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Pour commencer, permettez-moi de réagir au point que vous avez soulevé.
Évidemment, je ne peux pas savoir d'avance s'il y aura des votes ou non. Si nous étions en réunion de comité et que l'on entendait des cloches, si j'avais le consentement unanime des membres du comité pour poursuivre, je pourrais le faire, mais seulement en respectant les règles touchant le consentement unanime.
Si vous décidez d'en parler avec vos collègues, pour jeudi, en raison du fait qu'il a été difficile d'assurer la présence de certains témoins et que c'est jeudi qu'ils seront là — et je tiens, en passant, à remercier le greffier pour tout ce qu'il a fait pour que cela soit possible —, je crois que vous pourriez tous en arriver à un accord, mais je ne peux pas le faire maintenant, et je ne peux pas prédire l'avenir.
Pour ce qui est de l'autre chose dont vous avez parlé, et je crois que M. Dechert avait levé la main pour la même raison, nous avions prévu commencer l'étude article par article mardi. Je sais que vous avez présenté une motion. Vous n'avez pas à le faire lorsque nous étudions un point à l'ordre du jour, je le souligne pour l'avenir. Si c'est lié à l'étude ou au projet de loi analysé, vous pouvez proposer tout ce que vous voulez, tant que c'est lié à cette question précise.
À la lumière de la lettre que nous avons obtenue des commissaires à la protection de la vie privée de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, ils ne nous ont pas demandé de comparaître, mais ils nous ont demandé d'accueillir le commissaire à la protection de la vie privée national. Par conséquent, je suggère que nous réservions la première heure mardi prochain pour cet intervenant. Si nous avons besoin de plus d'heures, nous pouvons prendre une décision à cet effet ensemble. Si ce n'est pas le cas, nous passerons à l'étude article par article.
Par conséquent, pour mardi prochain, si nous nous entendons, nous inviterons aujourd'hui le nouveau commissaire à la protection de la vie privée à venir parler de son rapport. Je demanderai aux membres de l'opposition et du gouvernement ce qu'ils veulent faire jeudi au sujet des salles.
Allez-y, monsieur Dechert, puis je donnerai la parole à M. Casey.
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Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter, Vine, Omegle, Yik Yak, Tinder, Voxer et Kik sont autant d’applications et de sites que consultent nos jeunes, sur lesquels ils affichent de l’information et desquels ils téléchargent des données. Accessibles en tout temps, ces sites et applications donnent lieu à des plaisanteries, à des sarcasmes, à des craintes et à des menaces auxquels les jeunes sont exposés et dont la seule issue pour certains est la mort.
Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Bessie Vlasis. Ma collègue Gwyneth Anderson et moi avons fondé la Bully Free Community Alliance, un organisme communautaire sans but lucratif, établi dans la région de York, en Ontario.
Je vous remercie de nous avoir invitées à venir ici aujourd’hui. C’est un honneur de pouvoir nous exprimer sur le projet de loi .
La mission et la vision de la Bully Free Community Alliance consistent à bâtir et à maintenir des communautés saines. Notre travail a commencé il y a un peu plus de sept ans quand nos enfants ont été victimes d’intimidation. Ils étaient dynamiques, intelligents et heureux, et se sont retirés; la maladie, la peur et l’anxiété sont devenues leur lot. Nous nous sentions impuissantes. Nous avons désespérément cherché du soutien et nous nous sommes retrouvées à devoir faire face aux effets de l’intimidation. Nous savions bien qu’il ne servait à rien d’accuser ou de blâmer. C’est là que nous avons entrepris des recherches et que notre organisme a vu le jour.
Notre organisme collabore avec de nombreux intervenants dans la région de York.
Depuis quatre ans, nous faisons équipe avec le conseil scolaire de district de la région de York. En raison de nos liens durables avec le conseil scolaire, nous faisons partie du comité du conseil qui oeuvre à l’établissement d’écoles sûres et accueillantes et nous sommes aussi membres du tout nouveau groupe de travail sur la cyberintimidation.
Nous contribuons à l’élaboration de la trousse d’outils des parents que vient de produire le ministère de l’Éducation de l’Ontario. Nous sommes membres du partenariat pour la prévention de l’intimidation dans la région de York, qui regroupe également le service de police régional de York, les conseils scolaires catholique et public, les services de toxicomanie de la région de York, la Character Community Foundation et les services de santé mentale pour enfants, pour ne nommer que ceux-là. Nous collaborons avec les responsables du programme de prévention de l’intimidation Huddle Up de la Fondation des Argonauts de Toronto, ainsi qu’avec le Centre canadien de sensibilisation aux abus. Nous travaillons directement avec le service de police régional de York et avec la municipalité de Newmarket, notamment le centre de loisirs pour les jeunes de Newmarket, où nous mettons en oeuvre des programmes et initiatives dynamiques pour les jeunes et leurs familles.
Comme nous avons tôt fait de le découvrir, rares sont les services d’aide pour les victimes d’intimidation et leurs parents. Les écoles sont souvent mal équipées et n’ont pas les connaissances, l’appui et l’information nécessaires pour s’attaquer au problème de manière efficace, en particulier lorsqu’il s’agit de cyberintimidation.
La cyberintimidation pose de sérieux problèmes. Elle ne connaît ni frontière ni limite, tout comme les efforts qu’elle nécessite pour en venir à bout. Pour apporter des changements positifs, nous devons conjuguer nos efforts et ceux-ci doivent se répercuter au-delà des frontières des collectivités et des provinces. Nous devons nous attaquer à la cause première du problème — en quoi faisons-nous fausse route en tant que parents et comme société, et comment pouvons-nous rectifier le tir?
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Un virage culturel s’impose. La tâche est gigantesque, mais elle ne doit pas nous rebuter. Car ce n’est pas un privilège pour les enfants que de se sentir en sécurité à la maison, à l’école et dans leur collectivité. C’est leur droit, un droit des plus fondamentaux.
Alors que des enfants commencent à s’enlever la vie et que la maladie mentale n’a jamais frappé aussi durement à l’échelle nationale, les adultes dans cette pièce se doivent de passer à l’action.
Tous les aspects positifs de la technologie ont leur pendant négatif, qui cause du tort et fait des victimes au niveau social. Nos jeunes n’ont pas d’endroit sûr où aller. Il est facile de dire à un jeune: « ferme l’appareil », « ne regarde pas ça », « ne lis pas ça », mais la réalité des jeunes est intimement liée à ce qu’ils voient et à ce qu’ils entendent dans Internet et dans les médias sociaux.
Le nombre de « j’aime » qu’ils voient dans Instagram et de « retweets » dans Twitter est en grande partie à l’origine des liens sociaux qu’ils établissent aujourd’hui et dans lesquels ils puisent leur sentiment d’appartenance.
