JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 13 mai 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte. Votre présence est appréciée. Nous formons le Comité permanent de la justice et des droits de la personne et cette séance porte le numéro 24. L'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 28 avril 2014, comprend l'étude du projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle.
Aujourd'hui, des témoins nous parleront du projet de loi C-13 sous un angle personnel.
Chers collègues, vous constaterez que des travaux nous attendent, soit le vote sur le Budget principal des dépenses. Si le temps nous manque, nous reporterons ces travaux à jeudi matin, mais si nous avons le temps, nous procéderons rapidement aujourd'hui.
Nos témoins, aujourd'hui, se nomment Carol Todd, Allan Hubley, Glenford Canning et Alycha Reda. Kimberly Chiles assiste par vidéoconférence.
Mme Todd sera la première à s'exprimer pendant 10 minutes.
Honorables membres du comité, je vous remercie de m'avoir demandé de témoigner à propos du projet de loi C-13. J'ai aussi transmis une déclaration écrite,mais voici mon exposé oral.
Je m'appelle Carol Todd. Je suis éducatrice en Colombie-Britannique, mais on me connaît mieux en tant que mère d'Amanda Todd. Amanda est dorénavant connue à l'échelle mondiale pour sa lutte contre la cyberintimidation, la sextorsion, ou chantage à caractère sexuel, et la revenge porn, ou pornographie de vengeance.
Amanda est née le 27 novembre 1996 et est décédée à un trop jeune âge, soit 15 ans.
Bien qu'Amanda soit décédée beaucoup trop jeune, elle a laissé quelque chose en héritage. Le legs consiste à faire valoir la sensibilisation et l'éducation aux enjeux liés à la cyberintimidation, à la sécurité des médias sociaux et, en bout de ligne, à la santé mentale. Amanda a été en mesure de partager cela avec nous sur son vidéo sur YouTube, lequel a été visionné environ 30 millions de fois partout dans le monde.
Encore récemment, quelqu'un a été arrêté et emprisonné aux Pays-Bas, accusé d'avoir posé certains des gestes d'abus du numérique et de sextorsion qu'Amanda a dû subir en ligne. Il faut remercier les corps policiers du monde entier d'avoir uni leurs efforts pour arriver à ce résultat.
J'ai beaucoup voyagé pour faire part de son héritage. J'ai regardé le visage de jeunes gens, de leurs parents et de leurs grands-parents lorsque je leur parlais de ma fille et de son héritage. Ils comprennent tous la tragédie vécue par Amanda en raison de la cyberintimidation, mais trop souvent, ces familles croient que cela ne peut arriver qu'aux autres, qu'à l'enfant de quelqu'un d'autre ou aux petits-enfants de quelqu'un d'autre — finalement, pas dans ma cour.
J'aurais pu penser la même chose avant la tempête parfaite qui a entraîné le décès de ma fille.
Je parle souvent de l'histoire d'Amanda comme étant la tempête parfaite. Entre l'âge de 12 ans et de 15 ans, sa vie a été marquée par la sextorsion, l'intimidation en ligne et hors ligne, le cyberharcèlement, la maladie mentale, dont la dépression et l'anxiété sociale, les difficultés d'apprentissage et un diagnostic de THADA. Il y a eu également les changements constants d'école, ce qui a entraîné des relations instables avec les pairs. La pétillante jeune fille que j'avais connue ne sortait plus et ne disait plus rien. Malheureusement, Amanda n'était plus en mesure de gérer le stress généré de l'extérieur.
Chacun de nous peut faire face à sa propre tempête parfaite et, bien que nous ne puissions pas tout contrôler, nous pouvons contrôler certaines choses. L'instauration d'une loi criminalisant la sextorsion et la pornographie de vengeance constitue une première étape convaincante dans la lutte contre la cyberintimidation.
Pour mettre fin à la cyberintimidation, il faudra ajouter des éléments aux dispositions prévues dans le projet de loi C-13 à cet égard. Il faudra inclure l'éducation et la sensibilisation des communautés, des écoles et des gouvernements. Tant les adultes que les jeunes doivent intensifier leurs efforts pour apporter les changements qui feront réellement une différence dans le monde et dans la société.
Il faudra améliorer les programmes de santé mentale et leur accorder la priorité. Il faudra enseigner aux familles à mieux communiquer et à assurer une supervision de l'utilisation faite du numérique. Il faudra obtenir l'assistance de l'industrie, par exemple Google, Facebook, Instagram, Microsoft et Apple. Nous devrons réunir les leaders sans but lucratif et les organisations de leaders communautaires pour élaborer ensemble des programmes locaux et nationaux. Nous aurons également besoin d'un endroit où les familles pourront s'adresser pour obtenir de l'aide.
Je travaille en étroite collaboration et je tiens une correspondance avec d'autres parents au Canada et partout dans le monde qui ont perdu des enfants victimes de cyberintimidation et de pornographie de vengeance. Je discute également avec diverses organisations canadiennes et américaines de ce qui se passe dans le monde des médias sociaux quant aux enjeux, à la législation et, en bout de ligne, à l'évolution des choses.
Dans le cadre de ma mission de diffusion de l'héritage d'Amanda en son nom, je parle avec des jeunes, des parents, des organes d'application de la loi, des leaders de l'industrie et des représentants gouvernementaux, sans compter les nombreuses personnes qui ont regardé les vidéos et les documentaires qui ont été filmés et diffusés à l'écran pour raconter son histoire.
Les dispositions du projet de loi C-13 visant la cyberintimidation sont nécessaires pour que mes voeux se réalisent en tant que mère d'une victime de la cyberintimidation. Tout en applaudissant les efforts de vous tous qui avez élaboré les articles sur la sextorsion, la pornographie de vengeance et la cyberintimidation dans le projet de loi C-13, je suis inquiète d'autres dispositions qui n'ont rien à voir avec cela et qui ont été ajoutées au nom d'Amanda, de Rehtaeh et de tous les autres enfants victimes de cyberintimidation.
Je ne veux pas que nos enfants soient de nouveau victimes de persécutions dues à la perte de leur droit à la vie privée. Certaines de ces dispositions qui admettent le partage de renseignements personnels de Canadiens au mépris d'une procédure équitable m'inquiètent. Nous sommes des Canadiens qui ont des droits civils et des valeurs fortes. Il faudrait exiger un mandat pour que tout renseignement personnel d'un Canadien soit transmis à quiconque, y compris aux autorités gouvernementales.
Nous devrions également demander des comptes aux compagnies de télécommunications et aux fournisseurs de services Internet qui font mauvais usage de nos données personnelles et confidentielles. Nous ne devrions pas être obligés de choisir entre la vie privée et la sécurité. Nous ne devrions pas devoir sacrifier le droit à la vie privée de nos enfants pour mettre ceux-ci soient à l'abri de la cyberintimidation, de la sextorsion et de la pornographie de vengeance.
Les sites des médias sociaux devraient eux aussi être tenus de rendre des comptes pour ce qui se passe sur l'autoroute de l'information, Internet.
Voici quelques éléments dont il faudrait s'occuper: avoir un numéro central ou une liste de numéros, dont ceux de la police ou de parents, où on pourrait appeler lorsqu'il y a quelque chose en ligne qui devrait être retiré rapidement; les conséquences pour les médias sociaux qui ne réagissent pas ou ne traitent pas le problème en retirant les renseignements rapportés ou les photos dans un court laps de temps; identifier et accuser les personnes responsables de photos ou d'images inappropriées ou encore les auteurs de déclarations négatives à l'endroit d'autres personnes sur les sites de médias sociaux, et les organisations où les incidents peuvent faire l'objet de mesures immédiates; et surtout, il faut prévoir de graves conséquences pour les sites qui ne font rien. Par exemple, conclure un accord international serait une solution possible. Il pourrait également comprendre des formulations permettant de l'appliquer aux sites du même genre, les futurs Facebook et Instagram.
Personnellement, j'aimerais que les victimes survivantes aient droit à une compensation semblable à celle offerte aux victimes innocentes d'actes criminels, pas nécessairement sous la forme d'un règlement en espèces, mais une compensation qui tienne compte des coûts associés aux incidents, par exemple, le salaire perdu, les thérapies et tout ce qu'il faut à une personne en deuil ou souffrant du syndrome de stress post-traumatique. Pour le détail des préoccupations liées à la vie privée, je laisse aux professionnels de la question le soin de s'exprimer sur le projet de loi C-13.
En mon nom personnel, je vous demande une chose: s'il y a moyen de retirer les dispositions controversées de cette loi qui vise à aider les Canadiens à éviter la souffrance vécue par Rehtaeh et mon Amanda, j'appuierai une telle démarche. Le projet de loi ne soulèverait plus une controverse et les dispositions liées à la vie privée qui ont fait l'objet d'une vaste opposition pourraient être examinées avec sérieux et avec soin.
Je ne veux pas que l'on s'ingère dans ma vie privée. Je ne veux pas que la vie privée de jeunes gens soit exposée. Je ne veux pas que des renseignements personnels soient exploités sans qu'une ordonnance de protection appuie les personnes visées. Je ne veux pas que l'on fasse du mal à un seul Canadien au nom de ma fille. Je veux que son héritage continue de donner espoir, de souligner nos différences et d'insuffler de la force à tous les jeunes gens partout dans le monde.
Je prends l'exemple du flocon de neige pour montrer le caractère unique, précieux et particulier de chacun de nos enfants. Un flocon de neige est unique. Il n'y a pas deux flocons qui soient identiques. Nos enfants, eux aussi, sont uniques; il n'y en a pas deux pareils. Un flocon de neige est brillant et magnifique, comme l'est chacun de nos enfants, et malheureusement, ils sont très fragiles. Aussi durs et solides que semblent être les enfants de nos jours peu importe leur maîtrise de la technologie, ils demeurent des enfants et sont extrêmement fragiles.
En conclusion, j'aimerais tous vous remercier pour le temps et les efforts que vous consacrez à élaborer une loi pour réprimer les agissements qui ont coûté la vie à un trop grand nombre d'enfants magnifiques. Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à vous adresser la parole aujourd'hui et à vous remettre le texte de ma déclaration écrite à l'appui des dispositions visant la cyberintimidation dans le projet de loi C-13, y compris mes réflexions sur les autres enjeux visant la vie privée qui ont été ajoutés à ce projet de loi.
Je tiens à remercier la population canadienne pour son appui et le gouvernement canadien pour avoir mis la cyberintimidation au coeur de ses stratégies de sécurité. Je veux également remercier la communauté internationale pour le soutien manifesté envers l'héritage d'Amanda, face à la tragédie personnelle de ma famille et à celle des autres familles représentées ici ainsi qu'à celles qui n'ont pas été en mesure d'être là aujourd'hui.
Les enfants que nous avons perdus sont désormais silencieux, donc c'est grâce à l'héritage d'Amanda que nous pouvons continuer à faire entendre ces voix réduites au silence. Je vous prie de ne pas oublier que ma fille Amanda voulait rendre le monde meilleur, libre du harcèlement et de l'intimidation. Si seulement elle savait l'impact qu'elle a grâce au vidéo qu'elle a fait et qu'elle a publié sur YouTube... Quand il est question d'éliminer la cyberintimidation, tout le monde est d'accord.
Merci.
Je vous remercie, madame Todd, de nous avoir fait part de vos observations et de votre point de vue. Nous allons maintenant entendre tous les autres témoins avant de passer à la période de questions.
Le prochain intervenant sera M. Hubley. Vous avez 10 minutes à votre disposition, monsieur.
Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler en faveur de ce projet de loi et à venir épauler les autres familles présentes aujourd'hui pour vous faire part de l'expérience qu'elles ont vécue.
Nous sommes tous ici parce que nous nous préoccupons du problème de l'intimidation et que nous voulons que les choses changent. Au cours des deux dernières années, j'ai parlé à des voisins, à des amis et à des habitants de ma ville, de ma province et de mon pays. Je crois sincèrement que le changement est possible si nous travaillons ensemble pour faire face à ce défi que doivent relever des familles dans toutes les communautés.
Avant de commencer, je vais dire quelques mots à mon sujet et sur ce qui m'amène ici aujourd'hui. J'ai déménagé à Kanata à la fin des années 1970 et je participe activement à la vie communautaire depuis plusieurs années. J'ai organisé des forums jeunesse pour amener les jeunes à parler de leurs problèmes. J'ai lancé le programme de reconnaissance jeunesse Sandra Ball, dans le cadre duquel j'ai attribué plus de 400 prix à des jeunes gens qui avaient accompli de bonnes actions dans la communauté. J'ai également fondé l'oeuvre caritative Bill Connelly, laquelle paie les frais de scolarité de jeunes gens qui veulent exercer un métier dans la construction. Je connais donc un grand nombre de jeunes de ma communauté et je crois comprendre certains de leurs problèmes.
En 2007, la Ville d'Ottawa m'a nommé le citoyen de l'année et, en 2008, j'ai reçu le Prix du Gouverneur général pour l'entraide, mais la réalisation dont je suis le plus fier, ce sont mes trois enfants magnifiques. Christine Leigh a plus de 30 ans maintenant, James aurait 18 ans et Josh a maintenant 15 ans. J'ai dit que Jamie aurait 18 ans, parce qu'il s'est suicidé en 2011, après des années d'intimidation qui ont entraîné une grave dépression en dépit de nos efforts pour le sauver. Je dois admettre que j'apprends encore littéralement à gérer la peine causée par la perte de mon garçon et je veux que vous sachiez que j'apprécie la gentillesse manifestée par la communauté à ma famille pendant que nous tentons de continuer d'avancer sans lui.
Près de trois ans ont passé et beaucoup de personnes savent maintenant à quel point mon garçon était magnifique, et j'ai l'impression que d'autres partagent notre sentiment de perte immense. Depuis le décès de Jamie, ma famille a décidé d'honorer sa mémoire en faisant tout ce qu'elle peut pour s'assurer que jamais plus une famille éprouvera la peine indicible et indescriptible causée par la perte évitable d'une vie offrant tellement de promesses. Aucun enfant ne devrait en arriver là en pensant à son avenir dans notre magnifique pays. En fait, des gens de partout au Canada et dans le monde ont pris contact avec nous et partagé leur douleur personnelle et leur histoire de survivant. Nous savons que nous ne sommes pas les seuls à vouloir un monde meilleur pour nos enfants.
Le médecin-chef en santé publique d'Ottawa, le Dr Levy, m'a dit qu'il y a plus d'un millier de personnes qui, chaque année, dans la capitale d'Ottawa, font une tentative sérieuse de suicide. Je prie que nous réussissions à vaincre chacun des facteurs, un à un, dont l'intimidation, qui ont amené trop souvent mon garçon et d'autres à prendre cette décision fatidique, avant que cela touche une de vos familles.
Précédemment, je vous ai dit que je crois que les choses vont changer. Je le crois parce que beaucoup de personnes ont juré de mettre fin à l'intimidation, en souvenir de Jamie et à la mémoire d'autres jeunes. Cela nous permet d'espérer en des jours meilleurs. Nous avons l'occasion de réparer de graves injustices et, si nous réussissons, nous serons en mesure d'améliorer l'avenir, mais il faudra y mettre les efforts et la détermination.
