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Merci et bonjour. Nous sommes ravies d'avoir la possibilité de donner le point de vue des femmes asiatiques dans le cadre de l'étude du projet de loi . Nous vous avons également fourni un mémoire.
L'objectif de l'Asian Women Coalition Ending Prostitution est de changer les comportements sociaux à l'égard des femmes, plus particulièrement de celles d'origine asiatique. Nous travaillons à faire progresser l'égalité des sexes et à donner la possibilité aux femmes asiatiques de participer de façon importante à la société civile et de jouer un rôle de premier plan. À notre avis, la prostitution est une forme de violence masculine contre les femmes qui nuit à l'égalité des femmes et qui favorise la violence raciste. Nous croyons également que la prostitution peut être éradiquée.
Nous formons un groupe féministe et bénévole. Nos membres font des activités de prévention de la prostitution dans les écoles et fournissent des services de parrainage juridique aux femmes qui participent au programme des aides familiaux résidants. Nous faisons du travail de première ligne dans des centres féministes de lutte contre la violence. Nous fournissons de l'aide concrète aux femmes battues et violées, y compris aux prostituées.
Nous avons agi en tant qu'intervenantes dans l'affaire Bedford. Nous avons fourni une analyse raciale critique pour contribuer à l'examen de la Cour suprême.
Je veux tout d'abord dire que nous saluons l'objectif énoncé dans le préambule du projet de loi, c'est-à-dire de protéger la dignité et l'égalité des femmes. Cela correspond au principe selon lequel toutes les lois canadiennes doivent être interprétées dans le contexte de la Charte des droits et libertés. Le préambule met en évidence la nature systémique de la prostitution et les conséquences de l'inégalité des femmes fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur et le sexe.
Nous comprenons également que le projet de loi fait ressortir le danger inhérent à la prostitution ainsi que l'exploitation profonde des femmes par les proxénètes, les tenanciers de maisons de prostitution, les annonceurs et les clients, plus particulièrement ses répercussions sur les femmes asiatiques et d'autres femmes racialisées. Nous recommandons que cet élément du préambule soit renforcé en y mentionnant les effets disproportionnés qu'a la prostitution sur les femmes racialisées.
Nous appuyons la disposition qui criminalise la publicité de services sexuels en raison du rôle que joue la publicité dans la normalisation et le renforcement des stéréotypes racistes et sexistes. Par exemple, nous avons rassemblé des annonces en ligne sur une période de 24 heures à partir de la section des services pour adulte de Craigslist à Vancouver. Nous avons constaté que pour 67 % des femmes des 1 472 annonces que nous avions rassemblées, une description ou une photo indiquait qu'il s'agissait de femmes asiatiques.
Seulement 30 % de la population de la région métropolitaine de Vancouver est d'origine asiatique. On peut raisonnablement présumer que les femmes asiatiques représentent environ 15 % de la population, mais elles sont surreprésentées dans la publicité. Dans les annonces, on indique que les femmes asiatiques offrent une expérience de petite amie. On les présente comme des écolières japonaises, de très jeunes poupées chinoises, des canons asiatiques, et il y a des photos.
Les proxénètes, les souteneurs, les tenanciers de maisons de prostitution, les annonceurs et d'autres personnes qui participent à la vente et à la commercialisation des prostituées répondent à ces demandes profondément racistes. Il est dans leur intérêt commercial de continuer à normaliser les stéréotypes dans la société canadienne afin d'élargir le marché pour leur produit.
Nous subissons des conséquences néfastes lorsque nos attributs, qu'ils soient réels ou imaginés, sont sexualisés et traités comme des marchandises pour la promotion de services sexuels. Ces stéréotypes déshumanisent et sexualisent les femmes asiatiques et, que nous soyons prostituées ou non, ils bloquent notre accès à la Charte des droits.
D'après notre expérience, il y a des liens entre la prostitution et la violence conjugale, le viol et l'inceste. Le plus souvent, ces actes de violence sexistes sont commis par des hommes dans des endroits privés, comme à la maison, où l'intimité est utilisée pour emprisonner les femmes, renforcer le pouvoir de l'attaquant et cacher de la vue du public les gestes de violence qui sont commis. La prostitution ayant lieu dans des lieux fermés ne protège pas davantage les femmes de la violence masculine en général. Toutefois, les lieux fermés, comme les salons de massage asiatiques, accroissent la sécurité des hommes. Ils protègent les proxénètes, les tenanciers de maisons de prostitution, les souteneurs et les clients de la surveillance et ils cachent la violence à laquelle ils ont recours pour contrôler les femmes, qui est inhérente à la prostitution.
Nous appuyons l'approche législative adaptée qu'offre le projet de loi. Elle cible les hommes qui sont la source des torts liés à la prostitution.