Nous ne pouvons guère banaliser la réalité quotidienne dans laquelle baignent nos enfants. Pour la Bully Free Community Alliance, l’intimidation est un vaste casse-tête, dont les pièces sont entre les mains de nombreuses personnes: étudiants, parents, enseignants, administrateurs, conseils scolaires, membres de la collectivité, agences, municipalités, provinces et gouvernement fédéral. Il faut assembler toutes ces pièces pour trouver une solution et l’appliquer.
Nous reconnaissons les efforts que déploie le gouvernement fédéral. Nous considérons que le projet de loi est l’une des pièces du casse-tête complexe. Nous convenons qu’il faut mettre à jour le Code criminel pour que la police puisse intervenir avec efficacité et rapidité dans les cas d’intimidation. Mais le projet de loi C-13 est-il l’unique réponse aux problèmes critiques liés à la cyberintimidation? Nous ne le croyons pas. Le projet de loi C-13 est un pas dans la bonne direction.
Nous sommes au fait de la controverse que suscite le projet de loi à propos de la protection des renseignements personnels. Il est important de protéger les renseignements personnels des Canadiens. Quand nos enfants utilisent une application ou vont sur un site social, ont-ils vraiment droit à cette protection?
Nous avons tous une attente en matière de respect de la vie privée lorsque nous communiquons en ligne. Or, si une personne fait fi de cette attente et tire avantage d’autrui, le droit à l’anonymat n’existe plus, et notre système de justice devrait être en mesure de nous protéger et d’assurer notre sécurité.
Le droit à l’anonymat ne saurait avoir préséance sur le droit fondamental à la sécurité et à la protection. La Bully Free Community Alliance croit que l’adoption du projet de loi doit être suivie d’une stratégie nationale. Il serait injuste de dire aux Canadiens que c’est là tout ce que nous faisons pour mettre un terme à la cyberintimidation.
Nous ne pouvons pas nous arrêter là. Le projet de loi C-13 doit être étayé d’une stratégie nationale. La technologie continuera d’évoluer à un rythme effréné ainsi que les façons nouvelles d’en abuser. Nous devons intervenir de toute urgence pour mettre fin à la victimisation sociale. Des vies sont en jeu. Il faut prendre des mesures pour faire progresser une culture de respect et de gentillesse les uns envers les autres.
Cela peut sembler utopique ou impossible à réaliser. Mais réfléchissons-y un moment. Nous avons changé notre façon de penser à l’égard du tabagisme et de l’alcool au volant parce que des gens mouraient. Nous avons changé notre façon de penser à l’égard de notre environnement parce que les gens tombaient malades et mouraient. Nous pouvons certainement changer notre façon de nous traiter les uns les autres. Les Canadiens ne méritent rien de moins.
Allié à une stratégie nationale, le projet de loi est une mesure révolutionnaire. Le Canada doit ouvrir la voie. Nous devrions donner l’exemple.
Nous terminons notre mémoire avec une citation d’Anne Frank:
N’est-il pas merveilleux que nous puissions tous, à l’instant même, travailler à la création d’un monde meilleur?
Merci.
UNICEF apprécie l'occasion de présenter un exposé au comité. Merci beaucoup.
Selon nous, le projet de loi est un pas dans la bonne direction. Nous saluons vraiment les efforts déployés par le Groupe de travail sur la cybercriminalité du Comité de coordination des hauts fonctionnaires, qui a présenté son rapport. L'une des importantes conclusions du GTC, c'est que, de façon générale, les infractions prévues au Code criminel ciblent la plupart des cas graves d'intimidation et qu'il n'est pas nécessaire d'y ajouter une nouvelle infraction précise d'intimidation ou de cyberintimidation. Cependant, le groupe de travail a aussi conclu que le Code criminel comportait une lacune quant à la distribution non consensuelle d'images intimes ou au « sextage », laquelle risquerait d'entraîner l'adoption de mesures excessives telles que le dépôt d'accusations de pornographie juvénile contre des jeunes. Il recommande donc la création d'une infraction criminelle visant la distribution non consensuelle d'images intimes, ce qui sera fait dans le cadre du projet de loi.
Bien que le rapport couvre très efficacement plusieurs questions importantes, nous avons certaines réticences. Le rapport ne traite pas du degré de souplesse nécessaire lorsque les cyberintimidateurs sont des enfants ou des adolescents. Le rapport semble s'appuyer sur l'hypothèse que les enfants et les jeunes seront toujours les victimes, et ne tient pas compte des répercussions imprévues du retrait de l'intention spécifique et de l'ajout, en contrepartie, d'une notion d'insouciance aux éléments constitutifs de l'infraction.
Nous sommes heureux de savoir que le comité étudie le projet de loi et que la version actuelle n'est pas définitive.
Nous voulons aussi encourager le comité à tenir compte, ce que vous ferez, j'en suis sûr, des recommandations importantes formulées dans le rapport du Comité sénatorial « La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l'ère numérique ». Dans ce rapport, le comité demande une stratégie nationale de lutte contre l'intimidation bien coordonnée avec les provinces et les territoires. L'une des répercussions de l'absence d'une stratégie coordonnée, c'est que les provinces et les territoires vont de l'avant et présentent des lois anti-intimidation de leur cru. Il y a certains éléments communs d'une administration à l'autre, mais il y a aussi des différences importantes et des approches qui ne sont pas uniformes. Dans certains cas, ce n'est pas toujours conforme aux pratiques exemplaires et aux enseignements des recherches fondées sur des données probantes. Il faut donc que le gouvernement fédéral assume plus efficacement un rôle de coordination.
Nous proposons aussi l'élaboration de directives en matière de poursuites, en vertu desquelles les jeunes ne seraient poursuivis qu'en dernier recours.
Nous recommandons enfin dans notre mémoire une série d'autres modifications au Code criminel qui permettraient l'ajout de l'intention d'intimidation en tant qu'exigence pour l'infraction, la suppression de la notion d'insouciance dans la disposition d'infraction et la modification de la durée maximale de l'interdiction d'utilisation d'Internet au moment de la condamnation. Actuellement, le libellé de la disposition semble prévoir une interdiction à perpétuité, ce qui aurait de graves répercussions. Nous recommandons aussi une exemption aux termes de laquelle les jeunes ne pourraient pas être condamnés pour pornographie juvénile en cas de sextage relevant du champ d'application de cette nouvelle infraction et de sextage licite consensuel.