Winston Churchill a dit que le changement est inévitable; toutefois, le progrès est facultatif. À cet égard, le progrès ne peut être facultatif. Comment s'assurer que les changements que nous voulons apporter entraîneront un progrès et un meilleur avenir? Est-il possible de changer la vie des jeunes gens? Ensemble, je crois sincèrement qu'on peut y arriver. Je vais vous faire part de mon idée et j'espère que vous serez d'accord avec moi, parce que je ne peux pas la mettre à exécution seul. Toutes les personnes présentes dans cette salle connaissent une histoire de brute. Vous avez peut-être été intimidés. Peut-être que vous avez été brutalisés. Peut-être que vous avez essuyé des insultes. Peu importe la forme qu'elle prend, physique ou verbale, l'intimidation blesse et peut laisser des séquelles pour la vie.
Pour plusieurs d'entre nous, quand on était jeune, on pouvait aller chez soi pour éviter un intimidateur ou on pouvait se réfugier chez un ami. Il était possible d'avoir un sentiment de sécurité, mais ce n'est plus le cas, pour nos enfants. De nos jours, les cyberintimidateurs peuvent s'en prendre à vous dans un courriel ou un message texte. Ils peuvent vous attaquer dans les médias sociaux et sur des sites tels que Twitter et Facebook sans trop subir de conséquences, et tout cela en se cachant derrière un mur cybernétique qui vous empêche même de savoir qui vous attaque. Vous pouvez être chanceux et n'être victime d'intimidation qu'une ou deux fois, alors que d'autres subissent des attaques incessantes qui mettent à rude épreuve leur santé mentale pendant des années. Imaginez-vous le nombre de vies qui ont été perturbées en raison de manoeuvres d'intimidation. Les études peuvent nous présenter toutes sortes de chiffres, mais pour moi, l'important, c'est qu'une seule personne, c'est déjà trop.
Les gens sont victimes d'intimidation parce qu'ils sont grands ou petits, en raison de la couleur de leurs cheveux, parce qu'ils sont trop minces ou peut-être parce que, comme moi, tel que j'aime me voir, ils ont l'air d'un gentil ourson. La personne qui cherche à vous intimider va dénigrer votre lieu de naissance, votre religion, peut-être votre situation économique, voire votre sexualité. Réserver notre protection contre l'intimidation à certains groupes désignés, comme certains le proposent, est mal. Tous les enfants méritent que nous fassions tout ce qu'on peut pour les protéger.
Tout ce qui vous distingue en tant qu'être humain peut faire de vous une cible. Il faut travailler ensemble à renverser cette tendance. En tant que fier Canadien, je considère que nous devrions afficher nos différences, nous respecter pour qui nous sommes et se féliciter du fait qu'au Canada, nous avons le droit d'être différents. Jamie essayait de promouvoir cet objectif à son école avant de nous quitter. Il envisageait un club où chacun pourrait être lui-même. Les membres apprendraient à respecter les différences de chacun et à s'appuyer les uns sur les autres, et un jour, les enfants pourraient circuler en toute sécurité dans les corridors de l'école ou dans les rues de leur communauté et tout le monde serait accepté pour qui il est. Il voulait bâtir un monde meilleur et je sais, au fond de moi, qu'il aurait réussi si on l'avait laissé faire.
Je crois que, de même que nous avons lutté contre la conduite avec facultés affaiblies ou la violence conjugale, si nous pouvions commencer à stigmatiser l'intimidation, nous pourrions réduire les préjudices qu'elle occasionne pour l'avenir du Canada. L'intimidation n'est pas un défaut héréditaire. C'est un comportement appris, donc il devrait y avoir moyen d'y mettre un terme. Nous pourrions réaliser la vision d'ouverture de Jamie et, de ce fait, construire un meilleur avenir où les intimidateurs n'auront pas de place.
Bien que ce problème coûte des vies et en ruine beaucoup d'autres et qu'il soit tout à fait évitable, des gens essaient malgré tout de trouver des moyens et des excuses de ne pas en faire plus pour protéger nos enfants.
J'aimerais savoir pourquoi nous, à titre d'utilisateurs, n'obligeons pas ceux qui sont en charge des médias sociaux, par exemple, à coopérer avec les forces de l'ordre. S'ils étaient propriétaires d'un café ou d'un lieu d'affaires et que nous étions témoins de cette activité sur Twitter ou Facebook, par exemple, nous, en tant que clients, exigerions des changements. Les parents veulent savoir pourquoi il est si difficile de renforcer le code pénal pour permettre aux corps policiers d'intervenir dans les cas de cyberintimidation. Des familles comme la mienne paient déjà un prix trop élevé en attendant que soient adoptées des lois qui protégeront nos enfants contre la cyberintimidation fantôme.
À mon avis, le projet de loi C-13 vise à réduire la cyberintimidation et à aider la police à réunir les preuves permettant de punir ceux qui s'attaquent à nos magnifiques enfants. Nos enfants ont besoin que vous utilisiez votre pouvoir de parlementaire pour les protéger. Les parents partout au Canada vous regardent et espèrent que vous ferez quelque chose pour les aider.
Rappelez-vous les paroles de Churchill et assurez-vous que le changement est synonyme de progrès en adoptant ce projet de loi et en donnant aux forces de l'ordre les outils nécessaires. S'il vous plaît, ayez à coeur de prendre la décision qui permettra de veiller à ce qu'il n'y ait plus d'autres jeunes gens affectés. Ils sont notre avenir. Faisons tout notre possible pour les aider.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
Merci, monsieur Hubley, pour vos observations.
Le prochain intervenant est M. Canning.
Vous avez 10 minutes.
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous. Je vous remercie de me permettre de venir ici aujourd'hui pour vous faire part de mes réflexions sur le projet de loi C-13.
Je m'appelle Glen Canning. En avril 2013, ma fille, Rehtaeh Parsons, a mis fin à ses jours après avoir subi une agression sexuelle très traumatisante et des mois de cyberharcèlement. Le pire du harcèlement qu'elle a subi a été une photo qui a été diffusée par message texte et sur les médias sociaux.
Je voudrais d'abord préciser que la lorgnette que j'emprunte est très différente de celle de nombreuses autres personnes qui étudient le projet de loi C-13 en quête d'une solution possible. Je suis un père qui a perdu sa fille. Une fille magnifique, intelligente, gentille et pleine de promesses. À cause de cela, je suis en colère, je suis blessé et je suis déterminé à faire ce qu'il faut pour tenter de corriger une grave lacune de notre système de justice pénale.
La gravité de cette lacune oblige les agents de police à faire face à ce que j'assimile à une guérilla avec des moyens conventionnels dépassés, lents, inefficaces et souvent inadaptés. Beaucoup de familles qui font face à une crise semblable à la mienne vivent en grande partie la même histoire. Les policiers ne savent pas trop ce qu'ils doivent faire, quelles sont les lois qui s'appliquent et la façon de réunir les preuves de source électronique.
J'ai récemment parlé à une jeune femme qui était traquée en ligne et dont la photo était diffusée partout dans son école secondaire. La photo montre un jeune homme tenant un fusil. Sur l'arbre devant lequel il se tient est accrochée la photo de la jeune femme. Ses yeux sont troués. La police lui a dit que le meilleur moyen d'éviter d'être dans une telle situation, c'est de ne pas utiliser Facebook.
La première chose à faire et la plus importante pour lutter contre les actes criminels en ligne avec harcèlement, traque, menace et circulation de photos consiste à cesser de traiter la victime comme si elle faisait partie du problème. Elle est aussi innocente que la personne renversée par un ivrogne au volant.
Ma famille a été touchée profondément et à jamais par ce qui est arrivé à Rehtaeh. Son histoire a été largement racontée.
C'est histoire d'une fille de 15 ans qui va passer la nuit chez une amie. C'est plutôt innocent et la plupart des parents en conviennent. Cette nuit-là, elle prend un verre, elle boit trop pour son âge et elle ne sait pas que l'alcool a rapidement des effets sur l'organisme. Quelques jours après, la rumeur veut qu'elle ait couché avec quatre garçons. Elle ne se souvient de rien. Alors, une photo est diffusée. Elle montre Rehtaeh penchée à la fenêtre, le bas du corps dénudé, un gars en train de la posséder sexuellement; il sourit à la caméra, le pouce levé vers le haut. Rehtaeh n'a aucune idée si cela s'est produit.
On appelle la police. La photo devient virale. Les agents de police sont informés de la personne qui a pris la photo, de la personne qui l'a en sa possession et de ce qu'on en fait. La police ne fait rien. On ne saisit aucun cellulaire, on ne retrace aucun numéro de téléphone, on n'interroge aucun témoin et on ne réunit aucune preuve. À la fin, le seul cellulaire saisi est celui de Rehtaeh. On avait demandé des mandats pour obtenir les données contenues dans les cellulaires, mais l'exécution des mandats prend des mois, donc on ne peut que constater les dégâts. Des centaines de personnes avaient et probablement ont encore cette photo de Rehtaeh.
La police a par la suite prétendu que l'utilisation de la photo ne relevait ni des corps policiers ni de la loi. Elle était restée là sans rien faire pendant que sa vie était détruite et elle nous dit que ce n'est pas un problème qui la concerne.
J'aimerais maintenant que vous envisagiez un scénario légèrement différent: la même fille, le même incident et la même photo. Dans cette version de l'histoire, la police juge qu'il y a violation évidente de la loi. Elle s'adresse immédiatement aux compagnies de télécommunications pour établir qui est en possession de la photo, avec qui elle a été partagée, et elle fait tout ce qu'elle peut pour mettre fin à sa diffusion et pour demander des comptes à ceux qui la diffusent. Elle fait cela en quelques heures. Surtout, elle s'assure que cette photo ne va pas réapparaître et gâcher de nouveau la vie de Rehtaeh Parsons lorsqu'elle va essayer de recommencer à vivre, cette fois dans une autre école.
L'histoire de ma fille est encore largement connue et il est facile pour quiconque de se représenter ma fille de mémoire: son sourire, ses lunettes et ses cheveux longs. La plupart d'entre vous ont une famille et des enfants. Imaginez-vous quelqu'un que vous aimez et demandez-vous quelle fin d'histoire vous auriez préférée.
Le projet de loi C-13 ne va pas remplacer l'indifférence ni l'incompétence quand il est question de s'attaquer au cybercrime, mais il reste à espérer que les histoires comme celles de Rehtaeh, d'Amanda, de Jamie et d'Ally feront comprendre aux services de police partout au Canada que ce geste peut être mortel et qu'il faut s'en occuper rapidement et efficacement.
Nous vivons à une époque où les messages instantanés et les vidéos virales sont chose courante. Tous les jours, les Canadiens vont en ligne pour enrichir leur expérience de vie, partager leurs rêves, entrer en communication avec leur famille et leurs amis, et étendre leurs horizons. D'autres le font pour traquer des enfants, attirer des jeunes gens par la ruse, propager la haine, terroriser et tourmenter, et se réjouir à l'idée d'amener la douleur et la tristesse chez les autres.
Les médias sociaux, Internet, les messages textes, les courriels, les partages et divers autres moyens de communication de masse ont tous changé dramatiquement la manière dont nous communiquons entre nous. Lorsque Rehtaeh est décédée, sa mère a publié la nouvelle sur Facebook et, en quelques heures à peine, littéralement, le monde entier l'a su. C'est à ce point rapide et c'est à ce point puissant.
Entre de mauvaises mains, c'est tout aussi rapide et tout aussi puissant. Une personne dans la même situation que Rehtaeh ne recevra pas d'aide, à moins que cette aide ne parvienne aussi rapidement que le problème est apparu.
Je crois que, correctement appliquées, les modifications au projet de loi C-13 auraient fait la différence dans le cas de Rehtaeh. Je ne saurai jamais si la police avait le pouvoir et la capacité d'empêcher la diffusion de cette photo. Dans l'affirmative, il est fort possible que je regarderais la photo de ma fille dans l'annuaire de l'école plutôt que dans un article de journal.
Je respecte la vie privée comme n'importe quel Canadien; cependant, je crois que le projet de loi C-13 ne traite pas d'atteinte à la vie privée. Il cherche à permettre aux agents de police d'effectivement faire face aux nombreux défis de la communication de masse instantanée et des abus commis. La technologie a grandement changé nos vies et nous devons fournir de nouveaux outils qui permettront aux agents de police de responsabiliser ceux qui utilisent cette technologie pour blesser et tourmenter autrui.
Je ne suis pas là aujourd'hui parce que je suis inquiet ou préoccupé des effets du projet de loi C-13 sur la vie privée. Je suis là parce que nous ne pouvons nous permettre d'avoir d'autres Rehtaeh Parsons. Il m'apparaît hors de propos de défendre la vie privée pendant que nos enfants se terrorisent ouvertement les uns les autres avec des « j'aime » sur Facebook.
Je ne vous présente pas le cas d'une personne dont la vie a été détruite parce qu'on a porté atteinte à sa vie privée. En fait, je ne sais pas si quelqu'un a déjà vu sa vie brisée pour cette raison. Je suis ici pour souligner les effets induits par la perte d'une vie qui aurait pu être sauvée si on avait réussi à éviter la distribution d'images — la vie de Rehtaeh, la vie de ma fille.
Merci.
Bonjour. Monsieur le président, messieurs et mesdames les membres du comité, je vous remercie de prendre le temps de m'entendre à propos du projet de loi C-13.
Je m'adresse à vous aujourd'hui non seulement en tant que victime, électrice et citoyenne canadienne, mais également en tant que porte-parole de toutes les victimes que ce projet de loi aurait pu aider, soit, en plus de Rehtaeh Parsons, d'Amanda Todd et autres personnes connues, les victimes anonymes de cyberintimidation, de sextorsion et de violence sexuelle partout au pays.
Je suis heureuse d'être là pour comprendre et aborder la controverse publique que suscite le projet de loi C-13 et la limitation qu'il apporte aux droits à la vie privée, bien que — je dois l'admettre — je n'appuie pas pleinement ce projet de loi parce que, en fin de compte, je ne le comprends pas vraiment. Je sais qu'il arrive cependant que nous devions être prêts à concéder une partie de nos droits à la vie privée pour assurer notre propre sécurité.
Qu'est-ce que la vie privée? En droit constitutionnel, on désigne ainsi le droit de prendre des décisions personnelles sur des questions intimes; en droit civil, on désigne ainsi le droit de mener sa vie d'une manière qui est raisonnablement à l'abri du regard public. Voilà la vie privée que je défends, monsieur le président, celle qui assure une sécurité et une protection et qui peut également sauver des vies un jour, telles les vies que nous avons perdues.
De nos jours, ma génération est témoin des incroyables progrès de la technologie. Internet, par exemple, est devenu un des plus importants outils de communication en usage. C'est un outil fantastique, accrocheur. Nous utilisons Internet et nos mobiles pour réunir de l'information, partager des photos, payer nos taxes, clavarder ou potiner, et dorénavant aussi pour exploiter des jeunes hommes et des jeunes femmes ainsi que pour intimider et créer et distribuer de la pornographie infantile. On l'utilise aussi pour hameçonner et maintenant nous entendons dire que notre propre gouvernement essaie d'utiliser ce projet de loi pour essentiellement porter atteinte à la vie privée de citoyens respectueux de la loi, et ce, pour simplement attraper les mauvais garçons.
