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La séance est ouverte. Mesdames et messieurs, bienvenue à la réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 29 octobre, nous sommes saisis du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre un conducteur de véhicule de transport en commun).
Comme vous le savez, il a été adopté à la Chambre à l'unanimité.
Aujourd'hui, nous accueillons trois personnes pour nous en parler, et nous procéderons ensuite à l'étude article par article. Il y a seulement un article et le titre. Les témoins ne sont pas encore arrivés, mais des membres du personnel du ministère de la Justice seront présents si nous avons besoin de les consulter.
Aujourd'hui, nous accueillons le parrain du projet de loi au Sénat, l'honorable Bob Runciman, et celui de la Chambre, le député de Pickering-Scarborough East, M. Chisu. Nous accueillons également, de l'Association canadienne du transport urbain, Michael Roschlau, président-directeur général. De plus, par vidéoconférence, nous entendrons Neil Dubord, chef de la Metro Vancouver Transit Police.
Vous avez la parole, monsieur le sénateur. Techniquement, vous avez chacun 10 minutes, mais si vous êtes brefs, nous pourrons entamer l'étude article par article plus rapidement.
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Merci, monsieur le président. Je crois qu'il faut être brefs. J'aimerais vous remercier et j'aimerais remercier les membres du comité de me donner l'occasion de parler du projet de loi. Je sais que votre comité est très occupé.
Le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre un conducteur de véhicule de transport en commun) modifie le Code criminel afin d'exiger du tribunal qu'il considère comme circonstance aggravante pour la détermination de la peine le fait que la victime de voies de fait soit le conducteur d'un véhicule de transport en commun dans l'exercice de ses fonctions. Ce faisant, il ajoute un nouvel article immédiatement après l'article 269 du Code criminel. Les infractions visées par ce nouvel article sont les dispositions liées aux voies de fait des articles 264 à 269 du Code criminel.
Le nouvel article proposé définit également un conducteur de véhicules de transport en commun comme étant une personne qui conduit un véhicule servant à la prestation au public de services de transport de passagers, et cela comprend les conducteurs d'autobus scolaires.
Un véhicule, dans cet article, s'entend notamment d'un autobus, d'un véhicule de transport adapté, d'un taxi agréé, d'un train, d'un métro, d'un tramway et d'un traversier.
J'ai commencé à me pencher sur cet enjeu il y a environ un an, après avoir lu sur une agression particulièrement violente qui s'est produite ici, à Ottawa, et qui a entraîné, à mon avis, une condamnation très inappropriée, c'est-à-dire aucune peine d'emprisonnement. C'est seulement après avoir rencontré les représentants du Syndicat uni du transport que j'ai commencé à comprendre l'étendue de ce problème. J'aimerais remercier le SUT d'avoir signalé ce problème et d'avoir demandé des modifications législatives sans relâche pendant de nombreuses années.
Chaque année, au Canada, on signale environ 2 000 agressions commises contre des employés des transports en commun, et plus de 80 % de ces agressions sont commises à l'intérieur d'un véhicule. Je crois que nous trouvons tous ces statistiques choquantes, mais ce qui est encore plus inquiétant, c'est le degré de violence présent dans ces incidents.
En effet, un passager mécontent au sujet d'un transfert d'autobus a battu de façon prolongée un conducteur d'autobus de Winnipeg, en le frappant avec des marteaux, en le poignardant et en l'assommant jusqu'à ce qu'il perde connaissance. On a également jeté de l'urine sur un conducteur d'Ottawa. Parfois, les victimes de ces attaques doivent s'absenter du travail pendant des mois, mais trop souvent, le délinquant ne passe même pas une journée en prison.
J'aimerais parler brièvement de certaines questions qui ont été soulevées au sujet du projet de loi. M. Dubord peut certainement vous en parler beaucoup plus en détail.
Pourquoi viser uniquement les conducteurs de véhicules de transport en commun, étant donné que les employés d'autres secteurs sont exposés aux mêmes risques? Même s'il faut bien entendu protéger les conducteurs de véhicules de transport en commun, ce qui distingue leur cas des autres métiers, c'est le risque couru par le grand public. En effet, un grand nombre de ces agressions sont commises lorsque le véhicule est en mouvement. Imaginez les risques que courent la population, les passagers, les autres conducteurs, les piétons et les cyclistes lorsque le conducteur est agressé pendant qu'il conduit un véhicule de 10 tonnes transportant des dizaines de passagers dans une rue urbaine achalandée.
Je sais qu'on a présenté des projets de loi similaires, et ils visent tous les travailleurs du secteur des transports en commun. Ce n'est pas le cas de ce projet de loi. Les voies de fait commises contre un vendeur de billets de métro représentent une menace pour sa sécurité, mais cet incident ne comporte pas de risque pour la population.
Le projet de loi a été rédigé pour viser précisément les conducteurs de véhicules de transport en commun pendant l'exercice de leurs fonctions. C'est également la raison pour laquelle le projet de loi ne modifie pas le libellé général des dispositions relatives à la détermination de la peine contenues dans l'article 718 du Code criminel, car le projet de loi se concentre strictement sur la sécurité du grand public. Le libellé vise précisément les actes criminels qui sont habituellement commis contre un conducteur lorsque le véhicule est en mouvement, en particulier les voies de fait.
Il y a une autre différence entre le projet de loi et les projets de loi similaires qui ont été présentés ces dernières années. En effet, ce projet de loi est le seul qui inclut les conducteurs de taxi dans la définition d'un conducteur de véhicule de transport en commun. Conducteur de taxi est d'ailleurs l'un des métiers les plus dangereux au Canada. En effet, ces personnes travaillent la nuit, elles sont seules avec des inconnus, et elles transportent de l'argent liquide.
Depuis que j'ai présenté ce projet de loi, de nombreuses personnes m'ont approché pour me remercier, parfois de façon très émotionnelle, et souvent au nom d'un membre de la famille ou d'un proche qui conduit un taxi. C'est souvent le premier emploi des nouveaux Canadiens. Ils sont conscients du risque qu'ils courent, mais ils considèrent que c'est une étape nécessaire pour assurer un meilleur avenir à leur famille.
Il faut que les gens qui conduisent des autobus ou des taxis se sentent en sécurité lorsqu'ils se rendent au travail, et il faut que les passagers se sentent en sécurité lorsqu'ils utilisent le transport en commun.
