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Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la 52
e session du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 20 juin 2014, nous sommes saisis aujourd'hui du projet de loi , Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois.
Nous avons un certain nombre de témoins. Je crois que nous avons ce soir six groupes ou particuliers.
De la Coalition canadienne contre la terreur, nous avons Mme Basnicki, qui est cofondatrice de la coalition. Du Canadian Centre for Abuse Awareness, nous avons Mme Campbell, qui en est la présidente-directrice générale et fondatrice et M. Reilly. De l'organisation Victimes de violence/Canadian Centre for Missing Children, nous avons Mme Rosenfeldt. De l'International Organization for Victim Assistance, nous avons M. Waller. De l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues, nous avons Mme Mallet et Mme Albert. M. Gilhooly témoigne à titre personnel.
Nous allons suivre la liste des témoins qui figurent à l'ordre du jour. Vous avez chacun 10 minutes pour faire votre exposé. Ensuite, il y aura une série de questions. Nous finirons à environ 17 h 30.
C'est la représentante de la Coalition canadienne contre la terreur qui a la parole en premier.
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Je devais comparaître ici en octobre, le jour après les attaques terroristes d'Ottawa. Je dois donc dire que l'événement m'a interpellée.
Hier, il y a eu une attaque à Jérusalem. Le cofondateur de la Coalition canadienne contre la terreur est en ce moment en Israël. Un de ses amis, qui vivait à Toronto, a été gravement blessé. Inutile de vous dire que tout cela me touche et je fais donc appel à votre compréhension.
Bonjour tout le monde, et bonjour aux membres distingués du Comité de la justice. Je vous sais gré d'être ici aujourd'hui pour appuyer le gouvernement actuel qui a eu l'initiative de proposer le projet de loi pour toutes les victimes, et je l'en remercie.
Je me passionne pour ce projet de loi depuis que je fais partie du club des victimes, après le meurtre de mon époux survenu le 11 septembre.
Comme beaucoup de Canadiens ordinaires, avant le meurtre de mon époux par des terroristes, je n'aurais pas pu imaginer que ma vie changerait de façon aussi spectaculaire. Je n'imaginais pas non plus d'être appelée un jour une victime. Vous remarquerez que dans ma déclaration, je mets par respect un V majuscule au mot victime.
Beaucoup de gens me demandent pourquoi je continue de m'identifier comme veuve et victime canadienne du 11 septembre. La réponse rend la plupart d'entre eux mal à l'aise. Je suis une victime canadienne vivante, et mon mari, la victime morte. Je continuerai de me considérer comme une victime et non comme une survivante ou quelqu'un de victorieux tant que le pays que j'aime, le Canada, ne trouvera pas un équilibre entre les droits des criminels, ou dans mon cas, ceux des terroristes, et les droits des victimes.
Mon expérience en tant que victime canadienne vivant au Canada, comme celle de mon époux décédé, ne remplirait pas de fierté les Canadiens s'ils savaient tous les problèmes auxquels j'ai dû faire face après le meurtre de Ken. Après mon témoignage, pendant la période de questions, je serais heureuse de fournir à ce distingué comité tous les détails qu'il souhaite avoir.
Ce que je veux dire, c'est qu'à l'issue du 11 septembre, il n'y a pas eu de plan ou de politique en vigueur pour les victimes de terrorisme. La plupart des Canadiens pensent, premièrement, qu'ils ne seront jamais membres du club des victimes et, deuxièmement, que si l'un d'eux devenait une victime, il disposerait des droits fondamentaux et des services offerts aux moments les plus sombres de sa vie.
Les droits fondamentaux de respect, de compassion et de courtoisie ne se sont pas appliqués à moi et à ma famille après le 11 septembre. Je ne parle pas ici des Canadiens ordinaires, mais plutôt des pouvoirs politiques, c'est-à-dire le gouvernement en place au moment de l'attaque terroriste perpétrée contre la ville de New York.
Je suis devenue victime de la politique. Même après les événements récents, les politiciens se demandaient si les meurtres du caporal Nathan Cirillo et de Patrice Vincent étaient des actes de terrorisme ou bien des meurtres planifiés et exécutés de sang-froid. On ne se demande pas si oui ou non ils en étaient victimes. Même s'ils résidaient dans des provinces différentes et qu'ils étaient victimes d'une attaque terroriste ou d'un crime de violence, il devrait y avoir, au niveau fédéral, des droits et une forme d'équité pour les victimes de ces crimes.
À l'issue du 11 septembre, nos plus grands leaders politiques canadiens m'ont ignorée. Notre ancien premier ministre d'alors a tout d'abord nié qu'il y avait des Canadiens à New York. Six mois après, à la suite d'une levée de boucliers pour qu'il y ait un mémorial du 11 septembre Canada, le premier ministre a dit que ces choses arrivaient de temps à autre et qu'il n'y avait pas lieu de célébrer cet événement.
En plus de la douleur ressentie après avoir perdu mon mari victime d'un crime aussi haineux, le premier ministre a blâmé les victimes lors du premier anniversaire des attaques du 11 septembre. Interviewé à la CBC par Peter Mansbridge, il a publiquement déclaré que les attaques du 11 septembre avaient été causées par la cupidité de l'Occident. Je le répète, notre premier ministre canadien a blâmé les victimes.
Lorsque le brouillard d'incrédulité et de chagrin s'est dissipé, j'ai commencé à examiner les droits qui étaient les miens en tant que victime d'un crime violent, mais je l'ai fait à l'extérieur de notre frontière.
Nous ne sommes pas là pour discuter des services auxquels les victimes ont le droit de compter pour surmonter les traumatismes avec lesquels elles devront vivre toute leur vie. Il est toutefois important de noter que lorsque je me suis informée des services disponibles au niveau provincial, on m'a dit que je n'y étais pas admissible parce que le meurtre de mon mari avait été commis en dehors de nos frontières. Je dois toutefois apporter des précisions à cette information, car j'ai auprès de moi quelqu'un qui a joué un rôle au sein de l'organisation ontarienne des victimes de crimes, je veux parler de Sharon Rosenfeldt. On s'était alors intéressé au dossier, mais les organisations étaient liées par des mandats provinciaux qui ne prévoyaient pas le terrorisme. On avait fait tout ce qui était possible à l'époque. Les choses n'ont changé que lorsqu'il y a eu un nouveau gouvernement.
J'aimerais maintenant que le comité se penche sur la définition actuelle d'une victime de crimes. Comme l'indique le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, et je cite:
En droit, une victime est une personne qui a subi un tort physique ou psychologique résultant d'un crime [commis au Canada]. Les membres de la famille, les tuteurs légaux et les personnes à charge sont considérés comme des victimes lorsque la victime est décédée, ou lorsqu'il s'agit d'un enfant ou d'une personne incapable d'agir pour soi-même en raison d'une maladie ou d'une incapacité
Pour renforcer la charte des droits des victimes, il importe de se rappeler qu'un Canadien qui réside au Canada n'est pas moins canadien s'il devient victime d'un crime violent ordinaire ou d'un acte terroriste commis en dehors de nos frontières. Veuillez donc vous assurer que les droits des victimes soient pris en compte lorsque le crime est commis en dehors de nos frontières. Après tout, les terroristes qui sont des citoyens canadiens et qui ont été inculpés — je veux parler d'Omar Khadr — sont en mesure d'exiger qu'on respecte leurs droits. Je crois savoir en effet qu'une poursuite a été intentée contre le gouvernement canadien par M. Khadr.
Je tiens à louer de nouveaux le gouvernement actuel pour l'initiative qu'il a prise de proposer une charte des droits des victimes. J'invite tous les partis politiques à collaborer à l'élaboration de cette charte. Les droits des victimes dépassent les préjugés politiques. Je rappelle à tous les députés ici présents qu'il s'en est fallu de peu pour qu'ils soient eux-mêmes victimes de terrorisme. Les terroristes ne connaissent pas les frontières. Ils ne se soucient guère du parti politique que vous représentez. Ils ne font pas de distinction entre les races ou les croyances religieuses lorsqu'ils décident d'attaquer des civils.
