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Je vous remercie, madame la présidente.
Je tiens d'abord à remercier le comité de nous accueillir et de nous donner la possibilité de participer à cette consultation.
L'Association québécoise Plaidoyer-Victimes est un organisme de promotion et de défense des droits des victimes d'actes criminels. Il existe depuis 30 ans et oeuvre au Québec, principalement.
Lorsque le projet de loi a été annoncé par le premier ministre, M. Stephen Harper, il a été présenté comme une première dans l'histoire canadienne, une loi qui transformerait fondamentalement les droits des victimes, les rendrait plus clairs, et créerait un meilleur équilibre entre les droits des victimes et ceux des contrevenants. Son message était très percutant.
Or malgré les changements proposés — sur lesquels nous sommes d'accord en grande partie —, nous croyons que le projet de loi actuel ne permettra pas d'atteindre des objectifs aussi ambitieux.
Étant donné que le temps dont nous disposons est restreint, nous allons surtout vous faire part de nos questionnements quant à la portée de cette déclaration et sa capacité de renforcer les droits des victimes. Nous allons aussi vous parler de nos inquiétudes concernant sa mise en oeuvre. Nous allons déposer un mémoire au cours des prochains jours et nous espérons que nos commentaires seront bien accueillis. Bien sûr, notre objectif est de bonifier la loi et de renforcer les droits des victimes au Canada.
Je vais commencer par deux commentaires.
Premièrement, le projet de loi ne porte pas le même titre en anglais et en français. Or selon nous, le titre devrait être le même dans les deux langues.
Deuxièmement, ce projet de loi ne couvre pas les droits sociaux des victimes, c'est-à-dire le droit à l'aide et le droit à l'indemnisation. Pour que le message soit plus clair auprès des victimes et du grand public, on devrait plutôt parler d'une loi sur les droits des victimes dans le cadre des procédures pénales ou dans le cadre du système de justice pénale.
Mes prochains commentaires vont porter sur les droits reconnus aux victimes.
Je vais d'abord parler des droits tels que formulés aux articles 25 et 29. Le projet de loi énonce des droits de façon générale, comme c'était le cas dans l'énoncé de principe de 1989 et dans la Déclaration canadienne de 2003 des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité. Au cours des dernières années, tous les groupes ont demandé que les droits des victimes soient précisés afin que celles-ci puissent savoir quels droits leur sont accordés, comment elles peuvent les exercer et qui a la responsabilité de les faire respecter. En ce sens, le projet de loi est décevant. Il va moins loin que celui de l'Ontario et celui du Manitoba, qui sont beaucoup plus précis.
En ce qui a trait au droit à l'information, par exemple, cette loi ne contient aucun droit proactif; il s'agit uniquement de droits que les victimes doivent demander. Dans la loi du Manitoba, on énumère les droits proactifs, ceux que les victimes peuvent obtenir sur demande et ceux qui comportent certaines restrictions en raison d'autres lois et politiques en vigueur.
Un autre élément très important est le fait que les obligations des agences et des représentants du système de justice pénale ne sont aucunement précisées. Cette demande est formulée depuis des années. Notre organisme a participé à toutes les consultations. Or cette question est souvent revenue sur le tapis. Il est important que les victimes sachent à qui s'adresser pour obtenir des renseignements, participer aux procédures ou obtenir de la protection. Elles doivent aussi connaître les responsabilités des divers acteurs du système de justice, à quelle étape, et savoir à quoi elles peuvent s'attendre.
On aurait pu s'inspirer de l'expérience d'autres pays, notamment l'Angleterre et le pays de Galles, ou des directives de l'Union européenne, mais le projet de loi ne reflète pas ces avancées. Il va donc incomber aux ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux d'accomplir tout ce travail de précision. Je tiens à souligner qu'il y a dans toutes les provinces des lois interprétatives et que celles-ci sont disparates. La définition de « victime » varie. On parle de complémentarité et de cohésion, mais il reste à cet égard énormément de travail à accomplir.
Troisièmement, il s'agit ici de droits discrétionnaires. L'article 20 le démontre clairement. Tous les représentants, soit la police, les ministères, les procureurs et autres, ont un important pouvoir discrétionnaire lorsqu'il s'agit de décider ce qui est raisonnable ou non, ce qui peut être accordé et ce qui relève de leur discrétion. De multiples dispositions, autant dans le Code criminel que dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, accordent un pouvoir discrétionnaire à tous ces représentants.
Lorsqu'on présente cette déclaration comme un outil quasi constitutionnel destiné à renforcer les droits des victimes, on laisse croire à ces dernières que leurs droits seront pris en compte et mis en application. Or ce message est trompeur. Il ne fait pas les nuances nécessaires et crée de fausses attentes, ce qui va alimenter l'insatisfaction des victimes.
Je crois que ce n'est pas l'objectif visé par cette déclaration.
Je vais maintenant passer aux articles 21 et 22 qui portent sur des droits largement délimités ou balisés par d'autres lois. On dit que cette loi devrait avoir préséance sur les autres lois fédérales, à l'exception de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que d'autres lois quasi constitutionnelles. Il faudra donc voir comment l'article 22 sera mis en application. Au Canada, les lois déclaratoires ont peu subi l'épreuve des tribunaux. Cela s'est fait dans trois provinces. Il y a eu trois causes et, dans les trois cas, les juges en sont venu à la conclusion qu'elles étaient dépourvues de tout effet juridique ou force exécutoire.
Je vais parler des recours.
Il est vrai que le projet de loi introduit un recours. Nous pouvons considérer que c'est un pas en avant, mais c'est un bien petit pas car il reste énormément de choses à faire pour préciser les recours. En ce qui a trait aux entités fédérales, on ne fait que préciser la démarche des plaintes. Il y aura beaucoup de travail à faire pour clarifier les responsabilités des divers ministères et organismes fédéraux, ainsi que pour définir le mandat du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels et son pouvoir d'agir. Il faudra aussi établir les procédures et les politiques pour que cette obligation statutaire soit en vigueur.
Dans les provinces et territoires, le problème est encore plus complexe. Comme vous le savez, les mécanismes de plainte diffèrent d'une région à l'autre et même d'un organisme à l'autre. Que voit-on sur le terrain? Les mécanismes de plainte sont peu connus et peu utilisés. Les victimes ne font pas la distinction entre les organismes des différents ordres de gouvernement, doivent se débrouiller elles-mêmes à travers le rouage et le dédale des organismes et ne sont souvent pas accompagnées dans leurs démarches qui sont vécues comme une revictimisation. Nous constatons aussi que plusieurs victimes renoncent à leur recours parce que c'est trop complexe. C'est vraiment le parcours du combattant. Nous observons également que beaucoup d'organismes ne document pas le nombre de plaintes reçues et le suivi qui leur est accordé.
Il existe donc un premier niveau où les organismes doivent rendre compte de leur travail auprès des plaignants et un deuxième niveau où ils doivent analyser les plaintes et les traiter autrement qu'au cas par cas. C'est le travail d'un ombudsman. Il existe des problèmes récurrents et des obstacles à la reconnaissance des droits des victimes d'actes criminels. Il est nécessaire que ces droits fassent l'objet de représentations auprès des instances concernées et de tous les ordres de gouvernement. Déterminer les responsabilités dans les provinces serait complexe. Je sais que le ministre fédéral de la Justice a déclaré qu'il avait pris certaines dispositions qui reposeront sur la collaboration avec les protecteurs du citoyen des provinces.
Toutefois, si on regarde l'article 18 de la Loi sur le Protecteur du citoyen du Québec, on constate que le champ de compétence et de surveillance de ce dernier est limité par rapport à tout le milieu judiciaire, si je peux m'exprimer ainsi. Par conséquent, beaucoup de problèmes de recours restent actuellement sans réponse. Cet enjeu est extrêmement important par rapport à la Charte canadienne des droits des victimes.
Je continue ma présentation en parlant des articles 27 et 28. Ils ne confèrent aucun droit et ne donnent pas de renvoi d'appel d'une décision ou d'une ordonnance. Nous pouvons alors affirmer que ces articles limitent considérablement la force exécutoire du projet de loi.