UNICEF Canada féliciterait tous ceux qui ont participé à l'élaboration du projet de loi et appuierait les dispositions prévues dans le projet de loi C-13 qui concernent exclusivement la cyberintimidation et non la distribution non consensuelle d’images intimes, si elles s’accompagnaient des modifications supplémentaires au Code criminel que nous proposons dans le présent mémoire, ainsi que d’une stratégie fédérale/provinciale/territoriale pluridimensionnelle bien coordonnée pour combattre la cyberintimidation, fondée sur la prévention, l’éducation, l’autonomisation des enfants et le renforcement des capacités, y compris l’utilisation appropriée de sanctions juridiques, une stratégie qui concilierait les intérêts supérieurs de tous les enfants et adolescents, qu’ils aient été ou soient à risque de devenir victimes, cyberintimidateurs ou témoins.
Il importe de reconnaître que les enfants et adolescents ne sont pas que des victimes, mais peuvent aussi être des cyberintimidateurs et des témoins, et que même les victimes peuvent à l’occasion changer de rôle. Il apparaît donc essentiel, lorsque l’on examine les effets sur tous les groupes d’enfants dans ces différents rôles, d’arriver à trouver un juste équilibre entre leurs droits et intérêts supérieurs, les rôles n’étant pas figés; si nous ne faisons pas attention, le projet de loi pourrait au bout du compte blesser et punir, sans qu’on l’ait fait exprès, les mêmes enfants et adolescents qu’il cherche à protéger.
Nous convenons que pour les actes les plus extrêmes perpétrés par des jeunes, les dispositions pertinentes de la loi proposée sont plus appropriées que le dépôt d’accusations de pornographie juvénile. Le fait que cette même loi se veuille applicable aux personnes de tous âges plutôt que de cibler injustement les jeunes en tant qu’auteurs des délits est aussi vu d’un bon oeil.
UNICEF Canada recommande vivement, parallèlement à toute nouvelle réponse législative au vaste problème social que constitue l’intimidation, qu’une plus grande importance soit accordée à l’éducation et à la prévention afin que les jeunes – qu’il s’agisse d’intimidateurs, de victimes ou de témoins effectifs ou potentiels – comprennent les conséquences sociales, légales et sur la santé des actes qu’ils posent dans l’univers numérique, pour eux-mêmes et pour autrui. Les enfants sont résilients et capables, une fois que les risques leur auront été exposés de manière efficace, de se protéger eux-mêmes, de protéger les autres et de modifier leur propre comportement. Il faut aider les jeunes très tôt à devenir de bons citoyens numériques et à faire des choix éclairés et responsables lorsqu'ils utilisent les médias en ligne.
Dans le cas des enfants, nous demandons instamment à ce que soient élaborées, pour toute nouvelle loi, des directives en matière de poursuites qui fassent en sorte que seuls les cas les plus graves mènent à des accusations criminelles contre des jeunes. Ces directives devraient aussi promouvoir le dépôt d’accusations pour la distribution non consensuelle d’images intimes au titre de cette nouvelle infraction au Code criminel, une fois celle-ci édictée, plutôt qu’en vertu des dispositions plus punitives prévues par le Code criminel en cas de pornographie juvénile lorsque des jeunes sont inculpés.
Nous recommandons par ailleurs une analyse et une évaluation attentives des effets voulus et non voulus de la nouvelle loi proposée sur les enfants et adolescents.
Dans le récent bilan de l’UNICEF relativement au bien-être des enfants, le Canada s’est classé au 21e rang parmi 29 pays industrialisés quant à l’incidence de l’intimidation. Il se doit donc d’étudier ce que d’autres pays aux taux moins élevés, comme l’Italie, la Suède et l’Espagne, font de bien, afin que nous puissions mettre un frein à la souffrance, aux pertes et aux morts insensées.
Nous savons qu'il y a divers éléments dont il faut tenir compte. C'en est certainement un. Dans un récent webinaire de l'Association du Barreau canadien au sujet de l'approche législative de la Nouvelle-Écosse en matière de cyberintimidation, il a été expliqué que les ordonnances de protection peuvent être obtenues grâce à la présentation d'une demande à un juge de la paix ou obtenues lorsqu'une plainte est présentée à un directeur de la sécurité publique.
On nous a dit que, dans le cas d'environ 250 ordonnances, la partie qui les présentait était quasiment toujours des écoles ou des parents. Ce n'est pas un instrument très utilisé par les jeunes. Ils craignent donc peut-être de faire l'objet d'une victimisation accrue, ou ils craignent peut-être que leurs parents se voient imposer une amende en raison de la législation de la Nouvelle-Écosse.
Il faut donc trouver des réponses. C'est un mécanisme, mais on ne peut l'utiliser qu'après les faits. Lorsque nous parlons d'éléments dissuasifs et que nous expliquons aux jeunes qu'il peut y avoir des conséquences, c'est important, dans le cadre des annonces publicitaires, de souligner certaines répercussions. Il faut vraiment mettre l'accent sur la prévention et la sensibilisation. Il faut parler de comportements responsables et d'interagir de façon constructive et positive avec ses pairs, plutôt que de mettre l'accent sur les punitions et de tenter de faire peur en brandissant le spectre de sanctions criminelles.
Merci.
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Merci de m'avoir invité, et merci de m'offrir l'occasion de vous parler du projet de loi .
Je m'appelle Steve Anderson, je suis directeur principal chez OpenMedia.ca, une organisation communautaire qui veille au maintien d'un Internet ouvert.
Comme vous le savez, OpenMedia.ca travaille avec de nombreux autres groupes pour diriger la campagne Stop Online Spying, qui a réussi à convaincre le gouvernement de mettre au rancart le projet de loi sur l'accès légal. Près de 150 000 Canadiens ont participé à cette campagne.
L'année dernière, nous avons mis sur pied la coalition Protect Our Privacy, la plus importante coalition de défense de la vie privée dans l'histoire canadienne, qui regroupe plus de 50 organisations à l'échelle canadienne.
Il est clair qu'on a ciblé une valeur canadienne commune lorsque des groupes comme la Fédération canadienne des contribuables jusqu'au Conseil des Canadiens, en passant par des petites entreprises et des syndicats, s'unissent pour défendre la question de la vie privée. Actuellement, nous avons un déficit en la matière au Canada, et je crains que le projet de loi ne fasse qu'empirer la situation.
Je crois que ce déficit en matière de protection de la vie privée est le résultat d'un déficit démocratique. Si le gouvernement, y compris les membres du comité, écoutait les préoccupations des Canadiens, il n'autoriserait pas l'établissement de différents pouvoirs permettant un accès sans mandat accru à nos renseignements personnels de nature délicate.
Afin de vous communiquer les préoccupations des Canadiens, j'ai préparé le présent exposé en externalisation ouverte. J'ai demandé aux Canadiens en ligne ce que je devrais dire, et j'ai fait de mon mieux pour intégrer leurs commentaires dans mon exposé. Je vais les souligner de temps à autre.
Je vais limiter mon exposé à l'accès légal, puisque c'est à ce sujet que les Canadiens se sont dits le plus préoccupés, et c'est aussi l'aspect qui me préoccupe le plus.
