:
Notre réunion sera un peu particulière, mesdames et messieurs. Étant donné qu'il y a un vote et que la sonnerie se fera entendre à quatre heures moins quart, j'ai pensé que nous pouvions commencer quelques minutes plus tôt puisqu'il y a un nombre suffisant de personnes présentes.
Nous en sommes à la 61e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes saisis de l'ordre de renvoi du lundi 24 novembre, qui concerne le projet de loi .
Nous accueillons un certain nombre de témoins. Chacun disposera de cinq minutes pour faire un exposé. Nous allons essayer d'écouter tous les exposés, mais, malheureusement, ensuite, la sonnerie se fera entendre, et nous devrons nous rendre à la Chambre pour le vote, et ce sera alors terminé pour vous aujourd'hui. Cependant, les membres du comité reviendront vers 16 h 30 pour entendre le deuxième groupe de témoins, puis nous passerons aux questions.
Oui?
:
Monsieur le président, nous entendrons cet après-midi quatre témoins extrêmement importants. Or nous avons déjà réduit à cinq minutes le temps qui leur était alloué pour présenter leur rapport. Après être allés voter, nous devrions au moins prendre le temps de les questionner. Autrement, nous aurions pu simplement leur demander de nous soumette leurs mémoires, qu'ils ont déjà eu la gentillesse de nous fournir, et les lire. De cette façon, ils n'auraient pas eu à se déplacer.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a étudié une grande quantité de projets de loi, mais comme je vous le disais plus tôt, ainsi qu'à mon collègue secrétaire parlementaire, j'ai l'impression que, pour la première fois, nous ne disposons pas d'un laps de temps raisonnable et suffisant pour faire le travail qui nous est demandé.
Ces gens sont disponibles pour répondre à nos questions. Mon collègue — c'était M. Wilks, je crois — a dit il y a deux semaines que c'était important. Nous étions prêts à réduire la durée de leurs discours de façon à pouvoir échanger avec eux. Or nous ne disposons même pas de ce temps-là. S'ils restaient, nous pourrions faire avancer nos travaux. Nous pourrions encore entendre des témoins mercredi.
Notre priorité, à l'égard de ce dossier, est de faire du travail sérieux.
:
Je m'appelle Michael Spratt et je représente la Criminal Lawyers' Association.
Pour être bref, je vais vous faire grâce du baratin habituel. Ce n'est pas la première fois que je comparais devant vous, alors vous pouvez consulter des comptes rendus antérieurs pour savoir qui nous sommes et ce que nous faisons. Pour aller droit au but, j'aimerais parler surtout du recours aux peines minimales obligatoires. J'ai aussi des observations à faire au sujet du registre et du pouvoir discrétionnaire des juges, qui est davantage restreint à cause du recours aux peines consécutives obligatoires. Je vais d'abord commencer par les peines minimales.
Vous avez entendu parler des peines minimales. M. MacKay a comparu devant vous et il a dit, en parlant des peines minimales, qu'on en fait jamais trop pour protéger les enfants vulnérables.
C'est le message qu'on envoie, c'est-à-dire que les peines minimales et les peines plus lourdes contribuent à nous protéger davantage. Vous savez que ce n'est pas le cas. On vous l'a déjà dit. Je vous l'ai déjà dit et d'autres experts vous l'ont dit également. Les éléments de preuve indiquent tout le contraire — les peines minimales ne rendent pas nos collectivités plus sûres. Elles n'ont pas d'effet dissuasif et elles entravent la réadaptation. Elles sont coûteuses et elles peuvent être inconstitutionnelles.
Je vous renvoie à l'affaire R. c. S.S., 2014, O.J., no 1887 dans Quicklaw, 2014 ONCJ 184. Il s'agit d'une affaire qui concerne certaines des infractions visées par le projet de loi. Il est question de la peine minimale de 90 jours, qui est portée à six mois en vertu du projet de loi. Dans cette affaire, il s'en est fallu de peu pour qu'il y ait un jugement d'inconstitutionnalité. Il semble que la seule raison pour laquelle il n'y a pas eu un tel jugement, c'est parce qu'une situation hypothétique raisonnable n'a pas été présentée par les parties, mais plutôt par le tribunal, qui n'a pas cru bon rendre une décision au sujet de quelque chose qui n'avait pas été plaidé.
Au cours des huit dernières années, on vous a présenté des éléments de preuve concernant les peines minimales. Votre propre résumé législatif préparé par la Bibliothèque du Parlement traite des peines minimales obligatoires. Vous avez entendu William Marshall, Randall Fletcher, Stacey Hannem, Craig Jones et Julian Roberts. Tous ces experts sont venus vous dire que les peines minimales n'ont aucun effet dissuasif et peuvent même accroître le danger.
Anthony Doob, un éminent expert de l'Université de Toronto a déclaré que les peines minimales obligatoires de ce genre ne permettent pas de dissuader les criminels. Le 4 février, donc la semaine dernière, Steve Sullivan a fait valoir que les peines minimales sont non seulement inefficaces, mais elles contribuent aussi à empirer la situation.
Je n'ai pas à en dire plus long au sujet des éléments de preuve. Vous les avez entendus, et il semble que le gouvernement n'en tient pas compte. Les peines minimales n'ont aucun effet dissuasif et elles ne contribuent pas à accroître la sécurité.
On pourrait utiliser l'argent à de meilleures fins que celles des peines minimales et de l'incarcération obligatoire. Vous avez aussi entendu la semaine dernière James Foord, qui représentait les Cercles de soutien et de responsabilité. Les programmes comme celui-là visent la réadaptation, la réinsertion et la prévention de la criminalité. Il vaudrait mieux dépenser l'argent pour ces programmes que pour limiter le pouvoir discrétionnaire des juges.
Les peines minimales ont des conséquences. Elles vont alourdir la tâche des tribunaux et elles inciteront des personnes innocentes à plaider coupables. Ironiquement, elles inciteront également ceux qui sont factuellement et clairement coupables à demander un procès, ce qui fera perdre leur temps aux tribunaux et obligera les victimes à témoigner en cour. On a fait fi de toutes ces conséquences au cours des huit dernières années, et je ne m'attends pas à ce qu'il en soit autrement cette fois-ci.
Le comité devrait être conscient d'une chose. Outre l'article 12 de la Charte sur les châtiments cruels et inusités, le comité devrait se préoccuper de l'article 7 de la Charte. Je veux parler du caractère arbitraire. On nous affirme que les peines minimales et les peines plus lourdes augmenteront notre protection, dissuaderont les criminels et préviendront la criminalité, mais je tiens à dire au comité que l'article 7 risque d'être invoqué. On propose cette loi, mais aucun lien n'est établi entre la législation et les objectifs déclarés de cette loi. En ce sens, elle est donc arbitraire. C'est ce que j'ai à dire au sujet des peines minimales. C'est ce que j'ai déjà dit, et c'est ce que d'autres vont répéter.
Si le gouvernement souhaite aller de l'avant avec les peines minimales et faire croire qu'elles permettent de dissuader les criminels et d'assurer notre sécurité, je lui rappelle qu'il y a en droit pénal ce qu'on appelle « le fardeau de la preuve ». La personne qui fait valoir un argument devrait prouver qu'elle a raison et appuyer ce qu'elle avance par des preuves et non de belles paroles.
J'exhorte le comité à trouver des preuves de l'efficacité des peines minimales. Ces preuves n'ont pas été trouvées au cours des huit dernières années, et on n'en trouvera aucune aujourd'hui. Si vous cherchez sérieusement, je ne crois pas que vous allez en trouver.
Je vais m'arrêter là, car je n'ai rien d'autre à dire.
En plus d'exercer la profession d'avocat de la défense à Toronto, j'ai aussi occupé à temps partiel un poste de procureur adjoint de la Couronne et un poste de représentant permanent au sein du bureau du procureur général du Canada. Le point de vue que je vais exprimer s'appuie donc sur mon expérience du côté de la défense et de la poursuite.
L'ABC appuie les mesures qui visent à accroître la sécurité des Canadiens, particulièrement des membres les plus vulnérables de la société. Il est essentiel d'adopter les bonnes mesures, et c'est particulièrement important lorsqu'il est question de protéger les enfants. Nous devons éviter de mettre en place des mesures qui accentuent les problèmes d'abus. Le problème est complexe, et choisir une solution unique n'est souvent pas indiqué.
J'aimerais aborder deux points durant mon exposé. Premièrement, j'aimerais parler du registre des délinquants sexuels; et deuxièmement, du recours aux peines minimales obligatoires et aux peines consécutives dans certaines situations.
On n'a pas souvent réussi à démontrer que les registres des délinquants sexuels, tels qu'ils existent actuellement, contribuent à prévenir les agressions sexuelles. C'est ce que soulignent le rapport du vérificateur général de l'Ontario et celui de la John Howard Society, que nous citons dans notre mémoire.
Il n'y a rien dans le projet de loi qui pourrait contribuer à prévenir davantage l'exploitation sexuelle. Les exigences qu'il comporte en matière de rapports n'auront fort probablement pas un effet perceptible sur la sécurité du public ou elles ne pourront pas être appliquées dans des affaires qui concernent un autre pays. Exiger qu'un contrevenant déclare qu'il possède un permis de conduire n'aura pas pour effet de protéger qui que ce soit.
Nous savons très bien, et c'est ce que confirment les statistiques du gouvernement, que, dans 88 % des cas d'infractions sexuelles contre des enfants et des adolescents, la victime connaît son agresseur. Le registre ne fait rien pour prévenir les agressions commises par un membre de la famille. De même, dans notre mémoire, nous citons un haut gradé de la police provinciale de l'Ontario qui, dans un affidavit présenté à la Cour suprême du Canada, souligne qu'un grand nombre des infractions sexuelles sont des crimes de situation. Un registre ne permettra pas de prévenir ces infractions.
L'un des meilleurs moyens de faire en sorte que le public vive dans une société sûre et juste consiste à réadapter les contrevenants. Lorsqu'un délinquant est réadapté, il ne représente plus une menace pour le bien-être de la société, et cela fait en sorte que les intérêts du pays ou de la société et ceux du délinquant réadapté correspondent. Pour réussir la réadaptation, prévenir la récidive et favoriser la réinsertion dans la société, il faut offrir aux contrevenants des thérapies et du counselling. Il nous faut par conséquent des ressources, car c'est la façon la plus efficace de garantir la sécurité de la collectivité. L'approche simpliste qui consiste à alourdir les peines ne donnera pas ce résultat.