Pour terminer, j'aimerais dire que ce n'est qu'après ma comparution devant l'ATA que l'honorable a proposé la création d'un ombudsman fédéral pour entendre les victimes de crimes et leur famille. Cela a été un immense pas en avant. Toutefois, j'attends toujours que le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels soit autorisé à représenter des victimes, lorsque les besoins de ces dernières ne sont pas satisfaits. Il est difficile d'insister pour avoir des services lorsque la province de l'Ontario et le gouvernement du Canada n'ont pas jugé utile d'inclure dans la définition de « victime » celles qui l'ont été en dehors de nos frontières.
J'aimerais citer une avocate irlandaise qui a dit: « Toutes les victimes canadiennes, y compris les victimes d'un crime commis à l'étranger, ont au moins le droit de recevoir des services et des appuis conformes à une norme nationale minimale ». Cette affirmation aurait pu être faite au sein du forum qui a été organisé par le bureau de notre ombudsman, et auquel j'ai eu la chance de participer en septembre dernier.
C'est à cette conférence que l'avocate irlandaise a expliqué la directive de l'Union européenne sur les droits des victimes. La directive invite tous les États membres à mettre en oeuvre une loi donnant à toutes les victimes de crimes des droits, des appuis et une protection minimum. Cette loi s'appliquera, que le crime ait été commis dans l'Union européenne ou pas.
J'aimerais me faire l'écho de ce qu'ont affirmé des membres du club des victimes de crimes. Mes amis Joe Wamback et Yvonne Harvey, ainsi que les représentants d'organisations fantastiques telles que le CCRVC — par la voix, je crois, de Heidi Illingworth — et, bien sûr, les représentants du Bureau de l'ombudsman fédéral vous ont relaté les expériences de victimes de crimes ordinaires. Notre ombudsman actuel, Sue O'Sullivan, m'appuie en étant présente aujourd'hui. Sue, je pense que vous serez d'accord avec Sharon Rosenfeldt. Je n'ai pas lu son témoignage, mais je sais d'avance que je serai d'accord avec ses déclarations car, elle aussi, est membre du club des victimes.
Je précise que j'appuie toutes les recommandations visant à renforcer ce projet de loi. Je voulais que vous ayez le point de vue d'une victime de terrorisme. J'exhorte les politiciens de tous les partis politiques canadiens à adopter le projet de loi , en le renforçant compte tenu de ce que vous ont dit d'autres victimes avant moi. J'espère sincèrement que le Canada que je connais et que j'aime fera preuve de leadership au sein de la communauté mondiale en adoptant une charte des droits des victimes qui consacrera les valeurs qui sont les nôtres en tant que Canadiens et décrétera une charte nationale des droits des victimes qui sera applicable.
Merci.
Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir invitée à prendre la parole. Cela me touche beaucoup. Je suis extrêmement reconnaissante que ce projet de loi soit présenté.
Je vais vous parler un peu de moi et vous expliquez pourquoi je suis bien placée pour parler de ce problème. En effet, j'ai survécu à des abus sexuels lorsque j'étais enfant. Pendant deux ans, j'ai été victime d'abus sexuels de la part de quelqu'un qui logeait chez nous. J'ai fini par mener un style de vie extrêmement destructeur, ce qui m'a conduit à l'hôpital, dans un service de prévention des suicides. Je parle donc en tant que survivante et victime.
À la suite de ces expériences, j'ai lancé, il y a 22 ans, l'agence appelée le Canadian Centre for Abuse Awareness. Nous sommes une agence nationale et nous nous occupons de plus de 200 000 victimes par an. Nous venons juste d'ouvrir une agence aux États-Unis, où il y en a peu comme la nôtre. Nous sommes la seule agence non autochtone à oeuvrer auprès des survivants des pensionnats indiens. C'est nous qui nous sommes occupés des survivants de Maple Leaf Gardens et, malheureusement, nous continuons de nous en occuper, parce qu'il y en a toujours qui se manifestent. Nous avons donné 16 conférences au Service de police de l'Ontario, sur le thème des hommes qui ont survécu à ces abus. Nous avons une émission de télévision nationale et deux magazines électroniques mensuels, l'un canadien, l'autre américain, et nous avons plusieurs programmes en cours. Voilà donc quelques précisions qui vous permettront de comprendre que lorsque je parle, je représente les deux côtés de la médaille.
Je suis très satisfaite de ce projet de loi, dont je voudrais souligner certains éléments. Les amendements proposés à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui visent à permettre aux victimes d'obtenir davantage d'information sur le délinquant qui leur a causé du tort sont très nécessaires pour permettre aux victimes de se sentir en contrôle. Comme le comité l'a certainement entendu à maintes reprises, ce qui peut faire le plus de bien aux victimes, c'est d'être entendues.
Je suis d'accord avec certains amendements qui donnent à une victime enregistrée certains droits, surtout celui d'avoir de l'information concernant la date de libération d'un délinquant, sa destination et ses conditions de libération. Cette information est essentielle. Lorsque Gordon Stuckless a été libéré pour la première fois, les survivants de Maple Leaf Gardens n'ont pas été autorisés à intervenir devant la commission des libérations conditionnelles. Ils ne savaient d'ailleurs même pas que Gordon Stuckless avait été libéré après avoir purgé les deux tiers de sa peine. Ils ont été effondrés et se sont sentis à nouveau victimes en apprenant la nouvelle. Je sais à quel point il est critique pour les victimes d'avoir leur mot à dire, d'être présentes aux audiences de libération conditionnelle et de comprendre le sort réservé à l'auteur du crime.
Il y a lieu d'élargir la définition de victime. En cas de décès ou si personne ne peut intervenir en faveur de la victime, il faudrait qu'un membre de la famille inscrit auprès des services correctionnels ou de la commission des libérations conditionnelles puisse le faire. Je le redis, je parle en connaissance de cause. Nombre des victimes auprès desquelles je travaille sont des hommes. L'une des victimes de Stuckless s'est récemment manifestée. Elle était tellement traumatisée à l'idée de témoigner devant le tribunal et de faire face à Gordon Stuckless que pendant le procès, nous avons dû demander à plusieurs reprises une suspension des audiences à cause du traumatisme qu'il ressentait face à Stuckless qui le regardait avec un sourire narquois. J'ai dû intervenir auprès de l'épouse de la victime afin qu'il puisse avoir du counselling. Justement, l'épouse serait le parfait exemple de quelqu'un qui pourrait le représenter aux audiences de la commission des libérations conditionnelles, car je ne le crois pas capable d'y faire face seul. Beaucoup des victimes auprès desquelles je travaille sont extrêmement traumatisées et de telles situations les traumatisent à nouveau.
Je pense qu'il est important pour une victime de connaître tous les programmes d'appui qui sont mis à sa disposition et de connaître tous ses droits, y compris celui d'être inscrit auprès des services correctionnels ou de la commission des libérations conditionnelles. Je pense tout simplement qu'il y a un écart entre ce que font les provinces et ce que fait le gouvernement fédéral. Je sais que l'ombudsman fédéral fait un travail extraordinaire. J'ai simplement l'impression qu'il faut en faire plus en faveur des victimes, non seulement au moment de la condamnation mais, aux yeux de beaucoup des victimes auprès desquelles nous travaillons, à long terme. Il faut qu'il y ait un meilleur moyen de faire savoir à tout le monde ce que les autres font. En ce qui me concerne, cela fait 23 ans que je travaille dans ce secteur et j'ai toujours l'impression que les agences pourraient faire plus en faveur des victimes
Il devrait y avoir un mécanisme en place pour traiter les plaintes déposées auprès des organisations fédérales et il devrait y avoir un droit de participation. Les victimes qui doivent faire face à leur bourreau devant un tribunal ont besoin d'appui. J'insiste à nouveau sur ce point. Chaque fois que les victimes doivent faire face a leur bourreau devant un tribunal, elles ont besoin d'un soutien thérapeutique, en plus de l'aide qu'on leur offre. Je les vois traumatisées et traumatisés une nouvelle fois. Elles pourraient certainement bénéficier d'une aide thérapeutique plus soutenue. Comme je l'ai dit, je viens d'assister au procès de Gordon Stuckless où il y a eu de nombreuses interruptions en raison des traumatismes de la victime.