Les Canadiens à qui j'ai parlé avaient trois préoccupations principales: premièrement, l'immunité relativement à des activités qui victimisent des Canadiens innocents; deuxièmement, la responsabilité et la surveillance, et troisièmement, la sécurité des données.
En ce qui concerne l'immunité, dont je vais parler en premier, le projet de loi , dans sa version actuelle, accorde aux entreprises de communications qui divulguent des renseignements délicats au sujet de Canadiens innocents une immunité totale en matière civile ou pénale.
De récentes révélations montrent que les organismes gouvernementaux ont présenté 1,2 million de demandes pour obtenir des données de clients d'entreprises de télécommunications en une seule année. En outre, apparemment, la plupart du temps, ces entreprises se sont conformées volontairement aux demandes. Mis au fait de la situation, les Canadiens cherchent à établir plus de mesures de protection plutôt qu'un affaiblissement de mesures qui protègent leur vie privée.
En ce moment, on peut avoir accès à une quantité illimitée d'information par un simple coup de fil à un fournisseur de services Internet. Les organismes gouvernementaux n'ont même pas à fournir de demande écrite, et on nous a dit que certains organismes refusent même de mettre leur demande par écrit afin d'éviter de laisser des traces. Cette pratique extrajudiciaire fonctionne parce qu'il y a une faille dans le système qui permet aux autorités d'obtenir volontairement un accès sans mandat aux renseignements de nature délicate de Canadiens respectueux des lois.
Cette immunité en cas de divulgation prévue dans le projet de loi rendra cette faille liée à la protection de la vie privée encore plus béante en éliminant l'une des rares mesures incitatives qu'ont les entreprises de télécommunications à protéger nos données de toute divulgation sans mandat.
Voici ce que le citoyen canadien Gord Tomlin avait à dire à ce sujet sur Facebook:
Si les « autorités » ont besoin d'information, elles peuvent obtenir un mandat. Ce n'est pas dispendieux, et c'est l'un des freins et contrepoids qui sont censés protéger notre système contre les abus.
Voici ce que Danielle avait à dire sur le site Web OpenMedia.ca:
Si l'accès aux renseignements privés d'une personne n'est pas arbitraire et est justifiable, alors on peut obtenir un mandat. Sinon, on s'attend à ce que la loi nous protège contre toute violation de la vie privée.
Il y a de nombreux autres commentaires du genre.
Permettre aux entreprises de télécommunications de fournir de façon extrajudiciaire les renseignements privés de Canadiens favorise un danger moral. Cela encourage l'adoption d'un comportement insouciant et irresponsable.
Je vais maintenant parler de responsabilité et de surveillance.
Les Canadiens trouvent inquiétant que le projet de loi permette si peu d'assurer la transparence et la responsabilité des organismes gouvernementaux. Ce qui est encore plus choquant, c'est qu'il n'exige pas des fonctionnaires qu'ils informent les Canadiens innocents dont les données sont stockées dans les bases de données gouvernementales. Le fait de ne pas informer les victimes d'une surveillance et d'une communication sans mandat et de ne pas obtenir leur consentement est une source de frustration pour beaucoup de Canadiens.
Comme un Canadien l'a dit:
J'aimerais qu'il y ait une exigence selon laquelle il faut informer les personnes dont les données ont été consultées et qu'il y ait une pénalité importante [...] si cette exigence n'est pas respectée.
L'abaissement proposé du seuil des « motifs raisonnables de soupçonner » lié aux mandats touchant les données de transmission est aussi préoccupant pour les Canadiens. Nous parlons de collecte de données — et cela doit être clair — pouvant révéler les affiliations politiques et religieuses, l'état de santé, les types d'activités que nous réalisons en ligne et hors ligne et qui nous fréquentons. On parle d'information très invasive.
En ce qui concerne la responsabilité, plusieurs personnes ont aussi souligné les coûts associés à ces transferts de données et ont dit qu'il faudrait payer pour celles-ci, ce qui limiterait l'économie numérique.
Pour ce qui est des préoccupations liées à la sécurité, de nombreux Canadiens se demandent dans quelle mesure les données seront protégées une fois que les autorités auront plus de pouvoirs de collecte découlant des mesures prévues dans le projet de loi .
Compte tenu des récentes intrusions dans des bureaux fédéraux — l'ARC et les prêts étudiants, par exemple — de nombreux Canadiens remettent en question le pouvoir qu'ont les autorités gouvernementales de bien protéger leurs données des cybercriminels et des voleurs d'identité.
Voici ce qu'une personne a dit en ligne:
Le gouvernement fédéral et, en fait, la catégorie vague des « fonctionnaires » ont eu de mauvais résultats dans le passé en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. On entend souvent parler dans les nouvelles au Canada de la perte de renseignements confidentiels de Canadiens par un organisme ou des représentants du gouvernement, comme la révélation, en mars dernier, selon laquelle le gouvernement avait perdu les renseignements sur les prêts étudiants de près de 600 000 Canadiens. Renforcer les pouvoirs des fonctionnaires en ce qui concerne l'accès aux renseignements ne fait qu'augmenter le risque que des renseignements confidentiels se retrouvent entre les mains de gens mal intentionnés.
Le projet de loi élargit aussi le groupe de bureaucrates et d'organismes pouvant avoir accès à nos renseignements privés, y compris le CSTC et le SCRS, qui vivent actuellement leur propre crise de la responsabilité, compte tenu des récentes divulgations de Snowden. Je ne vois pas en quoi cela est lié à la cyberintimidation.
Dans sa version actuelle, le projet de loi ne fournit pas de mesures adéquates pour accroître la transparence, la responsabilité ni les exigences redditionnelles touchant l'accès sans mandat aux données privées.
En résumé, je recommande au comité de retirer l'immunité offerte aux entreprises de télécommunications et l'affaiblissement des normes en matière d'émission de mandats, mais d'ajouter de nouvelles mesures touchant la production de rapports et la responsabilité au projet de loi.
Je veux aussi me joindre au nombre grandissant de personnes qui demandent que le projet de loi soit scindé afin que nous puissions adopter la portion sur la cyberintimidation, sur laquelle le consensus est de plus en plus large, à mon avis, même s'il faut y apporter certaines modifications, et qu'il y ait un débat approprié sur l'accès légal.
Comme une personne l'a dit: « tout élargissement des pouvoirs gouvernementaux doit être lié à un besoin social impérieux. »
La section sur l'accès légal n'est pas liée à la cyberintimidation. Je ne crois pas que le lien a été expliqué suffisamment en détail aux Canadiens.