En conclusion, monsieur le président, j'aimerais dire que le projet de loi équilibre le droit du Parlement d'offrir des directives au tribunal qui a un pouvoir discrétionnaire dans la détermination de la peine. C'est une approche qui peut avoir des effets importants sur la détermination des peines et qui contribue à protéger les conducteurs et les passagers.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Chers membres du comité, mes remarques seront également brèves.
Je tiens tout d'abord à vous remercier de cette invitation à comparaître devant vous. Nous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de nous prononcer sur le projet de loi , qui vise à faire en sorte que les agressions contre les chauffeurs de véhicules de transport collectif soient considérées comme un facteur aggravant dans la détermination de la peine.
[Traduction]
L'ACTU, comme certains d'entre vous le savent peut-être, représente la voix collective du transport urbain partout au Canada. L'organisme tient à être au coeur des enjeux de la mobilité urbaine et il collabore avec tous les paliers de gouvernement. Nous représentons les systèmes de transport en commun, les fournisseurs, les organismes gouvernementaux, les particuliers et les organismes connexes de partout au pays.
J'aimerais préciser que l'Association canadienne du transport urbain et ses membres appuient sans réserve le projet de loi . Nous avons comparu précédemment devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet de ce projet de loi, et mes commentaires d'aujourd'hui refléteront directement ceux qui ont été formulés devant le comité du Sénat.
Jour après jour, les conducteurs de véhicules de transport en commun de tout le pays amènent des milliers de personnes au travail, à l'école, à leurs lieux de loisirs et à des centres de services communautaires et de soins de santé. Entre autres tâches et responsabilités, les conducteurs doivent conduire de gros véhicules lourds, souvent dans des conditions de circulation et des conditions météorologiques difficiles, respecter les horaires de parcours, assurer la perception du prix du trajet, offrir des services à la clientèle et, ce qui est encore plus important, veiller à la sécurité de leurs passagers.
En ce qui concerne ce dernier élément, il est essentiel de comprendre que les conducteurs sont eux seuls responsables d'assurer la sécurité de tous les passagers qui montent dans leur véhicule. Bien qu'ils assurent la prestation de services de mobilité essentiels pour nos collectivités et qu'ils contribuent au dynamisme et à la prospérité de nos villes, les conducteurs de véhicule de transport en commun n'évoluent pas nécessairement dans un environnement de travail sécuritaire, comme l'indiquent nos données annuelles à cet égard. En effet, chaque année, comme le sénateur l'a mentionné, les conducteurs de véhicule de transport en commun subissent environ 2 000 agressions et c'est sans compter de nombreuses autres qui ne sont pas signalées. Il s'agit donc d'une moyenne de cinq agressions par jour.
Les employés des transports en commun sont responsables de veiller à la sécurité de leurs passagers, et ce type d'agression constitue donc un danger pour le grand public. Voici un cas récent qui démontre la gravité de telles agressions.
En mars dernier, à Vancouver, un passager a frappé un conducteur en plein visage. Au moment de l'agression, l'autobus filait à environ 30 kilomètres à l'heure et transportait 30 passagers. Le coup de poing a cassé le nez et d'autres os du visage du conducteur, ce qui a provoqué un trouble de la vue dans un oeil et le déchaussement de certaines dents. Malgré tout, le conducteur, dont la préoccupation principale était d'assurer la sécurité et le bien-être de ses passagers, a réussi à arrêter l'autobus de façon sécuritaire et à ouvrir la porte pour laisser sortir l'agresseur, mettant ainsi un terme à la menace qu'il faisait peser sur les passagers. Grâce au sang-froid du conducteur et à ses actions, aucun passager n'a été blessé durant cet incident, mais vous pouvez seulement imaginer comment la sécurité des passagers, des piétons et d'autres usagers de la route pourrait avoir été exposée à un risque grave.
[Français]
Comme l'a mentionné le sénateur, nos statistiques montrent qu'en 2012, près de 80 % des crimes perpétrés sur des propriétés des réseaux de transport collectif ont été commis dans nos véhicules, par exemple les autobus. Il suffit tout simplement de multiplier le nombre d'incidents par une moyenne de 30 passagers à bord pour évaluer le niveau de risque et de danger potentiels que représente pour le grand public une agression contre un chauffeur.
[Traduction]
Il est important de noter que l'ACTU et ses membres travaillent déjà d'arrache-pied à la mise en place d'autres mesures de prévention en matière de sécurité, par exemple l'installation de caméras en circuit fermé et d'écrans protecteurs, une formation supplémentaire pour les employés pour leur enseigner à gérer des situations difficiles et dangereuses, et l'embauche d'employés additionnels affectés exclusivement à la sécurité. Ces initiatives permettent assurément d'améliorer la sécurité des conducteurs de véhicule de transport en commun, mais elles doivent être appuyées par des mesures législatives telles les modifications législatives proposées par le projet de loi .
L'ACTU exhorte le comité à approuver le projet de loi pour qu'il soit renvoyé à la Chambre des communes, puisqu'il fournira aux organismes de transport en commun un outil additionnel pour leur permettre de poursuivre les délinquants. L'ACTU et la Metro Vancouver Transit Police travaillent actuellement à recueillir des données pancanadiennes sur les peines imposées aux personnes reconnues coupables d'agression sur des conducteurs d'autobus. Toutefois, les résultats préliminaires de cet exercice semblent révéler un manque d'uniformité à l'échelle du pays dans les peines imposées aux agressions de même type.
Pour résumer, nous croyons que ce changement législatif est nécessaire pour trois raisons. Premièrement, ces mesures fourniront un outil supplémentaire pour assurer la protection des conducteurs de véhicule de transport en commun qui subissent près de 2 000 agressions par année. Deuxièmement, elles contribueront à améliorer la sécurité publique en améliorant la sécurité des passagers et des autres usagers de la route. Troisièmement, ces mesures contribueront à améliorer l'uniformisation et la prévisibilité des peines imposées à l'échelle du pays pour des agressions de même type.
Comme vous le savez, le projet de loi a reçu l'approbation du Sénat et a été adopté à l'unanimité en deuxième lecture à la Chambre des communes. Je parle au nom de tous les membres de l'ACTU lorsque je demande au comité d'approuver le projet de loi pour que la Chambre en termine l'étude, la dernière étape nécessaire pour veiller à ce que le projet de loi devienne une loi efficace, éclairée et essentielle.
