JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la justice et des droits de la personne
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 4 février 2015
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Nous avons le quorum. Je déclare donc la séance ouverte. Nous en sommes à la 60e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Aujourd'hui, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 24 novembre 2014, nous nous penchons sur le projet de loi C-26, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, édictant la Loi sur la banque de données concernant les délinquants sexuels à risque élevé (infractions sexuelles visant les enfants) et modifiant d’autres lois en conséquence.
Pour m'assurer que mes collègues et nos invités sont au fait de ce qui va se passer, je rappelle qu'il y aura une discussion d'une demi-heure, puis la sonnerie retentira à 15 h 55, ce qui marquera la levée de cette première séance. Nous avons le temps d'écouter les exposés de nos témoins puis, peut-être, de procéder à une série de questions rapides à raison de deux minutes chacune pour chacun des trois partis. Le vote se tiendra à 16 h 25. Nous accueillerons ensuite un autre groupe d'experts, alors voici ce que je propose. Le vote devrait prendre environ huit minutes, alors nous devrions être de retour vers 16 h 45. Puis, nous écouterons les présentations des témoins du deuxième groupe avant de passer à une autre brève ronde de discussions.
Maintenant, pour notre premier groupe d'experts, nous recevons M. Butt, qui est avocat pour l'organisme Kids' Internet Safety Alliance. M. Gillespie a téléphoné pour nous informer qu'il ne serait pas là.
En vidéoconférence depuis Winnipeg, nous entendrons aussi Monique St. Germain pour le Centre canadien de protection de l'enfance.
M'entendez-vous bien?
Merci.
Aussi par vidéoconférence, depuis Newmarket, en Ontario, nous accueillons Ellen Campbell, qui est présidente-directrice générale de l'organisme Canadian Centre for Abuse Awareness.
M'entendez-vous?
Nous commencerons donc avec les exposés de cinq minutes.
Monsieur Butt, du Kids' Internet Safety Alliance, à vous l'honneur.
Merci beaucoup, monsieur le président, de nous donner cette occasion de nous adresser au comité.
Je suis avocat pour la Kids' Internet Safety Alliance, un organisme de bienfaisance basé au Canada, qui intervient à l'échelle mondiale pour secourir les enfants qui sont exploités sexuellement sur Internet. Nous avons récemment élargi nos activités pour couvrir aussi la cyberintimidation. Je suis un ancien procureur de la Couronne. Je me suis spécialisé dans les affaires d'exploitation d'enfants, un domaine dans lequel j'ai travaillé pendant 13 ans, avant de passer à la pratique privée, comme criminaliste, profession que j'ai aussi exercée pendant 13 ans. Je ne suis pas un bénévole. La majorité de mes clients sont des victimes d'agressions sexuelles et des agents de police. J'ai donc en quelque sorte une vue périphérique du système de justice depuis la ligne de front.
J'ai examiné le projet de loi et j'aimerais prendre quelques minutes pour vous parler d'une chose ou deux choses que j'ai apprises de mon travail auprès de la Kids' Internet Safety Alliance, ainsi qu'en tant que procureur de première ligne et défenseur des victimes.
Pour commencer, j'aimerais parler de la question des peines minimales obligatoires et de celles qui sont proposées dans le projet de loi. De toute évidence, il s'agit d'un retour aux peines minimales obligatoires dans ce domaine. Or, nous avons acquis une expérience substantielle sur ces peines minimales depuis leur mise en application et, du point de vue d'un avocat évoluant aux premières lignes du système, je peux vous affirmer que le ciel ne s'est pas écroulé. Les peines minimales obligatoires étaient peut-être controversées au moment où elles ont été proposées. Elles ont certes suscité tout un débat. Mais, comme je l'ai dit, le ciel a tenu bon, en ce sens que nous avons encore des sentences responsables. Nous avons toujours une possibilité réaliste d'intervenir lors des audiences sur la détermination de la peine afin de faire entendre notre point de vue sur la peine que nous jugeons appropriée. La discrétion judiciaire n'a pas été vidée de son sens, c'est le minimum qui a changé de niveau.
Nous devons nous demander s'il est approprié d'avoir changé le niveau plancher. Je serais le premier à dire que, pour certaines infractions, ça ne l'est pas, tout simplement pas, et je vais vous donner un très bon exemple pour vous le prouver. Une personne qui vole un pain parce qu'elle est affamée ne devrait pas se voir coller une peine minimale obligatoire. La raison en est que la culpabilité de cette personne est vraiment moralement discutable. Or, lorsqu'il est question du viol intentionnel de l'intégrité sexuelle d'un enfant, il ne peut y avoir de débat moral raisonnable sur la culpabilité de l'auteur avéré de l'infraction. Si les peines minimales tiennent compte du niveau minimum de culpabilité morale, le niveau plancher n'est pas un problème.
Je jette un coup d'oeil aux chiffres du tableau qui accompagne la discussion sur le projet de loi, et je me demande si l'on ne surévalue pas la culpabilité des contrevenants pédosexuel. Pour l'observateur raisonnable, la réponse est non. Selon moi, ces minimums sont très appropriés puisqu'ils reconnaissent le niveau minimum d'opprobre moral associé à l'agression sexuelle d'un enfant.
C'est la même dynamique avec les peines maximales. Sont-elles vraiment loin des peines maximales qui sont données ailleurs? Non, elles ne le sont pas. S'inscrivent-elles dans nos traditions de détermination des peines? Oui.
Le deuxième problème est la possibilité que les peines minimales obligatoires viennent supprimer la discrétion judiciaire. Or, selon moi, elles ne la suppriment pas, mais l'ajustent, tout simplement. Les juges ne sont pas formés pour agir sans raisonner et semer des peines minimales de façon machinale. Ils conservent tous les attributs de leur pouvoir discrétionnaire, mais la détermination de la peine doit tenir compte des peines minimales. Il est juste d'accorder suffisamment d'importance au caractère sacré des enfants et à leur intégrité sexuelle, au point de dire aux juges: « Vous avez un pouvoir discrétionnaire, mais vous devez partir de là plutôt que d'ici. »
Les peines minimales obligatoires proposées ne sont pas exagérées. Elles tiennent compte du niveau minimum d'opprobre moral qu'il convient d'associer à l'infraction visée et préservent la discrétion judiciaire.
Pour toutes ces raisons, j'appuie ces peines minimales obligatoires. Comme je l'ai dit, il y a d'autres situations où je ne les appuierais pas. Je tiens à ce que cela soit clair.
Je vais maintenant...
D'accord.
En ce qui concerne le registre public et les plaintes sur la divulgation de renseignements personnels qu'il occasionnerait, corrigez-moi si je me trompe, mais d'après ce que je comprends du projet de loi, ces renseignements seraient de l'information que les services policiers, dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire sur le terrain, ont déjà jugée à ce point importante qu'elle devait être rendue publique. Il n'y a donc pas de divulgation proprement dite. Il s'agit tout simplement de consolider des renseignements déjà rendus publics afin de faciliter les choses.
Merci beaucoup de cet exposé.
Notre prochaine présentatrice est à Winnipeg. Elle nous parlera au nom du Centre canadien de protection de l'enfance.
Madame St. Germain, nous vous écoutons.
Monsieur le président et distingués membres du comité, merci beaucoup de donner à notre organisme la chance de vous soumettre cet exposé sur le projet de loi C-26.
Je m'appelle Monique St. Germain et je représente le Centre canadien de protection de l'enfance, un organisme de bienfaisance enregistré qui offre des programmes et des services ayant trait à la sécurité personnelle des enfants en général.
Je m'adresse à vous aujourd'hui pour vous signaler notre appui au projet de loi C-26. Mon témoignage porte sur le rôle que joue notre organisme par l'entremise de ses nombreux programmes et services visant à faire reculer l'exploitation sexuelle des enfants.
Le Centre canadien de protection de l'enfance a été fondé en 1985 sous le nom de Child Find Manitoba et, depuis les 30 dernières années, il participe activement aux efforts déployés pour protéger les enfants de l'exploitation et de la violence de nature sexuelle. Nous nous occupons d’EnfantsPortesDisparus.ca, un programme national consacré aux enfants portés disparus. Nous avons également deux importants programmes de prévention: Enfants avertis — un programme de sécurité éducatif et interactif offert dans les écoles — et Priorité jeunesse — un programme qui vise à aider certains organismes à prévenir la violence sexuelle avant qu'elle ne se matérialise.
Nous dirigeons également Cyberaide.ca, la centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation sexuelle d’enfants. Depuis son lancement national, en 2004, nous avons reçu plus de 125 000 signalements de la part du public, dont la majorité concernait des images en ligne montrant des agressions sexuelles sur des enfants. Pour la seule année financière 2013-2014, nos analystes de la protection de l'enfance ont répertorié et catégorisé plus de 6 000 images de pornographie juvénile, et dans 69 % de ces images figuraient des enfants de moins de 12 ans.