Dans le projet de loi, on propose la création d'une banque de données accessible au public pour accroître affirme-t-on la sécurité du public. Une banque de données publique risque davantage d'avoir l'effet contraire, c'est-à-dire d'accroître le danger pour les personnes vulnérables.
On ne peut pas tout simplement dire que la banque de données contiendra uniquement des informations sur les récidivistes à haut risque. Nous ne savons pas comment ni si le gouvernement au pouvoir a l'intention de définir ce terme par voie de règlement. Des témoins qui ont déjà comparu devant le comité ont suggéré de laisser le soin aux forces policières de déterminer qui est un délinquant à haut risque. Il y a donc de l'incohérence et de l'incertitude à cet égard.
En outre, l'accès par le public à de telles données risque de pousser les délinquants à se cacher pour se soustraire à la surveillance de la police, aux thérapies et à la supervision. Comme les crimes sexuels sont souvent des crimes de situation, on peut supposer que les contrevenants non traités sont davantage susceptibles de récidiver et de faire d'autres victimes. Il est tout à fait possible de prévenir une telle chose. Par ailleurs, des innocents ont été pris pour des contrevenants lorsque des justiciers ont présumé à tort qu'ils pouvaient se faire justice à eux-mêmes. Il est inacceptable également que des revanchards improvisés décident de devenir des bourreaux. Dans notre mémoire, nous citons plusieurs exemples provenant des États-Unis. Il n'y a aucune raison de croire que cela ne pourrait pas se produire au Canada.
Le deuxième point que je veux aborder est le recours aux peines minimales obligatoires. Les peines imposées aux criminels doivent être proportionnelles à l'infraction et à la situation du contrevenant. C'est ce qu'exige la Constitution. Les tribunaux du pays prennent très au sérieux les infractions commises contre des enfants, et c'est un mythe de dire que ceux qui agressent des enfants reçoivent des peines minimales. On a aussi amplement fait la preuve que les peines minimales obligatoires n'ont à peu près pas d'effet dissuasif, voire aucun.
Je vais conclure, car le temps file. Comme mon collègue de la Criminal Lawyers' Association l'a mentionné, la peine doit être proportionnelle. Si elle ne l'est pas, on sera confronté à un litige constitutionnel, qui se révélera coûteux, et la constitutionnalité du projet de loi risque d'être contestée pour cette raison.
Je serai ravi de répondre à vos questions lorsque nous reprendrons la séance.
:
Bonjour. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.
Je m'appelle Sheldon Kennedy et je représente le Child Advocacy Centre. À notre centre, en Alberta, nous menons toutes les enquêtes sur les cas d'agressions sexuelles survenus à Calgary et dans les environs. Nous avons réuni des agents de la GRC, des agents de l'unité des crimes sexuels contre les enfants de la police de Calgary, 4 pédiatres et 15 psychiatres des services de santé de Alberta ainsi que 35 travailleurs du milieu des services à l'enfance et à la famille. Nous enquêtons tous ensemble sur ces crimes et nous nous employons à traiter ces jeunes personnes afin qu'elles puissent reprendre leur vie en main rapidement.
En examinant le cas de la personne qui m'a agressé et celui d'autres contrevenants, à la lumière de ce que de nombreuses autres victimes m'ont dit, je me suis rendu compte que ces individus sévissent dans notre société en raison de notre ignorance et de notre indifférence. C'est pour cette raison qu'ils s'en tirent et qu'ils peuvent sévir dans notre pays et dans nos collectivités. Notre meilleur moyen de défense consiste à expliquer aux gens qui sont ces individus, car la population s'imagine que ceux qui s'en prennent aux enfants sortent de nulle part. En réalité, ce n'est pas le cas. Les données que nous avons recueillies au centre, ici à Calgary, en étudiant les dossiers de tous nos partenaires, à savoir les services de santé, les services à l'enfance et à la famille, les forces policières et les procureurs de la Couronne, nous ont permis de nous faire une idée des dommages imperceptibles que cause ce type de crime.
Je crois qu'il y a une chose que nos tribunaux et nos systèmes ne comprennent pas vraiment. Nous parlons de santé mentale, de dépression, etc., mais il faut se demander quelle est la cause profonde? On revient toujours à la formation. Pouvez-vous croire que, dans notre pays, nos médecins de famille, nos infirmières, la majorité des policiers, à moins qu'ils soient des spécialistes de ce type de crime, n'ont pas reçu la formation nécessaire pour gérer les cas d'agressions contre des enfants? Au centre, en l'espace de 20 mois, nous avons mené 2 500 enquêtes à Calgary seulement. Dans 60 à 80 % des cas, il s'agit d'agressions sexuelles; dans 93 % des cas, les enfants connaissent leur agresseur; 47 % des agresseurs sont des parents ou des personnes qui prennent soin d'eux; et 32 % des victimes ont déjà été agressées par le passé. La majorité des enfants sont âgés de quatre à sept ans, alors il est ridicule de croire que cela n'arrive seulement qu'aux enfants plus âgés.
J'aimerais m'attarder sur certaines des répercussions. À quoi faisons-nous face exactement lorsque des enfants sont agressés? Que se passe-t-il? Quels sont les torts causés?
[ Note de la rédaction: difficultés techniques]
:
La technologie, c'est fantastique lorsque ça fonctionne bien.
Eh bien, mesdames et messieurs, la sonnerie se fait entendre, et cela signifie que nous devons nous rendre à la Chambre pour le vote. Il n'y a qu'un seul vote, alors nous serons de retour vers 16 h 30. Si vous voulez bien rester, nous vous en serions très reconnaissants. Nous laisserons les autres personnes présenter leur exposé et ensuite, nous passerons à une période de discussion. J'ai entendu dire que nous pourrions discuter de la possibilité de prolonger la réunion. Nous en parlerons en temps et lieu.
Cela étant dit, nous allons suspendre la séance jusqu'à notre retour.
:
Nous allons maintenant reprendre la séance. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne se penche actuellement sur le projet de loi . Je tiens à remercier ceux qui nous ont attendus pendant 45 minutes, le temps d'aller voter. Nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe de témoins.
Je tiens à remercier Mme O'Sullivan pour sa gentillesse. Elle est l'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels. Elle a offert de céder sa place tout à l'heure et d'être la première de ce groupe à prendre la parole. Chaque témoin disposera de cinq minutes pour faire son exposé, et ensuite, nous allons passer aux questions. Si vous êtes disposés à rester jusqu'à 18 heures, les membres du comité acceptent de rester également jusqu'à cette heure pour continuer les questions. Si vous devez quitter parce que vous avez un vol à prendre ou pour toute autre raison, nous le comprenons très bien, mais si vous restez, il se pourrait que vous ayez à répondre à des questions.
Je vais donc demander à Mme O'Sullivan, du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, de commencer.
:
Merci beaucoup. Par égard aux autres témoins, je vais sauter une partie de notre introduction. Vous avez déjà entendu parler du travail de notre bureau. Sans plus tarder, je vais vous faire part de nos commentaires sur le projet de loi.
Le projet de loi cherche à apporter bon nombre de changements au Code criminel et à d'autres textes législatifs pour répondre à certaines questions touchant les infractions sexuelles visant les enfants. Nous savons que ces changements visent à alourdir les peines minimales et maximales et à rendre obligatoires les peines consécutives pour ces infractions. De plus, le projet de loi renforce les obligations de signaler les délinquants sexuels inscrits au registre et crée une nouvelle banque de données nationale publique contenant des renseignements sur les délinquants sexuels.
Au fil des ans, nous avons vu plusieurs victimes communiquer avec notre bureau pour exprimer leur frustration et leurs préoccupations en ce qui a trait aux problèmes liés aux infractions sexuelles visant les enfants. Comme toutes les victimes d'actes criminels, elles ont besoin d'être informées, d'être prises en considération, protégées et appuyées. Nous avons vu des victimes frustrées par le manque de renseignements pertinents mis à leur disposition sur les délinquants lors de leur remise en liberté. Des victimes nous ont indiqué qu'elles ne s'étaient pas senties protégées et que l'on n'avait pas tenu compte d'elles aux divers stages du système de justice pénale, y compris lors de la détermination de la peine et au moment d'établir les conditions de remise en liberté. Les victimes nous ont aussi parlé de la nécessité d'avoir du soutien à toutes les étapes du processus de justice pénale, de la perpétration de l'acte criminel, tout au long des procédures judiciaires, après la déclaration de culpabilité du délinquant et lors de la remise en liberté de celui-ci. Comme d'autres témoins vous l'ont dit, ces besoins peuvent se faire ressentir pendant toute une vie.
Le projet de loi cherche à mettre davantage de renseignements à la disposition des victimes grâce à une banque de données accessible au public contenant des renseignements sur les agresseurs sexuels d'enfants qui présentent un risque élevé. Notre bureau a constaté que la plupart des collectivités au pays ont adopté des processus relatifs aux avis d'intérêt public concernant les délinquants à risque élevé. Dans certaines provinces, ces avis sont affichés sur des sites Web publics. La banque de données accessible au public proposée devrait faire en sorte que les victimes et collectivités ont un accès plus uniforme aux renseignements sur les agresseurs sexuels d'enfants qui présentent un risque élevé.
Les changements législatifs apportés à la détermination de la peine et à la mise en commun des renseignements doivent être appuyés par des ressources pour aider les victimes à signaler les crimes qu'elles ont subis et à s'en remettre. En ce qui a trait à la mise en commun des renseignements entre les forces de l'ordre, j'appuie les changements visant la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels qui permettraient aux services de police et à l'Agence des services frontaliers du Canada de mettre en commun davantage de renseignements pour lutter contre la victimisation des enfants à l'étranger.