Merci beaucoup.
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Monsieur le président, honorables députés du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, et monsieur le sénateur Runciman, je vous remercie de m'avoir accordé le privilège de comparaître aujourd'hui dans le cadre de ce qui promet d'être un important débat visant à assurer la sécurité et la confiance des conducteurs de véhicule de transport en commun, de leurs passagers et de tous les usagers de la route.
Je suis policier depuis 28 ans, et j'ai été chef adjoint du Service de police d'Edmonton avant de devenir chef du Metro Vancouver Transit Police.
Aujourd'hui, mon objectif est de répondre à trois de vos questions dans le cadre de votre étude du projet de loi , qui est bien sûr une loi visant à modifier le Code criminel afin d'exiger du tribunal qu'il considère comme circonstance aggravante pour la détermination de la peine le fait que la victime de voies de fait soit le conducteur d'un véhicule de transport en commun dans l'exercice de ses fonctions.
La première question à laquelle je vais répondre est la suivante: Pourquoi le projet de loi est-il nécessaire? Examinons quatre raisons très convaincantes.
La première raison, c'est la protection de nos conducteurs de véhicules de transport en commun. Personne ne mérite d'être victime d'agression au travail. Toutefois, les conducteurs de véhicule de transport en commun sont confrontés à cette réalité. En effet, chaque jour, on agresse l'un de ces conducteurs dans la région métropolitaine de Toronto. C'est inacceptable. Pendant toutes les années où j'ai été policier, je n'ai pas eu à craindre les agressions.
La deuxième raison concerne la sécurité publique. Elle comporte deux volets: la sécurité publique des passagers qui sont dans l'autobus, et la sécurité publique des gens qui sont à l'extérieur de l'autobus et qui utilisent la route. Qu'il s'agisse de piétons, de cyclistes ou de conducteurs d'autres véhicules, ils courent un risque plus élevé lorsqu'un conducteur de véhicule lourd est agressé.
La troisième raison concerne la confiance des passagers qui utilisent les transports en commun. Lorsqu'un conducteur est agressé, les passagers qui sont témoins de l'agression se sentent mal à l'aise et anxieux et ils ne font plus confiance au système. Des municipalités de partout au Canada encouragent l'utilisation des transports en commun en raison des avantages qu'ils génèrent sur les plans économique et environnemental. Sans la confiance des passagers, les transports en commun ne pourront plus agrandir leurs réseaux.
La quatrième raison est liée au recrutement et au maintien en poste des conducteurs compétents. Nous savons que le métier de conducteur de véhicule de transport en commun est difficile et que les personnes qui le pratiquent doivent posséder d'excellentes compétences en matière de service à la clientèle et de communication, car elles représentent la communauté. Si nous ne créons pas un milieu sécuritaire dans lequel ces conducteurs peuvent travailler, nous ne serons pas en mesure de recruter et de maintenir en poste des employés compétents et talentueux.
La deuxième question à laquelle je souhaite répondre est la suivante: Quelle est la différence entre un conducteur de véhicules de transport en commun et les autres travailleurs, par exemple le personnel infirmier, les médecins et les enseignants, qui rend l'adoption du projet de loi nécessaire?
Comme je l'ai déjà mentionné, à Toronto, un conducteur de véhicule de transport en commun est agressé chaque jour. Dans la région métropolitaine de Vancouver, jusqu'à la fin novembre, nous avons enquêté sur 233 rapports d'agression ou de menaces perpétrées contre un conducteur. Dans quel autre milieu de travail a-t-on un employé agressé tous les jours? Je crois que si on faisait face à ce type de statistiques dans d'autres métiers, par exemple chez les médecins, le personnel infirmier ou les enseignants, on déterminerait qu'il s'agit d'une crise.
On distingue le secteur des transports en commun des autres métiers, car on y sert un large éventail de clients, notamment des travailleurs pauvres, des sans-abri, des toxicomanes et des personnes qui souffrent de maladie mentale. Contrairement aux employés dans d'autres secteurs, les conducteurs de véhicule de transport en commun n'ont aucune possibilité de se sortir d'une situation potentiellement violente. En effet, ils ne peuvent pas quitter les lieux de l'incident, puisqu'ils sont bloqués dans le siège du conducteur avec le pare-brise devant eux, un panneau d'acier derrière eux, une fenêtre à leur gauche, un terminal de données mobile à leur droite et une ceinture de sécurité qui leur serre la taille, sans compter qu'ils conduisent un véhicule de 6 à 10 tonnes sur certaines des routes les plus fréquentées de l'Amérique du Nord.
Un pilote ne permettrait jamais à un passager d'entrer librement dans le poste de pilotage de son avion. Un capitaine de traversier ne laisserait personne se promener sur la passerelle de son navire. Les conducteurs de véhicule de transport en commun ne peuvent pas se permettre de restreindre l'accès. Leur métier est unique, et les dangers auxquels ils font face ne sont pas présents dans d'autres métiers. C'est la raison pour laquelle ils ont besoin de la protection offerte par le projet de loi .
La troisième et dernière question à laquelle je répondrai est la suivante: Pourquoi avons-nous besoin du projet de loi si les juges possèdent déjà les outils nécessaires pour infliger des peines aux délinquants selon les circonstances?
La description du milieu de travail et des risques potentiels qui se posent lorsqu'un conducteur de véhicule de transport en commun est agressé n'est souvent pas soumise à l'examen des juges avant la détermination de la peine. La situation vulnérable et sans défense dans laquelle se trouve un conducteur de véhicule de transport en commun et l'importance des conséquences des erreurs qu'ils commettent pendant la conduite ne sont pas régulièrement communiquées aux procureurs. Cela entraîne un manque d'uniformité dans la détermination de la peine. Par exemple, tous les conducteurs de véhicule de transport en commun auxquels j'ai parlé ont indiqué qu'ils aimeraient mieux être victimes d'une agression physique mineure plutôt qu'on crache sur eux, car lors de la détermination de la peine, on tient rarement compte des conséquences sur le plan psychologique, du manque de respect, de la nature embarrassante et du mépris contenus dans l'acte de cracher sur une personne. Souvent, les personnes qui crachent sur les conducteurs reçoivent des peines relativement mineures, même si ce geste entraîne des effets importants sur le conducteur de véhicule de transport en commun.