La prestation de nos programmes et de nos services nous amène à interagir sur une base journalière avec les intervenants de la protection de l'enfance, les enseignants et les organismes de service à l'enfance. Nous consultons aussi sur une base régulière des spécialistes du développement de l'enfant et du comportement des délinquants, et nous prêtons une attention toute particulière aux comptes rendus médiatiques des affaires judiciaires portant sur l'exploitation sexuelle des enfants. Au cours des dernières années, nous avons aussi entrepris de faire le suivi de la jurisprudence publiée concernant les infractions en matière de pornographie juvénile.
Tous nos efforts visent à assurer que l'éducation que nous tentons de faire auprès du public, nos démarches de sensibilisation et nos documents en matière de prévention soient au diapason des risques et tendances les plus actuels, et nous aident à mieux comprendre le rôle que joue le système de justice pénale en ce qui a trait à la protection de l'enfance.
Nos activités nous permettent d'avoir une compréhension exceptionnelle du caractère particulier de l'exploitation sexuelle des enfants. Nous sommes extrêmement conscients du fait que la vaste majorité des victimes ne rapportent pas l'exploitation dont elles font l'objet et que ces traitements peuvent durer des années sans être détectés. Il est maintenant établi sans équivoque que, la plupart du temps, ce sont les personnes les plus proches des enfants qui profitent d'eux sexuellement, et que cela se fait en secret.
Même si l'enfant dénonce ce qu'on lui a fait ou qu'un adulte découvre l'existence de tels rapports, la chose n'est pas nécessairement rapportée aux autorités policières. Nous savons également que ce ne sont pas tous les cas signalés qui se traduisent par des accusations, et que toutes les accusations ne mènent pas nécessairement à des poursuites, et que toutes les poursuites ne se soldent pas par une condamnation.
C'est pour toutes ces raisons que nous appuyons le projet de loi C-26. Je souhaite maintenant vous parler de certaines des composantes clés du projet de loi.
Tout d’abord, nous croyons que les peines doivent tenir compte du sérieux de l'infraction et de la gravité de la conduite. Elles doivent par conséquent avoir un certain poids. Elles doivent non seulement empêcher le coupable de commettre d'autres fautes, mais aussi neutraliser la menace qu'un délinquant fait planer sur les enfants et dissuader d'autres de passer aux actes. Nous appuyons les peines qui reflètent avec plus d'exactitude le traumatisme vécu par chaque victime et qui rendent bien compte de la culpabilité du délinquant pour chaque infraction qu'il a commise.
Les peines concurrentes ont tendance à diminuer l’effet global de la peine, et elles contribuent à relativiser l’importance de l’expérience individuelle de chaque victime. Le fait d’axer l’analyse de la détermination de la peine sur chaque victime et chaque infraction augmentera la valeur de précédent des cas individuels, car cela permettra aux tribunaux subséquents d’avoir une meilleure idée de la portion de la peine qui est associée à telle ou telle infraction.
Deuxièmement, les modifications apportées aux exigences de déclaration pour les délinquants sexuels visent à mieux protéger les enfants d’autres pays contre l’exploitation et la maltraitance que pourraient leur faire subir des Canadiens, et c’est un objectif que nous appuyons. Nous croyons aussi que ces dispositions renforceront la protection des enfants canadiens, puisqu’elles permettront aux autorités de repérer plus rapidement les déplacements douteux et d’enquêter plus facilement sur les contraventions à la loi.
Troisièmement, nous appuyons aussi la création d’une banque de données accessible au public concernant les délinquants sexuels à risque élevé. L’Alberta, le Manitoba, l’Ontario et la Nouvelle-Écosse rendent déjà publics les cas qui présentent des risques élevés. Nous sommes d’avis que la divulgation publique de cette information pourra donner un sérieux coup de main aux familles et aux collectivités qui souhaitent en faire davantage pour protéger les enfants.
Pour terminer, sachez que notre organisme appuie les modifications proposées par le projet de loi C-26. Les crimes visés par ce projet de loi sont extrêmement graves et ils sont perpétrés sur les personnes les plus vulnérables de la société, c’est-à-dire nos enfants.
Nous croyons que ce projet de loi aide à rétablir un certain équilibre sur le plan judiciaire et qu’il souligne à gros traits la gravité des infractions sexuelles commises sur des enfants.
Merci.
Merci beaucoup pour cette présentation.
Notre prochaine présentatrice est à Newmarket. Elle parlera au nom de l’organisme Canadian Centre for Abuse Awareness.
Madame Campbell, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je suis la fondatrice du Canadian Centre for Abuse Awareness, le CCAA, mais sachez que j’ai moi-même été victime de violence sexuelle quand j’étais enfant. Comme de nombreux survivants, je me suis retrouvée en soins psychiatriques et j’ai songé au suicide. Je peux donc parler en tant qu’aidante de victimes, mais aussi en tant que victime.
J’ai fondé le CCAA il y a 22 ans. Nos services touchent 200 000 hommes, femmes et enfants par an. Nous travaillons avec les aînés des Premières Nations. Nous travaillons avec les services policiers qui s’occupent de la traite des personnes. Nous avons des activités pour sensibiliser et éduquer le public au sujet de l’intimidation. J’estime donc être tout à fait en mesure de parler de cela en tant que victime, mais aussi en tant que personne qui travaille de près avec des victimes.
Nous avons produit un rapport, en novembre 2004. Nous avons reçu du financement de l’Office des affaires des victimes d'actes criminels de l’Ontario. Le rapport s’intitulait « Martin's Hope » — l’espoir de Martin — et c’est le document que vous pouvez voir à l’instant. J'en remettrai une copie au greffier pour qu’il la fasse circuler.
Ce rapport contenait 60 recommandations. Trente-neuf d’entre elles s’adressaient au gouvernement fédéral. Nous avons eu des discussions en table ronde partout en Ontario. Nous avons parlé avec tous les intervenants des premières lignes — les policiers, les procureurs de la Couronne, l’aide à l’enfance et les groupes d’aide aux victimes — et avec le public.
En fait, l’âge de consentement adopté il y a quelques années était une copie presque conforme de ce qui était écrit dans notre rapport. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec vos conseillers en matière de politiques.
La recommandation de peines consécutives pour les crimes commis contre les enfants et la recommandation préconisant une loi sur la pornographie juvénile sont en harmonie parfaite avec le contenu de notre rapport. Comme je l’ai dit, le rapport rend compte de l’état d’esprit du public et des travailleurs de première ligne.
Comme on l’a souvent dit, les crimes contre les enfants sont en progression constante et ils deviennent de plus en plus violents. Les enfants ciblés sont plus jeunes qu’avant. Je suis contente que le comité prenne le temps de se prêter à cet exercice, mais je vous exhorte à faire vite, car le plus tôt sera le mieux. Vous n’êtes pas sans savoir que des enfants sont à l’instant même la proie de prédateurs. Je suis heureuse de voir que vous traitez cette question en tant que priorité.
Une autre chose très importante que je tiens à souligner — et qui m'a été répétée à plusieurs reprises —, c'est que ces organismes de défense des enfants font un travail formidable. Je crois comprendre qu'il y en a maintenant 21 au Canada, et ils sont vraiment essentiels. Je souhaite néanmoins parler du fait qu'il n'y a pas grand-chose pour les victimes qui sont maintenant à l'âge adulte.
Je reçois de plus en plus d'appels d'hommes qui ont été agressés étant petits. Mais il y a très peu de ressources pour leur venir en aide, et j'aimerais qu'il y en ait plus.
Chaque fois que je me retrouve devant ce comité, je m'efforce de porter à votre attention que les survivants adultes ont désespérément besoin de soutien.
Je donne des ateliers dans les pénitenciers, et je sais qu'il a été question d'offrir de l'aide aux pédophiles qui sont emprisonnés ou aux auteurs de crimes à l'endroit des enfants — et je pense qu'il est important de le faire —, mais il n'y a rien pour les victimes.
Plus de 90 % des hommes qui sont en prison ont été victimes de violence sexuelle durant l’enfance, et l'on dit que plus de 85 % des femmes détenues dans les pénitenciers ont subi le même sort. Il y a donc un lien assez fort entre la violence sexuelle subie durant l'enfance et la criminalité. Comme je l'ai dit, je prêterai une fois de plus ma voix à celle des adultes.
Je crois aussi que cette question est d'importance cruciale pour ceux qui nous regardent. Ils sont tellement reconnaissants de voir le gouvernement aller de l'avant avec des peines plus sévères. Ils sentent désormais qu'on les écoute. Je crois que c'est très encourageant de savoir qu'on augmentera une fois de plus les peines, tant minimales que maximales.