Il est essentiel pour la victime que l'on reconnaisse les torts qui lui ont été causés. Elle doit sentir que les gens autour d'elle ont prêté une oreille attentive à son récit. Je suis favorable à l'idée d'une déclaration normalisée traitant des répercussions du crime sur la victime et sur la communauté, car j'ai pu constater à quel point il pouvait être difficile pour les victimes de mettre de l'ordre dans leurs pensées. C'est comme si elles revivaient le traumatisme. Je peux vous en parler pour avoir été moi-même une victime. Le traumatisme ne se dissipera pas si vous ne faites pas le nécessaire pour vous en sortir. On dit que les choses qui ne sont pas réglées reviennent sans cesse à la surface. C'est ainsi que la victime revit son traumatisme chaque fois qu'elle se trouve en présence de son agresseur ou qu'elle doit simplement franchir les étapes du processus.
Tout doit être mis en oeuvre pour assurer un maximum de sécurité lors de l'audience de libération conditionnelle. Par exemple, la victime ne devrait pas se retrouver dans la salle d'attente en même temps que son agresseur. Le droit à un dédommagement est un autre élément que j'estime primordial à la lumière de mon travail auprès des victimes et notamment de femmes ayant vécu une situation de violence conjugale. On leur demande de fournir une liste de tout ce dont elles ont besoin. Nous avons un grand entrepôt et nous offrons beaucoup de soutien aux femmes. Nous pouvons par exemple leur donner des draps, mais elles n'ont pas nécessairement de lit. On ne devrait pas se limiter à cette première liste qui est fournie au moment où la peine est imposée. J'estime essentiel de réévaluer périodiquement la situation. Je veux aussi ajouter que les victimes ne sont pas seulement des femmes. J'interviens auprès d'un grand nombre d'hommes. Plusieurs des victimes de Stuckless se sont retrouvées en prison, ont été malades ou ont eu des problèmes de toxicomanie. Comment évaluer les besoins de ces gens-là au moment de la détermination de la peine? C'est un processus qui va durer toute leur vie. J'aimerais que le suivi puisse être continu.
Il est question dans le projet de loi d'aiguillage vers des services de counselling, mais j'aimerais que le libellé soit plus clair de telle sorte que le juge sache automatiquement qu'il y a des fonds disponibles pour un tel soutien. Il faut présumer que toutes les victimes ont besoin d'une aide semblable. Je n'en ai pas encore vu une seule qui pouvait s'en passer. Certaines ne s'en rendent même pas compte. Cette forme de dédommagement devrait être systématique de telle sorte que les coûts du counselling soient remboursés. Nous travaillons auprès des Autochtones qui reçoivent des fonds à cette fin, mais une partie de cet argent sert à combler leurs besoins fondamentaux. Ils ont tous besoin de services de counselling et il y en a très peu d'accessibles, surtout pour les hommes. J'aimerais que la loi soit plus contraignante à ce sujet.
Il y a aussi le droit à la protection. Il peut s'agit simplement de fournir un téléphone cellulaire à une femme. Nous travaillons auprès de femmes qui vivent une situation de violence conjugale. Certaines de ces mesures devraient être systématiques, tout comme le counselling. Qu'est-ce qu'on peut offrir d'autre à une victime pour assurer sa sécurité?
Nous travaillons également auprès des enfants. Il est essentiel que ceux-ci puissent témoigner en dehors d'une salle de cour. Cela se fait de plus en plus souvent, mais il faut que tous comprennent bien que le processus doit apparaître aussi normal que possible pour l'enfant. Dans la salle d'entrevue du service des crimes sexuels de Toronto, nous avons caché une caméra dans un arbre. On donne quelques jouets à l'enfant si bien qu'il ne se rend pas compte qu'il est interrogé. Il est primordial de garder les choses aussi normales que possible pour l'enfant et il faut donc maximiser le soutien offert à cet égard.
En terminant, je vous dirais qu'il y a deux choses vraiment importantes à mes yeux. Premièrement, le processus doit se dérouler aussi rapidement que possible. Selon moi, tout ce qui peut ralentir les choses risque d'être néfaste pour la victime. Celle-ci vit un traumatisme et doit franchir les étapes aussi vite que possible, avec le soutien nécessaire. Deuxièmement, il y a le counselling. Je ne saurais trop insister sur l'importance d'offrir du counselling, et ce, même à l'auteur du crime... Les agresseurs peuvent obtenir des services de counselling, mais bon nombre des hommes coupables de violence conjugale ont eux-mêmes été victimes de mauvais traitements. Il s'agit donc de rompre le cercle vicieux. Il y a aussi ces femmes qui ne cessent de retourner vers le conjoint qui les violente. Si on leur offrait du counselling, on pourrait mettre fin à ce cycle de violence pour elles-mêmes comme pour leurs enfants.
Je suis très reconnaissante au gouvernement d'avoir mis de l'avant ce projet de loi et je l'appuie sans réserve.
Merci beaucoup.
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Bonjour à tous les membres du comité permanent. Merci d'avoir invité notre organisme, Victimes de violence, à vous présenter son point de vue concernant le projet de loi-Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois.
Victimes de violence est un organisme national ayant obtenu sa charte fédérale le 27 novembre 1984, soit il y a 30 ans. Notre mandat consiste notamment à soutenir les victimes d'un crime avec violence tout au long de leur parcours au sein du système de justice canadien. Il va sans dire que ces 30 années ont été marquées de nombreuses péripéties, positives pour la plupart. Nous avons notamment appris à faire montre d'une très grande patience, car les bonnes choses finissent toujours par arriver le moment venu.
C'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui. Nous considérons que le projet de loi est une mesure législative bien réfléchie dans le contexte actuel où l'on cherche une façon juste et responsable de mieux répondre aux besoins et aux préoccupations des victimes d'un acte criminel.
Comme nous ne pouvons pas compter sur l'expertise professionnelle d'avocats capables d'analyser ce projet de loi, je vais vous en parler dans la perspective de ce qui me touche le plus directement.
Lorsque nous avons signalé la disparition de notre fils à la police il y a 33 ans, on nous a répondu qu'on ne pouvait rien faire avant 48 heures, car il venait d'avoir 16 ans et qu'il était peut-être en fugue. Les choses ne se passent plus de cette manière au Canada. Lorsque nous avons voulu remettre sa photo aux journaux, ils nous ont dit ne pas pouvoir la publier, car la police ne l'autoriserait pas. Les choses ne se passent plus de cette manière au Canada.
Lorsque son petit corps a été découvert un mois plus tard, on m'en a informée par téléphone. Je me suis évanouie. Les choses ne se passent plus de cette manière au Canada. Lorsque j'ai demandé comment il était mort, on m'a dit qu'il avait reçu un coup à la tête. J'ai voulu savoir s'il portait encore ses vêtements lorsqu'on l'a trouvé; on m'a dit qu'on ne pouvait pas me fournir cette information. J'ai toutefois eu ma réponse dans les grands titres des journaux où la photo de mon fils faisait la une. On y indiquait qu'une personne qui promenait son chien avait découvert son corps dénudé après qu'il eut été violé et battu à mort. Les choses ne se passent plus de cette manière au Canada.
Lorsque j'ai voulu voir son corps pour m'assurer que c'était bien mon fils, la police m'a indiqué à quelle résidence funéraire j'allais le trouver. Sur place, le directeur a été surpris de nous voir arriver, mon mari et moi, et a demandé qui nous avait envoyés. Nous avons dit que c'était la police. Il nous a amenés dans une pièce fermée pour nous expliquer que nous n'allions pas pouvoir reconnaître notre fils vu l'état de ses restes que l'on avait dû ramasser et placer dans un contenant de verre. Les choses ne se passent plus de cette manière au Canada. Lorsque le tueur a été appréhendé et inculpé, nous l'avons appris en regardant les actualités à la télé. On y a présenté la photo du tueur et celle de 11 enfants. Mon fils était parmi ceux-ci. Les choses ne se passent plus de cette manière au Canada.
Lorsque nous, les familles, avons eu droit à notre seule et unique rencontre avec le procureur général et le procureur de la Couronne en raison de la controverse entourant la négociation de plaidoyer où l'on a offert de l'argent pour retrouver les corps des victimes, le procureur nous a tous regardés et a déclaré: « Je ne comprends pas que vous soyez autant en colère. Ces 11 enfants auraient pu tout aussi bien mourir dans un accident d'autobus scolaire. Ils sont morts, point à la ligne. » Les choses ne se passent plus de cette manière au Canada.