Je crois qu'il faut aussi répéter ce que Carol Todd, la mère d'Amanda Todd, victime de cyberintimidation, a dit au comité. Voici ce qu'elle a dit:
Je ne veux pas que nos enfants soient de nouveau victimes de persécutions dues à la perte de leur droit à la vie privée. Certaines de ces dispositions qui admettent le partage de renseignements personnels de Canadiens au mépris d'une procédure équitable m'inquiètent.
Je crois que tant ceux qui appliquent la loi sur le terrain que les Canadiens veulent que les autorités aient des outils adaptés pour traîner une diversité de criminels devant la justice. Ce que fait actuellement le projet de loi, c'est qu'il combine inutilement certains de ces outils avec des mécanismes qui ne sont pas populaires et qui favorisent la divulgation massive de renseignements de nature délicate.
Je prie le comité de tenir compte du fait qu'une seule base de données, le Centre d'information de la police canadienne de la GRC, contient des données délicates sur plus de 420 000 Canadiens. Ces gens n'ont pas de casier judiciaire. Bon nombre voient leurs renseignements se retrouver dans cette base de données simplement parce qu'ils ont souffert d'un trouble mental.
Je demande aussi de penser à une Canadienne nommée Diane, qui est l'une des plus de 200 Canadiens qui ont récemment pris la parole pour dire que leur vie personnelle ou professionnelle avait été ruinée même s'ils n'avaient jamais enfreint la loi. Pourquoi? Parce que des renseignements à leur sujet ont été communiqués à tort à des tierces parties — dans le cas de Diane, à son employeur.
Et maintenant, réfléchissez au fait que, au cours des dernières années, des organismes fédéraux ont été victimes de plus de 3 000 intrusions touchant des renseignements privés de nature hautement délicate de Canadiens. Pensez aussi au fait que cela a touché environ 750 000 personnes.
Dans le cas de Diane, elle a été victime d'une fausse accusation, qui a été retirée il y a des années, mais qui continue d'avoir un impact sur sa carrière. La réaction de Diane après qu'elle a été victime d'une intrusion dans sa vie privée qui a ruiné sa vie professionnelle a été, on ne s'en étonnera pas, l'incrédulité, le choc et la colère.
Imaginez maintenant que Diane est un membre de votre famille ou quelqu'un que vous connaissez. Ce n'est pas nécessaire de lui faire courir un tel risque. Vous pouvez tout simplement choisir de scinder le projet de loi et d'apporter les réformes nécessaires tout en vous occupant de la cyberintimidation.
Pourquoi est-ce que des victimes canadiennes devraient être à nouveau victimes de violations de leur vie privée? Pourquoi est-ce que ceux qui ont des problèmes de santé mentale devraient vivre dans la crainte? Ils n'ont pas à vivre ainsi.
Les Canadiens, y compris certains des plus ardents défenseurs du gouvernement, avec qui je travaille en étroite collaboration à ce sujet, se demandent pourquoi le gouvernement accentue notre déficit en matière de vie privée alors que d'autres pays commencent à atténuer la surveillance. Ils se demandent pourquoi vous gérez mal la sécurité de nos données.
En conclusion, comme Jesse Kline l'a écrit dans le National Post la semaine dernière, « lorsque le grand public canadien, des parents de victimes de cyberintimidation, les commissaires à la vie privée et d'anciens ministres du cabinet expriment tous de graves préoccupations au sujet d'un projet de loi, c'est un signe évident que quelque chose ne tourne pas rond, et que le gouvernement devrait écouter ».
Merci.
Bonjour, et merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. On ne m'a pas donné la possibilité de participer par vidéoconférence, mais, de toute façon, j'aurais refusé, parce que j'aime toujours venir à Ottawa, et au Canada. Je veux vous raconter quelque chose qui ne figure pas dans les notes que j'ai préparées, mais, au départ, je suis tombée amoureuse d'un Canadien, et j'ai épousé un homme des Maritimes. Alors il ne m'a pas fallu trop de temps pour aussi tomber amoureuse du Canada.
Je suis une avocate dans le domaine de la protection de la vie privée et de la sécurité sur Internet. Je gère WiredSafety. Il s'agit de la plus vieille et de la plus grande organisation qui s'occupe de sécurité sur Internet du monde. Nous sommes l'un des cinq membres du comité consultatif international sur la sécurité de Facebook. À ma connaissance, nous sommes les seuls à ne pas être rémunérés.
J'administre aussi StopCyberbullying. Il s'agit du premier programme sans but lucratif consacré à la cyberintimidation dans le monde entier. Il est en place officiellement depuis huit ans, mais il existe de façon officieuse depuis bien plus longtemps. Nous tenons des sommets et assurons la participation de jeunes afin de nous aider à étudier ces questions. Leah Parsons, Glen Canning et Carol Todd siègent au conseil consultatif de la filiale canadienne de StopCyberbullying, tout comme Sharon Rosenfeldt et Barbara Coloroso. Elle a été invitée, même si elle n'est pas Canadienne. Seuls des Canadiens peuvent siéger au conseil de StopCyberbullying pour le Canada.
J'ai aussi un conseil jeunesse, qui réunit des jeunes de toutes les provinces du pays. Ils nous fournissent des commentaires très éclairés lorsque nous tentons de trouver des façons d'améliorer la sécurité des autres jeunes. Ils prennent la parole, effectuent des recherches et travaillent en collaboration avec d'autres professionnels.
Nous travaillons en partenariat, et nous sommes tous des bénévoles non rémunérés à WiredSafety, moi compris. C'est un travail que nous faisons depuis très longtemps. Je suis très heureuse de voir que le Canada est le premier pays de la planète à s'attaquer à l'extorsion sexuelle, à la pornographie vengeresse et au sextage non autorisé.
Vous avez aussi été le premier pays, grâce à un arrêt de la Cour suprême, à reconnaître que des mineurs peuvent partager des images intimes d'eux-mêmes s'ils sont consentants. Au sein du couple, si le garçon prend une photo et la donne à une fille volontairement ou qu'une fille donne une photo à un garçon, ou peu importe quelles sont leurs préférences sexuelles, ils ne seront pas poursuivis aux termes de vos lois très sévères sur la pornographie juvénile. La loi s'en mêle lorsque la distribution commence.
