:
Je serai brève, car je n'ai pas grand espoir, mais il faut toujours garder espoir.
[Français]
Comme je veux faire une dernière tentative auprès des banquettes conservatrices, j'aimerais déposer une motion.
Avec ce qu'on a entendu et avec les différentes théories qu'on entend à gauche et à droite— je ne parle pas au sens politique mais en fonction des positions très diverses qu'on a entendues —, j'aimerais proposer une motion demandant au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de suggérer au gouvernement, avant de commencer l'étude article par article, de renvoyer le projet de loi à la Cour suprême du Canada.
Comme tout le monde le sait, la raison est que le ministre de la Justice et procureur général du Canada a l'obligation de s'assurer que son projet de loi est conforme à la Charte et à notre Constitution. On a des constitutionnalistes qui nous disent que ce n'est pas le cas et d'autres qui nous disent que ce l'est. La simple et bonne logique juridique veut que ce qu'on présente soit of sound order, surtout quand cela fait suite à une décision de la Cour suprême.
Comme juriste, je ne suis pas à l'aise de dire qu'on peut renvoyer à la Chambre ce projet de loi à l'étape du rapport et qu'on peut garantir à nos collègues à la Chambre qu'il est conforme à la Charte et à la Constitution.
Je pense qu'on doit éviter de dépenser beaucoup d'argent. Comme les experts et même le ministre l'ont dit, ce projet de loi va se retrouver devant la cour. C'est aussi vrai que la nuit suit le jour. Dans cette optique, je me dis que la chose prudente et diligente à faire, c'est de le renvoyer à la cour. C'est ce que le Comité permanent de justice et des droits de la personne devrait demander à ce moment précis.
:
Merci, monsieur le président.
Je ne répéterai pas les arguments de Mme Boivin, mais je dirais que je suis d'accord avec elle. Nous avons demandé qu'il soit renvoyé à la Cour suprême comme référence. Tous les témoins qui ont comparu devant le comité qui ont une formation de juriste, sauf le ministre de la Justice, les représentants du ministère de la Justice et une avocate qui n'était pas d'accord avec son client, étaient également d'avis que le projet de loi ne résisterait pas aux contestations constitutionnelles.
Dans les circonstances, il serait prudent de ne pas imposer aux Canadiens de nouvelles mesures législatives qui finiront par être déclarées inconstitutionnelles pendant six à sept années où elles chemineront devant les tribunaux, et d'obtenir l'avis de la Cour rapidement. C'est ce que cette motion permet de faire.
Si tous les avocats qui ont témoigné devant le comité ont tort, au moins, nous aurons une réponse rapide. Pour ma part, je pense qu'il y a très peu de risque. Il est certainement dans le meilleur intérêt des Canadiens, de tous ceux qui sont touchés par ces mesures, que la Cour suprême prenne cette décision. Nous ferions ainsi preuve de respect à l'égard du processus que nous venons de suivre et des gens qui sont venus témoigner devant le comité.
J'appuie la motion.
:
Je serai brève, monsieur le président. Je suis ravie que M. Dechert soit aussi sûr de lui en tant qu'avocat. Ce n'est pas mon habitude. Si le gouvernement du Canada était mon client et que j'examinais cela, je ne suis pas certaine de savoir de quel côté je pencherais. Je cherche toujours à savoir quel avis juridique le gouvernement a obtenu.
Tous les avocats ici présents ont déjà eu à préparer des avis juridiques. On prend les faits d'une cause le cas échéant, mais cela ne s'applique pas ici; il s'agit d'une question juridique. Il faut examiner les deux côtés, et parfois, il y en a trois ou quatre, et les possibilités.
Lorsque nous examinions les changements apportés à la Loi sur la Cour suprême pour valider une nomination, je me souviens encore que les députés ministériels du comité nous avaient dit à quel point c'était bon et parfait sur le plan juridique. Ils étaient tellement convaincus. On a vu plus tard ce qui s'est passé. Le problème, c'est peut-être le manque de crédibilité du gouvernement, le fait qu'il est si cachottier, que nous n'avons pas le sondage scientifique que nous voulions qu'il dépose, mais notre demande a été refusée.
Quand on voit une poursuite en justice, qu'elle soit valide ou non, comme c'était le cas pour la cause opposant Edgar Schmidt au Procureur général du Canada... Quand un employé dit « on nous a demandé de faire quelque chose qui n'est pas conforme à la Charte, de ne pas faire notre travail », peu importe s'il avait raison ou tort, cela peut faire douter les gens.
Je sais qu'on nous a dit qu'il y aurait des retards, que la Cour suprême a donné une échéance. Cependant, si l'on renvoie le projet de loi à la Cour suprême, elle comprendra que c'est fondé sur sa décision Bedford et elle s'adaptera à la situation. Cette cour n'est pas stupide.
L'enjeu est trop important, trop controversé. Beaucoup de gens disent la même chose, mais à partir de différents points de vue — ou encore ils ne disent pas la même chose sur d'autres plans. Les avis juridiques disent telle ou telle chose. Comment des gens peuvent-ils me dire sérieusement qu'après quatre jours de témoignages et une fin de semaine de réflexion, ils sont complètement convaincus? S'ils ont de l'information que nous n'avons pas, je les prie de nous les donner, car d'après ce que j'ai entendu et lu, ce n'est pas aussi clair.
:
Merci, monsieur le président.
Je veux seulement répondre brièvement, et je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure. Il est vrai que j'ai déjà été avocat — je suis membre du Barreau de l'Ontario — et j'ai entendu tous les arguments juridiques, et je suis ravi que des témoins et d'autres personnes nous aient donné leur point de vue, et j'ai examiné la question à partir de mon point de vue d'avocat, mais en toute honnêteté, ce n'est pas l'avocat qui est ici aujourd'hui.
Aujourd'hui, je suis ici en tant que député que les gens de sa circonscription ont élu pour prendre des décisions. Je suis aussi un député ministériel, et je crois que le projet de loi respecte toutes les exigences. De plus, je pense qu'en exerçant le pouvoir que nous sommes venus exercer aujourd'hui, nous faisons le travail pour lequel les gens nous ont élus.
Ainsi, je remercie Mme Boivin de ses observations et de sa motion, à laquelle nous nous opposerons, et je demande le vote.
:
Il n'y a rien de tel, mais puisqu'il n'y a pas d'autres interventions, je vous demande de vous prononcer sur la motion présentée par Mme Boivin. Tous ceux qui sont pour? Tous ceux qui sont contre?
(La motion est rejetée.)
Le président: Nous passons maintenant à notre étude article par article, et j'ai deux ou trois choses à dire. Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, le préambule et l'article 1, titre abrégé, sont réservés, et il y a des amendements sur le préambule, etc. Je vous le dis pour que vous sachiez que nous y reviendrons à la fin de l'étude article par article.
J'ai deux autres choses à dire. Je voudrais que dans tous les cas, nous procédions au vote avec dissidence si c'est possible. Évidemment, il y aura un vote sur les amendements, mais avec dissidence, et j'aimerais bien que, parce que le temps presse, et si cela vous convient, que nous regroupions les articles pour lesquels on ne propose pas d'amendements, à moins que vous vouliez en discuter.
Les articles 2 à 7 ne font l'objet d'aucun amendement.
Y a-t-il d'autres observations au sujet de l'article 5? Puisque ce n'est pas le cas, l'article 5 est-il adopté? Tous ceux qui sont pour?
(L'article 5 est adopté.)
Le président: Nous passons maintenant aux articles 6 et 7.
(Les articles 6 et 7 sont adoptés avec dissidence.)
(Article 8)
Le président: Merci beaucoup.
Il y a un amendement et il est présenté par le gouvernement. Il s'agit de l'amendement G-1. Que le projet de loi C-36, à l'article 8, soit modifié par substitution, aux lignes 13 à 18, page 6, de ce qui suit:
« 163.1, 170, 171 ou 279.011 ou aux paragraphes 279.02(2), 279.03(2), 286.1(2), 286.2(2) ou 286.3(2); »
L'amendement est recevable parce qu'il s'agit d'une modification par substitution.
Monsieur Dechert, la parole est à vous.
:
Merci, monsieur le président.
À l'instar des deux précédents, c'est aussi un amendement d'ordre technique.
Comme vous le savez, l'article 10 propose de modifier l'article 172.2 du Code criminel qui interdit de s'entendre avec une personne ou de faire un arrangement avec elle en vue de perpétrer l'une des infractions d'ordre sexuel à l'encontre des enfants qui sont énumérées, y compris celles liées à la prostitution infantile.
Pour les motifs déjà énumérés relativement aux deux amendements précédents, nous proposons celui-ci qui aurait pour effet de supprimer les renvois aux paragraphes 212(1), 212(2), 212(2.1) et 212(4).
On ne créerait pas non plus de vide juridique. L'individu mis en cause serait encore accusé en application de la loi en vigueur au moment où les faits reprochés ont eu lieu.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, nous allons voter en faveur de cet amendement.
:
D'autres observations concernant l'amendement?
(L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
(L'article 10 modifié est adopté.)
Le président: Il n'y a aucun amendement concernant l'article 11.
Y a-t-il des commentaires au sujet de cet article?
(L'article 11 est adopté avec dissidence.)
(Article 12)
Le président: Nous avons un amendement concernant cet article.
C'est le premier amendement présenté par notre députée indépendante. Selon les modalités adoptées par le comité, je vais d'abord faire lecture de l'amendement avant d'indiquer s'il est recevable ou non, motifs à l'appui. S'il est recevable, la proposante, du fait qu'elle est députée indépendante, disposera d'environ une minute pour nous en parler, après quoi son amendement sera mis aux voix. Bien évidemment, elle ne pourra pas participer au vote.
Il est donc proposé que le projet de loi C-36, à l'article 12, soit modifié par adjonction, après la ligne 21, page 7, de ce qui suit:
Le paragraphe 197(1) de la même loi est modifié par adjonction, selon l'ordre alphabétique, de ce qui suit:
« prostitution » Acte par lequel une personne rend ou obtient des services sexuels moyennant rétribution. »
En présumant que vous en faites la proposition, madame Mourani, je vous laisse environ une minute pour nous parler de votre amendement.
Cet amendement est recevable, car il n'y a pas de définition du terme « prostitution » dans le projet de loi et que le libellé proposé est différent de celui utilisé précédemment qui ne traitait que de la vente des services. Comme cette définition englobe la vente et l'achat, l'amendement est recevable.
Madame Mourani.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie le comité de me permettre de présenter des amendements et de m'expliquer au sujet de ceux-ci.
Je n'en ai pas présenté beaucoup, car j'ai préféré me concentrer sur des éléments qui pourraient, quant à moi, permettre à ce projet de loi de passer le test de la constitutionnalité.
Je pense qu'il est fondamental qu'on fournisse une définition de la prostitution dans le projet de loi parce que, si nous ne le faisons pas, nous allons laisser le système de justice utiliser la définition usuelle de ce qu'est la prostitution, à savoir de rendre des services sexuels moyennant rétribution. Or, ce projet de loi vise aussi le fait d'acheter des services de prostitution, des services sexuels.
Il me semble donc fondamental de bien montrer à la Cour suprême et au système de justice que l'intention du législateur est vraiment cette criminalisation de l'achat de services sexuels. Par une définition aussi claire, nous envoyons le signal au système de justice de tenir compte de cette définition et non pas de la définition usuelle et habituelle qu'on retrouve dans les dictionnaires.
:
J'ai tenu vraiment à fournir la définition de « prostitution ». Je n'ai pas précisé la notion de « services sexuels », parce que j'ai préféré laisser ça un peu à la jurisprudence. Il y a déjà passablement de jurisprudence écrite à cet égard. Il y a eu plusieurs procès qui ont été faits en matière de prostitution.
Quant à ma propre définition, elle est très large. J'y mettrais presque tout, qu'il y ait une relation sexuelle complète ou non, que ce soit dans les bars de danseuses nues ou autre chose. Ma définition pourrait être très large. Or, dans ce cas précis, j'ai préféré ne pas m'attarder à cette question afin de laisser au système de justice toute la latitude possible et de laisser place à ce qu'il y ait de la jurisprudence. C'est pour cette raison que je n'ai pas voulu le faire de cette façon.
Par contre, j'ai tenu quand même à fournir une définition de la prostitution d'un point de vue plus global. J'ai voulu dire directement au système de justice que, même si le dictionnaire définit la prostitution comme l'offre de services sexuels moyennant une rétribution, le législateur souhaite que le système de justice tienne compte d'un autre acteur, c'est-à-dire le client, soit celui qui achète le service. Ce dernier fait partie du système et il contribue à sa continuité et à sa persistance. Voilà pourquoi j'ai tenu à l'inclure.