Nous savons également que le projet de loi fait une distinction en ce qui concerne les personnes qui dépendent du revenu d'une femme et qui ne se soucient pas de la façon dont elle le gagne, ce qui inclut les enfants à charge, les coiffeuses et d'autres fournisseurs de service. Ces personnes sont très différentes des parasites qui contribuent à l'entrée et au maintien des femmes dans la prostitution, comme les gardes du corps, les petits amis souteneurs, les tenanciers de maisons de prostitution et les annonceurs de prostitution.
Nous pensons également qu'il est important que le projet de loi empêche les hommes d'utiliser un permis de mariage ou une famille ou une autre relation pour échapper à une responsabilité pénale visant la violence et l'exploitation dont ils sont les auteurs.
Nous demandons un amendement visant à retirer les dispositions qui criminalisent la communication dans des endroits publics, car il va à l'encontre de l'objectif d'égalité.
Nous convenons qu'il est nuisible pour les enfants et les adultes de voir un acte flagrant de racisme et d'exploitation sexuelle, surtout dans une situation où l'on a l'impression de ne pas être en mesure d'intervenir de manière efficace. Toutefois, il est probablement plus dommageable pour les enfants et les adultes de voir ou de savoir qu'une personne exploitée sera ensuite punie par le gouvernement. Nous préférerions qu'elle reçoive la protection de la loi et de la Charte.
Arrêter et accuser les clients et les proxénètes — et non les femmes — est un moyen efficace de réparer les torts causés par la communication dans un endroit public.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Alice Lee, qui fait également partie de notre groupe. Elle vous parlera de la traite des personnes.
Je vous remercie de nous avoir invitées à comparaître devant vous pour présenter notre exposé.
J'ai été choisie pour participer au programme de leadership pour les visiteurs internationaux du département d'État américain afin d'échanger avec le FBI, des représentants de l'État et des ONG des connaissances sur la traite des personnes et la prostitution.
Nous faisons l'éloge du projet de loi , car on y reconnaît le lien étroit entre la traite des personnes et la prostitution. La traite des personnes fait partie intégrante de l'expérience des femmes asiatiques de la prostitution, indépendamment de leur pays d'origine.
Les liens indissociables entre la traite des personnes et la prostitution sont logiques étant donné que nous avons adopté le Protocole de Palerme visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, de même que la CEDAW. Le projet de loi témoigne du leadership du Canada à l'échelle nationale et internationale par son engagement en faveur de la dignité et de l'égalité. À notre avis, il est clair que le Canada rejette l'affirmation déshumanisante selon laquelle les femmes racialisées choisissent librement de se prostituer et que d'une manière ou d'une autre, la prostitution ne nous cause pas de tort.
Nous accueillons avec satisfaction le leadership que le projet de loi offre en permettant aux policiers d'agir avec efficacité concernant le crime organisé et la traite des personnes et la traite des personnes dans la prostitution.
Nous savons surtout qu'à l'heure actuelle, nos dispositions législatives sur la traite des personnes ne s'appliquent qu'aux trafiquants et non aux clients. Le projet de loi criminalise un homme qui achète sciemment les services sexuels d'une femme victime de traite de personnes. De plus, il contribue à empêcher que le crime organisé se transforme en milieu d'affaires légitimes.
Les gens qui exploitent des femmes asiatiques pour la prostitution utilisent différents moyens pour exercer une domination sur elle. Nous savons que les proxénètes confisquent des documents d'immigration ou des passeports. On sait qu'ils encouragent et forcent des femmes à dépasser la durée autorisée de séjour, et elles se retrouvent avec un statut d'immigrant illégal. Ils sont également reconnus pour menacer de déportation ou d'arrestation les femmes qui ne sont pas régularisées.
En retirant possiblement la criminalisation automatique des prostituées, le projet de loi améliore le sort des femmes qui se trouvent dans une situation d'exploitation. Toutefois, les mesures actuelles en matière d'immigration sont contraires à l'esprit du projet de loi qui vise à protéger les femmes contre l'exploitation. Le projet de loi ne modifie pas l'équilibre du pouvoir créé par les dispositions actuelles en matière d'immigration. Il nous faut apporter des changements pour permettre aux femmes qui n'ont pas déjà le statut de résident permanent, la citoyenneté ou un moyen non punitif d'être régularisées de réussir à sortir du milieu de la prostitution.
De récents cas d'abus et d'exploitation par des employeurs au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires illustrent la vulnérabilité que cause la pauvreté et font ressortir le manque d'un statut d'immigrant sûr. C'est également un exemple de déséquilibre flagrant de pouvoir en faveur de l'employeur.