Je suis d'accord avec David Butt lorsqu'il affirme que les juges ne donnent pas les peines maximales dont ils disposent déjà. Or, le fait de corser ces peines les incitera peut-être à faire preuve d'un peu plus de sévérité à leur tour. Sans nécessairement recourir aux peines maximales, il se peut que les juges soient portés à serrer la vis un peu plus.
En terminant, je veux dire un mot sur la surveillance électronique, une possibilité qui, je l'espère, sera un jour envisagée. Notre rapport n'en parle pas, mais elle fait néanmoins partie de nos recommandations. J'estime qu'il s'agit d'un excellent moyen d'appuyer la surveillance des délinquants sexuels lorsqu'ils sortent de prison. Je sais qu'il en coûte environ 150 000 $ par an pour garder quelqu'un en prison, alors je crois qu'il y a là de quoi justifier les coûts de l'instauration d'une telle mesure.
Je pense avoir utilisé tout le temps que j'avais. Merci beaucoup d'avoir pris le vôtre pour m'écouter.
Madame Campbell, merci pour votre exposé.
Nous allons maintenant passer à une série de questions. Je vous propose des séries de trois minutes chacune, jusqu'à épuisement de notre temps, compte tenu du programme prévu à la Chambre, surtout si la Chambre est à l'heure.
Madame Péclet du Parti néo-démocrate, vous serez la première. Veuillez indiquer à qui vous poser votre question.
Oui, bien sûr.
Mesdames et messieurs, merci à vous tous d'être venus aujourd'hui. Je suis désolée que nous ayons abrégé notre séance, mais comme vous le savez, la vie ici sur la Colline parlementaire est toujours imprévisible.
[Français]
Ma première question s'adresse à M. Butt.
Une des parties du projet de loi traite de peines consécutives. Dorénavant, le tribunal devrait envisager d'ordonner des peines consécutives si les infractions découlaient de différents faits. Le projet de loi modifie le paragraphe 718.3(4) du Code criminel et fait référence aux peines consécutives. En fait, le projet de loi modifie seulement le libellé de ce paragraphe. Je vous pose la question, vu que vous avez un bagage juridique.
Dans le Code criminel, il est écrit que:
(4) Le tribunal [...] peut ordonner que soient purgées consécutivement les périodes d’emprisonnement [...] lorsque [...]
c) l’accusé est déclaré coupable de plus d’une infraction [...]
Dans le projet de loi, il est écrit que:
(4) Le tribunal envisage d’ordonner :
a) que la période d’emprisonnement qu’il inflige à l’accusé soit purgée consécutivement à toute autre peine [...]
Dans le cadre de votre pratique, avez-vous vu des problèmes liés au libellé de l'article actuel du Code criminel? Était-il nécessaire de le changer? Quelle est la différence entre ces deux libellés? Qu'est-ce qui justifie la modification du Code criminel si le tribunal peut déjà envisager d'ordonner des peines consécutives? Pourquoi faut-il changer cet article? Quels sont les problèmes? Vous en avez peut-être déjà entendu parler par vos collègues.
[Traduction]
Voici ce que je pense par rapport aux peines consécutives et aux peines concurrentes. Lorsqu'il s'agit d'un cas où il y a eu de nombreux enfants victimes, il convient alors au Parlement de transmettre un message musclé, c'est-à-dire que les peines seront consécutives, car à ce moment-là on comprend que la vie de chaque enfant est importante et que la victimisation d'un enfant va alourdir la peine tout autant que la victimisation d'un autre enfant.
Lorsque j'ai lu le projet de loi, je l'ai fait de façon très consciencieuse, car nous les avocats, nous devons toujours veiller au principe de la totalité des peines. Si, par exemple, un jeune prend la voiture et démolit 20 boîtes aux lettres avec son bâton de baseball dans une collectivité rurale, il a alors commis 200 infractions distinctes. Moyennant une peine minimale de six mois pour chacune de ces infractions, il se trouve face à une peine de 100 ans pour l'inconduite d'une soirée. Voilà le problème du principe de la totalité des peines.
Je souhaite conserver le principe tel qu'il existe dans la loi actuelle, mais ceci dit, je suis en faveur des dispositions qui encouragent les juges à être plus vigilants et à imposer des peines consécutives, car la vie de chaque enfant compte.
Merci beaucoup pour cette question, ainsi que la réponse fournie.
Le prochain intervenant est M. Dechert, du Parti conservateur.
Je remercie chacun des témoins d'être venu aujourd'hui.
Monsieur Butt, je commencerai par vous. J'aimerais féliciter la Kids' Internet Safety Alliance de son travail formidable. Sachez que votre alliance a un représentant dynamique dans la ville de Mississauga, M. Michael Ras. Il m'a raconté ce que fait votre association.
Je sais que votre alliance travaille tout particulièrement sur des dossiers internationaux d'agressions à l'égard des enfants et de pornographie juvénile, et que vous travaillez avec Interpol. Comme vous le savez, le projet de loi prévoit certaines dispositions concernant la nécessité, pour les délinquants sexuels fichés, d'indiquer leur intention d'aller à l'étranger. J'aimerais savoir ce que vous pensez en général de ces dispositions. De plus, pouvez-vous nous décrire comment votre organisation travaille avec Interpol et si vous croyez ou non que les amendements proposés auraient une incidence sur les responsabilités du Canada pour ce qui est de coopérer avec des organisations internationales comme Interpol?
Bien sûr. Je vous remercie pour vos éloges.
Pour répondre directement à vos questions, en ce qui concerne les exigences plus strictes à l'égard des voyages à l'étranger, notre alliance est en faveur.
Outre le travail que je fais avec KINSA, j'ai consacré cinq ans au conseil d'administration d'ECPAT, la plus grande ONG qui lutte contre l'exploitation sexuelle commerciale des enfants et dont le siège est en Thaïlande. Le tourisme pédophile est un problème grave.
Au fur et à mesure que nous resserrons nos lois et que nous augmentons notre vigilance ici au pays, ceux qui sont prédisposés à maltraiter les enfants chercheront d'autres places où aller. Le resserrement de nos lois ici au pays a comme corollaire que nous créons de plus grands risques à l'étranger, et donc les exigences en matière d'information à l'égard des voyageurs sont en fait nécessaires si nous ne voulons pas créer des problèmes ailleurs en tentant de faire le ménage chez nous. C'est la raison pour laquelle je suis en faveur.
Oui, ces dispositions amélioreront notre capacité de travailler de façon productive avec lnterpol ainsi que d'autres agences d'application de la loi, nationales et internationales, car les renseignements sur les déplacements nous aident. Je sais qu'il y a parmi vous des gens qui ont travaillé au sein de la police. Eh bien, ces renseignements peuvent nous aider à prévenir les crimes et aussi à arrêter les criminels. Ce sont des éléments cruciaux de la solution.
M. Bob Dechert: Est-ce que...
C'est tout, cher ami. Merci beaucoup.
Le prochain intervenant est M. Casey, du Parti libéral.
Vous pourrez poser vos questions, à condition que la sonnerie d'appel ne soit pas déclenchée.
Je vous reviendrai, d'accord, Bob?
M. Bob Dechert: Merci.
Le président: Monsieur Casey.
Je remercie les témoins d'être venus.
Je vais poser une question à chacun d'entre vous et, s'il nous reste du temps, vous aurez la possibilité de répondre.
Il y a trois ans, le gouvernement a renforcé les pénalités dans le cas des infractions sexuelles commises à l'égard des enfants ainsi que d'autres infractions à caractère sexuel. Dans le projet de loi, ces pénalités sont encore plus sévères. Or, depuis trois ans, il y a apparemment eu une hausse de l'incidence de ce type de crimes.
Albert Einstein a dit que la définition de la folie, c'est de faire la même chose encore et encore en s'attendant à ce qu'il y ait un résultat différent. Pouvez-vous m'indiquer pourquoi nous devrions nous attendre à ce qu'il y ait moins de victimes suivant le renforcement des pénalités, lorsque nous savons que ces pénalités ont déjà été renforcées il y a trois ans...?
Ce sera d'abord Mme St. Germain, ensuite Mme Campbell, et enfin M. Butt.
Madame St. Germain, allez-y.
Merci.
J'ai quelques éléments de réponse à votre question. Tout d'abord, concernant les statistiques qui montrent une hausse des infractions commises à l'égard des enfants, il faut se souvenir que c'est une hausse des crimes contre les enfants signalés, c'est-à-dire les crimes signalés à la police.
Il pourrait y avoir diverses raisons pour le signalement accru. Il se peut que les victimes signalent le crime davantage parce qu'ils ont l'impression d'être mieux soutenus. Il se peut également que les adultes soient mieux capables de reconnaître et de dénoncer les sévices. C'est peut-être le résultat des efforts accrus de la police, ou encore le résultat d'une meilleure compréhension du développement de l'enfant et du processus de signalement.