Malgré le fait qu'il s'agit d'un très bon projet de loi lorsqu'il est question de cyberintimidation et de la violence à l'égard des jeunes, je crois qu'il y a tout de même des problèmes. J'étais la conférencière principale en Nouvelle-Écosse dans le cadre du sommet sur la cyberintimidation, et nous avons aussi organisé un important sommet à l'Île-du-Prince-Édouard. Lorsque j'ai fait un lapsus devant les médias, en promettant que l'Île-du-Prince-Édouard allait tenir un sommet encore plus imposant que celui qui avait été tenu en Nouvelle-Écosse, des représentants de LinkedIn, de Facebook, de Google et de Microsoft et Barbara Coloroso, Sharon Rosenfeldt et Leah et Glen sont tous venus dans la petite Île-du-Prince-Édouard pour rencontrer les centaines de jeunes et d'autres experts sur place dans le but d'établir un plan d'action pour la province. Nous avons fait quelque chose de semblable pour les Premières Nations au Nouveau-Brunswick, et notre plan d'action sur la cyberintimidation sera communiqué sous peu. Nous travaillons avec le premier ministre de l'endroit, ainsi qu'avec le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous les aidons à créer le plan d'action pour la Nouvelle-Écosse depuis le tout début. Nous travaillons avec l'Alberta et à Yellowknife. Nous sommes présents partout au Canada, mon pays d'adoption, un pays où l'on peut résoudre les problèmes liés à la cyberintimidation mieux que partout ailleurs sur la planète. Et c'est un travail que je fais dans le monde entier.
Il y a eu un suicide en Italie en raison de problèmes de pornographie vengeresse et de cyberintimidation. Il y a de tels cas partout dans le monde entier, mais nulle part on ne constate de taux de suicide par habitant liés à des questions de cybercriminalité supérieurs à celui de la Nouvelle-Écosse. Il y a eu trois suicides liés à la violence numérique dans la petite province de la Nouvelle-Écosse. Rehtaeh est la dernière, mais pas la première. Et Jenna... Pam Murchison s'occupe de cette question depuis longtemps. Il faut mettre l'accent là-bas. C'est une île, et le pays est connu pour sa bienveillance.
Il y a de vieilles blagues à la télévision lorsqu'on parle de la bonté et des gens courtois au pays, et la façon dont vous prenez soin les uns des autres plus qu'ailleurs. J'ai deux résidences dans les Maritimes, et je suis d'accord. Je crois que vous avez vraiment le bien-être des autres à coeur. Je crois que le Canada est un pays de communautés. Nous pouvons trouver des solutions, un certain nombre de personnes sont ici avec moi aujourd'hui, et d'autres qui ont déjà témoigné. Nous avons pris la parole dans le cadre de conférences des Nations Unies et nous avons participé à des groupes de travail ensemble. Vous avez le talent, vous avez l'expertise, et vous avez un gouvernement qui a à coeur le sort des enfants, et c'est crucial.
Ma préoccupation concerne la communication volontaire. Ce n'est pas que je ne fais pas confiance au gouvernement canadien pour bien s'occuper de nos renseignements. Je ne veux pas que Rogers, Telus et Bell et toutes les autres compagnies de télécommunications au pays prennent des décisions au sujet de mes renseignements personnels et quant à savoir à qui ils vont les fournir, que la communication soit autorisée ou non.
Le fait que vous leur accordiez cette immunité me frustre. J'ai six numéros de téléphone cellulaire avec Rogers. Si Rogers ne me promet pas qu'il refusera de fournir mes renseignements volontairement, sans ordonnance d'un tribunal, sans assignation à témoigner, sans un mandat, je vais changer de compagnie de téléphone cellulaire. Si Telus ne me le promet pas, alors je n'irai pas là, et si Bell ne le promet pas non plus, que ce soit Bell Canada ou Bell Aliant... Un joueur dans le milieu des téléphones cellulaires et des services sans fil devra me dire, en tant que cliente, qu'il respectera le contrat en matière de vie privée, la politique sur la protection de la vie privée que nous avons tous accepté. Sinon, je perds des droits contractuels avec une entreprise commerciale qui me fournit des services, en raison d'un petit article sur l'immunité.
Est-ce que je veux que quelqu'un dans un centre d'appel ou quelqu'un qui est près de quelqu'un d'autre, et qui ne comprend pas les normes qui s'appliquent, bénéficie d'une immunité et n'ait pas à répondre de ses actes devant moi? Non.
Je sais que, selon toute vraisemblance, le projet de loi sera adopté à peu près dans sa version actuelle. Si c'est le cas, je vais demander aux Canadiens de voter avec leur téléphone cellulaire. Je vais demander aux Canadiens de se lever et de tenir leurs entreprises de télécommunications responsables de protéger les renseignements personnels de leurs utilisateurs, et s'ils ne le font pas, nous trouverons une autre façon de communiquer ensemble. Mais, vous savez, si je donne autant d'argent à quelqu'un chaque mois pour mon téléphone cellulaire, alors il devra respecter les promesses qu'il m'a faites.
Le Canada peut avoir tous les renseignements légitimes à notre sujet — les Canadiens ou quiconque est au Canada — qu'il veut bien obtenir. Je fais confiance au gouvernement. Je ne fais pas confiance à un employé du service à la clientèle au plus bas de l'échelle d'une entreprise de télécommunications. Je ne veux pas qu'il prenne des décisions au sujet de mes renseignements personnels.
Je reçois des menaces de mort. J'ai obtenu le prix Enfants retrouvés de la GRC pour avoir mis en place le système d'alerte Amber au Canada sur Facebook, une première mondiale. Je n'ai pas pu retourner à Washington pendant six mois — personne ne voulait me parler — parce que nous l'avions fait ici.
J'essuie des attaques en ligne de cyberintimidateurs en plus. Pensez-vous que je veux que mes renseignements personnels soient exposés sans que je puisse y faire quoi que ce soit? Non. Et nos enfants ne devraient pas non plus avoir à vivre cela. Lorsque Carol Todd a affirmé qu'elle ne veut pas que quiconque renonce à ses droits à la vie privée en échange de protection — ou au nom d'Amanda —, je crois que ce ne saurait être plus clair.
Selon moi, si nous modifions uniquement la disposition qui donne l'immunité aux entreprises de télécommunication, alors je pourrais appuyer ce projet de loi. Ce n'est pas parfait, mais c'est la meilleure chose sur la cyberintimidation, le sextage et la pornographie vengeresse que nous avons vue jusqu'à présent dans le monde entier. Je le dis sans arrêt partout où je prends la parole et lorsque je demande aux Canadiens de m'aider.
Vous recevrez jeudi le responsable des politiques mondiales de Facebook. Ce n'est pas un représentant de Facebook Canada, c'est le responsable des politiques mondiales de l'entreprise. Ça vous montre à quel point ils prennent la question au sérieux. Je sais à quel point le greffier a fait du bon travail pour essayer de les joindre, mais je dois vous dire, puisque je les connais de l'intérieur, qu'ils prennent cette question très au sérieux aussi. Ils ont cela à l'oeil depuis le début.
Vous allez recevoir The Internet Alliance. The Internet Alliance réunit tous les joueurs, pas seulement Google ou Twitter. Toutes les autres sont là. Vous pouvez leur poser ces questions, mais ne me dites pas que je dois faire confiance aux entreprises de télécommunication et les laisser décider des renseignements qu'elles peuvent fournir et de ceux qu'elles doivent protéger, pas au nom de la protection de nos enfants. Nous pouvons très bien y arriver sans cela, si tout le monde met l'épaule à la roue.