Je vous raconte tout cela simplement pour vous montrer que malgré les énormes progrès réalisés pour éviter que se répètent les torts causés à notre famille et à bien d'autres au fil des ans au Canada, le projet de loi- va plus loin en enchâssant dans la législation fédérale le droit à l'information au moyen des articles 6, 7 et 8 de la Charte canadienne des droits des victimes.
En outre, notre exemple témoigne des objectifs visés par le préambule qui indique notamment « que les victimes d'actes criminels et leurs familles méritent d'être traitées avec courtoisie, compassion et respect ». Il ne s'agit pas simplement de belles paroles creuses, car l'impact peut vraiment se faire ressentir pendant très longtemps pour la victime elle-même et/ou pour sa famille dans le cas d'un assassinat. Lorsque le Canada a adopté au départ la déclaration des Nations Unies sur les principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité, celle-ci indiquait que les victimes doivent être traitées avec courtoisie, compassion et respect de leur dignité.
Les termes de cette déclaration m'interpellent vraiment compte tenu du manque de respect que j'ai ressenti à l'égard de ma dignité et de mes questionnements quant aux raisons d'un tel traitement de la part des divers intervenants de notre système de justice. Tout cela m'a beaucoup blessée. On a traité le dossier de mon fils décédé en manquant totalement de respect envers sa dignité. Comme il ne peut plus se défendre lui-même, j'ai pris à mon compte ce manque de respect pour l'ajouter à celui que j'ai moi-même ressenti. C'est ainsi qu'au moment de son enterrement, j'ai été envahie d'un fort sentiment de honte qui m'a empêchée de garder la tête haute. Je lui ai alors promis que je ne retournerais pas sur sa tombe tant que je ne pourrais pas me présenter devant lui la tête haute et avec dignité.
Il m'a fallu 16 ans pour pouvoir retourner là-bas. Dans l'intervalle, de nombreuses autres victimes et défenseurs de leurs droits ont pris la parole si bien que les gouvernements en sont venus à mieux comprendre ce qu'on tentait de leur expliquer relativement à ces engagements. On a parlé de second traumatisme ou de nouvelle victimisation pour désigner l'impact causé par ce manque de respect de la dignité dans le parcours de la victime au sein du système de justice pénale.
L'événement le plus significatif est survenu à l'occasion de l'audience tenue à Vancouver en application de la disposition de la dernière chance pour Clifford Olson. La GRC a alors réuni toutes les familles présentes dans une salle du palais de justice pour leur présenter des excuses officielles quant à la manière dont elles avaient été traitées. On nous a indiqué que des améliorations avaient été apportées au fil des ans et que l'on traitait désormais beaucoup mieux les proches des victimes et des personnes portées disparues. Sur le chemin du retour vers Ottawa, nous nous sommes arrêtés à Saskatoon où mon fils est enterré et nous nous sommes rendus sur la tombe de Daryn, la tête bien haute et avec l'impression que l'on commençait à mieux respecter sa dignité comme la nôtre.
Quelque part entre 1988 et 2002, le terme « dignité » est disparu si bien que l'on disait simplement qu'il fallait traiter les victimes avec respect. C'est un phénomène que l'on semble noter davantage dans les documents et les sites Web fédéraux, car certaines provinces continuent de prôner le respect de la dignité des victimes. Nous aimerions que la Charte canadienne des droits des victimes en revienne à l'intention originale visée par la formulation de la déclaration des principes fondamentaux des Nations Unies. Je sais que c'est strictement le point de vue des victimes, mais l'expression « respect de leur dignité » revêt beaucoup d'importance pour ceux qui ont été victimes d'un acte criminel.
La Charte canadienne des droits des victimes est une loi importante qui vise, pour la toute première fois de l'histoire canadienne, à conférer des droits à l'échelon fédéral aux victimes d'actes criminels. Le statut quasi constitutionnel de ce projet de loi est fort significatif. Il est indiqué à l'article 2 qu'il s'agit d'une loi visant la reconnaissance des droits des victimes, ce qui témoigne du fait que le gouvernement fédéral reconnaît qu'un crime cause des torts, des pertes et des blessures à des personnes, plutôt qu'à l'État.
Le préambule de la Charte canadienne des droits des victimes permet de se faire une bonne idée des objectifs visés qui consistent notamment à reconnaître que: les actes criminels ont des répercussions préjudiciables sur les victimes et la société; les victimes doivent être traitées avec courtoisie, compassion et respect; les droits des victimes doivent être pris en considération dans l'ensemble du système de justice pénale; les victimes ont des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés; et la prise en considération des droits des victimes sert la bonne administration de la justice.
Le préambule revêt une importance particulière, car il peut aider un tribunal à comprendre et à interpréter la loi. Il arrive que des juges fassent référence au préambule dans leur jugement écrit. Lorsqu'on demandera à un tribunal d'interpréter les répercussions d'une loi sur les victimes, il faudra désormais se fonder sur le préambule de la Charte canadienne des droits des victimes pour préciser l'intention du Parlement.
La Charte canadienne des droits des victimes instaurera un processus administratif de traitement des plaintes qui permettra aux victimes de s'adresser à l'instance fédérale concernée si elles estiment que leurs droits n'ont pas été respectés. Ces instances gouvernementales sont tenues de mettre sur pied un mécanisme de traitement des plaintes prévoyant l'examen des allégations relatives au non-respect des droits des victimes, le pouvoir de recommander des mesures correctives à cet égard, et l'obligation d'informer les victimes du résultat de l'examen de leur plainte et, le cas échéant, des recommandations qui en découlent.
Une victime qui n'est pas satisfaite de la façon dont sa plainte a été traitée peut demander qu'on en saisisse toute autorité compétente pour examiner les plaintes touchant le ministère, l'agence ou l'organisme concerné.
Le gouvernement fédéral ne peut pas nécessairement intervenir directement relativement aux services provinciaux offerts aux victimes, mais il peut certes exercer un rôle de leadership relativement à la manière dont les victimes d'un crime doivent être traitées.
Nous considérons que la Charte canadienne des droits des victimes est un premier pas dans l'élaboration d'un cadre national pour le traitement des victimes partout au pays. Le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels pourrait contribuer à l'établissement d'une norme nationale pour les services aux victimes et travailler en partenariat avec les bureaux régionaux et les ombudsmans provinciaux pour favoriser l'application de cette norme. C'est bien sûr une question de compétence provinciale, mais c'est un domaine où les préoccupations de la sorte devraient être mises de côté pour permettre de conjuguer les efforts. Comme il ne s'agit pas pour le gouvernement de dire aux provinces ce qu'elles ont à faire, pourquoi ces dernières ne voudraient-elles pas tout mettre en oeuvre pour offrir les meilleurs services possible aux victimes? Bref, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels devrait travailler en étroite collaboration avec chaque province et chaque territoire en vue d'élaborer ce cadre et cette norme de service à l'échelle du Canada.
Il reste bien sûr à déterminer si la Charte canadienne des droits des victimes permettra d'y parvenir; mais nous souhaitons certes une plus grande uniformité dans la prestation des services offerts au pays.
Le partage des responsabilités entre le fédéral et les gouvernements provinciaux est la caractéristique prépondérante du système canadien de justice pénale. Alors que le gouvernement fédéral a l'autorité constitutionnelle de promulguer les lois pénales, ce sont les provinces et les territoires qui sont responsables de l'administration de la justice et, par le fait même, des principaux aspects qui détermineront de quelle manière et dans quelle mesure ces droits des victimes nouvellement articulés pourront se concrétiser. En outre, comme l'indiquait lui-même le ministre de la Justice, le mode de mise en oeuvre de ces nouveaux droits ne va pas être établi du jour au lendemain, la situation va plutôt évoluer avec le temps.
Je dirais en terminant qu'une grande partie des mesures prévues par le gouvernement dans ce projet de loi sont déjà appliquées au quotidien dans notre pays. Ce projet de loi a pour objet de regrouper le tout pour que l'ensemble de l'information puisse être mieux gérée. Nous avions besoin d'une charte fédérale des droits des victimes et, dès lors que ce projet de loi aura été modifié et adopté, nous pourrons aller de l'avant dans nos efforts pour veiller à ce que les victimes aient droit aux mêmes services dans toutes les régions du Canada.
Merci beaucoup.
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Bonjour, monsieur le président et chers membres du comité.