Je ne crois pas que la hausse des infractions à caractère sexuel soit liée de quelque façon au renforcement de la peine imposée. Ce sont deux aspects de la même question.
Je vous répondrai en disant que nous ignorons combien d'enfants ont bénéficié du renforcement des peines... Il y a une telle hausse en ce moment, mais il y en aurait peut-être eu proportionnellement moins si ces dispositions n'avaient pas été adoptées. Je ne suis pas convaincu que les peines n'ont pas eu le résultat escompté; je crois qu'il y a un rapport proportionnel. En fait, cela m'encourage encore plus: je sais que la situation s'aggrave, et que nous devons être plus sévères. Peut-être nous ne sommes pas suffisamment sévères.
J'ai très peu de choses à rajouter à ces deux réponses. La hausse des statistiques reflète peut-être une hausse de la reconnaissance d'un problème existant. C'est peut-être M. Casey qui a raison, mais il se peut également que le renforcement des pénalités n'ait pas été suffisant pour dissuader les criminels, et que nous devrions en fait redoubler nos efforts.
Merci pour vos questions et réponses.
Mesdames et messieurs, on entend la sonnerie. Nous devrons lever la séance pour aller voter. Tentons de revenir à 16 h 45 pour entendre le deuxième groupe de témoins.
Chers témoins, je suis désolé, nous n'avons pas eu beaucoup de temps, mais nous vous remercions d'être venus nous parler aujourd'hui du projet de loi et d'avoir donné votre opinion. Nous poursuivrons notre étude aujourd'hui et lundi, et nous effectuerons ensuite l'étude article par article du projet de loi dans deux semaines, car la semaine prochaine nous serons en congé. Le projet de loi devrait être renvoyé à la Chambre à la fin février.
Merci beaucoup d'être venus.
La séance est levée.
Mesdames et messieurs, nous allons reprendre.
Je remercie nos témoins de leur patience.
Nous accueillons le deuxième groupe de témoins aujourd'hui, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 24 novembre 2014, concernant le projet de loi C-26, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels à risque élevé (infractions sexuelles visant les enfants) et modifiant d'autres lois en conséquence.
Nous allons entendre aujourd'hui à titre personnel M. Gilhooly, qui a déjà comparu, et M. Steve Sullivan, l'ancien ombudsman fédéral pour les victimes d'actes criminels. Mme Susan Love et M. James Foord représentent les Cercles de soutien et de responsabilité.
Merci d'être venus.
Vous aurez chacun cinq minutes pour faire votre déclaration. Nous suivrons l'ordre indiqué à l'ordre du jour.
Monsieur Gilhooly, à vous.
Tout d'abord, merci de m'avoir reçu aujourd'hui. Je suis ravi d'être de retour et je suis heureux de pouvoir vous parler du projet de loi.
Je félicite le gouvernement et votre comité d'avoir travaillé sur ce projet de loi, quoique je vous félicite davantage de l'esprit de ce projet de loi plutôt que de ses conséquences concrètes. Ayant été moi-même victime d'agression sexuelle lorsque j'étais enfant, je souris chaque fois que je constate que le gouvernement travaille pour améliorer le sort des personnes qui ont été agressées et la perspective de la société, et pour éduquer la société quant à la nécessité de dissuader de façon proactive les criminels qui auraient l'intention d'agresser les enfants sexuellement.
Malheureusement, à l'heure actuelle, aucun projet de loi ne pourra éradiquer le problème, et les pénalités prévues ne pourront le faire également, car notre appareil juridique ne donne pas les résultats escomptés.
Je vais vous parler un peu de moi-même. J'ai été victime des sévices de Graham James pendant plus de trois ans. Vous connaissez mon histoire. Je suis passé par le système juridique aux termes du Code criminel de l'époque. Lorsque j'examine le projet de loi, je suis en faveur des mesures prises par le gouvernement. J'applaudis le gouvernement d'avoir pris des mesures pour progresser dans ce domaine. Je lui suis très reconnaissant, car je sais que dès que le gouvernement agit, on le critique parce qu'il est dur à l'égard des criminels. Cependant, au final, je constate que ce projet de loi n'apporte que très peu et ne m'aurait pas apporté grand-chose dans ma vie. Là encore, Rome n'a pas été construite en une journée, et on sait que petit train va loin.
Je vous parle d'expérience. C'est bien beau renforcer les pénalités, mais tant que le principe de totalité existe dans le Code criminel et est appliqué par les juges qui sont chargés d'appliquer le code, rien ne changera véritablement. Au final, il y a un calcul mathématique et un juge qui consulte les autres dispositions concernant l'application des peines à l'article 718. On se retrouve donc avec la triste réalité d'un juge qui lit l'alinéa 718.2c), qui précise : « l'obligation d'éviter l'excès de nature ou de durée dans l'infliction de peines consécutives ».
En tant que victime d'agression sexuelle, des centaines d'agressions sexuelles, l'expression « l'excès de nature ou de durée » me donne envie de vomir. Lorsque j'ai vu ce que les juges du Manitoba ont fait, tout d'abord au tribunal de première instance et ensuite à la Cour d'appel, j'ai failli vomir, et même j'avais envie de faire beaucoup plus que ça. Nous n'avons pas le temps actuellement de parler de l'incidence sur les victimes de l'échec du système juridique. Il suffit de dire que ce qui est proposé dans ce projet de loi n'aurait rien changé à la peine infligée à Graham James.
Le point de départ des peines infligées en cas d'agression sexuelle visant des enfants est de quatre à cinq années. Cette phrase est indiquée dans la décision du tribunal de première instance ainsi que celle de la Cour d'appel. On n'en revient pas. On a envie de se mettre debout et de dire: « Non, il faut que ça change. » Et le gouvernement continue d'appliquer des peines minimales obligatoires d'un an... J'ai mon avis à moi sur ces peines minimales obligatoires: je crois qu'on en a seulement besoin lorsqu'on n'en a pas besoin. Il y a un problème plus grave, et on ne fait que le minimaliser. Si le juge qui ne veut pas imposer cette peine minimale d'un an, c'est donc un cas très spécial et le juge devrait faire preuve de sa discrétion. Or, il n'est pas question de peine minimale obligatoire ici, mais on aurait pu en parler dans ce projet de loi.
Le renforcement des pénalités est une bonne chose, mais en réalité, on n'a rien fait quant au principe de totalité. Je pourrais vous faire part d'autres observations et approfondir certains commentaires, mais en tant que victime, je vous dis que ce projet de loi représente un premier pas positif important, et nous vous sommes très reconnaissants, même si ce n'est qu'un petit pas.
Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Gilhooly.
Nous passons maintenant à M. Sullivan. Vous disposez de cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je travaille dans le domaine des services aux victimes et de la défense des droits des victimes depuis 20 ans, mais aujourd'hui, je suis venu témoigner à titre personnel. Je n'ai que cinq minutes, donc je vais rapidement vous parler de quelques dispositions du projet de loi, et j'espère que nous pourrons ensuite avoir des séries de questions.
En ce qui concerne les peines, je respecte tout à fait l'expérience de Greg et tout ce qu'il a vécu, ainsi que son opinion sur la question, mais je ne dirais pas que toutes les victimes sont du même avis quant au renforcement des peines. La plupart des gens qui agressent des enfants sont connus de la victime. C'est peut-être le père ou le beau-père, c'est peut-être quelqu'un d'autre dans son entourage, quelqu'un que l'enfant aime. Donc, il n'arrive pas toujours que les victimes souhaitent mettre l'agresseur en prison pendant longtemps. Je comprends bien que ce soit le sentiment et la perception de nombreuses personnes, mais je ne crois pas que ce soit universel.
Même les victimes adultes à qui nous parlons ne sont pas tous préoccupées par le sort de leur agresseur. Elles s'intéressent davantage aux services qui leur sont offerts. La plupart des victimes d'agression sexuelle, autant les adultes que les enfants, ne le déclarent pas à la police; c'est le cas de la vaste majorité. L'appareil juridique a donc une réponse destinée à un très petit nombre de personnes, et il y a diverses raisons qui expliquent cette situation.
Dans les États-Unis, on a effectué des recherches qui indiquent que des pénalités minimales obligatoires renforcées, c'est-à-dire des peines plus sévères, pourraient en fait dissuader les victimes de signaler le crime, car les victimes ne souhaitent pas voir une telle peine être infligée.
Pour ce qui est de l'application de peines maximales plus longues dont ont parlé d'autres témoins, je ne crois pas que ce soit en fait une bonne chose. A priori, le concept peut sembler bon, et il plaît à l'opinion publique, mais si les juges n'appliquent pas les peines maximales en ce moment, je ne crois pas qu'ils vont changer de pratique.