Les dispositions du projet de loi prévoient de plus longues peines maximales et minimales pour les infractions sexuelles visant les enfants, et les peines imposées en cas de victimes multiples devront être purgées de façon consécutive. Nous avons entendu s'exprimer des victimes qui appuient les peines consécutives, car elles estiment que celles-ci permettent de reconnaître le préjudice subi par chaque victime. Même si la détermination de la peine est un sujet important pour certaines victimes, elle ne répond pas à elle seule aux préoccupations et aux besoins des victimes. Lorsque vous avez des conversations sur des sujets sensibles de ce type, il est important de garder en tête que les besoins et les expériences de chaque victime sont uniques. Les cas d'agression sexuelle à l'égard des enfants sont complexes et impliquent souvent une personne connue par la victime.
Je tiens à souligner l'importance d'avoir des ressources communautaires et du soutien en place, non seulement lorsqu'une victime signale une agression, mais aussi pour faire face au traumatisme, qui durera toute une vie, et aux tensions intergénérationnelles qui vont souvent de pair avec ce type de victimisation.
Pour terminer, je tiens à remercier le comité de son étude sur le projet de loi et de son travail sur ce dossier important. Je crois que le projet de loi fournit des mesures qui permettent de mieux renseigner les victimes d'actes criminels et de prendre leurs besoins en considération.
Je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.
:
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.
Je suis accompagné aujourd'hui de Carman Baggaley, qui est analyste principal des politiques au commissariat.
Mes remarques porteront principalement sur les modifications proposées à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, ou LERDS, et la création de la banque de données concernant les délinquants sexuels à risque élevé.
Bien que les tribunaux canadiens aient reconnu que le droit à la vie privée est un droit quasi constitutionnel, il ne s'agit pas d'un droit absolu. Dans certains cas, il peut être restreint pour atteindre d'autres objectifs de société comme le renforcement de la sécurité publique et la protection des membres les plus vulnérables de notre société.
Cependant, lorsqu'il est question de porter atteinte à la vie privée, nous devons d'abord vérifier si ces atteintes sont nécessaires et susceptibles d'être efficaces; si elles sont proportionnelles aux avantages que l'on prévoit en retirer et s'il n'existe pas d'autres mesures moins intrusives pouvant être utilisées pour atteindre le même objectif.
La LERDS, qui a reçu la sanction royale en 2004, impose d'importantes obligations aux délinquants sexuels. Ces obligations ne sont pas imposées aux autres délinquants qui ont purgé leur peine. Lors des comparutions antérieures devant les comités parlementaires concernant cette loi, le Commissariat à la protection de la vie privée a soulevé des questions relatives à l'efficacité de ce système d'enregistrement.
En 2009, nous avons recommandé qu'une évaluation officielle de l'efficacité de la législation et du registre soit effectuée par un tiers. À notre connaissance, aucune évaluation financée par l'État n'a été réalisée. Par contre, les évaluations qui ont été menées en se fondant sur l'expérience des États-Unis révèlent qu'il existe très peu, voire pas du tout, de faits prouvant que les lois sur l'enregistrement et la notifications sont efficaces pour ce qui est de réduire le taux de récidive sexuelle ou le nombre d'infractions sexuelles signalées.
[Traduction]
La Loi sur la banque de données concernant les délinquants sexuels à risque élevé prévoit la création d'une banque de données accessible au public contenant de l'information sur les personnes coupables d'infractions à caractère sexuel sur des enfants et qui posent un risque élevé de commettre des crimes de nature sexuelle. Bien que cette information se limite aux renseignements qu'un service de police ou une autre autorité publique a rendus publics, en les rendant disponibles dans une base de données nationale, on augmenterait grandement le nombre de personnes qui y ont accès. Une telle démarche constituerait clairement une atteinte à la vie privée qui, pour être justifiée, devrait reposer sur un objectif proportionné et efficace de sécurité publique.
Au commissariat, nous sommes préoccupés par le fait que, selon les recherches que nous avons lues, la proposition de créer une base de données sur les délinquants sexuels à risque élevé ne constituerait pas une réponse proportionnée ni efficace au problème bien réel qu'elle tente de résoudre. Cela tient en partie au fait que les organismes d'application de la loi ont déjà accès à l'information concernant les délinquants sexuels inscrits par l'entremise du Registre national des délinquants sexuels et d'autres bases de données comme le CPIC. Comment, alors, cette base de données publique augmenterait-elle la probabilité d'arrestation ou réduirait-elle le risque de récidive? Nous n'avons vu aucune preuve de tels résultats.
Il existe par contre des études qui appuient l'idée que les lois qui réduisent la protection de la vie privée des délinquants sexuels rendent leur réadaptation et leur réinsertion sociale plus difficiles. En fin de compte, cela pourrait faire augmenter le taux de récidive.
Une base de données accessible au public risque aussi d'encourager les gens à devenir justiciers, comme on le reconnaît sur les sites Web provinciaux sur les délinquants dangereux, par exemple celui de l'Alberta, et de pousser les délinquants à rechercher la clandestinité de peur de se faire attaquer ou harceler. Des recherches indiquent qu'aux États-Unis, des bases de données semblables ont conduit au meurtre de délinquants sexuels qui avaient été mis en liberté dans la collectivité.
Soyons clairs: nous éprouvons de l'empathie pour les victimes des délinquants sexuels et nous sommes conscients de la gravité du problème qu'on tente de résoudre par l'adoption de ce projet de loi. Toutefois, nous exhortons le comité à évaluer avec beaucoup d'attention l'efficacité probable de cette proposition.
Je vous remercie de votre attention et je serai heureux de répondre à vos questions.
Je vous remercie de nous permettre de témoigner devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Alain Fortier. Je suis le président de VASAM et je suis accompagné de M. Frank Tremblay, le vice-président. Afin de respecter le temps de parole qui m'est alloué, je débuterai la présentation. Par la suite, M. Tremblay prendra le relais.
VASAM est le seul organisme du Québec qui vient en aide aux hommes victimes d'agressions sexuelles. Après à peine un an d'existence, nous avons déjà beaucoup accompli pour les victimes masculines. Déjà, nous comptons quelques centaines de membres individuels et corporatifs.
Il est à noter que même si nous travaillons seulement avec les hommes victimes d'agressions sexuelles, nous travaillons aussi de concert avec les organismes venant en aide aux victimes féminines d'agressions sexuelles.
La mission de l'organisme est de conscientiser la population et les instances politiques aux agressions sexuelles perpétrées sur des hommes durant leur enfance et d'encourager les hommes de tous âges à briser l'isolement et à reprendre le contrôle de leur vie.
En matière de droit des victimes, notre association réagit à toute modification législative en exigeant sans relâche une réaffirmation et un renforcement des droits des victimes.
Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui de vous faire part des raisons qui nous motivent à accorder un appui sans réserve au projet de loi . Parmi les dispositions du projet de loi et les mesures proposées, deux d'entre elles attirent particulièrement notre attention.
La première est l'alourdissement des peines d'emprisonnement minimales et maximales liées à certaines infractions d'ordre sexuel contre les enfants.
La deuxième est l'obligation imposée au contrevenant déclaré coupable d'infraction d'ordre sexuel envers de multiples enfants, et qui reçoit des peines distinctes, de les purger de façon consécutive, ce qui veut dire l'une après l'autre.
Monsieur Tremblay, je vous cède la parole.
Bonjour à tous.
Notre appui sans réserve au projet de loi n'est pas seulement idéologique, il est aussi fondé sur une série d'expériences personnelles douloureuses. Il ne vise pas à punir l'agresseur davantage mais à mieux protéger les victimes, à imposer une sentence adéquate aux prédateurs sexuels d'enfants et à prendre les dispositions requises pour qu'ils la purgent vraiment. Il faut mieux prendre en considération les enfants agressés et les respecter. La protection de l'enfant est l'esprit et la lettre du projet de loi C-26. Il ne s'agit pas d'une simple question de mois ou d'années.
J'aimerais livrer un témoignage personnel. Il y a 23 ans, l'agresseur de mon collègue Alain Fortier a écopé de 90 jours de détention. Par ailleurs, mon agresseur sexuel, qui avait fait 13 victimes, a obtenu une sentence de trois ans de pénitencier. La cause a été portée en appel par la Couronne, et la Cour d'appel a renversé le jugement à l'unanimité et a imposé une peine de cinq ans d'emprisonnement.
De prime abord, on peut croire qu'il est intéressant de voir une évolution. On a compris que les peines devaient être différentes selon les cas. Dans le cas de mon agresseur, il a fait 13 victimes et a été condamné à cinq ans d'emprisonnement. Quant à l'agresseur de M. Fortier, sa sentence a été de 90 jours.
Ce n'est pas tout à fait le cas, car depuis 20 ans, il n'y a eu aucune évolution. Le diable est dans les détails. Allons faire un petit tour en enfer, si je peux m'exprimer ainsi. Comme je l'ai déjà dit, mon agresseur a obtenu une peine de 60 mois d'emprisonnement pour avoir fait 13 victimes. Il a été libéré en mars 2014, après avoir purgé seulement 26 mois d'emprisonnement. Si on divise 26 mois par 13, cela équivaut à une peine d'emprisonnement de deux mois par victime.
J'ai intenté un recours collectif contre mon agresseur et son organisation. Lors du procès civil, il a mentionné m'avoir agressé à au moins 80 reprises. Au Canada, ce n'est pas ainsi que fonctionne le système criminel, je le sais. Par contre, dans ma tête et dans mon coeur d'enfant agressé, Raymond-Marie Lavoie, mon agresseur sexuel, a écopé de 60 jours de détention pour m'avoir imposé 80 nuits d'amour. C'est la peine qu'a obtenue Raymond-Marie Lavoie.
En ce qui a trait aux peines, quelle est l'évolution des peines depuis 20 ans ou 30 ans? Dans mon esprit, mon agresseur a écopé de 60 jours de détention alors qu'il a passé 80 nuits d'amour avec un enfant de 13 ans. Veut-on maintenir cela ainsi? Est-ce ce que veulent les Canadiens?
Le projet de loi permettrait de reconnaître les torts, et ce, afin de protéger les enfants. Notre appui au projet de loi C-26 et à ses réformes va au-delà d'une simple proportion arithmétique entre la sentence et les torts causés. Il est fondé sur la reconnaissance d'un sinistre vécu dans l'enfance par les victimes et des efforts immenses que ces gens doivent déployer pour se libérer.
Le projet de loi reconnaît enfin le tort infligé aux enfants agressés en faisant preuve d'une plus grande considération lors du traitement de la requête, au moment de l'imposition de la sentence de leur bourreau et en leur assurant une meilleure protection par la création d'une banque de données publique sur les auteurs d'agressions sexuelles sur les enfants.
Je termine en disant que chacun d'entre nous porte toujours l'enfant en soi. Nous en avons tous un. Toutefois, lorsque cet enfant a été violé alors qu'il était petit, cela fait de la victime, homme ou femme, une personne brisée.
VASAM a été mis sur pied pour venir en aide à ces gens qui ont été détruits alors qu'ils étaient enfants. En adoptant le projet de loi , vous direz à la société que vous protégez les enfants qui sont enfouis en nous, même si nous sommes devenus grands.
Votez en faveur du projet de loi .
Je vous remercie
Je suis Stacey Hannem. Je suis la présidente du comité d'examen des politiques de l'Association canadienne de justice pénale, et je suis également professeure agrégée de criminologie à l'Université Wilfrid Laurier. J'ai effectué des recherches sur les délinquants sexuels remis en liberté et leur réinsertion.
En tant que professionnelle oeuvrant dans le domaine de la justice pénale, les membres de notre association comprennent la volonté du public de se protéger contre des personnes qui commettent des agressions sexuelles et qui cherchent à exploiter sexuellement leurs victimes. Nous avons lu et étudié soigneusement ce qui est prévu dans le projet de loi et nous souhaitons souligner certaines dispositions de ce texte qui suscitent des préoccupations.
Notre association a déclaré publiquement à de nombreuses occasions son opposition quant à la création de peines minimales obligatoires. Le projet de loi prévoit bien sûr le renforcement des peines obligatoires minimales. Je ne m'y attarderais pas, car je crois que mon collègue, Michael Spratt, a été assez éloquent lorsqu'il a parlé des problèmes liés aux peines minimales obligatoires.
Nous voulons plutôt vous parler de l'article 7, qui modifie les paragraphes 163.1(2) et (3) du Code criminel pour éliminer la déclaration de culpabilité par procédure sommaire en cas d'infraction consistant en la création et la distribution de pornographie juvénile.
Nous y voyons un problème compte tenu du manque de clarté quant à nos définitions de pornographie juvénile dans une ère numérique, et compte tenu de certaines des affaires jugées aux États-Unis, où on a accusé des enfants d'avoir créé et distribué de la pornographie juvénile lorsqu'ils ont pris des photographies d'eux-mêmes et les ont envoyées par SMS ou d'autres moyens informatiques à leur petit ami ou petite amie et à leurs connaissances. Nous craignons que toute jeune personne se retrouvant dans ce type de scénario flou entourant la pornographie juvénile serait assujettie aux dispositions concernant les peines minimales obligatoires pour cet acte criminel, soit une peine minimale obligatoire d'un an. Vu la fréquence croissante de ce type de comportement chez les jeunes gens et la pression des pairs, nous souhaitons mettre en garde le Parlement et le gouvernement contre de telles restrictions sur la discrétion des procureurs si vous éliminez la possibilité de recourir aux déclarations de culpabilité par procédure sommaire.
Notre deuxième préoccupation concerne les peines maximales renforcées. Le projet de loi prévoit le renforcement généralisé des peines maximales dans le cas d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire jusqu'à deux ans moins un jour pour diverses infractions commises à l'égard d'enfants.
En fixant les peines maximales à deux ans moins un jour, les délinquants demeureront dans des établissements provinciaux. Nous y voyons un problème, car les programmes de traitement destinés aux délinquants sexuels ne sont pas offerts de façon universelle dans tous les systèmes provinciaux du pays. L'Ontario offre de très bons programmes, alors que l'Alberta n'en a aucun. L'Alberta n'offre aucun traitement destiné aux délinquants coupables d'agression sexuelle visant des enfants.
Lorsque vous vous penchez sur ce type d'infraction et vous vous demandez si cette infraction mérite bien une peine de deux ans moins un jour, vous auriez peut-être intérêt à vous assurer que les provinces ont la capacité nécessaire de soigner de façon efficace ce type de délinquant et d'offrir ces programmes, de sorte qu'ils soient disponibles dans tout le pays, à la fois lorsque les délinquants sont en prison et une fois libérés dans les collectivités.
Le troisième problème dont je voudrais vous parler porte sur la base de données, accessible au public, sur les délinquants ayant commis des agressions sexuelles visant les enfants et présentant des risques élevés de récidive. Je vais d'emblée vous dire que les études longitudinales effectuées aux États-Unis sur les registres renfermant des données sur les délinquants sexuels nous indiquent que ces registres sont d'une utilité limitée. Nous n'avons effectué aucune recherche à ce sujet au Canada.
Une étude publiée en 2008 s'est penchée sur les taux d'agression sexuelle pendant les 10 années qui ont précédé et les 11 années qui ont suivi la création d'un registre sur les délinquants sexuels dans l'État de New York. Les chercheurs n'ont observé aucune incidence sur les taux d'arrestation et les taux d'accusation pour agression sexuelle. Sur le total des personnes accusées d'agression sexuelle pendant la période visée, c'est-à-dire les 10 ans qui ont précédé et les 11 ans qui sont suivi la création du registre, 95,9 % d'entre elles en étaient à leur première infraction. Ces gens ne seraient pas dans le registre de toute façon. Encore une fois, cela laisse entendre que le registre en soi est d'une utilité limitée.
Lorsque vous rendez un tel registre accessible au public et vous mettez ces renseignements dans le domaine public, il y a toute une gamme de conséquences imprévues. La toute première, c'est un taux d'inscription affaibli. L'Ontario a un taux d'inscription de 95 à 97 % à son registre sur les délinquants sexuels. C'est donc un taux très élevé, que l'on croit ou non que cela fasse une différence réelle.
Selon les données les plus récentes, les provinces qui rendent les renseignements publics, c'est-à-dire l'Alberta et le Manitoba, affichent un taux d'inscription beaucoup moins élevé, soit 84 et 88 % respectivement. Donc si vous êtes d'avis que les registres sur les délinquants sexuels sont un outil utile pour les enquêtes policières, vous devriez vous soucier de l'incidence de la baisse des taux inscription.
Le deuxième problème est lié à l'identification de la victime. Si vous examinez les renseignements rendus publics par le Manitoba notamment, vous remarquerez qu'en raison de la description de la nature de l'infraction, il est souvent possible de reconnaître l'enfant ou le partenaire du délinquant qui en a été la victime, ce qui fait que ces victimes peuvent être identifiées par le public. C'est un problème.
La nature publique des renseignements nuit également à la réinsertion. Nous avons remarqué tout un ensemble de problèmes liés au harcèlement des délinquants et leur incapacité de se réinsérer de façon efficace, et je vous dirais que si vous vous souciez vraiment de la possibilité de réduire le risque présenté aux enfants, vous reconsidériez des groupes comme Cercles de soutien et de responsabilité, qui affiche un taux d'efficacité de 70 % de prévention de la récidive et qui se voit retirer son financement à Ottawa. Cette organisation devra fermer ses portes, alors qu'il y a des gens qui sortent de prison et qui veulent du soutien pour se réinsérer, qui souhaitent travailler avec des personnes afin de créer des collectivités plus sûres.
Je vous encouragerais à revoir le financement de ce type de programme dont l'efficacité a été prouvée, plutôt que de financer des peines d'emprisonnement plus longues.
Merci.
:
Merci, madame. Je vous remercie tous de vos exposés.
Nous disposons d'une heure pour nos questions et réponses. Mais avant d'y passer, les membres du comité doivent adopter un budget qui représente 8 800 $. Pourrais-je demander à quelqu'un de proposer l'adoption de ce budget?
M. Bob Dechert: Je le propose.
Le président: Êtes-vous tous en faveur?
(La motion est adoptée.)
Le président: Merci beaucoup.
Notre première question vient du Parti néo-démocrate, représenté par Mme Boivin.
Nous avons beaucoup de témoins. Je vous prie d'identifier la personne à laquelle vous posez la question.
:
Je vous remercie de votre participation à la réunion d'aujourd'hui.
[Traduction]
Je commencerai par Mme Hannem parce que je crois qu'elle a dit quelque chose de vraiment important.
[Français]
La banque de données dont vous parlez m'inquiète énormément. En effet, cela risque de faire en sorte que la victime soit identifiée. Je ne pense pas que ce soit le but visé. Il semble y avoir deux problèmes au sujet de la banque de données: cette question d'identification et celle consistant à savoir qui va identifier la personne à haut risque de récidive.
Si je comprends bien, on devrait peut-être inclure dans l'article 5 de la partie du projet de loi qui traite de la banque de données une phrase précisant qu'aucune de ces informations publiques ne devrait servir à identifier ou contribuer à identifier la victime.
S'agirait-il d'un caveat acceptable?
Pour ce qui est de déterminer qui devrait être inscrit dans cette nouvelle banque de données, est-ce qu'on ne devrait pas laisser cette responsabilité au tribunal plutôt qu'à la GRC? Le gouverneur en conseil pourrait intervenir au préalable selon ce qui est précisé dans le projet de loi et qui va comme suit:
11. Le gouverneur en conseil, peut, par règlement :
a) établir les critères permettant de décider qu’une personne qui est déclarée coupable d’une infraction sexuelle visant un enfant présente un risque élevé de commettre un crime de nature sexuelle;
Dans les articles 3 et 4, on parle de « renseignements sur des personnes qui sont déclarées coupables d’infractions sexuelles visant les enfants et présentent un risque élevé de commettre des crimes de nature sexuelle. »
Ne serait-ce pas une une façon de mieux encadrer cette banque de données?
:
C'est une excellente question.
À l'heure actuelle, lorsque nous prenons des décisions sur les avis au public, le Service correctionnel du Canada informe généralement le service de police local lorsqu'il libère une personne présentant un risque élevé, et il revient au service de police local de décider s'il souhaite ou non émettre un avis public. C'est donc à la discrétion du service.
Selon moi, lorsque vient le temps de décider qui présente un risque élevé, il faudrait faire participer la Commission des libérations conditionnelles, car elle est certainement bien placée pour déterminer quel serait le risque présenté lorsque cette personne sera mise en liberté. C'est ma première recommandation si l'on veut prévoir un certain encadrement.