[Traduction]
Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous.
Si l'on peut voir dans ce projet de loi une première étape dans l'établissement d'une fondation pour les droits des victimes au Canada, il faut reconnaître qu'il convient d'y ajouter certains éléments. Je vais surtout insister sur l'aspect du financement, sur l'absolue nécessité pour un pays moderne d'évaluer la façon dont ces lois sont mises en oeuvre, et sur le fait qu'il ne faut surtout pas perdre de vue que la prévention de la violence demeure un enjeu primordial.
Je vous ai remis une copie de mon mémoire dans les deux langues officielles, mais je vais en faire un simple survol.
Je veux d'abord souligner à quel point nous sommes privilégiés du fait que le Canada a donné l'exemple au reste de la planète en créant un poste d'ombudsman fédéral pour les victimes de la criminalité. La titulaire de ce poste doit être félicitée pour le travail qu'elle a accompli en mobilisant les organisations spécialisées et les groupes de défense des victimes comme ceux dont vous avez entendu les représentants aujourd'hui pour essayer de définir ce qu'on devrait retrouver dans une charte fédérale des droits des victimes et — ce qu'elle a fait beaucoup mieux que moi — ce qui pourrait être confié aux provinces. Je souscris entièrement à toutes les modifications qu'elle a proposées et je ne vais donc pas revenir sur ces recommandations.
Je connais Sharon Rosenfeldt depuis longtemps et elle m'a toujours inspiré. Si c'est le fait d'avoir été moi-même victime d'un crime qui m'a amené à m'intéresser à ces questions, je me réjouis d'avoir eu l'occasion de consacrer ma vie professionnelle aux efforts déployés pour changer la façon dont nous traitons les victimes au Canada comme ailleurs dans le monde. Ma contribution a été reconnue au titre de la Déclaration des Nations Unies dont on a parlé précédemment, et j'ai eu l'occasion de participer à des rencontres bipartites au Congrès américain, un modèle à suivre dans cette initiative. Parmi mes nombreuses autres activités, j'ai aussi rédigé un ouvrage à l'intention des législateurs au sujet des droits des victimes d'actes criminels.
La première grande recommandation que je souhaite vous soumettre part du principe qu'il y a toujours un prix à payer. On n'a rien pour rien. C'est bien beau d'adopter un projet de loi, mais si on veut que les mesures prévues soient non seulement applicables, mais aussi appliquées dans la pratique, il faut que quelqu'un y mette l'argent nécessaire. Nous vivons dans un pays où on a presque doublé les dépenses en matière de justice pénale, surtout pour les services policiers, alors que les victimes n'ont rien obtenu. Je pense qu'un leadership en la matière s'impose. J'aimerais que nous nous fixions un objectif chiffré. Je propose donc que nous en arrivions d'ici cinq ans à ce que les sommes dépensées au titre des services aux victimes, du respect de leurs droits et de la prévention de la victimisation correspondent à 10 % des montants consacrés aux services policiers, aux tribunaux et aux services correctionnels.
J'aimerais que l'on corrige une malencontreuse omission dans ce projet de loi en incluant un amendement à la Loi sur la GRC de telle sorte que celle-ci devienne un modèle pour tous les services de police canadiens pour ce qui est de l'information transmise aux victimes et de leur aiguillage vers les services appropriés. Vous ne le savez peut-être pas, mais le Canada a l'une des plus faibles proportions de victimes qui alertent les services policiers au sein du monde démocratique riche. Au cours des 20 dernières années, cette proportion est passée d'environ 40 %, le taux actuel aux États-Unis et au Québec, soit dit en passant, à environ 30 %. Cela témoigne d'un manque de confiance généralisé des victimes envers le système de justice pénale et, par le fait même, de la nécessité d'un projet de loi comme celui-ci. En exigeant simplement des policiers qu'ils fournissent de l'information aux victimes et les dirigent vers les services appropriés, nous pouvons vraiment améliorer les choses.
J'ai ainsi été très impressionné d'entendre le chef de police de Toronto déclarer dans la foulée de l'affaire Jian Ghomeshi que l'on pouvait inciter les victimes d'agression sexuelle à s'adresser à la police en les assurant qu'elles seront aiguillées vers les agences qui pourront les aider. C'est une première au Canada, et j'estime que c'est très important. En considérant la charte ontarienne des droits, M. McMurtry a indiqué qu'il fallait changer la façon de faire des policiers. Ce n'est pas un changement qui serait très coûteux; il s'agit seulement de mettre les victimes au courant des services et des mesures d'indemnisation qui leur sont accessibles, et il suffit pour ce faire d'un amendement mineur à la loi.
Je veux citer le chef McFee, sans doute le superflic le plus connu au Canada, maintenant sous-ministre des Services correctionnels et policiers en Saskatchewan, qui a simplement déclaré que ce qui pouvait être mesuré pouvait être accompli.
À moins que le Canada prenne ses responsabilités et mène une enquête sur la victimisation tous les ans, plutôt que tous les cinq ans, comme en ce moment, et à moins que nous nous penchions effectivement sur la façon dont les mesures législatives sont mises en oeuvre, nous n'allons en tirer aucune leçon. Nous n'allons pas pouvoir, dans cinq ans, dire que oui, nous avons adopté cette charte des droits, mais comme vous pouvez le voir, les victimes sont encore traitées comme l'ont décrit certaines des témoins. Nous devons améliorer nos méthodes d'évaluation. Nous devons veiller à ce que Statistique Canada mène une enquête annuelle sur la victimisation, ainsi qu'une enquête spéciale sur la violence entre partenaires intimes et la violence sexuelle.
Vous savez probablement que le Congrès américain a adopté sa loi sur les droits des victimes en 2004 — j'ai bien dit 2004 — et que cette loi exige du General Accounting Office qu'il se penche sur la façon dont elle a été mise en oeuvre. Je pense que c'est pour nous un excellent modèle à examiner.
Je veux aussi souligner l'importance de la prévention. La plupart des personnes ici présentes pensent que le crime est en baisse dans ce pays parce que les rapports de police montrent une baisse. Eh bien, quand le taux de signalement passe de 40 % à 30 %, il n'est pas étonnant de constater une baisse de 30 % de l'activité policière. Les enquêtes sur la victimisation, même si elles ne sont menées qu'une fois tous les cinq ans, montrent que les taux demeurent très stables.
Il faut que nous commencions à comprendre que pour les victimes, l'un des droits les plus importants, c'est celui selon lequel le gouvernement prend des mesures efficaces pour contrer la violence. Je suis très fier à l'idée que notre gouvernement actuel ait adopté la résolution sur la prévention de la violence dans le cadre de l'Assemblée mondiale de la santé, en mai, mais je pense qu'il faut commencer à explorer les façons de mettre cela en pratique.
Je vais maintenant parler un peu de quelques autres aspects.
En ce qui concerne les chartes des droits, comme celles que je regarde dans divers pays — aux États-Unis ou en Europe, avec la directive dont nous avons parlé —, la principale critique, c'est qu'elles ne changent rien parce qu'elles ne sont jamais mises en oeuvre. Les Américains, avec leur loi de 2004, ont veillé à sa mise en oeuvre et ont veillé à ce qu'il y ait des changements chez les policiers, les procureurs et les juges. Il faut se pencher là-dessus.
La directive de l'Union européenne qui a été mentionnée se fondait en réalité sur un cadre, en 2001, et l'évaluation a été intégrée dans la loi, comme je le souhaite ici. En raison des résultats de l'évaluation, ils ont produit une nouvelle directive dans 25 langues pour 28 pays. Ici, avec nos 13 administrations — 14, avec le gouvernement fédéral —, et seulement deux langues, nous pourrions faire la même chose, sinon plus. J'appuie sans réserve la proposition de Sharon Rosenfeldt, de demander à l'ombudsman fédéral de s'occuper de cela, mais il va bien sûr lui falloir des fonds à cette fin. Je pense que c'est extraordinairement prioritaire.
Si l'on regarde les États individuellement, on constate que l'Oregon, par exemple, veille au respect des droits. La Cour suprême de l'Oregon a infirmé une décision liée à la détermination d'une peine parce que les droits de la victime n'avaient pas été respectés. L'Arizona a fait des choses semblables.