Monsieur le président, j'ai déjà indiqué que je suis victime de cet acte dégoûtant. Quand j'avais 16 ans, le cyberprédateur le plus actif au Canada, Mark Gary Bedford, de Kingston, en Ontario, m'a attirée par la ruse pour ensuite m'agresser sexuellement et me faire chanter.
Beaucoup de citoyens canadiens ne connaissent pas encore ce prédateur, donc, depuis sept ans, sans attendre que l'interdit de publication soit abandonné, je brise cet interdit et je voyage partout au Canada pour sensibiliser aux répercussions de l'exploitation sexuelle, de la pornographie de vengeance, à l'identité de mon prédateur et au danger que comporte l'inscription de renseignements personnels en ligne.
Beaucoup d'utilisateurs Internet ont des expériences positives et négatives en ligne. Un simple clic nous permet de dire, de voir et de faire presque n'importe quoi. La trop grande disponibilité de données et l'accès constant à la vie personnelle de tout un chacun peuvent certainement être utiles, mais sommes-nous conscients des dangers ainsi créés, des actes criminels que vous ne savez peut-être même pas qu'ils sont bel et bien criminels — intimidation, rumeurs, potins, menaces, exploitation, hameçonnage, exclusion sociale, voire trafic humain?
Qu'est-ce que je fais dans tout cela? À titre de conférencière, mon rôle consiste à rejoindre tous les citoyens canadiens, y compris les députés et le premier ministre Harper. Mon rôle consiste à continuer d'appuyer et d'encourager nos jeunes à prendre part au monde en ligne, tout en offrant la sensibilisation et l'éducation qui continueront de permettre à nos jeunes d'être en sécurité et respectueux en ligne.
Je vais continuer de défendre les droits et la vie privée des hommes et des femmes du Canada, peu importe leur âge, leur race et leur orientation sexuelle, ainsi que les hommes et les femmes qui ne sont pas encore nés. Je vais continuer d'être une conférencière et de remplir un rôle de militante et de partisane. Ce rôle a plus incité au changement que mon gouvernement. C'est désolant que des étrangers aient plus confiance en moi qu'en leur gouvernement, quand je viens prendre la parole dans leur communauté. Il est également regrettable que les citoyens de ce pays ne puissent compter sur leurs propres services de police, leurs députés et les leaders de ce pays, pourtant ils font confiance à une victime.
Malheureusement, au moment où j'ai vécu les événements qui m'ont amenée là où j'en suis aujourd'hui, non seulement le système judiciaire, mais également les organisations en mesure d'aider des personnes comme moi, à l'instar de mon gouvernement, m'ont laissé tomber.
Tout cela dépend de vous en fin de compte, vous, les leaders de notre pays. Précédemment, j'ai parlé de rôles et de mon rôle dans ce pays. Maintenant, votre rôle est celui de leader dans ce pays. Il vous revient d'aider à nous protéger, nous et nos enfants, mon enfant. J'espère également que nous, en tant que pays, prendrons les bons moyens pour mieux nous protéger.
Merci.
Merci, madame Reda, pour ces observations.
Nous sommes maintenant en vidéoconférence avec Mme Chiles, qui est à Edmonton, en Alberta.
Madame Chiles, vous avez la parole. Vous avez 10 minutes à votre disposition.
Je dois vous prévenir que je vais adopter une approche légèrement différente et que je serai très ouverte au sujet de mon expérience dans l'espoir qu'elle puisse en aider d'autres.
Je m'appelle Kimberly Chiles et on m'a demandé de parler du projet de loi C-13 en tant que victime et en tant que survivante de ce qu'on appelle couramment la pornographie de vengeance.
Le dernier vendredi d'octobre 2013, j'ai commencé à recevoir un nombre anormal de messages d'« amis » sur Facebook. Ils venaient d'hommes de tous les coins de la terre. Facebook venait tout juste de changer ses paramètres de protection des renseignements personnels et j'ai cru que j'avais oublié quelque chose, donc j'ai tout de suite décidé d'essayer de réorganiser ces paramètres. Je continuais à recevoir le même nombre de demandes le dimanche soir suivant, donc j'ai publié un avis à tous sur Facebook, demandant à mes amis s'il y avait quelque chose que je ne savais pas. Quelqu'un m'a fait parvenir un message personnel pour me dire que ce n'était pas une coïncidence; il y avait un lien vers un site web qu'on appelle MyEx.com, et là, j'ai vu que j'y étais. Des images de moi circulaient dans le monde entier, sur un simple clic. Il les avait trouvées parce qu'un cybermagazine populaire sur les célébrités avait ce site web, MyEx.com, parmi ses favoris.
Pour empirer les choses, quelqu'un avait inscrit trois commentaires — visibles par tous — ajoutant un lien direct à mon profil Facebook, donc quiconque consultait ce site allait ensuite à ma page Facebook.
L'angoisse qui m'a soudain saisie ne ressemblait à rien de ce que j'avais pu connaître auparavant. La panique s'est installée et j'ai commencé à trembler et à sangloter. Mes pensées se précipitaient, à mesure que je réalisais à quelle rapidité ces images pouvaient être et seraient vues. La famille, les collègues, les étudiants, les clients potentiels, les amis et les étrangers seraient au courant de ma vie personnelle, de mon corps. J'avais été violée, j'étais sous le choc.
Comment pouvait-on être aussi méchant? J'ai appelé mon copain et il a immédiatement pris des mesures. Il a consacré les heures suivantes à trouver des façons d'obtenir que ces images soient effacées. Nous avons contacté Google, nous avons cherché du soutien et sur MyEx.com, il y avait la possibilité de payer 500 $ pour faire retirer ces images à l'aide de removenames.com. Ce sont les mêmes personnes. C'est de l'extorsion. Mes images et mes renseignements personnels étaient affichés sur un site haineux et ils savent exactement ce que font les gens lorsqu'ils découvrent ces images d'eux-mêmes: ils paniquent et sont prêts à tout pour les faire effacer.
Nous avons rapidement découvert un groupe qui s'appelle DMCA Defender — ce qui correspond à « digital millennium copyright » — dont les antécédents exceptionnels et la réputation sont signalés par endrevengeporn.com. Mon copain les a embauchés le soir même et nous avons commencé à travailler sur mon cas ce soir-là. Ils ont commencé par contacter les sites hôtes sur le web, le site lui-même et les moteurs de recherche, pour faire retirer mes photos.
Ce n'est pas un processus rapide et chaque seconde qui passait augmentait ma panique et la honte de cette expérience. Cette attention non souhaitée du reste du monde se poursuivait; ma boîte d'entrées « autres » de Facebook était remplie de messages d'opinion sur moi ou mon profil. Ils avaient cliqué sur ma photo, passaient des commentaires sur mon corps et sur moi-même. J'ai même reçu des invitations à sortir venant d'hommes qui allaient passer en ville. Certains ont adopté l'approche de la mise en garde et de l'entrée en conversation, car apparemment, les gens croyaient vraiment ce qu'on disait à mon sujet. La honte de ce scénario a continué.
Ce fut en fait l'apogée d'une année de problèmes constants. J'ai su immédiatement qui était le coupable. J'avais vécu une séparation amicale avec l'homme à qui ces images avaient été envoyées. Lui et son ex-épouse vivaient une relation houleuse remplie de drames. Ils avaient une jeune fille. Je lui avais donné une porte de sortie et il l'avait prise. Je ne lui avais pas adressé la parole depuis.
À un moment donné au cours de notre relation, laquelle a été de courte durée — quatre mois seulement — il m'avait dit qu'il se pouvait qu'elle ait mon nom; il l'avait surprise en train de consulter son téléphone. Je lui avais dit que je n'étais pas inquiète, que nous allions y faire face, ne pensant jamais que cela allait se produire. Ces images n'avaient pas été partagées à ce moment-là.
Elle m'avait d'abord contactée en passant par mon site d'entreprise un an et demi auparavant et m'avait clairement manifesté son dépit. Ses messages étaient grossiers et malveillants et elle me blâmait pour son mariage brisé. Il l'avait quittée depuis longtemps et avait déménagé bien avant que je le rencontre. Je n'avais pourtant pas répondu à ses messages, sachant que toute réaction de ma part lui montrerait qu'elle avait réussi à attirer mon attention. Elle a continué de me contacter sous diverses formes de médias sociaux, directement et indirectement, prétendant quelquefois être son ex-mari, signant des messages crus, dérogatoires et haineux. Je n'avais jamais répondu à sa cyberintimidation ni à son harcèlement.
Je suis la propriétaire d'une entreprise, je suis à mon compte et j'enseigne également à l'Université de l'Alberta. J'ai un profil en ligne et je fais beaucoup de mon réseautage en ligne. Elle avait franchi les limites et j'étais terrifiée à l'idée que quelqu'un puisse voir ces images, j'avais honte pour ceux qui allaient les voir et qui pourraient croire des choses ou tirer des conclusions à mon sujet. Je n'osais imaginer à quelles bassesses serait prête la personne entre les mains de qui cela tomberait. C'était le pire des sentiments et j'étais paralysée.
Le matin suivant, j'ai téléphoné au service de police d'Edmonton. L'agent qui a répondu à mon appel a écouté pas mal toute mon histoire et m'a ensuite interrompue pour me dire qu'il ne pouvait rien faire, que ce n'était pas un crime. Je n'avais aucune preuve en main et il supposait que je n'aurais pas dû mettre des photos de moi sur Facebook, ce à quoi j'ai rapidement répondu que ce n'est pas ce que je lui avais dit. Je lui ai demandé s'il avait une fille et lui ai dit qu'il changerait peut-être de ton si sa fille était venue à lui pour lui dire que la même chose lui était arrivée. Je lui ai ensuite dit que je m'attendais à ce qu'il envoie un agent chez moi pour prendre une déclaration et, dans la journée, c'est ce qui s'est produit. Nous avons longuement parlé de ce qui s'était passé et je lui ai demandé de me laisser le formulaire de déclaration. J'ai rempli une déclaration longue de trois pages et j'ai été en mesure de joindre sept pages de preuves de harcèlement en ligne.
Entre-temps, le flot continu de marques d'attention involontaires s'est poursuivi. J'avais peur de sortir, de répondre aux messages sur LinkedIn, Facebook ou à mes courriels, craignant que quelqu'un ait vu mes photos. Je suis devenue paranoïaque et j'avais honte. J'ai commencé à croire que cela ne se terminerait jamais et que mes photos et mes renseignements personnels tomberaient dans le gouffre du Net, en faisant des données à jamais disponibles à quiconque entrait mon nom dans le champ de recherche Google.
DMCA Defender a poursuivi ses efforts, communiquant régulièrement avec moi pour me tenir au courant. Cette entreprise assurait un véritable soutien et me rassurait, ne minimisant jamais ce que je vivais. Ils ont travaillé jusqu'à ce que mes photos soient déchargées et non retraçables. De mon côté, je devais assurer sans cesse le suivi auprès de la police, et bien que l'agent qui s'occupait de mon dossier semblait relativement favorable, il me disait clairement qu'il serait difficile de trouver un recours parce que, encore une fois, en théorie, ce n'était pas un crime. De plus en plus souvent, mon cerveau revenait à l'idée que tout cela me sapait, moi, une femme de 38 ans, confiante et prospère, et que si j'avais eu 14 ans, je n'aurais pas été capable d'y faire face; j'aurais mis fin à mes jours. Je dis cela sans hésiter.
La sensibilité et l'empathie manifestées m'ont permis de continuer à me battre. Je savais que je continuerais à chercher et à trouver des ressources. J'entrerais en communication avec d'autres survivants et des porte-parole aux États-Unis et au Canada. J'assurais un suivi régulier auprès du service de police d'Edmonton pour voir s'ils étaient entrés en communication avec l'accusée. Je voulais la poursuivre. Je voulais retenir les services d'un avocat. Je voulais la justice. Je voulais la pilonner au mur pour m'avoir fait cela, avoir nui à ma réputation et à ma santé psychologique. Mon compte de banque, par ailleurs, ne me le permettait pas.
Mon partenaire et meilleur ami cherchait mon nom en ligne tous les jours, parce que j'étais malade physiquement et que je ne pouvais pas le faire moi-même, pour voir si la situation avait changé. Je ne faisais confiance à personne qui était à l'extérieur de mon cercle de connaissances, craignant que quelqu'un ait des arrière-pensées. Je continue de craindre cela aujourd'hui, me demandant si tout nouveau contact a vu de quelque façon quelque chose qu'il n'aurait pas dû voir. Ce fut une expérience épouvantable. J'ai trouvé cela frustrant de ne pas pouvoir prendre chaque attaque et l'étiqueter dans une catégorie autre, comme intimidation, harcèlement, agression, vol de droits d'auteur, partage non consenti de renseignements personnels. Mais il n'y avait rien en place qui m'aurait permis de savoir quoi faire en tant que victime, ou que les autorités auraient pu consulter, pour me protéger, moi et d'autres victimes et survivantes, qui faisait de ce geste un acte criminel, qui me proposait des moyens de défense.
Plus d'un mois s'était écoulé et mes photos apparaissaient maintenant lors d'une recherche de base sur Google, et pas seulement sur le site MyEx.com. DMCA m'avait confirmé que des fillettes étaient dorénavant sur ce site et qu'ils travaillaient avec le FBI pour faire fermer l'hôte et le site. Entre-temps, dans mon cas, ils avaient réussi à communiquer avec l'accusée et ils avaient nié toute participation. Je devais continuer à me battre. J'avais beaucoup de preuves en main et je savais qu'il devait y avoir un moyen. J'ai continué à contacter régulièrement toutes les personnes impliquées et je me suis appuyée sur mon réseau pour trouver la force de continuer. Je vivais de plus en plus d'anxiété et je pleurais facilement. J'avais beaucoup de difficultés à me concentrer. Je passais mon temps à faire des recherches sur le sujet et à consulter des cas connexes. C'était la pire chose que j'avais dû combattre. Finalement, le 6 décembre de l'année dernière, on m'a prévenu que le DMCA Defender avait réussi à faire retirer mes photos et les renseignements connexes.
Ces images explicites, mes renseignements personnels, ma page Facebook avaient tous été affichés sans mon consentement. Ces images avaient été partagées en toute confidentialité. On avait abusé de ma confiance et porté atteinte à ma vie privée. La propriété de ces images n'est pas transférable. Je fais part de mon histoire en lien avec le projet de loi C-13.
Ce projet de loi est qualifié de projet contre la pornographie de vengeance. J'ai associé mon expérience à une agression sexuelle, à un viol, à du harcèlement, mais non à de la pornographie. Les crimes Internet inscrits dans cette zone grise laissent leurs victimes sans moyen de défense. Mon jugement personnel et mon mode de prise de décisions ne devraient pas être remis en question lorsque je téléphone aux autorités et demande l'aide de la police. Le manque de ressources de la police municipale l'a clairement empêchée de s'occuper de cela, mais il y a eu aussi son manque de sensibilité et d'éducation en ce qui concerne les crimes Internet.
J'ai appris que la GRC a un petit groupe de travail qui s'occupe des crimes Internet, mais que doit faire une personne pour qu'une situation considérée comme du ouï-dire au niveau municipal soit confiée au niveau fédéral? Le manque de sensibilité et la soudaine condescendance et froideur manifestées à mon endroit sont inacceptables, tout comme les excuses et les objections.