Pour conclure, je dirai que sur les 223 cas d'agressions ou de menaces sur lesquels la Metro Vancouver Transit Police a enquêté en 2014, plus d'une centaine répondait au critère d'agression criminelle. La région métropolitaine de Vancouver a enregistré une hausse de 9 % des agressions en 2013 par rapport à 2012. Sur 134 agressions, 68 étaient des agressions physiques, 56 comportaient des expectorations et 19 des crachats au visage.
Je vous ai fourni la réponse à trois questions très pressantes concernant la principale mesure à prendre en vue de réduire le nombre d'agressions envers les conducteurs de véhicules de transport en commun, une mesure dissuasive sévère. Cela fait des années que l'industrie du transport en commun déploie des efforts pour diminuer le nombre d'agressions en ayant recours à de la formation, à des mesures de soutien en temps réel et à des caméras de surveillance, et pourtant, les agressions continuent.
Aujourd'hui, je vous ai donné quatre raisons qui expliquent pourquoi le projet de lo est essentiel pour assurer la sécurité des conducteurs de véhicules de transport en commun et des passagers. En outre, j'ai répondu à deux questions courantes concernant des obstacles qui ont empêché l'adoption de modifications législatives dans le passé. Vous possédez le pouvoir et l'autorité nécessaires pour agir. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a la réputation de faire avancer les choses. Selon Victor Hugo, chaque bonne idée a son temps, et le temps est venu d'adopter le projet de loi S-221.
Merci.
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Je vous remercie tous d'être ici.
Nous sommes tous au courant de ce qui est ressorti de l'étude au Sénat. Je pense que vous avez réussi à obtenir notre soutien également.
[Français]
J'aimerais tout d'abord saluer le travail que font tous les conducteurs. Sénateur Runciman, je suis heureuse de voir que votre définition est assez large. Elle couvre un vaste éventail de conducteurs de toutes sortes de véhicules de transport en commun, ce qui est excellent.
Je salue aussi les gens de la Société de transport de l'Outaouais, qui font un travail extraordinaire, tout comme ceux qui travaillent dans toutes les régions. On sait que ce n'est pas un travail de tout repos.
Il y a une question qui revient souvent et vous l'avez abordée. Pourquoi créer l'article en question plutôt qu'ajouter un facteur aggravant à l'article 718 du Code criminel dans la partie touchant la détermination de la peine? Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris la nuance que vous faites entre l'ajout des nouveaux paragraphes 269.01(1) et suivants dans le cadre du projet de loi et l'ajout d'un facteur aggravant.
Si j'ai bien compris, il est question de l'impact que cela aurait sur le public, mais cela n'aurait-il pas pu être fait au moyen de l'article 718? C'est ma seule question par rapport au projet de loi. Êtes-vous tous les quatre raisonnablement confiants que cela va régler le problème? Ne devrait-il pas y avoir autre chose pour assurer la sécurité des conducteurs et du public qui utilise les transports en commun? Le projet de loi devrait-il être assorti d'une campagne de sensibilisation prônant la tolérance zéro à l'égard d'un geste de ce genre? Je ne le sais pas. Je ne suis pas certaine que cela va nécessairement régler tous les problèmes, mais c'est certainement un pas dans la bonne direction.
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Je vous remercie de la question.
Je ne crois pas que ce projet de loi permettra de régler tous les problèmes. Je pense qu'il sera utile. Les témoins que nous avons entendus au Sénat, les membres du public qui se sont exprimés ainsi que les parties prenantes étaient tous d'avis que cette mesure favorisera l'uniformité des peines.
Il y a eu des cas... Plus tôt cette année, à Ottawa, un juge est allé jusqu'à rejeter la recommandation de l'avocat de la défense, qui demandait un an pour l'agression en question. Le juge a imposé une peine de six mois. La Couronne demandait 18 mois, la défense un an, et le juge a décidé d'imposer une peine de six mois, en expliquant qu'il ne s'agissait pas d'une circonstance aggravante en vertu du Code.
Je n'envisageais pas de me pencher sur les dispositions relatives à la détermination de la peine à l'article 718, jusqu'à ce qu'il y ait une agression à Ottawa. J'ai fait une déclaration au Sénat pour exprimer ma préoccupation à l'égard de la peine très légère imposée à une personne qui avait un très lourd casier judiciaire, qui avait commis des agressions graves et qui n'avait pas passé un seul jour en prison.
Après avoir fait cette déclaration, des représentants du transport en commun ont communiqué avec moi pour me demander si je serais disposé à présenter une mesure législative au Sénat. Je n'ai pas accepté immédiatement. J'ai consulté différentes personnes, notamment un ancien avocat de la Couronne, un ancien chef de police et un certain nombre de policiers en service actif ainsi que quelques avocats de la défense. Ce sont eux qui m'ont fait cette recommandation; à leur avis, c'est ce qu'il fallait faire.
J'ai parlé de mettre l'accent sur la sécurité du public et de prendre des mesures pour lutter précisément contre les actes criminels qui se produisent habituellement lorsque le véhicule est en mouvement. On m'a dit que c'était la meilleure façon de s'attaquer au problème.
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Je vais poser toutes mes questions et j'espère que tout le monde aura le temps de répondre.
Ma première question s'adresse au chef Dubord et à M. Roschlau. Est-ce que toutes les mesures concrètes pour assurer la sécurité des conducteurs ont été prises avant de déterminer que ce projet de loi est nécessaire? Je parle de mesures de sécurité comme l'installation de cloisons de plexiglas, ou quoi que ce soit d'autre, destinées à empêcher les gens de s'approcher du conducteur.
Ma deuxième question s'adresse à vous, monsieur Roschlau. Que fera l'Association canadienne du transport urbain pour communiquer aux Canadiens et aux passagers les changements qui découleront de l'adoption du projet de loi? J'ai toutes les raisons de croire que cette mesure législative sera adoptée.
Ma troisième question est la suivante: est-ce raisonnable que cette loi s'applique lorsqu'un employé n'est pas en train de conduire un véhicule? Dans le projet de loi, il est question des conducteurs qui exercent cette fonction. Quelqu'un a souligné que 80 % des agressions surviennent pendant la conduite, ce qui signifie que 20 % se produisent pendant que les conducteurs sont au travail, mais pas nécessairement au volant d'un véhicule. Je me demande si la définition pourrait entraîner des conséquences imprévues.