Je ne vais mentionner qu'un autre problème, et c'est celui du financement. Regardons du côté des États-Unis. En 1984, ils ont adopté quelque chose qui ressemblait à notre surtaxe pénale. Aujourd'hui, ils vont chercher plus d'un milliard de dollars par année grâce aux amendes imposées aux entreprises contrevenantes. En réalité, ils sont allés chercher 16 milliards de dollars, montant qui sert à encourager les États à mettre sur pied des services dont on a parlé, à offrir des indemnités et à aider les organismes comme ceux qui entourent cette table à faire du lobbyisme efficace. Je pense, sur le plan du financement — et je ne suis pas en train de proposer une modification —, que nous pourrions apprendre des États-Unis concernant le financement qu'il nous faut.
Je pense que mon temps est écoulé. C'est un plaidoyer pour qu'on examine la question de la mise en oeuvre et du financement, de l'évaluation et de la prévention.
[Français]
Je vous remercie beaucoup.
:
Bonjour, mesdames et messieurs les députés.
Mon nom est Dolores Mallet et je suis la mère d'Yves Albert, qui a été assassiné le 14 mars 2002 à la suite d'une erreur sur la personne durant la guerre des motards. Une telle tragédie laisse des séquelles complexes. J'ai dû être forte afin de continuer à vivre pour tous ceux que j'aime.
J'ai adhéré à l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues, ou l'AFPAD, dès sa fondation. Depuis septembre 2014, je suis présidente de cette association. Pendant toutes mes années d'implication, j'ai pu constater l'ampleur des préoccupations et des besoins des familles de personnes assassinées ou disparues.
À ce jour, l'AFPAD compte 600 familles membres, et malheureusement, d'autres familles s'y joindront. Cette situation justifie qu'on se penche sérieusement sur les mesures à envisager pour la mise en vigueur du renforcement des droits des victimes. Par ailleurs, je me réjouis du dépôt du projet de loi et j'en profite pour vous dire qu'à l'annonce de ce projet de loi, certains membres de l'AFPAD nous ont écrit pour partager leur enthousiasme. Les efforts du législateur et des divers intervenants ayant oeuvré à la réalisation de ce projet de loi sont très bien accueillis par l'AFPAD, malgré certaines préoccupations.
Plusieurs modifications proposées au Code criminel viennent combler certains besoins des victimes. L'AFPAD craint tout de même que l'application du projet de loi soit complexe. Les provinces doivent s'impliquer pour que l'application de cette nouvelle loi éventuelle soit prioritaire. Nous estimons que des mesures appropriées doivent être prévues pour faciliter le partage de la compétence en matière de justice pénale entre les différents paliers de gouvernement, qu'il soit provincial ou territorial, afin de mieux aider les familles des victimes d'actes criminels. L'AFPAD invite fortement les gouvernements provinciaux à emboîter le pas au gouvernement fédéral et à appliquer cette nouvelle loi pour bien reconnaître les droits des victimes.
Les articles 6 à 8 — Droit à l'information: Nous avons confiance que les victimes pourront avoir davantage accès à toutes les informations en ce qui concerne les services et les programmes auxquels elles ont droit, de même qu'à toute information pertinente sur le délinquant concernant sa mise en liberté, ainsi que les dates, l'heure et le lieu des procédures. Nous sommes aussi très favorables au fait que la victime aura le droit d'obtenir la photo du délinquant au moment de la mise en liberté de ce dernier.
Les articles 9 à 13 — Droit à la protection: L'AFPAD accueille favorablement les dispositions des articles 9 à 13, selon lesquels l'ensemble des facteurs vont aider les victimes à se sentir respectées et soutenues, afin d'éviter qu'elles soient confrontées à de l'intimidation, à des propos ou à des regards menaçants lors de leur présence dans les palais de justice, et ainsi vivre des périodes d'angoisse fort inquiétantes.
Les articles 16 et 17 — Droit au dédommagement: Les dispositions du projet de loi et les modifications au Code criminel relativement au dédommagement sont accueillies favorablement par l'AFPAD. Toutefois, dans l'intérêt de la justice naturelle et celui de la justice réparatrice, le dédommagement devrait toujours faire l'objet d'une ordonnance. Si cette mesure réparatrice n'est pas envisagée par le juge, ce dernier devrait en signifier les motifs dans son jugement.
Au fil de nos expériences auprès des familles de victimes, nous avons constaté un appauvrissement en raison des multiples dépenses imposées par le drame, par exemple les arrangements funéraires, les déplacements et les absences au travail.
À défaut d'un règlement de la dette du délinquant à l'expiration de sa peine, il est bien que les victimes puissent faire enregistrer toute somme impayée de la part du délinquant aux tribunaux, comme stipulé dans l'article 741.1. De cette façon, les victimes pourront suivre de près l'évolution du remboursement.
L'AFPAD trouve bénéfiques les nouveaux formulaires qui vont permettre aux victimes de faire part au juge de leurs pertes physiques, morales, matérielles et économiques. Il est bien, également, que le juge puisse ajourner les procédures pour permettre aux victimes de bien remplir ces déclarations. Nous trouvons pertinent que les victimes, ou même les personnes qui les représentent, puissent présenter un dessin, une lettre, voire une photo pour représenter la victime avant la perpétration de l'infraction.
Nous appuyons fortement l'article 718, qui stipule que les tribunaux pourront prononcer une peine en fonction de la gravité du crime commis et du tort causé à la victime à la suite de sa déclaration dans le but de susciter la conscience de la responsabilité chez les délinquants. Nous espérons fortement que le projet de loi va influencer l'attitude des personnes de loi face aux réalités que vivent les victimes à la suite du drame subi pour que ces dernières ne se sentent pas bousculées lors du processus judiciaire.
Je tiens à vous remercier de votre invitation. Au nom des membres de l'AFPAD, je souhaite que nos demandes soient accueillies et prises en considération afin qu'il y ait une équité entre les droits des délinquants et ceux des familles des victimes. Merci beaucoup.
:
Je vous remercie encore de me permettre de témoigner devant le comité.
Pour ceux qui ne le savent pas, je suis Greg Gilhooly, un de ceux que l'histoire retiendra comme ayant été, pendant des années, les victimes de l'entraîneur de hockey Graham James, le prédateur sexuel en série sans doute le plus connu du Canada.
Le premier jour où j'ai été loin de Graham, c'est le jour de mon entrée à l'université aux États-Unis. J'ai fini par revenir au Canada pour étudier le droit, et je suis devenu avocat. J'ai donc vécu intensément la tension entre l'état de victime et la connaissance du droit et des raisons qui expliquent la structure de notre système juridique. Ce qui est intéressant avec le terme « victime », c'est que même si une personne est une victime quand une autre personne enfreint la loi, il n'y a réellement pas de victime tant que la personne qui a commis l'infraction n'est pas trouvée coupable, ou tant que la cour n'a pas conclu que la personne a commis l'infraction. C'est là que se trouve la difficulté, car si quelqu'un vous a fait quelque chose, si vous êtes victime d'un acte, si vous vous retrouvez dans une situation où vous ressentez de la douleur, il y a quand même tout un processus qui doit se dérouler avant que le criminel soit condamné. Tant que ce n'est pas fait, on a un accusé.
En tant que victime, méritez-vous de participer au processus? La réponse, malheureusement, est négative, car selon nos traditions, vous n'êtes pas une victime, mais un témoin. Vous avez une histoire à raconter et c'est tout. Si on va plus loin, il y a risque d'altération du système. En tant qu'avocat, je comprends cela. Je comprends pourquoi les victimes doivent être incluses dans le processus et entendues, tel qu'on le fait maintenant, jusqu'à ce qu'on ait une victime bien définie.
Cela étant dit, on peut traiter une victime avec dignité et respect pendant tout le processus, et c'est la raison pour laquelle j'ai trouvé très encourageant d'entendre ce que le gouvernement présente dans la Charte canadienne des droits des victimes.