Si je comprends bien, un mandat de perquisition vise à permettre aux enquêteurs de découvrir, d'examiner et de conserver les preuves se rapportant à la responsabilité criminelle. Un mandat de perquisition peut servir non seulement à prendre possession d'une preuve appuyant une accusation criminelle, mais également servir d'instrument d'enquête suite à une activité criminelle alléguée. Un mandat de perquisition rend valable un acte qui serait autrement considéré comme une transgression. La Charte exige que les services policiers, pour obtenir un mandat, fournissent des motifs raisonnables et probables établis sous serment pour croire qu'un délit a été commis et qu'il y aura des éléments probants trouvés au lieu de la perquisition. Ces exigences sont considérées comme une norme minimale conforme à l'article 8 de la Charte visant l'autorisation de fouilles et de saisies.
Le fait de s'assurer de l'existence d'une loi particulière et d'une responsabilité criminelle dans ces scénarios de harcèlement, d'agression et d'attaque établirait un précédent et simplifierait le plan d'action à la disposition des autorités pour faire enquête sur ce type d'allégations ou de circonstances. Je crois qu'il importe d'insister sur le fait que la collecte non consensuelle ou le partage non consensuel de données personnelles font de nous tous des victimes essentiellement, nous laissant tous vulnérables à la violation de notre vie privée, à un partage d'informations non justifié, à l'expression de jugements non fondés et à des préjugés. Il est normal de continuer de se battre pour les droits des victimes et de protéger ces droits dans le cadre de nos propres lois; il faut aussi continuer de tenir compte des avantages de la diligence raisonnable et de la procédure équitable dans le cadre de la Charte.
Pour le moment, elle exige que, pour tous les mandats, les services policiers fournissent des motifs raisonnables et probables, établis sous serment, de croire qu'un délit a été commis et qu'il y aura une preuve trouvée au lieu de la perquisition. Ces exigences établissent la norme minimale conforme à l'article 8 de la Charte pour autoriser les fouilles et saisies. De plus, la norme du « motif raisonnable de croire » est préférable au simple soupçon, mais exige moins que la prépondérance des probabilités, lorsque l'ensemble des circonstances sont prises en compte.
S'il y a lieu de croire qu'un crime a été commis, le service policier et les autorités ont déjà la capacité d'obtenir les données dont ils ont besoin.
Plus tôt cette année, j'ai appris qu'on avait signifié à l'accusée une ordonnance de production pour les deux années basées sur la preuve que j'avais fournie. Un membre du service de police d'Edmonton avait suffisamment d'expérience informatique pour fouiller un peu plus et continuer de réunir une preuve accablante contre elle et lui. À l'heure actuelle, j'attends un suivi, mais je n'ai pas été en mesure de rejoindre l'agent avant notre rencontre d'aujourd'hui. Je vais continuer d'utiliser mon expérience pour créer et étayer le processus, les personnes et les organisations qui existent pour nous aider. Avec un peu de chance, les personnes qui s'expriment sur ce projet de loi arriveront à vous dissuader d'aller de l'avant avec ce qui pourrait être considéré comme un projet de loi omnibus et à vous persuader plutôt d'examiner à part les problèmes critiques de la pornographie de vengeance et les fouilles et saisies, afin de faire preuve de diligence pour les Canadiens.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de raconter mon histoire dans l'espoir d'en aider d'autres.
D'accord, je vous remercie, madame Chiles, pour vos observations.
Nous passons maintenant à la période des questions. Nous allons commencer avec le Nouveau Parti démocratique.
Madame Boivin, vous avez cinq minutes à votre disposition.
Je tiens à vous remercier énormément, vous tous, d'être venus ici, parce que je crois que vous nous rappelez ce que ce projet de loi est censé être. Je suis très heureuse que vous soyez tous là en même temps, afin que nous nous penchions réellement ou regardions de nouveau le projet de loi C-13 dans un certain sens.
[Français]
Je suis d'accord avec l'argument visant à scinder le projet de loi pour la simple et bonne raison que ce qui devait arriver arrive maintenant. Nous passons beaucoup de temps en comité à parler de l'aspect
[Traduction]
qui concerne l'atteinte à la vie privée, alors que nous devrions parler du volet de la cyberintimidation, ce qui est le titre du projet de loi. Mon coeur se brise chaque fois, parce que chaque fois que nous parlons de l'autre volet, nous ne parlons pas de ce qui nous a amenés à ce projet de loi.
En toute honnêteté, je ne suis pas certaine d'avoir des questions pour vous. Je veux surtout utiliser les cinq minutes qui me sont accordées pour peut-être... Vous nous avez dit, madame Reda, quel est notre rôle et je le comprends vraiment. Je crois que tout le monde comprend que nous sommes là pour les Canadiens et que nous sommes ici pour protéger. Ça fait partie de notre fonction de protéger et de le faire de la meilleure manière possible. C'est notre souhait et notre rêve.
Vous avez parlé, madame Todd, de l'héritage d'espoir d'Amanda, et de même avec Rehtaeh, et la même chose avec Jamie. Vos enfants sont des héros. Vous en êtes aussi, en passant, du simple fait que bien des gens se contenteraient de... La douleur et toutes les émotions que vous éprouvez rendent la situation tellement difficile que nous ne pouvons nous imaginer ce que vous éprouvez. En même temps, vous prenez les devants, vous vous faites connaître de la population et vous amenez peut-être des gens à ne pas faire la même chose et nous aidez à aborder la question de la bonne manière.
La seule chose que j'aimerais que le projet de loi C-13 réussisse à réaliser, en pensant à vos enfants et à tout ce que vous avez vécu, c'est d'être sans doute le premier projet de loi étudié sous un angle bipartite. Voilà mon voeu ultime, que nous soyons tous là pour une seule et unique raison. Nous voulons mettre en place les meilleures mesures possibles dans le Code criminel pour aider.
Nous sommes pourtant tous conscients qu'une plus large éducation est nécessaire. Je crois, Carol, que vous avez parlé de l'importance de l'éducation. Je ne vous dirai pas mon âge, mais l'intimidation était présente à mon école, quand j'étais jeune. Elle a motivé tellement de gens. Pour moi, ça m'a amenée à vouloir devenir une avocate pour défendre les gens qui étaient intimidés, ce qui à mon avis était dégoûtant. Maintenant, on connaît mieux le phénomène, c'est plus...
Une voix: Malicieux?
Je ne dirais pas que c'est plus malicieux, parce que je pense que l'intimidation, en soi, est une malice de toute façon, mais c'est plus anonyme en raison des outils disponibles. Pourtant, il doit y avoir des façons... Nous avons proposé de scinder le projet de loi de manière à pouvoir nous concentrer sur un aspect qui est moins controversé. Je ne dis pas que la seconde partie est controversée, mais je dis qu'elle est plus technique, plus compliquée. Pourtant, le fait qu'elle soit plus compliquée ne devrait pas ralentir le processus d'adoption de la première partie. Il existe déjà une infraction qui pourrait faire partie du Code criminel mais qui n'y sera pas avant qu'on ait fini le tout... Voilà donc quelle était la raison.
J'espère vraiment — et c'est là le message à mes chers collègues — que nous essaierons d'en faire une loi, parce que personne ne veut voir... Je suis d'accord avec vous, monsieur Canning. Face à ce qui se passe, il arrive que nous ayons tendance à dire, peu importe le reste, si nous pouvons sauver une vie.
Du coup, si nous savons que le cadre législatif au Canada pourrait porter le coup de grâce à toute une enquête parce qu'une chose ou l'autre aura été obtenue grâce à un mauvais mandat... C'est ce que nous essayons de nous assurer de ne pas faire. Je veux que tout le monde sache bien que ce n'est pas que nous travaillions pour les criminels. C'est que nous voulons nous assurer du résultat final et que le but recherché ne soit pas détruit parce que quelque chose a été mal fait. C'est cela.
Mon coeur saigne pour vous, parce que je ne crois pas que personne ne soit en mesure de comprendre, à moins de vivre la même chose que vous. Je ressens votre peine, madame Todd, tellement, et vous m'impressionnez vraiment quand je vous vois regarder toute la situation d'une manière très logique. Je peux vous dire que de notre côté, nous essaierons de faire exactement la même chose, parce que je crois que c'est tout cela que tous vos enfants — et vous, Alycha et Mme Chiles — avez traversé.
En passant, j'ai demandé, madame Chiles, que Facebook envoie un représentant ici. Ils jouissent de vastes intérêts dans le domaine de la protection de la vie privée et de l'accès à... J'espère qu'ils entendent ce que vous avez dit aujourd'hui. Nous les avons portés sur notre liste parce que bien des choses qui arrivent actuellement passent par Facebook et qu'ils préféreraient s'en laver les mains, déclarant que ce n'est pas de leur faute; ce sont des renseignements personnels confidentiels. Ils sont pourtant l'hôte de ces événements, donc ils devraient peut-être entendre le message que vous lancez.
Voilà quelles étaient les observations que je souhaitais apporter. J'espère vraiment que nous créerons la meilleure loi possible à partir du projet de loi C-13. Peut-être qu'il permettra d'en faire plus que nous l'espérons. Peut-être qu'il fera travailler tout un comité dans la même direction pour la première fois depuis mon élection en 2011. C'est mon voeu le plus sincère.
Merci beaucoup, madame Boivin.
Le prochain à poser des questions est M. Dechert, du Parti conservateur.
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je veux vous remercier beaucoup d'être là aujourd'hui. Madame Todd, monsieur Hubley, monsieur Canning, madame Reda et madame Chiles, je veux vous exprimer mes sincères sympathies et mes condoléances pour ce qui est arrivé à vous, à vos enfants et à vos familles. Je pense que ce que vous nous avez dit aujourd'hui représente les plus grandes craintes des parents dans ce pays et de quiconque utilise Internet. Il est évident que nous sommes tous ici pour tenter de corriger la situation et, je l'espère, pour apporter des changements qui feront en sorte que les choses vécues par vos enfants et vos familles et par chacun d'entre vous personnellement ne se reproduiront jamais plus.
C'est un vaste programme et le temps nous est compté, mais vous avez tous parlé de la rapidité et de la puissance d'Internet, de la rapidité à laquelle les choses peuvent déraper. Ce qui commence comme un simple échange entre deux personnes peut prendre très rapidement une mauvaise tournure.
Madame Todd, vous avez parlé de l'importance de l'éducation et de la sensibilisation. Du simple fait d'être ici aujourd'hui et grâce à toutes les observations que vous avez formulées publiquement antérieurement, vous avez tous sensibilisé tous les Canadiens aux dangers. Les parents qui habitent dans ma circonscription me disent être préoccupés par cette question. Ils ont entendu vos histoires et ils parlent à leurs enfants. Je crois qu'on en a déjà tiré du bien.
Il est certain que l'éducation dans les écoles et dans nos organisations est un objectif à poursuivre. Comme je l'ai dit, le temps nous est compté.
Vous avez tous parlé de la limite à tracer. C'est ce que nous, les législateurs, devons décider. Où tracer la ligne qui distingue la vie privée et la prévention du mal? J'aimerais vous poser la question suivante et que chacun d'entre vous y réponde brièvement, si possible, et que vous la mettiez en rapport avec votre expérience personnelle: Quelle sorte de production d'information et à quel moment la connaissance de l'identité et la localisation de l'auteur du crime vous auraient permis d'éviter le mal subi par vos enfants ou vous-mêmes? À quelle vitesse devons-nous procéder? Qu'est-ce que nous devons obtenir? Si vous le pouvez, j'aimerais que vous en parliez.
On a demandé à tout le monde de répondre, donc nous allons simplement faire un tour de table. Nous allons commencer par vous, madame Todd.
Quand ma fille avait 12 ou 13 ans, elle est allée sur Internet et a trouvé des sites de clavardage dans lesquels vous échangez avec d'autres personnes. Elle s'est liée d'amitié avec certains. Ils ont prétendu être des pairs, avoir le même âge qu'elle, et ils l'ont convaincue qu'elle était belle pour ensuite la persuader de leur montrer sa poitrine. Elle l'a fait et ils ont pris une photo de leur côté; ils l'ont par la suite obligée à prendre d'autres poses pour qu'ils la photographient. Ma fille a commencé à les ignorer et à refuser leurs demandes. À ce moment-là, le 23 décembre, la GRC, à 2 heures du matin, a frappé à notre porte et a demandé à voir ma fille, parce qu'on avait diffusé la photo.
Ils avaient menacé de diffuser la photo dans sa page de média social, qui était Facebook à l'époque. La personne n'a pas diffusé la photo sur Facebook, mais sur un site porno que j'ai découvert au moment où je fouillais là-dedans, où on compte littéralement des milliers et des milliers de jeunes filles. Ils ont affiché le lien sur sa page Facebook et l'ont ensuite envoyé à ses amis et aux membres de sa famille; ce fut là le début de la fin de la vie de ma fille, parce que ses amis ont vu la photo et ont à leur tour commencé à l'intimider et à la harceler dans la vraie vie.
Je crois que si la GRC avait réagi plus tôt et avait cherché les adresses IP, ou encore avait pris contact avec Facebook plus tôt et ensuite était allée dans le site porno pour trouver l'adresse IP, nous aurions probablement trouvé l'auteur beaucoup plus tôt. Dans notre cas, un an de harcèlement et d'abus numérique s'en est suivi pour Amanda. Maintenant...
Je m'excuse de vous interrompre. Si vous aviez trouvé le nom de la personne et que vous lui aviez dit quelque chose du genre: « Cesse d'utiliser ces images, enlève-les », vous auriez peut-être évité une partie du mal.
Il est à espérer, en effet.
Une personne a été accusée aux Pays-Bas dans cette affaire, ce qui nous montre jusqu'à quel point les gens peuvent s'immiscer dans nos vies. Ils viennent dans notre propre cour, mais les Pays-Bas sont à une distance de plus de 4 000 milles.
Merci.
Notre cas est un peu différent, parce que la police est intervenue dans le dernier mois de la vie de Jamie, quand les choses se sont passées sur Facebook et dans les médias sociaux — Tumblr a été un autre site utilisé — le problème, c'est qu'elle ne pouvait rien faire parce que ça concernait des jeunes entre eux.
Je ne suis pas certain que ce projet de loi contienne quoi que ce soit qui nous aurait aidés à sauver Jamie. La famille est ici plus pour relater ce qu'il lui est arrivé pour que vous sachiez quel effet l'intimidation peut avoir sur les enfants et aussi pour soutenir Carol et Glen qui sont devenus de bons amis de la famille.
Je crois que vos observations et votre présence ici aujourd'hui nous aideront beaucoup, monsieur.
Merci.
Monsieur Canning.
Dans le cas de notre fille, Rehtaeh Parsons, c'était des messages textes. Une photo d'elle a circulé sur les cellulaires.
Il aurait été très simple de résoudre ce crime. Les auteurs reconnaissaient ce qui s'était passé dans la photo, qu'elle avait trop bu, qu'elle vomissait et qu'elle était ivre. Ils ont admis ouvertement qui ils étaient, et ont donné leurs noms: lui c'est untel et là c'est untel, et nous avons tous fait cela.