Nous recommandons d'accorder aux femmes qui se trouvent dans une situation d'exploitation le statut d'immigrant reçu dès leur entrée au Canada, indépendamment de la façon dont elles arrivent ici. Grâce à cette mesure, elles risqueront moins d'être recrutées ou coincées dans le milieu de la prostitution et elles auront plus de chances de sortir du commerce du sexe.
Pour conclure, le projet de loi établit un nouveau paradigme juridique progressif. Toutefois, il faut qu'une approche canadienne de la prostitution soit beaucoup plus rigoureuse afin de créer de manière efficace des conditions qui entraîneront l'abolition de la prostitution. Le droit pénal est limité en ce sens que des mesures ne sont prises contre les actes de violence et d'exploitation qu'une fois qu'ils ont été commis.
L'Asian Women Coalition Ending Prostitution demande au gouvernement fédéral de mettre en place des mesures d'aide sociale complètes. Elles serviront aux femmes qui tentent de sortir du milieu de la prostitution et elles empêcheront d'autres femmes d'y entrer en premier lieu. Ce sont les options viables dont nous avons besoin pour contrer les inégalités systémiques inhérentes à la prostitution et exercer nos droits en vertu de la Charte.
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Dans certains régimes juridiques, les travailleuses du sexe ont des boutons d'alarme dans leur chambre et enseignent aux autres comment échapper aux clients violents. Ils ne sont pas tous violents, mais il n'est pas injustifié de dire que la violence est inhérente à la prostitution. Il y a trois raisons. Elle s'appuie sur l'anonymat et la vulnérabilité et elle sert à réaliser les fantasmes d'une des deux parties. Que la prostitution soit légale ou non, qu'elle se passe dans la rue ou à l'intérieur, ces trois aspects y sont liés. La décriminalisation de l'achat de services sexuels donne aux gens l'illusion que les femmes ont plus de pouvoir, alors qu'en fait, elle donne plus de droits aux hommes.
Nous avons pu avoir un entretien avec un client qui avait dépensé plus de 300 000 $ pour de la pornographie et des services sexuels de prostituées. Lorsque nous lui avons demandé quelles seraient les répercussions de la légalisation, il a dit que le nombre d'hommes comme lui augmenterait.
Nous savons que certaines personnes, des adultes instruits qui ont d'autres options, choisissent l'industrie du sexe. Ces gens pourraient avoir un peu plus de ressources pour bien choisir leurs clients ou négocier des pratiques sexuelles sécuritaires et embaucher des gardes du corps. Toutefois, étant donné que l'industrie cible exagérément les plus vulnérables, il serait insensé de croire que la majorité des personnes dans ce milieu ont ce type de pouvoir de négociation, même dans un contexte complètement décriminalisé.
Dans bon nombre de pays que nous avons visités, la demande pour l'achat de services sexuels a entraîné le développement d'un marché illégal du sexe parallèle au marché légal, et l'exploitation des plus vulnérables n'a pas cessé. Puisqu'au départ, bon nombre des femmes ciblées par Robert Pickton faisaient partie des personnes les plus vulnérables, la décriminalisation de l'achat de services sexuels ne leur aurait pas donné le pouvoir de négociations pour se défendre contre lui.
Il est essentiel de continuer à prendre des mesures pour réduire les préjudices, mais notre gouvernement devra investir de plus en plus de ressources à cet égard jusqu'à ce qu'il étudie sérieusement les raisons pour lesquelles elles sont nécessaires en premier lieu.
La question que nous devons nous poser est la suivante: quels sont les effets à long terme du fait qu'il soit facilement possible pour des gens d'avoir une relation sexuelle contre rétribution, et quelle en est l'envergure?
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Bonjour. Je vais commencer, et je céderai ensuite la parole à ma collègue, Hilla.
Bonjour. Je m'appelle Keira Smith-Tague, et je suis une travailleuse de première ligne qui aide les victimes de violence au Vancouver Rape Relief and Women's Shelter, le plus vieux centre d'aide aux victimes de viol du Canada. Depuis son ouverture en 1973, nous avons répondu à plus de 40 000 femmes qui ont utilisé notre ligne d'écoute téléphonique 24 heures sur 24 pour nous demander de les aider à échapper à toutes les formes de violence masculine contre les femmes, y compris la prostitution. Notre maison de transition offre chaque année un refuge sûr à plus de 120 femmes et à leurs enfants qui y viennent pour fuir la violence masculine.
Notre centre est un collectif de femmes dont l'âge et la classe sociale varient et bon nombre d'entre elles sont des femmes de couleur et des Autochtones. Depuis toujours, il compte des femmes qui se sont sorties de l'industrie du sexe. Notre autorité et nos connaissances en matière de prostitution comme forme de violence envers les femmes sont basées sur notre travail de première ligne avec des prostituées d'hier ou d'aujourd'hui, qui fait avancer la cause. Nous considérons que la prostitution est une forme de violence masculine envers les femmes, comme le viol, l'inceste, la violence conjugale et le harcèlement sexuel. Nous travaillons beaucoup en faveur d'amendements au projet de loi du gouvernement fédéral.
Nous savons, grâce aux membres de notre groupe et aux femmes qui font appel à nos services que l'industrie du sexe illustre et renforce à la fois l'inégalité des femmes dans la société. Un grand nombre des intentions déclarées dans le préambule du projet de loi correspondent à nos analyses. Cela nous encourage et nous amène à soutenir ses intentions. Nous approuvons la reconnaissance de l'incidence disproportionnée de la prostitution sur les femmes et les enfants, car cela est conforme à nos connaissances de première ligne de la nature sexiste et à caractère sexospécifique de cette industrie. On l'a déjà dit à quelques reprises, mais je veux le répéter. Les hommes représentent presque la totalité des acheteurs de services sexuels, et les femmes et les enfants, presque la totalité des personnes qui sont vendues. Ce fait à lui seul montre le net déséquilibre des pouvoirs entre les hommes et les femmes dans cette industrie.
Au cours des audiences, on a fait valoir qu'il est absurde de croire que la normalisation de cette pratique par sa décriminalisation ou sa légalisation complète accroît l'inégalité des femmes. Dès leur naissance, les femmes sont désavantagées par rapport aux hommes. Nous vivons dans une société où les hommes ont plus de pouvoir que les femmes sur les plans social, économique et politique. Les hommes utilisent massivement ce pouvoir contre nous, en plus bien souvent de leur force physique ou de la menace d'y recourir. Le droit qu'ils ont de nous acheter le reflète parfaitement.
Avant de parler de la violence et de l'exploitation, qui constituent une réalité alarmante de la prostitution, je tenais à préciser que l'industrie est fondamentalement sexiste et misogyne et que pour cette raison, elle ne devrait pas être tolérée ou légalisée. Tant dans le cadre de l'affaire Bedford que de votre processus, on fait valoir que la demande de services sexuels fait partie des droits des hommes, et on les défend au détriment des droits des femmes à l'égalité au Canada. C'est la vie des femmes qui est en jeu, non pas celle des clients et des proxénètes, et nous nous attendons à ce que tous les partis politiques soient responsables et qu'ils défendent l'égalité des femmes avant tout.
Puisqu'elle a été soulevée au cours des derniers jours, je voulais parler un peu de la question du consentement. L'idée même que le rapport entre les prostituées et les hommes qui achètent leurs services est une transaction entre deux adultes consentants ne peut pas s'appliquer à la prostitution. Le Code criminel du Canada énonce explicitement que le consentement n'est pas obtenu lorsqu'il y a « des menaces d'emploi de la force ou [...] la crainte de cet emploi envers le plaignant ou une autre personne » ou lorsque « l'accusé l'incite à l'activité par abus de confiance ou de pouvoir ».
Le consentement ne peut pas être acheté. L'acte même d'échanger de l'argent ou quelque chose de matériel en retour de services sexuels montre que les hommes usent de contrainte pour acheter des femmes.
Nous savons, en raison des expériences de vie des femmes qui nous appellent et qui vivent dans notre maison de transition, que la source des préjudices dans la prostitution, ce sont les hommes qui achètent et vendent des femmes, et nous appuyons donc l'idée de tenir ces hommes responsables de leurs actes et de les criminaliser. Nous trouvons encourageant que le gouvernement tienne compte du pouvoir qu'ont les annonceurs de l'industrie du sexe, et qu'il appuie leur criminalisation pour leurs comportements abusifs également.
Nous savons que la croissance de la traite des personnes est nourrie par la demande locale, ce qui fait augmenter la traite des femmes et des filles à la fois au pays et à l'échelle internationale. Nous convenons donc qu'il importe de dénoncer et d'interdire l'achat de services sexuels parce qu'il crée une demande de prostitution. La criminalisation directe de l'achat de services sexuels en tout lieu est positive. Elle envoie le message clair aux hommes qu'il n'est pas acceptable d'acheter des femmes au Canada, et elle est conforme à l'intention du gouvernement de réduire la demande. Nous trouvons qu'il convient de situer la nouvelle loi dans les crimes contre la personne prévus dans le Code criminel, parallèlement aux autres formes de violence et de trafic.