Je ne suis pas d'accord avec tout ce que le gouvernement fait, mais d'après moi, le gouvernement est nettement du côté des anges sur ce plan. Même si l'on ne proposait rien d'autre qu'une charte des droits des victimes, une charte disant qu'on va vous écouter tout au long du processus, c'est un cadeau des dieux pour quiconque est ou a été une victime et doit vivre le processus, car comme je l'ai dit précédemment, en tant que victime, vous voulez être entendu. Vous voulez être respecté. Vous voulez être traité avec dignité et respect. Vous avez une histoire à raconter. Vous êtes un témoin, mais ma foi, vous ressentez aussi tellement de douleur, vous n'avez pas idée, et il faut tout faire pour que le processus se vive dans la dignité et le respect. Si nous pouvons adopter une charte des droits qui englobe ces droits ou ces comportements, c'est une bonne chose, d'après moi.
La loi ne peut résoudre tous les problèmes. Ma rencontre avec Graham a eu lieu au Manitoba. Quand je me suis manifesté, avec Théo Fleury et Todd Holt, bien des années après que Sheldon l'ait fait, nous étions au Manitoba, dans le système manitobain. Il y a une charte des droits des victimes, au Manitoba. L'essence même des droits qui sont inclus dans la charte proposée est en gros la même que dans la loi manitobaine, et je peux vous dire qu'en tant que victime ayant vécu le processus, mettre tout simplement ces choses sur papier ne signifie pas que cela va se faire.
En tant qu'avocat, j'ai vécu le processus du retour volontaire de Graham, qui était au Mexique, et de sa libération immédiate sous caution. On a reconnu qu'il était venu volontairement et qu'il avait participé au processus. Nous n'avons rien pu dire à l'enquête sur remise en liberté. Graham a effectivement profité de la reconnaissance de son bon comportement et de son adhésion au processus, et il a été mis en liberté. Nous ne savions pas où il était. Nous ne savions pas ce qui se passait. Nous n'avions aucune information sur ses allées et venues. Graham a ensuite fait face aux accusations qu'on a fini par porter contre lui, et il a décidé de jouer avec la Couronne et de négocier pendant presque 13 mois, après le dépôt des accusations.
À la fin, Graham a décidé de plaider coupable aux accusations concernant deux de ceux qui s'étaient manifestés, mais pas moi. Nous avons toujours pensé qu'il allait faire traîner le dossier de Théo. À la fin, c'est mon dossier qu'il s'est amusé à faire traîner. Nous pensons savoir pourquoi il a fait cela, mais il n'est pas question pour moi de sonder les pensées de Graham James. Un vendredi, j'ai eu un appel du travailleur social manitobain qui s'occupait de mon dossier. Il m'a dit: « Bonne nouvelle. Graham a convenu d'un plaidoyer, mais malheureusement, il ne plaide pas coupable aux accusations qui te concernent. Nous allons te faire signe la semaine prochaine. » Je peux vous dire que cela a peut-être été le pire appel téléphonique de ma vie.
L'avocat en moi a tout à fait compris ce qui se passait. Graham était en position de pouvoir. La Couronne avait déjà une condamnation. Elle ne serait pas obligée de le citer à procès. Il était question d'incidents qui s'étaient produits des dizaines d'années auparavant. D'autres victimes qui ne s'étaient pas encore manifestées auraient vraisemblablement été citées à comparaître. C'est une situation qui aurait pu devenir très laide.
Le problème, c'est que la Couronne a pu obtenir un bon résultat sensé, mais qu'elle a pris la décision sans consultation. Pensez à l'occasion qui a été manquée. Ils traitaient avec moi, et je suis un avocat. Il ne s'agissait que de me passer un coup de fil, le matin où les procureurs de la Couronne du Manitoba allaient se réunir. Il semble que cela se soit produit aux plus hauts échelons. Ils ont réuni un groupe de procureurs de la Couronne et ont essayé de déterminer ce qu'ils feraient. S'ils m'avaient appelé pour me discuter avec moi et me dire que la situation était difficile, j'aurais pu participer à cette décision et j'aurais pu éviter à d'autres victimes ne s'étant pas manifestées de devoir témoigner. J'aurais pu éviter à Todd Holt et à Theo Fleury de témoigner. J'aurais pu participer à un bon résultat satisfaisant pour toutes les parties, sachant que même si je m'étais manifesté, la peine de Graham n'aurait pas été plus longue, vu le principe de totalité qui prévaut ici en droit pénal.
J'aurais pu participer à quelque chose de magnifique. J'aurais pu sentir que j'étais un élément positif dans ce qui se passait. J'aurais pu m'opposer, et j'aurais au moins eu l'impression qu'on m'écoutait. En fin de compte, j'ai eu un appel — pas d'un procureur de la Couronne, parce qu'aucun d'eux n'a eu le coeur de m'appeler, mais du travailleur social responsable de mon dossier.
La bonne chose, c'est que la loi du Manitoba prévoit l'affectation d'un travailleur social au dossier. La bonne chose, c'est que j'ai été tenu au courant du processus, du début à la fin. La bonne chose, c'est l'éventail de droits qui sont pour la plupart dans la charte des droits proposée ici. Ce sont toutes de bonnes choses qui m'ont donné du pouvoir et qui m'ont donné l'impression que je savais ce qui se passait. C'est bon, mais je vous fais part de mon cas simplement pour vous signaler qu'on peut rédiger toutes les belles lois qu'on veut, mais cela ne garantit rien dans les faits. Cela étant dit, ce n'est pas parce que les choses voulues ne se produisent pas qu'il ne faut pas essayer de proposer le bon éventail de droits qu'il faut. Si les victimes sont traitées avec dignité et respect dorénavant, et si on les écoute, le système ne peut qu'en tirer profit.
J'ai été découragé par la lecture des témoignages de votre dernière séance, quand le chef de l'association des juristes de l'État s'est dit opposé à l'obligation de consulter les victimes avant tout plaidoyer entendu ou donné. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi devoir obtenir l'avis d'une victime peut de quelque manière que ce soit entraver le travail de qui que ce soit. J'espère que tous les procureurs de la Couronne au sein de nos collectivités veulent entendre ce qu'une victime a à dire et en tenir compte, et qu'ils encourageraient les victimes à parler de ce qu'elles estiment pertinent dans les circonstances, ou au moins à faire partie de la discussion.
Comme avocat, je comprends pourquoi je ne peux être rien de plus qu'un témoin, mais je n'arrive vraiment pas à comprendre pourquoi un procureur s'opposerait à ma contribution au dossier. C'est intéressant. Avec du recul, vous constaterez que les victimes dans l'ensemble ont souvent un point de vue que les autres peuvent ne pas être en mesure d'apprécier. Pensez au cas récent du joueur de football de la NFL, Ray Rice, le type qui a frappé sa femme dans l'ascenseur. Son cas a fait du bruit aux États-Unis, et il y a eu beaucoup de discussion à savoir si la NFL était allée trop loin ou n'en avait pas assez fait en le suspendant pour deux matches après avoir entendu des rumeurs de violence conjugale. Puis il y a eu la vidéo de l'agression. On ne peut pas l'oublier, une fois qu'on l'a vue. Tout à coup, je me suis demandé comment j'avais bien pu trouver que deux matches, c'était une peine suffisante. Je dis cela pour donner le point de vue de la victime en général. La victime voit le crime se dérouler, et la victime doit subir tout ce que l'élite intellectuelle, les professeurs de droit, les avocats ont à dire dans leurs discussions sur la peine à donner dans certaines circonstances.
Je sais que comme victime de Graham, j'ai vu bien des éditoriaux disant que la peine initiale de deux ans et demi n'était peut-être pas la meilleure peine. Cependant, quand elle a été haussée à cinq ans après l'appel, c'était probablement correct. Je ne suis pas du genre à dire qu'il faut les enfermer et jeter la clé, mais je tiens à vous dire à tous que pour un prédateur sexuel en série qui a commis plus de 400 agressions sexuelles — c'est ce qu'il a admis —, lesquelles ont mené à ses deux premières condamnations, il est bien possible que cinq années ne suffisent pas. Mais c'est sans importance.
Ce que je dis, c'est que la perspective de la victime est importante. Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire un exposé.
:
Je suis habituellement la pire, sur ce plan.
[Français]
Je vous remercie pour les témoignages que vous nous avez livrés. Ce que vous avez vécu, ainsi que tous les témoins présents aujourd'hui, nous rejoint et donne un visage à la Charte des droits des victimes. On ne peut que sympathiser avec vous.