Si le fait de faire circuler cette photo n'était pas contraire à la loi — et l'agent de la GRC chargé du dossier nous avait expliqué très clairement que la diffusion de cette photo dans tout le district scolaire n'était pas une infraction — ma réponse est très simple. Si ça avait été contraire à la loi, est-ce que cela se serait soldé autrement? Je crois que oui. Je crois qu'en un seul jour, l'affaire aurait été réglée. La police aurait pu aller saisir la photo, demander à qui elle avait été envoyée et saisir les cellulaires. Elle aurait pu dire: nous irons au fond des choses et retracerons ceux et celles qui ont reçu la photo.
Ça aurait été simple. Ça aurait été facile et je crois que ça aurait fait une différence, parce que ça aurait évité que cela n'arrive, si bien que, lorsque Rehtaeh aurait fréquenté une nouvelle école à l'autre bout de la ville de Halifax... Elle avait déménagé de Cole Harbour à Halifax pour venir vivre chez moi. Elle a fréquenté l'école pendant trois semaines avant que la photo ne refasse surface. Nous avons téléphoné à la police qui nous a dit avoir déjà prévenu les autres jeunes, mais que ce n'était pas contraire à la loi.
Oui, bien sûr. La police le savait également. Elle savait qui l'avait prise, qui était en possession de la photo, ce qu'on en faisait et à qui elle était envoyée. Elle savait tout.
Un agent de la GRC est venu à la maison une fois avec l'ami de Rehtaeh et cet ami leur a dit qu'elle allait chercher la photo parce qu'elle ne l'avait pas encore vue. Cela s'est produit après plusieurs semaines d'enquête et la police n'avait encore rien fait. L'ami de Rehtaeh leur a dit la voici et il l'a envoyée à la GRC.
J'aurais dit, si je n'avais pas su qui avait la photo, que vous pourriez tout de même utiliser les données du cellulaire. Vous pourriez l'obtenir de cette façon. Il n'aurait pas été très difficile de faire quelque chose. Dans le cas présent, cependant, la photo était acheminée par texto, ce qui veut dire que les numéros et les noms étaient bien en évidence.
Les deux derniers témoins vont répondre à votre question, mais vous avez largement dépassé le temps alloué, donc je vais le déduire ailleurs du temps alloué au Parti conservateur.
Madame Reda.
J'ai rencontré le prédateur sur un site web des médias sociaux. Je savais qui était le contrevenant, parce qu'il vivait au coin de la rue où se trouvait mon école primaire. Le voir là et le reconnaître m'a fait dire que, peu importe ce qui arrive, tout ira bien, ce n'est pas comme si c'était un étranger que je ne connaissais pas.
Bien sûr, cet homme a consacré tout un mois à me préparer. Il ma amenée à avoir confiance en lui, il m'a tellement attirée, mesdames et messieurs, que je m'assoyais au salon avec ma mère devant moi, le dos tourné, pendant que ce délinquant se masturbait à la webcam. Ma mère n'avait aucune idée de la chose, parce que je lui ai caché tellement bien; il m'avait enseigné comment le cacher à tout le monde.
Lorsqu'il est passé à l'étape de me faire décrocher d'Internet et de m'agresser sexuellement, il a commencé à utiliser tous les clichés qu'il avait pris pour m'obliger à faire des gestes dégoûtants. Une fois, il m'a dit de casser le manche à balai en deux et d'enfoncer le bout pointu en moi. Je veux que vous entendiez tous cela. Il a réussi à ce qu'une fille de 12 ans enfonce des crayons pointus dans son vagin. Il a demandé à une fille de 12 ans de commettre des gestes sexuels sur son chien.
Le plus triste dans tout ça, mesdames et messieurs, c'est qu'avant qu'il soit pris, j'étais allée voir la police parce qu'il se faisait passer pour moi sur Internet. Il s'en prenait à mes amis, il leur disait d'aller en ligne, de se tenir debout, de se tourner, d'enlever leur chandail et que si elles ne le faisaient pas, il afficherait la photo de Ally.
Alors, devinez ce qu'ont fait mes amies? Elles sont devenues victimes à leur tour parce qu'elles essayaient de m'aider. Il me reste la honte et le blâme parce que, si on avait fait quelque chose, je n'aurais peut-être pas été responsable pour toutes ces jeunes filles partout dans le monde. Je vis encore avec cela aujourd'hui.
Pas vraiment. Je crois que la chose la plus importante pour moi a été la conclusion instantanée que je n'aurais pas dû faire de telles choses et que si je ne les avais pas faites, j'aurais évité tout cela.
Je ne crois pas que la honte et le blâme de la victime donnent quelque chose. Je considère que lorsque j'ai téléphoné à la police pour lui dire ce qui s'était passé, elle aurait dû me dire ce qu'elle avait en place pour s'en occuper. On aurait dû me dire qu'elle savait ce qu'est le crime par Internet, qu'il y a un processus et qu'elle allait nous aider. C'est le message sans doute le plus important à retenir dans tout ça; la police ne m'a été d'aucun secours.
Merci pour ces observations, vous tous.
Merci pour les questions.
La prochaine personne à poser des questions vient du Parti libéral.
Monsieur Casey.
Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de dire à tous les témoins que je ne suis pas ici depuis longtemps — depuis trois ans seulement — mais je ne crois pas avoir assisté à une séance de comité au cours de laquelle les témoignages ont été aussi poignants qu'aujourd'hui. À vous toutes et tous, je vous remercie beaucoup. Je vous garantis que vous nous avez touchés.
Je crois que vous savez également qu'au niveau politique du débat, nous et l'opposition officielle avons demandé une fusion du projet de loi afin d'en retirer les éléments qui traitent particulièrement de la cyberintimidation et des éléments de surveillance en ligne qui ont été repris d'un document législatif présenté antérieurement. J'apprécie les observations faites par chacun d'entre vous à ce sujet — votre mention, madame Chiles, d'un projet de loi omnibus, et aussi ce que vous avez dit madame Todd.
Soyez assurés que le message a été entendu et qu'il a été transmis et que ce serait quelque chose que nous aimerions beaucoup voir se réaliser. Je peux vous dire que, si cette suggestion est acceptée, les mesures qui compteraient le plus et qui concernent la pornographie de vengeance et l'échange non consensuel d'images intimes pourront être adoptées rapidement et nous consacrerons plus de temps à étudier les répercussions des dispositions visant la surveillance en ligne. Nous continuons de croire que c'est la bonne façon de procéder. Je vous remercie d'avoir ajouté vos voix à cet égard.
Je vais enlever une page dans le livre de M. Dechert. Nous avons consacré beaucoup de temps, en tant que parlementaires, à parler de modifications de la loi. C'est ce que nous faisons: nous révisons et nous créons des lois. Il se trouve que je crois que sur cette question, comme sur beaucoup d'autres, la modification législative n'est qu'une mince partie de ce que nous, en tant que parlementaires, et dans la société canadienne, devons faire pour régler ce problème.
Vous en avez parlé un peu plus en détail, madame Todd, quand vous avez parlé de mesures non législatives — l'éducation et la sensibilisation, les programmes de santé mentale, le rôle de l'industrie et l'aide aux familles, y compris un endroit où s'adresser.
Je vais commencer avec vous, madame Todd, et inviter les autres à donner des conseils à l'intention du gouvernement, mis à part les changements à la loi qui apporteraient une différence significative.
Quelles sont les choses les plus importantes que le gouvernement du Canada devrait faire, à part modifier la loi?
Merci.
Je crois l'avoir dit dans ma courte allocution. Nous devons réunir d'autres organisations, d'autres personnes, des leaders de la communauté, pour faire la différence.
Je dis que les lois, c'est bien. Nous avons des lois qui obligent le port de la ceinture de sécurité et nous avons des lois visant la conduite et la consommation d'alcool au volant. Leur existence établit la norme, de sorte que si vous posez un geste criminel et enfreignez la loi, il y aura des conséquences. Vous allez être pénalisés parce que vous avez compris qu'il y avait une loi.
Nous en avons besoin, mais chez les gens ordinaires, il faut assurer l'éducation et la sensibilisation des enfants dès le plus jeune âge. Nous avons besoin de ressources. Pour moi, si c'était rendu obligatoire, je prévoirais des programmes en santé mentale et en éducation dans les écoles.
De même, des crédits gouvernementaux seraient mis à la disposition des diverses provinces. Je me rappelle qu'il y a un an exactement, nous parlions de programmes de santé mentale et d'éducation à Winnipeg. Je crois que le gouvernement nous a dit à l'époque que c'était de compétence provinciale. Eh bien, il est difficile que chacun s'adresse à sa province. Toutes les provinces ont des difficultés en éducation et en soins de santé. De la rendre obligatoire au niveau supérieur de l'échiquier gouvernemental contribuerait à faire en sorte que les ressources sont là.
Je vais donner un exemple de ce que fait déjà le gouvernement. Je suis plutôt heureux de cette mesure et je considère que ça représente un vaste progrès envers l'intimidation. C'est le financement de programmes tels que celui qu'applique la Croix-Rouge, dans le cadre duquel la Croix-Rouge se rend dans des écoles, prend les leaders naturels connus dans les écoles et les forme à la gestion des conflits, à la médiation et ce genre d'habilités qui aident à faire face à l'intimidation. En échange, chacun des enfants formés en vertu de ce programme en entraîne lui-même 20 autres. Ça fait partie de leur contrat, si vous voulez, pour le cours. C'est, à mon avis, une démarche fantastique. Nous ne pourrons nous arrêter là, il y a beaucoup plus à faire.
Si je peux prendre 30 secondes, j'aimerais répondre à votre question. Il y a d'autres choses que le gouvernement peut faire, mais la seule chose que vous amenez à la table, c'est la capacité de modifier les lois. C'est ce que commentent la plupart d'entre nous. Nous avons besoin de cette loi, en plus des autres lois en vigueur, pour renforcer et accélérer l'intervention de la police dans ces circonstances. Je ne veux pas vous laisser en vous donnant une liste de choses que le gouvernement est en mesure de faire, mis à part la législation. Je veux vraiment partir en sachant que vous allez faire quelque chose avec la loi et le faire rapidement.
Je crois, monsieur, que parmi les choses que le gouvernement peut faire, mis à part la création de lois, serait de commencer à mobiliser beaucoup plus les entreprises de médias sociaux et à leur dire qu'elles doivent agir comme des citoyens responsables.
Il ne s'agit pas, à mon avis, que vous légifériez contre Facebook, mais pourquoi Facebook ne voudrait pas nous prêter main-forte? Pourquoi Twitter permettrait qu'on continue de voler les renseignements personnels sur sa plateforme? C'est son image qui est en jeu.
Je crois qu'il s'agirait de choses du genre. Nous devons commencer par mobiliser les sociétés de gestion de médias sociaux beaucoup plus et nous devons les responsabiliser beaucoup plus. Si j'avais un produit que les enfants utilisent pour s'entretuer, je ne pense pas qu'il serait en vente au Canada. Pourtant, Facebook, Twitter, Instagram, tous ceux-là, sont largement utilisés. Nous avons des exemples ici. Des enfants meurent à cause de cela. Il m'est difficile de comprendre pourquoi ces compagnies ne montent pas au créneau sans qu'on les pousse, qu'on exerce des pressions ou qu'on légifère.
En Italie, ils ont arrêté des gens de Facebook. Ils ont fait l'objet de mandats parce qu'ils avaient permis que cela se produise après que des gens se soient plaints. Devons-nous faire cela au Canada? Je ne sais pas, mais il n'en demeure pas moins qu'il faut se demander pourquoi on le ferait? Je crois que nous devons vraiment commencer à mobiliser ces compagnies beaucoup plus, et affirmer qu'elles doivent adopter une charte des droits de leurs utilisateurs et l'appliquer rigoureusement.
Ce serait mon souhait. Je souhaiterais que nous n'ayons pas à faire rien de tout cela, mais je sais que je fais probablement montre de naïveté et d'irréalisme. Si je travaillais pour une compagnie comme celle-là, je voudrais qu'elle fasse cela de toute façon, parce que c'est une question d'image. Nos familles sont sur leurs sites web.
J'aimerais prendre seulement deux secondes pour vous montrer la rapidité à laquelle les médias sociaux affichent des choses sur Internet. Je viens de recevoir un message affirmant qu'il semble que je descends en flamme le gouvernement fédéral. Voilà la rapidité à laquelle ça se passe. Vous avez là un exemple devant vous.
Depuis le jour où j'ai été agressée, le jour où les accusations de mon prédateur ont été abandonnées en raison d'une négociation de plaidoyer, et étant donné que mon agresseur, dans une affaire à l'échelle internationale, a été condamné à deux ans et 11 mois pour avoir abusé des jeunes filles partout dans le monde et m'avoir agressée sexuellement — deux ans et 11 mois, je demande au gouvernement ...
Quel est mon objectif, aujourd'hui? J'appuie ce projet de loi, parce que c'est un changement dont nous avons besoin. Mais je suis là pour vous dire qu'il faut rendre nos lois plus strictes. Nous devons les renforcer. Les délinquants qui font ces choses sont appréhendés, se font taper sur les doigts, ressortent, et commettent de nouvelles agressions et blessent d'autres enfants. Alors, l'argent des contribuables entre en jeu de nouveau. Si nous trouvons la bonne solution dès le départ, nous n'aurons pas ce problème.
Une chose qui est simplement en annexe et qui vient juste de me venir à l'esprit pendant que nous parlions, c'est que, quand j'ai essayé de resserrer les paramètres de protection de mes renseignements personnels sur Facebook, de sorte que ces gens... Beaucoup d'entre nous ne se rendent pas compte que nous avons une boîte « autres » dans Facebook. Quand vous accédez à votre profil Facebook à partir de votre ordinateur ou de votre portable, vous pouvez voir un répertoire « autres ». Dans ce répertoire, il y avait toutes les personnes qui n'étaient pas mes amis mais qui avaient été en mesure de se connecter à partir de MyEx.com. Je n'ai pas été capable, peu importe ce que je faisais, de fixer mes paramètres de manière que ces personnes ne soient plus en mesure de m'envoyer des messages.
Tout le monde a pu se ruer dans la brèche et il a fallu attendre que l'attention générale retombe, à défaut de cesser de vivre, ce que tout le monde m'a recommandé de ne pas faire, parce que, quand vous avez une présence active et saine dans les médias sociaux, cela vous aide vraiment à vous débarrasser des cochonneries. On m'a encouragée à rester sur Facebook et sur Twitter. Ce fut difficile pour moi de le faire, sachant ce qui se passait, mais je me sentais exposée de toute façon, tout simplement parce que Facebook ne me permettait pas de fixer des paramètres me permettant de me sentir en sécurité.
Je suis tout à fait favorable à la liberté d'expression. Je crois qu'il y a une ligne très fine qui distingue ce que nous sommes en train d'essayer de faire ici et le retrait de la liberté d'expression. Il y a une distinction entre l'intimidation et la niaiserie, une ligne qui est très diffuse. Le plus important concerne Facebook et les paramètres et le fait qu'il faut pouvoir compter sur une responsabilité et une sensibilisation à l'intérieur de ces groupes — les compagnies des médias en ligne, peu importe. Nous ne devrions pas être obligés de demander ces choses. Elles devraient être offertes déjà. Si nous choisissons de faire preuve d'une organisation stricte, ce devrait être laissé à notre discrétion en tant que citoyens, et ce n'est tout simplement pas là.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être venus témoigner aujourd'hui.