Ma quatrième question est celle-ci: y a-t-il des véhicules ou des modes de transport en commun qui ne sont pas inclus dans la définition, ce qui pourrait involontairement entraîner certaines exclusions?
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Premièrement, pour répondre à la première question, je dirais que les sociétés de transport en commun partout au pays ont pris un bon nombre de mesures. La plus répandue probablement est l'installation de caméras de surveillance. Elles constituent un élément dissuasif dans une certaine mesure et elles permettent d'obtenir des preuves lorsqu'un incident s'est produit.
On a moins recours à l'installation de cloisons protectrices. Certaines sociétés en ont installées dans tous leurs véhicules. Ce qu'a expliqué le chef Dubord est tout à fait vrai. Les conducteurs ne sont pas tous en faveur de l'installation de telles cloisons étant donné le contact qu'ils ont avec les clients. Il y a bien sûr la formation, qui est importante parce qu'elle permet aux conducteurs d'apprendre à désamorcer, à éviter et à gérer des situations.
Ce sont là trois mesures dissuasives, qui ont été mises en place un peu partout au Canada, mais elles ne sont pas suffisantes.
Voilà ma réponse à la première question.
Pour répondre à la deuxième, je dois dire que nous avons un excellent réseau au pays. On compte 120 sociétés qui sont membres de l'Association canadienne du transport urbain. Nous leur communiquons les répercussions qu'aura ce projet de loi s'il est adopté et nous leur donnons les outils dont elles ont besoin.
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Monsieur Dubord, comme vous le savez, tous les partis appuient le projet de loi, et je l'approuve moi aussi. Si quelqu'un hésitait encore à l'appuyer, vous l'avez convaincu grâce à votre exposé extrêmement convaincant, alors je vous en remercie. Vous avez persuadé quiconque avait un doute lorsque vous avez parlé de votre expérience.
Monsieur Roschlau, je dois vous féliciter pour le lobbying très efficace que vous avez effectué. J'ai entendu à plusieurs reprises des représentants de votre association, du Syndicat uni du transport et du syndicat des conducteurs d'autobus de la STM. Votre travail a servi non seulement à convaincre les gens de la nécessité de cette mesure législative, mais aussi à éliminer des obstacles qui, par le passé, ont empêché l'adoption d'un tel projet de loi. Je vous félicite pour votre lobbying très efficace.
Enfin, monsieur le sénateur Runciman, je veux vous féliciter et vous remercier pour l'approche équilibrée que vous avez adoptée. J'ai bien aimé en particulier vos observations au sujet du pouvoir discrétionnaire des juges. Trop souvent, on présente une initiative pour se faire du capital politique, ce qui en fait une pomme de discorde. Je vous remercie de ne pas avoir fait cela dans ce cas-ci. Je crois que cela a permis au lobby d'être efficace et d'obtenir l'appui unanime de tous les partis de sorte que toutes les étapes ont été franchies sans problème.
Je veux simplement exprimer mon appui. Je n'ai pas de questions à poser; je veux seulement féliciter tout le monde. Comme vous le savez, ce n'est pas la première fois qu'un tel projet de loi est présenté au Parlement, mais c'est la première fois que ce genre de mesure législative se rend aussi loin. Tous les partis ont présenté des projets de loi d'initiative parlementaire sur ce sujet, y compris le Parti libéral. Contrairement au projet de loi dont nous sommes saisis actuellement, le projet de loi que avait proposé visait toutes les infractions au Code criminel, et non pas seulement les agressions. Cependant, cela ne diminue en rien l'appui que nous accordons au projet de loi.
Je vous remercie tous.
J'ai une question un peu technique, monsieur le sénateur. À l'article 2 du Code criminel, un véhicule à moteur est défini comme étant un véhicule tiré, mû ou propulsé par tout moyen autre que la force musculaire, à l'exception du matériel ferroviaire.
Je me demande si le Sénat a envisagé de modifier l'article 2 de façon à supprimer le mot « moteur » et à ne laisser que le mot « véhicule », et ensuite de supprimer les mots « à l'exception du matériel ferroviaire », puis d'ajouter « train, métro, tramway et traversier », car tous les autres seraient déjà inclus. Sinon, nous aurons une définition de véhicule et une définition de véhicule à moteur à l'article 2 du Code criminel. Il faut avouer que cela va créer de la confusion. Selon moi, il serait beaucoup plus logique de supprimer le mot « moteur », pour laisser seulement le mot « véhicule » — qui est déjà défini — et d'ajouter les mots « train, métro, tramway et traversier ».
Ma question s'adresse à tout le monde. Il me semble que ce serait une modification logique.
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Bien sûr, merci beaucoup.
Je veux remercier le sénateur Runciman et M. Chisu d'avoir présenté ce projet de loi. Je pense que c'était attendu depuis un bon moment.
Je voulais vous dire, sénateur Runciman, que j'ai parlé à plusieurs conducteurs du système de transport en commun de Mississauga, le MiWay, et ils sont tout à fait en faveur du projet de loi. Il y a eu différents cas d'agression grave contre les conducteurs à Mississauga, et je crois qu'il faut intervenir.
Je vous remercie également d'avoir pensé aux chauffeurs de taxi. Vous avez mentionné qu'il n'était pas question d'eux dans le projet de loi précédent, et pour être bien honnête, c'était problématique selon moi. Les chauffeurs de taxi sont souvent seuls dans leur véhicule tard la nuit. Pas d'autres passagers, seulement un, qui peut être mal intentionné, et le chauffeur. Ils sont très vulnérables face à ce genre d'agression. Il fallait vraiment remédier à la situation, alors je vous suis sincèrement reconnaissant de l'avoir fait.
Je me demandais si vous pouviez nous parler des histoires que vous avez entendues à propos des chauffeurs de taxi. Mais juste avant, je veux faire mention du chauffeur de tramway de la TTC qui a été impliqué dans une affaire lors de laquelle une personne a reçu des coups de feu. Nous en avons tous entendu parler. Le chauffeur a évacué tous les passagers du tramway pour les mettre à l'abri et est retourné à l'intérieur pour confronter celui qui menaçait les autres d'un long couteau. C'est le genre de comportement que nous voulons récompenser.
Je vais vous laisser répondre à la question concernant les chauffeurs de taxi.