Quelles leçons peut-on tirer quand on considère la portée du projet de loi? Il ne sert à rien de promettre aux victimes que la charte aura une force exécutoire si les droits qui leur sont reconnus dépendent largement du pouvoir discrétionnaire des représentants de la justice et si elles ne peuvent pas poursuivre en justice et ne peuvent pas faire appel des décisions. Cela ne sert à rien non plus de promettre et de dire aux victimes qu'elles auront des recours si nous ne pouvons pas nous appuyer sur des mécanismes clairs et coordonnés, s'il n'ont pas d'effets contraignants et si les organismes ne rendent pas compte de leurs actions et décisions.
J'aimerais maintenant ajouter quelques commentaires sur le dédommagement prévu à l'article 5. Cette mesure devrait être plus claire et parler du droit à la réparation, qui tient mieux compte des besoins des victimes et des avancées dans le domaine. Le droit à la réparation comprend le droit à la restitution des biens ou au remboursement des frais engagés lorsqu'on est témoin à la cour, ainsi que le droit au dédommagement et à la justice réparatrice. Le projet de loi devrait donner une définition de la justice réparatrice. Il faudrait aussi ajouter des garanties de protection lorsque les victimes participent à des programmes de justice réparatrice.
Parlons maintenant des modifications au Code criminel et plus précisément de l'article 7. Celui-ci accorde le droit de représentation par un conseiller juridique.
À la suite de son examen de la communication de dossiers dans les cas d'infractions d'ordre sexuel, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a publié un rapport en 2012. Ce rapport examinait les questions d'équité et de protection des victimes dans ces dossiers. La recommandation du comité était très claire: ces personnes devaient avoir droit à un avocat. C'était écrit noir sur blanc.
Or à l'article 7, il est question d'un conseiller juridique. Ce choix de terme n'est pas anodin. Il atténue beaucoup la recommandation du comité sénatorial. On a opté pour ce terme parce que c'est beaucoup moins coûteux, étant donné qu'on ne s'engage pas à payer les frais juridiques des plaignants.
En ce qui concerne le droit de représentation des victimes, il est certain que nous allons recommander qu'on remplace le droit à un conseiller juridique par le droit à un avocat, lorsqu'il y a communication de dossiers dans les cas d'infractions d'ordre sexuel.
Nous allons aussi recommander qu'on revoie l'entente parce qu'actuellement elle ne couvre que les contrevenants et pas les plaignants.
Je vais maintenant faire des commentaires sur la déclaration de la victime.
On introduit la déclaration de la victime dans la collectivité. Nous nous questionnons beaucoup sur la portée et l'utilité d'une telle déclaration. Nous pensons que ce n'est pas prioritaire, compte tenu de l'éventail actuel des besoins des victimes.
Nous nous posons aussi beaucoup de questions sur l'inclusion d'un dessin, d'un poème ou d'une lettre dans la déclaration de la victime. De telles mesures peuvent avoir du sens dans un contexte thérapeutique où la personne voit un psychologue ou un psychiatre, mais nous nous demandons comment ces mesures pourraient être utilisées. Cela ne pourrait-il pas porter préjudice aux victimes en les rendant plus vulnérables? Je pourrai peut-être développer davantage sur ce sujet au cours de la période des questions.
J'ai d'autres commentaires à faire au sujet de la déclaration de la victime. Le tribunal ou la commission d'examen a le pouvoir discrétionnaire d'accorder à la victime la permission de donner son point de vue sur la décision. Cependant, d'après la jurisprudence actuelle, les commentaires sur la détermination de la peine ne sont pas acceptés dans la déclaration de la victime. Cela reste un pouvoir discrétionnaire des tribunaux, bien sûr, mais nous nous demandons comment il sera utilisé par eux et comment l'admissibilité sera déterminée. Nous considérons qu'il y a des problèmes plus importants actuellement concernant l'utilisation de la déclaration de la victime. Nous nourrissons beaucoup d'inquiétude à cet égard.
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Bonjour, madame la présidente, membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
C'est la deuxième fois que nous comparaissons, même si ce n'était pas devant ce même comité, en 2012, mais en rapport avec les affaires juridiques et constitutionnelles. Nous comparaissons aujourd'hui en ayant toujours comme préoccupation l'accès à la justice pour les personnes les plus démunies.
Au nom du Comité des orphelins de Duplessis victimes d'abus, je remercie les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. J'aimerais d'abord présenter notre organisme afin de vous aider à vous situer. Notre organisme représente les personnes qui ont vécu dans le réseau institutionnel, les pensionnats, les crèches ainsi que les établissements des communautés religieuses entre les années 1930 et 1965. Le Comité des orphelins de Duplessis victimes d'abus vient en aide spécifiquement à d'autres orphelins de Duplessis au Québec.
Comme je l'ai mentionné au greffier, nous sommes aussi un regroupement d'associations de personnes qui ont vécu dans d'autres établissements partout au Canada, que ce soit à l'orphelinat Mount Cashel, au collège d'Alfred ou dans d'autres institutions non autochtones. Il y a ce qu'on appelle le dossier des pensionnats indiens. Notre organisme a créé une coalition à l'échelle nationale pour représenter ces gens. Nous sommes donc la voix de ces personnes qui sont aujourd'hui devant vous.
Âgés en grande partie de 50 ans et plus, ils vivent encore aujourd'hui avec des séquelles des sévices dont ils ont été victimes dans leur jeunesse. Nous ne sommes pas les seuls à s'intéresser à cette affaire. La commission des droits de la personne a préparé un volumineux rapport sur la problématique des enfants ayant vécu dans des établissements au Canada. C'était pendant les années 2000. J'ai ici une copie de ce rapport.
Notre organisme compte plusieurs dossiers qui touchent spécifiquement les victimes. Je vais maintenant vous faire part de nos préoccupations concernant le projet de loi . Dès le début, soit en septembre dernier, nous avons assisté à plusieurs rencontres auxquelles étaient présents des représentants du ministère de la Justice, du Solliciteur général du Canada et de la conférence ayant suivi cette démarche.
À compter de 2011, auprès du sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, nous avons également exprimé notre intérêt à participer à une étude sur ce projet de loi afin de présenter un volet particulier de notre dossier. Nous n'avons peut-être ni les compétences ni l'expertise juridique nécessaires pour ce qui est de ce projet de loi, mais nous avons pensé vous soumettre nos principales préoccupations.
À la suite de son analyse en tant qu'utilisateur des divers tribunaux du pays, notre comité espère que la Charte canadienne des droits des victimes pourra régulariser la balance de la justice pour la rendre favorable aux victimes.
Notre organisme accompagne plusieurs victimes chaque fois qu'elles en ressentent le besoin, non seulement devant les tribunaux, mais également auprès des administrateurs de divers organismes gouvernementaux ou privés ou d'associations communautaires. À l'égard des victimes d'agression sexuelle, les principales préoccupations de notre organisme sont la prescription et le fardeau de la preuve quant à l'incapacité d'agir, le témoignage et le contre-interrogatoire, la capacité financière de la victime, ainsi que les soins et la reconnaissance.
Si vous me le permettez, madame la présidente, M. Tony Doussot va poursuivre.
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Bonjour, madame la présidente.
Je voudrais simplement dire à quel point les orphelins de Duplessis sont des victimes. Ils ont été victimes de l'enlèvement à leurs parents biologiques, de l'emprisonnement dans des orphelinats, de plusieurs privations, d'abus physiques, psychologiques et spirituels, ainsi que d'agressions sexuelles répétées sur de longues années.
Ils ont aussi été victimes d'éviction des centres de soins, qui étaient affreux. On ne savait pas trop quoi faire. Alors, on a décidé de les mettre dehors. De plus, on ne les a jamais reconnus comme victimes. Pourquoi les a-t-on indemnisés? Pour de l'aide pour lutter contre la pauvreté. Jamais on n'a reconnu qu'ils étaient des victimes. Les orphelins de Duplessis sont des victimes qui n'ont pas été reconnues.
Aujourd'hui, ils viennent vous donner quelques recommandations. Le comité des orphelins y travaille depuis longtemps, et ce, sans recevoir la moindre somme d'argent. On lui donne de temps en temps des pinottes pour mener des projets spécifiques, mais il ne reçoit rien d'autre. Il n'y a pas de fonds régulier lui permettant d'aider un peu les victimes à s'aider elles-mêmes.
Le comité des orphelins propose la conduite d'une étude annuelle sur la victimologie, sur les crimes réellement subis. Il faut faire le dénombrement des crimes réellement subis par rapport aux crimes dénoncés, aux crimes qui ont fait l'objet de poursuites et pour lesquels il y a eu condamnation. Il y a eu des pertes, et pour les connaître, il faut les chiffrer chaque année pour voir si on a vraiment avancé dans ce domaine.
Il y a aussi le droit à l'accès à l'information. Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, M. Pierre Craig, a critiqué la loi du Québec sur l'accès à l'information en disant qu'elle était devenue une véritable prison. De plus, si une victime veut avoir accès à de l'information au niveau fédéral, il faut qu'elle paie. On l'oblige à payer pour cela.
La troisième recommandation du comité est de faire ce qui se fait en Europe, c'est-à-dire que les victimes puissent saisir directement les procureurs de la Couronne de leurs causes, étant donné que plusieurs d'entre elles ont peur des policiers. Cette peur peut être fondée ou pas, mais il reste qu'elles ont peur des policiers. Pourquoi ne pas permettre aux victimes ou aux organismes qui leur viennent en aide de saisir directement les procureurs de la Couronne de leurs causes?
Le Comité des orphelins de Duplessis victimes d'abus s'inquiète également des mécanismes d'appel contenus dans la charte des victimes. Nous comprenons qu'on veuille simplifier les choses pour les victimes, mais la simplicité ne veut pas dire ne rien faire; il s'agit plutôt de savoir à chaque étape combien de plaintes ont été déposées, combien ont abouti et combien de victimes ont abandonné leur plainte faute d'avoir eu accès à un procureur ou par manque de moyens en raison de leur pauvreté ou, encore, parce qu'on a mis trop d'obstacles sur leur route.
Évidemment, nous accueillons cette charte favorablement, mais elle a ses limites. M. Landry, par exemple, n'est considéré comme une victime par aucun tribunal de ce pays. Devons-nous chaque fois refaire la démonstration qu'il s'agit d'une victime de crimes? On me dira qu'effectivement, c'est une victime, mais est-ce que le fait, par exemple, d'émettre un faux diagnostic de débile mental est un crime? Je crois que oui et je pense que vous le croyez également, mais le juge pensera-t-il la même chose?
Nous pensons aussi aux autres victimes. La charte proposée s'appliquera-t-elle à un Canadien ayant été victime d'un crime à l'étranger? S'appliquera-t-elle à un étranger victime d'un crime au Canada? Ce sont des questions simples, mais auxquelles on n'a pas répondu. Notre comité pense surtout aux orphelins de Duplessis, mais il se préoccupe également des autres victimes. Les orphelins de Duplessis ont été très maltraités et ils ne sont toujours pas des victimes reconnues.
C'est un plaisir pour moi de témoigner de nouveau devant le comité. Je crois que c'est ma troisième comparution.
Je suis également ravie de voir que tout le monde se porte bien. Je tiens à vous remercier, mesdames et messieurs les députés, les chefs et tous les membres du personnel d'être de retour ici et de travailler fort. Sachez que nous vous en sommes très reconnaissants. Encore une fois, je suis heureuse de voir que tout le monde va bien.
Je m'appelle Timea Nagy. Je suis la fondatrice de l'organisme Walk With Me Canada Victim Services. J'ai moi-même survécu à la traite de personnes, et mon organisme travaille en première ligne auprès des victimes de la traite de personnes ici au Canada. Depuis 2009, nous sommes venus en aide à 300 victimes de ce trafic. Nous avons réussi à amener 80 % d'entre elles devant les tribunaux.
Je suis une survivante et, il y a 17 ans, j'ai défendu ma propre cause devant les tribunaux. À l'époque, il n'y avait aucune loi qui empêchait la traite de personnes. Tout était différent. Le système judiciaire était complètement différent. Aujourd'hui, 15 à 17 ans plus tard, lorsque nous nous tournons vers les tribunaux, nous constatons des différences. Je crois que nous avons évolué.
Il n'en demeure pas moins que le système compte de nombreuses lacunes et ne protège pas adéquatement nos victimes. Cela ne concerne pas uniquement les victimes de la traite de personnes, mais je peux seulement me prononcer sur ces victimes.
J'étais très emballée d'examiner le projet de loi . Lorsque je l'ai étudié plus attentivement, j'ai réalisé que pour la première fois depuis longtemps au Canada — encore une fois, je parle de mon expérience personnelle —, j'avais le sentiment que les victimes de crime seraient traitées avec plus de dignité, qu'on leur accorderait davantage d'attention, et surtout qu'on éprouverait une plus grande compassion à leur égard. Je ne suis visiblement pas une experte ni une avocate, mais lorsque je lis ce projet de loi, en tant que survivante et travailleuse de première ligne, j'estime que les amendements ont été rédigés en vue de créer un environnement plus sain pour les victimes dans le cadre du système judiciaire. Selon moi, ce projet de loi a pour objectif de reconnaître les victimes comme des êtres humains, comme des victimes d'un crime, envers qui il faut faire preuve de plus de compassion.
Ce qui m'a surtout étonnée en ce qui concerne ce projet de loi, c'est que parfois, aussi triste que cela puisse être, nous devons adopter des lois pour que les choses changent. Autrement dit, il faut que ce soit une loi pour que les gens se montrent plus compatissants. À mon avis, c'est l'incidence qu'aura ce projet de loi de façon générale.
Le projet de loi s'intéresse réellement aux victimes et à leurs droits d'être entendues tout au long des procédures judiciaires. Encore une fois, c'est quelque chose que nous voulions depuis longtemps en première ligne. Je me réjouis énormément de l'article 486.31. Je donnerai volontiers des détails si vous avez des questions plus tard. Je suis très ravie de voir l'article 15; l'alinéa 718a); ainsi que le libellé concernant la protection des victimes et des témoins, et le dédommagement.
Nous avons toutefois une petite réserve relativement au dédommagement. Même si nous nous réjouissons des efforts qui ont été déployés, du libellé ainsi que de l'intention derrière le dédommagement, selon nous, les victimes ne devraient pas avoir à se présenter devant un tribunal civil pour obtenir leur argent de l'accusé. Quoi qu'il en soit, nous saluons l'intention louable qui sous-tend cette mesure, et nous sommes très heureux qu'elle fasse partie du projet de loi.
Je sais que c'est difficile à croire, mais c'est ce qui met fin à mon exposé. C'est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions.
Merci.
Bonjour. J'aimerais commencer aujourd'hui en reconnaissant la nation algonquine, dont le territoire traditionnel accueille la présente rencontre.
Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui et de nous avoir invitées, les représentantes de l'Association des femmes autochtones du Canada, à venir témoigner sur un dossier qui est très important pour nos femmes autochtones, nos enfants, nos familles ainsi que nos communautés. Je m'appelle Dawn Harvard et je suis membre de la Première Nation de Wikwemikong, établie sur l'île Manitoulin, ici en Ontario. Je suis accompagnée de Mme Edwards, qui m'aidera à répondre à vos questions par la suite.
Notre association regroupe 12 associations provinciales et territoriales de partout au pays. Ces 40 dernières années, nous avons soutenu les femmes autochtones et avons travaillé auprès d'elles en vue de les aider à se bâtir une vie meilleure.
Depuis toujours, nos femmes prennent soin de notre terre, de notre nation. Nous sommes respectées, valorisées et honorées. Nous avons de l'influence et nous sommes très engagées dans nos communautés, autant sur les plans social, économique que politique. C'est surtout grâce à elles que nous avons pu préserver notre culture, notre langue, nos traditions ainsi que notre savoir. Aujourd'hui, les femmes autochtones continuent de jouer un rôle central au sein de nos communautés, en tant que détentrices du savoir, et elles sont essentielles au bien-être de nos familles et de nos communautés. Toutefois, comme vous le savez sans doute, les femmes autochtones font face à des taux d'abus sexuel, de violence et de décès beaucoup plus élevé que tout autre segment de la population au pays.
Les Autochtones en général sont deux fois plus susceptibles que leurs homologues non autochtones d'être victimes de crimes violents, et nos femmes sont encore plus vulnérables. Selon les données de Statistique Canada, nous sommes trois fois et demie plus susceptibles d'être victimisées et cinq fois plus susceptibles de connaître une mort violente, auquel cas les familles qui restent sont les véritables victimes. Plus de 80 % des femmes autochtones disparues et assassinées au Canada étaient des mères, dont les enfants sont d'autres victimes dans ces situations. Pendant les deux ou trois ans qui ont précédé cette étude, huit femmes autochtones sur 10 avaient déjà été victimes de violence. Puisqu'on estime que 76 % des cas de violence non conjugale ne sont pas signalés à la police, il ne s'agirait ici que de la pointe de l'iceberg. On a donc affaire à un problème beaucoup plus gros qu'on pourrait le croire.
Par conséquent, même si nous appuyons fortement cette déclaration des droits des victimes d'actes criminels, nous savons que les victimes autochtones doivent jouer un rôle dans le système judiciaire. Nous avons toujours exprimé notre mécontentement face à notre absence de droits. Nos victimes se retrouvent autant à l'intérieur qu'à l'extérieur des murs de la prison. Tous nos membres ont besoin de droits exécutoires. Nous devons non seulement jouir de droits légaux, mais aussi de soutien tout au long du processus, de sorte que les victimes d'actes criminels, nos femmes, puissent obtenir justice.
Le projet de loi ne renferme pas suffisamment de mesures pour veiller à notre participation dans l'intérêt de la bonne administration de la justice, de façon à ce que nous soyons entendus. Après avoir longtemps été ignorées, nos victimes autochtones ont besoin de se faire entendre dans le cadre du système judiciaire, et cela nécessite du soutien pour pouvoir avoir accès aux services qui sont offerts. Nous n'avons qu'à penser à la Commission d'enquête sur les femmes disparues en Colombie-Britannique, où de nombreuses plaintes concernant des disparitions ont été ignorées parce qu'il s'agissait de femmes autochtones. On les a mal interprétées et on les a mises de côté. Aucun soutien n'était accordé aux parties telles que l'Association des femmes autochtones du Canada, qui pouvait être en mesure de communiquer. Nous connaissions ces problèmes, mais nous n'avions pas le soutien pour pouvoir intervenir.
Des générations de communautés autochtones ont vu leurs vies, leurs familles, leurs collectivités, leurs terres et leur culture exploitées, dépouillées, déconsidérées et mises à mal. Nous avons subi beaucoup de violence dans les pensionnats, et cette violence se perpétue à travers les générations, si on se fie aux taux élevés de violence et de victimisation au sein de nos communautés.
Malheureusement, au Canada, les femmes autochtones sont parmi les plus démunies et vulnérables de la société. Nous continuons de souffrir de marginalisation, de pauvreté, d'inégalité et de discrimination dans les lois, les programmes et les politiques qui régissent notre nation.
Qu'elles vivent en milieu rural, en milieu urbain ou au sein d'une communauté des Premières Nations, les femmes autochtones doivent faire face à la pauvreté, au manque d'accès à des logements convenables, sécuritaires et à prix abordable, et à des taux élevés de violence. Quand on pense aux Autochtones, on pense souvent à ceux qui vivent dans les communautés des Premières Nations, et on oublie ceux qui vivent dans la rue, dans des refuges, ou au jour le jour pour fuir la violence. Il est souvent difficile pour nous de prendre la décision de quitter notre communauté pour aller vivre en ville. Contrairement à la croyance populaire, la plupart des femmes autochtones ne quittent pas la communauté pour aller se faire instruire ou trouver du travail. Elles le font pour fuir la violence, pour trouver un endroit sûr. Mais quand elles arrivent en ville, la réalité les rattrape et la situation est souvent pire. Elles font face à la discrimination. Elles sont la cible des prédateurs. Elles n'ont pas de soutien.
Un grand nombre de femmes autochtones luttent chaque jour pour se sortir de l'itinérance. Qui peut vivre dans son auto ou dans un refuge et se sentir en sécurité? Plus de 40 % des familles autochtones sont aux prises avec la violence familiale. Les femmes autochtones qui fuient leur domicile ne jouissent pas, toutefois, des mêmes protections et des mêmes droits que les autres femmes au Canada. Je sais que je ne suis pas au bon endroit pour parler des droits en matière de biens matrimoniaux, mais il s'agit exactement ici du même genre de loi qui a été adoptée sans qu'on ait bien examiné les conséquences et qu'on ait prévu suffisamment de soutien. Les taux de violence ont même augmenté lorsque les femmes ont tenté de faire valoir leurs droits dans des communautés qui n'étaient pas nécessairement prêtes à les leur reconnaître.
Près de la moitié des femmes autochtones au Canada vivent dans la pauvreté. La pauvreté vient exacerber la violence, les abus, la toxicomanie, et cela les mène bien souvent, malheureusement, en prison. J'ai entendu bien des gens dire à propos des femmes autochtones disparues et assassinées que ce qui leur est arrivé est lié à leur mode de vie dangereux. Je tiens à dire à ces gens que si les femmes autochtones ont des modes de vie dangereux, ce n'est pas par choix. Elles sont à risque d'avoir ce mode de vie dès leur naissance. Elles sont nées dans des communautés où il n'y a pas d'eau potable, pas de bonnes écoles et pas d'emplois, et où elles n'ont pas la chance d'adopter un mode de vie sain.
Selon des rapports, plus de 80 % des familles autochtones sont dirigées par des mères monoparentales qui élèvent leurs enfants, le plus souvent, dans la pauvreté. Elles frappent à la porte des services d'aide à l'enfance parce qu'elles n'ont plus d'argent à la fin du mois pour nourrir leurs enfants. Lorsque ces enfants sont retirés de leur foyer, c'est souvent la première étape qui les amène dans un cercle vicieux où ils risquent de devenir des victimes au sein du système et souvent aussi d'aboutir dans la rue et dans l'industrie du sexe.
La pauvreté nous prive essentiellement de notre liberté de choix, de nos chances d'avancer et de notre dignité. La pauvreté nous force à faire des choix que nous n'aurions jamais faits autrement. Les femmes autochtones sont souvent forcées de choisir entre payer le loyer ou mettre du pain sur la table. Bon nombre d'entre elles aboutissent en prison pour de petits vols pour lesquels elles écopent d'une peine indéterminée qui font de leurs enfants des victimes au sein de nos communautés.
Dans un pays riche comme le Canada, personne ne devrait avoir à vivre dans ces conditions. L'écart qui se creuse entre les fonds consacrés à l'aide à l'enfance des Premières Nations et ceux consacrés au reste de la population est un bon exemple de la discrimination et du manque d'équité qui rendent vulnérables les femmes et les enfants autochtones au Canada.
Même si nous représentons moins de 4 % de la population totale, nos enfants constituent près de 30 % des enfants en foyer d'accueil, un pourcentage ahurissant qui peut atteindre 70 % et même 80 % dans certaines régions. Tout comme les enfants dans les pensionnats, ces enfants grandissent loin de leur langue, de leur culture et de leur famille, et ils deviennent souvent à nouveau des victimes au sein du système. Le cas de Tina Fontaine est là pour nous le rappeler.
Si rien ne change, les enfants autochtones vont continuer d'être retirés de leur foyer et de dépendre des organismes de protection de la jeunesse. L'Association des femmes autochtones du Canada considère que le problème est urgent et qu'il doit être réglé.
Si des investissements étaient faits en amont pour soutenir les familles et mettre en place des services adaptés à leur culture, si des investissements étaient faits pour que les victimes puissent obtenir des services dans une langue qu'elles comprennent, et si leurs droits étaient protégés, les enfants et les femmes autochtones seraient en sécurité.
En théorie, ce projet de loi semble une bonne idée pour remédier aux problèmes qui placent les femmes et les enfants autochtones dans des situations vulnérables, notamment la violence. Le fait est toutefois qu'il ne procurera pas aux femmes autochtones les nombreuses ressources et formes d'aide supplémentaires dont elles auront besoin et qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits qui y sont mentionnés.