L'identification des victimes est un autre problème. Le projet de loi prévoit que seuls les renseignements qui ont été rendus publics auparavant dans les avis publics seraient diffusés, mais là encore, ce sera à la discrétion du service de police local.
:
Je m'adresse maintenant à tous mes confrères, des juristes comme moi, qui n'aiment pas...
[Français]
les peines minimales. Quand je lis le projet de loi ,
[Traduction]
La plupart des dispositions énoncent des peines minimales qui existent déjà, et elles ne sont donc même pas contestées dans le projet de loi . Quelques-unes, peut-être deux ou trois, sont passées de 90 jours à six mois, mais rien, vraiment... Je sais que nous doutons tous sérieusement de l'efficacité de tout ceci. Nous avons entendu M. Gilhooly, l'une des victimes de tels crimes, et il a dit qu'à son avis, cela ne fera rien, pour toutes sortes de raisons.
On passe beaucoup de temps sur les peines minimales et maximales, mais les tribunaux choisissent rarement les peines maximales. On n'a pas apporté beaucoup de changements aux peines minimales. Selon vous, est-ce le gros problème dans le projet de loi ?
J'aimerais d'abord entendre la réponse de M. Spratt.
:
Les peines minimales existent déjà. Quant à savoir si elles fonctionnent ou non, on peut toujours en discuter. Mais on ne peut pas vraiment contredire les preuves.
Le problème avec l'argument qu'on ne fait qu'augmenter les peines minimales existantes, c'est qu'elles répondent à peine aux critères constitutionnels. Dans l'affaire à laquelle j'ai fait référence, la peine minimale était de 90 jours, mais le juge a dit qu'il croyait que 14 jours représentaient une peine raisonnable.
Est-ce que 90 jours représentent une peine extrêmement disproportionnée? C'est très près, et il a dit que c'était probablement le cas. Laissons la Cour d'appel en décider.
Vous doublez cela, et ce qui était peut-être discutable — et je ne crois pas que c'était le cas — devient un clou dans le cercueil lorsque vous l'augmentez. En effet, on jugera que ces peines sont maintenant extrêmement disproportionnées.
:
J'ai entendu le témoignage selon lequel les victimes veulent que le système de justice pénale tienne mieux compte de ce qui leur est arrivé. Je suis tout à fait sympathique à ce point de vue. Je ne pense pas qu'il y ait grand-chose à faire avec la nature publique du système en question.
On peut concevoir que certaines victimes de crime soient avisées de la libération de la personne qui les a agressées et que, de cette façon, la victime considère qu'elle est mieux traitée par l'État et par le système de justice pénale. Toutefois, le projet de loi qui est à l'étude propose que l'ensemble de la population canadienne soit avisée, par l'entremise d'un site Web, des noms de différentes personnes et des circonstances qui ont mené à leur condamnation.
En ce qui a trait à la nature publique du document, du système en question, il n'y a pas de demi-mesure. La seule chose que je peux voir est que les victimes soient personnellement avisées, mais pour ce qui est de la publication, c'est public ou ce ne l'est pas.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais tout d'abord parler de la question de la détermination de la peine, c'est-à-dire des dispositions du projet de loi sur les peines d'emprisonnement obligatoires et sur les peines consécutives. Malheureusement, M. Kennedy n'est plus ici. J'aurais aimé entendre ses commentaires sur ces articles, mais je vois que nous avons M. Fortier et M. Tremblay.
Monsieur Tremblay, je crois que vous avez dit qu'à votre avis, le projet de loi protégerait mieux les enfants et qu'il reconnaîtrait davantage le préjudice causé aux victimes. Vous savez peut-être que lors de notre dernière réunion, nous avons entendu M. David Butt, qui représentait l'Alliance pour la sécurité Internet des enfants et qui est un ancien procureur de la Couronne. Je crois qu'il est présentement avocat de la défense. J'aimerais parler de la fin de son exposé, qui portait sur les peines minimales obligatoires. Il a dit que les peines minimales obligatoires, telles que proposées, n'allaient pas trop loin. Elles reconnaissent un niveau approprié d'opprobre moral envers l'infraction et elles protègent le pouvoir discrétionnaire des juges.
Nous avons entendu des témoins de l'Association du Barreau canadien, de la Criminal Lawyers' Association, et d'autres groupes qui ne sont pas d'avis que les peines minimales ont un effet dissuasif, mais ils n'ont pas parlé de la dénonciation publique et de l'aversion qu'éprouve la société à l'égard d'un crime de cette nature commis contre un enfant.
Vous avez mentionné le préjudice aux victimes, et M. Butt a mentionné la notion d'opprobre moral, comme je l'ai dit, et je crois qu'il est étrange que nous n'ayons rien entendu à ce sujet de la part de l'Association du Barreau canadien ou de la Criminal Lawyers' Association. Quel est votre avis sur les peines d'emprisonnement minimales pour les gens qui commettent ce type de crime odieux contre les enfants, et dont on a prouvé la culpabilité? Quel est l'impact sur les victimes lorsqu'elles constatent que le délinquant a reçu une peine minimale importante et une peine consécutive dans une situation où le délinquant a commis des infractions similaires contre plusieurs enfants ou qu'il a commis cette infraction plusieurs fois contre le même enfant?
Monsieur Tremblay, puis-je d'abord entendre votre réponse, et ensuite celle de M. Fortier?
J'aimerais également avoir l'avis de Mme O'Sullivan.
Je vais parler en français, car c'est plus facile pour moi.
[Français]
Les peines minimales sont aussi un message qui est lancé aux victimes. Nous sommes plusieurs autour de cette table. Pour une victime, s'en sortir représente un défi immense. Comme victime et représentant d'une association de victimes, j'interagis avec des individus, des centaines d'hommes, de papas et de grands-papas qui ont été agressés pendant leur enfance. Les gens que nous côtoyons, qui nous écrivent ou nous parlent expriment un dégoût profond pour la société.
Pendant toute notre vie, c'est-à-dire à partir de l'enfance jusqu'à l'âge que nous avons maintenant, lorsqu'une peine imposée constitue une injustice, cela nous dégoûte. On peut voir cela dans une cour d'école aussi bien que dans notre monde. Au sortir d'un tribunal, quand on s'aperçoit que les conséquences sur la vie d'un individu sont immenses et que tout le débat tourne autour de la façon dont la vie privée de l'individu qui a agressé l'enfant peut être protégée... Chaque fois que cet individu a décidé de commettre une agression, il l'a fait volontairement. Il a ciblé sa victime. Il savait qu'il y aurait des conséquences, mais il a décidé de commettre l'agression. À quoi bon dire qu'on n'aidera pas cet individu à cesser de commettre des crimes si on lui impose une peine minimale, si on opte pour des peines cumulatives plutôt que des peines concurrentes?
Quand on procède de cette façon, on ne regarde que d'un seul côté. De l'endroit où vous êtes, vous ne voyez pas les choses comme moi. Le message serait différent si tout le monde passait de l'autre côté et se demandait ce que cela apporte à la victime ainsi qu'aux membres de notre société qui voient ces choses. Le message serait qu'il faut cesser de penser qu'il est nécessaire de porter attention à la personne qui a agressé quelqu'un. C'est souvent ce que l'on voit dans les tribunaux et cela suscite un profond dégoût.
Si vous me dites qu'il y aura moins d'agressions, il est certain que j'aurai le sentiment d'avoir obtenu réparation. Pour ce qui est de mon dossier personnel et de plusieurs autres, je n'ai pas le sentiment que cette réparation a été obtenue.
Quand je me suis présenté de nouveau devant la Commission des libérations conditionnelles et que j'ai fait état des mensonges racontés par cet individu six mois auparavant, lors d'un procès civil, alors qu'il était en détention, on a été bien gentil avec moi, mais qu'est-il advenu? On a libéré cet individu le soir même, et il était en maison de transition à Montréal dès 20 h.
Le fait qu'on dise « attention, pas de peines minimales » me cause un gros problème. En effet, c'est le message que vous envoyez à la société. Quand vous ne regardez que du côté de l'agresseur, vous dites qu'il n'y aura pas d'impact, mais si vous passez de l'autre côté de la clôture, vous verrez que l'impact ressenti par les victimes et la société est important.
Est-ce que j'ai bien répondu à votre question?
:
Concernant les peines minimales, je trouve que c'est une avancée. Il est bien d'imposer une peine de deux ans moins un jour, surtout dans le cas d'agressions sexuelles sur les enfants. J'aurais même tendance à dire que l'idéal serait une peine de deux ans et un jour parce qu'on sait que les pénitenciers provinciaux sont des garderies, c'est-à-dire des endroits où l'on apprend à commettre des crimes, tandis que les pénitenciers fédéraux offrent des programmes et font des suivis. C'est une première chose concernant les peines.
Je comprends mal que certains doutent que l'imposition de peines plus lourdes ait un effet dissuasif. Si je roule à 160 kilomètres à l'heure sur l'autoroute et qu'un policier m'arrête, me donne une tape sur l'épaule et me dit de ne pas recommencer, je vais peut-être recommencer quand même, alors que s'il m'en coûte 400 $, j'aurai peut-être moins envie de le faire.
J'aimerais mentionner une dernière chose. J'ai été agressé par deux agresseurs différents, et ce, à plusieurs reprises. Je n'ai jamais poursuivi le deuxième agresseur au criminel, mais pour le premier, j'ai fait des démarches complètes au criminel qui ont duré cinq ans.
Je n'ai pas fait de démarches pour dénoncer mon deuxième agresseur parce que je ne voulais pas replonger là-dedans, autant pour moi que pour ma famille et mes amis. J'aurais fait tout cela pour que mon agresseur écope de 90 jours de prison seulement? No way! Je n'ai pas dénoncé mon deuxième agresseur, et il court toujours. A-t-il fait d'autres victimes? Oui. Si j'avais su à ce moment-là que la peine imposée serait adéquate, j'aurais porté plainte et je serais allé témoigner.
:
Les témoins qui ont comparu aujourd'hui et d'autres témoins vous ont dit que les victimes se fonderont sur leur expérience. Par exemple, pour certaines victimes, la détermination de la peine est un élément extrêmement important et il fait réellement partie du processus. Pour d'autres, ce qui est important, c'est la justice réparatrice ou la possibilité de traiter le délinquant.
Ce qui est clair, c'est que l'impact et les effets des agressions sexuelles commises contre les enfants — et j'ai entendu M. Kennedy en parler à de nombreuses reprises — durent toute la vie, et que cela représente un coût énorme pour la société. Nous avons beaucoup parlé des soutiens offerts et de l'importance d'empêcher le délinquant de récidiver. Vous m'avez entendu parler publiquement d'un point important, c'est-à-dire que si nous voulons vraiment avoir une société saine, nous devons également veiller à ce que les victimes... Les pattes du tabouret ne sont pas égales. Nous devons veiller à ce que les victimes aient accès aux soutiens et aux ressources dont elles ont besoin, afin qu'elles puissent s'en sortir.
Nous connaissons l'impact des agressions sur les personnes. Nous pouvons parler de tous les autres problèmes qui en découlent. Je crois que les témoins qui ont comparu aujourd'hui nous ont parlé de l'importance, pour un grand nombre de victimes, de la peine imposée. Nous avons surtout parlé des peines minimales, mais il y a également les peines consécutives. Je comprends la question de la proportionnalité et de l'ensemble du système. Mais lorsque nous parlons de la reconnaissance, nous voulons dire que chaque victime a été victimisée. Nous devons veiller à ce que le système de justice pénale le reconnaisse.
:
Brièvement, la dénonciation est seulement l'un des principes liés à la détermination de la peine. Le problème avec les projets de loi comme celui-là et avec les peines minimales obligatoires, c'est qu'ils accordent trop de poids à ce principe, et de façon inconstitutionnelle.
La logique employée dans la question présente une défaillance. Ces personnes sont emprisonnées plus longtemps afin de recevoir plus de traitements. En tout cas, ce n'est pas le cas s'il s'agit d'une peine de six mois et s'ils sont en Alberta. Ils ne reçoivent pas davantage de traitements. On dit ici que cela entraîne un effet dissuasif, mais ce n'est pas la salade vendue par les politiciens, n'est-ce pas?
Lorsque le a comparu devant le comité, il a dit que les peines minimales offraient une protection. Si vous souhaitez affirmer que nous aurons une justice punitive, que nous allons dissuader les gens, c'est bien. Tournez votre argument de cette façon. Si on juge que c'est inconstitutionnel, pas de problème. Vos paroles sont inscrites au compte rendu.
Toutefois, l'affirmation selon laquelle c'est une mesure de protection n'est pas appuyée par les preuves. Cela sonne peut-être bien lorsque vous le dites, mais ce qui compte devant les tribunaux, ce sont les preuves. C'est pourquoi ces types de mesures sont invalidés tout le temps. C'est pourquoi ces mesures le seront probablement aussi.
Madame Hannem, j'ai l'impression que vous aimeriez vous joindre à la discussion. J'ai une question pointue à vous poser, mais n'hésitez pas à répondre à celle que je viens de soulever avec M. Calarco et M. Spratt.
Vous nous avez renvoyés à une disposition particulière de la loi qui doit être modifiée, c'est-à-dire celle qui élimine l'option de la déclaration de culpabilité par procédure sommaire dans certaines circonstances. Y a-t-il d'autres modifications qui, à votre avis, pourraient renforcer la loi ou diminuer sa vulnérabilité sur le plan constitutionnel? Et si vous souhaitez donner votre avis sur la question qui a fait l'objet de la discussion précédente, n'hésitez pas à le faire.
:
En ce qui concerne la vulnérabilité sur le plan constitutionnel, je crois que comme Michael et Paul l'ont dit, l'augmentation de la peine minimale obligatoire peut potentiellement poser un problème et je crois qu'elle sera contestée. N'oubliez pas que l'échelle des peines doit couvrir toutes les situations hypothétiques possibles, comme ils l'ont dit, des infractions les moins graves qui pourraient être visées par la loi à celles les plus odieuses. Dans ce cas, il est donc certainement plus sage de garder l'option du plus large pouvoir discrétionnaire accordé aux juges.
En ce qui concerne la dénonciation publique, je crois également que le pouvoir discrétionnaire accordé aux juges est l'élément principal, c'est-à-dire la capacité des juges d'examiner tous les faits, de déterminer la gravité d'une infraction, de tenir compte de tous les effets sur la victime, et de prendre une décision appropriée qui reflète bien la situation et les mesures prises.
En ce qui a trait à d'autres dispositions liées à la constitutionnalité et aux éléments qui pourraient améliorer notre réponse à l'égard de la victime, vous devriez également savoir que des recherches menées aux États-Unis ont conclu que la nature publique de ces registres empêche parfois les gens de signaler qu'ils ont été victimes d'un crime, car non seulement ils ne veulent pas participer à un procès public, mais ils ne veulent pas que les détails de cette infraction et leur identité y soient liés, surtout lorsqu'il s'agit d'une infraction commise au sein de la famille. Dès qu'il s'agit d'une infraction commise au sein de la famille, on identifie la victime lorsqu'on rend l'affaire publique, et je pense qu'il s'agit d'un élément pour lequel je recommanderais une très grande prudence.
:
Eh bien, je crois qu'on a mené de nombreuses études sur les éléments qui réduisent le taux de récidive et sur ceux qui n'ont aucun effet. Je crois que si on se posait la question, si on se demandait quel était le meilleur plan... Je crois que si notre pays cherche à protéger les victimes — et vous m'avez entendue parler du continuum et de la nécessité de le faire —, ce n'est pas tout ou rien. Nous devons examiner les mesures de prévention et le moment du crime. Nous devons également examiner les conséquences.
Encore une fois, je suis ici pour les victimes. Comme Alain le disait, des victimes nous ont parlé des répercussions. Nous savons que dans notre pays, 83 % des coûts liés à la criminalité sont assumés par les victimes. Nous connaissons les effets qui durent toute la vie. Deux témoins vous en ont parlé aujourd'hui et ils vous ont parlé de leurs besoins. Vous avez entendu d'autres témoins. Je le sais. Les membres de votre comité entendent de nombreuses victimes qui insistent sur la nécessité d'avoir cela, et je vais y revenir. Elles ont besoin d'information. Et manifestement, pour revenir sur votre commentaire, l'identification des victimes est une préoccupation.
Mais d'après ce que je comprends, il faut que le registre public... Ce sont des décisions qu'on prend déjà un peu partout au pays. Je suis absolument d'accord avec vous que ce serait... J'ai entendu les témoins précédents, et j'espère que le gouvernement fédéral continue d'avoir ces conversations avec les représentants des provinces et des territoires. On peut créer une certaine cohérence. J'ai également consulté le site Web de l'Alberta et du Manitoba. Si vous lisez les conditions pour retirer des personnes de leur site Web, vous constaterez qu'elles sont différentes. Nous devons vraiment avoir une conversation à l'échelle nationale à cet égard.
M. Sean Casey: Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Certains des témoignages d'aujourd'hui me rappellent des conversations que j'ai eues avec Sheldon Kennedy ainsi que le témoignage de Theoren Fleury devant notre comité. J'avais de la compassion pour Theoren; il a vécu des moments très difficiles. J'ai pu sentir toute la colère qu'il a ressentie toute sa vie et sa frustration. Bien sûr, il est très évident que ces sentiments sont encore présents lorsque je discute avec lui. Sheldon va bien. J'ai manqué son dernier témoignage, mais avec son centre d'appui, il s'en tire très bien et il est un excellent porte-parole.
Je veux remercier les groupes de défense qui sont parmi nous aujourd'hui, car je regarde les choses du point de vue du principe de totalité — et d'autres défenseurs des droits des victimes en ont parlé ici. Je suis certain que les avocats ici présents savent de quoi il s'agit. Je ne suis pas avocat et je ne ferai pas semblant que je connais ce concept en profondeur.
J'en parle davantage du point de vue de l'application de la loi. Je vois — et les victimes et leurs groupes de défense le disent — que la plupart de ces personnes souffrent toute leur vie des conséquences que la plupart subissent. En fait, jusqu'à maintenant, je n'ai entendu personne dire que cela n'a pas eu d'effet sur toute leur vie jusqu'à maintenant. Greg Gilhooly, qui a comparu devant nous, a dit que c'est quelque chose qui a changé sa vie et que c'est le problème de toute une vie. Je suis donc très contrarié lorsque j'entends des gens qui représentent les avocats dire qu'il y a des agressions contre des enfants qui ne sont pas graves et que j'entends des exemples de ce genre de choses.
Je pense au principe de totalité. J'ai des questions à poser aux avocats qui sont parmi nous. Essentiellement, concernant le principe de totalité, comme on le précise à l'alinéa 718.2c) du Code criminel, la peine globale prononcée ne devrait pas être exagérée par rapport à la culpabilité globale. Je me demande ce que vous en penseriez en tant que simples individus. Diriez-vous la même chose si la victime était un membre de votre famille ou vous-mêmes? Diriez-vous la même chose? J'ai entendu M. Gilhooly dire à plusieurs reprises certains mots, que je ne peux pas répéter, au sujet de la façon dont le système de justice du Manitoba a traité le principe de totalité pour ce qui semblerait être une longue peine, je crois, pour un avocat — de quatre à cinq ans — pour les crimes qui ont été commis contre lui. Cela ne me semble pas beaucoup.
Est-ce que l'un d'entre vous — et Stacy, vous pouvez intervenir également — voudrait parler du principe de totalité dans ce contexte?
:
Comme vous le savez, il y a différentes infractions. Certaines sont très graves et d'autres le sont moins. Le problème en ce qui concerne les peines minimales, c'est qu'on traite les infractions moins graves de la même façon que les infractions graves et, ce faisant, on laisse tomber des principes de notre système de justice qui sont très importants.
L'un de ces principes en question, c'est la réhabilitation. Une peine d'incarcération trop longue peut faire augmenter le taux de récidive après la libération, ce qui, bien entendu, n'est pas souhaitable. On ne veut pas qu'un individu qui risque davantage de commettre des crimes soit libéré. Personne ne le souhaite. Votre solution aurait cet effet dans bien des cas. C'est à ce moment qu'il faut adopter une approche plus nuancée. Il faut voir les choses de façon objective, examiner les éléments de preuve et déterminer ce qui fonctionne — laisser tomber la rhétorique et déterminer ce qui fonctionne.
