-elle éclairé sur le sujet?
Cela m'a ouvert les yeux. Lorsque j'étais policier de première ligne et que je côtoyais des gens atteints de l'ETCAF et que je savais que j'allais les revoir souvent, c'était frustrant. C'était frustrant de voir cette porte tournante et de savoir qu'il pourrait y avoir un certain niveau de soutien au sein de la communauté qui est tout simplement inexistant. Les communautés ont leurs raisons, et je ne vais pas les blâmer. C'est davantage le contexte canadien qui est en cause.
Dans le milieu correctionnel, j'ai constaté l'importance de mes stratégies auprès des personnes atteintes de l'ETCAF. Je ne voudrais pas embrouiller encore plus les choses, mais je peux dire que, dans certains cas, le milieu correctionnel semblait donner de meilleurs résultats pour les gens aux prises avec ces troubles. Ils avaient une routine, un horaire, un soutien direct et un accès à des médicaments, à du soutien en santé mentale et à des traitements; le milieu correctionnel apportait un élément de calme et de stabilité. Il arrive que les couleurs vives — et c'est pourquoi ce sujet est difficile et parfois si triste — peuvent stimuler le cerveau et surstimuler une personne qui vit avec l'ETCAF. Les prisons ne sont pas reconnues comme étant des endroits très colorés, alors j'estime qu'elles ont un effet calmant. Je ne dis pas que c'est le meilleur endroit pour cette raison, mais les résultats sont là.
Merci beaucoup pour ces questions et ces réponses.
Notre prochaine intervenante est Mme Crowder, du Nouveau Parti démocratique.
Je tiens à remercier M. Leef pour sa présence devant le comité.
J'aimerais faire écho aux propos de M. McKay. Le NPD était tout à fait disposé à accélérer l'adoption du projet de loi. Je dirais qu'à six mois de la fin des travaux, le projet de loi avait de bonnes chances d'être adopté. Selon moi, il est malhonnête de dire que le comité est maître de sa destinée et peut mener à bien cette étude, alors que nous sommes pleinement conscients qu'il reste à peine 11 semaines de séance et qu'au cours de cette période, le comité sera saisi de plusieurs projets de loi en matière de justice et aura donc très peu de latitude pour mener l'étude que vous proposez.
Permettez-moi de revenir en arrière un instant. Je suis ici depuis 2004, alors tout comme M. McKay, j'ai vu défiler beaucoup de projets de loi. En 2005, M. Szabo a présenté un projet de loi devant la Chambre des communes qui a abouti devant le comité de la santé. Son projet de loi portait sur l'étiquetage des boissons alcoolisées. Le comité a réalisé une étude approfondie. Malheureusement, son projet de loi a été rejeté par un vote de 11 contre 1. Je suis la seule personne à avoir appuyé ce projet de loi en comité. Au bout du compte, le comité s'est entendu pour faire avorter le projet de loi de M. Szabo, mais est tout de suite allé de l'avant avec une stratégie nationale visant l'ETCAF.
Par ailleurs, vous semblez indiquer que l'étude de 2006 a besoin d'être dépoussiérée et mise à jour étant donné l'évolution de la situation. Permettez-moi de vous lire quelques-unes des recommandations, et vous constaterez que de nouvelles recherches ou de nouveaux éléments d'information n'auraient pas eu d'incidence sur ces recommandations, si quelqu'un avait décidé de leur donner suite.
Voici donc quelques recommandations:
que Santé Canada dirige et coordonne les perspectives nationales et fédérales du plan d'action sur l'ETCAF,
— je ne crois pas que vous ayez besoin de nouveaux renseignements pour mettre à jour cette recommandation —
que le plan d'action sur l'ETCAF s'ajoute aux initiatives provinciales et territoriales,
— je suis convaincue que si nous avions eu un plan d'action, nous aurions déployé des efforts dans ce dossier au cours des 10 dernières années —
que Santé Canada fasse participer la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits à ses travaux sur le plan d'action,
... et ainsi de suite. Je ne vais pas lire toutes les recommandations, mais je considère que nous serions beaucoup plus avancés aujourd'hui si nous avions donné suite au rapport du comité de la santé plutôt que d'attendre neuf ans pour mener une étude qui n'aboutira à rien, étant donné que la Chambre ajournera ses travaux en juin.