Merci.
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Je vais formuler deux commentaires rapidement concernant les chauffeurs de taxi et les conducteurs d'autobus.
Plus tôt cette année, une étudiante universitaire en stage au Sénat est venue me parler. Elle m'a remercié d'avoir déposé ce projet de loi, visiblement ébranlée. Elle m'a raconté que ses parents avaient immigré au Canada. Son père a travaillé comme chauffeur de taxi pendant 20 ou 30 ans. Il s'est rendu dans un parc industriel un soir, a été tiré de son véhicule et battu sauvagement. Il pensait mourir ce soir-là, mais il s'en est tiré et il est retourné au travail, parce que c'était son gagne-pain. Il devait payer les études de cette dame et de son frère. Son histoire m'a beaucoup ému.
M. Chisu et moi étions à Toronto pour une table ronde avec des conducteurs de véhicules de transport en commun. Un grand gaillard, qui devait avoir dans la cinquantaine avancée ou dans la jeune soixantaine, une armoire à glace, est devenu très émotif quand il a raconté avoir été victime d'une agression et qu'il avait l'impression que personne ne s'en souciait. Il était très content qu'on tente, par ce projet de loi, d'améliorer ce milieu de travail, pour lui et pour ses collègues.
Ce ne sont là que deux courts exemples des histoires qu'on m'a racontées depuis que nous avons déposé ce projet de loi.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
En fait, je formulerai un commentaire.
Lorsque mes collègues ont rencontré les syndicats des travailleurs du secteur public à Montréal et partout ailleurs au Canada, ils ont entendu à répétition le fait que conducteurs sont dans une situation de vulnérabilité. Ces gens doivent rester à leur poste et s'exposent constamment à des gestes de violence gratuite. C'est important de le mentionner.
Ce projet de loi permettra d'envoyer un signal clair et fort qu'il est temps que cela cesse. Il répondra surtout à ce problème. J'ai lu des statistiques à ce sujet et c'est quand même assez alarmant.
Je voudrais simplement remercier tous les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Je les remercie d'avoir partagé leurs commentaires et leurs histoires. Ils nous permettent de confirmer l'importance d'agir par l'entremise de ce genre de projet de loi. Cela profitera directement aux conducteurs de véhicules de transport public. Toutefois, tous les citoyens en profiteront aussi indirectement, car ils mettent leur sécurité entre les mains de ces employés du secteur public.
Merci beaucoup.
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Bien sûr. Merci de me poser la question.
Vous avez absolument raison. Il faut réunir différents facteurs. Quand il est question de police communautaire, on sait qu'il faut pouvoir sensibiliser la population et être capable d'intervenir à temps lorsque la situation s'envenime. Il faut aussi s'assurer d'avoir de puissants moyens de dissuasion. Quand je parle de notre campagne contre les agressions faites aux conducteurs d'autobus ou de véhicules de transport en commun, je fais référence à un plan en 10 étapes qui nous assure d'aborder la problématique sous tous ses angles, parce que chacun a des répercussions sur des groupes différents.
Il y a entre autres l'initiative « Don't Touch the Operator ». Il y a aussi la campagne « Si vous voyez quelque chose, dites-le ». Nous voulons aussi encourager les témoins, les passagers de l'autobus, à protéger leur chauffeur. Nous tentons donc de sensibiliser les gens à différents niveaux.
Pour ce qui est de l'intervention, les caméras sont un bon outil pour nous aider à intervenir adéquatement. De plus, nous enseignons à nos conducteurs comment désamorcer une situation explosive, parce que tout au long de mes 28 années de carrière dans la police, mes mots ont toujours été mes meilleurs alliés pour calmer les choses. Nous leur donnons une formation là-dessus. Du côté de la police, nous formons nos agents pour qu'ils soient en mesure d'intervenir de façon proactive. Quand quelqu'un menace un conducteur d'autobus, on sait que cela pourrait mener à une agression. Nous devons donc prendre ces menaces très au sérieux et assurer un suivi auprès des personnes qui profèrent des menaces. Nous voulons savoir qu'elles comprennent que c'est un comportement inacceptable dans ces circonstances, et nous assurer qu'elles n'iront pas plus loin en agressant physiquement un conducteur d'autobus.
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Merci beaucoup aux témoins.
Merci de vous être joint à nous, chef Dubord.
Nous allons faire une pause de quelques secondes pour laisser le temps à M. Taylor, du ministère de la Justice, de prendre place à table. Nous allons procéder à l'étude article par article dans un moment.
Merci de vous joindre à nous, monsieur Taylor.
Y a-t-il des questions pour les représentants du ministère?
Voulez-vous tenter une réponse à la question de M. Wilks? Il peut peut-être la répéter pour qu'elle figure dans le compte rendu des délibérations.
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La version anglaise de la définition semble assez large dans un sens, car on parle d'une personne qui conduit un véhicule « used in the provision of passenger transportation services to the public », puis on énumère différentes choses.
Je suis d'accord avec vous pour dire que la définition pourrait être plus précise, mais je pense que l'idée en ce moment est de faire passer le message. Nous allons peut-être revoir la loi dans deux ou trois ans, mais je pense que pour l'instant, le message est assez clair concernant ce type d'infraction.
D'après les discussions qu'on a entre ex-policiers, avocats et autres, je suis prête à parier que l'application de la loi va susciter bien des débats devant les tribunaux, même si je n'ai jamais entendu dire qu'un conducteur de cyclotaxi avait été attaqué. En tout cas, il y a moins de victimes que du côté des conducteurs d'autobus. Je pense que c'est ce qui était visé au départ, et la définition a été élargie. Je suis satisfaite du projet de loi , car sa portée a été élargie, mais peut-être pas suffisamment. On verra plus tard s'il aurait fallu aller plus loin.
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Avez-vous d'autres questions pour M. Taylor?
Je suis persuadé qu'il s'attendait à avoir beaucoup de questions.
C'est parfait. Merci beaucoup.
Là-dessus, passons à l'étude article par article. Il y a le titre et une seule disposition, même s'il y a deux articles.
L'article 1 est-il adopté?
(L'article 1 est adopté.)
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Le président doit-il faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: Oui.
Le président: Ce sera fait demain.
Merci beaucoup. Le projet de loi est adopté. Il sera renvoyé à la Chambre pour la troisième lecture, qui sera entreprise à la demande des leaders de la Chambre.