Nous saluons l'intention du gouvernement fédéral, qui souhaite encourager les personnes qui se livrent à la prostitution à signaler les cas de violence et à abandonner cette pratique, parce que nous savons que les problèmes comme la pauvreté, le racisme, les agressions sexuelles durant l'enfance et la toxicomanie affectent extraordinairement les femmes dans la prostitution à la fois avant d'y entrer et par après. Nous savons aussi que la plupart des femmes qui entrent dans la prostitution y arrivent à l'enfance et à l'adolescence.
Ce projet de loi contient des dispositions qui nous inquiètent énormément et qui ne nous semblent pas conformes à ce que l'intention déclarée du gouvernement dans le préambule était censée réaliser. La disposition voulant que les femmes qui communiquent avec quiconque dans un endroit public aux fins de la prostitution s'il est raisonnable de s'attendre à ce que des personnes âgées de moins de 18 ans se trouvent à cet endroit soient coupables d'une infraction n'est pas conforme à l'idée que la prostitution est une pratique qui cible, exploite et contraint extraordinairement les femmes vulnérables. Continuer de les criminaliser est donc contraire à l'objectif de les protéger.
Nous sommes désappointés de cette disposition particulière, qui ciblera les plus marginalisées, c'est-à-dire les femmes forcées de se prostituer dans l'espace public, qui sont principalement autochtones et très pauvres, et nous croyons qu'une loi qui criminalise les prostituées sera un dangereux pas en arrière au lieu de les protéger mieux de la violence masculine. Si la loi a pour intention de protéger les personnes exploitées, alors l'endroit où elles sont exploitées ne devrait pas déterminer si elles s'exposent à des sanctions pénales.
Puisque le VRRWS a fait valoir qu'il faut du financement public pour amoindrir l'appauvrissement des femmes et les aider à quitter la prostitution, nous sommes heureux que le projet de loi soit accompagné d'une initiative de dépenses de certains fonds fédéraux. Mais nous craignons que 20 millions de dollars ne suffisent pas à fournir aux femmes d'autres solutions que la prostitution. Pour que les femmes aient d'autres options que la prostitution pour joindre les deux bouts, il faut verser du financement et prêter attention aux conditions de vie actuelles des Canadiennes. En Colombie-Britannique et ailleurs au pays, les femmes ne gagnent pas assez pour subvenir à leurs besoins. Les femmes et les enfants que nous aidons et le nombre de femmes qui nous appellent chaque jour et chaque soir pour trouver refuge chez nous.
Les femmes ont besoin d'un revenu de subsistance garanti, d'options de logement adéquates, abordables et sûres et de services de garderie abordables; il faut créer également plus de lits de désintoxication et de centres de traitement uniquement pour les femmes, s'ajoutant au financement déjà attribué aux services de sortie pour celles qui sont déjà dans la prostitution. De plus, nous recommandons que le financement soit versé aux groupes de femmes qui offrent déjà des services de première ligne, et non aux services policiers.
Si le projet de loi est adopté, il pourrait établir un précédent au Canada en indiquant que l'achat et la vente des femmes et des filles par les hommes ne seront pas tolérés, et nous espérons que le gouvernement entendra et écoutera les voix des organisations féminines et des survivantes. Le VRRWS réclame fermement que la loi criminalise les proxénètes, les clients et les profiteurs pour leur violence envers les femmes, mais nous ne pouvons absolument pas être en faveur de la moindre criminalisation des femmes dans ce projet de loi. C'est pourquoi nous demandons au comité de la justice de modifier cet aspect du projet de loi. Tant que les hommes vont considérer les femmes comme des marchandises qui peuvent être achetées ou vendues, et que les femmes risqueront d'être pénalisées parce qu'elles se font exploiter, elles ne pourront pas participer pleinement à titre de membres égales de la société.
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Pendant les audiences et ailleurs, on a exprimé l'idée que la criminalisation des hommes — les clients, les acheteurs — pourrait compromettre encore plus la sécurité des femmes. Françoise, d'après ce que vous avez publié sur Twitter hier soir, j'ai peur que vous soyez de cet avis. Ceux qui avancent cette idée réclament une approche de réduction des méfaits au moyen de la décriminalisation complète ou de la légalisation de la prostitution. Je mets « réduction des méfaits » entre guillemets, parce que ces méthodes ne réduiront pas du tout les méfaits, bien au contraire.
On a dit que les femmes seront en sécurité si elles peuvent travailler à l'intérieur. Mes collègues de l'Asian Women Coalition Ending Prostitution ont parlé des hommes qui attaquent des femmes derrière des portes closes, en privé. Les hommes exercent leur contrôle sur les femmes en privé, loin des regards, et il est donc faux de présenter la prostitution à l'intérieur comme une mesure de sécurité. Cela protège les souteneurs et les clients, pas les femmes. On nous a dit qu'en criminalisant les clients, l'« évaluation » — entre guillemets, encore une fois — se fera à la sauvette. Les femmes ne pourront pas se servir de leur intuition pour déterminer si un client est dangereux ou non.
Nous rejetons l'idée de la privatisation de la sécurité des femmes et nous ne croyons pas que cela fonctionne dans la réalité. Nous savons d'après notre travail de première ligne qu'il est impossible de savoir qui est dangereux. On ne peut pas détecter un violeur, un pédophile ou un batteur de femme en se fiant sur son apparence ou ses manières.
Une défenseure des « travailleuses du sexe » — encore entre guillemets — nous a dit hier, pour nous rassurer, que les clients des prostituées sont des hommes ordinaires qui viennent de tous les milieux et qu'il ne faut pas en avoir peur. Voilà qui n'a rien de rassurant. Le violeur et le batteur de femme, le père qui viole sa fille et le patron qui harcèle son employée sont tous des hommes ordinaires qui viennent de tous les milieux. Ce sont souvent des professionnels instruits, comme quelqu'un l'a dit hier. Comme ma collègue l'a dit, les méfaits de la prostitution viennent des hommes. Il est donc illogique que, pour réduire les méfaits, nous donnions à ces mêmes hommes l'accès aux corps des femmes et l'emprise sur ceux-ci contre de l'argent.
Il en va de la prostitution comme du viol, de la violence conjugale, du harcèlement sexuel et de l'inceste: nous avons besoin de lois dissuasives qui vont tenir les hommes responsables de leurs attaques sexistes contre les femmes. Comme dans les autres cas de violence des hommes à l'endroit des femmes, nous nous attendons à ce que l'État canadien protège les femmes contre la violence des hommes.
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Bonjour. L'organisme Aboriginal Legal Services of Toronto remercie les membres du comité de l'avoir invité à faire une présentation sur ce projet de loi.
ALST, l'acronyme que nous utilisons, est une agence qui offre des services juridiques multiples à la communauté autochtone de Toronto. Nos clients sont des Autochtones ou des familles qui ont des intérêts autochtones. Notre principe directeur est que les Autochtones doivent être traités équitablement par le système de justice du Canada, avoir accès à des ressources juridiques et autres au sein du système de justice, et comprendre le système et les options qui s'offrent à eux. Le nom de notre organisme en langue anishinaabemowin est Gaa kina gwii waabamaa debwewin, c'est-à-dire « tous ceux qui recherchent la vérité ».
La Cour suprême du Canada nous a accordé le statut d'intervenant dans 15 affaires portant sur des problèmes systémiques touchant les peuples autochtones. Pour ce qui est de ce projet de loi, le rôle le plus notable d'ALST a été dans l'affaire R. c. Bedford, dans laquelle j'ai agi comme conseillère juridique.
ALST s'oppose à ce projet de loi en raison de l'extrême surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale, ainsi que de l'impact global de ce projet de loi sur les travailleurs et travailleuses du sexe autochtones, leur famille et les communautés.
Nous nous rallions à un certain nombre d'arguments avancés par POWER et Pivot dans leurs mémoires et par Lowman dans le document Tripping Point. Étant donné que nous nous rallions à ces points de vue et que mon temps est limité, je vais me concentrer sur deux éléments ce matin. Nous ne croyons pas que le projet de loi est conforme aux principes énoncés dans l'arrêt Gladue, ni qu'il est conforme à la Charte et à la jurisprudence.
Certains semblent croire que deux points de vue opposés et incompatibles ont été présentés au comité: d'une part, celui des travailleurs et travailleuses du sexe voulant que leur travail est légitime et leur donne du pouvoir et qu'ils le font de plein gré; d'autre part, celui qui veut que les travailleurs et travailleuses du sexe sont vulnérables, pauvres et toxicomanes et survivent de peine et de misère. D'après notre expérience de première ligne — pas seulement dans le système de justice du Canada, mais aussi dans la prestation de services juridiques aux communautés autochtones —, nous pouvons affirmer que ces deux points de vue peuvent être vrais.
Il peuvent être tous les deux vrais parce que les gens vivent des expériences différentes. Comme ma collègue et co-conseillère dans l'affaire Bedford, Emily Hill, me l'a fait remarquer, le comité devrait surtout se préoccuper des effets du projet de loi sur le second groupe, qui comprend, de l'avis général, un nombre disproportionné d'Autochtones.
ALST aimerait insister sur le fait que le gouvernement peut faire tout ce qu'il prévoit faire pour aider ceux et celles qui le souhaitent à sortir de la prostitution sans pour autant criminaliser les travailleurs et travailleuses du sexe. Ceux-ci ne devraient pas être criminalisés ou exposés à des dangers parce que la loi ne tient pas compte de leur vie, de leur liberté ou de leur sécurité.
Notre principale inquiétude quant à l'adoption de ce projet de loi a deux volets. Le premier concerne la surreprésentation des Autochtones et les principes de l'arrêt Gladue, et le deuxième concerne le droit des travailleurs et travailleuses du sexe à la sécurité.
Avant de commencer nos discussions sur ces deux points, nous tenons à préciser que les lois et les politiques ne sont pas insignifiantes. Les médias et certains témoins ont affirmé que ce ne sont pas les lois qui violent ou blessent certaines personnes. Cela étant, il ne faut pas traiter les lois et les politiques comme des choses insignifiantes. Historiquement, les lois canadiennes ont servi d'outils d'oppression ayant pour but l'assimilation des peuples autochtones. Les tentatives légales et politiques d'élimination des peuples autochtones par l'État ne sont pas négligeables. On peut dire que la façon dont les Autochtones sont traités dans les lois et les politiques ont nui aux déterminants de la santé et créé une foule de problèmes pour les Autochtones.
Voici un extrait du rapport de la commission Oppal, intitulé Forsaken:
L'impact de ces politiques colonialistes ne se dément pas; en effet, les autochtones continuent d'être surreprésentés dans presque tous les indicateurs de souffrance sociale et physique au Canada.
Les lois ne sont pas insignifiantes; elles visent des objectifs précis et elles ont des effets sur nous, tant positifs que négatifs.
Passons au premier volet. Je parlais de la surreprésentation des Autochtones. Dans sa forme actuelle, ce projet de loi va criminaliser les travailleurs et travailleuses du sexe au moyen de la disposition sur la communication. Tous les témoins semblent convenir du nombre disproportionné de femmes autochtones qui se livrent à la prostitution de rue ou à la prostitution dite « de survie ». L'extrême surreprésentation des femmes autochtones dans le système pénal et les dégâts causés par leur incarcération ou leur institutionnalisation s'applique également à leur famille et leur communauté. Les statistiques montrent que trois détenues sous responsabilité fédérale sur cinq sont autochtones.
Nous savons aussi que bon nombre de ces femmes autochtones ont commis de petites infractions qui s'accumulent avec le temps de sorte que, lorsqu'elles reviennent dans le système, elles reçoivent des peines de plus en plus graves. C'est connu. Bien des rapports sur les Autochtones en parlent.
Un élément dont on ne tient pas compte, puisque le préambule et bon nombre de présentations mettent l'accent sur les femmes seulement, c'est qu'il y a énormément d'hommes autochtones et de personnes transgenres chez les travailleurs du sexe. Il est important de comprendre que les femmes et les hommes autochtones sont surreprésentés dans la population carcérale. Leurs peines d'emprisonnement sont plus longues et durent habituellement jusqu'à la fin du mandat de détention, c'est-à-dire jusqu'à la fin de leur peine d'emprisonnement. Ils font l'objet de plus de discrimination pendant leur incarcération et ils sont plus susceptibles d'être incarcérés dans des établissements à sécurité élevée parce qu'ils sont Autochtones.
Ce sont les mêmes facteurs qui font que les services d'application de la loi et les policiers font du zèle dans certains quartiers où il y a des Autochtones. Ce sont les mêmes facteurs qui causent la discrimination dont parlent le rapport Oppal et d'autres, comme celui de la commission d'enquête sur le traitement des Autochtones dans le système judiciaire au Manitoba.
Service correctionnel Canada n'atteint pas les objectifs législatifs. Un nombre disproportionné de travailleurs et travailleuses du sexe qui se livrent à la prostitution de rue, y compris à la prostitution de survie, sont des Autochtones et seront criminalisés. Ceux qui se livrent à la prostitution de survie sont les plus vulnérables et les plus marginalisés des travailleurs et travailleuses du sexe, et ce sont ceux qui sont Autochtones qui subissent le plus de violence, sur le plan tant de la fréquence que de la gravité.
Nous avons présenté des mémoires au Sénat sur quelques projets de loi récents, comme le projet de loi omnibus, le , et, plus récemment, le projet de loi . Notre principale inquiétude est que l'adoption de ce projet de loi-ci fera reculer les principes établis à l'alinéa 718.2e) du Code criminel, dont sont issus les principes énoncés dans l'arrêt Gladue. Le recours de plus en plus fréquent aux peines minimales obligatoires nous préoccupe tout particulièrement, puisque cela signifie que les juges ont de moins en moins la possibilité d'imposer des peines appropriées et adaptées à la gravité de l'infraction.