Si on veut que ce projet de loi aide les femmes autochtones, il faut investir dans des services juridiques et d'autres types de services qui sont adaptés à leur culture. Ce projet de loi prouve une fois de plus qu'il faut aborder la violence d'une manière globale et à travers la lorgnette des victimes.
Les querelles entre les gouvernements fédéral et provinciaux sur la prise en charge des familles autochtones ont souvent entraîné la paralysie du système et des tragédies. Les femmes autochtones qui quittent les réserves pour fuir la violence se retrouvent ainsi souvent laissées à elles-mêmes. En faisant une différence entre les Autochtones qui habitent sur les réserves et hors réserve, on accroît souvent la victimisation et on diminue l'accès aux services d'aide.
Comme je l'ai mentionné, les conditions déplorables qui ont mené à la disparition et à l'assassinat de près de 1 200 femmes et jeunes filles autochtones sont alarmantes, scandaleuses, et elles constituent un vrai crime. Les femmes autochtones sont souvent victimes de violations des droits de la personne. Elles sont la cible des prédateurs et des trafiquants de chair humaine qui approchent même des petites filles d'à peine 8 ans qui jouent dans les parcs. Ce sont les victimes dans nos communautés et ce sont ces jeunes qui auront besoin de soutien si ce projet de loi se veut autre chose qu'un voeu pieux qui vient s'ajouter à une liste déjà longue.
Comme l'a confirmé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les peuples autochtones ont droit, sans discrimination d'aucune sorte, à l'amélioration de leur situation économique et sociale, et de vivre à l'abri de la violence. Il faut que ces principes soient reconnus par la loi, mais aussi qu'ils soient appliqués concrètement pour qu'ils puissent vraiment faire une différence dans nos vies.
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Merci, madame la présidente.
Je tiens d'abord à vous remercier, madame la présidente, et à remercier les membres du comité permanent de nous permettre de comparaître aujourd'hui pour discuter du projet de loi , Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois.
Il s'agit d'un projet de loi très important. C'est un pas en avant dans la réforme axée sur les droits des victimes. Il donnera aux victimes plus d'occasions de se faire entendre et accroîtra leur confiance dans le système de justice pénale.
Je me présente. Je m'appelle Paul Smith. Je suis ici à titre de vice-président de l'Association canadienne des chefs de police, et je suis aussi chef du Service de police de Charlottetown. Je suis accompagné de Jill Skinner, chef adjoint du Service de police d'Ottawa. Le chef adjoint et moi sommes tous les deux membres du Comité sur les victimes d'actes criminels de Association canadienne des chefs de police.
Notre but, en tant que responsables de l'application de la loi, est toujours d'assurer la sécurité de nos collectivités, de nos agents et des plus démunis. Nos membres sont des gens dévoués qui veulent protéger et assurer la sécurité des Canadiens, tout comme nos collègues des Forces armées canadiennes, qui servent fièrement les Canadiens en défendant nos valeurs, nos intérêts et notre souveraineté au pays et à l'étranger.
Nous sommes tous fiers, en tant que Canadiens, de notre détermination collective à faire face à des actes et des menaces insensés comme ceux de la semaine dernière. Nous continuons tous ensemble à pleurer la mort de l'adjudant Vincent et du caporal Cirillo.
Nous tenons aussi à saluer le courage des agents de la GRC, du Service de police d'Ottawa, des gardiens de sécurité de la Chambre et du Sénat, de même que de l'un des membres de notre association, le sergent d'armes Kevin Vickers, lors des événements de la semaine dernière à Ottawa.
Notre association réalise principalement son mandat, placé sous le thème « Sûreté et sécurité pour tous les Canadiens grâce à un leadership policier innovateur », par l'entremise des travaux et projets spéciaux menés par ses comités, et aussi par l'entremise de ses activités de liaison avec les ministères, à tous les échelons de gouvernement, qui ont des responsabilités exécutives ou législatives touchant la loi et les services policiers.
Depuis sa création en mai 2012, le Comité sur les victimes d'actes criminels montre bien l'engagement national de Association canadienne des chefs de police à veiller au respect des droits et à la protection des victimes. Le comité, qui représente les policiers auprès des instances fédérales, provinciales, municipales et autochtones, a pour mandat de renforcer la capacité des policiers de répondre efficacement aux besoins des victimes de crime.
Lors des consultations menées par le gouvernement du Canada en vue du projet de loi , l'Association canadienne des chefs de police s'est prononcée en faveur de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la Charte canadienne des droits des victimes.
Partout au Canada, les services de police ont le même objectif, celui de servir et de protéger la population. Pour de nombreuses personnes, toutefois, leur premier vrai contact avec la police se fait dans des circonstances malheureuses, soit lorsqu'elles sont victimes d'un crime.
Les organismes d'application de la loi en sont donc venus à la conclusion, en particulier au cours des dernières années, que l'accomplissement de leur mission passe par une réponse adéquate aux besoins des victimes de crime. Les policiers sont le premier point de contact des victimes dans le système de justice pénale, et on sait maintenant que ce premier contact marque pendant longtemps l'idée qu'elles se font du système.
Partout au pays, les chefs de police sont conscients que plus une victime reçoit rapidement de l'aide, plus son rétablissement en est facilité. Son contact initial avec la police lui permet de savoir quels sont les services disponibles et de décider si elle veut en bénéficier. Plus vite elle obtient cette aide et cette information, plus vite elle entreprend son processus de rétablissement. C'est pourquoi la Charte canadienne des droits des victimes doit servir de complément aux devoirs existants des agents d'application de la loi à l'égard des victimes et de leurs familles.
Toute personne a le droit de vivre à l'abri de la violence. Lorsque quelqu'un viole ce droit, les autorités de justice pénale et d'application de la loi ont le devoir de traiter les victimes avec courtoisie, compassion et respect. Ces principes sont présents dans le projet de loi. La Charte canadienne des droits des victimes qui est proposée nous fait faire un grand pas en avant en reconnaissant les droits des victimes dans tout le système de justice pénale et en veillant à ce que leur voix soit entendue.
Les modifications au Code criminel et à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition établissent un équilibre qui permet de tenir les victimes informées, tout en n'ajoutant pas de délais indus. Le projet de loi protège aussi la vie privée et la sécurité des victimes. En exigeant que la victime soit prise en considération, le projet de loi vise à modifier les principes du système de justice pénale touchant l'inclusion des victimes. Nous pensons toutefois qu'il serait avantageux, tant pour les victimes que pour les autorités de justice pénale, de préciser quelques éléments clés qui touchent la loi et l'application de la Charte canadienne des droits des victimes.
La loi contient assurément des principes importants concernant l'aide aux victimes, mais la question des droits, combinée à l'exigence voulant que ces droits soient exercés dans le cadre des mécanismes prévus dans la loi, pourrait faire en sorte qu'il soit difficile pour les victimes de savoir quels sont leurs droits légaux exécutoires et les recours correspondants.
Nous sommes d'avis qu'en sachant clairement quels sont leurs droits légaux exécutoires et quels sont les mécanismes pour les faire valoir, il sera beaucoup plus facile pour les victimes de naviguer dans le système de justice pénale. Comme l'a mentionné Benjamin Perrin dans son document « More Than Words » au sujet du projet de loi , un droit n'en est pas un s'il ne prévoit pas de recours en cas de violation.
Deuxièmement, comme le projet de loi prévoit que ce sont « les autorités compétentes du système de justice pénale », et non pas des organismes précis, qui sont chargées de faire respecter les droits des victimes, il pourrait être difficile pour les partenaires au sein du système de savoir qui a la responsabilité de quoi. En précisant cet élément, les victimes sauront à quel organisme s'adresser et, si besoin est, quel mécanisme de plaintes utiliser pour déposer une plainte.
Comme il a été mentionné, le premier point de contact pour les victimes et leur famille est souvent les agents de police, qui jouent un rôle important pour les informer de leurs droits. Si l'information ne parvient pas aux victimes en temps opportun, cela peut leur être préjudiciable. Elles ont le droit de recevoir des renseignements pertinents, opportuns et faciles à comprendre sur la sécurité, les programmes et les services offerts, et sur les procédures d'enquêtes, judiciaires, correctionnelles et de libération conditionnelle. Pour s'assurer que toutes les victimes bénéficient des mêmes ressources et mesures de soutien de haute qualité, il sera indispensable que les services de police et leurs partenaires du système de justice disposent des fonds et du soutien nécessaires pour mettre en oeuvre la .