Nous allons maintenant faire une pause de deux ou trois minutes, le temps de nous installer pour la prochaine séance.
Je vous informe que Mme May ne sera pas des nôtres pour la deuxième heure.
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La séance reprend. Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 20 juin 2014, le comité poursuit son étude du projet de loi , Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois.
Comme vous le savez, mesdames et messieurs, nous en étions à l'étude article par article. Nous étions à l'article 30 avant de suspendre la séance, si je ne me trompe pas.
Pendant que nous attendons nos collègues, je mentionne que même si Mme May n'est pas ici, la plupart des amendements qui restent sont les siens; pas tous, mais presque. Ils demeurent proposés, alors nous allons les mettre aux voix. Si vous êtes en faveur des amendements, vous pourrez vous prononcer.
On m'a posé une question concernant l'ajout de la notion de confidentialité, à l'article 2. On a débattu de la formulation de la version française, n'est-ce pas?
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Monsieur le président, cet amendement émane des préoccupations que soulève la possibilité que la déclaration de la victime renferme ses points de vue relativement à la peine. L'amendement proposé éliminerait cette possibilité.
Cette modification répond aux inquiétudes exprimées par l'Association du Barreau canadien dans sa 6e recommandation. Les victimes pourront tout de même avoir encore un rôle à jouer dans la détermination de la peine en fournissant, comme c'est le cas actuellement, tous les renseignements pertinents aux fins du rapport présentenciel.
Même si nous estimons, tout comme l'Association du Barreau canadien, que les points de vue n'ont pas leur place dans la déclaration de la victime, cette dernière ne sera pas totalement exclue du processus.
L'inclusion des points de vue de la victime dans sa déclaration va à l'encontre des objectifs légitimes de la détermination de la peine qui doit s'appuyer sur une analyse minutieuse de tous les facteurs, y compris la proportionnalité et les circonstances aggravantes et atténuantes.
C'est donc ce qui justifie cet amendement. Comme je l'indiquais, cela va dans le sens de ce que nous ont dit les gens de l'Association du Barreau canadien.
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Dans bien des cas, je crois tout de même que si le tribunal connaissait le point de vue de la victime quant à la peine... J'ai pratiqué le droit du travail pendant 30 ans, et je suis persuadée que tous les avocats ici présents ont déjà eu des clients qui s'estimaient lésés, par exemple en raison d'un congédiement injustifié. Comme je l'enseignais à mes étudiants, je demande toujours alors au client ce qu'il souhaite obtenir. Il peut me répondre: « Je crois que ça vaut 1,6 million de dollars ». Il faut alors que je prenne le temps de bien lui expliquer la situation pour qu'il ne soit pas trop déçu lorsqu'on lui accordera 12 000 $.
Je pense que c'est assez semblable en droit pénal. Pour certaines victimes, il n'y aura jamais de peine assez sévère pour compenser les torts qui leur ont été causés. On indique qu'il peut y avoir une exception avec la permission du tribunal. Je pense qu'il serait bon dans certains cas, et il y a des juges qui le font très bien, que l'on prenne le temps d'atténuer un peu les attentes de la victime. Je crois que ce serait extrêmement bénéfique.
Lors de notre étude sur la perception de la justice au Canada, nous avons pu constater à quel point les opinions sur le système judiciaire pouvaient varier selon que les citoyens étaient bien informés ou non au sujet des mêmes affaires. Je crois que dans certains cas... il vaut mieux laisser le tribunal en décider. C'est pourquoi je me réjouis du fait que l'
[Français]
on retrouve la mention: « sauf avec la permission du tribunal ».
[Traduction]
En théorie, il faut comprendre que la victime ne pourra pas exprimer ses points de vue, sauf dans les cas où le tribunal lui en donnera la permission parce qu'il est convaincu que c'est pleinement justifié.
Je respecte l'argumentation de M. Casey qui porte sur le rapport présentenciel. Malheureusement, ceux parmi nous qui ont fait du droit pénal savent très bien que la victime n'est pas toujours interrogée par l'agent qui rédige le rapport présentenciel. On se contente parfois de la version de l'accusé, si bien que l'on ne saura jamais ce que pense la victime.
Il y a tout de même possibilité pour le tribunal de tenir compte de ces points de vue s'il le souhaite. Comme je l'indiquais, cela interviendra sans doute au moment du prononcé de la sentence. C'est ce que j'avais à dire à ce sujet.
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Je pense qu'il est tout naturel que ce soit le dernier amendement.
[Français]
Il s'agit de la mise en vigueur du projet de loi. Tout d'abord, je veux que ce soit clair pour tout le monde: le NPD ne veut pas retarder quoi que ce soit. En fait, c'est directement lié à ce dont nous ont fait part le ministre de la Justice de la Saskatchewan et le procureur général de l'Alberta dans le cadre des travaux du comité.
Dans le cas du ministre de la Justice de la Saskatchewan, c'était dans sa lettre du 20 novembre. Dans celui du procureur général de l'Alberta, c'était lors de son témoignage ici, le 4 novembre dernier. Selon ce que nous a mentionné l'un des témoins — et je ne me rappelle plus lequel — 90 % ou 95 % de ce projet de loi, qui porte sur la Charte des droits des victimes, devra être appliqué par les provinces.
Je déplore encore à ce jour que l'on n'ait pas obtenu de réponse de la part des provinces, qui seront pourtant concernées au premier chef par la Charte des droits des victimes. Cela dit, je pense qu'il faut faire en sorte qu'elles aient le temps, une fois que le projet de loi sera adopté, de mettre en oeuvre les mécanismes, les formulaires et ainsi de suite pour que tout le monde puisse appliquer la charte de la même façon.
Le délai aurait pu être plus long. À mon avis, une période de six mois est un délai plutôt court. Le ministre de la Justice de la Saskatchewan semblait dire que c'était un minimum. Je pense que, si on fait savoir que c'est urgent, ce sera faisable en six mois. Trois mois est un délai extrêmement court. Il s'agit tout de même de ministres de la Justice assez bien établis. Ils ont réfléchi à la question. De plus, ces ministres sont en faveur de la charte. Ce n'est pas comme s'il y avait une résistance de leur part ou qu'ils ne voulaient rien entendre à ce sujet.
Comme je l'ai dit déjà, l'objectif n'est pas de retarder le processus. Plus on appliquera ces principes rapidement, plus les victimes se sentiront appuyées. Le système a souvent soutenu les victimes, mais celles-ci n'avaient pas nécessairement cette impression.
À mon avis, beaucoup de ces mesures doivent être mises en vigueur le plus rapidement possible. Par contre, je pense qu'il n'est pas superflu de prévoir 180 jours plutôt que 90 jours avant la mise en vigueur du projet de loi.
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Je vais simplement répondre à ce commentaire et je vais par la suite laisser mes collègues intervenir.
Je sais que le gouvernement parle de cela depuis longtemps. Cependant, il n'y a pas si longtemps que la charte elle-même a été conçue. Or c'est souvent lorsqu'ils voient les dispositions sur papier que les gens se rendent compte de certaines choses.
J'aimerais dire à la décharge des provinces que, même si elles savaient que le gouvernement travaillait sur quelque chose, elles ne savaient pas à quel point ces responsabilités se retrouveraient comme on dit « dans leur cour ». En effet, si vous lisez le rapport et les communiqués de presse des ministres de la Justice qui ont été émis à la suite de la dernière conférence fédérale-provinciale-territoriale — et ce n'était qu'il y a quelques mois — vous constaterez que la question de la charte était plutôt en arrière-plan.
Pour ma part, cela ne changera rien à ma vie, mais je pense que le gouvernement va se retrouver avec de sérieux problèmes sur les bras. Cette charte risque de connaître des débuts plutôt difficiles. Une fois qu'elle sera adoptée par la Chambre, il ne serait pas superflu de faire une tournée des provinces ou du moins de les aviser qu'il leur reste 180 jours pour se mettre à jour à cet égard. À mon avis, il est un peu cavalier — et je le dis malgré tout le respect que je dois à mon collègue d'en face — d'affirmer qu'elles le savent depuis tout ce temps. Les propos que j'ai lus ne m'ont pas donné l'impression qu'elles saisissaient l'ampleur des responsabilités que la charte allait leur imposer.
S'il veut vraiment que ce soit une réussite, le gouvernement va devoir établir certaines trames de base, notamment en matière de promotion, un de ses domaines de prédilection. Il faudra dire que cette nouvelle charte a été adoptée et ainsi de suite. Je suis certaine que c'est d'ailleurs déjà prévu.
Il faut que vous pensiez au fait que des procureurs de la Couronne et des policiers vont devoir procéder différemment, et ce, dans tout le pays. Le Parlement canadien ne bouge pas rapidement, mais ceux des provinces ne bougent pas nécessairement plus rapidement.
Je ne sais pas si d'autres collègues veulent formuler des commentaires à propos de ces questions.
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Après avoir posé la question à plusieurs témoins, nous avons bien vu qu'il y avait un manque de clarté quant à l'application de la charte. C'est vrai pour les provinces, mais ce l'est également pour le fédéral. Par exemple, le projet de loi parle d'un mécanisme de plaintes, mais même au niveau fédéral, ce mécanisme n'est pas encore déterminé. Qui aura cette responsabilité? Est-ce que ce sera l'ombudsman? Est-ce que ce sera quelqu'un d'autre?
Si la charte était adoptée demain matin, il faudrait tout de même laisser aux provinces et aux ministères fédéraux le temps d'adopter ces mécanismes et, comme le disait ma collègue, offrir la formation appropriée.
Je n'aborderai pas la question des ressources, étant donné qu'aucun budget n'a été alloué relativement à l'application de la Charte des droits des victimes. Cependant, plusieurs témoins ont parlé du flou qui entourait son application. Or le travail qui va devoir être fait en ce sens va demander beaucoup plus que trois mois. Les ministres de la Justice ainsi que plusieurs experts ont souligné ce manque de clarté et le fait qu'il serait nécessaire d'offrir de la formation après l'adoption de la charte.
Compte tenu des problèmes auxquels vont devoir faire face les provinces, je crois qu'un délai de six mois est convenable. On s'entend pour dire que, même si la charte était adoptée demain matin, elle ne pourrait pas être appliquée immédiatement. Autrement dit, un long processus sera nécessaire, même au sein du gouvernement fédéral.
Les fonctionnaires du ministère de la Justice peuvent peut-être nous dire si le mécanisme de plaintes a déjà été mis sur pied au sein des ministères fédéraux. J'ai toutefois des doutes à ce sujet.
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L'exemple que je vais vous donner est peut-être un peu différent, mais quand on a modifié le Code civil du Québec, tous ces comités avaient fait leur travail. Cela peut se faire assez rapidement, mais, par la suite, il y a aussi les procureurs de la Couronne qui doivent être impliqués. Vous avez peut-être un comité de procureurs de la Couronne, un comité qui regroupe les corps policiers et ainsi de suite. Il faut que cela passe par tous ces réseaux. Cela ne se fait pas du jour au lendemain.
Je me souviens du temps qu'il a fallu pour que cela passe par tous les avocats touchés par la réforme du Code civil ou celle du Code de procédure civile du Québec. C'est le cas pour n'importe quelle réforme pouvant avoir un impact significatif.
Prétend-on que la charte n'a pas une grande incidence et que cela ne pose pas de problème? Je pense que si le gouvernement a présenté cette charte, c'est parce qu'il considère qu'elle aura des conséquences positives.
Pour que cela se produise, il faut que tous les intervenants soient sur la même longueur d'ondes et aient la même erre d'aller. Or, avant que tous les tribunaux, les juges et ainsi de suite ne soient informés et prêts à l'appliquer, il y a toute une éducation à faire. Il ne s'agit pas d'envoyer une simple note de service à la magistrature en lui indiquant de prendre note, par exemple, qu'à partir du 30 mars 2015, il y aura des changements. Quiconque travaille dans ce milieu sait que cela ne se fait pas que par des notes de service et des comités. Il y a une période de transition.
Je vous trouve extrêmement optimiste de penser que tout cela sera mis en place. Il faut aussi penser qu'on hausse les attentes de la part des victimes. Je pense que les victimes s'attendent à voir des résultats. C'est à elles que je pense. Pour le reste, si vous pensez sérieusement que, dans trois mois, tout cela sera fonctionnel à tous les niveaux provinciaux et dans tous les tribunaux du Canada, je vais me taire si ce n'est que de vous dire que c'est tant mieux.