En ce qui concerne les peines minimales obligatoires, très peu de preuves indiquent que ces peines ont une incidence dissuasive. Dans certains cas, on passe d'une peine de six mois à un an. Je ne crois pas que quelqu'un qui soit sur le point d'agresser un enfant soit vraiment découragé par une telle peine. La plupart des agresseurs ne s'attendent pas à se faire prendre et ils ont raison, bien franchement. À mon avis, il n'y a pas de facteur dissuasif réel.
Quant au site Web, les gens croient peut-être que cette mesure aura un impact révolutionnaire. Toutefois, comme l'a indiqué M. Butt, il s'agit en fait de renseignements diffusés par la police à l'égard de délinquants présentant un risque particulièrement élevé. J'espère que le gouvernement étudiera l'expérience de l'Alberta et du Manitoba avant de créer un nouveau site Web et tout l'appareil bureaucratique nécessaire. Les mesures prises dans ces provinces ont-elles donné des résultats? Y a-t-il eu un impact sur le taux d'enregistrement au fichier des délinquants sexuels? J'espère que ces questions ont été posées par le gouvernement fédéral avant la rédaction de ce projet de loi.
J'allais parler un peu des Cercles de soutien et de responsabilité, mais il y a des gens ici présents qui en savent beaucoup plus que moi. En tant que représentant des victimes, en tant que quelqu'un qui a travaillé avec des victimes pendant de nombreuses années, des enfants et des adultes victimes d'agression sexuelle, j'appuie le mandat de cet organisme. J'appuie le travail incroyable qu'il fait, et je demande au gouvernement de revoir sa décision quant au retrait des subventions.
Je m'arrêterai là.
Merci beaucoup, monsieur.
Notre prochain témoin représente les Cercles de soutien et de responsabilité. Monsieur Foord, voulez-vous commencer?
Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis membre du conseil d'administration des Cercles de soutien et de responsabilité et je suis aussi avocat. J'aimerais revenir un peu sur ce dont mon collègue a parlé, c'est-à-dire l'importance des peines plus longues et des peines minimales.
Dans notre système de justice, nous essayons de protéger le public dans une société libre et démocratique. Ces deux éléments ne sont pas incompatibles. Ils vont ensemble. Si nous décidons d'établir des peines minimales et d'accroître les peines maximales, on présume qu'on le fait parce que c'est nécessaire. Cette nécessité se fonde sur des preuves. Par exemple, une augmentation de la criminalité nous amène à examiner les choses sous un angle différent. Nous faisons ces changements pour atteindre l'objectif que nous visons, c'est-à-dire réduire la criminalité et protéger le public.
Nous ne mettons pas en place des mesures qui ne fonctionnent pas, car ce n'est pas rentable et ce n'est pas efficace si elles ne permettent pas d'atteindre l'objectif visé. Nous risquons de restreindre pour rien la liberté d'une personne et, si cette personne est incarcérée plus longtemps sans que nous intervenions d'aucune manière auprès d'elle, nous risquons d'accroître le risque pour la population, c'est-à-dire si nous ne mettons pas en place des programmes de counseling et de réinsertion en vue d'assurer la protection du public.
Ce sont des points auxquels il faut réfléchir. Je sais par contre que ce n'est peut-être pas au programme.
M. Sullivan a parlé de notre organisme. Je suis membre du conseil d'administration, et je peux vous dire que, malgré les mesures pénales et les mesures de contrôle liées à la libération conditionnelle, les individus sont souvent... Comme vous le savez peut-être, ils sont visés par la réarrestation immédiate. Ils purgent la totalité de leur peine, en particulier ceux qui ont commis des infractions sexuelles très graves. Il y a cependant des lacunes. On ne parvient pas à les faire participer à la société d'une manière positive, à leur offrir les services dont ils ont besoin, notamment des services de counseling, et la stabilité dont ils ont également besoin. Un ancien délinquant sexuel instable constitue un danger pour la société.
Plutôt que d'investir des fonds pour accroître la durée des peines, comme M. Sullivan l'a dit, de six mois ou d'un an, en pensant que l'on va réussir ainsi à mieux protéger le public, il serait plus judicieux d'appuyer financièrement des programmes comme les Cercles de soutien et de responsabilité.
Je vais demander à Susan de dire quelques mots au sujet de nos activités.
Merci, James, et merci aux membres du comité de nous avoir invités.
Les recherches menées sur les Cercles de soutien et de responsabilité révèlent que, chez les personnes qui participent à notre programme, on observe une réduction du taux de récidive de 70 à 80 % par rapport à ceux qui n'y participent pas. Notre programme est très rentable. Notre budget annuel, du moins pour nos activités ici à Ottawa — et nous travaillons avec environ 8 à 12 individus par année — s'établit en deçà du coût d'incarcération annuel d'un seul délinquant dans le système fédéral.
Je ne sais pas si vous savez que le financement que le Service correctionnel accorde à la plupart des programmes des Cercles de soutien et de responsabilité au Canada cessera à la fin du mois de mars. Je peux vous fournir la liste de tous ces programmes en question, si vous le désirez, qui inclut le nôtre ici à Ottawa, qui a été mis sur pied en 2002. Depuis sa création, un seul délinquant sexuel a été à nouveau déclaré coupable d'une infraction sexuelle. La fin du financement signifie que de nombreux Cercles de soutien et de responsabilité au Canada seront forcés de cesser leurs activités. Cela risque d'avoir des conséquences désastreuses pour la sécurité du public.
Les Cercles de soutien et de responsabilité offrent du soutien aux délinquants sexuels remis en liberté et visent à les rendre responsables. Il s'agit d'un programme unique en ce sens qu'il fonctionne avec l'aide de la population. Notre personnel et nos bénévoles tiennent les participants responsables de leur comportement, de leurs choix et de leurs décisions. Imaginez-vous dans une salle en présence de quatre étrangers lorsque vous venez d'être libéré — ces étrangers sont des bénévoles — et devoir leur faire part de vos pensées les plus intimes et des démons que vous affrontez. Je dirais que c'est une façon d'être dur avec les criminels.
La responsabilisation vise à amener les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes. Comme Steve l'a mentionné, les gens qui travaillent avec les organismes de services aux victimes et les Cercles de soutien et de responsabilité visent tous le même objectif, c'est-à-dire faire en sorte qu'il n'y ait plus de victimes. Le fait est qu'environ 90 % des délinquants sont remis en liberté, alors ne vaut-il pas mieux leur offrir le soutien dont ils ont besoin au lieu de les laisser à eux-mêmes et risquer qu'ils récidivent?
Je vous remercie.
Je vous remercie beaucoup pour cet exposé.
Nous allons maintenant passer aux questions.
La parole est d'abord à Mme Boivin, du Nouveau Parti démocratique.
Nous disposons d'environ une demi-heure, alors je vais donner la parole à deux députés néo-démocrates, à deux conservateurs et à un libéral.
Je remercie les témoins.
[Français]
Les choses se bousculent un peu, mais votre participation est très appréciée.
Un des éléments du projet de loi C-26 est la création d'une banque de données concernant les délinquants sexuels à risque élevé. Or je ne vous ai pas entendu parler de cette banque de données. Selon l'article 11, le gouverneur en conseil pourra établir, par règlement, les critères permettant de décider qu’une personne qui est déclarée coupable d’une infraction sexuelle visant un enfant présente un risque élevé de commettre un crime de nature sexuelle.
Comment définiriez-vous cela, exactement? Est-ce que cette banque de données vous réconforte? Le fait de savoir qu'elle sera créée et qu'elle sera différente du Registre national des délinquants sexuels, déjà existant, vous procure-t-il un sentiment de sécurité ?
Je suggère que nous procédions selon l'ordre des interventions et que nous commencions par M. Gilhooly.
[Traduction]
Ma première question est la suivante: y a-t-il un problème à l'heure actuelle? Je ne connais pas très bien comment les choses se déroulent au quotidien. Je ne sais pas s'il y a une lacune à combler.
Spontanément, je dirais que je me méfie des divulgations publiques. Je me suis déjà exprimé au comité sur des dossiers dans le cadre desquels on demande aux forces policières de gérer l'information, en fait, on s'attend à ce qu'elles le fassent et on l'accepte. Nous leur faisons confiance de plus en plus à cet égard dans un monde qui a évolué. Maintenant, paradoxalement, nous voulons mettre en place un système qui fait en sorte que le public obtiendrait l'information. Nous ne voulons plus tout simplement laisser les services de police transmettre l'information au public. C'est un peu un problème d'ordre logique que j'ai à cet égard.
Cela dit, si les forces policières affirment qu'elles ont besoin de la collaboration du public pour les aider à surveiller ces individus dangereux, je crois qu'un tel argument devrait l'emporter.
Dans la loi, on parle d'une banque de données, mais j'appelle cela un site Web, car, honnêtement, je crois que c'est ce dont il s'agira. Ce sera simplement une compilation. Le Manitoba a déjà créé un site Web sur les délinquants à haut risque, et l'Alberta a...