Premièrement, pour s'assurer que les victimes ont accès aux programmes et services, il faudra établir une façon de leur fournir des renseignements précis et uniformes, en particulier à celles qui habitent dans les régions éloignées. L'association appuie l'idée du gouvernement, énoncée dans le budget 2014, d'offrir « aux victimes des ressources en lignes qui les aideront à avoir accès aux programmes et services fédéraux à l'intention des victimes d'actes criminels ». Elle appuie aussi l'idée de créer un portail web où les victimes d'un délinquant sous responsabilité fédérale pourront voir une photo récente de leur agresseur avant sa remise en liberté.
Deuxièmement, l'association demande à ce que les organismes d'application de la loi reçoivent toute l'information nécessaire et en temps opportun pour pouvoir bonifier la formation offerte actuellement sur l'intervention auprès des victimes. Les chefs de police s'en remettent au gouvernement du Canada pour coordonner le tout avec un établissement de formation — le Réseau canadien du savoir policier, par exemple — et fournir les fonds nécessaires pour préparer les modules de formation. Un financement continu accélérera la mise en oeuvre de la dans les provinces et les territoires pour que les victimes puissent bénéficier de ces droits importants le plus vite possible.
Troisièmement, pour que des services d'aide aux victimes efficaces soient mis en place et permettent d'accroître la confiance dans notre système de justice, il faut que des sommes suffisantes leur soient consacrées partout au pays. La création d'un fonds d'aide aux victimes, semblable à l'ancien fonds de recrutement de policiers, serait nécessaire à cet égard pour les policiers.
De plus, les chefs de police tiennent à souligner l'importance, au moment de mettre en place et de financer les ressources et les services pour les victimes, de tenir compte des traumatismes historiques, de même que des sensibilités, des traditions et de la culture des Premières Nations, des Inuits et des Métis. La doit répondre à leurs besoins de manière holistique et en tenant compte de leurs particularités culturelles. Il faut aussi tenir compte du visage multiculturel du Canada, et veiller à ce que l'information soit offerte en différentes langues pour joindre toutes les victimes.
On devrait en outre inscrire dans la les droits fondamentaux exécutoires des victimes de crime, de même que la reconnaissance et le respect réels des droits de la personne des victimes, et veiller à ce que leurs besoins, préoccupations et intérêts soient pris en considération et valorisés pour encourager leur participation.
Le Comité sur les victimes d'actes criminels de l'Association canadienne des chefs de police appuie les principes promus par la . Les chefs de police insistent sur l'importance de mettre en place les ressources nécessaires partout au pays pour que les victimes de crime comprennent bien leurs droits exécutoires et puissent avoir accès aux renseignements et aux services en temps opportun.
L'association sera heureuse de continuer à participer au processus d'examen et de mise en oeuvre de la . Nous considérons que l'approche centrée sur les victimes sur laquelle repose le projet de loi constitue une base solide pour aider les victimes, et le premier pas pour mieux protéger leurs droits d'obtenir des services et d'avoir voix au chapitre tout au long du système de justice pénale.
Merci.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le greffier, mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie de m'avoir invitée.
Le projet de loi donne aux victimes d'un crime le droit à l'information, le droit de participation, le droit à la protection et le droit au dédommagement.
Bien des gens voient les victimes comme des adultes qui, avec le bon soutien, seront en mesure de mieux se débrouiller dans notre système de justice et d'y être mieux représentés, grâce à ce projet de loi. Cependant, je suis venue au nom du conseil d'administration pour représenter les enfants et les jeunes victimes qui viennent au Kristen French Child Advocacy Centre Niagara pour nous faire part de ce qu'ils ont vécu, puisque la Charte canadienne des droits des victimes répond à leurs besoins.
Puisque nous parlons d'enfants, il faut commencer par le droit de participation. C'est un droit qui ne vient pas automatiquement à l'esprit quand il est question d'enfants.
Quand nous pensons aux besoins des enfants victimes, il faut reconnaître le grand courage qu'il leur faut pour se manifester et pour discuter de leurs expériences avec des adultes. Ce sont des jeunes qui ont été victimes de violence sexuelle, physique et psychologique, qui ont été leurrés sur Internet ou qui sont victimisés pour avoir été témoins de violence.
Il faut un courage particulier, surtout quand ces crimes contre la personne ont été perpétrés dans le monde adulte, souvent par des personnes qu'ils connaissent et en qui ils avaient confiance. Il faut reconnaître aussi les besoins uniques de développement des enfants et des jeunes, alors qu'on s'attend à ce qu'ils parlent de leurs expériences à un autre groupe d'adultes qu'ils espèrent capables de corriger le tort qui leur a été fait.
Il faut aussi reconnaître les victimes secondaires, les membres non agresseurs de la famille qui, souvent, sont ébranlés d'apprendre la violation des droits du membre le plus vulnérable de leur famille.
Les centres d'appui aux enfants sont à l'avant-garde des efforts déployés pour offrir des services coordonnés qui accroîtront le sentiment de sécurité des enfants ou des jeunes et de leur famille en reconnaissant le développement axé sur l'âge qui leur est nécessaire pour participer au système de justice.
Le Kristen French Child Advocacy Centre applaudit le gouvernement du Canada parce qu'il reconnaît la nécessité de créer la Charte des droits des victimes. Ce projet de loi raffermit et soutient le mandat de collaboration des centres d'appui aux enfants à l'échelle du Canada.
Le gouvernement du Canada a démontré son engagement au soutien des victimes de crime, en particulier les plus vulnérables — nos enfants et nos jeunes —, en appuyant la création de nouveaux centres d'appui aux enfants et l'amélioration des centres qui existent déjà partout au Canada.
Les CAE ont comme objectif de réduire au minimum le traumatisme d'un enfant ou d'un jeune qui a été victime d'un crime, et l'engagement du gouvernement à adopter cette loi met en évidence la grande importance de veiller à ce que nos lois, nos programmes et nos politiques reflètent le principe de base selon lequel chaque victime, peu importe son âge — en particulier les enfants, qui dépendent des adultes pour parler en leur nom —, doit être traitée avec courtoisie, compassion et respect, et doit pouvoir effectivement participer au système de justice.
En ce qui concerne le droit à la protection, d'après les rapports de police, il y a, depuis quelques années, une augmentation nette des infractions sexuelles contre les enfants. Il ressort que, bien que les autres crimes soient en baisse, les agressions sexuelles contre les enfants et, en particulier, l'exploitation sexuelle des enfants, sont en hausse. La réduction du crime en général n'est pas d'un grand réconfort pour ces victimes.
Les cas de victimisation des enfants sont en hausse, et il faut par conséquent protéger les enfants et leur donner de meilleures possibilités de divulgation. Notre centre porte le nom de Kristen French, l'une des victimes de Paul Bernardo. L'affaire Paul Bernardo a révélé la nécessité d'améliorer la collaboration entre les services d'enquête.
De même, l'enquête publique de Cornwall et l'enquête sur l'affaire Jeffrey Baldwin ont révélé qu'il fallait exiger la reddition de comptes au sujet de la sécurité des victimes, dans l'ensemble du système de justice, parmi les services de maintien de l'ordre, d'aide à l'enfance et de santé mentale, et parmi les professionnels de l'évaluation médicolégale et les professionnels du droit.
Les enfants, les jeunes victimes de crimes et leur famille pourront mieux évoluer dans le système de justice en général grâce à des protocoles de collaboration portant sur le développement spécialisé et les circonstances qui leur sont propres.
Les partenaires de la justice ont pour mandat de recueillir les preuves, de protéger les enfants victimes et de veiller à leur bien-être, et le système de justice est là pour obtenir réparation des torts qui ont été faits et pour établir l'équilibre de la justice entre les délinquants et les victimes. Nous croyons que ce projet de loi, quand il sera mis à l'épreuve dans les cours, permettra d'améliorer la collaboration déjà amorcée entre ces services à l'échelle nationale pour répondre aux besoins particuliers des enfants et des jeunes victimes alors qu'ils évolueront dans le système de justice et auront besoin de protection.