Il faut certainement beaucoup de courage pour nous faire part de vos expériences. Il est douloureux, je crois, de se rappeler ces événements horribles et, bien sûr, pour ceux d'entre vous qui ont perdu des enfants, mes sympathies les plus sincères. Vous pouvez être assurés de notre volonté d'essayer d'agir de telle façon que ces gestes horribles ne se répéteront pas dans l'avenir.
Vous avez tous fait remarquer que les autorités policières doivent agir rapidement. Il a été question de la protection de la vie privée des délinquants. Bien sûr, nous ne vivons pas dans un État policier et il faut trouver un genre d'équilibre quant aux droits à la vie privée.
Monsieur Hubley, par exemple, avez-vous l'impression, en tant que victime, que l'on porte atteinte à votre vie privée lorsque vous faites l'objet de cyberintimidation?
Je m'excuse, mais je ne comprends pas la question. Le droit à la vie privée de la victime est...?
M. Robert Goguen: Oui, évidemment...
M. Allan Hubley: Oui, elle est tout à fait violée lorsque quelque chose comme ça se produit.
Je m'excuse. Je ne vais pas rester là et protéger la vie privée des intimidateurs. Je me fous des lois que vous voulez adopter pour les appliquer aux cyberintimidateurs; pires elles seront, mieux ce sera, et vous obtiendrez mon appui. Je suis ici pour protéger les victimes. Je veux que vous fassiez tout ce que vous pouvez faire pour protéger les victimes, parce que, dans ce cas, et dans bien d'autres cas, il s'agit de nos enfants. Ils ne sont pas toujours en mesure de se protéger eux-mêmes.
Si on vous donnait le choix entre la protection des droits à la vie privée des victimes — et ils sont nombreux — et une atteinte minimale aux droits de la vie privée du prédateur, n'est-il pas dans l'intérêt suprême du Canada et des Canadiens de protéger la vie privée des victimes, par opposition aux droits à la vie privée des prédateurs? Est-ce qu'on ne devrait pas tracer la ligne là?
S’il faut choisir, je serai certainement de votre avis.
Notre but doit être, en principe, d'adopter un scénario qui permettra de protéger tout le monde au Canada, en accordant toutefois la priorité aux victimes. Nous avons vu l’étendue du mal causé, et avec quelle rapidité. Glen, ainsi que d'autres, vous ont décrit comment les choses vont vite. Mais si nous pouvons intervenir et agir sans délai...
D'après les dispositions du projet de loi que j'ai lues, il leur faut obtenir un mandat: cela exige de comparaître devant un juge et tout au moins d'ouvrir un dossier, ce qui nécessite déjà pas mal de temps. Par conséquent, on ne risque pas de voir la police se mettre à fouiller dans le compte Facebook de tous les Canadiens pour savoir ce qu’ils font. Cela ne me paraît d’ailleurs pas souhaitable.
Non, cela ne serait pas possible et ne correspondrait pas à l'image du Canada que nous connaissons et que nous aimons.
Je rappelle l’existence du Centre canadien de protection de l'enfance, à financement fédéral, qui a créé Cyberaide. Bien sûr, ce n'est pas un bouclier universel contre toutes les agressions que l'on peut subir sur Internet.
Certains d'entre vous connaissez peut-être cet organisme. Cyberaide est une ligne téléphonique de signalement, fondée par le gouvernement fédéral et dont la principale fonction consiste à recueillir, analyser et trier les signalements fournis par le public en matière de sévices sexuels à l'enfance affichés en ligne, tentatives pour leurrer les enfants à des fins d'exploitation de la prostitution, tourisme pédophile, trafic d'enfants et cyberintimidation. L'initiative en est à ses débuts et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici, afin de la porter plus avant.
Depuis sa création — et cela va vous paraître difficile à croire — Cyberaide a reçu plus de 53 000 signalements provenant de Canadiens craignant la victimisation d'un enfant sur Internet. Ces signalements ont entraîné 70 arrestations, ainsi que le retrait d'un grand nombre d'enfants de contextes où ils faisaient l'objet de sévices. Certes, il ne s'agit que d'un début, mais c'est pour cela que nous sommes réunis ici et que vous témoignez courageusement en nous relatant les souffrances horribles que vous avez traversées.
Monsieur Canning, pensez-vous qu'il faut établir une distinction entre la cyberintimidation et la panoplie mise à la disposition de la police afin de débusquer les coupables de ce genre de délits, ou pensez-vous au contraire qu'il s'agit d'un seul et même problème? En d'autres termes, pensez-vous qu'il y a lieu de moderniser la loi afin de l'adapter à la nouvelle technologie qui sous-tend ces délits, afin de prendre en compte, entre autres, l'adresse IP, le leurrage d’enfants sur Internet et d'autres choses encore? Ce qui est en cause, ici, c'est la capacité d'agir rapidement en limitant, dans toute la mesure du possible, les empiétements sur la vie privée du contrevenant, mais tout en protégeant des vies.
Qu'en pensez-vous, monsieur?
Je pense que ce projet de loi a pour but d'imposer la loi, et qu’il sera donc utilisé par la police et par tous les organismes d'imposition de la loi afin de poursuivre les cyberintimidateurs et ceux qui se rendent coupables de harcèlement, d'intimidation et de menaces sur l'Internet.
Je sais que la police peut pénétrer dans votre domicile si elle a des motifs raisonnables de penser qu'une infraction grave est en train d’être commise; cela dit, il n'est pas commun de voir les policiers débarquer dans les maisons canadiennes sans le moindre motif; cela, nous ne pouvons pas nous le permettre, car nous attendons davantage de nos forces de l'ordre. Nous pensons donc que les services de police utiliseront les instruments mis à leur disposition de façon appropriée, et je crois que ce projet de loi constitue pour eux un moyen nouveau et tout à fait utile.
Je ne pense pas qu'ils en feront un usage abusif sur une grande échelle. Ils sont déjà très occupés et, en Nouvelle-Écosse par exemple, où il existe de nouvelles mesures concernant la cyberintimidation, les dossiers en souffrance s'accumulent.
M. Robert Goguen: Je confirme entièrement.
M. Glenford Canning: Vous savez, les services de police n'ont guère le temps d'aller fureter dans la vie des gens du quartier. Il faut bien se fier à eux pour une utilisation appropriée des instruments qui leur servent à s'acquitter de leur mission.
D'après moi, ce projet de loi n'entraînera pas de violations sur une grande échelle de la vie privée. Ce n'est pas là son objectif et je m'en remets aux personnes à qui vous allez confier ce genre d'instrument pour qu'elles en fassent un usage approprié. Je n'ignore pas que le niveau actuel de bureaucratie au Canada a donné lieu, récemment, à toutes sortes d’interrogations concernant la protection des renseignements personnels — je pense en particulier à ce million de demandes présentées l'an dernier par les entreprises de télécommunications, et d'autres exemples encore. Mais je ne crois pas que ce projet de loi aggrave les problèmes liés à la vie privée.
Donc, vous n'êtes pas inquiet.
Il faudrait inscrire au procès-verbal que Mme Reda hoche la tête en signe d'approbation parce que la transcription n'enregistre pas ce genre de choses.
Je vous remercie.
Merci beaucoup.
Nous passons à présent à M. Chisholm, du Nouveau Parti démocratique. Votre temps de parole est identique à celui accordé à M. Dechert.
Merci beaucoup.
Je commencerai par remercier chaleureusement les témoins d'être venus comparaître pour nous raconter ce qui leur est arrivé.
En premier lieu, permettez-moi de vous présenter mes condoléances, ainsi qu'à vos familles, pour la perte de Carol, Allan et Glen. Je tiens à vous remercier toutes et tous, non seulement pour votre comparution d'aujourd'hui, mais également pour tout le temps que vous consacrez, depuis des années, à raconter votre histoire afin de faire bouger les choses, et afin que ce que vous avez vécu, mais aussi le souvenir de vos chers disparus, soient connus du plus grand nombre. Comme on l'a déjà dit, cela exige un immense courage.
Je représente Dartmouth—Cole Harbour, là où vivait Rehtaeh et où vit aujourd'hui Leah. Voici environ un an, Leah a comparu devant nous en compagnie du premier ministre de la Nouvelle-Écosse et du ministre de la Justice. Comme l'a dit Glen, nous avons évoqué la façon dont la province de la Nouvelle-Écosse a été, en fin de compte, obligée de réagir et d'adopter un certain nombre de mesures. Beaucoup d'efforts ont été déployés pour coordonner l'action des différents organismes impliqués, et notamment des services de santé, des services de soutien aux victimes, de la justice et de la police.
J'aimerais savoir ce que nous pouvons faire d'utile dans un tel cadre au niveau fédéral, en dehors de la sensibilisation?
On a parlé d'amender le Code criminel afin d'engager la responsabilité des personnes qui se livrent à la distribution d'images intimes sans consentement. Nous-mêmes, au NPD, en notre qualité d'opposition officielle, nous sommes engagés à aller dans ce sens et, comme vous le savez, nous avons présenté un projet de loi d'initiative parlementaire. Loin de moi l'idée de prétendre que ce projet de loi était parfait. C'était un document de deux pages, mais qui disait clairement les choses et qui visait à bien préciser les conséquences de la distribution d'images intimes sans consentement, tout en apportant au Code criminel, là où cela s'imposait, les amendements visant à garantir qu’il y aurait effectivement de telles conséquences.
Nous sommes aujourd'hui saisis d'un projet de loi qui présente des dispositions analogues. Ces dispositions sont sans aucun doute meilleures dans la mesure où elles traitent de la cyberintimidation. Mais les quatre pages sont consacrées à ce sujet et sont suivies de 70 pages traitant de questions différentes. Je crains donc, compte tenu de la complexité des questions liées à la protection de la vie privée, que si ces dispositions laissent à désirer, elles soient contestées devant les tribunaux et invalidées. Dans une telle hypothèse, nous aurons manqué notre objectif qui est de mettre en cause la responsabilité des contrevenants et de veiller à ce que la distribution d'images intimes sans consentement les expose à des conséquences réelles.
C'est pourquoi je tiens à vous dire que lorsqu'on accuse les personnes qui ne sont pas totalement en faveur du projet de loi d'être, en quelque sorte, davantage favorables aux contrevenants qu'aux victimes, cela ne tient tout simplement pas debout et je pense que c'est une insulte. Je vous le dis et je vous le répète, car ce n'est pas la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, et certainement pas la raison pour laquelle j'ai présenté mon projet de loi d'initiative parlementaire. Je voulais simplement arrêter ces agissements aussi rapidement que possible en intervenant de manière claire et simple. Selon moi, c'est tout à fait possible, et je voudrais que vous sachiez que telle est notre intention.
Les questions que nous soulevons et celles que nous adressent les gens concernent l'autre partie du projet de loi, qui est bien complexe. Je crains, en fait, que cette complexité ne suscite des difficultés et que nous ayons du mal à atteindre l'objectif que nous sommes déterminés à atteindre et pour lequel vous vous êtes prodigués.
Je tiens donc à vous dire clairement que nous sommes déterminés à persévérer et à faire tout le nécessaire dans le cadre du projet de loi C-13. Je voudrais aussi rendre hommage à votre engagement et vous remercier pour tout le travail que vous accomplissez dans ce sens.
Bien volontiers, je suis toujours heureuse d'intervenir après Robert. Je suis remplie d'admiration et de respect pour vous, et je comprends que l'on puisse présenter des objections de toutes sortes au projet de loi C-13... mais pas en ce qui a trait à la distribution d'images. Je suis même un peu opposée au titre, parce qu'il évoque des dispositions qui, en fait, n'y figurent pas. Ce n'est pas, comme on l'appelle, le projet de loi anticyberintimidation, mais plutôt antidistribution d'images intimes. C'est plutôt comme cela qu'on aurait dû l'intituler... avec aussi la question de la panoplie d'instruments qu'il convient de mettre à la disposition de la police.
Je ne crois pas que quiconque autour de cette table souhaite consacrer beaucoup de temps à assurer la protection des cyberintimidateurs. Cependant, il importe de s'assurer qu'il y aura bel et bien émission de mandats selon les formes prescrites par la loi, comme vient de le dire Robert de façon plus éloquente que moi. Évitons que les dispositions soient invalidées, car nous connaissons bien la charge émotive que cela représente pour les victimes qui comparaissent en justice.
Certains d’entre vous, tels que Mme Reda par exemple, ont vu le système judiciaire de près. Ce n’est pas la machine la plus rapide du monde et vous savez quelle épreuve représente une comparution sur le plan émotif pour les victimes. Alors imaginez ce que c’est lorsqu’il faut attendre un, deux ou même trois ans face au système, pour aboutir en fin de compte à l'invalidation du mandat en même temps que de la preuve qu'il avait contribué à réunir. C'est cela que nous cherchons à éviter, et certainement pas à protéger les cyberintimidateurs. Nous voulons simplement veiller à englober les dispositions de la Charte des droits afin de pouvoir nous appuyer non seulement sur certaines dispositions législatives, mais également sur la jurisprudence, et que cela forme un tout intégré.
C'est pourquoi, encore une fois, nous devons malheureusement consacrer tellement de temps à la deuxième partie du document, car nous sommes tous d'accord pour équiper la police d'instruments supplémentaires, comme le disent bien souvent mes estimés collègues du Parti conservateur. Certes, il importe de mettre entre leurs mains des instruments qui correspondent davantage au contexte actuel. Toutefois, lorsqu'on sait qu'il est possible d'obtenir un mandat par simple coup de téléphone, compte tenu de la rapidité avec laquelle on peut avoir accès à un juge, un juge de paix, lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire qu'un délit a été perpétré...
Monsieur Canning, vous avez dit quelque chose qui m'a frappée, à savoir qu'aucune disposition législative ne confère la compétence, ou quelque chose d'approchant. Vous avez raison de dire cela, parce que même si on dispose des meilleurs instruments, si on ne s'en sert pas, les choses restent au même point.
Il est donc important de bien se comprendre, et de comprendre notamment ce que vous avez à nous dire, parce qu'en définitive, c'est à vous que nous devons le projet de loi C-13. Bien sûr, il est affligeant qu'il ait fallu la mort de ces adolescents pour que les dirigeants politiques comprennent qu'il est nécessaire de moderniser certains aspects de notre Code criminel. Cela fait bien longtemps que tout le monde est au courant de l'intimidation sous toutes ses formes, mais encore faut-il avoir la volonté nécessaire. Et parfois, il faut aussi des événements tragiques pour que les choses se débloquent. Il nous faut à présent veiller à ce que les choses soient faites comme il se doit.
Je n'ai rien d'autre à ajouter, sinon que je ne prends pas à la légère les propos de ceux qui mettent en doute la protection que nous cherchons à accorder à qui en a besoin. Nous faisons véritablement de notre mieux et c'est la raison pour laquelle j'espère, avant toute chose, que nous allons pouvoir oeuvrer tous ensemble. Je dirai aussi aux personnes qui s'intéressent davantage aux aspects policiers de la question que nous avons ici, à cette table, un ex-policier. Nous représentons toutes sortes de milieux et d'approches et nous cherchons à mettre entre les mains de la force publique les meilleurs outils afin de protéger non seulement nos enfants, mais aussi l'ensemble de la population, car il ne s'agit pas seulement de nos jeunes, mais de toute la société.