L'une des recommandations clés était:
que Santé Canada veille à ce que les ministères fédéraux —
— notamment le ministère de la Justice, le Service correctionnel du Canada et tout autre ministère —
— et les organismes responsables des groupes de clients précis commencent immédiatement à recueillir et à rendre publiques des données sur la prévalence de l'ETCAF au sein de leur population respective.
Parmi les recommandations issues du rapport du comité de la santé, pourriez-vous nous dire combien ont été mises en oeuvre depuis 2006?
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je n'étais pas là en 2006, alors je ne suivais pas activement les initiatives du gouvernement...
Veuillez m'excuser, monsieur Leef. Lorsque vous avez entrepris l'élaboration de votre projet de loi, avez-vous consulté le rapport du comité de la santé pour voir combien de ces recommandations avaient été mises en oeuvre?
Absolument. En fait, j'ai même une copie du rapport ici, mais j'aimerais vous dire ceci. Je ne suis pas aussi cynique que vous au sujet de cette étude et de l'approche à adopter. Je comprends ce que vous dites, mais je suis ici pour me concentrer sur la tâche à accomplir et ce que j'espère qui en ressortira.
J'espère que l'histoire ne prouvera pas que j'avais tort car, selon ce que vous dites, elle a déjà apporté son lot de difficultés, mais je ne vais pas arriver ici en étant pessimiste quant à cette étude. Je crois qu'il s'agit d'une belle occasion pour nous tous. Selon moi, les groupes et les organisations qui se sont investis dans le dossier sont du même avis. Je ne peux toutefois pas me prononcer à leur place.
Je suis impatient de voir ce que vous déciderez, en ce qui concerne les recommandations, et comment vous comptez mettre ces recommandations en oeuvre avant juin.
Je suis une personne très terre-à-terre, alors si je pouvais être en charge de l'univers, je proposerais que le comité, en premier lieu, examine toutes les études qui ont été réalisées — et il y en a plusieurs. Je jetterais un coup d'oeil aux recommandations qui ont été formulées et à celles qui ont été mises en oeuvre, et je me pencherais ensuite sur les raisons pour lesquelles on n'a pas donné suite à certaines d'entre elles. Si nous voulons accélérer le processus, c'est exactement ce que nous devons faire. Nous n'avons pas besoin de nous rendre au Yukon, parce que nous avons déjà cette étude. Nous avons déjà en mains les recommandations dont nous avons besoin pour améliorer le sort des personnes aux prises avec l'ETCAF et leurs familles.
Avez-vous eu l'occasion de vous entretenir avec M. Sapers, l'enquêteur correctionnel? Il a indiqué que, selon lui, de nombreux délinquants en isolement étaient probablement atteints de troubles causés par l'alcoolisation foetale. Cependant, le Service correctionnel du Canada a une capacité limitée de diagnostiquer les troubles mentaux, y compris l'ETCAF, et nous savons qu'il n'existe pas de données fiables sur le nombre de détenus sous responsabilité fédérale qui en sont atteints. Avez-vous parlé à M. Sapers?
Il y a deux choses. D'une part, vous avez fait quelques recommandations que je considère valides, comme celle de consulter les rapports antérieurs, et je vous encourage certainement à le faire. D'autre part, je ne me suis pas entretenu avec M. Sapers, en grande partie parce que mon projet de loi visait à modifier le Code criminel du Canada et non pas la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il y a toutefois du vrai dans ce que vous dites. Nous faisons face à des lacunes, notamment en ce qui a trait aux diagnostics et au taux de prévalence de l'ETCAF au sein du Service correctionnel du Canada, et il y a certainement du travail qui pourrait être fait à cet égard.
Je me suis concentré sur le Code criminel du Canada, et je reconnais que mon projet de loi avait une portée très étroite, mais en essayant de plaire à tout le monde, on n'aboutit à rien. Au bout du compte, c'est une autre réalité. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition n'a aucune influence sur les établissements provinciaux, et c'est dans ces établissements que se trouvent la plupart des gens pris dans ce cycle de la criminalité.
Le comité a la possibilité de parler aux responsables des établissements provinciaux, car nous avons affaire ici à des gens qui sont détenus moins de 45 jours, mais de façon continue. Certains d'entre eux passeront trois, quatre, voire cinq ans en prison, mais 45 jours à la fois, et n'entreront jamais dans le système fédéral. Cela devrait donc être à la base d'une bonne discussion.