Les centres d'appui aux enfants peuvent établir une certaine uniformité à l'échelle du pays, et ils facilitent aussi la communication de renseignements personnels, quand il existe un besoin légitime de le faire, entre les partenaires qui participent ensemble aux enquêtes sur les crimes commis contre des enfants et des familles. Ces mesures de collaboration augmentent la protection contre les risques d'autres dommages et traumatismes tout en réduisant les coûts liés aux soins médicaux, les salaires perdus, les jours d'école manqués et les dépenses engagées par les victimes qui devraient autrement se déplacer en divers endroits pour obtenir les services.
Les CAE cherchent à boucler la boucle de la réponse coordonnée des enquêteurs en établissant de meilleurs liens entre les enfants, les jeunes et les membres non agresseurs de la famille, et les services secondaires de santé mentale et les autres services liés à l'autonomie et à la protection des victimes, comme le logement, l'éducation et le soutien financier.
En ce qui concerne le droit à l'information, chaque CAE du Canada — il y en a 12 qui sont établis, 10 autres qui sont des projets pilotes en développement, et 4 qui font l'objet d'études de faisabilité — cherche à offrir des degrés divers de services collaboratifs aux enfants et aux jeunes victimes, selon sa capacité financière et géographique, sa capacité d'offrir des services, et les différences entre les diverses administrations. Il y a des différences parmi les collectivités locales et les provinces, mais les services englobent les renseignements sur le processus d'enquête, un lieu sûr où les enfants et les jeunes peuvent décrire la violence subie dans le cadre d'entrevues enregistrées, l'aiguillage vers les services communautaires, le counselling à court terme, la préparation pour le tribunal et l'accompagnement, l'aide à la rédaction de la déclaration de la victime et l'information sur les services correctionnels. Les centres d'appui aux enfants veillent à ce que ces services soient donnés par des personnes formées à la prestation de services destinés aux enfants et aux jeunes. Ces personnes doivent posséder des compétences en matière d'engagement des victimes tenant compte des traumatismes vécus. Les centres veillent aussi à ce que les services soient offerts dans des lieux en co-occupation situés à proximité ou en un seul endroit, et ils jouent un rôle de coordination afin d'aider les familles à évoluer dans le système de justice, lequel est parfois accaparant. Cette démarche permet de fournir de l'information essentielle et accessible aux enfants et aux jeunes victimes, ainsi qu'aux membres non agresseurs de leur famille.
Les centres d'appui aux enfants garantissent l'uniformisation, veillent au traitement équitable de tous et fournissent de l'information tenant compte des champs de compétence à l'échelle du pays. Selon les avantages reconnus des centres d'appui aux enfants et la recherche approfondie réalisée, intervenir et enquêter rapidement et efficacement a pour effet de réduire les coûts personnels et sociaux à long terme, pour les victimes et leurs familles. Les CAE établissent l'équilibre entre les priorités des enfants et des jeunes et leurs intérêts supérieurs, leur bien-être et la recherche de la vérité et de la justice grâce à une éducation accessible et à la compréhension du système de justice.
Cela m'amène au sujet le plus difficile du projet de loi: le dédommagement. Le travail des membres du personnel des CAE peut grandement réduire les torts émotionnels et mentaux que les enfants et les jeunes subissent, et leur approche peut aussi contribuer à l'amélioration de la qualité de la preuve présentée au procès. Des preuves de meilleure qualité peuvent mener à plus d'accusations, à un taux plus élevé de plaidoyers de culpabilité et de condamnations, à des peines plus pertinentes et à une meilleure compréhension du soutien à long terme qui peut être nécessaire pour que les victimes se rétablissent après de tels crimes. Des enquêtes et des interventions efficaces et rapides ont pour effet de réduire les coûts sociaux et personnels à assumer normalement en l'absence d'un traitement dans le sillage de la violence faite aux enfants.
Une étude réalisée en 2004 par le département d'économie de l'Université Western Ontario a révélé que le coût des effets de la violence laissée sans traitement se situe à près de 15 milliards de dollars. Cette étude ne tenait pas compte du coût de la violence faite aux enfants qui ont été victimes de leurre par Internet, et ses résultats représentent une estimation conservatrice, compte tenu de l'âge de l'étude. Le coût de la violence faite aux enfants ne se limite donc pas aux victimes, mais s'étend à la société et à ses systèmes de soutien social, bien que l'essentiel du fardeau repose sur les épaules des victimes et de leurs familles. Compte tenu de l'étendue de ces coûts, et sans changements importants à notre approche coordonnée de sorte que nous puissions mieux répondre aux besoins des victimes, le dédommagement individuel est presque impossible. Il faut donc que le dédommagement et la prévention aillent de pair.
Le dédommagement est un aspect essentiel de la justice, mais à long terme, ce qu'on espère le plus, c'est une réduction générale du nombre d'expériences initiales et chroniques de la violence faite aux enfants et aux jeunes. Le dédommagement est aussi, alors, une philosophie de la justice qui cherche à atténuer le degré de criminalité que les victimes doivent subir, tout en menant à la prévention et à la réduction des coûts subis par d'autres victimes, ultérieurement.
Si nous répondons dès le début aux besoins des enfants et des jeunes, nous pouvons changer la trajectoire de vie de l'enfant et davantage sensibiliser les adultes, les enfants et les jeunes au sujet de la violence elle-même, de ses signes et de ses symptômes en donnant un accès vital à des modèles de divulgation axés sur les enfants et les jeunes.
Il est évident que le gouvernement fédéral est déterminé à veiller à ce que les enfants et les jeunes victimes de crimes, ainsi que leurs familles, aient les ressources et l'appui nécessaires au moment de traiter avec les divers professionnels qui sont chargés d'assurer la justice. Nous applaudissons les efforts que le gouvernement continue de déployer pour incorporer les droits des enfants.
Pour protéger la justice, il faut inclure l'atténuation des coûts réels dans le dédommagement, améliorer l'intervention précoce et créer des normes de soins aux victimes, à la suite des crimes. Nous croyons que les CAE offrent un modèle amélioré qui répond fondamentalement à ces droits si les enfants ont un accès convenable à la divulgation, pour commencer. Il faut cependant aussi que la collaboration soit prévue dans le mandat, pour qu'il soit possible de faire valoir ces droits en temps réel, dans la vie de chacun.
Merci.
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Je vais essayer de faire cela.
[Français]
Je remercie tous les témoins qui sont parmi nous aujourd'hui.
Les perspectives que chacun de vous nous présente sont similaires entre elles, à bien des égards, mais elles diffèrent en fonction de l'expertise propre à chacune de vos organisations. Je vous en remercie profondément.
Je voudrais dire quelques mots à M. Landry.
Il y a longtemps que nous sommes en contact et que j'entends parler des difficultés vécues par les orphelins de Duplessis. Je sympathise grandement avec vous et je vous remercie pour ce que vous faites. Vous avez un coeur plus grand que nature.
[Traduction]
Merci à vous, madame Handy. Ce que votre organisation et vous faites est fantastique.
Teresa et Dawn, je vous remercie de ce que vous faites pour les Premières Nations. C'est formidable et effrayant en même temps, car d'après ce que j'ai entendu, les solutions sont difficiles à trouver. Mais nous essayons tous. Je vais demeurer positive, aujourd'hui.
[Français]
Madame Gaudreault, vous avez mis le doigt sur le bobo. Ce sont, je crois, les aspects du projet de loi au sujet desquels j'entends le plus de récriminations.
Pendant que vous nous parliez de ce qui cause problème dans le projet de loi , je suis revenue à un résumé législatif préparé par les gens de la Division des affaires juridiques et sociales du Service d'information et de recherche parlementaires. Une statistique m'a vraiment frappée: pour l'année 2008 à elle seule, le coût socioéconomique de la criminalité au Canada, pour ce qui est des victimes, se chiffrait à 99,6 milliards de dollars.