Il s'agit de cas où les services policiers jugent qu'un individu présente un risque tellement élevé de récidive qu'ils se sentent dans l'obligation d'avertir le public qu'il sera remis en liberté.
Comment cela sera-t-il déterminé, toutefois? C'est un peu une zone grise; quand je lis la loi, ce n'est pas clair, parce que c'est le gouverneur en conseil qui déterminera les critères. C'est très vague dans mon esprit.
Dans la loi, il est écrit que la banque de données contient seulement des informations déjà divulguées par un service de police. Donc, si le Service de police d'Ottawa divulgue des renseignements à propos d'un individu, alors le nom de cette personne pourrait être publié dans la banque de données fédérale ou le site Web. Si le service de police local n'a pas divulgué l'information, alors le nom de la personne ne figurera pas dans la banque de données.
Il s'agit uniquement de renseignements qu'un service de police aurait déjà rendu publics. Il n'y a rien de nouveau ou de révolutionnaire là-dedans. On ne fait que rassembler de l'information qui se trouve dans différents sites Web. Est-ce que cela permettra d'accroître la sécurité du public? Je ne vois pas comment ce pourrait être le cas.
Le gouvernement pourrait s'adresser à l'Alberta et au Manitoba, qui détiennent de tels sites Web depuis quelques années, pour leur demander quels effets ces provinces ont observés. Ont-elles noté une réduction des récidives de la part de ce type de délinquants? Quelles sont les répercussions sur les individus qui figurent dans le registre national des délinquants sexuels?
Avant d'affirmer qu'il y aura un effet positif ou négatif, je poserais ces questions.
Non, je sais qu'il y avait un problème avec...
Je ne veux pas écourter votre temps de parole, madame Boivin, mais voulez-vous répéter la question?
Mon français n'est pas parfait, mais j'ai suffisamment bien compris.
Je conviens avec M. Sullivan que nous devrions tenir compte des leçons tirées par l'Alberta et d'autres gouvernements qui ont mis en place ce type de programme. J'ai bien vu le passage où il est indiqué qu'il s'agit seulement de renseignements déjà rendus publics; toutefois, je ne suis pas exactement certain de ce que cela signifie. Je me demande, et je ne sais pas s'il en est question dans la loi, s'il est possible que l'information permette de savoir où se trouve la personne. Je ne crois pas que ce soit là l'objectif, d'après ce que je comprends.
Bien entendu, la Cour suprême du Canada aurait un problème avec le fait qu'on divulgue les trois premiers éléments du code postal de l'individu, son nom ou sa photo, ce qui permettrait de déterminer où il se trouve. Évidemment, cela pourrait mener à une situation où le délinquant pourrait ne pas vouloir respecter les règles, à cause de la honte ou de la peur, ce qui pourrait faire de lui un individu instable et, par conséquent, une personne qui pose un risque élevé pour le public.
Ce ne sont là que des préoccupations que je soulève. Je ne sais pas si on en tiendra compte dans la loi, mais j'aimerais savoir précisément ce qu'on veut dire quand on parle d'information qui a déjà été divulguée.
Il faut aussi tenir compte du fait que la vaste majorité des infractions sexuelles — c'est très connu — sont commises au sein de la famille ou... comme vous l'avez dit vous-même. Le fait de publier les noms dans le registre pourrait-il causer des problèmes pour les victimes?
J'essaie de comprendre comment le registre va fonctionner et de voir si nous ne sommes pas en train de créer un monstre qui aura un effet négatif.
Je ne prétends pas être un expert en matière d'infractions sexuelles, mais j'ai lu passablement sur le sujet. Nous savons que ceux qui commettent des infractions sexuelles au sein de la famille ont tendance à afficher un taux de récidive moins élevé que les délinquants sexuels attirés par les jeunes enfants, habituellement du même sexe qu'eux. Les délinquants qui ont commis des infractions sexuelles au sein de la famille ne figureraient probablement pas sur les listes d'avis de libération. Le Service de police d'Ottawa n'avertira pas la population que l'oncle Jim sera remis en liberté à moins qu'il ait d'autres problèmes.
Ce type de délinquants, ceux qui ont été trouvés coupables d'inceste, ne comptent probablement pas parmi les personnes qui vont figurer sur la liste. Il ne s'agit pas du genre d'individus avec lesquels Susan va travailler. Il s'agit principalement de délinquants comme Graham James, qui présentent un haut risque de récidive.
S'il y a une interdiction de publication pour une raison quelconque — par exemple, la victime serait identifiée si on identifie le délinquant — alors je présume que les services de police ne publieraient pas un avis.
Je vous remercie beaucoup.
La parole est maintenant à un député du Parti conservateur.
Allez-y, monsieur Goguen.
Je remercie tous les témoins pour leur participation. Notre réunion sera un peu écourtée à cause des bouffonneries sur la Colline, bien sûr. Personne ne sait ce que chaque jour nous réserve.
Monsieur Gilhooly, vous avez comparu devant nous à quelques reprises. J'ai remarqué que vous êtes préoccupé par le principe de totalité, et j'ai quelques questions à vous poser à ce sujet. Je sais que des défenseurs des droits des victimes comme Sharon Rosenfeldt estiment que des personnes sont libérées trop rapidement à cause du principe de totalité.
Plus tôt cette semaine, nous avons entendu des représentants du ministère de la Justice. Ils ont affirmé que les tribunaux ont remarqué que, lorsqu'il y a plusieurs condamnations pour différentes infractions et que le tribunal aurait imposé une peine plus lourde pour une de ces infractions, il réduit tout de même la peine d'un an ou deux en raison du principe de totalité.
Avez-vous des commentaires au sujet de la durée des peines en ce qui a trait au principe de totalité et aux infractions sexuelles contre des enfants?
Les cas les plus graves permettent toujours de faire valoir les meilleurs arguments et les pires en même temps.
Je vais parler du cas de Graham James. Graham a été reconnu coupable au milieu des années 1990 d'une centaine d'agressions sexuelles contre Sheldon Kennedy et une autre personne dont le nom n'a pas été révélé.
Trois d'entre nous avons dénoncé ces actes 15 ans plus tard. Il y a eu des centaines d'autres infractions. Graham était en liberté sous caution et il a décidé de récidiver aussi longtemps qu'il le pouvait. Il a accepté de respecter certaines conditions mais pas d'autres. Il est question ici de centaines d'agressions sexuelles.
C'est difficile pour moi d'en parler. J'ai imprimé la décision de la Cour d'appel. Je dois avouer que j'ai pleuré lorsque je l'ai lue encore une fois aujourd'hui à l'aéroport. La Cour d'appel du Manitoba affirme que la peine minimale pour une agression sexuelle grave commise contre une jeune personne par un individu en position de confiance est de quatre à cinq ans.
J'ai longuement réfléchi à ce que je veux dire à la Cour d'appel du Manitoba, et ce que j'ai décidé de dire va offenser tout le monde ici présent, alors bouchez-vous les oreilles: « Que la Cour d'appel du Manitoba aille se faire foutre ».
C'est le problème que nous avons en ce moment. Il y a des juges et une société qui ne comprend pas la douleur qui persiste chez les personnes qui ont été abusées sexuellement pendant l'enfance.
Que Dieu bénisse mes collègues qui parlent de la difficulté pour des ex-détenus de réintégrer la société. Tant que le gouvernement ne financera pas un organisme comme celui que Sheldon Kennedy et son équipe ont mis sur pied à Calgary dans chaque région métropolitaine du pays, ce groupe ne devrait pas obtenir un seul dollar.
Ces individus ont droit en prison à bien plus de thérapies que j'en ai jamais obtenues. Graham a été jugé réadapté parce qu'il n'a pas récidivé entre le moment où il a été libéré après avoir été reconnu coupable d'agression sexuelle contre Sheldon Kennedy et mon époque. Il faut dire j'ai dénoncé les actes 30 ans plus tard.
Nous tenons deux discours. D'un côté, nous affirmons que la plupart des agressions sexuelles ne sont pas signalées, et, d'un autre côté, on nous présente des statistiques qui indiquent tout d'un coup que les taux de récidive diminuent parce que telle ou telle chose ne s'est pas produite.
On ne connaît pas les véritables statistiques en ce qui concerne les personnes qui commettent des agressions sexuelles. Je félicite le gouvernement de prendre des mesures pour essayer de faire avancer les choses, mais il n'y aura pas d'amélioration tant que la société n'aura pas une meilleure compréhension de la prison dans laquelle sont enfermées les victimes d'agressions sexuelles pendant l'enfance. Il faut d'abord aider ces prisonniers-là.
Essentiellement, la Cour d'appel a évalué que le tort qui vous a été causé en tant que victime équivaut à une peine de quatre ans et demi. Donc, vous, sans l'avoir voulu, vous subissez une sentence à vie, et la peine imposée à l'agresseur ne semble pas suffisante.