Si l'on veut vraiment protéger la population, réhabiliter les gens et empêcher cela de se produire, il y a des moyens de le faire. Or, malheureusement, si l'on ne s'en tient pas aux faits, c'est impossible, n'est-ce pas?
:
Pour réagir à ce que les autres témoins ont dit, nous demandons un peu la même chose, à savoir que certaines peines soient proportionnelles au crime qui a été commis, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Quand on condamne quelqu'un à 90 jours de prison, je ne crois pas que ce soit proportionnel au crime commis. C'est la première chose que nous demandons.
La deuxième chose est la peine minimale. Quel en est l'avantage? Au Québec, on est favorable à la réhabilitation. Je n'ai rien contre les gens qui sont favorables à la réhabilitation, mais les tribunaux ont tendance à infliger des sentences beaucoup moins sévères et à remettre les délinquants en circulation plus rapidement.
Beaucoup de gens sont favorables à la réhabilitation, mais je ne connais pas beaucoup de personnes qui ont adopté un pédophile récidiviste chez eux. Pour ma part, je ne serais pas prêt à le faire. Je dis oui à la réhabilitation. C'est très important, mais j'estime qu'en imposant des peines minimales, on envoie un signal aux victimes qu'on prend en considération le geste qui a été commis et qu'on ne veut pas l'ignorer tout simplement, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je n'ai vraiment pas beaucoup de temps, mais c'est un débat extrêmement intéressant et important.
De ce que Mme O'Sullivan, M. Fortier et M. Tremblay nous ont dit, je retiens qu'on a besoin d'écouter les victimes. Lorsqu'elles prennent la décision de porter plainte et de passer par le laborieux système de justice — le procès, la libération conditionnelle et la sentence —, elles ont besoin d'aide, d'écoute et que les acteurs du système juridique soient là pour elles. C'est peut-être le plus gros enjeu dont on entend parler.
Nous nous sommes vus lors de l'étude du projet de loi . Justement, on a consolidé ce que les victimes nous disent chaque fois qu'elles viennent témoigner ici: elles veulent l'information et que, pendant tout le procès et même après, les acteurs du système judiciaire soient là pour elles et pour les écouter, mais on parle d'autres sortes d'aide, d'autres sortes d'organismes
Le registre va rendre public le nom de quelqu'un qui a déjà commis un crime. Cela va-t-il vraiment répondre aux demandes des victimes et des gens avec qui vous faites affaire? Je suis désolée, c'est le seul terme que j'ai pu trouver. Cela répond-il à leurs attentes alors que les victimes veulent être écoutées et savoir s'il y a des négociations? Je me demande vraiment ce qu'un registre ajoute.
Si la victime n'est pas écoutée pendant tout le procès mais qu'on lui dit que le nom va être publié sur un site Internet, cela va-t-il vraiment répondre à ce que vous entendez sur le terrain?
Merci beaucoup.
:
Je crois comprendre que nous avons un registre national des délinquants sexuels qui, d'après ce qu'a dit un témoin, contient 36 000 noms. C'est le registre que consulte la police et que pourra consulter l'ASFC, d'après ce que je comprends, ce que nous appuyons.
Il y a ensuite l'idée de créer un registre public. Si j'ai bien compris, il n'inclurait que les délinquants que l'on considère déjà à risque élevé. Ils réintègrent la collectivité et présentent un risque élevé de récidive. Il ne s'agit donc pas de parler du registre national auquel a accès la police. Ce que nous disons ici — si je comprends bien —, c'est qu'il y a des gens qui présentent un risque tellement élevé qu'un processus a mené à une décision. Des discussions ont lieu avec des responsables de l'application de la loi, des gens ayant des activités dans le domaine des sciences du comportement, et évidemment, dans certains cas, les services correctionnels; et dans certaines collectivités, on rencontre même le délinquant.
Ces décisions ne sont pas prises à la légère. Pour ce type de décisions, on veut absolument s'assurer qu'il y a une disposition dans la loi, de sorte que dans le cadre des processus qui sont en place, on tient compte de l'identité de la victime.
Cependant, je veux dire deux choses au sujet de la victime. Dans certains cas, au moment où le délinquant est accusé, la victime a atteint l'âge adulte, en fait. Ainsi, lorsqu'il s'agit des choix et des possibilités — je vous en ai déjà parlé auparavant —, on a entendu les témoignages de victimes d'agression sexuelle d'enfants et d'agression sexuelle qui ont voulu rompre le silence et rendre l'information publique.
Encore une fois, lorsque je parle d'un processus qui est en place et de ces décisions, ce que je crois comprendre, compte tenu de ce qu'a dit le policier précédent qui a témoigné, c'est qu'en fait, des discussions auront lieu avec les provinces et les territoires, on tiendra compte de ce volet sur l'identification de la victime, dans le cadre de ce processus et dans le cadre de tout processus. Je ne voudrais pas toujours faire la supposition, car j'ai parlé récemment à des policiers et je suis au courant — sans qu'on entre dans les détails et les renseignements confidentiels — d'un cas où une victime a atteint l'âge adulte et, en fait, le service de police lui a demandé son opinion.
C'est ce type de choses. Je vais seulement utiliser ces mots, choix et possibilités et les processus qui sont en place. Évidemment, si la victime est toujours un enfant, d'autres mesures de protection devraient être mises en place pour ce qui est des adultes et des aidants.
:
Présentement, si un crime que tout le monde trouve répugnant se produit, il va être hautement publicisé. On le verra partout et on va voir l'agresseur. À quoi bon se dire qu'on va vraiment nuire à cet agresseur si, en plus, on ajoute son nom à un registre? On le verra partout au Canada, on va le voir partout au Québec.
On connaît des cas, Alain pourra vous en parler. Le cas va être médiatisé, mais l'important est que nous retournons tous dans nos maisons le soir. En tant que père d'enfants de 9 ans et de 11 ans, je veux savoir s'il y en a un dans mon quartier, même si je ne veux pas connaître son adresse.
Quelqu'un a parlé plus tôt des gestes qui ont été posés et a demandé si les gestes vont être identifiés et liés à la victime. J'ai participé à un procès moi-même et j'ai levé l'interdit de publication, parce que je voulais bien le faire. Si quelqu'un ne veut pas le faire — même un adulte agressé —, on n'aura aucun détail et on ne pourra jamais identifier cette personne. La personne qu'on veut identifier est le délinquant, le malade mental, le fou, le récidiviste. On veut savoir s'il est près de chez soi. Peut-être n'en avez-vous pas peur, mais moi, oui, et je ne veux pas que ma fille se retrouve entre ses pattes. C'est ce que je veux.
Je veux aussi qu'on cesse de ne regarder qu'une chose. On se préoccupe toujours de l'abuseur, on se demande si on brime ses droits!
:
Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de leur présence.
Madame O'Sullivan, il y a une partie du projet de loi dont nous n'avons pas beaucoup parlé et elle concerne les ordonnances de probation, les ordonnances d'interdiction et les engagements de ne pas troubler l'ordre public. Ces éléments sont dans le Code criminel maintenant. Ils visent la protection des Canadiens contre les délinquants sexuels reconnus coupables et ceux qui ont été traduits devant les tribunaux.
Lors de sa comparution devant le comité, le ministre a dit que ces dispositions avaient pour objectif de garantir que les délinquants reconnus coupables de ces infractions respectent les sanctions qui leur ont été imposées par la cour. Malheureusement, il y a des gens qui violent les conditions. Ce n'est pas le cas de tout le monde, mais certains le font, et cela fait partie des choses qui se produisent.
Bien qu'on a tenté de régler le problème au fil des ans, c'est vraiment très difficile à faire, car, soyons réalistes, certaines personnes ont beaucoup de mal à suivre les règles. C'est comme cela. Toutefois, nous avons un message important à envoyer à la population et aux délinquants: les délinquants ont des règles à suivre après leur libération.
Je me demande si vous pouvez faire part au comité de votre point de vue sur le projet de loi concernant la violation d'une ordonnance de probation, d'une ordonnance d'interdiction et d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public.
:
Cela touche l'ensemble du processus. Je vais vous répondre à partir du point de vue des victimes.
Le tribunal détermine les conditions qui s'appliquent à la personne et s'attend à ce qu'elle les respecte. Si elle viole ces conditions, elle doit être tenue responsable. Nous devons tous assumer la responsabilité de nos actes.
Lorsqu'un délinquant est libéré, c'est un tribunal qui impose ces conditions, alors si une personne ne les respecte pas, il faut effectivement prendre cela très au sérieux. Elle doit être tenue responsable ses actes. Le processus doit être mis en oeuvre, car au bout du compte, nous entendons parler de délinquants qui essaient de participer à des programmes de réhabilitation, etc., mais tout cela est rattaché au fait qu'il faut que ces paramètres soient mis en place; si l'on ne respecte pas ses conditions, on doit rendre des comptes.
:
Je vais m'éloigner un peu et me replonger dans mon ancienne carrière de policier.
Voilà le problème. Malheureusement, il y a des gens dans la société qui sont libérés sous condition, et qui choisissent de ne pas les respecter. Malgré tous les efforts des tribunaux, ces gens choisissent de ne pas respecter leurs conditions. On les traduit une fois de plus en justice pour une violation, et dans certains cas, on leur impose une peine d'emprisonnement, mais dans bien des cas, ce n'est pas ce qui se passe. On les libère à nouveau, on leur donne une deuxième chance ou parfois, ils en sont à leur 10e ou 15e chance. Nous voyons cela assez souvent.
Je ne veux pas m'attarder sur la question des peines minimales obligatoires, car je pense que nous avons entendu beaucoup de témoignages à ce sujet, mais au bout du compte, jusqu'où ira-t-on? N'importe qui ici se poserait la même question: si un juge d'une cour provinciale ou fédérale libère une personne sous condition et qu'elle ne respecte pas les conditions imposées — celles qui s'appliquent pour un cas d'agression sexuelle, par exemple —, que devrait-il se passer si elle se retrouve devant les tribunaux, si elle a violé les conditions de libération imposées par les tribunaux? Doit-on la libérer une fois de plus ou l'incarcérer?
À mon avis, c'est à cet égard que le système est un échec lorsqu'il s'agit des victimes. Les tribunaux essaient de maintenir un équilibre du mieux qu'ils le peuvent, mais à quel moment on dit que ça suffit, que la personne a eu sa chance, qu'on lui a donné toutes les chances possibles?
Ma question s'adresse à Mme Hannem, et je poserai une autre question par la suite.
:
Pour répondre directement à la question, les traitements sont généralement moins efficaces, et souvent totalement inefficaces, lorsque la participation est obligatoire. Je dirais donc qu'une telle approche n'est pas vraiment logique. Dans un souci d'optimisation des ressources, je crois que la participation à ces cours devrait se faire sur une base volontaire. Si un détenu choisit de ne pas s'en prévaloir, sa décision sera prise en compte lors de l'évaluation du risque qu'il représente au moment d'une éventuelle libération conditionnelle. J'estime donc que les mesures nécessaires sont en place.
On ne peut pas non plus forcer des gens à participer à des programmes qui n'existent pas. À titre d'exemple, on ne peut pas obliger un délinquant sexuel de l'Alberta à suivre un traitement adapté à sa situation, car il n'y en a tout simplement pas. Il faut le diriger vers la collectivité, vers un hôpital, car c'est là que ces traitements sont offerts en Alberta.
J'estime par ailleurs que les cas de manquement aux conditions relèvent du pouvoir discrétionnaire des juges. Il faut déterminer en quoi consiste le manquement. Quelles étaient les conditions? De quelle ampleur est le risque pour la collectivité découlant de ce manquement? Toute une série de conditions peuvent être imposées au moment de la libération, dont l'interdiction d'accès à un téléphone cellulaire. Il est toutefois possible que l'individu en ait besoin pour son travail ou à d'autres fins. S'il ne respecte pas cette condition...
:
Oui, mais c'est une condition qui est imposée aux délinquants sexuels mis en liberté dans la collectivité; ils ne peuvent pas avoir un téléphone donnant accès à Internet. À notre époque, il est devenu difficile de trouver un téléphone ne pouvant pas se brancher à Internet.
Si l'on considère que le manquement aux conditions met certaines personnes en danger... Si par exemple un délinquant a toujours commis ses crimes sous l'influence de la drogue ou de l'alcool et qu'il ne respecte pas son engagement à ne pas en consommer, il va de soi que le juge doit considérer qu'il s'agit d'un manquement grave et prendre les mesures qui s'imposent. Il y a d'autres situations où l'on détermine que le manquement aux conditions ne pose pas de risque important.
Nous voulons que les gens respectent les conditions qui leur sont imposées, et nous savons quels mécanismes doivent être mis en place pour les aider à bien s'intégrer à la collectivité. À ce titre, de nombreuses études ont démontré l'efficacité de programmes comme les Cercles de soutien et de responsabilité. J'ai travaillé avec cette organisation, et j'ai pu voir comment on procédait. Il y a des délinquants sexuels qui sont venus chez moi.
Vous vous demandez s'il y a quelqu'un qui va vouloir le faire. Eh bien, il y a des gens qui le font au bénéfice de la sécurité publique.
:
Merci, monsieur le président.
La discussion est très intéressante.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'on présente toujours un projet de loi comme étant la solution à tous les problèmes et que, une fois adopté, il n'y ait pas grand suivi.
Depuis le début, il y a quelque chose qui me fatigue énormément. Je me souviens de la première entrevue que j'ai accordée à une station radiophonique de Québec — que je ne vais pas nommer — à la suite du dépôt par le gouvernement conservateur du projet de loi . On se disait que tous les gens au coeur sensible allaient s'opposer à ce projet de loi, qu'on jouerait aux avocats et ainsi de suite, alors qu'il avait été déposé pour protéger nos enfants.
Je suis inquiète qu'on nous présente un projet de loi qui vise à créer une banque de données pour rendre accessibles au public des renseignements sur des personnes déclarées coupables d'infractions sexuelles à l'endroit des enfants et qui présentent un risque élevé de commettre des crimes de nature sexuelle. Ma préoccupation n'est pas exactement la même que celle de certains témoins ici présents. Cela me fait frémir depuis le début, car cela veut dire que quelqu'un va se retrouver dans la société alors qu'on sait, parce qu'on vient de le déterminer, qu'il présente un risque élevé de commettre des infractions sexuelles. Cherchez l'erreur. Il y a un problème quelque part.
Le fait de savoir que des délinquants sont libres et qu'ils présentent un risque élevé de récidive devrait nous aider tous à dormir mieux, y compris les victimes antérieures et celles à venir. Il me semble que quelque chose ne fonctionne pas dans ce concept.
Y a-t-il quelqu'un dans le groupe de témoins qui a réfléchi aux critères qui permettront de déterminer si une personne présente un risque élevé de commettre un crime de nature sexuelle? S'il y a quelqu'un d'assez intelligent dans le groupe de témoins pour nous aider à fournir des lignes directrices au gouvernement à cet égard, nous l'apprécierions. Selon le projet de loi , c'est le gouverneur en conseil qui pourra, par règlement, établir les critères permettant de décider qu'une personne qui est déclarée coupable d'une infraction sexuelle visant un enfant présente un risque élevé de commettre un crime de nature sexuelle.
Madame O'Sullivan, je serais portée à vous relancer la balle à ce sujet, même si je suis sûre que vous ne la voulez pas. Quels devraient être ces critères? Ne devrait-on pas les établir d'avance plutôt que de lancer cela n'importe comment et se dire que cela sera établi au moyen de la réglementation? Qui plus est, le contexte est tel qu'il commence à y avoir beaucoup de lois qui s'entrecroisent.
Il n'y a pas si longtemps, nous avons examiné le projet de loi , qui permet la délégation par règlement. Nous ne le reverrons peut-être plus jamais et nous allons soudainement réaliser qu'il existe un règlement établissant les critères et que nous ne le savions même pas.
Quelqu'un peut-il nous donner des lignes directrices en ce qui concerne l'établissement des critères? Parmi le groupe de témoins, y a-t-il quelqu'un qui s'inquiète du fait qu'une banque de données sera créée en sachant qu'on remet un délinquant en liberté qui risque de recommencer?
:
J'aurais deux ou trois choses à préciser. Premièrement, quant à vos observations générales concernant la nécessité d'examiner le tableau d'ensemble... Nous sommes ici pour discuter de ce projet de loi. Votre collègue a mentionné la question de la Charte des droits des victimes. Vous m'avez entendue témoigner à ce sujet.
Mme Françoise Boivin: Oui.
Mme Sue O'Sullivan: Je conviens avec vous qu'il faut considérer... Si on veut des collectivités saines et sûres, il faut trouver le juste équilibre dans nos efforts de prévention et de réadaptation des victimes. Vous avez entendu des représentants des victimes le réclamer. Au même titre que les délinquants, les victimes souhaitent avoir accès à des services de réadaptation et à toutes les ressources nécessaires. Pour avoir des collectivités saines et sûres, il faut adopter une approche holistique tout au long du processus, et pas seulement au moment où un crime est commis.
Deuxièmement, il y a déjà différents mécanismes en place au Canada. Il y a déjà divulgation au public de renseignements sur les délinquants à risque élevé. Dans bien des cas, les services de police ont déjà accès à des processus mettant à contribution des membres de la collectivité ainsi que, comme je l'ai déjà indiqué, des représentants de Service correctionnel Canada.
Je pense que c'est ce qu'indiquait Mme Hannem. Ces processus peuvent être différents d'une collectivité à l'autre, et il faut espérer qu'un dialogue national... Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous proposez: entamons ce dialogue pour voir la forme que cela pourrait prendre. Procédons à cette évaluation. Si ce projet de loi est adopté, nous pouvons aussi considérer qu'un processus d'évaluation est mis en place au départ de telle sorte que nous puissions nous demander dans quelques années si ces ressources sont vraiment investies de façon optimale. Mais en fin de compte...
:
Mais n'est-il pas déjà prévu dans la Charte des droits des victimes qu'elles soient automatiquement informées lorsque leur prédateur sexuel est remis en liberté?
[Français]
Selon une règle de droit, le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Dans la Charte canadienne des droits des victimes, il a déjà indiqué qu'on allait communiquer davantage avec les victimes et que celles-ci seraient tenues au courant. Or ce n'est pas ce dont on parle ici. Malgré tout le respect que je dois à MM. Fortier et Tremblay, ce n'est pas de leur cas dont il est question ici. Il s'agit d'informer le public qu'une personne dangereuse présente un risque. Voilà de quoi traite la partie du projet de loi portant sur la nouvelle base de données.
Dans ce contexte, ma question vise plutôt à savoir si on ne se leurre pas en pensant que les communautés vont devenir plus sécuritaires à cet égard alors que nous n'avons aucun critère. Il n'y a pas eu de discussion à l'échelle nationale avec les gens qui sont habitués de traiter de ce sujet.
Les propos échangés se situent à un niveau intellectuel, entre avocats et personnes qui ont leur propre expérience, mais on ne traite pas nécessairement de ce qui est visé par le projet de loi .
:
Je voulais intervenir pour parler d'efficacité et des améliorations possibles quant à la sécurité des collectivités, car j'estime que c'est ce qui importe en fin de compte.
Je crains que l'instauration de registres publics crée des conditions propices à la hausse des risques de victimisation d'autres personnes. Nous savons effectivement qu'il existe une corrélation très étroite entre le niveau de stress ressenti et le passage à l'acte chez les délinquants sexuels, surtout ceux qui présentent un risque élevé. Si on les place dans une situation où ils sont connus du public, où tous les membres de la collectivité savent qui ils sont ou ont la possibilité de le savoir, et où il leur est impossible de trouver un emploi et de conserver un logement, on fait grimper leur niveau de stress. Ces délinquants n'ont accès à aucune forme de soutien ni d'assistance. On crée en fait une situation où l'individu risque davantage de récidiver.
J'ai l'impression que nous choisissons en tant que collectivité et en tant que gouvernement de créer des circonstances où la personne va récidiver et retourner en prison pendant une période encore plus longue, plutôt que de consacrer cet argent-là à des mesures de soutien qui pourraient l'empêcher de faire de nouvelles victimes. C'est justement la raison pour laquelle je suis ici; je voudrais que notre approche stratégique soit plus efficace.
Je vous remercie.