Cette somme représente évidemment aussi bien les coûts tangibles — soins médicaux, perte de salaire et de productivité, biens endommagés, notamment — que les coûts intangibles. Ces derniers sont souvent les plus difficiles à quantifier, mais sont très présents lorsque la criminalité est en cause. On parle ici de stress, de douleur, de perte de qualité de vie, et ainsi de suite. Selon cette étude, ce sont les victimes qui assument la majeure partie des coûts de la criminalité, en l'occurrence 83 % des coûts tangibles et intangibles. Il va sans dire que c'est énorme, sans compter que notre système judiciaire n'est pas toujours ce qu'il devrait être.
Entrer dans ce système est intimidant pour les jeunes avocats qui commencent dans le métier, alors imaginez ce que cela peut être pour une victime. C'est Me Laferrière, je crois, qui nous a dit au cours de la première journée où comparaissaient les témoins qu'il était également d'avis que la loi manquait un peu de mordant. Bref, il y a beaucoup de voeux pieux.
Il suggérait que l'on retire l'article 20 du projet de loi. En ce qui a trait aux amendements, j'aimerais savoir si vous considérez comme étant une solution raisonnable le fait qu'on abroge l'article 20. L'ensemble du préambule a comme but de nous expliquer ce que fait la loi et quels droits elle confère, mais on y précise ensuite que cela ne peut pas s'appliquer dans telle et telle circonstance. C'est ma première question.
Vous nous avez dit, je pense, que le système de l'Ontario et celui du Manitoba étaient beaucoup plus avancés. Je crois que M. Murie, qui représente l'organisme Les mères contre l'alcool au volant, nous a dit que 90 % de cette loi allait devoir être appliquée par les provinces. Compte tenu de cette situation, je serais curieuse de savoir en quoi le Manitoba et l'Ontario sont meilleurs.
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Je ne suis pas juriste, mais j'ai lu ce que M
e Laferrière a dit. Notre position concernant le pouvoir discrétionnaire est qu'il est inévitable. La police et le poursuivant ont un pouvoir discrétionnaire. C'est normal que le juge puisse individualiser la peine et que la Commission des libérations conditionnelles du Canada prenne des décisions en ayant recours à son pouvoir discrétionnaire.
Si vous regardez toutes les législations, que ce soit aux États-Unis, au Canada ou ailleurs, les représentants de la justice ont un pouvoir discrétionnaire. On doit donc plutôt chercher des améliorations au chapitre de l'utilisation qu'on en fait et des moyens dont on dispose pour revendiquer ces droits. Je pense qu'il ne serait pas réaliste que nous suggérions l'abrogation de l'article 20. Je pense qu'il faut l'améliorer et faire en sorte que les victimes aient davantage de recours, qu'ils connaissent les mécanismes de plaintes, qu'ils sachent comment s'en servir et qu'il y ait des ombudsmans dans les provinces pour traiter les plaintes de façon systématique. Il s'agit d'un ensemble de choses.
Le Canada a choisi d'adopter une loi. D'autres pays, comme le Royaume-Uni, ont choisi de faire des chartes qui ne promulguent pas des droits, mais qui demandent des engagements, qui demandent à la police, aux procureurs et à la commission des libérations conditionnelles de prendre des engagements pour que les victimes sachent à quoi s'attendre.
Les droits que l'on trouve dans cette loi existent déjà. On n'a rien inventé. Le Canada était un chef de file lorsque les Nations Unies ont adopté la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, en 1985. On reprend les droits, on apporte des modifications mineures au Code criminel et à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, et on regroupe tout cela dans une même loi. Quand le projet de loi sera adopté, il faudra être en mesure de dire aux victimes ce qu'on y trouve exactement et quels sont leurs droits parce qu'il y a trois définitions de ce qu'est une victime. Ce sont des modifications. Il n'y a que les juristes qui s'y retrouvent, dans ce projet de loi.
Je n'ai pas eu le temps de le dire plus tôt, mais une de nos préoccupations est que si les provinces ne se mobilisent pas pour mettre cette loi en oeuvre, tout cela ne sera qu'un discours politique, c'est tout. En fait, la plus grande partie des responsabilités repose sur les épaules des provinces. Les organismes sont inquiets. Tout le monde lit les journaux et on voit que le Québec, par exemple, est dans une période de compressions. On nous a dit qu'on allait réduire le régime d'indemnisation parce que c'est l'un des plus coûteux au Canada. On a supprimé des services en Ontario. On n'est pas dans une période où les services seront davantage financés.
Les expériences d'autres pays nous apprennent que les services d'aide vont écoper, dans tout le réseau. En effet, les services d'aide aux victimes vont être chargés de donner la plupart des informations. Des études récentes démontrent que beaucoup de ces services sont dans une situation très précaire car ils sont sous-financés. Si les provinces ne se mobilisent pas, il ne se passera rien.
Les ministres de la Justice des provinces du Canada n'ont pas fait preuve de beaucoup d'enthousiasme. Pas un seul n'a dit que c'était un beau projet. C'est inquiétant.
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Je crois que c'est le manque d'information et de compréhension face à la complexité du système de justice, ainsi que la difficulté pour la victime d'être entendue.
Quand un projet de loi, comme celui actuellement à l'étude, propose que les victimes soient informées après le plaidoyer de culpabilité alors qu'il n'existe aucun moyen de contraindre le poursuivant à informer les victimes avant un plaidoyer de culpabilité et à leur donner l'assurance que leur point de vue sera pris en compte, force est de reconnaître que la situation est très fâcheuse pour les victimes. Ce problème est dénoncé depuis plusieurs années. Concernant le droit de la victime d'être entendue, voilà un aspect du projet de loi qui pourrait être renforcé.
D'après moi, le problème se situe au chapitre de l'information à toutes les étapes du processus judiciaire. Il est important que la charte des droits des victimes enchâsse le droit à l'information, mais comment ce droit sera-t-il appliqué? Par exemple, cela touchera la Loi sur les jeunes contrevenants et donc des milliers de victimes. Nous nous trouvons ainsi dans un système différent quant à la détermination de la peine et des principes. Les victimes ont aussi le droit à l'information, que ce soit pour connaître l'identité du jeune contrevenant, pour obtenir des précisions sur les sanctions judiciaires et extrajudiciaires, ce qui n'est pas prévu dans le projet de loi. Le projet de loi ne couvre pas non plus les droits des témoins.
Il reste beaucoup de travail à faire pour clarifier ce à quoi les victimes auront droit et ce, à toutes les étapes et de la part de tous les acteurs du système de justice.
À mon avis, c'est au moment de l'exécution de la peine que l'information est la plus claire pour les victimes. L'information sur le mécanisme y est également plus claire du fait de la participation d'un ombudsman à cette étape. Toutes les étapes qui précédent celle de l'exécution de la peine doivent être clarifiées. Il faut se rappeler que le droit à l'information existe depuis 1989.
Un peu plus tôt, Mme Bennett a posé une question sur le financement des ressources. Si on voulait améliorer la situation des victimes avec le dédommagement — comme vous l'avez soulevé, madame Handy — nous aurions depuis très longtemps des programmes d'indemnisation dans toutes les provinces. Cet article existe dans le Code criminel depuis 1988, mais seule la province du Manitoba offre actuellement un tel programme . On en parle encore et on pense que c'est quelqu'un qui n'a pas d'argent pour payer qui paiera, alors qu'on n'a pas de programme de d'indemnisation. Si on voulait faire quelque chose, on devrait mettre en place des programmes d'indemnisation dans toutes les provinces avec le soutien du gouvernement fédéral. Jusqu'en 1993, le gouvernement fédéral finançait les programmes d'indemnisation, mais il a cessé de le faire depuis. Des territoires et certaines provinces, dont Terre-Neuve-et-Labrador, n'ont pas de programme d'indemnisation alors que d'autres offrent très peu dans le cadre de leur programme.
Quand on parle des besoins des victimes, il faut reconnaître que c'est une minorité des personnes qui font appel au système de justice. Dix pour cent des victimes d'agressions sexuelles ne portent pas plainte et seulement 25 à 28 % des victimes de violence conjugale portent plainte. Les autres victimes doivent avoir accès à des services, ce que ne leur offrent pas les programmes d'indemnisation. Ce ne sont pas les juges...