Je vous remercie beaucoup de cette intervention.
Nous donnons à présent la parole au Parti conservateur. Monsieur Wilks, c'est à vous.
Merci, monsieur le président et merci aux témoins de comparaître aujourd'hui devant nous.
C'est tout de même intéressant: je suis retraité de la GRC et j'ai toujours eu du mal avec ce recueil, parce que ce sont les prescriptions auxquelles nous devons nous conformer, que cela nous plaise ou non. Mais les activités criminelles ont évolué de façon infiniment plus rapide que le Code pénal au cours des 10 dernières années, car, en fait, il n'a guère changé depuis 1986, et c'est là que le bât blesse.
Je comprends le point de vue de toutes les personnes réunies ici; par ailleurs, j'ai une question spécifique à poser; cependant, j'aimerais peut-être expliquer pourquoi il convient, selon moi, que le projet de loi modifie également la législation sur la protection de la vie privée. À l'heure actuelle, selon la formulation du Code pénal, nous n'avons pas de dispositions prenant en compte les « données d'ordinateur ». La notion n'existe pas. On parle de données électroniques et de toutes sortes d'autres choses, mais pas de « données d'ordinateur », si bien que les policiers se demandent s'ils sont dans leur droit, car ils ne veulent pas donner lieu à une jurisprudence erronée lorsque le juge interprète ce qui leur est loisible ou non de faire. Le texte dont nous sommes saisis, lui, précise clairement ce que la police peut ou ne peut pas faire.
Si ce projet de loi est adopté, ils sauront comment s'y prendre afin de préserver les données avant l'émission du mandat. À l'heure actuelle, ce problème n'est régi par aucune disposition et ils ont en quelque sorte carte blanche. C'est pourquoi les policiers ont parfois du mal à intervenir au niveau de Facebook ou de Twitter ou encore d’Instagram, car ils ne savent pas quelle est l'exacte portée juridique de leur mandat. Certes, ils peuvent agir sur la base de considérations morales, mais il faut encore que leurs actions passent au crible de la comparution judiciaire.
Voilà pour ma première observation. Je pense que ce projet de loi nous offre une merveilleuse occasion de rétablir les choses et d'avancer.
Selon moi, il convient aussi d'améliorer certaines dispositions. Pour avoir moi-même beaucoup recouru au Code criminel, notamment pour les écoutes téléphoniques, je puis dire aux personnes ici présentes que si elles s'imaginent qu'un mandat s'obtient en deux temps trois mouvements, elles se trompent du tout au tout. Il faut des mois, voire des années d'enquête afin d'épuiser toute autre démarche d'investigation possible avant d'en arriver, en dernier recours, à l'écoute téléphonique qui représente l'empiétement le plus direct sur la vie privée. C'est pourquoi la police prend cela très au sérieux, car elle veut à tout prix éviter de torpiller l'enquête. Avec ce projet de loi, ils pourront préserver les données, alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui.
J’aimerais évoquer deux ou trois aspects qu'il conviendrait de mieux prendre en compte dans le cadre de ce projet de loi. Les gens ne se rendent même pas compte qu'une fois obtenues les données provenant de l'ordinateur, il faut, dans un délai de 60 jours, notifier l'interception à toutes les personnes qui en ont fait l'objet, parallèlement aux autres volets de l'enquête que l'on est en train de mener. En effet, les tribunaux ont décidé que l'inculpé doit comparaître en justice dans un délai prescrit, et il en va de même pour la divulgation de toutes les données. Il faut donc se conformer à toute une foule d'exigences, notifier tous les intéressés dans un délai de 60 jours... c'est pratiquement impossible.
C'est la raison pour laquelle nous essayons d'améliorer les choses.
Monsieur le président, j'aimerais soulever devant les témoins la question de savoir comment nous devons nous y prendre pour mieux former et sensibiliser les agents des services de police lorsqu'ils commencent leur formation. Il semble que nous soyons en retard dans ce domaine et que les policiers ne connaissent pas tous les instruments à leur disposition. Il faut donc leur donner un complément de formation et leur dire qu'ils ont d'autres moyens pour faire savoir aux Alycha Reda, Amanda Todd et Rehtaeh Parson de notre société que nous éprouvons réellement de la compassion, et que nous ne voulons pas que quiconque connaisse le sort de ces victimes, car c'est la dernière chose que nous souhaitons voir arriver. Mais il faut, pour cela, un complément de formation.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
C'est tout de même paradoxal parce que, dans le cas d'Amanda, après une année de harcèlement en ligne de la part de l'individu que nous soupçonnons aux Pays-Bas, et après que j'aie signalé la chose une deuxième ou une troisième fois à la GRC, nous n'avons pas eu vent que quoi que ce soit ait été entrepris. C'est là que ma fille a déclaré qu'elle renonçait face à cet immobilisme, et elle a commencé à se recroqueviller sur elle-même et à se fermer.
Je conviens avec vous qu'il faut donner un complément de formation aux services de police et d'imposition de la loi, parce qu'ils sont en première ligne. Je n'ai pas la moindre idée de la façon dont il faut s'y prendre, mais ce n'est pas mon travail. Cependant, il nous incombe de le faire, et de faire en sorte qu'ils manifestent davantage d'empathie et de compassion active lorsqu'ils s'occupent de ces signalements. Je vous rappelle que ce sont les victimes, les personnes ciblées par cette malfaisance, qui sont en définitive traitées comme des moins que rien — et je vous épargne un vocabulaire plus explicite.
Vous avez évoqué Cyberaide et j'ai eu moi-même un échange avec le Centre canadien de protection de l'enfance — lequel avait effectivement reçu des signalements à propos d'Amanda. Je ne peux pas vous dire combien ils sont malheureux de n'avoir pas pu faire davantage pour elle à l'époque. Parce qu'ils pensent effectivement qu'on aurait pu mieux l'aider.
Je me souviens que juste après la mort d'Amanda, j'ai vu Dany Morin à la télévision. C'était en octobre 2012 et je crois bien qu'il présentait un projet de loi d'initiative parlementaire. Je ne me souviens pas des détails parce que j'étais dans la confusion à cause du traumatisme. J'étais tout simplement effondrée et je le regrette amèrement parce que c'était la première fois que j'entendais dire que, peut-être, on allait entreprendre quelque chose à ce sujet.
Six mois plus tard, lorsque j'ai appris la mort de Rehtaeh, j'en ai été absolument bouleversée, et plus qu'après le rejet de cette initiative parlementaire à l'automne 2012, plus personne n'a parlé de cyberharcèlement ni de cyberintimidation. Si le sujet était resté à l'ordre du jour, peut-être que Rehtaeh serait encore vivante.
Et voilà qu'après sa mort, du jour au lendemain, la Nouvelle-Écosse se retrouve avec une loi sur la cyberintimidation. Les autorités provinciales nous parlaient du matin au soir de ce problème, pour ensuite adopter un projet de loi, tandis que la province de la Colombie-Britannique s'activait elle aussi. J'ai eu l'impression que la mort de ma fille avait été oubliée pendant un moment et qu'il avait fallu une autre mort pour la rappeler à la mémoire de tous. Pour une mère, c'est un sentiment abominable.
Merci beaucoup, madame Todd.
Il va nous falloir avancer et je regrette d'annoncer que nous ne serons pas en mesure de donner la parole à tout le monde.
Vous avez parlé pendant sept minutes et 40 secondes, et afin que mes collègues ne critiquent pas la présidence, je veille à traiter chacun avec la plus grande équité. Si vous souhaitez entendre les réponses des témoins, il convient de poser des questions succinctes. Je vous en remercie.
Si un sujet est évoqué et que nous n'avons pas la possibilité de répondre, est-ce que nous pourrons le faire à la fin de la séance?
Je vous suggèrerais, monsieur, de bien vouloir lever la main, ce qui me signalera que vous avez la réponse à une question. Vous pouvez même faire semblant d'être vous-même un parlementaire. Par ailleurs, si vous souhaitez répondre à une question par un développement à vous, vous êtes libre de le faire car la période de temps alloué vous appartient.
Monsieur Morin.
Je remercie toutes les personnes présentes de comparaître aujourd'hui. Une fois de plus, votre témoignage m'a profondément touché.
Je voudrais remercier Ève. Je ne suis pas membre de ce comité, mais elle sait combien cette question me tient à coeur.
C'est la raison pour laquelle, comme l'a dit Carol, lorsque j'ai été élu au Parlement en 2011, Steve et moi-même avons consacré une année entière à enquêter sur cette question, car nous voulions présenter le projet de loi qui a été soumis à la Chambre en mai 2012. Cependant, avec le changement de réglementation que vous savez, nous n'avons pu en débattre qu'à l'automne. Je ne vais pas me lamenter ici sur le fait que ma stratégie nationale en matière de prévention de l'intimidation a été rejetée au printemps de 2012: les personnes qui ont voté contre devront en répondre.
Mes collègues du NPD et moi-même approuvons pleinement les nouvelles règles contenues dans le projet de loi C-13 à propos de la distribution d'images intimes sans consentement. Cependant, s'agissant d'un texte législatif sur la cyberintimidation, je crains que le gouvernement s'imagine qu'une fois le projet de loi C-13 adopté, il aura fait le nécessaire en matière de cyberintimidation.
Monsieur Hubley, sauf erreur de ma part, il n'y a pas eu diffusion d'images intimes dans le cas de votre fils Jamie. Malgré cela, il a été victime de cyberintimidation pendant des mois et des mois. Peut-être pourriez-vous nous expliquer plus en détail la façon dont, selon vous, le gouvernement fédéral pourrait agir — par voie législative ou autre — pour combattre les autres catégories de cyberintimidation. Je pense en particulier aux textos porteurs de haine ou d'insultes, ou à la création d'un groupe sur Facebook en vue d'humilier une personne mais sans diffusion d'images intimes à l'intérieur de ce groupe Facebook. On peut également imaginer l’établissement d'un profil fictif de médias sociaux avec propagation de fausses rumeurs. Tout cela, encore une fois, sans images intimes, même si cela reste de la cyberintimidation.
J'aimerais que vous me disiez ce que, d'après vous, le gouvernement devrait faire pour lutter contre la cyberintimidation lorsque celle-ci n'est pas assortie de diffusion d'images intimes.
Vous venez de donner d'excellents exemples.
Afin de vous répondre, permettez-moi de revenir à ce qu'a dit Glen, à savoir que le gouvernement aurait, entre autres initiatives, contribué à mettre en cause la responsabilité des plateformes de médias sociaux. On pourrait exiger une meilleure surveillance de ce qui se passe sur leur site, ou encore le blocage à partir de certains mots clés. C'est ce qui se fait sur certains sites Web, et l'effet est immédiat.
Peut-être qu'ils pourraient, en tant que fournisseur, contribuer au financement des services d'accueil qui sont nécessaires pour atténuer les conséquences de telles actions, par exemple au programme de la Croix-Rouge ou à des initiatives analogues. Je rappelle qu'il s'agit d'un secteur dont le chiffre d'affaires se compte en milliards de dollars, si bien qu'ils seraient peut-être disposés à contribuer à ces services. À Ottawa, par exemple, nous avons le Bureau des services à la jeunesse, qui accomplit un travail formidable auprès des jeunes. Je crois donc qu'il y a beaucoup à faire dans ce sens.
Quant à vous, en tant que parlementaires, vous disposez de l'influence nécessaire pour vous adresser à ces fournisseurs et négocier avec eux. Lorsque je m'adresse à eux et que je leur dis qu'ils doivent reprendre en main ce qui se passe sur leur site, ils ne me répondent pas, mais si c’est vous qui les interpellez, il y a de bonnes chances pour qu'ils vous répondent.
J'aimerais soumettre l'idée aux personnes ici présentes. Mon collègue M. Goguen a mentionné Cyberaide.ca, organisme financé par le gouvernement fédéral, qui permet de dénoncer les cas d'exploitation sexuelle.
Pensez-vous que l'on pourrait mettre sur pied quelque chose d'analogue en matière d'intimidation? À titre d'exemple, un adolescent qui serait victime de cyberintimidation pourrait aller sur un site Web créé à cet effet, copier et coller le lien du cyberintimidateur, ou envoyer une copie d'écran de la cyberintimidation en cours. À ce moment-là, un service de police — la GRC ou autre — serait en mesure d'enquêter pour déterminer si la plainte est fondée, et si c'est le cas, coopérer avec le fournisseur de service Internet afin de remonter jusqu'à l'intimidateur pour ensuite contacter le titulaire de l’adresse IP. S'il s'agit de cyberintimidation entre adolescents, l'adresse IP sera sans doute celle des parents, et ils recevront le courriel.
Pensez-vous que ce genre d'initiative pourrait être utile — pour permettre, par exemple, aux parents d'intervenir dans la vie de leur enfant, surtout si celui-ci risque d'être l'intimidateur?
Cela fait déjà huit ans que je parle aux enfants de l'existence de Cyberaide.ca, le centre de protection contre la cyberintimidation en ligne, étant donné que j'en ai moi-même été la victime mais aussi le sujet d'une vidéo de la Police provinciale de l'Ontario. Je connais donc le sujet à fond et je sais que ça existe depuis des années.
J'ai récemment fait la tournée des écoles secondaires pour expliquer aux enfants en quoi consiste la cyberintimidation et aussi comment s'y prendre pour signaler les abus. Nous avons une lettre-type sur le site Cyberaide.ca, pour faciliter la description des sévices ainsi que de l'intimidateur. La lettre-modèle contient plusieurs rubriques, ce qui facilite la tâche des adolescents concernés, qui peuvent ensuite remettre la lettre de façon anonyme à leur enseignant, au principal ou à leurs parents. Il s'agit simplement d'une petite lettre que vous pouvez plier, placer dans une enveloppe et leur remettre. Ensuite, c'est au destinataire qu'il appartient de décider s'il y a lieu de la communiquer à la police. En tout cas, ce n'est pas l'affaire des enfants.
Je dirais quand même qu'aujourd'hui, certains gamins maîtrisent remarquablement la technologie et je pense qu'ils seraient capables de se servir d'une plateforme Internet pour dénoncer la cyberintimidation... certains d'entre eux au moins.
En effet, et le service existe, mais les gens ne savent pas comment le contacter.
Je voudrais parler de gens comme Rob Nickel, qui a une expérience de 14 ans au sein de la Police provinciale de l'Ontario, qui connaît bien ces questions et qui donne la chasse aux prédateurs d'enfants en particulier. Il a été invité au programme Dr. Phil et à l'émission d'Oprah. Je précise que c'est un Canadien. Il propose des programmes qui permettent aux parents, en installant un logiciel sur leur ordinateur, de recevoir des informations sur un appareil mobile ou par courriel, et de savoir si les enfants tiennent des propos obscènes ou s'il y a cyberintimidation... C'est pourquoi je dis que les initiatives existent, mais il s'agit de savoir si le gouvernement veut les financer pleinement.