Si on ne le fait pas, les juges, les procureurs et les avocats auront toute la latitude de choisir la définition usuelle de la prostitution, ce qui est d'ailleurs fait présentement. La particularité de ce projet de loi, c'est qu'il amène un nouveau joueur dans cette game, mais de manière directe. Il ne faut pas oublier que le client était déjà un peu visé par l'ancienne loi. Par contre, ici, c'est très clair: il y a des sentences qui y sont associées.
Donc, je pense qu'il est important d'avoir cette définition pour que l'intention soit encore plus claire à l'égard du système de justice.
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Merci, monsieur le président.
Je ne suis pas surprise par rapport à mon amendement NPD-1. C'était peut-être poussé les choses un peu loin.
Toutefois, j'aimerais que l'amendement NPD-2 soit clair pour tout le monde, car il concerne l'article 15. C'est l'article dont les témoins ont probablement le plus parler la semaine dernière avec l'article 20 et la somme de 20 millions de dollars. C'est essentiellement ce dont ils ont parlé la semaine dernière.
Ce qu'on a surtout entendu concerne la prémisse dans le préambule du projet de loi . Il en fait quand même partie, et on le verra tout à l'heure. Les témoins ont dit que, peu importe de quel côté on se situe dans le dossier de la prostitution, les travailleurs et les travailleuses du sexe sont des victimes.
Je le répète. Dans ce contexte, quelqu'un ne peut pas être victime et criminel en même temps pour la même action. Alors, soyons conséquents avec nous-mêmes. Quant aux questions précises de la plupart de ceux qui appuient le gouvernement à propos de son projet de loi , il apparaissait clairement, voire sans équivoque et sans exceptions, mis à part quelques bémols pour des raisons fondamentales de morale que je respecte, que c'était un aspect qui militait en faveur de l'appui à ce projet de loi.
À mon avis, il faut être conséquent avec soi-même, à tout le moins au regard du projet de loi, et s'assurer qu'on ne victimise pas encore plus les personnes qui sont dans le milieu de la prostitution. C'est l'essence même de l'amendement NPD-2. Il s'agit de l'arrimer à la demande quasi unanime de tous. Elle semblait même recevoir l'appui des membres conservateurs du comité à cet égard.
:
Merci, monsieur le président.
Je veux simplement remercier Mme Boivin pour cet amendement que le gouvernement n'appuiera pas. À notre avis, il va à l'encontre de l'un des principaux objectifs de ce projet de loi, à savoir protéger les enfants des méfaits de la prostitution.
Nous estimons que le projet de loi dans sa forme actuelle assure un juste équilibre entre les différents intérêts concurrents en cause, y compris la volonté de mettre les travailleurs du sexe à l'abri de tout préjudice déraisonnable. Nous pensons que le projet de loi va tout à fait dans le sens des conclusions de la Cour suprême du Canada en proposant des solutions adéquates et raisonnables pour atteindre ces objectifs.
Nous estimons également que les personnes vulnérables, les mineurs et les collectivités dans leur ensemble ont aussi le droit d'être protégés. Monsieur le président, les enfants ont le droit de ne pas être exposés à la prostitution. Ils ont aussi le droit de ne pas être placés dans une situation où on pourrait les recruter pour se livrer à la prostitution.
Nous avons entendu les histoires fort tristes de survivantes de l'industrie du sexe qui nous ont dit avoir été recrutées à l'école secondaire. On nous a indiqué qu'il était malheureusement assez fréquent que de jeunes Canadiennes soient ainsi recrutées dans les couloirs des écoles secondaires.
Nous devons envoyer un message clair aux proxénètes, aux clients et à tous les autres individus impliqués dans le commerce du sexe. Nous devons leur faire comprendre que les cours d'école, les terrains de jeux, les garderies et les autres endroits où il y a des enfants sont des zones interdites.
En fin de compte, monsieur le président, nous croyons que les enfants ont droit à leur innocence, et il est de notre devoir en tant que société de protéger ce droit. Nous estimons avoir trouvé l'équilibre nécessaire à cette fin, et nous allons donc voter en faveur de l'amendement proposé.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais juste rappeler très respectueusement à ma collègue que le projet de loi répond précisément aux préoccupations soulevées par les trois plaignantes qui ont été à l'origine de cette cause il y a sept ans.
Elles soutenaient être en danger lorsqu'elles travaillaient dans la rue. Les lois qui ont été invalidées les empêchaient de travailler à l'intérieur dans des endroits où leur sécurité aurait pu être assurée et où elles auraient pu mieux filtrer leurs clients. C'est ce que le projet de loi leur permettra de faire.
Nous savons qu'il y a un risque inhérent à toutes les formes de prostitution. C'est ce que nous ont dit les unes après les autres toutes ces braves survivantes du commerce sexuel qui nous ont raconté ces histoires horribles de torture, de viol, d'abus, de voies de fait et d'agressions au fil de trop nombreuses années.
Certaines d'entre elles avaient été recrutées dans la cour d'école. Elles se sont retrouvées prises au piège de la prostitution et encore réduites à l'esclavage alors qu'elles n'étaient plus des enfants depuis longtemps. D'autres ont été entraînées dans le milieu plus tard dans leur vie.
Nous savons que le travail dans la rue est le plus dangereux qui soit pour les prostituées. Nous voulons simplement dire à ces gens-là qu'il y a certains endroits au pays où des agissements aussi inappropriés ne seront pas tolérés. Ces zones interdites sont les écoles, les terrains de jeu, les garderies et tous les endroits fréquentés quotidiennement par des jeunes. Nous leur disons clairement de ne plus chercher de clients dans les cours d'école.
Monsieur le président, nous estimons qu'il s'agit là d'une limite raisonnable, en application de l'article 1 de la Charte. Je n'hésite pas à affirmer que la Cour suprême serait du même avis.
Nous leur avons donné exactement... Mmes Bedford, Lebovitch et Scott ont demandé à pouvoir pratiquer leur métier non pas à n'importe quel endroit à l'extérieur ou dans une cour d'école, mais bien à l'intérieur. Elles peuvent faire de la publicité. Elles peuvent avoir recours à des services de sécurité pour assurer leur protection. C'est d'ailleurs ce qu'elles devraient faire.
Pour toutes ces raisons, nous n'allons pas appuyer cet amendement.
:
Que voulez-vous dire par « nous l'espérons »? Tout dépendra du secrétaire parlementaire. Il intervient et je réplique.
Ce n'est pas un article qui concerne le recrutement. Il traite plutôt de la prostitution et des endroits où elle peut être pratiquée.
[Français]
À mon avis, dans cet article, le fait de préciser qu'on permet de faire l'échange ou l'offre de services sexuels sans que personne ne puisse les acheter dans un endroit privé et, à cet égard, de dire qu'on répond aux critères de l'arrêt Bedford relève de la pensée magique. Toutefois, on pourra en débattre dans un prochain article un peu plus tard.
Encore une fois, je pense que le secrétaire parlementaire est confus en ce qui a trait au recrutement. D'ailleurs, je le mets au défi de me dire quel témoin serait venu nous dire qu'il faisait la pratique de la prostitution dans les cours d'école ou en arrière des églises. Moi, je n'en ai pas entendu un seul le mentionner. Il est possible que j'en aie manqué une partie. Il reste que je n'ai pas entendu beaucoup de témoins parler en ce sens.
J'y vois un danger. Il est faux de prétendre que les gens pourront le faire confortablement derrière leur porte, avec un garde de sécurité ou autre, parce que personne ne pourra acheter ces services puisque l'acheteur sera en tout temps dans l'illégalité. Au contraire, les gens iront dans ces endroits publics, et c'est là où le danger survient.
Je comprends toutefois l'argument des conservateurs, et cela me montre parfaitement l'ampleur de leur ouverture d'esprit quant aux amendements.
:
Merci, monsieur le président.
Le projet de loi est manifestement le premier projet de loi du Parlement du Canada qui exprime de la compassion pour les victimes de la prostitution et de la traite de personnes. Et pour la première fois, il y a de l'argent pour les aider à s'en sortir.
Au Canada, et partout ailleurs dans le monde, les enfants sont des cibles de choix pour les criminels. Pourquoi? Parce qu'ils en obtiennent un prix plus élevé. Tous les éléments entourant ce projet de loi reconnaissent la victimisation des personnes prostituées ou victimes de la traite. C'est l'essence même de ce projet de loi. Cela, et le ciblage des clients et des proxénètes, leur criminalisation pour l'achat de services sexuels.
C'est un grand pas en avant, et je pense que le comité peut en être très fier. Je félicite Mme Boivin d'avoir parlé de victimisation, parce que c'est exactement ce que le projet de loi vise à prévenir. Il empêchera aussi les proxénètes et les clients d'avoir l'occasion d'aider les prostituées à faire de la sollicitation devant les écoles. En fait, dans bien des cas auxquels j'ai travaillé personnellement, des enfants ont été sollicités à l'école, sur les terrains des écoles. On a même introduit des stupéfiants dans les écoles pour ainsi repérer les personnes vulnérables dont les trafiquants pourraient faire la traite. J'ai eu une affaire incroyable, à Edmonton: une jeune fille qui avait été amenée à Toronto juste pour cela. Elle était une victime. Mais elle a été tirée de l'école et forcée à se prostituer.
Il est très sage et très équilibré d'inclure très précisément dans ce projet de loi que les cours d'école et les endroits où se trouvent des enfants sont interdits. Personne ne peut le faire. Cela ne fait aucun tort aux prostituées. En réalité, très peu de services de police arrêtent les prostituées de nos jours, parce qu'ils les reconnaissent comme des victimes. Ils leur demandent d'aller ailleurs.
Comme l'a dit le député Dechert, le secrétaire parlementaire, les enfants ont droit à leur innocence, et ils ont le droit de ne pas être ciblés par les clients. Les clients s'en fichent. Ils ne demandent pas leur âge. Et ils ciblent les plus jeunes, ceux qui ont l'air plus jeunes.
Je pense que c'est équilibré. Il est tout à fait absurde de dire que cela équivaut à victimiser les prostituées. Pour la première fois, ce projet de loi dans son ensemble, dans son essence, reconnaît la tragédie que vivent ces victimes.
En conclusion, je pense qu'il faut faire très attention de ne rien avoir de ce genre à proximité de nos écoles. Nous ne voulons tout simplement pas cela. Les dispositions qui précisent les lieux où se trouvent des enfants sont très judicieuses et équilibrées, pour le public canadien.
C'est un projet de loi bien écrit et très équilibré sur ces deux plans.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais poursuivre dans la veine de ce que disait Mme Smith concernant les enfants vulnérables. J'ai été agent de police pendant un certain temps, et en effet, les endroits où les enfants se rassemblent normalement sont les endroits où ils se sentent à l'aise, protégés, et où ils peuvent donner libre cours à leur innocence. Ces lieux sont donc, en effet, les cours d'école, les terrains de jeu et les garderies, où les parents les laissent pour la journée entre les mains de personnes qui en prennent soin.
Nous avons entendu des témoignages selon lesquels ceux qui ciblent les très petites filles vont là où ils les trouveront et où ils savent qu'elles seront moins surveillées parce qu'elles seront avec un groupe d'amis. Souvent, c'est là que les jeunes enfants baissent leur garde, parce qu'ils sont entre amis, entre pairs, qu'ils s'amusent dans un endroit où personne ne viendrait leur faire du mal.
Je pense que dire au public canadien qu'il y a des endroits où personne — je dis bien, personne — ne peut cibler nos enfants, c'est passer le message très clair que le gouvernement veillera à ce que les enfants soient très prioritaires, et cela veut dire dans les cours d'école, sur les terrains de jeu et dans les garderies.
Il y a un autre volet à cela, monsieur le président. Je vois cela comme étant la petite boîte — ce dont le secrétaire parlementaire a parlé, concernant les terrains de jeu, les cours d'école et les garderies —, mais il y a une plus grande boîte.
La plus grande boîte, c'est ce que nous avons prévu dans ce projet de loi pour cibler les clients et les proxénètes. Cette boîte, c'est le Canada tout entier. Il n'y a pas un endroit au Canada où un client ou un proxénète pourra faire quoi que ce soit sans subir toute la rigueur de la loi.
Je crois que c'est ce que le projet de loi englobe. Nous reconnaissons, comme Mme Smith l'a dit, que les personnes qui se prostituent et celles qui ont été forcées à faire ce métier sont à n'en pas douter des victimes. Nous devons en être très conscients, mais il y a des endroits où ce genre d'activité ne devrait jamais avoir lieu, et ce sont les cours d'école, les terrains de jeu et les garderies.
:
Je comprends très bien Mme Smith et M. Wilks. Je le répète: nous ne parlons pas en ce moment des dispositions qui visent la traite ou le recrutement.
On dit au paragraphe 213(1.1), à l'article 15:
(1.1) Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, dans le but d’offrir ou de rendre des services sexuels moyennant rétribution, communique avec quiconque dans un endroit public ou situé à la vue du public s’il est raisonnable de s’attendre à ce que des personnes âgées de moins de dix-huit ans se trouvent à cet endroit ou à côté de cet endroit.
Cette disposition ne touche que les prostituées, les travailleuses et travailleurs du sexe. Il n'est pas question de recrutement. Il est question de ceux et celles dont tout le monde dit qu'il s'agit de victimes.
Si je comprends bien M. Wilks, ce sont des victimes jusqu'à un certain point. Si elles dépassent la ligne à ne pas franchir et le font dans un lieu public, défini comme étant une école, une église, et ainsi de suite
[Français]
une garderie, un terrain d'école ou un terrain de jeu qui est situé à côté,
[Traduction]
selon leur amendement G-4, ce ne sont plus des victimes.
C'est ce qu'il est important de comprendre. Tout le reste est couvert par les autres articles, que ce soit dans le projet de loi , concernant les proxénètes, les clients, ou dans les articles sur la traite qui se trouvent dans le Code criminel, ou dans certains amendements au projet de loi , comme c'est le cas en ce moment.
Donc, pour ce qui est de toutes les explications de Mme Smith, bien sûr, personne ne souhaite la prostitution d'un enfant à l'école, mais ce n'est pas de cela qu'il est question. Il est question de savoir si nous voulons victimiser la personne pour un de ces aspects. C'est la question à nous poser en tant que membres du comité. Ce que j'entends de la part du gouvernement est clair. Enfin, c'est clair: les prostituées ne sont plus des victimes si elles le font à un moment donné.
Mme Smith dit que les policiers n'arrêtent pas habituellement les prostituées, et c'est peut-être vrai dans certaines parties du Canada... Mais ce n'est pas nécessairement le cas, parce que si l'article est... Nous avons entendu certains de nos témoins dire, le dernier jour, qu'ils voulaient que l'article 213 demeure pour la seule raison qu'il les aiderait à mener
[Français]
leur enquête. Ils pourraient intercepter la personne. S'ils ne peuvent pas l'arrêter, cela peut leur être difficile de savoir qui est derrière elle, qui était le client, qui était le proxénète, etc.
Certains policiers aimeraient avoir cette disposition dans leur arsenal, car elle pourrait leur être pratique. Seulement, on s'est fait dire non par la presque totalité des témoins. Ils ont dit que ce sont des victimes.
Au moins, le message est clair. Je ne vous fais pas de reproches puisque votre message est clair. Ce sont des victimes, jusqu'à un certain point, tant que ça ne touche pas à la protection des communautés et que ce n'est pas dans certains endroits bien définis.
C'est un drôle de concept. Je pense qu'on a pas mal tout entendu à ce sujet.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux de pouvoir proposer l'amendement 4-G visant l'article 15 du projet de loi .
Monsieur le président, après mûre réflexion, je pense que ce que nous avons entendu de la part de la majorité des témoins de la semaine passée, c'est que le projet de loi est un changement de paradigme dans la façon dont le Canada envisage et traite la prostitution.
Nous avons entendu des histoires d'horreur qui n'auraient jamais dû se dérouler dans notre pays. Je pense à Bridget Perrier, Timea Nagy et Katarina MacLeod, et à toutes les autres qui sont venues nous raconter leurs histoires terribles — des événements qui se sont étalés sur des années et des années. Timea Nagy nous a dit à quel point elle espérait que quelqu'un la sauve.
Il y a des victimes, et je suis convaincu que bon nombre des femmes et des jeunes hommes qui sont pris dans ce milieu sont des victimes. Je dirais que c'est la majorité d'entre eux. Nous avons en tout cas entendu des histoires importantes. Mais même si c'est une minorité, plutôt que la majorité, nous ne pouvons rester sans rien faire, monsieur le président.
La Cour suprême nous a dit qu'à titre de députés au Parlement, nous avons le droit de faire quelque chose. C'est au Parlement qu'il importe de penser à une nouvelle démarche, et c'est pour le faire que nous sommes ici aujourd'hui. En criminalisant pour la première fois dans l'histoire du Canada l'achat de services sexuels, la marchandisation des corps des pauvres personnes piégées dans ce commerce, nous nous attaquons enfin à cette vilaine situation qui dure depuis trop longtemps au Canada.
Je ne doute pas que des personnes choisissent ce métier. Je ne doute pas que certaines de ces personnes ont tout le pouvoir nécessaire pour assurer leur propre sécurité, dans leurs relations avec le client. D'après moi, ces personnes auront maintenant la possibilité de le faire en toute sécurité, ce qui répond directement à l'arrêt Bedford.
Mais s'il y a quelque part une Bridget Perrier, il faut que nous fassions quelque chose. Dans l'article 15, nous ne parlons que d'une infime partie de notre vaste pays, le deuxième plus grand pays du monde, en superficie, et l'un des moins densément peuplés du monde. Nous disons aux personnes qui décident de travailler dans la rue parce qu'elles ne souhaitent pas être à l'intérieur, là où elles seraient en sécurité, de laisser leur espace aux enfants.
Nous avons entendu plusieurs experts techniques nous dire que les dispositions sont vagues et qu'il y a risque d'erreur d'interprétation, selon le libellé actuel. Nous avons écouté ces experts, monsieur le président. Même si une personne pour qui j'ai le plus grand respect, le sous-ministre adjoint de la Justice, un spécialiste en droit pénal, est venu nous dire que la distinction relative aux endroits où l'on peut s'attendre à trouver des personnes de moins de 18 ans est relativement étroite et bien comprise en droit, nous avons pris des mesures en vue de lever toute ambiguïté en réponse à ceux qui disaient que c'était vague.
Ce que nous disons aujourd'hui, c'est qu'il y a des endroits au Canada qui sont sacro-saints, et je ne voudrais pas faire de toute femme prise dans ce vilain métier une victime. Nous leur disons — et nous les en avertissons amplement — de se tenir à distance des terrains de jeu, des cours d'école et des garderies. Si vous y allez, nous allons demander aux forces de l'ordre de vous enlever de là. C'est une demande toute simple. Ce n'est pas difficile à comprendre, d'après moi.
Mes amis de l'autre côté soutiennent que les seules personnes que nous avons entendues qui ont besoin de ce pouvoir sont les représentants de la police. Et bien, vous savez, ils représentent 50 % de l'équation dans ce cas-ci. Lorsque nous aurons terminé notre travail ici et que le projet de loi sera adopté, nous retournerons tous à la maison, et nous demanderons ensuite aux responsables de l'application de la loi au Canada de mettre en oeuvre cette loi. Ils ont besoin d'outils pour accomplir leur travail. Nous les avons entendus: ils n'ont aucunement l'intention de cibler les victimes. Ils souhaitent plutôt les aider, et parfois, ces victimes doivent être retirées d'une situation dangereuse.
Je suis désolé d'avoir appris tout cela, et de savoir que lorsq'un proxénète violent et abusif force une femme à se prostituer, il ne se tient pas à ses côtés dans la rue, car cela éloignerait les clients. Il se tient tout près. Il est dans les environs, et il la surveille. Si la prostituée parle à un policier de son plein gré, elle sera battue plus tard, car cela éloigne les clients, et ce n'est pas bon pour les affaires.
Dans ces circonstances, les policiers ont besoin de tous les outils qu'on peut leur procurer pour isoler cette personne et l'amener avec eux. Parfois, il sera évident pour le policier que la personne a été blessée, qu'elle est sous l'effet de la drogue ou de l'alcool, et qu'elle ne fait pas de bons choix. Si le policier lui dit seulement qu'il veut l'aider et qu'elle devrait collaborer, le proxénète la battra plus tard. Ce dernier lui infligera des blessures terribles et continuera de la forcer à se livrer à la prostitution. Toutefois, les outils que nous offrons aux policiers dans l'article 15, dans le nouvel article 213, permettront aux agents de la paix d'isoler la prostituée, de l'amener dans un endroit sécuritaire, et de la présenter aux gens qui peuvent l'aider.
On essaie vraiment de compter le nombre d'anges qui peuvent danser sur la tête d'une épingle. Pour l'amour du ciel, nous parlons seulement des terrains d'écoles, des terrains de jeux, des garderies... Et mes collègues de l'autre côté ne veulent même pas accepter cela, car ils se contenteraient de laisser les prostituées se promener sur les terrains de jeux en plein après-midi pour chercher des clients.
J'ai des nouvelles pour eux. À mon avis, les clients ne se trouveront pas dans ces endroits. L'idée selon laquelle les clients seront repoussés dans l'ombre... Selon moi, monsieur le président, les clients sont toujours dans l'ombre, car ils ne veulent pas que leur famille, leurs amis, leurs collègues ou leurs voisins voient ce qu'ils font. Peu importe ce que nous faisons aujourd'hui, nous n'encouragerons pas les acheteurs de services sexuels à se rendre sur la rue Wellington cet après-midi, ou sur la rue Yonge à Toronto, ou sur la rue Robson à Vancouver. Ils ne le feront pas; ils se tiennent déjà dans l'ombre.
Ce que nous devons dire aux travailleuses du sexe, c'est qu'elles doivent exercer leurs activités de manière sécuritaire, c'est-à-dire qu'elles doivent cesser de se tenir dans les rues, et faire un choix. Si vous pouvez librement faire un choix — et nous entendons dire qu'elles sont libres de faire un choix, mais tout le monde nous dit que travailler dans la rue est la chose la plus dangereuse qu'on puisse faire —, s'il vous plaît, choisissez de travailler de manière sécuritaire. Nous vous offrons ce pouvoir. Les policiers ne vous harcèleront pas dans votre propre appartement ou lorsque vous faites de la publicité pour vos propres services, car cette disposition vise à fournir aux enfants innocents du Canada un endroit où ils peuvent être des enfants, où ils n'ont pas à être témoins de la négociation de transactions sexuelles à quelques pas de leur balançoire.
Nous tentons de préciser les choses, et nous tentons de répondre à ceux qui ont exprimé leurs préoccupations à l'égard de la façon dont les tribunaux pourraient interpréter cette disposition. À mon avis, l'amendement dont nous sommes saisis accomplira cela, car il facilitera le travail d'interprétation des tribunaux, ce qui leur permettra de fournir aux policiers les outils nécessaires pour secourir les victimes qui en ont besoin.
Pour ces raisons, nous appuierons l'amendement.
:
Mon Dieu, il y a tellement de choses à dire.
Je comprendrais l'argument s'il concernait seulement l'achat de ces services près des écoles, etc. Le problème de l'article, c'est qu'il victimise la prostituée, même si on limite la description des endroits où elle sera victimisée.
Je comprends maintenant que l'amendement concerne seulement les personnes, surtout les enfants, qui pourraient se trouver dans une école ou...
[Français]
dans une garderie ou sur un terrain de jeu.
[Traduction]
C'est pour éviter que ces personnes — ces jeunes enfants — voient ce qui se passe.
Mais, encore une fois, la disposition est ainsi libellée:
Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, dans le but d'offrir ou de rendre des services sexuels moyennant rétribution, communique avec quiconque dans...
... et on ajoute ensuite l'amendement proposé par le gouvernement, c'est-à-dire
un endroit public ou situé à la vue du public qui est une garderie, un terrain d'école ou un terrain de jeu ou qui est situé à côté d'une garderie ou de l'un ou l'autre de ces terrains.
Je suis surprise d'entendre que le secrétaire parlementaire a appris ici, au comité, ce qui se passait dans le monde au sujet de la traite des personnes. L'histoire de Mme Perrier et les autres histoires que nous avons entendues sont partout; il n'y a qu'à ouvrir un journal pour lire comment la traite des personnes et la prostitution se produisent dans ces circonstances partout dans le monde. Des milliards de dollars — et nous en avons entendu parler au comité — circulent dans cette industrie.
Je déteste utiliser le mot « industrie » lorsqu'il s'agit d'une telle infraction criminelle. Mais elle existe, et nous devons fournir les outils nécessaires à nos agents d'application de la loi pour qu'ils puissent intervenir.
Ce n'est donc pas la question. La façon dont elles sont recrutées dans cette situation concerne plutôt la question de savoir si nous croyons qu'elles sont des victimes ou non.
À quel moment sont-elles des victimes et à quel moment cessent-elles de l'être? C'est le problème avec la logique du gouvernement au sujet de cette question.
[Français]
En effet, la Cour suprême a dit que le législateur avait le pouvoir de décider des lieux et des modalités de la prostitution. Encore une fois, il faut lire le tout dans son contexte. Chaque disposition du projet de loi doit se lire dans son ensemble.
Le gouvernement nous dit qu'il écoutait la Cour suprême et qu'il voulait sortir les gens de la rue parce qu'il a été démontré, dans l'arrêt Bedford, que la prostitution qui y est exercée était de loin beaucoup plus dangereuse que celle exercée derrière les portes closes du domicile d'une personne, en dehors de la vue de tous. Ce type de prostitution offre un contexte où la personne peut s'informer sur le genre de clients qu'elle rencontre, faire des vérifications sur lui et peut-être même avoir des gardiens de sécurité. On veut s'assurer que la définition de proxénète n'est pas aussi large et vague qu'elle l'était précédemment.
La Cour suprême ne nous a pas donné à nous, les législateurs, le mandat d'aller faire n'importe quoi comme si c'était un chèque en blanc. Elle a écrit ceci:
La conclusion que les dispositions contestées portent atteinte à des droits garantis par la Charte ne dépouille pas le législateur du pouvoir de décider des lieux et des modalités de la prostitution, à condition qu'il exerce ce pouvoir sans porter atteinte aux droits constitutionnels des prostituées. L'encadrement de la prostitution est un sujet complexe et délicat [...].
Je pense qu'on en est la preuve. Il appartiendra au législateur d'agir s'il le juge opportun.
Je me fais fort de le dire parce qu'on a toujours l'impression que les membres des banquettes ministérielles avaient l'obligation de pondre une loi d'ici décembre 2014 s'ils le jugeaient opportun. Ils ont certainement jugé opportun de concevoir une nouvelle approche. Cependant, cette nouvelle approche intègre-t-elle les différents éléments du régime actuel, comme le demandait la Cour suprême?
J'aimerais souligner un autre passage extrêmement important dans la décision de la Cour suprême. Elle nous dit que ce n'est pas tant quantitatif que qualitatif. Je m'explique. On sait tous qu'un grand pourcentage des personnes qui pratiquent la prostitution ne le fait pas nécessairement volontairement. Je n'ai pas les chiffres exacts, et cela dépend aussi des statistiques qu'on consulte et des modèles que les gens nous soumettent.
On sait que la très vaste majorité des gens qui oeuvrent dans ce domaine sont sous le contrôle d'un proxénète ou sont dépendants de la drogue ou de l'alcool. Personne ne dit le contraire.
Toutefois, dans sa décision, la Cour suprême dit que la protection, même d'une seule personne, est en jeu. Il faut lire ensemble toutes ces dispositions. D'après moi, il y a un danger à faire une lecture compartimentée comme le fait le secrétaire parlementaire.
On dit qu'il s'agit simplement d'éviter que des jeunes soient témoins d'actes de prostitution dans une cour d'école, près d'un terrain de jeu ou ailleurs. C'est difficile de dire qu'on est contre ça, mais je précise à ceux qui nous écoutent que ce n'est pas ce que dit l'article. On ne fait pas du tout référence à cela. On se demande plutôt si on victimise quelqu'un ou non. C'est la seule question qui se pose à cet égard.
Le projet de loi phénoménal des conservateurs est censé pousser les gens à mener ces activités dans un lieu privé, mais il faudra voir les dispositions concernant la publicité qui n'en feront pas nécessairement grand cas et, surtout, le fait que les clients ne pourront pas acheter ces services. À moins que le secrétaire parlementaire me dise que ce qui se passe entre quatre murs est du domaine privé, qu'il n'y aura peut-être pas de policiers à la porte du lieu où se trouve la prostituée et que les clients ne pourront pas acheter les services. Bref, cela crée des systèmes un peu bizarres.
En somme, le gouvernement choisit la voix de victimiser les travailleuses du sexe par l'entremise de son amendement. Même s'il l'a limité, dans un tel contexte, les prostituées seront encore les victimes.
:
Merci, monsieur le président.
Je pense que ce sera extrêmement important parce que, comme le dirait les anglophones:
[Traduction]
L'heure est grave.
[Français]
On voit très bien où se dirige le projet de loi . Malgré cela, nous poursuivrons nos efforts pour tenter de faire entendre raison aux conservateurs. Compte tenu de l'importance de ce dossier, il est important d'avoir ce type de rapport, soit le résumé général des répercussions de la présente loi sur la santé et la sécurité des personnes qui se livrent à la prostitution.
Il faut se rappeler qu'il s'agit du suivi à apporter à l'arrêt Bedford et de l'essence du jugement de la Cour suprême du Canada dans cette affaire, c'est-à-dire la santé et la sécurité des personnes qui se livrent à la prostitution.
Comme le gouvernement n'a pas cru bon de déclarer illégale toute forme de prostitution, que ce soit l'achat ou la vente de services sexuels, peu importe, il laisse quand même une porte ouverte et utilise souvent l'argument selon lequel elles pourront aller faire cela à tel ou tel endroit. Donc, il faut lire entre les lignes que la prostitution est partiellement acceptée. Il faudra voir quelles en seront les répercussions.
Il sera intéressant d'avoir des statistiques sur la prostitution au Canada. En fait, quand je parle de prostitution, je ne parle pas de trafic ou de traite de personnes, mais bien de prostitution au Canada. Cela entraînera certainement une sensibilisation accrue des instances qui collaborent à cet égard, à savoir les provinces et les territoires ainsi que les corps policiers. Avec des statistiques claires, on sera davantage en mesure de voir où l'on se dirige à cet égard.
En ce qui a trait aux détails du financement, il n'y a pas de doute. Bien que le financement de 20 millions de dollars ne fait pas partie du projet de loi, c'est quand même une façon d'y inclure la notion du financement qui sera versé par le gouvernement fédéral pour des programmes visant à encourager les personnes qui se livrent à la prostitution à abandonner cette pratique et à assurer la mise en oeuvre de programmes favorisant la santé et la sécurité de ces personnes.
Ce serait une bonne façon pour nous d'inclure cet élément qui a été mentionné à plusieurs reprises par les témoins que nous avons entendus la semaine dernière, peu importe d'où ils venaient ou quelles étaient leur position quant au dossier.
Au chapitre de la transparence, il sera très important de savoir à quoi serviront les 20 millions de dollars sur cinq ans, qui bénéficiera de ce financement et quel sera l'impact sur le milieu de la prostitution. En effet, le ministre a l'ambitieux objectif de mettre un terme à la prostitution au Canada. Cela nous donnera une bonne idée quant à savoir si cela pourra se réaliser avant 2020, 2050 ou l'an 3000.
Le ministre pourrait faire parvenir un exemplaire du rapport à chacun des députés, ce qui nous permettrait d'en prendre connaissance et de faire les suivis qui s'imposent. Je pense que c'est prudent, que ça ne fait de mal à personne, ni ne mord personne. Cela montrerait qu'on se préoccupe du suivi à donner à toute cette affaire, surtout dans le contexte où on a beaucoup parlé des victimes découlant de la prostitution au Canada. Il est donc important d'avoir ce genre d'informations.
:
Merci, monsieur le président.
J'ai un peu de difficulté à comprendre les propos du secrétaire parlementaire.
En effet, on peut peut-être avoir certaines informations, mais ce serait encore plus précis et pointu si on avait d'autres informations par rapport à l'impact du projet de loi concernant ce que dit le gouvernement sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation.
Je ferai remarquer au secrétaire parlementaire que le préambule, qui ne sera d'aucune façon inclus au Code criminel, servira par contre d'intention. Il explique et donne le portrait d'ensemble. Cela servira sûrement de guide aux tribunaux lorsqu'ils auront à se pencher sur le côté pratique dans le cadre d'un procès criminel. Cela aura de la même façon une utilité.
En fait, cela fait partie de nos pouvoirs. Comme comité, nos pouvoirs sont quand même assez grands, surtout au niveau du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le comité législatif qui est un peu le paravent du ministre de la Justice et procureur général du Canada. Celui-ci a des obligations très fortes en matière de constitutionnalité et de protection des droits prévus en vertu de la Charte.
Il est donc légitime de demander que le ministre de la Justice établisse ce rapport qui, somme toute, existe, si j'écoute une partie des arguments de mon collègue. Je présume qu'il serait important de rassembler cela dans un rapport pour justement être plus pointu en fonction de ce qu'on vise à faire du côté gouvernemental, c'est-à-dire l'abolition et la fin pure et simple à court terme de la prostitution. Du moins, je l'espère pour lui.
Il me semble que c'est surprenant d'être contre la vertu dans le contexte du projet de loi .
:
J'aimerais tout d'abord utiliser l'article 18 pour remercier les employés de la Bibliothèque du Parlement de leur travail. Lorsque nous parlons des peines minimales obligatoires, je tiens toujours à consulter la jurisprudence sur la question à l'étude et à vérifier les types de peines qui ont déjà été infligées, etc.
J'aimerais remercier Dominique et ses collègues pour leur excellent travail, qu'ils ont effectué à un rythme accéléré, pour me fournir ces renseignements et me démontrer qu'il existe un large éventail de peines en ce qui concerne la traite des personnes. En effet, elles peuvent aller de deux à sept ou huit ans, etc.
Je crois que tous ceux qui sont assis à cette table détestent vraiment...
[Français]
tout ce qui touche à la traite des personnes. Mme Smith peut le souligner. Sauf erreur, quand elle a présenté son projet de loi, il y a quelques années, celui-ci a été adopté à l'unanimité par la Chambre. Je dis cela sous toutes réserves mais, en tous les cas, c'était avec notre appui le plus complet. Il n'y a pas de geste plus dégueulasse qu'une personne qui en exploite une autre. Toutes les dispositions dans le Code criminel qui touchent à ce genre de situations et à ce fléau sont donc importantes et méritent certainement notre appui. Il faut qu'il y ait des sentences solides.
Cela me stresse toujours quand je vois que celles-ci varient entre deux et huit ans. Parfois, il faut un peu plus de constance. Je n'aime pas beaucoup les peines minimales obligatoires, parce que cela enlève aux tribunaux une certaine forme d'analyse et diminue les possibilités d'utiliser leur pouvoir discrétionnaire. Je ne parle pas dans le sens de faire n'importe quoi, mais d'appliquer les faits relatifs à la cause au sujet de la personne qui a commis un crime et ainsi de suite.
Toutefois, il y a des crimes pour lesquels on n'a pas le pardon facile. Il n'est pas surprenant que des infractions liées au rapt ou à la traite de personnes entraînent des sentences plus sévères. C'est important que les gens le sachent. Dans ce dossier, nous avons parlé surtout de prostitution, mais il y a aussi tous les aspects des amendements qui touchent à la question de la traite de personnes et de certaines sentences. Cela m'amène d'ailleurs à faire un autre commentaire.
Quand je parlais de ralentir le processus, il n'était pas question de le ralentir pour prendre du temps pour rien, mais parce qu'il y a un grand nombre de volets à ce projet de loi . J'ai l'impression qu'on l'a réduit strictement à savoir ce qu'est la prostitution, un point c'est tout. On n'a peut-être pas accordé autant d'importance à la notion de traite des personnes et de trafic humain visée par le projet de loi . Il y a aussi la question de l'ADN qui sera collecté. Il y a une foule d'autres aspects que nous n'aurons pas eu le temps de toucher dans le cadre de notre analyse, compte tenu du temps que nous avions et des témoins que nous avons rencontrés. C'est peut-être mon seul regret.
Je dis tout cela par contre pour vous dire merci. Vous faites un travail exceptionnel pour nous aider dans notre démarche en vue de mieux comprendre les aspects juridiques. En effet, les travaux du Comité permanent de la justice et des droits de la personne sont de nature très juridique.
:
Je vous remercie de ces commentaires.
Y a-t-il d'autres commentaires au sujet de l'article 18?
(L'article 18 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des commentaires sur l'article 19?
(L'article 19 est adopté.)
(Article 20)
Le président: Nous avons maintenant plusieurs amendements liés à l'article 20, tout d'abord NDP-4, que le projet de loi C-36, à l'article 20, soit modifié par substitution, à la ligne 20, page 10, de ce qui suit:
que ce soit, lors de la perpétration d'une infraction prévue aux articles 266, 267, 271, 272, 279, 279.01 ou 279.011, obtient, moyennant rétribution, les
L'amendement est recevable. Comme dans le cas de l'amendement G-4, il y a quelques minutes, je ne dirais pas qu'on a défini ou précisé, mais qu'on a plutôt compris, la portée de l'article — dans ce cas-ci, l'article 15. Cet amendement permet également d'établir la portée ou d'apporter des précisions, et il concerne d'autres infractions énumérées dans le Code criminel.
Madame Boivin, vous avez la parole.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'avoir déclaré que cet amendement était admissible. Je l'apprécie. Après tout le processus en comité et la comparution des témoins, cela me permet de revenir un peu à l'essentiel de certaines de mes interrogations.
On a parlé précédemment de l'article 213. Cet article se retrouve à la partie VII du Code criminel, qui touche les maisons de désordres, de jeux et de paris. Je veux bien croire que le gouvernement ait changé l'intertitre, mais ce n'est pas une nouvelle partie. Elle se trouve toujours au sein de la partie VII qui touche les maisons de désordre, de jeux et de paris.
J'essaie de comprendre ce que le gouvernement visait au départ avec le projet de loi C-36, outre le fait de protéger les communautés et, ultimement, de mettre un terme à la prostitution. L'acte de solliciter et de communiquer, en vertu de l'article 213, est dans la partie touchant les maisons de désordre, de jeux et de paris. Quand bien même qu'on dise que c'est une infraction à l'égard de la personne, cela demeure dans cette partie.
Pour ce qui est de l'article 20 du projet de loi, il est placé à la suite de l'article 286 du Code criminel. Là, on est vraiment dans la partie VIII, qui touche les infractions contre la personne et la réputation.
Il y a une chose qui est assez fascinante dans la démarche adoptée par le gouvernement. Lorsqu'on se penche sur l'article 286 du Code criminel, auquel s'ajoute l'article 20 comme un nouvel article, on peut lire ce qui suit:
Dans les procédures portant sur une infraction visée aux articles 280 à 283, ne constitue pas une défense le fait que la jeune personne a consenti aux actes posés par l’accusé ou les a suggérés.
L'actuelle partie VIII qui porte sur les infractions contre la personne et la réputation se termine de cette façon. Par la suite, on arrive à de nombreuses nouvelles dispositions.
J'ai peut-être mal compris la vision gouvernementale. Cependant, d'après des témoins, surtout ceux provenant de la liste du gouvernement, j'ai l'impression que le fait d'acheter un service sexuel est clairement une infraction dans un contexte de trafic, de rapt, de kidnapping ou de traite de personnes — ce qui est l'objet de ce nouvel article. Cette infraction peut être l'objet d'une poursuite de deux façons, soit par procédure sommaire, soit purement et simplement par un acte d'accusation avec des peines qui peuvent être assez élevées.
Je crois qu'il y aurait unanimité au sein de ce comité pour condamner tout geste d'achat d'un service sexuel auprès d'une personne se trouvant en situation de traite de personnes et d'exploitation.
En fait, nous voudrions faire ce que le gouvernement n'a pas fait clairement, malgré qu'on nous ait dit qu'il permettait la prostitution exercée de façon sécuritaire au sens de l'arrêt Bedford. Nous voulons vraiment préciser quand un achat de services sexuels se produit dans un contexte décrit dans les articles 279 et suivants, sous l'intertitre qui porte sur l'enlèvement, la traite des personnes, la prise d’otages et le rapt. J'imagine que cela veut dire quelque chose si on a inséré une modification dans un article.
C'est, en gros, la logique qui existe. Ça me semble aller de soi que l'achat est vicié à la base parce qu'on est dans un contexte d'exploitation et de trafic humain.
:
Merci, monsieur le président.
Encore une fois, je remercie Mme Boivin d'avoir proposé cet amendement.
À mon avis, l'amendement ne tient pas compte de l'objectif principal du projet de loi , c'est-à-dire de criminaliser, pour la toute première fois au Canada, l'achat de services sexuels de toute personne, et d'affirmer haut et fort à tous ceux qui envisagent de le faire que nous ne le tolérerons pas, car cela expose les travailleurs du sexe à des risques déraisonnables. On nous l'a démontré par chacune des innombrables histoires épouvantables que nous avons entendues.
À mon humble avis et après mûre réflexion, monsieur le président, il ne s'agit pas d'un secteur d'activité comme les autres. Il est unique et différent. Beaucoup trop de personnes deviennent des victimes dans ce domaine. C'est la demande qui mène ce secteur et lui permet d'exister. S'il n'y avait pas d'argent pour acheter ces services, on ne forcerait pas les femmes à se livrer à la prostitution. On ne forcerait pas non plus les jeunes hommes à s'y livrer.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, et de nombreux témoins nous l'ont dit, c'est un changement de paradigme dans la façon de traiter cette question. Certaines personnes peuvent être en désaccord, et je les comprends, car cela pourrait interférer avec leur plan d'affaires. Il existe des secteurs d'activités auxquels nous ne permettons pas d'exister au Canada.
Apparemment, il existe des gens qui peuvent consommer de l'héroïne pendant des années et qui ne souffrent d'aucun effet médical négatif. Mais nous savons que la plupart des utilisateurs souffrent de ces effets, et il s'ensuit que même si des individus gagnent leur vie en vendant de l'héroïne — eh oui, cette activité se poursuit, même si elle est illégale depuis très longtemps —, nous soutenons que cela ne devrait pas se produire au Canada.
Nous ne pouvons pas permettre à d'autres histoires de ce genre de se produire. Je ne veux pas être assis ici dans 10 ans et entendre la prochaine génération me raconter la même histoire que Bridget Perrier. En tant que représentants élus, il nous revient de faire quelque chose à ce sujet.
À mon avis, l'amendement rate la cible. En effet, cela reviendrait à restreindre beaucoup trop la criminalisation de l'achat de services sexuels, car nous arrêterons et accuserons un individu seulement pour avoir communiqué dans l'intention d'acheter des services sexuels, alors qu'il intimide, menace à l'aide d'un revolver, agresse ou exploite une autre personne.
Cela restreint l'amendement de façon ridicule, et il n'a ainsi aucun effet positif, à mon avis. Si un individu menace une travailleuse du sexe à la pointe d'un pistolet ou lui met un couteau à la gorge, les policiers interviendront manifestement et accuseront cet individu d'agression sexuelle grave. C'est ce qui se produira. La disposition ne vise pas cette situation. En effet, de nombreuses dispositions du Code criminel visent cette situation. Ce n'est pas ce dont il est question aujourd'hui.
Ce que nous disons à tous ceux qui achètent des services sexuels d'une autre personne au Canada, c'est que nous ne sommes pas d'accord. Ce n'est pas un secteur d'activité comme les autres. Nous leur conseillons fortement de ne pas le faire. Si ces individus choisissent de le faire, la police pourrait intervenir et les arrêter, et ils devront ensuite vivre avec les conséquences. Les membres de leur famille sauront ce qu'ils font, ainsi que leurs collègues et leurs voisins.
C'est seulement en agissant de cette façon que nous irons au coeur de ce problème, et que nous serons en mesure de regarder Bridget, Timea, Katarina et toutes ces autres femmes dans les yeux pour leur dire que nous avons fait quelque chose, que nous les avons écoutées et que nous ne laisserons pas ce genre de choses arriver à la prochaine génération de jeunes Canadiens.
Comme je l'ai dit, l'amendement n'est pas cohérent avec l'objectif principal du projet de loi, c'est-à-dire de réduire la demande. Je ne crois pas qu'il s'attaquerait de façon efficace à la demande pour la prostitution. De plus, je ne crois pas qu'un témoin nous ait demandé de le faire. Les témoins se trouvaient d'un côté ou de l'autre. Ils nous ont dit de criminaliser l'achat et de faire comprendre aux gens, surtout aux hommes, que le corps des femmes n'était pas à vendre au Canada, que ce n'était pas acceptable et que nous ne le tolérerons pas.
Ou ils ont dit « Laissez les bons temps rouler. » Chaque collectivité du Canada deviendrait un quartier chaud. En effet, il y a de nombreux acheteurs de l'autre côté de la frontière, dans le pays le plus riche du monde, qui sont prêts à venir ici pour profiter de ces services. Les personnes qui sont en mesure de se livrer à la prostitution dans une situation égalitaire dans laquelle le pouvoir est partagé, et qui ont fait le choix personnel de fournir ce type de services auront l'occasion de faire énormément d'argent. Elles réussiront très bien. C'est un excellent plan d'affaires, vous savez.
Si ce n'était que des personnes se font tuer quotidiennement dans ce secteur d'activité, les gens pourraient envisager d'investir dans ce domaine. Mais malheureusement, il ne s'agit pas d'un secteur d'activité comme les autres.
Je ne suggère pas aux gens d'investir dans le trafic de drogues, même s'il s'agit également d'un secteur d'activité très lucratif dans lequel certaines personnes choisissent d'investir et d'autres de s'injecter de l'héroïne dans les veines.
Dans le même ordre d'idées, nous affirmons que nous ne croyons pas que ce genre de choses devrait se produire au Canada. Nous ne pensons pas que c'est bon pour la société canadienne, et pour toutes ces raisons, nous n'appuierons pas l'amendement.
:
Eh bien, je crois que le secrétaire parlementaire n'a pas compris ce que je voulais dire, soit que l'important, c'est de voir s'il y a consentement. Si on fait affaire avec et qu'on achète une personne qui est victime de coercition et d'exploitation, voilà la principale infraction.
Cela dit, je suis un peu surprise, parce que je trouve qu'il s'agit d'un revirement complet de la position du secrétaire parlementaire lors de son discours sur le projet de loi . L'argument qu'il a fait valoir au sujet du projet de loi C-213, c'était que nous voulons les sortir de la rue, étant donné que l'arrêt Bedford portait sur les dangers associés à la prostitution de rue, en plus du fait que nous ne voulons pas voir les enfants être témoin d'activités de ce genre.
D'accord. Ils peuvent donc se livrer à ces activités dans un endroit beaucoup plus sécuritaire, ce qui serait chez eux. Toutefois le secrétaire parlementaire vient de dire que non, nous n'avons pas compris l'objectif du projet de loi . Le gouvernement veut criminaliser tout individu qui achète, et ce, en toute circonstance.
Par conséquent, que diable peuvent-ils vendre, et à qui peuvent-ils les vendre? Je pose cette question depuis le début. Peut-être qu'il aurait mieux valu approuver la proposition de Mme Mourani, qui a tout simplement demandé au gouvernement d'abolir la prostitution, de dire les choses comme elles sont et de dire que l'acte d'acheter et l'acte de vendre des services sexuels sont répréhensibles. Mais ce n'est pas ce qu'il fait.
Peut-être que les représentants du ministère pourraient répondre à ma question. Que peuvent-ils vendre, et à qui peuvent-ils les vendre aux termes du projet de loi ? Qui pourrait acheter des services sexuels sans que cela soit considéré comme étant un acte criminel aux termes du projet de loi C-36?
Par ailleurs, est-ce que votre ministère a envisagé d'avoir recours à la disposition de dérogation en vertu de l'article 7 de la Charte des droits et libertés, pour dire que toutes ces activités sont illégales et que la prostitution devrait être abolie?
Voilà ce que j'ai entendu dire par le secrétaire parlementaire, que nous voulons que cela soit aboli et que, à un moment donné, plus personne ne vende ni n'achète ces services — parce que, après tout, à quoi bon vendre quelque chose que personne ne peut acheter?
:
Je promets d'être très bref.
Je présente mes excuses à madame Boivin et à qui que ce soit d'autre qui considère que je n'ai pas été clair. Je vais simplement expliquer les choses aussi clairement que possible.
Oui, notre intention, c'est de rendre illégal l'achat de services sexuels ou la communication en vue d'acheter des services sexuels par toute personne au Canada, et ce, où qu'elle se trouve et à n'importe quel moment — dans n'importe quel endroit qui vous vient à l'esprit au Canada, que ce soit à la lumière du jour, dans l'obscurité, à l'intérieur ou à l'extérieur, dans un arbre, dans un terrier ou dans une hutte de castor. Absolument.
Nous allons cibler ces acheteurs, et nous allons leur dire que cette pratique est répréhensible. Nous répondons à l'arrêt de la Cour suprême dans l'objectif de dire que nous comprenons que la prostitution va durer pendant un certain temps, mais pas éternellement, espérons-le. Peut-être que nous ne réussirons jamais à complètement y mettre un terme. Nous savons que des gens se piquent encore à l'héroïne. Toutefois, nous allons donner aux travailleurs du sexe le droit de choisir d'exercer leurs activités de manière sécuritaire: voilà exactement ce que ces trois femmes ont demandé à la Cour. Ce projet de loi répond directement à leur demande. Nous voulons leur donner cette possibilité, mais nous n'avons ni comme objectif ni comme intention de les encourager à vendre leurs services sexuels ou d'en faciliter la vente. Nous n'essayons pas de rendre les choses plus faciles. Nous n'essayons pas de faire en sorte que ce commerce prenne de l'expansion. Malheureusement, cela ne correspond pas à ce que nous voulons voir comme industrie en croissance. Nous ne le recommandons pas comme solution au chômage chez les jeunes. Nous n'avons pas l'intention d'en faire un élément de l'industrie touristique au Canada. Oui, nous espérons que, à la longue, il y aura moins de prostitution. Nos objectifs vont à l'encontre des intérêts économiques et commerciaux de ceux qui se livrent à ce commerce.
J'espère que j'ai été clair, mais je serais ravi de me reprendre si je n'ai pas encore été assez clair.
:
Merci, monsieur le président.
Pour nous ramener dans le contexte, ce que nous avons essayé de faire, c'est de simplifier la cohérence de l'alinéa 286(1)i). À ce sujet, nous avons entendu toutes sortes de questionnements de la part des témoins, à savoir qu'il n'était pas évident de déterminer la signification de cette partie du projet de loi, qui précisait ce qui suit:
[...] dans le cas où l’infraction est commise dans un endroit public ou situé à la vue du public, la peine ci-après, lorsque cet endroit est soit un parc, soit un terrain sur lequel est situé une école ou un établissement religieux soit un endroit quelconque où il est raisonnable de s’attendre à ce que s’y trouvent des personnes âgées de moins de dix-huit ans ou encore lorsque cet endroit est à côté soit d’un parc, soit d’un terrain sur lequel est situé une école [...]
Par la suite, on peut lire les sentences qui sont imposées.
Les amendements que propose le NPD enlèvent cet aspect. Nous trouvons qu'il n'est pas très brillant d'avoir un Code criminel avec des articles qu'on laisse le soin d'interpréter, de préciser et de définir, et ce, peu importe la façon. Au départ, nous pensons qu'il faut essayer d'être clairs. C'est la raison pour laquelle il nous semble beaucoup plus précis de retirer la ligne 27 de la page 10, qui se termine à la ligne 7 de la page 11.
L'article dirait ce qui suit:
Quiconque, en quelque endroit que ce soit, obtient, moyennant rétribution, les services sexuels d’une personne ou communique avec quiconque en vue d’obtenir, moyennant rétribution, de tels services est coupable :
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans, la peine minimale étant : [...]
On continuerait avec les mots suivants:
(i) Pour la première infraction, une amende de 1 000 $,
(ii) pour chaque récidive, une amende de 2 000 $ ;
Il s'agit strictement d'enlever cet aspect qui, selon les témoins, était très difficile à expliquer et à interpréter. À cet égard, ce n'est pas ce qu'on cherche à retrouver dans le Code criminel.
Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait parler de l'amendement NPD-5 à l'article 20?
(L'amendement est rejeté. [Voir le Procès-verbal])
Je rappelle à tous que nous nous penchons sur l'article 20, que nous étions en train d'étudier au moment de suspendre la séance pour le déjeuner.
Nous passons maintenant au deuxième amendement de la députée indépendante. Madame Mourani propose un amendement, qu'elle a déposé à juste titre dans les délais requis par la Chambre des communes, soit que le projet de loi C-36, à l'article 20, soit modifié par substitution, aux lignes 35 et 36, page 12, de ce qui suit:
(4) Sous réserve du paragraphe (5), le paragraphe (1) ne s'applique pas à
et par substitution, aux lignes 15 et 16, page 13, de ce qui suit:
quiconque commet l'infraction prévue au paragraphe (1) dans les cas suivants:
L'amendement est recevable. Il supprime un des éléments de l'exception à la règle qui est prévue aux termes du projet de loi.
Madame Mourani, vous disposez d'environ une minute pour parler de votre amendement.
:
Merci, monsieur le président.
Le but de cet amendement est très simple. Lorsqu'on regarde le projet de loi dans sa forme actuelle, on constate qu'on fait certaines exceptions lorsque la personne prostituée donne des services sexuels pour son propre compte. On lui permet, par exemple, de recourir aux services d'un chauffeur ou d'un garde du corps. Ces personnes ne seraient pas poursuivies parce que, indirectement, elles vivraient des fruits de la prostitution.
Jusque là, c'est bien et je souscris à ce point.
Toutefois, là où il y a un problème, c'est qu'on fait la même chose dans le cas de la prostitution juvénile. Or, la prostitution des adolescents ou des enfants n'est en aucun cas autre chose que de l'exploitation sexuelle. En tout temps, on ne peut pas accorder d'exception à des individus qui pourraient agir comme gardes du corps, chauffeurs ou n'importe quoi d'autre dans un cadre de prostitution juvénile.
Il s'agit en effet, sans exception, de cas d'exploitation, et le but de l'État est de protéger des enfants ou des adolescents qui se retrouvent dans une situation d'exploitation sexuelle. On ne peut même pas concevoir ou accepter que des enfants se prostituent d'eux-mêmes, parce que la responsabilité de l'État est de protéger les jeunes et les enfants. On ne doit donc accorder aucune exemption à des acteurs qui seraient liés à ce type de prostitution, parce que leur devoir est de dénoncer ce genre de prostitution. Ce n'est pas d'en vivre.
Il y a donc un problème de cohérence entre le fait de protéger les enfants de la prostitution et de l'exploitation et le fait d'accorder des exceptions à des acteurs qui vivraient des fruits de la prostitution d'enfants.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis heureuse de connaître maintenant cette subtilité qui consiste à retirer des lignes pour tenter de faire ce que l'on vise, c'est-à-dire de demander tout simplement ceci, à savoir :
soit modifié par suppression des lignes 21 à 29
Il faut que les gens comprennent bien qu'on parle de quiconque fait sciemment de la publicité pour offrir des services sexuels moyennant rétribution. Cette personne est coupable soit d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans, soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire passible d'un emprisonnement maximal de 18 mois.
On a entendu plusieurs témoins nous parler de l'importance de l'arrêt Bedford, dont je recommande la lecture aux membres du parti gouvernemental. Il est clair que cela pourrait être un des moyens d'assurer la sécurité. En fait, comme le disait un témoin, parfois, on ne connaît pas le milieu, parfois, c'est un peu cru, mais les gens nous disent qu'ils ont des codes ou qu'ils veulent avoir des numéros de téléphone non bloqués. Il serait important de faire cette publicité. Ce serait peut-être la seule façon de rendre tout cela sécuritaire et hors de la vue des enfants et du public qui se sentiraient offusqués. En somme, ce serait une façon d'assurer la sécurité. C'est la raison pour laquelle on a présenté l'amendement 7.
:
Merci monsieur le président. Je remercie la députée de l'amendement proposé.
À notre avis, cet amendement va à l'encontre du principal objectif du projet de loi. Nous considérons que l'infraction liée à la publicité va de pair avec le principal objectif du projet de loi qui est de réduire la demande pour la prostitution. Supprimer cet aspect serait contradictoire. L'infraction liée à la publicité complète celle liée à l'achat de services sexuels. Son principal objectif est de réduire la demande pour la prostitution en ciblant la promotion de la prostitution aux moyens de publicités annonçant la vente de services sexuels.
À mon avis, monsieur le président, la disposition vise très clairement à criminaliser ceux qui exploitent les personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe, les tiers, qui sont bien souvent ceux qui ont le pouvoir de diffuser ces publicités — et nous en avons entendu parler. Ils se donnent des noms bienveillants, mais pour moi, ce sont des proxénètes. Ce sont eux qui en profitent, en chargeant beaucoup trop pour les services publicitaires qu'ils offrent.
Selon nous, ces pratiques stimulent la demande de services sexuels, ce qui est contraire à l'objectif du projet de loi. À notre avis, il est clair que les gens peuvent annoncer leurs propres services, seuls ou avec d'autres. Il y a des exemptions précises qui le permettent. Voilà pourquoi nous nous opposons à cet amendement.
Au cas où la députée en douterait, je tiens à lui assurer que nous avons tous lu l'arrêt Bedford. Nous sommes absolument certains que tout ce que nous faisons ici aujourd'hui répond parfaitement aux critères établis par la juge en chef dans sa décision dans l'affaire Bedford et que la mesure est conforme en tout point à la Charte des droits et libertés.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Comme dans le cas de plusieurs autres amendements proposés plus tôt par le gouvernement, il s'agit d'un amendement de forme de l'article 23 du projet de loi .
L'article 23 propose de modifier la liste d'infractions énoncées dans la définition d'« infraction primaire » et d'« infraction secondaire » pour l'analyse génétique. Les dispositions autorisent le prélèvement d'échantillons aux fins d'analyse dans deux cas: lorsqu'une personne est déclarée coupable d'une infraction et au titre d'un mandat, lorsque la police a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise.
Les changements proposés à l'article 23 concordent avec la proposition d'abroger les infractions actuelles liées à la prostitution, notamment l'article 212 du Code criminel, et d'adopter les nouvelles infractions liées à la prostitution de l'article 20.
De plus, le libellé actuel de l'article 23 inclurait dans les infractions passées les infractions prévues à l'article 212 pour l'analyse génétique, notamment l'alinéa 212(1)j), vivre des produits de la prostitution. La nécessité d'amender les articles 8, 9 et 10 afin de prendre en compte leurs listes pour des infractions passées a fait ressortir la nécessité de supprimer la référence à l'alinéa (1)j) dans l'article 23.
Ainsi, il sera clair qu'on ne peut obtenir un mandat pour prélever des échantillons d'ADN dans le cadre d'une enquête sur une infraction passée relativement à l'alinéa (1)j) qui serait lancée après l'entrée en vigueur du projet de loi . L'incidence sur les opérations de cette suppression serait minime. Si après l'entrée en vigueur du projet de loi , la police a besoin d'un mandat pour obtenir un échantillon d'ADN afin de faire enquête sur une infraction passée présumément commise avant l'entrée en vigueur du projet de loi , elle pourrait se tourner vers les autres infractions de proxénétisme énumérées dans les alinéas 212(1)a) à h).
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement que nous appuierons.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie la députée d'avoir présenté l'amendement. Nous n'appuyons pas celui-ci pour différentes raisons.
La motion propose un amendement de fond qui éliminerait la nécessité de demander une suspension de casier en vertu de la Loi sur le casier judiciaire. Cet amendement amnistierait les personnes qui vendent leurs propres services sexuels, si elles ont été reconnues coupables aux termes du paragraphe 213(1) — tel qu'amendé aujourd'hui, je le signale — des infractions commises avant et après l'entrée en vigueur du projet de loi .
Il n'y a aucune limite de temps pour cette amnistie; la disposition n'est donc pas de nature transitoire.
Les personnes reconnues coupables aux termes du paragraphe 213(1) peuvent demander une suspension du casier selon les règles existantes en vertu de la Loi sur le casier judiciaire, conformément aux critères énoncés dans cette loi, c'est-à-dire qu'une période de cinq ans doit s'être écoulée depuis l'expiation de la peine, et la commission des libérations conditionnelles — c'est fort important — doit être convaincue que le demandeur a fait preuve de bonne conduite et que la condamnation ne devrait plus ternir la réputation du demandeur.
À notre avis, monsieur le président, cette disposition réduirait considérablement le pouvoir dissuasif de la disposition elle-même. Selon nous, c'est sans précédent, car elle suspendrait rétroactivement, dans tous les cas, les casiers judiciaires, sans les prendre dûment en considération. Nous signalons qu'il existe un processus qui repose sur des principes appropriés régissant le comportement des personnes déclarées coupables.
Mon collègue, qui connaît très bien ces questions, m'informe qu'il faudrait aussi modifier la Loi sur les poursuites par procédure sommaire, ce qui n'est pas prévu ici. L'amendement comporte donc une lacune fondamentale à cet égard.
Pour toutes ces raisons, nous n'appuierons pas l'amendement.
:
Merci, monsieur le président.
C'est différent du discours qu'on a entendu pendant toute la semaine dernière. On nous disait que le casier judiciaire n'existerait pas. Je suis contente d'entendre que le secrétaire parlementaire reconnaît maintenant que ces gens vont effectivement avoir un dossier criminel une fois qu'ils seront reconnus coupables. On leur dit de faire des demandes de suspension, parce que les demandes de pardon n'existent plus.
Au lieu d'arriver avec un non flat pour tenter de respecter ce qu'on a entendu de la part des témoins, y compris ceux du gouvernement, si le secrétaire parlementaire pense qu'on peut le préciser de façon à réussir à donner au moins cette amnistie réclamée par les personnes à qui le gouvernement a dit pendant toute la semaine qu'elles étaient des victimes, il y aurait peut-être moyen de le préciser dans sa forme.
Aujourd'hui, je n'entends plus beaucoup le mot « victime » du coté des banquettes conservatrices. Il semble que les gens soient des criminels pas à peu près. Je trouve ça un peu malheureux. J'aimerais leur suggérer de prendre dix autres minutes pour y réfléchir.
Je ne suis pas sûre que j'accepterai les commentaires concernant la procédure sommaire, quand on sait que ça vient probablement du député qui croyait le moins à l'existence d'un casier judiciaire et à l'obligation de répondre à une question à cet égard de la part d'un employeur.
Si on veut sortir les gens de la pauvreté et du milieu dans lesquels ils sont, le fait d'avoir un emploi devient important. Des témoins sont venus nous en parler. Quand les gens sont obligés de dire qu'ils ont un casier judiciaire et que ce casier prend de plus en plus de temps à être effacé— gracieuseté des mesures conservatrices adoptées depuis quelques années, entre autres avec le projet de loi C-10 —, on garde les personnes dans un carcan duquel il ne sera pas facile de sortir.
En somme, cela va vous prendre un peu plus de temps pour sortir les gens de la prostitution.
:
Y a-t-il d'autres observations concernant l'amendement NPD-8?
(L'amendement est rejeté. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Nous en sommes maintenant à l'article 34. Le comité accepterait-il de regrouper les articles 34 à 45, ou avez-vous des observations sur certains d'entre eux?
Une voix: L'un après l'autre.
Le président: L'un après l'autre. D'accord. Je n'ai rien contre.
Nous en sommes à l'article 34.
(L'article 34 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des observations au sujet de l'article 35?
(L'article 35 est adopté.)
(Article 36)
Le président: Madame Boivin, vous avez la parole.
:
Y a-t-il d'autres observations?
(L'article 36 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des observations au sujet de l'article 37?
(L'article 37 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des observations au sujet de l'article 38?
(L'article 38 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des observations au sujet de l'article 39?
(L'article 39 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des observations au sujet de l'article 40?
(L'article 40 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des observations au sujet de l'article 41?
Vous avez la parole madame Boivin.
Y a-t-il d'autres observations au sujet de l'article 41?
(L'article 41 est adopté.)
Le président:Y a-t-il des observations au sujet de l'article 42?
(L'article 42 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des observations au sujet de l'article 43?
(L'article 43 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des observations au sujet de l'article 44?
(L'article 44 est adopté.)
Le président: Y a-t-il des observations au sujet de l'article 45?
(L'article 45 est adopté.)
(Article 46—Projet de loi C-13)
Le président: Nous en sommes maintenant à un nouvel article. Il s'agit d'un amendement du NPD. Il est recevable, car il s'agit d'un tout nouvel article.
Il propose que le projet de loi C-36 soit modifié par adjonction, après la ligne 32, page 30, du nouvel article et titre suivant:
45.1 (1) Dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du présent article, un examen complet des dispositions et de l'application de la présente loi doit être fait par le comité de la Chambre des communes que celle-ci désigne ou constitue à cette fin.
(2) Dans l’année qui suit le début de son examen ou dans le délai supérieur que la Chambre lui accorde, le comité visé au paragraphe (1) remet son rapport, accompagné des modifications qu’il recommande, au Président de la Chambre.
Vous avez la parole, madame Boivin.
:
Merci, monsieur le président.
Je ne pourrai pas croire que les conservateurs vont dire non à cela. Premièrement, c'est une mesure prudente qu'on a déjà appliquée dans d'autres projets de loi. Il n'y a pas si longtemps, on a complété une étude en ce sens à l'égard des langues officielles au niveau des tribunaux, comme la langue utilisée par l'accusé etc. En fait, c'est une mesure qui est prudente. D'ailleurs, on l'a fait dans le cas du projet de loi concernant la cyberintimidation. En fait, si le gouvernement a donné l'ordre à ses députés de ne pas tenter d'améliorer le projet de loi, il faudrait au moins être en mesure de les obliger à rendre des comptes. L'autre éléphant dans la pièce, outre la Cour suprême du Canada dans sa décision sur l'arrêt Bedford, dont on n'entend pas souvent parler du côté des conservateurs, ce sont aussi les provinces.
À l'exception du gouvernement du Manitoba qui est venu témoigner ici, c'est bien certain qu'avec le processus genre train grande vitesse, ce ne sont pas toutes les provinces qui étaient nécessairement disponibles et prêtes à venir s'exprimer dans un aussi court laps de temps sur un sujet aussi profondément complexe que la question de la traite des personnes, de l'exploitation des personnes à des fins sexuelles et de la prostitution.
Par contre, il est clair que, sur le terrain, ce sont les autorités provinciales qui seront appelées à mettre en application les trois quarts, sinon la grande totalité, des dispositions qui seront adoptées en vertu du projet de loi .
[Traduction]
Je suis fermement convaincue qu'il faut pouvoir procéder à un examen dans les deux ans suivant l'adoption. Comment les provinces et les territoires appliqueront-ils les dispositions... Nous savons tous que ce sera... Ce que nous décidons ici semble toujours bien beau, mais les échos qui me parviennent des avocats de la Couronne, des procureurs et des avocats de la défense sur le terrain, c'est qu'ils doivent patauger dans ce bourbier. Il n'est pas toujours facile d'appliquer les lois qui émanent du présent Parlement.
Cela étant dit, je crois qu'il serait prudent d'examiner comment vont les choses. La disposition permettrait au comité de communiquer avec les provinces et les territoires dans deux ans pour voir comment les choses se passent dans les différents tribunaux, combien il y a eu de cas, ceux-ci se rapportaient-ils surtout au trafic sexuel ou à la prostitution, et ainsi de suite. Si nous prenons notre travail au sérieux, il me semble que cet amendement devrait faire l'unanimité.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie madame Boivin d'avoir présenté cet amendement. Je me réjouis de lui dire que selon moi c'est une bonne idée. Il m'apparaît toujours judicieux de procéder à un examen. Comme elle l'a dit, nous l'avons fait à plusieurs reprises, dans de nombreux autres projets de loi. Ce serait particulièrement utile dans ce cas-ci, car nous convenons qu'il s'agit d'une toute nouvelle approche en matière de prostitution. La Cour suprême nous a suggéré d'aller dans cette voie, et c'est ce que nous faisons.
Bien des gens nous ont dit que c'était un changement de paradigme dans la façon d'aborder le problème complexe de la prostitution au Canada. Je crois donc que c'est justifié et judicieux dans ce cas. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait d'autres pays où des changements similaires ont été apportés.
J'aimerais proposer un changement mineur, soit faire passer la période d'examen de deux à cinq ans. Ce serait conforme avec de nombreux autres projets de loi, et donnerait, à mon avis, un délai raisonnable pour accumuler des données afin que le comité dispose, dans cinq ans, de suffisamment d'information à examiner lors de ses délibérations.
:
Quoi qu'il en soit, il me semble que cinq ans, c'est très long si l'on est dans l'erreur.
Rapidement, si nous faisons notre travail correctement, et si tous les partenaires de la fédération font leur travail, et la police aussi, en cette ère informatique, où les données peuvent circuler à la vitesse de l'éclair...
Je sais que ce sera cinq ans, que c'est ce qui sera adopté. Je fais peut-être partie du NPD, mais je sais compter. Mais je persiste à dire que cinq ans, c'est beaucoup trop long. Je crois que deux ans...
Nous l'avons vu, Bob, dans le cas de la langue officielle de l'accusé. Même si nous avions un délai précis, nous ne l'avons pas parfaitement respecté.
À mon avis, nous devrions indiquer clairement que nous devons nous assurer, advenant qu'il faille apporter des réajustements, que cinq ans... Avant que ce ne soit fait, dans cinq ans — et il faut compter un an pour la rédaction du rapport, ce qui fait six ans... Ce n'est pas que je tiens à tout prix à en faire l'examen dans deux ans, mais six ans, c'est bien loin pour savoir ce qui arrivera.
Bref, c'est mon point de vue. Une fois de plus, il me semble qu'on laisse simplement traîner les choses. Je me réjouis que vous acceptiez au moins qu'il y ait un examen. Bravo, je suppose. Mais pourquoi ne pouvez-vous pas, ne serait-ce qu'une fois, dire oui sans rien changer?
Des voix: Oh, oh!
:
Vous m'avez enlevé les mots de la bouche. À l'évidence, vous êtes passé maître dans cet art.
Il s'agit en effet d'un amendement de forme. Le gouvernement propose d'amender l'article 48 du projet de loi, comme vous l'avez indiqué. Il s'agit d'une disposition de coordination entre le projet de loi et le projet de loi . Les dispositions de coordination déterminent quel amendement, entre deux mesures législatives, s'applique si elles sont toutes deux adoptées.
Dans ce cas-ci, la disposition de coordination au paragraphe 48(6) renvoie à l'article 486.4 du Code criminel, qui régit l'émission d'ordonnances de non-publication dans le cas d'infraction d'ordre sexuel.
L'amendement ne concerne que la version anglaise, et corrigerait une divergence entre les versions anglaise et française du paragraphe 48(6). Il s'agit d'un amendement de forme, comme je l'ai indiqué, pour faire en sorte que la version anglaise concorde avec la version française, car la coordination des amendements est correcte dans la version française.
Pour ces raisons, nous proposons cet amendement que nous appuierons.
(L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
(L'article 48 modifié est adopté.)
(Article 49 — Trente jours après la sanction)
Le président: Passons à l'article 49.
(L'article 49 est adopté.)
Le président: Passons maintenant au titre abrégé.
Le titre abrégé est-il adopté?
(L'article 1 est adopté.)
Le président: Nous abordons maintenant un aspect qui me pose un peu plus de problèmes, soit le préambule. C'est la première fois que je suis saisi de tels amendements.
Mes collègues ici présents, les greffiers de la Direction des services législatifs, pourront m'aider à comprendre ce qui est recevable et ce qui ne l'est pas.
Commençons par l'amendement NDP-10. Les mêmes observations s'appliquent aux amendements 10 et 11 du NPD, j'espère donc que je n'aurai pas à me répéter.
Je crois que, si je lis tout d'abord l'amendement, cela nous aidera à comprendre pourquoi il est irrecevable:
Que le projet de loi C-36, dans le préambule, soit modifié a) par adjonction, avant la ligne 2, page 1, de ce qui suit: que la Cour suprême du Canada a décidé dans l’affaire Procureur général du Canada c. Bedford que certaines dispositions du Code criminel ont des conséquences manifestement disproportionnées pour les personnes qui se livrent à la prostitution car elles mettent en péril leur santé et leur sécurité et les exposent davantage à la violence;
b) par substitution, dans la version anglaise, à la ligne 1, page 2, de ce qui suit :
Whereas the Parliament of Canada is
c) par adjonction, après la ligne 7, page 2, de ce qui suit :
que le Parlement du Canada reconnaît l'importance fondamentale de s'occuper des questions de pauvreté, de conditions de logement, de besoins en matière de soins de santé et d'autres problèmes socio-économiques qui touchent les femmes qui se prostituent à défaut d'autre choix;
que tous les Canadiens et Canadiennes méritent d'être régis par des lois qui protègent leur santé et leur sécurité et qui préviennent l'exploitation;
que le Parlement du Canada reconnaît que la violence faite aux femmes au Canada demeure un problème important qui doit faire l'objet d'une action gouvernementale concertée, »
Cela fait partie du préambule. Dans un certain sens, cela serait ajouté avant le préambule actuel, ce qui respecterait les règles, mais voici ma décision. L'amendement apporterait des modifications substantielles en ajoutant de nouveaux éléments au préambule qui ne se retrouveraient pas dans les dispositions qui composent le corps même du projet de loi et dont nous venons tout juste de débattre. On pourrait avancer que certains amendements dont nous avons débattu étaient liés à cet ajout au préambule, mais ils n'ont pas été adoptés.
Dans l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, à la page 770, il est écrit:
Dans le cas d’un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture, un amendement de fond au préambule n’est recevable que s’il est rendu nécessaire par l’adoption de modifications au projet de loi. De plus, un amendement au préambule est recevable lorsqu’il s’agit de rendre le texte plus précis ou d’en uniformiser les versions française et anglaise [...]
Cela visait l'amendement technique dont nous venons tout juste de débattre.
La présidence, en concertation avec mes collègues ici présents, est d'avis que l'amendement proposé est un amendement de fond et, ainsi, est irrecevable. Je tiens à relire pour la gouverne de mes collègues le texte qui suit le point c), en particulier l'extrait suivant: « que le Parlement du Canada reconnaît l'importance fondamentale de s'occuper des questions de pauvreté, de conditions de logement, de besoins en matière de soins de santé et d'autres problèmes socio-économiques qui touchent les femmes [...] » Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une question importante, mais le projet de loi ne prévoit absolument rien à ce sujet-là. L'amendement est donc substantiellement différent et, par conséquent, irrecevable.
C'est inédit. Et la décision s'applique aussi à l'amendement qui suit. Je vous accorderai donc quelques minutes pour que vous puissiez en discuter. Mais, quoi qu'il en soit, cet amendement ne sera pas mis aux voix à moins que vous contestiez avec succès la décision de la présidence.
:
Je sais. On n'en viendra peut-être là, mais ne vous en offusquez pas.
Monsieur le président, je comprends que cela dépend en grande partie des amendements qui sont adoptés. Je vous remercie d'avoir souligné qu'il faut s'occuper des questions de pauvreté, de conditions de logement, de besoins en matière de soins de santé et d'autres problèmes socio-économiques qui touchent les femmes qui se prostituent à défaut d'autre choix. Nous avons beaucoup entendu parler de ces enjeux, et nous souhaitons que cela soit ajouté dans le préambule parce qu'il n'en est pas vraiment question.
J'aimerais poser une question au président. Pourrais-je présenter un sous-amendement à mon amendement visant le préambule afin d'enlever cette mention?
Je suis encore d'avis, surtout si c'est le seul élément — et je pense qu'on peut proposer la motion faire sur-le-champ... Je proposerais d'enlever la partie que vous estimez irrecevable, mais je pense bien qu'en ajoutant « que la Cour suprême du Canada a décidé dans l’affaire Procureur général du Canada c. Bedford [...] »...
Si je comprends bien le raisonnement, je pense que ces éléments sont recevables, ça dit ce que ça dit, surtout la fin de l'amendement, où on peut lire: « [...] méritent d'être régis par des lois qui protègent leur santé et leur sécurité et qui préviennent l'exploitation » — cela est directement lié au projet de loi, modifié ou non — « que le Parlement du Canada reconnaît que la violence faite aux femmes au Canada demeure un problème important qui doit faire l'objet d'une action gouvernementale concertée ».
Même si j'aurai le coeur brisé si nous n'ajoutons pas cet important... Je pense que tout le monde peut convenir que c'est l'une des raisons principales pour laquelle les gens commencent à se prostituer. Pensons à la pauvreté, aux conditions de logement, etc.
Qu'on me corrige si j'ai tort.
La décision de la présidence sur l'irrecevabilité de l'amendement NDP-10 est contestée, et le vote s'appliquera à l'amendement NDP-11.
La motion vise à maintenir la décision de la présidence. Si vous votez en faveur de la motion, vous appuyez ma décision. Si vous votez contre la motion, la décision de la présidence sera renversée, et l'amendement fera l'objet d'un débat.
(La décision de la présidence est maintenue.)
Le président: La décision de la présidence est maintenue. Désolé, madame. Le vote s'applique aux amendements NDP-10 et NDP-11.
Afin de faciliter l'étude du projet de loi, j'avais l'intention de débattre des amendements visant le préambule avant de passer à l'étude du préambule dans son ensemble. Puisque deux motions du NPD ont été jugées irrecevables, la motionnaire a dit qu'elle ferait une autre proposition. Il y aurait donc conflit si les amendements de Mme Mourani étaient adoptés.
Pour faciliter les choses, puisque nous y allons ligne par ligne, je donne tout d'abord la parole à madame Boivin.
Si vous souhaitez proposer votre motion et qu'elle est adoptée, cela aura une incidence sur les amendements de Mme Mourani. Si votre motion n'est pas adoptée, nous reviendrons à Mme Mourani, et nous irons de l'avant.
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Je tiens à revenir sur l'amendement que j'ai proposé. Il en est question dans le titre officiel du projet loi, qui n'est pas souvent utilisé par le gouvernement parce qu'il parle surtout de la , qui est le titre court. Le gouvernement aura donc très bientôt oublié qu'il s'agit d'une loi modifiant le Code criminel pour donner suite à la décision de la Cour suprême. C'est probablement la seule et unique fois que le gouvernement reconnaît qu'il donne suite à une décision de la Cour suprême.
Je pense qu'il n'y a rien de mal à ajouter certains éléments cruciaux qui constitue le fondement même de la décision, puisque c'est à cause de cette décision que nous tous sommes ici et que nous passons de si belles journées ensemble à étudier ces articles.
Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement a peur de reprendre les mots exacts de la décision de la cour, surtout vu que le gouvernement prétend que leurs articles respectent parfaitement la décision Bedford. Les conservateurs devraient donc être fiers de citer cette décision et de dire que le Parlement du Canada reconnaît que la violence faite aux femmes au Canada demeure un problème important qui doit faire l'objet d'une action gouvernementale concertée.
Ils prétendent que le projet de loi en tient compte, ils devraient donc, je le répète, en être fiers. Je suis certaine que ma collègue, Mme Smith, qui a lutté pour défendre les droits des femmes exploitées et des femmes victimes de traite de personnes et... Comment dit-on ça?
[Français]
Le mot est « violenter ». C'est encore plus complet que ce qui est mentionné de façon très froide dans le préambule, et cela donnerait un aspect un peu plus humain à cette loi.
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Nous en sommes encore à l'étude du préambule, mais passons aux amendements IND-3 et IND-4. Je suivrai essentiellement les mêmes étapes.
Je commencerai par lire le premier amendement, puis je lirai la décision. Je donnerai par la suite la parole à Mme Mourani pour qu'elle puisse faire des observations, puisqu'il est question du préambule.
L'amendement IND-3 propose que le projet de loi C-36, dans le préambule, soit modifié par substitution, à la ligne 13, page 1, de ce qui suit:
diennes en décourageant cette pratique illégale qui a
Je ne sais pas ce qui se trouve sur la ligne suivante.
L'amendement IND-4 propose l'adjonction, après la ligne 15, page 1, de ce qui suit:
qu'il importe de dénoncer et d'interdire la prostitution
Ma décision est simple. C'est la même que la décision précédente. Voici: l'amendement propose d'apporter une modification de fond en ajoutant des éléments nouveaux au préambule qui ne sont pas trouvés dans le projet de loi. Dans l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, à la page 770, il est décrit ce qu'est un amendement de fond. À mon avis, ces deux amendements sont des amendements de fond et, ainsi, sont irrecevables.
Je tiens à expliquer pourquoi, à mon avis, il s'agit d'amendements de fond. Il n'est mentionné nulle part dans le projet de loi que la prostitution est illégale et que la vente de services sexuels... Il est question d'achat, mais non de vente.
Le projet de loi prévoit expressément beaucoup de liberté en ce qui concerne ce qui se passe notamment « en privé ». Et des amendements prévoyant certaines interdictions sur ce qui se passe « en public » ont été adoptés, pensons aux parcs, aux écoles et aux garderies. Mais nous sommes saisis d'amendements qui modifieraient le fond du projet de loi; la mesure législative ne rend pas la prostitution illégale et ne l'interdit pas.
Voilà pourquoi, à mon avis, ces deux amendements au préambule sont irrecevables.
Il s'agit de ma décision, mais je donnerai la parole à Madame Mourani pendant quelques minutes pour qu'elle nous explique pourquoi elle pense qu'il est important que le préambule soit ainsi amendé.
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Merci, monsieur le président.
Je vous avoue que je suis très surprise. En fait, quand j'ai entendu le discours du , il était très clair. L'intention du gouvernement à long terme était d'abolir la prostitution. C'était aussi d'interdire l'achat de services sexuels, le proxénétisme etc. Tout ce que font mes amendements, c'est de préciser l'intention réelle que le gouvernement veut avoir dans son projet de loi.
Étant donné que les membres rejettent mes amendements, je suis convaincue maintenant que ce projet de loi sera invalidé par la Cour suprême. J'en suis fortement convaincue et je vais vous dire pourquoi.
Dans sa décision au sujet de l'arrêt Bedford, la Cour suprême est partie du principe que la prostitution est légale au Canada. À partir de ce moment-là, on n'a pas le droit, en tant que législateurs, d'interdire des pratiques et de criminaliser des pratiques d'une activité légale parce que cela met en danger les personnes qui la pratiquent.
Par contre, la Cour suprême ne nous a jamais interdit, en tant que législateurs, de changer le cadre de cette activité. Que veut dire « changer le cadre »? Cela veut dire d'établir clairement que la prostitution est illégale au Canada, qu'on en interdit les pratiques, c'est-à-dire qu'on interdit la prostitution et qu'on la dénonce. À partir de ce grand principe, on peut se permettre de criminaliser l'achat de services sexuels, le proxénétisme et toutes les pratiques entourant la prostitution.
Je suis maintenant convaincue que ce projet de loi sera contesté, c'est bien évident, et qu'il ne tiendra pas le test de la Cour suprême parce que vous avez repris le même principe. Vous n'avez pas interdit la prostitution, mais vous avez criminalisé les pratiques. Alors, on retourne au point zéro et c'est très dommage parce qu'il y avait quand même un pas fort intéressant qui était celui de la criminalisation de l'achat de services sexuels. Je suis certaine qu'on va se retrouver dans quelques années à avoir cette même discussion ici, en cette Chambre des communes.
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Merci, monsieur le président.
Je vais profiter de cette occasion même si on ne peut pas s'exprimer sur l'amendement.
C'est ce nous disons depuis le début. Je n'en suis pas nécessairement fort aise. Ce n'est pas l'impression que je veux donner à ma collègue, Mme Mourani.
Nous avions effectivement l'impression qu'il fallait interdire d'interdire. Ce n'était nulle part. Peu importe les tentatives, cela ne s'y retrouve pas. Il est certain que le préambule dit ce qu'il dit, mais par la suite, la loi fait autre chose. C'est effectivement malheureux.
Je connais beaucoup de groupes qui seront extrêmement déçus. Ils y avaient mis littéralement leurs espoirs, qu'on soit d'accord ou non avec les solutions. Ils y avaient fondamentalement mis leurs espoirs. Je le sais parce que j'en ai rencontré plusieurs auparavant. Depuis la décision Bedford, je rencontre des groupes de toute nature, à savoir ceux qui prônent la décriminalisation, ceux qui prônent la légalisation, ceux qui prônent la criminalisation, l'abolition et ainsi de suite.
Pour moi, quand le gouvernement a déposé son projet de loi, il était clair que les gens seraient déçus. Le ministre disait qu'il était ouvert à des amendements. Comme on a pu le voir aujourd'hui, sur six amendements conservateurs, il n'y en a qu'un seul qui porte sur le fond. Tous les autres sont des amendements techniques issus, non pas des témoignages entendus, mais d'erreurs commises à l'étape de la conception du projet de loi. Le seul amendement de fond, c'est d'essayer de criminaliser. Il était clair dès le départ que les gens seraient extrêmement déçus, compte tenu du préambule et de la loi qui suivait.
Ce n'est pas le premier projet de loi sur lequel se penche ce comité. Le passé est garant de l'avenir. Les gens qui me posaient des questions nous trouvaient un peu défaitistes, mais ça n'avait rien à avoir avec ça. Cela avait tout à avoir avec cette façon de faire en comité qui ne donne que des petites pinottes. Je ne considère pas que l'amendement prévoyant de faire une vérification est une pinotte, bien qu'une vérification tous les cinq ans en est presqu'une.
C'est malheureux. C'était tellement prévisible et c'est d'une grande tristesse.