[Traduction]
Il n'y a pas de mots pour dire ce que vous avez dû ressentir à divers égards. Cela étant dit, je pense qu'il y a un thème très actuel dans une grande partie de votre exposé. L'idée d'en faire quelque chose d'obligatoire m'interpelle particulièrement. Et pour en garantir le succès, nous devons avoir la contribution des provinces. De nombreux témoins l'ont dit. Ce qui m'inquiète un peu, c'est que, bien que notre greffier ait fait tout ce qu'il pouvait, un seul ministre provincial de la Justice a eu le courage — je le dis et on va me faire écoper plus tard, même mon propre ministre au Québec — de venir exprimer son point de vue au comité. J'ai lu un communiqué de presse du ministre de la Justice de ma province, le Québec.
[Français]
Elle y disait, au sujet de la Charte des droits des victimes, à la suite d'une rencontre fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice, que le Québec avait sa propre façon de procéder et que cela fonctionnait déjà.
[Traduction]
Je pense sincèrement que les provinces... Je ne sais pas si elles prennent la Charte à la légère. Cela me fait très peur, car dès que nous l'aurons adoptée, elle passera dans d'autres mains et les jeux seront faits. Notre travail se limite à adopter ces dispositions et tout ce qu'on peut faire ensuite, c'est espérer que les victimes seront traitées équitablement et pour reprendre vos paroles, monsieur Gilhooly, « avec dignité et respect ». J'espère que c'est ce qui se passera, mais vous avez entendu vous aussi ce qu'ont dit les procureurs de la Couronne, qui sont de votre côté du moins, du côté des victimes. Sans être vos avocats, ce sont eux qui en sont les plus proches, et ils ne semblent pas bien voir leur rôle dans la diffusion de l'information.
Je sais que ce petit laïus a pris une bonne partie de mes cinq minutes, mais je pense que nous comprenons votre situation, et je pense avoir bien compris votre message.
J'ai quelques questions très brèves sur le droit à l'information, parce que je vous trouve tous très généreux d'appuyer le projet de loi. Je l'appuie aussi, soyez sans crainte, et je pense que ce sera le cas de tous les partis. Je veux toujours améliorer les choses et cela vient sans doute de la façon dont j'ai été élevée.
J'ai toujours pensé que le droit à l'information était l'un des points les plus importants. Vous l'avez mentionné. Les gens auraient pu vous parler d'une façon très différente parfois, pour arriver au même résultat, et cela aurait fait toute la différence, Gregory.
Le fait que toute victime a le droit, sur demande, d'obtenir des renseignements, cela place encore une fois le fardeau d'en faire la demande sur les épaules des victimes, car si elle n'en fait pas la demande,
[Français]
— en français, c'est sur demande —
[Traduction]
elle ne les obtiendra pas nécessairement. Il n'y a pas vraiment d'obligation. Ne devrions-nous pas supprimer l'expression « sur demande » pour faire de ce droit à l'information une obligation dans la Charte? Seriez-vous d'accord avec cette idée?
Je vous remercie tous de vos témoignages, et merci de continuer à défendre les droits des victimes. Vous avez manifestement conjugué vos efforts pour améliorer le sort des victimes.
Aux victimes et aux proches des victimes qui sont ici, je tiens à dire qu'il faut du courage pour venir témoigner. Vous entendre est pour nous la seule façon de nous assurer que la Charte s'occupera des victimes avec dignité et respect. Clarifier le portrait contribue en grande partie à la solution, et je vous en remercie.
[Français]
Madame Mallet, j'aimerais vous poser une question concernant l'importance de la déclaration de la victime.
Lors des consultations menées par le ministre, on s'est plaint de certains délais dans le système. On a dit que ce retard touchait le processus de réhabilitation. La loi prévoit que le juge peut, s'il considère que cela ne va pas créer d'injustice, ajourner une audience pour recevoir une déclaration de la victime si, pour une raison ou une autre, cette déclaration n'a pas été effectuée.
Est-ce que l'importance de la déclaration de la victime justifie un ajournement d'audience?
:
Merci à tous nos témoins.
M. Waller et M. Gilhooly, en particulier, ont souligné des questions qui me préoccupaient pendant les audiences.
Monsieur Waller, vous avez dit qu'on n'a rien pour rien.
Monsieur Gilhooly, vous avez dit que la loi ne peut pas régler tous les problèmes et que le simple fait de mettre quelque chose par écrit ne veut pas dire que cela se concrétisera.
Nous discutons aujourd'hui des dispositions de la loi, alors que ce qui compte vraiment, ce sont les ressources qui les accompagneront pour vraiment donner un sens à ce que nous voulons faire.
Je vais commencer par vous, monsieur Waller, et j'aimerais revenir sur quelques éléments dans votre mémoire. Vous mentionnez que les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada n'ont pas augmenté les ressources consacrées aux droits des victimes et aux services qui leur sont offerts, alors que celles consacrées aux activités policières ont augmenté considérablement. J'aimerais fouiller un peu plus la question. Pourriez-vous nous donner une idée du niveau de soutien offert à l'heure actuelle et de sa répartition? À la page suivante de votre mémoire, vous parlez de consacrer aux victimes 10 % des ressources fédérales consacrées au système pénal, soit les services de police, les tribunaux et les services correctionnels. J'aimerais avoir une idée de ce que cela représente par rapport au niveau où nous nous situons à l'heure actuelle, et de ce qu'il faut atteindre pour donner tout son sens à la Charte des droits des victimes.
:
Je vais continuer dans cette veine pendant un peu de temps parce que je crois que deux choses sont très importantes pour les victimes. À mon avis, une de ces choses, c’est de se sentir assez à l’aise pour signaler un acte criminel.
En ce qui concerne les statistiques que vous présentez dans votre rapport, monsieur Waller, je viens du Québec, et ce que vous dites me surprend un peu. Je sais que nous offrons un certain soutien aux victimes.
[Français]
Néanmoins, je pense que Mme Mallet ne dirait pas nécessairement que l'appui est à ce point extraordinaire au Québec qu'on peut prétendre que les victimes y sont mieux traitées.
[Traduction]
Comme nous l’avons aussi entendu dire par certains experts qui travaillent auprès de victimes tous les jours, chaque province a mis en place un système qui lui est propre en vue de protéger et d’appuyer les victimes. Mes collègues me corrigeront peut-être, mais je pense avoir entendu dire que le Manitoba, ou une autre province dans l’Ouest, a un très bon système, un peu meilleur que celui des autres provinces. Toutefois, je ne voudrais pas me prononcer sur quelle province est meilleure ou quel système est meilleur.
En ce qui concerne le taux de 31 % dont vous parlez ici, le pourcentage de victimisation par crime rapporté, je soupçonne qu’il s’agit d’autres genres d’actes criminels. Il ne s’agit pas toujours nécessairement d’agressions sexuelles. Il pourrait être question de vols. Ou alors, s’agit-il d’un type de crime en particulier?
:
Eh bien, je suis un partisan de l’ombudsman, comme vous l’avez entendu. Je pense qu’il s’agit d’une des meilleures choses que votre gouvernement ait accomplie pour le Canada et pour nous démarquer pour ce qui est des victimes.
Il faudrait que vous demandiez à Statistique Canada de recueillir des données à ce sujet. Il faudrait peut-être envisager que ce soit le vérificateur général qui s’en charge, compte tenu du rôle qu’il joue. Je n’en suis pas vraiment certain.
Si vous regardez la loi américaine, à mon avis, vous verrez que cela est prévu dans le libellé, et voilà justement ce qui est si important. Cela devient réellement une façon progressive d’améliorer les choses.
Si vous regardez aussi le cadre européen de 2001, qui était un bon cadre, vous verrez qu’il exigeait une évaluation indépendante. Cette évaluation a été effectuée par un institut de victimologie — je suis trop âgé pour diriger un tel institut moi-même, mais j’aimerais bien qu’il y en ait un au pays — et divers groupes d’aide aux victimes. Ce sont leurs recommandations qui ont mené à cette nouvelle directive qui établit des normes minimales d’un bout à l’autre de l’Union européenne, dont la mise en oeuvre a été financée par l’Union européenne.
Il serait extrêmement important d’allouer plus d’argent que prévu à la mise en oeuvre et à l’évaluation de la loi. De plus, j’aimerais voir plus d’argent être concrètement affecté à la prévention de la victimisation et à la réduction des taux de victimisation en général — et, en passant, cela permettrait d’économiser de l’argent.