Alors voilà, je vous offre mon aide et mon appui pendant que j'essaie de retrouver tous les documents dans tous les endroits où j'ai vécu depuis mes 18 ans afin de pouvoir devenir une résidente permanente du Canada. Ça prend un certain temps lorsqu'on a 63 ans. J'essaie de me souvenir de tout. Ma mère ne s'en souvient pas non plus. Mais, d'ici là, je suis une résidente permanente de coeur. J'adore ce pays, et j'aime ce que vous pouvez faire, mais je ne veux pas que quiconque sacrifie les droits des Canadiens au profit d'une entreprise de télécommunications.
Merci.
Merci de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
C'est toujours difficile de passer après Parry Aftab. C'est ce que j'ai appris aux Nations Unies.
Des voix:Oh, oh!
Mme Shaheen Shariff:Je vais essayer de soutenir votre intérêt après cet exposé.
Mon exposé aujourd'hui porte sur trois aspects du projet de loi , que j'aborderai dans l'ordre suivant: je veux parler de la disposition sur la distribution non consensuelle, des articles liés à l'accès légal qui ont déjà été mentionnés et de l'article 12, la disposition sur la propagande haineuse, que j'appuie.
En ce qui concerne la disposition sur la distribution non consensuelle, le projet de loi est considéré publiquement comme un texte législatif urgent et essentiel pour réduire la cyberintimidation. On a fait valoir, comme on l'a déjà entendu, que, à la suite des tragiques suicides d'adolescents, il faut faire quelque chose pour mettre fin à la distribution non consensuelle d'images sexuelles intimes et dégradantes. Ces activités en ligne entre les jeunes et les étudiants universitaires se révèlent être l'aspect le plus insidieux et néfaste de ce phénomène. Habituellement, les adolescentes et les jeunes femmes sont ciblées, car elles sont les plus vulnérables à la violence sexuelle hors ligne, au viol et à d'autres formes de violence sexuelle, qui sont enregistrés ou photographiés et distribués en ligne sans leur consentement.
Il ne fait aucun doute que, à la lumière des suicides et de la violence, il faut mettre en place des réglementations et prévoir des conséquences. Mais je crains vraiment que cet article sur la distribution non consensuelle et le projet de loi , à quoi viennent s'ajouter les dispositions sur l'accès légal, passeront à côté du but recherché, qui est de réduire la cyberintimidation et le sextage chez les adolescents. Je vais donc souligner un certain nombre de points.
Premièrement, les dispositions ciblent en grande partie des enfants qui reçoivent des messages contradictoires de la société adulte. Une des choses que nous semblons avoir oublié lorsque nous réfléchissons à l'adoption d'un texte législatif sur la cyberintimidation, c'est le fait que c'est la société adulte qui crée les normes de communication sociale. Ces normes de communication sociale ont tendance, de plus en plus, à tolérer le sexisme, la misogynie, la culture du viol et l'homophobie. La culture populaire créée par les adultes, surtout en ce qui concerne le marketing en ligne, la comédie et les téléréalités, mettent l'accent sur l'apparence physique, la conformité sociale, l'objectification des femmes, le sarcasme et l'humour dégradant. On met ces supposés comportements socialement acceptables sur un piédestal. Dans une telle situation, à quoi peut-on s'attendre de nos enfants? Et puis, nous les blâmons parce qu'ils imitent ce que font les adultes au sein de la société.
Je suis d'accord avec l'UNICEF, il faut envisager les poursuites en dernier recours. Même si la disposition sur la distribution non consensuelle nous permet de ne pas avoir à appliquer les lois sur la pornographie juvénile, qui sont conçues pour protéger les enfants contre un tel traitement, il reste tout de même des questions au sujet de l'établissement des peines et de la façon dont la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents sera appliquée. En outre, il y a toute une gamme d'autres préoccupations.
Les enfants reçoivent des messages contradictoires quant aux limites légales et à la culture du viol, par exemple. Les enfants sont confrontés à de durs défis des deux côtés. D'un côté, ils doivent prouver leur force dans un réseau social numérique et en ligne où même leurs amis peuvent leur manquer de respect publiquement puis s'excuser en disant que c'était seulement une blague alors que, en raison des pressions sociales, ils peuvent, sous le coup de l'impulsivité, réagir ou afficher des commentaires et des photos, ce qu'ils ne feraient absolument pas dans d'autres situations. Les adolescentes sont tout spécialement vulnérables lorsqu'elles veulent affirmer leur sexualité comme leurs idoles féminines le font, mais, au bout du compte, elles finissent par être humiliées publiquement et traitées de dévergondées lorsque des images envoyées dans le cadre d'une relation de confiance sont distribuées sans leur consentement. Le projet de loi ne sera pas un projet miracle permettant de tout régler parce que certains de ces enjeux sont très complexes.
L'une des choses que nous avons découvertes dans nos recherches, c'est que les jeunes ont de la difficulté à départager et définir le plaisir et l'intention criminelle. Les jeunes ont du mal à savoir quand leurs insultes et leurs commentaires deviennent néfastes et illégaux et qu'ils tombent dans les menaces criminelles, le harcèlement criminel, le harcèlement sexuel, la propriété de photos et l'espace public et l'espace privé. L'objectif est souvent de proférer les insultes les plus absurdes pour faire rire ses amis, et la personne qui en est victime est en fait déshumanisée. Ils oublient complètement la personne diffamée, et ce qui constitue une intention coupable, criminelle, aux termes de l'article sur la divulgation non consensuelle pourrait être plus complexe qu'il n'y paraît, sauf dans des cas extrêmes.
Il faut s'attaquer aux causes profondes de la discrimination. Il faut rappeler que le contenu affiché touchant les formes de violence en ligne et hors ligne est devenu plus vitriolique, et ce sont ces causes auxquelles la loi doit s'attaquer, pas les comportements en ligne des jeunes qui n'en sont que les symptômes. Les dispositions sur la propagande haineuse sont un début.
Les jeunes ont de la difficulté à faire la différence entre l'espace public et l'espace privé et à comprendre la notion de propriété du contenu. Ils nous ont dit avoir de la difficulté à reconnaître la différence entre les lieux publics et privés en ligne, à comprendre à qui appartiennent les photos et les vidéos, parce qu'ils ont grandi en immersion dans des environnements en ligne où ces notions sont floues. Cela aussi pourrait nuire à une application efficace des dispositions sur la distribution non consensuelle. Ces constatations révèlent que, plutôt que de blâmer les enfants pour leurs comportements qui semblent bizarres, nous devrions réfléchir à l'impact de la société adulte et des modèles adultes et donner aux jeunes la stabilité dont ils ont besoin et définir des limites claires sur lesquelles ils pourraient aligner leurs boussoles morale et sociale. On n'y arrivera pas avec des lois sévères.