C'est encore plus grave que cela.
Graham a décidé de plaider coupable à deux des trois chefs d'accusation pour que les peines soient limitées dans le temps. Il a plaidé coupable aux accusations portées par Theo et Todd, mais pas par moi.
La Couronne au Manitoba a accepté cela parce qu'elle ne voulait pas contraindre d'autres témoins à témoigner, et nous savons qu'il y en a, et estimait qu'il n'y avait pas lieu de tenir un procès. Même s'il avait été reconnu coupable des accusations que j'ai portées, il n'aurait pas passé davantage de temps derrière les barreaux. C'est exactement ce qu'entraîne le principe de totalité lorsqu'on réduit les sentences.
À la Cour d'appel, il a obtenu huit ans, mais la peine a été réduite à cinq ans parce qu'elle aurait été indûment sévère pour ce pauvre M. James. S'il avait été reconnu coupable dans mon cas également, il aurait écopé de trois peines de quatre ans, c'est-à-dire 12 ans, une sentence qui aurait été réduite à cinq ans, car une sentence plus longue que cinq ans aurait été indûment injuste pour M. James. Que la Cour d'appel du Manitoba aille se faire foutre.
Un des témoins qui a comparu plus tôt, M. Butt, a parlé de l'importance de transmettre l'information concernant les délinquants sexuels à haut risque. L'ASFC devrait obtenir cette information pour pouvoir informer les responsables du registre des déplacements de ces délinquants. M. Butt a affirmé que nous sévissons bien entendu contre les délinquants sexuels au Canada, mais ceux qui ne parviennent pas à se réadapter ont tendance à se déplacer.
Êtes-vous d'accord? Voyez-vous des avantages à transmettre les renseignements, à signaler les dates de départ et la destination?
Ma question s'adresse à qui veut bien y répondre.
Monsieur Gilhooly, vous pouvez commencer.
Absolument.
Graham a été retrouvé à Guadalajara. Il y a des endroits où ces gens peuvent aller, des collectivités qui les appuient. Ils ont accès à des réseaux qui vont au-delà des fonds gouvernementaux visant à les réintégrer à la société.
Comprenez-moi bien. Nous voulons aider les délinquants lorsqu’ils sont libérés. Nous leur offrons beaucoup d’aide pendant leur incarcération, beaucoup plus que ce que l’on offre aux victimes.
Nous avons un problème à résoudre, soit comment les pister lorsqu’ils sont libérés et comment les aider le plus possible. Ce n'est pas parce qu'ils franchissent la frontière et qu'ils font leurs petites affaires qu’ils ne causent aucun préjudice à la société. C’est notre responsabilité.
Si des délinquants sexuels condamnés se rendent en Thaïlande, il est clair que cette information doit être partagée et accessible.
Je crois, monsieur Butt, que ceux qui n’ont aucun casier judiciaire et qui voyagent constituent le principal problème en ce qui a trait au tourisme pédosexuel.
Exactement. Dans certaines régions, ce genre de tourisme est encouragé, car il profite à l’économie. C’est une question complexe.
Mais, si un condamné pour infraction sexuelle sur des enfants se rend dans une de ces régions, je crois qu’il faudrait absolument que cette information soit partagée.
Madame Love, monsieur Foord, auriez-vous quelque chose à ajouter sur le sujet?
Des voix: Non.
Le président: Merci beaucoup.
Merci pour ces questions et réponses.
Notre prochain intervenant sera M. Casey, du Parti libéral.
Merci, mesdames et messieurs les témoins.
Je suis convaincu, monsieur Foord, que tous ici sont d'accord avec vous: il faut réduire le nombre de victimes. Nous avons peut-être une opinion différente sur la façon de procéder.
Au cours de mes carrières précédentes, si ce n’était pas mesurable, ce n’était pas gérable. On a l’impression parfois de mener un combat simulé, comme le soulignait M. Gilhooly, en ce sens que les statistiques et les preuves ne sont pas fiables. Elles ne valent rien. Comment faire pour déterminer si quelque chose est efficace?
J'aimerais m'adresser aux responsables de CoSA. Vous avez d’abord avancé des statistiques auxquelles M. Gilhooly n’accorde pas beaucoup d’importance. Si j’ai bien compris, vous dites que le taux de récidive chez les participants à votre programme est 80 % moins élevés que dans la population en générale.
Vous dites également que le financement fédéral pour votre programme a été coupé. Savez-vous pourquoi? Est-ce parce que des preuves remettent en question ce taux de 80 %? Est-ce parce que le gouvernement cherche à équilibrer son budget? Est-ce parce que des peines plus longues constituent une meilleure solution?
Je dirais que c’est principalement pour des raisons budgétaires. Nous avons reçu du financement de la Direction de l’aumônerie de Service correctionnel Canada. Cette direction a été durement touchée par les compressions. Vous le savez probablement. C’est la principale raison.
Aussi, nous travaillons avec des gens qui ont été libérés. Je crois comprendre que certaines personnes à Service correctionnel Canada sont d’avis que cela va au-delà du mandat de l'organisation.
De toute évidence, nous avons tous les deux le même mandat, soit d’assurer la sécurité du public. CoSA a beaucoup de difficultés à obtenir des fonds, car il ne constitue pas une priorité de financement comparativement à Centraide, par exemple.
Nous ne prétendons pas que Service correctionnel devrait nous financer à 100 %. Nous sommes conscients que la province, la ville et certaines fondations privées devraient également contribuer, mais, selon nous, Service correctionnel devrait offrir un financement de base. Cela nous aiderait à tirer parti d’autres sources de financement potentielles, car nous pourrions démontrer que nous avons le soutien du gouvernement.
Est-ce que cela répond à votre question?
Oui. Merci.
Monsieur Sullivan, vous étiez venus témoigner dans le cadre de l’étude sur la Charte des droits des victimes. Il y a un thème récurrent, soit qu’il faudrait mettre davantage l’accent sur les ressources que sur la rédaction de documents. C’est essentiellement ce que vous avez dit aujourd’hui, je crois.
Dans le même ordre d’idées, selon moi, afin de réduire le nombre de victimes, plutôt que de regarder du côté des délinquants, il faudrait travailler en amont: éducation, santé mentale, et réduction de la pauvreté, entre autres.
J’aimerais connaître votre opinion sur la meilleure façon de réduire le nombre de victimes, les modifications proposées au Code criminel et les peines plus longues par opposition aux autres programmes qui, selon vous, seraient plus efficaces.
Certainement. Combien de temps ai-je pour répondre? Sérieusement, nous savons que, de façon générale, les programmes de prévention du crime peuvent être efficaces au début du cycle. On parle de plusieurs types d’infractions. Le délinquant peut être membre d’un gang ou avoir été victime d’abus lorsqu'il était enfant. Si nous pouvons éduquer les gens et prévenir ce genre d’infraction dès le début, nous pourrons mettre un terme à ces cycles.
Dans le cadre d’une entrevue qu’il a accordée à une station radio sportive à Ottawa, Theo Fleury a dit qu’il ne se concentre plus sur le système judiciaire; il se concentre davantage sur sa guérison. Il a parlé du cas de Ray Rice, aux États-Unis, un cas que nous connaissons bien. Il ne l’a pas défendu. Selon lui, il s’agit d’un comportement odieux, un comportement acquis. S’il est possible de corriger ce comportement le plus tôt possible, peu importe à quel niveau, Ray Rice n’enseignera pas ce comportement à ses enfants ou à sa fille qui pourrait se retrouver dans une relation de violence.
Nous savons que bon nombre de ces crimes sont le résultat d'une expérience vécue en bas âge. Selon une recherche canadienne, l’impact de la violence faite aux enfants coûte chaque année 15 milliards de dollars. Les enfants victimes d’abus sexuels ou physiques ont tendance à avoir plus de problèmes à l’école, à décrocher ou à être enclins à la promiscuité sexuelle. Le nombre de grossesses chez les adolescentes est plus élevé, tout comme le taux de toxicomanie. Tout cela mène les gens à emprunter des voies particulières. Si l’on peut enrayer ce genre de comportement dès le début, mettre ses programmes à la disposition des gens qui en ont besoin là où ils en ont besoin, de façon à ce que le gouvernement n’ait pas à mettre en place des programmes que les gens n’utiliseront pas, ce qui se produit souvent…
La clé, c’est la prévention, et la prévention peut se faire à différents niveaux. Par exemple, lorsqu’un délinquant entre dans un pénitencier fédéral, c’est probablement parce qu’il a un long casier judiciaire. Il y a peu de chances qu'il modifie son comportement, même avec le meilleur programme correctionnel au monde. La meilleure façon de protéger le public, c’est de modifier le comportement du délinquant après sa libération. La décision lui revient, mais si l’on peut lui fournir les outils nécessaires, comme le fait CoSA, un programme à participation volontaire qui vient en aide aux délinquants à plus haut risque… On parle ici de gens pour qui le risque de récidive est de 100 %. On peut remettre en question les statistiques, mais il est difficile de remettre en question l’impact sur bon nombre de ces délinquants. Donc, la solution, c’est la prévention à différents niveaux et tenter de récupérer ces gens.
Je suis quelqu’un de pragmatique. J’aimerais qu’il y ait moins de victimes et moins de gens qui redeviennent des victimes. Si nous avions des données démontrant que des peines plus longues permettent de prévenir la criminalité ou de dissuader les gens, j'appuierais l'imposition de peines plus longues.
Merci beaucoup pour ces questions et réponses.
Notre prochain intervenant sera M. Seeback, du Parti conservateur.
J’aimerais m’adresser un instant à M. Gilhooly.
Vous avez parlé du principe de proportionnalité. Une chose que je remarque dans les changements proposés, c’est que non seulement on propose des peines minimales, mais on propose également d'augmenter les peines maximales. Par exemple, la peine pour contact sexuel sur déclaration de culpabilité passerait de 10 à 14 ans. Je pourrais vous donner d’autres exemples.
Selon vous, le fait d'imposer une peine minimale et d’accroître les peines maximales permet-il d’ajuster ce principe? Sinon, quelle serait, selon vous, la solution?
Malheureusement, non, je ne crois pas que cela permette d’ajuster le principe de proportionnalité. Je vais vous donner un exemple. Une peine de douze ans, soit trois peines de quatre ans, est réduite à une peine de cinq ans. Que ce soit quatre peines de quatre ans ou trois peines de dix ans, peu importe, elles sont réduites à une peine de cinq ans, car le Code criminel dit que la peine doit être juste et raisonnable et ne doit pas être injustement sévère.
La jurisprudence que l’on retrouve dans le droit commun constitue un autre problème. C’est une chose que l’on ne peut pas changer. Non seulement les peines sont réduites en vertu du Code criminel, mais la jurisprudence est utilisée dans la détermination des peines. Donc, il y a des peines allant de quatre à dix ans, de quatre à quinze ans ou de quatre ans à la prison à perpétuité. On a beau croire que l’on peut changer la mentalité grâce à une affaire difficile où le monstre a été capturé, mais en réalité, l’avocat de la défense n’a qu’à faire référence à l’affaire Stuckless ou à l'affaire Graham James. Il s’appuie sur les peines imposées dans ses affaires et aux dispositions citées, donc sur la jurisprudence.
Le projet de loi parfait de Greg ferait référence à un jugement de la Cour suprême sur l’imposition d’une peine plus sévère. Mais, ça ne se produira pas.
J’aimerais beaucoup participer à un processus d’appel à la Cour suprême sur cette question. Malheureusement, tant que la jurisprudence sera utilisée, il n’y a aucune façon de s’en sortir.
Une solution intéressante serait de créer un nouveau type de délinquant, le délinquant sexuel dangereux, et de le définir. Cette nouvelle infraction permettrait aux tribunaux de sortir des sentiers battus. Mais, pour cela, il faudrait qu’un juge créatif fasse abstraction de la jurisprudence. Cela ne se produira pas tant que la société n’aura pas été éduquée et qu’elle ne comprendra pas l’impact sur les victimes.
Encore une fois, je reviens à ce que j’ai dit dans mon exposé. Dans la mesure où une loi comme celle-ci serait en vigueur, même si elle ne m'aidera pas personnellement, elle permettrait d’amorcer la discussion et de mettre l’accent sur le problème des agressions sexuelles sur les enfants et l’impact sur les victimes. Ce serait un pas dans la bonne direction. Peut-être verrons-nous cela de notre vivant. Qui sait?
Susan ou James, j'aimerais connaître votre opinion sur une chose.
Un délinquant qui entre dans un pénitencier fédéral pour y purger sa peine est informé qu’il y a des programmes à sa disposition, mais il n’est pas tenu d’y participer. Dans une prison provinciale, si la participation à un programme est prescrite, le détenu n'a pas le choix.
Selon vous, qu’arriverait-il si les détenus dans les pénitenciers fédéraux étaient tenus de participer à ce genre de programme? Je pourrais vous donner beaucoup d’exemples de détenus, y compris M. James, à qui l’on a offert de participer à des programmes, mais qui ont refusé. Comment peut-on obliger la participation à ces programmes?
Vous avez raison. En vertu de la législation actuelle, les détenus dans les pénitenciers fédéraux ne sont pas tenus de participer aux programmes. S’ils n’y participent pas, bien souvent, ils restent incarcérés. C’est vrai.
J’aimerais ajouter quelque chose à ce que disait M. Sullivan. Les prisons, notamment les pénitenciers, ne sont pas propices à la réadaptation qui permettrait à un détenu de réintégrer la société. Ces ressources doivent être offertes dans la collectivité.
En plus de ce que notre programme peut faire pour réduire le nombre de victimes, je crois que c'est une bonne idée d’obliger les délinquants à suivre une formation pendant leur incarcération. Je ne saurais m’y opposer. D’ailleurs, il serait déraisonnable de s’opposer à cette idée, mais, à mon avis, cela ne réglerait pas le problème.
Merci beaucoup.
Quelqu’un du NPD voudrait profiter des deux dernières minutes pour intervenir?
Madame Péclet.
Merci beaucoup à tous les témoins.
Une de mes collègues a posé une question à la Chambre des communes juste avant la pause des Fêtes. Elle disait qu’un programme…
[Français]
Malheureusement, les compressions imposées au ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile ont affecté le programme de surveillance intensive des délinquants. Je ne sais pas si vous êtes familier avec celui-ci, mais il vise ceux qui sont considérés dangereux ou à haut risque. Soit dit en passant, on a l'air de ne même pas savoir quelle en est la définition.
Par ailleurs, vous savez que le Code criminel prévoit déjà un Registre national des délinquants sexuels. J'aimerais savoir dans quelles circonstances la création d'un nouveau registre va vraiment pouvoir être utile pour les policiers ou les gens qui sont responsables de veiller à la sécurité des victimes et de toute la communauté. Comment vont-ils pouvoir fonctionner si, malheureusement, le gouvernement continue à leur couper les vivres ou, comme on dit, à leur couper l'herbe sous le pied?
Le partage d'informations et la collaboration avec la police, c'est bien, mais on sait qu'ils ne sont même pas capables de mettre à jour les programmes de filtrage de sécurité et de vérification de casier judiciaire, ce qui a mené à certaines aberrations. Que vont-ils pouvoir faire?
J'aimerais simplement savoir ce que vous pensez de ces compressions. Quel genre de programme proposeriez-vous?
[Traduction]
Je vais donner à tous les témoins la chance de répondre et nous lèverons ensuite la séance.
Maître Gilhooly, voulez-vous répondre en premier?
Je le répète, s’il y a un problème, il faut le régler, mais, sincèrement, je m’en remettrais… Je ne veux pas paraître désintéressé par votre question — c’est une très bonne question —, mais, à mon avis, ma réponse ne peut être que théorique, car j’ignore quels sont les enjeux.
Je poserais la question aux forces de l’ordre pour connaître quels sont leurs besoins. Mon instinct me dit que plus il y a de ressources pour pister les gens dangereux, mieux ce sera, dans la mesure où cela répond aux besoins des policiers.
Ce programme n’est pas familier, donc j’ignore comment s’en servent les policiers. J’imagine que s’il était offert par la sécurité publique, c’était peut-être dans le cadre de programmes correctionnels ou de programmes de liberté conditionnelle, donc pour des délinquants mis en liberté sous conditions. Pour ces délinquants, plus il y a de ressources pour les surveiller et s’assurer qu’ils respectent les conditions de leur libération, s’il y a lieu — on parle ici de délinquants sexuels —, par exemple, ne pas se trouver près des parcs ou des écoles, je crois que plus on a d’information, mieux c’est.
Je ne peux pas vraiment parler de ce programme, car il ne m’est pas familier et j’ignore comment les forces de l’ordre l’utilisent. Mais, d’un point de vue policier — il y a des agents ici —, je crois que plus les policiers ont d’information, mieux c’est.
Je ne peux pas me prononcer sur ce programme. Toutefois, je crois que tous ici conviennent que le financement est important pour les victimes, mais aussi pour éliminer ce genre de crime et traiter les délinquants potentiels.
Merci beaucoup.
Merci aux témoins d’avoir accepté notre invitation.
Cela met fin à la séance. Lundi, pas la semaine prochaine, mais bien dans deux semaines, nous accueillerons d’autres groupes de témoins. Ensuite, nous procéderons à l’étude article par article. Je crois que d’ici la fin du mois de février, le projet de loi sera renvoyé à la Chambre des communes.
Merci de votre participation à l’étude de ce projet de loi.
Cela dit, on se revoit dans deux semaines. La séance est levée.
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