Encore une fois, je n'aime pas revenir au rapport de 2006, mais ce rapport indiquait que le plan d'action sur l'ETCAF s'ajouterait aux initiatives provinciales et territoriales. On peut donc supposer que cela comprendrait la tenue d'une discussion sur ces initiatives. Par conséquent, si nous avions agi en 2006, nous ne serions pas ici en train d'en discuter.
Je trouve que c'est malheureux. Plusieurs personnes ont énoncé les conséquences de ne pas se pencher sur l'ETCAF, que ce soit sur les plans social, éducatif, de la santé et des services correctionnels, sans parler des occasions perdues pour ces gens d'être des membres productifs de leur communauté. Je trouve cela très dommage que, neuf ans plus tard, nous soyons toujours là en train d'avoir cette discussion, sans qu'aucune mesure n'ait été prise.
Merci beaucoup pour ces questions et réponses.
Il ne nous reste qu'un seul intervenant, et je demanderais la permission du comité avant de lui céder la parole. Compte tenu du vote, nous avons commencé la séance cinq minutes plus tard, soit à 15 h 35, alors si vous êtes d'accord, nous pourrions terminer à 16 h 35.
Monsieur le président, si je puis me permettre, allons-nous entreprendre une série de questions complète de façon à ce que tout le monde ait l'occasion d'intervenir?
Non, ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. Je respecte l'horaire qui a été établi par le comité.
Toutefois, n'hésitez pas à vous joindre à nous n'importe quand, monsieur Rafferty.
Vous pouvez assister à d'autres séances.
Monsieur Wilks, la parole est à vous, pour environ cinq minutes.
Merci, monsieur Leef, d'être ici aujourd'hui.
Ayant moi-même été policier pendant plus de 20 ans, je partage vos préoccupations au sujet de l'ETCAF et de ce que je définirais comme une porte tournante pour ceux qui entrent dans le système. Comme vous l'avez dit, beaucoup d'entre eux ne purgent pas leur peine sous responsabilité fédérale et séjournent en prison très peu de temps.
J'aimerais que vous nous parliez de votre expérience à l'égard de l'ETCAF lorsque vous étiez au service correctionnel, par exemple des outils qui se trouvaient à votre disposition ou non et des frustrations que vous aviez.
Ensuite, si je puis me permettre, j'aimerais revenir rapidement à ce qu'a dit l'opposition... Je n'ai pas eu la chance de lire le rapport de 2006, mais je suis le Code criminel de très près. J'ai fait quelques recherches rapides, et je sais qu'il y a une décision de la Cour suprême, Regina c. Gray , dans laquelle un juge a annulé, en vertu de l'article 672.12 du Code criminel à l'époque, une demande du procureur de la Couronne de faire examiner une personne pour déterminer si elle était atteinte de l'ETCAF. Le tribunal va toujours refuser cette demande puisque cela empiète sur le droit des victimes au secret professionnel.
J'aimerais également vous entendre là-dessus, mais surtout sur votre expérience personnelle.
Merci, monsieur Wilks.
Vous connaissez manifestement les difficultés auxquelles nous sommes confrontés en première ligne. Certaines d'entre elles se traduisent parfaitement dans un milieu correctionnel, et elles sont très variées.
Pour répondre à la deuxième partie de votre question, sachez que le diagnostic est toujours un problème, tout comme la protection de la vie privée. La réalité est que personne ne va crier sur les toits qu'il est atteint de l'ETCAF et qu'il a besoin d'aide. Ce n'est pas quelque chose que les gens veulent révéler, particulièrement s'ils arrivent dans un milieu correctionnel, car ils ne veulent pas subir de préjugés. Ce n'est pas du tout évident d'essayer d'offrir du soutien à des gens qui ne reconnaissent pas leur condition. Nous devons pouvoir compter sur l'appui et le leadership de la collectivité, des juges, de la Couronne, des services de police et des gens de la communauté qui travaillent directement avec le client pour l'encourager à recevoir un diagnostic et les aides qui s'ensuivent. Il est difficile de les amener dans cette voie.
Dans le milieu correctionnel, il est difficile de leur offrir un environnement sécuritaire, et c'est très frustrant. Les gens atteints de l'ETCAF se font souvent manipuler. Ils ont tendance à être influençables. Les intimidateurs s'en servent donc pour faire passer des notes et de la drogue ou mener leurs activités illicites. Par conséquent, ce sont les gens aux prises avec ces troubles qui en subissent les conséquences alors qu'ils veulent tout simplement se faire accepter. Évidemment, ils n'apprécient pas les conséquences à long terme de leurs actes, qui les ont amenés au départ dans le milieu correctionnel où ils sont ensuite victimes de manipulation. On a souvent de la difficulté à leur offrir l'espace et la tranquillité dont ils ont besoin. Cela se traduit souvent par l'isolement. L'isolement n'est pas nécessairement sain, mais c'est la seule option qui soit viable et sécuritaire.
C'est décourageant pour le personnel, les détenus et les gens qui voudraient les aider. Tout comme les policiers en première ligne, on sent qu'on a les mains liées lorsqu'on veut venir en aide à des gens qui en ont besoin. Toutefois, dans d'autres cas, comme je l'ai dit, la situation est tout à fait différente; la structure, la routine et l'environnement semblent être bénéfiques. Par conséquent, pour la personne responsable de la prestation des services de première ligne, il n'est pas évident de déterminer quelle est la meilleure voix à suivre lorsqu'il y a visiblement des avantages et des inconvénients de chaque côté. Il n'y a pas de solution facile, mais je crois que votre étude permettra de faire la lumière sur certains points.
J'aimerais revenir à ce que vous disiez au sujet des préjugés, étant donné que c'est une grande difficulté à laquelle nous sommes confrontés; les gens ne veulent pas être identifiés comme ayant cette condition. J'aimerais que vous en parliez davantage.
Ce n'est vraiment pas évident pour les personnes qui sont aux prises avec l'ETCAF. Bien entendu, c'est aussi difficile pour les parents, et il y a beaucoup de mauvais diagnostics. On voit souvent des diagnostics de déficit de l'attention et d'autres conditions que l'ETCAF. De plus, comme je l'ai dit, les personnes qui en sont atteintes ne vont pas crier sur les toits: « Je souffre de l'ETCAF. Puis-je être traité différemment? » ou « Puis-je recevoir différents niveaux de soutien? » ou encore « Est-ce que les tribunaux peuvent considérer ma condition comme une circonstance atténuante? » Le soutien social est donc un élément très important ici, parce qu'on ne peut pas obliger ces personnes à recevoir de l'aide. C'est pourquoi, contrairement à ce que pensent certains, il faut absolument tenir cette discussion en comité, parce que cela montre que les parlementaires dans ce pays sont prêts à faire bouger les choses.
Si nous pouvons le faire chaque année pendant 10 ans, ce sera un progrès. On veut que les Canadiens comprennent qu'il n'y a pas de honte à avoir cette condition. Il ne devrait pas y avoir de préjugés. C'est seulement en faisant abstraction de la honte que nous pourrons offrir le soutien qui est nécessaire pour obtenir des résultats.
Merci beaucoup.
Chers collègues, à titre d'information, sachez qu'à notre retour, lundi, — évidemment, la semaine prochaine, nous serons en relâche —, nous allons reprendre notre étude du projet de loi C-587. Nous accueillerons des témoins pour la première heure, et nous procéderons ensuite à l'étude article par article du projet de loi. Soit dit en passant, il ne contient que quatre articles.
Ensuite, on était censé étudier le projet de loi C-590. Je propose donc que nous continuions à discuter du projet de loi C-583 au cours de ces séances. Si notre voyage est autorisé, nous voyagerons la semaine suivante et nous tiendrons deux séances. Autrement, après la semaine de relâche, si nous ne sommes pas partis les 16 et 18 mars, nous aurons au moins deux autres réunions sur ce sujet. Par conséquent, nous allons reporter l'étude du projet de loi C-590 jusqu'à ce que nous en ayons terminé avec celle-ci. Selon moi, cela ne sert à rien d'avoir trois fers au feu en même temps.
Cela dit, j'ai besoin de témoins. Que ce soit des témoins que nous allons rencontrer au Yukon ou ici, nous avons besoin de témoins de tous les partis.
Merci beaucoup.
La séance est levée.
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