Cette situation soulève une préoccupation au sujet de l'absence, actuellement, d'éducation juridique publique, parce que cela aura un impact sur la mise en oeuvre des dispositions sur la distribution non consensuelle. Dès les années 1980, le juge en chef Bora Laskin, de la Cour suprême du Canada, avait constaté qu'il fallait à tout prix offrir une éducation juridique publique. Nous n'avons pas fait grand-chose à cet égard. Le fait d'appliquer ce nouveau texte législatif sans que le grand public n'ait les connaissances juridiques adéquates est risqué, parce que l'ignorance entraîne souvent des réactions plus marquées et plus dures.
Nos recherches révèlent que, en grande partie, la population ne sait pas faire la différence entre des lois positivistes, comme le Code criminel, et des cadres fondamentaux des droits de la personne et constitutionnels, qui permettent de trouver un équilibre entre la libre expression, la sécurité, la vie privée, la protection et la réglementation. C'est cet équilibre que le gouvernement doit trouver. L'équilibre, répétons-le, il faut le trouver entre la libre expression, la sécurité, la vie privée, la protection et la réglementation.
Sans une connaissance appropriée des droits de la personne et des principes constitutionnels fondamentaux prévus dans la Charte canadienne des droits et libertés, les administrateurs d'école, les enseignants, les conseillers et les parents sont susceptibles de réagir de façon excessive et de porter trop rapidement des accusations ou de demander de telles accusations aux termes de ces dispositions.
On a entendu qu'il fallait mobiliser les jeunes afin qu'ils contribuent à l'établissement des politiques. Je ne sais pas si le comité a accueilli des jeunes, mais il faut absolument leur donner un rôle et des moyens d'action afin qu'ils contribuent à l'établissement des lois et des politiques, puisque les recherches révèlent une réduction de la violence lorsque les jeunes participent. L'article sur la distribution non consensuelle pourrait être très déconcertant pour les jeunes qui ont de la difficulté à faire la différence entre le plaisir sensuel sur Snapchat et les préjudices découlant d'une distribution non consensuelle.
Ils devraient avoir leur mot à dire dans le cadre du processus d'édiction d'une nouvelle loi qui aura un aussi grand impact sur eux. Sans connaissances juridiques, ils seront peu susceptibles de comprendre les conséquences des dispositions sur la distribution non consensuelle. Il faut donc vraiment faire attention au fait qu'il faut fournir des renseignements juridiques aux adultes, au grand public en général et aussi aux enfants.
Les contrevenants sont souvent des victimes et, par conséquent, l'article sur la distribution non consensuelle pourrait avoir l'effet opposé si les jeunes qui sont victimes de cyberintimidation réagissent en perpétrant un délit et qu'ils sont accusés aux termes de la loi.
Comme je l'ai expliqué au Comité sénatorial permanent des droits de la personne, il y a deux ou trois ans, je suis préoccupée par l'impact d'une législation réactive sur les enfants et les jeunes, qui ne font que tester les limites sociales, et cela inclut les contrevenants.
Mon temps est-il écoulé? Il me reste une minute, d'accord. Je suis désolée.
En ce qui concerne les dispositions sur l'accès légal — et je ne vais pas répéter ce qui a été dit —, j'ai des préoccupations semblables à celles soulevées plus tôt, et je suis d'accord avec une bonne partie des témoins qui m'ont précédée: il faut rejeter les dispositions sur l'accès légal, ou, au minimum, les séparer du reste du projet de loi.
Si je peux me permettre, il y a de nombreuses questions toujours sans réponse, mais les membres du comité devraient s'arrêter un instant et se demander dans quelle mesure les procureurs, les juges, les agents d'application de la loi, les enseignants et les directeurs d'école comprennent les normes sociales en ligne et le point de vue des jeunes. Quelles hypothèses au sujet des jeunes les responsables de l'application de la loi, les procureurs et les juges insuffleront-ils dans l'application des articles en question s'ils ne sont pas bien informés au sujet des recherches ou des nuances et du caractère complexe des normes sociales en constante évolution et des influences sociétales sur les enfants et les adolescents? Par conséquent, en plus de ce texte de loi, il faut mettre en place des mesures de soutien pour bien informer le milieu juridique des défis auxquels les enfants sont confrontés lorsqu'ils communiquent en ligne.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie le groupe de témoins qui a comparu devant nous. Vos présentations portaient sur vos domaines respectifs et étaient extrêmement intéressantes.
Cela correspond beaucoup à ce que nous avons entendu depuis le début de notre étude. Bien sûr, j'aurais aimé disposer de plus de temps pour explorer davantage la question.
Professeure Shariff, vous avez commencé votre présentation en parlant de l'article 12 du projet de loi où il est question de propagande haineuse. Vous n'avez pas vraiment eu le temps d'en parler abondamment.
L'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne a été supprimé. L'article 12 du projet de loi est donc la seule protection qui nous reste maintenant au Canada en matière de propagande haineuse. On y a ajouté certaines catégories qui étaient absentes, ce qui n'est pas une mauvaise chose. J'aimerais donc connaître votre opinion à cet égard.
Avant que vous commenciez à répondre, je veux remercier M. Bernstein. UNICEF Canada a fait un travail extraordinaire au sujet du mémoire qu'il a présenté. Vous nous avez fait des recommandations pertinentes.
[Traduction]
Je vous remercie, et je crois que vos collègues ici présents approuvent probablement vos recommandations touchant à l'article 162 selon lesquelles il faudrait en dire plus sur le mens rea, l'intention, et éclaircir cet aspect. Cela n'est donc pas tombé dans l'oreille d'un sourd, et nous allons probablement discuter de certains amendements à ce sujet dans le cadre de nos travaux.
J'ai aussi une question pour M. Anderson, de OpenMedia, sur les crimes haineux. J'espère bien pouvoir me joindre à vous et affirmer que je fais confiance au gouvernement, mais si nous étions capables — et c'est un gros « si » — de modifier le projet de loi pour ajouter certaines dispositions de sauvegarde, éliminer l'aspect touchant l'immunité qui semble déranger beaucoup de personnes et prévoir un genre de
[Français]
reddition de comptes. Autrement dit, il faudrait forcer les autorités qui auront obtenu les données à faire un rapport, un peu comme ce qui se fait en matière d'écoute électronique en vertu de l'article approprié du Code criminel.
Si nous pouvions établir ces dispositions de sauvegarde,
[Traduction]
croyez-vous que le projet de loi serait plus acceptable? De quelle façon évaluez-vous le projet de loi comparativement au projet de loi ? Je vous laisse répondre.