Nous avons suivi ce qui se passe sur Facebook pendant un moment après la mort de Rehtaeh. Quelqu'un a affiché sur Facebook un profil intitulé « Rehtaeh La Morte Parsons ». Ils se sont servis d'images prélevées sur son compte Facebook, et puis ils lui ont crevé les yeux et ils lui ont placé des ceintures autour du cou comme si elle était pendue. J'ai signalé cela à Facebook dès que j'en ai eu connaissance et ils m'ont répondu, dans les 24 heures, ou à peu près, que cette page ne violait pas les normes de leur collectivité.
Je ne crois pas que l'on puisse faire confiance à ces entreprises pour qu'elles agissent comme il se doit. Je crois qu'elles ont vraiment besoin de se faire un peu aiguillonner, en leur disant par exemple: « Dites donc, si cette chose-là ne viole pas les normes de votre collectivité, ça veut dire que vous n'en avez tout simplement pas et que vous ne devriez pas faire partie de notre collectivité ».
Il y a d'autres options que Facebook, et je pense qu'il faut les toucher là où ça fait mal, c'est-à-dire du côté du portefeuille. Au Vietnam par exemple, un homme s'est servi de la photo de Rehtaeh Parsons pour une publicité intitulée « Venez rencontrer des femmes célibataires au Canada ». On en a parlé partout aux nouvelles, mais je peux vous dire que Facebook l'a retirée immédiatement, parce que cela avait pour eux des conséquences financières; les gens ont commencé à s'intéresser aux annonceurs sur Facebook et à demander, par exemple « Est-ce que vous trouvez cela acceptable? » ou encore « Messieurs de Citibank, êtes-vous d'accord pour que votre publicité soit affichée à côté de « Rehtaeh La Morte Parsons »?
C'est comme ça qu'il faut s'y prendre avec Facebook, les attaquer là où ça fait mal, je veux dire côté portefeuille. C'est ainsi qu'on a obtenu le résultat.
Je vous remercie de ces observations.
Je crois bien que nous avons invité Facebook à comparaître et qu'ils devraient témoigner d'ici une quinzaine de jours.
Je donne à présent la parole à M. Seeback du Parti conservateur.
Merci, monsieur le président.
Pour commencer, je voudrais préciser quelque chose. Certains ont avancé ici, aujourd'hui, que si un article du projet de loi est déclaré inconstitutionnel — et je dis bien « si » —, c'est l'ensemble du projet de loi qui devient caduc. Nous savons, bien entendu, que cela n'est pas vrai car même si un article est invalidé, le reste du projet de loi demeure. Voilà pour ce qui est de clore le débat sur ce point.
Quelqu'un, je ne sais plus très bien qui parmi nos témoins, a évoqué l'idée d'un code de déontologie applicable aux médias sociaux. Je dois dire qu'après avoir entendu certaines des choses mentionnées ici, notamment par vous monsieur Canning, il me semble que cette idée mérite véritablement d'être creusée. En effet, s'il existe un code de déontologie ou de conduite interdisant ce type d'agissements, ces entreprises pourront fermer les comptes qui en sont à l'origine ou prendre d'autres mesures. Mais c'était juste une petite digression.
Madame Todd, une question rapide si vous le permettez. Dans vos propos liminaires, vous avez fait état de vos inquiétudes concernant les intrusions dans la vie privée. J'aimerais savoir quelle est l'origine de votre inquiétude et quels sont les aspects du projet de loi qui vous font craindre pour l'intégrité de la vie privée.
Lorsque j'ai parcouru certaines sections du projet de loi — que je n'ai pas apporté avec moi — j'y ai trouvé de petites dispositions, qui parlaient entre autres de câblodistribution mais aussi d'autres sujets, ainsi que des amendements qui m'ont laissée perplexe. Je ne voyais pas le rapport entre ces dispositions et la cyberintimidation ou le cyberharcèlement ou encore la diffusion d'images intimes. C'est pourquoi j'ai fait état de mon inquiétude.
Mais s'il s'agit d'infractions telles que la diffusion de ces images ou de cyberharcèlement, ou encore de propos diffamatoires — et de cela, Glen et moi pourrions vous parler pendant des heures —, mon souci tient à la nécessité d'avoir des mécanismes qui permettent de les débusquer rapidement. Je pense en effet qu'il faut agir vite, car sinon ils peuvent cacher des informations ou tout simplement jeter leur ordinateur à la mer.
Cela est au coeur de nos discussions au sein du comité. Nous voulons parvenir à un juste équilibre, et c'est ce que nous faisons. Nous savons bien que la diffusion d'images intimes doit figurer à notre programme, mais aussi qu'il faut veiller à munir la police des pouvoirs nécessaires pour pouvoir interrompre cette diffusion dans les plus brefs délais.
Si des témoins souhaitent intervenir sur les thèmes qui ont été évoqués jusqu'ici, je mets le temps qui me reste à leur disposition. Je vous en prie.
Merci. Si vous le permettez, je répondrai sur cet aspect en premier.
Lorsque le projet de loi a été déposé pour la première fois, nos trois familles ont pris le temps de l'éplucher le soir même et de parler de son contenu, notamment de la question concernant le signal provenant du câble. Je vais illustrer par un exemple la façon dont j'ai compris la chose: imaginez que quelqu'un stationne à l'extérieur de votre maison et que votre sans-fil soit accessible; cette personne peut se connecter à votre sans-fil et commencer à expédier des images ou des messages, en s'en prenant à des gens mais sous votre nom, puisqu'ils le font à partir de votre compte. J'ai cru comprendre que cet article était dirigé contre ce genre d'agissements.
Cependant, j'ai entendu dire à une émission radiophonique que cette disposition visait en fait à s'assurer que la facture du fournisseur, Rogers dans mon cas, serait payée à temps. J’ajoute toutefois que je n'ai jamais entendu un parlementaire s'inquiéter du paiement de ma facture de Rogers ou de Bell, ou de mon fournisseur quel qu'il soit.
Peu de temps après le dépôt du projet de loi, j'ai participé à une émission radiophonique à Montréal, et il y avait là un juriste spécialisé, ce qui n'est pas mon cas. J'ai demandé que l'on me donne un exemple de disposition du projet de loi indiquant que nous allons laisser se poursuivre ces actes de cyberintimidation tandis que nous continuons de tirer les choses au clair. Ce que je veux, c'est qu'on assure la protection de nos ados, et s'il y a quelque chose dans le projet de loi, comme vous l'avez dit auparavant, par exemple une disposition qui ne fait pas l'affaire, on peut tout simplement la supprimer.
J'ai suivi l'intervention du parlementaire qui a déposé son projet de loi et je le remercie de ses aimables propos à notre endroit. Mais jusqu’ici, personne ne m'a donné de précisions concernant les lacunes du document que nous étudions ici. Nous ne mettons pas en doute le fait qu'il puisse susciter des préoccupations, mais j'aimerais que vous nous précisiez lesquelles et pourquoi. Quel tort une telle loi pourrait-elle causer, dans l'intervalle, en assurant la protection des adolescents canadiens? C'est cela, notre préoccupation.
Je m'apprête à conclure, monsieur le président, mais je voudrais d'abord parler de la nécessité d'obtenir un mandat. Le projet de loi stipule qu'il faut un mandat et il précise à qui il faut s'adresser en donnant toutes les mesures concernant son obtention et sa présentation. On parle beaucoup plus de ces choses-là que de cyberintimidation. Pour ma part, tout comme la dame assise au premier rang et dont j'oublie malheureusement le nom, je voudrais que l'on renforce les dispositions du projet de loi concernant la cyberintimidation. Si vous voulez aller dans ce sens, nous sommes à votre disposition pour vous offrir d'excellentes suggestions en la matière.
Donc, pour résumer: donnez-nous des exemples des imperfections du projet de loi et démontrez-nous pourquoi nous ne pouvons pas avancer plus vite vers son adoption. Nous pourrons alors nous montrer mieux disposés, tout en nous efforçant de protéger nos enfants en attendant l'adoption du projet de loi. Je vous remercie.
Si vous le permettez, j'aimerais essayer de répondre à la question de M. Wilks concernant ce que peuvent faire les fonctionnaires de police.
Très bien.
Je suis d'accord, et je précise que je me destine à la profession de fonctionnaire de police. J'ai sillonné le Canada et j'ai parlé avec beaucoup d'enfants. Lorsque des agents de police m'invitent dans leur collectivité en présence de ces ados, au moment où j'aborde la question de la dénonciation au service de police, ils viennent me voir et me disent: « Pourquoi n'êtes-vous pas restée avec moi dans la pièce? Ils m'ont dit de ne pas leur mentir et je me suis sentie complètement humiliée, réduite à moins que rien ». Je sais même qu'une fonctionnaire de police, je ne dirai pas où, a même déclaré: « Tu n'as pas intérêt à me mentir, j'ai tout mon temps à ma disposition ». C'est ce qu'elle a déclaré à une adolescente de 13 ans victime de sévices de la part de son frère par alliance, et qui m'a raconté cela des années plus tard.
Alors s'agissant de la victimisation, je crois qu'il faut apprendre à faire preuve de patience, s'asseoir et parler avec eux et aussi éviter de les replonger dans la victimisation — parce que c'est cela qui suscite la méfiance, non seulement des enfants mais également des adultes envers les services de police. Il m'arrive même, dans ma propre collectivité, de ne pas faire confiance aux fonctionnaires de police.
Je ne cesse d'entendre parler de Facebook, mais il faut savoir qu'il y a bien d'autres sites de médias sociaux sur lesquels peuvent se rendre les ados et qui leur font bien du mal, que ce soit par les images ou par les textes. Je voudrais dire, à propos de l'idée d'un code de conduite à dimension internationale... qu’il nous est arrivé, au Canada, de vouloir atteindre un site de médias sociaux situé aux États-Unis, ou même en Lettonie comme Ask.fm; mais nous ne pouvons pas franchir les frontières internationales. Or, si nous voulons protéger nos enfants, nous devons pouvoir traverser ces frontières.
En effet, monsieur.
Pour répondre à vos observations concernant le projet de loi C-13 et les objections qui lui sont adressées... au cours des derniers jours, j'ai pris connaissance de l'opposition qu'il suscite et certaines des objections me paraissent fondées; cependant, jusqu'ici, personne n'a rien proposé de mieux. Et c'est là ma difficulté, car je ne voudrais pas que le projet de loi tombe dans les oubliettes; mais en même temps, je souhaite que l'on écoute les objections et que l'on nous propose de meilleures idées. Si quelqu'un a une meilleure proposition, je suis prêt à l'appuyer dès demain, quelle que soit l'origine de l'idée. Donc, s'il y a mieux, allons-y, mais je vous en prie, avançons.
Pour revenir à ce que disait Carol Todd, étant donné que, bien souvent, ces sites sont installés à l'étranger, l'adoption d'un code international de conduite me paraît une idée très prometteuse, car cela les rendrait moins intouchables.
Je pense également aux sites d'accueil comme GoDaddy. Il a fallu une allégation de pornographie pédophile pour que le FBI intervienne, et il est vrai que lorsqu'on parle d'intimidation, on pense le plus souvent aux enfants et aux adolescents. Or, c'est un problème qui nous concerne tous et j'aimerais que l'on dispose de davantage de pouvoirs pour donner suite à des accusations lorsqu'elles paraissent fondées. Parce qu'enfin, lorsque je déclare que ma photo vient d'être affichée en ligne contre mon gré, lorsque vous pouvez la contempler à volonté sur le Web, quelles autres preuves vous faut-il?
Je pense que c'est l'article 230 qui les rend intouchables, et c'est dans ce sens que se dirige la bataille, je veux dire sur l'article 230. Il y a eu une mise à jour là-dessus avant hier, et le Congrès américain est en train de s'en saisir. C'est donc, à mon avis, un problème d'envergure internationale.
Je ne suis pas habituée à prendre la parole en public et je vous demande pardon si mes propos n'étaient pas suffisamment structurés, mais il est très important que tout le monde se familiarise le plus possible avec les différents aspects de cette question. Je suis tout à fait convaincue que l'adoption d'un code international de conduite serait une bonne chose, peut-être même plus utile que ce projet de loi qui couvre bien trop de choses à la fois.
Je vous remercie.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
Il est vrai que nous avons beaucoup parlé de Facebook et cela s'applique à un peu tout le monde. Parfois, on a tendance à prendre un groupe assez visible que tous les jeunes et que tous les adultes connaissent. Je profite des quelques minutes qu'il me reste pour leur passer un message, parce que je suis certaine qu'ils vont l'entendre.
Les représentants de Facebook se sont fait un devoir de venir nous voir. Je suis convaincue que d'autres collègues ont eu une rencontre avec des gens de Facebook, qui avaient certaines préoccupations quant aux aspects de la vie privée par rapport au projet de loi.
Je pense que ces gens ont aussi intérêt, comme nous, les politiciens, à entendre ce que vous avez à dire concernant la cyberintimidation. Alors, autant nous avons été disponibles pour les rencontrer et les écouter, autant il serait important qu'ils viennent répondre à nos questions. Je répète le message. Je sais que notre greffier fait des efforts absolument incroyables pour les inviter à comparaître ainsi que les représentants de Google et d'autres organismes du genre. Je souhaite qu'ils sauront entendre le message et qu'ils ne se défileront pas.
Messieurs Canning et Hubley, ne vous inquiétez pas, nous allons faire des propositions concrètes. C'est le message que j'ai passé aujourd'hui.
[Traduction]
Nous nous sommes surtout efforcés aujourd'hui d'entendre ce que vous aviez à dire, de comprendre vos besoins afin de savoir dans quel sens agir. Nous ne sommes pas complètement idiots et nous n'allons pas rejeter purement et simplement le projet de loi, en tout cas pas de notre côté. Nous voulons simplement apporter de petits ajustements, sans tout bouleverser, pour rendre le projet de loi plus acceptable et pour éviter qu'il ne soit vulnérable aux recours judiciaires éventuels.
Personne n'a jamais prétendu que la suppression d'un article entraînerait celle de l'ensemble du projet de loi. Je ne crois pas que quiconque soit assez stupide pour le penser, notamment autour de cette table. Cependant, si un tribunal devait conclure qu'un mandat a été obtenu pour des motifs irrecevables... ou s'il existe un problème de constitutionnalité dont dépend entièrement la preuve, nous savons tous quelles en sont les conséquences. C'est justement ce que nous cherchons à éviter. Nous voulons nous assurer que la police disposera des outils voulus pour accomplir son travail le plus rapidement possible afin que ne se reproduisent plus de telles situations et afin que tout soit conforme à notre cadre législatif.
Tel est l'essentiel de notre message, que je tenais à vous transmettre. Et, bien sûr, nous allons proposer des amendements concernant tous ces aspects. Certains des témoins qui ont comparu devant notre comité ont fait des suggestions extrêmement pertinentes sur comment faire en sorte que le projet de loi atteigne les objectifs fixés. Voilà ce que j'avais à vous dire.
Je vous remercie.
Merci, madame.
Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Cette réunion revêt pour nous une importance toute particulière, car elle nous a permis de vous entendre en personne, sur des sujets extrêmement personnels. Nous vous remercions d'avoir partagé ce qui vous est arrivé avec le comité et avec le Canada tout entier. Nous espérons que le projet de loi poursuivra sa progression au cours des prochaines semaines et qu'après l'étape du comité, il reviendra à la Chambre et poursuivra son chemin.
Merci beaucoup.
Nous nous revoyons jeudi. La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication