:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Chers collègues,
[Français]
je suis heureux de comparaître devant ce comité aujourd'hui pour vous parler du projet de loi , qui édicte la Charte canadienne des droits des victimes et qui enchâssera le droit des victimes ainsi qu'une loi fédérale.
[Traduction]
Je suis fier de dire que ce projet de loi, Loi sur la Charte des droits des victimes, est l'une des grandes priorités du gouvernement depuis 2006. Je suis reconnaissant à tous ceux qui ont appuyé le projet de loi jusqu’à maintenant, à l’étape de la deuxième lecture, qu’il s’agisse des nombreux groupes d’intervenants ou des défenseurs des droits des victimes, y compris certains députés ici présents. Le projet de loi a été déposé en avril.
Ce projet de loi tient compte des vastes consultations qui ont été menées ainsi que des observations qui ont été formulées par plus de 500 intervenants, que ce soit en personne ou en ligne. Il propose des réformes qui ont fait l’objet de discussions dans tous les forums fédéraux-provinciaux-territoriaux ainsi que des pratiques exemplaires découlant des lois et des programmes internationaux, provinciaux et territoriaux. Nous avons reçu énormément de commentaires au sujet du projet de loi. Essentiellement, la Loi sur la Charte des droits des victimes vient compléter les mesures existantes qui s'adressent aux victimes d’actes criminels, tout en respectant la division constitutionnelle des pouvoirs en ce qui concerne l’administration de la justice. Elle permet également d'éviter des retards indus dans l’administration de la justice pénale. Il s'agit d'un aspect très important qui, je puis vous le garantir, a souvent été mentionné dans le cadre des consultations.
Je crois fermement que ce projet de loi permet d’atteindre l’équilibre souhaité entre les droits des victimes et les droits des accusés. Plus important encore, il confère des droits aux victimes à toutes les étapes du processus de justice pénale, du début de l’enquête jusqu’à l’étude de la demande de libération du contrevenant, à l’expiration du mandat d’emprisonnement. Le projet de loi donne aux victimes un véritable sentiment d’inclusion et de respect et leur fait sentir qu’on leur accorde réellement de l’attention, tout au long du processus. La disposition de primauté proposée prévoit que dans la mesure du possible, toutes les lois fédérales devraient être interprétées conformément à la Charte canadienne des droits des victimes. Dans le cas d’une incompatibilité entre une loi fédérale et la Charte des droits des victimes, les dispositions du projet de loi l’emporteraient, à quelques notables exceptions près. Les victimes profiteront du fait que des règles générales seront inscrites et énoncées clairement dans les lois fédérales pour la toute première fois.
Nous savons que les victimes d’actes criminels veulent souvent obtenir des renseignements sur le système de justice pénale et le rôle qu’elles jouent, sur leur cas et sur les décisions prises par les professionnels de la justice tout au long du processus. Ce projet de loi prévoit le droit à l’information. Il propose des modifications au Code criminel et à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d’offrir plus de renseignements aux victimes sur divers aspects, comme la libération sous caution et les ordonnances d’interdiction, la négociation de plaidoyer, les programmes de réconciliation entre les contrevenants et leurs victimes, de même que les décisions de la commission des libérations conditionnelles. Cette proposition est fondée sur les lois, les politiques et les pratiques exemplaires existantes.
[Français]
Nous savons que les victimes recherchent une protection accrue pour ce qui est de leurs interactions avec le système pénal. Le projet de loi prendra appui sur les nombreuses mesures actuelles de la loi fédérale afin de mieux servir les victimes.
[Traduction]
Plus précisément, les modifications au cadre juridique régissant la divulgation des dossiers des tiers lors des procédures judiciaires liées aux agressions sexuelles, aux dispositions sur les mesures visant à faciliter les témoignages, exigeraient que les tribunaux tiennent compte des besoins particuliers des victimes ou des témoins en matière de sécurité. Parallèlement, les modifications proposées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permettraient à la commission des libérations conditionnelles d’imposer, lorsque cela est raisonnable et nécessaire, des conditions à un contrevenant faisant l’objet d’une ordonnance de surveillance de longue durée, notamment des interdictions de communication avec les victimes ou des restrictions géographiques, si la victime fournit à la commission une déclaration à l’égard de sa sécurité.
Les études portant sur les enfants victimes montrent que la publication de renseignements permettant de les identifier peut accroître les traumatismes, compliquer le rétablissement, les dissuader de signaler les actes criminels aux policiers ou avoir des répercussions sur leur volonté de collaborer avec les autorités. C’est pour cette raison que les propositions touchant les ordonnances d’interdiction de publication en ce qui concerne les enfants et l’utilisation de pseudonymes sont la prochaine étape logique dans le processus visant à accroître la protection des victimes au sein du système.
La modification relative à l’immunité du conjoint a également suscité un certain intérêt. Ainsi, la modification proposée ferait en sorte que la Couronne ne pourrait pas obliger un conjoint à témoigner, même s’il pourrait présenter des preuves pertinentes. Cependant, le projet de loi ne modifierait pas les privilèges associés aux communications entre conjoints. Ainsi, une personne mariée qui témoigne lors d’un procès pourra encore refuser de divulguer des renseignements qui lui ont été communiqués en toute confiance par son conjoint au cours de leur mariage.
[Français]
Nous savons que les victimes souhaitent participer davantage au système pénal. Le droit à la participation, que propose le présent projet de loi, reconnaît cette préoccupation importante.
[Traduction]
Plus précisément, la mesure visant à préciser et à élargir la portée des dispositions du Code criminel qui portent sur les déclarations des victimes préciserait que dans le cadre de leur déclaration, les victimes auraient le droit de parler des répercussions émotionnelles, physiques et financières de l’infraction. Elles pourraient aussi, par exemple, présenter une photographie ou se prévaloir des mesures visant à faciliter les témoignages pour présenter leur déclaration au tribunal. Nous pensons que ces mesures d’ordre humanitaire aideront les personnes à présenter leurs témoignages.
Nous savons que les victimes se préoccupent également des répercussions financières d’un acte criminel qui, bien souvent, fait en sorte qu’elles éprouvent de graves difficultés. Les modifications proposées donneraient aux victimes le droit de demander au tribunal d'envisager de rendre une ordonnance de dédommagement contre le contrevenant et de demander à ce que cette ordonnance soit enregistrée au tribunal civil, ce qui pourrait permettre aux victimes d’actes criminels d’éviter des poursuites civiles de longue durée.
Nous savons aussi, monsieur le président, que les victimes veulent des mesures pratiques et exécutoires visant à réparer les torts causés et à éviter que d’autres personnes subissent des préjudices similaires.
Je tiens d’ailleurs à faire une parenthèse et à rendre hommage aux personnes très courageuses qui ont participé à ce processus et qui ont fait en sorte que ce projet de loi puisse être présenté en nous faisant part de leur expérience en ce qui concerne le système de justice pénale. Pour bon nombre d'entre elles, il a été très pénible de revenir en arrière et de relater ce qui leur est arrivé, mais je sais qu’elles l’ont fait avec énormément de compassion, dans l’espoir que d’autres personnes ne deviennent pas elles aussi des victimes.
Pendant les consultations, de nombreuses victimes nous ont dit qu’elles ne voulaient pas qu’on empêche les policiers ou les procureurs d’exercer leurs pouvoirs ou de punir les contrevenants. Elles voulaient simplement que les organisations abordent les problèmes de front et fassent en sorte que personne d’autre ne vive de mauvaises expériences similaires aux leurs.
L’approche corrective proposée permettrait d’offrir réparation aux victimes dans un délai beaucoup plus rapide que tout processus d'examen externe, et elle inciterait les ministères et organismes fédéraux à adopter une attitude plus proactive pour répondre aux besoins des victimes. Ces mesures correctives comprendraient un mécanisme d’examen assorti de pouvoirs législatifs et l’expertise opérationnelle nécessaire pour évaluer les violations possibles des droits des victimes, dans le contexte des activités de chaque ministère ou organisme, et elles exigeraient que les victimes s’adressent aux organismes de surveillance existants, qui ont le pouvoir de surveiller les activités d’un ministère ou d’un organisme. Il s’agit d’une approche opportune et économique, qui correspond aux commentaires que nous avons entendus dans le cadre des consultations.
[Français]
Bon nombre de défenseurs des droits des victimes au Canada se sont dits clairement en faveur de la création de droits exécutoires pour les victimes. Dans son premier rapport sur le projet de loi , l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a écrit que ce grand pas dans la bonne direction contribuera à faire reconnaître et à garantir le rôle des victimes dans le système de justice pénale. C'est très positif.
[Traduction]
Après avoir parlé de ce que ce projet de loi prévoit, j’aimerais maintenant prendre quelques instants pour parler de certains aspects qui ne sont pas visés par celui-ci.
Le projet de loi ne propose pas de faire participer les victimes aux procédures pénales, ni de leur donner automatiquement la possibilité ou le droit de recevoir de l’aide juridique. Nous avons consacré beaucoup de temps à l’étude de ces aspects. À notre avis, nous avons reçu de nombreux commentaires pendant les consultations à propos de ces propositions. Nombreux sont ceux qui ont exprimé des inquiétudes à cet égard, soulignant que cela pourrait avoir des conséquences négatives imprévues pour les victimes, imposer un fardeau inutile au système judiciaire et donner lieu à des coûts et à des retards importants en ce qui concerne les poursuites criminelles. Pour toutes ces raisons, nous avons décidé de ne pas nous engager dans cette voie.
Le projet de loi ne donnera pas non plus aux victimes des motifs de poursuite et ne leur permettra pas non plus de réclamer des dommages-intérêts. Pendant les consultations, les responsables de la justice pénale ont signalé que le fait d’imposer une responsabilité civile supplémentaire aux fonctionnaires chargés de la mise en œuvre de ce projet de loi aurait des répercussions sur les activités, les coûts et le fonctionnement du système de justice. Étant donné que des dispositions similaires apparaissent dans les lois provinciales et territoriales sur les droits des victimes, dans d’autres lois fédérales ainsi que dans des lois connexes d’autres pays, nous sommes convaincus du bien-fondé de l’approche que nous avons adoptée à cet égard.
Le projet de loi ne donne pas non plus aux victimes le droit de remettre en question une décision d'intenter des poursuites prise par la Couronne ou d'opposer leur veto à cet égard. Encore une fois, nous avons reçu énormément de commentaires à ce sujet. Le pouvoir discrétionnaire de poursuivre est un principe de notre système de justice pénale qui est protégé par la Constitution, et nous le protégeons dans l'article 20 du projet de loi.
Par contre, nous avons inclus des modifications au Code criminel, qui prévoient que le tribunal devra demander à la Couronne si elle a informé la victime de tout plaidoyer négocié dans les cas où la victime a subi des sévices graves. Je crois que cette disposition permet d'établir un juste équilibre et constitue une bonne approche. Dans ce cas, notre objectif consiste à consulter les victimes et à leur donner le droit de s'exprimer à un moment critique du processus de justice pénale, sans créer de coûts ou de retards indus et, à notre avis, sans compromettre l'équilibre en ce qui concerne un procès équitable.
[Français]
Nous continuerons de travailler avec nos partenaires provinciaux et territoriaux pour la mise en oeuvre de cette mesure législative, et ce, dans leurs champs de compétence respectifs.
[Traduction]
En terminant, monsieur le président, chers collègues, j'espère que nous continuerons de travailler en collaboration à l'échelle fédérale pour garantir que ce projet de loi redonne aux victimes la place qui leur revient au coeur de notre système de justice pénale.
Je vous remercie d'avance du travail que vous accomplirez lors de l'étude de ce projet de loi. Je vous remercie aussi de la diligence dont vous faites preuve en ce qui concerne divers aspects du programme législatif dont vous êtes saisis, et je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous présenter votre point de vue sur le projet de loi C-32, qui porte sur la Charte canadienne des droits des victimes.
Je suis heureuse que le processus ait été accéléré, dans la mesure où l'opposition a pu le faire, de sorte que le projet de loi soit soumis au comité et que ce dernier puisse l'étudier. Je tenais à le préciser d'entrée de jeu.
À mon avis, il n'y a pas de rôle plus important que de s'occuper des gens que nous représentons. Or parmi ces personnes que nous représentons dans nos comptés respectifs, il y a des victimes. Il y en a de toutes sortes et elles sont définies de différentes façons. Je suis heureuse que nous puissions consacrer un nombre important de réunions, sans limite, à cette question.
Je suis contente de vous entendre; par contre, nous allons surtout vouloir entendre les victimes, les gens qui s'occupent des victimes et ceux qui traitent avec ces personnes dans le contexte judiciaire, notamment. Nous allons enfin pouvoir mettre l'accent sur cet aspect. Trop souvent, ces gens ont l'impression que le système de justice n'est vraiment pas de leur côté et qu'il les oublie. C'est une belle façon de recentrer les choses. Par contre, il faut le faire correctement, c'est évident, et pas seulement sur papier.
Vous avez parlé de consultations, monsieur le ministre. Or nos partenaires, les provinces et territoires, sont ceux qui seront appelés à appliquer fréquemment la Charte des droits des victimes, une fois qu'elle sera adoptée.
C'est pourquoi j'aimerais savoir si vous avez consulté les provinces, et, le cas échéant, de quelle façon.
Ont-elles pris connaissance du projet de loi? L'ont-elles validé? Avez-vous pu en discuter?
Pouvez-vous nous dire comment tout cela va être mis en application?
:
Bien sûr. Je vous remercie, madame Boivin.
En effet, nous avons eu l'occasion de parler directement à certains ministres de la Justice provinciaux lors de la réunion qui s'est tenue l'automne passé à Whitehorse. Cela a été le cas dans chaque province ou territoire où nous avons tenu des consultations. À l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, la ministre de la Justice participait à cette réunion.
[Traduction]
Nous avons surtout tenté d'amener le plus grand nombre de gens possible à participer à ce processus, non seulement nos partenaires provinciaux et territoriaux, mais aussi de nombreuses organisations offrant des services de première ligne aux victimes et, bien entendu, des avocats, des procureurs, et même certains juges.
Je dois également mentionner qu'il y a eu une consultation en ligne, l'une des premières que nous avons menées, et qu'elle a donné lieu à de vastes consultations encore plus inclusives, qui se sont déroulées dans la foulée de l'affaire Bedford.
À mon avis, cela nous a permis d'entendre le plus grand nombre possible de points de vue, mais plus particulièrement, comme vous l'avez mentionné, d'obtenir le point de vue des victimes et de connaître leurs expériences.
:
Absolument. Je vous remercie de la question. Je vous remercie de votre travail sur cette initiative et toutes celles relatives à la justice.
En fait effet, il s'agit vraiment d'un changement de paradigme. C'est un changement dans la façon de voir les choix à l'échelle des systèmes judiciaires au Canada.
[Traduction]
Je crois qu'il est juste de dire qu'en inscrivant les droits des victimes dans la loi fédérale pour la toute première fois, nous constaterons un changement d'orientation. Nous espérons susciter un plus grand sens des responsabilités dans l'ensemble du système. Nous espérons aussi que les gens connaîtront mieux le rôle que les divers intervenants de notre système de justice doivent jouer pour inclure les victimes et leur tendre la main. Ces intervenants doivent veiller à ce que les victimes connaissent bel et bien leurs droits ainsi que les obligations existantes, que ce soit au moment de l'enquête — comme M. Wilks peut le confirmer, ce sont bien souvent les policiers qui établissent le premier contact —, lors de la toute première comparution devant le tribunal, lors des échanges avec les représentants du système de justice et tout au long du processus, ou encore lors de la détermination de la peine ou dans le cadre du processus lié au système correctionnel et à la mise en liberté sous condition.
En inscrivant ces droits dans la loi, il est clair qu'on offrira aux victimes un plus grand sentiment d'appartenance, qu'on les aidera à veiller à ce que leurs droits et leur rôle soient respectés, et qu'on leur offrira des mesures correctives. Elles pourront aussi compter sur de l'aide si les choses tournent mal, et malheureusement, c'est parfois ce qui arrive.
Il faudra du temps pour que ces mesures s'enracinent. Je crois que les efforts que nous avons déployés ont suscité énormément d'enthousiasme. Certains intervenants du système ont quant à eux exprimé des réserves. Mais je crois que lorsque ces mesures seront mises en oeuvre et mieux comprises, elles donneront lieu à des changements qui, à mon avis, seront fort positifs pour les victimes au Canada.
:
Merci beaucoup, monsieur Dechert. Je sais que vous et de nombreux autres membres du comité ont pris part aux consultations qui ont mené à la création du projet de loi ainsi qu'à l'élaboration du projet de loi lui-même.
Il s'agissait en fait d'une des grandes lacunes à combler: les victimes n'avaient pas accès à l'information la plus rudimentaire. Cela leur causait beaucoup de crainte, d'incertitude et d'anxiété, notamment lorsque les dates de comparution étaient changées sans qu'on leur dise pourquoi ou, comme je le disais plus tôt, lorsqu'on ne leur disait pas que leur agresseur était remis en liberté.
Je suis fermement convaincu que, dans la plupart des cas, il s'agit d'une simple erreur et que c'est sans malice aucune que les gens agissent ainsi. Il arrive aussi que l'information ne passe pas, par exemple lorsqu'un ministère ou une personne en particulier est convaincu que la victime a été informée, alors qu'il n'en est rien. C'est revenu souvent durant les consultations: les policiers croyaient que la Couronne avait communiqué avec la victime, ou alors la Couronne croyait que les services d'aide aux victimes s'en étaient chargé.
À mon sens, ce projet de loi va mieux définir les rôles de chacun et il va établir clairement que l'information doit être transmise et que, dans toute la mesure du possible, les victimes doivent être au courant de information qu'elles ont le droit d'obtenir. Je pense entre autres aux ordonnances de restitution, aux conditions fixées par le tribunal pour la remise en liberté d'un prévenu, par exemple, pour la tenue de son audience sur cautionnement, à une photo — récente — du contrevenant s'il est demeuré longtemps incarcéré, à la manière, si la victime en fait la demande aux autorités correctionnelles, dont le délinquant réagit aux traitements ou s'il a exprimé des remords. Ces choses peuvent être d'une grande importance pour les victimes. Elles peuvent vouloir savoir si leur agresseur réagit bien aux traitements, s'il a demandé d'être traité ou s'il fait des efforts pour se reprendre en main.
Le projet de loi dresse la liste la plus complète possible de l'information qui doit être fournie aux victimes qui en font la demande.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je conviens qu'il est difficile d'être contre le projet de loi , mais il y a tout de même des voix critiques qui s'élèvent, surtout en ce qui a trait à son aspect exécutoire ou non exécutoire.
Cela semble être de bonnes déclarations de principes à beaucoup d'égards. Dans certains cas, cela semble être des choses qui existent déjà dans certaines provinces, où il y a déjà des chartes des droits des victimes. Le gouvernement fédéral était parti d'une sorte de charte, en 2003, avec ses partenaires provinciaux et territoriaux.
La question que je me fais souvent poser est la suivante. Elle vous a sûrement été posée souvent aussi, et j'aimerais entendre votre réponse.
En quoi la Charte canadienne des droits des victimes prévue par le projet de loi est-elle exécutoire? Ce projet de loi de 60 articles comporte quatre sections très importantes: le droit à l'information — dont vous avez parlé —, le droit à la protection, le droit à la participation et le droit au dédommagement.
Lesquelles de ces dispositions sont réellement exécutoires, formelles, fermées? Il n'y en a pas beaucoup, et c'est ce que les victimes me disent. Elles me disent être restées un peu sur leur faim. Oui, il est bien que cela donne une certaine image, mais c'est conditionnel à ce que telle chose se produise. Il n'y a pas beaucoup de choses définitives dans ce projet de loi.
On s'inquiète du financement. Ma collègue en a d'ailleurs parlé tout à l'heure. Combien de programmes qui aidaient justement les victimes ont été supprimés dans les dernières années? J'ai rencontré des groupes de Premières Nations qui ont présenté des projets ou des programmes pour aider les victimes dans leurs communautés, mais ils ont tous été refusés. Les gens ont un peu de difficulté à croire que cela va changer les choses. Ils sont un peu méfiants, et je les comprends.
Comment réagissez-vous à cela? En quoi cela va-t-il changer les choses alors que beaucoup de provinces ont déjà ces façons de faire et que ce sont elles qui auront à appliquer la loi?
:
Merci beaucoup, monsieur Wilks. Ce sont là de très importantes questions.
En termes simples, la restitution est la partie de l'ordonnance de condamnation qui permet aux victimes d'être dédommagées ou de revenir aux circonstances où elles se trouveraient si le crime n'avait pas eu lieu. Le dédommagement vise à couvrir les pertes de fonds ou de biens. Les choses se corsent, et deviennent même impossibles diront certains, lorsque les préjudices sont d'ordre physique ou psychologique. Dans ces cas, l'ordonnance de dédommagement comprend les coûts des services médicaux ou de counselling. Pour que le juge rende une ordonnance de dédommagement exacte, on doit calculer le coût des dommages directement attribuables au crime. Voilà, en gros, ce qu'est le dédommagement.
Quant aux raisons de son importance, je dirais qu'il fait partie de la guérison. Reconnaître le tort subi par la victime et la dédommager en conséquence aide à faire en sorte que justice soit faite, ce qui est un principe très important dans le système de justice. Durant les consultations, beaucoup de gens ont dit que, selon eux, leur agresseur ne se rendait pas compte des répercussions que le crime avait eues sur eux. Je suis d'avis que le dédommagement est également une forme de réhabilitation. L'agresseur rembourse sa dette envers la victime et tente de la ramener là où elle se trouverait si le crime n'avait pas été commis.
Bon nombre de victimes ont mentionné les dépenses engagées durant le processus, que ce soit pour se rendre au palais de justice, s'absenter du travail ou faire garder les enfants. Les victimes doivent assumer ces frais, accuser une autre perte. C'est comme si elles continuaient à subir le crime. Le dédommagement étant un aspect très important, nous avons jugé nécessaire d'inclure dans le projet de loi de véritables changements qui contribueraient à atténuer à tout le moins les répercussions du crime sur la victime au point de vue financier et parfois psychologique ou physique.
Pourquoi ces mesures sont-elles importantes? Pourquoi avons-nous insisté pour qu'elles soient incluses dans le projet de loi? Elles font déjà partie du Code criminel. Nous espérons que le projet de loi en améliorera l'application. Quels sont les mécanismes prévus pour ce faire? Les tribunaux pourront désormais faire un suivi et les ajustements nécessaires dans certains cas. Je me risquerais même à dire que certaines provinces devraient revoir leurs suramendes compensatoires et considérer d'autres options et programmes qui auraient pour effet d'accroître le sentiment de satisfaction chez les victimes, afin qu'elles se sentent réellement dédommagées et indemnisées. Et bien sûr, des recours au civil peuvent être instaurés pour que soient mieux respectées les ordonnances de dédommagement.
Voilà une bien longue réponse à vos quatre questions précises. Selon nous, le dédommagement est un élément très important des droits de la victime durant tout le processus. Nous croyons que le projet de loi lui donne plus de mordant.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie également, monsieur le ministre.
La discussion d'aujourd'hui est extrêmement intéressante, et je crois qu'elle est nécessaire.
Dans le système de justice actuel, l'obstacle le plus important auquel se heurtent les victimes pour obtenir justice sont les délais. Ce n'est pas quelque chose que j'invente. Il y a eu un rapport de l'Association du Barreau canadien et un rapport sur l'accès à la justice émanant de la juge en chef de la Cour suprême. De nombreuses organisations se sont aussi penchées sur la question de l'accès à la justice.
On a entendu parler de plusieurs cas où les procédures avaient été arrêtées en raison de délais déraisonnables. La Cour suprême se penchera sur la définition de « délai raisonnable ». Le système de justice actuel fait l'objet de tellement de pression que la Cour suprême doit revoir ce qu'est un délai déraisonnable.
Le projet de loi est extrêmement épais et il accorde beaucoup de droits. Il y a beaucoup de pression sur les acteurs du système de justice. Que fera-t-on alors? Tout le monde s'entend pour dire qu'il y a un manque flagrant de ressources. Les délais sont déraisonnables et l'accès à la justice est devenu complètement ridicule.
Je comprends qu'on veuille permettre aux victimes de jouer un rôle très important. C'est tout à fait légitime et elles en ont le droit, mais que feront-elles quand elles devront attendre des années avant d'obtenir justice alors qu'elles n'auront peut-être même pas accès à un avocat? Elles gagneront peut-être plus d'argent, mais pas suffisamment.
Vous connaissez un peu les problèmes qui existent. Comment ferez-vous pour appliquer ce projet de loi? Ma collègue vous a également demandé comment vous vous assurerez que chaque province a les ressources nécessaires pour faire respecter ces droits. Pour l'instant, tous les acteurs du système de justice disent qu'ils n'ont ni l'argent ni les ressources pour ce faire.
:
Voilà une très bonne question au sujet de la mise en oeuvre. Je l'ai dit un peu plus tôt à Mme Bennett et je le répète: nous avons prévu du financement pour la mise en oeuvre du projet de loi et pour accroître la sensibilisation, en particulier chez les victimes et les organisations provinciales, territoriales et non gouvernementales.
Quant à savoir si le projet de loi aggravera les retards, les arriérés ou le problème de l'accès à la justice, je peux vous assurer que nous avons gardé à l'esprit ces considérations et dosé soigneusement nos efforts afin que tiennent compte du contexte les mesures proposées pour défendre les droits des victimes.
Nous avons toujours tenu compte du fait qu'une mesure causant un retard, un arriéré ou un résultat inéquitable serait contraire à l'esprit du projet de loi. Comme le dit le vieux dicton : justice différée est justice refusée. D'ailleurs, c'est ce dont les victimes se plaignent le plus souvent: depuis le signalement du crime jusqu'au résultat final, qu'il soit satisfaisant ou pas, la démarche est longue et tortueuse.
J'ose espérer que certaines dispositions, comme consulter la victime sur une décision du procureur de la Couronne, ou avoir un policier communiquer rapidement avec elle, accéléreront le processus. Selon moi, elles susciteront chez tous les intervenants du système le sentiment de devoir consulter la victime souvent et dès le début des procédures.
Il est important de comprendre — et j'insiste là-dessus — que les victimes n'ont pas demandé le droit de veto. Il y a plusieurs années, j'ai été à votre place et j'ai participé à ce genre de discussions en tant que député de l'opposition. Il a été question d'un rapport produit par un comité qui nous avait précédés, intitulé Les droits des victimes — Participer sans entraver. On y soulignait que les victimes ne demandaient pas à choisir leur propre avocat ou à prendre la parole en cour pour plaider leur cause aux côtés du procureur. Il est possible que certaines victimes demandent cela, mais la vaste majorité d'entre elles souhaitent simplement avoir voix au chapitre. Elles veulent être entendues et avoir réellement accès à la justice tout au long du processus.
Je ne crois pas que cela ralentira forcément les choses. Je pense plutôt que certains cas s'en verront simplifiés. Les provinces et les territoires, qui sont en première ligne pour plusieurs des services, sont fermement résolus à ce que cela se produise. Si des ressources supplémentaires sont nécessaires, nous sommes prêts à les fournir, tant que la note indique les coûts réels.
:
Monsieur Lauzon, je vous dirai tout d'abord que je connais le centre d'appui aux enfants de Cornwall, votre région. C'est l'un des meilleurs, comme je vous l'ai déjà dit. À l'heure actuelle, nous comptons au pays 20 centres ouverts ou en voie de devenir pleinement fonctionnels. Je le répète, car il importe de le souligner, qu'il s'agit d'une des innovations les plus importantes apportées au système de justice pénale depuis des décennies.
Il ne faut pas oublier, et je suis certain que les membres du comité le savent, que les crimes perpétrés contre les enfants sont les seuls à ne pas être en baisse. En effet, le nombre d'agressions sexuelles et d'infractions contre les enfants augmente au Canada. La nécessité des centres d'appui aux enfants, des efforts et des mesures législatives à cet égard ne saurait être exagérée.
Pour ce qui est de la participation, je dirai que le projet de loi nécessite que tous les intervenants du système, y compris les juges, reconnaissent combien les victimes jouent un rôle important, qu'elles ont droit non seulement à de l'information, mais aussi à des ressources comme les services aux victimes et les centres d'appui aux enfants, et qu'on peut améliorer leur participation à la cour, en les invitant à assister à la détermination de la sentence et à présenter une déclaration de la victime.
Je me souviens, tout comme M. Dechert, qu'à l'époque où je pratiquais le droit, on traitait les victimes comme des témoins ordinaires: ils devaient rendre leur témoignage et s'en aller chez eux. Grâce à l'introduction de mesures comme la déclaration de la victime et l'appui que fournissent les services aux victimes, la participation au processus a de nos jours plus de sens et d'impact et procure selon moi plus de satisfaction aux victimes — si on peut dire cela d'une chose qu'on subit sans l'avoir mérité.
Le projet de loi vise entre autres à mieux reconnaître le tort causé à la victime et à confirmer l'importance de celle-ci dans le système. J'ai mentionné une chose qui ne devrait jamais être considérée comme insignifiante: avoir la permission d'apporter la photo d'un être cher à la cour et l'occasion d'exprimer personnellement l'impact qu'a eu l'acte criminel sur vous et vos proches n'est pas sans importance. Les tribunaux et le système de justice en entier doivent le reconnaître et accepter ce changement.
C'est ce que j'espère voir se produire avec ce projet de loi. Il suscitera un changement de culture qui amènera les droits des victimes au premier plan. Je crois sincèrement que, grâce à un processus inclusif et exempt de partisanerie, nous sommes arrivés à améliorer grandement le système de justice pénale.
Si vous permettez, monsieur le président, je tiens à souligner la contribution de Carole et Pam, comme vous l'avez fait au début. Au cours des dernières années, ces deux femmes ont accompli un travail extraordinaire pour mener ce projet de loi à bon port, chose qui n'aurait pu se produire sans elles.
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Je vous remercie de votre question. Je répondrai en premier, puis j'inviterai M. Churney à ajouter ses remarques.
Les victimes auront certainement le droit d'obtenir des renseignements sur l'enquête en cours. Comme Mme Morency l'a précisé, elles ne devront entraver d'aucune façon l'enquête — il faut toujours respecter l'indépendance de la police —, mais elles auront le droit d'être tenues au courant de l'enquête.
Lorsque les délinquants purgeront leur peine, les victimes auront le droit de recevoir des renseignements sur les progrès accomplis par les délinquants dans l'atteinte des objectifs de leur plan correctionnel, par exemple les programmes qu'ils suivent et les progrès qu'ils ont réalisés. De plus, elles auront le droit d'être informées des services de médiation entre victimes et délinquants qui sont offerts par le Service correctionnel du Canada.
Comme le ministre l'a dit il y a quelques instants, les victimes auront aussi le droit, lors de la libération d'un délinquant, d'accéder à une photographie récente du délinquant par l'entremise d'un portail sécurisé. En supposant que la divulgation de renseignements ne pose aucun risque pour la sécurité publique, les victimes auront le droit, 14 jours avant la libération du délinquant, d'obtenir des renseignements sur la date, le lieu et les conditions dont est assortie la libération du délinquant.
Pour ce qui est de l'audience de libération conditionnelle, les victimes auront le droit de présenter une déclaration et de désigner un représentant qui recevra de l'information pour elles. De plus, elles recevront automatiquement une copie de la décision relative à la libération conditionnelle.
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Je vais tenter de répondre aux questions dans l'ordre où elles ont été posées.
Pour ce qui est du fait que le projet de loi propose des modifications en vue de permettre à certains témoins de comparaître sous un pseudonyme, je sais que cette possibilité existe déjà, mais qu'elle n'a pas été codifiée. Elle n'est pas inscrite dans le Code criminel. Certains tribunaux ont décidé, compte tenu des faits et des circonstances, de permettre à des témoins de comparaître sous un pseudonyme.
Je vais vous donner un exemple. Dans la décision Mousseau rendue en 2002, une victime d'agression sexuelle craignait que... Il y avait aussi d'autres victimes. Apparemment, on croyait que l'accusé harcelait d'autres plaignantes parce qu'il connaissait leurs noms. Comme la dernière plaignante ayant témoigné au procès ne souhaitait pas être victime de harcèlement comme l'avaient été les autres plaignantes, le tribunal l'a autorisée à témoigner sous un pseudonyme. Le jury ne connaissait pas le vrai nom de la victime.
Dans un cas semblable, le tribunal doit toujours tenir compte des circonstances et des faits pertinents. Par conséquent, les critères applicables en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes seraient les mêmes que ceux qu'appliquent déjà les tribunaux. Le tribunal examinera l'importance du droit du défendeur à une défense pleine et entière en vertu de la Charte des droits et libertés et le principe de la bonne administration de la justice. Le tribunal pourra prendre un certain nombre de mesures. La décision appartiendra au tribunal, lequel pourra tenir compte de tous ces facteurs et des mesures qui pourraient être prises pour protéger le droit de l'accusé à un une défense pleine et entière.
La victime pourrait-elle témoigner sous un pseudonyme et, par exemple, avoir recours à un moyen visant à faciliter son témoignage, mais qui permettrait tout de même à l'accusé de la voir? En gros, il reviendra au tribunal de déterminer, dans les circonstances, les mesures qui s'imposent pour permettre à la victime de témoigner sous un pseudonyme, tout en préservant le droit de l'accusé à une défense pleine et entière.