Pour celles qui sont détenues dans le système carcéral, c'est-à-dire trois femmes autochtones sur cinq qui sont des détenues sous responsabilité fédérale... je vais reformuler cela. Trois détenues sous responsabilité fédérale sur cinq sont autochtones. La situation des femmes qui sont détenues dans le système carcéral est pire à leur sortie qu'à leur entrée. Nous le savons. Leur situation est rarement meilleure et souvent bien pire: elles se retrouvent membres de gangs et ont des problèmes de toxicomanie qu'elles n'avaient pas avant, et sont remises en liberté sans programme approprié. Dans l'arrêt Gladue, la Cour suprême du Canada a déclaré:
Il est évident que des pratiques innovatrices dans la détermination de la peine ne peuvent à elles seules faire disparaître les causes de la criminalité autochtone et le problème plus large de l’aliénation des autochtones par rapport au système de justice pénale.
Lundi, le a répondu à une question d'un membre du comité sur ce sujet. Il a dit que le projet de loi est conforme aux principes de l'arrêt Gladue, et que toutes les lois doivent être conformes. Nous ne sommes pas de son avis. Le projet de loi ne tient pas compte de l'impact démesuré qu'il aura sur la surreprésentation des Autochtones si la disposition sur la communication, qui criminalisera les travailleurs et travailleuses du sexe, continue d'y figurer.
D'après ce que nous savons, les peines d'emprisonnement graduelles ne dissuadent pas les délinquants autochtones, y compris ceux qui travaillent dans l'industrie du sexe. Le projet de loi dans sa forme actuelle, et la loi telle qu'elle était avant que l'affaire Bedford ne la remette en question, ne font rien pour dissuader les vendeurs de services sexuels. On peut présumer que la criminalisation d'un certain segment de l'industrie va causer ce qui s'est passé à Vancouver, dans le quartier Downtown Eastside, où beaucoup de prostituées, surtout des Autochtones, ont été forcées de travailler dans les coins les plus sombres. C'est ce qu'avancent POWER et Pivot dans leurs mémoires, et nous sommes du même avis qu'eux.
Dans l'affaire Bedford, notre intervention consistait à examiner la constitutionnalité de l'article 213 du Code criminel. Nous étions d'avis que la disposition sur la communication violait les articles 2 et 7 de la Charte, et que ces violations n'étaient pas couvertes par la protection accordée par l'article 1 de la Charte. Nous croyons également que l'État a une incidence énorme sur la privation des travailleurs et travailleuses du sexe de leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, et que les lois adoptées par le gouvernement — qui ne sont pas insignifiantes, comme on l'a dit — limitent les possibilités déjà peu nombreuses de ceux qui se livrent à la prostitution de survie.
Une des choses que nous avons apprises de l'affaire Bedford, et nous en avons entendu parler, est la disproportion totale. C'est là-dessus que je vais me concentrer étant donné que mon temps est limité. On parle dans l'arrêt Bedford de la disproportion totale entre la gravité de l'infraction et les objectifs visés par la législation.
L'objectif était de protéger les quartiers des méfaits causés par la prostitution de rue. C'est ce que l'affaire Bedford a permis d'établir. La cour a dit qu'elle devait mettre en balance les méfaits auxquels s'exposent les quartiers et ceux auxquels s'exposent les travailleurs et travailleuses du sexe.
Nous étions alors d'avis que les inconvénients et les malaises vécus par les habitants des quartiers n'atteignaient pas la gravité de la violence, des agressions sexuelles, voire même des risques de décès auxquels s'exposent les prostituées. Franchement, nous ne voyons pas de différence entre ce que propose le projet de loi et les dispositions de la loi qui ont été invalidées pour ce qui est de la disproportion totale.
Jouer sur les mots pour dire que c'est une question de sécurité et non de nuisance ne suffit pas. Ce n'est pas là-dessus que les tribunaux se fondent pour déterminer la constitutionnalité des droits garantis par la Charte: ils tiennent toujours compte de la sécurité de la personne à risque.
En terminant, je cite la juge en chef McLaughlin au paragraphe 121 de l'arrêt Bedford:
L’analyse de la disproportion totale au regard de l’art. 7 de la Charte ne tient pas compte des avantages de la loi pour la société. Elle met en balance l’effet préjudiciable sur l’intéressé avec l’objet de la loi, et non avec l’avantage que la société peut retirer de la loi.
Nous sommes d'avis que la portée n'a pas été réduite tant que cela. Le comité devrait se demander si l'objet de la loi a véritablement changé, ou si on ne fait que jouer sur les mots.
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Bonjour. Je remercie les membres du comité de me permettre de parler du projet de loi , qui aura une incidence sur les personnes qui se livrent à la prostitution, leurs enfants et les générations à venir.
Je parle au nom du conseil d'administration de u-r home et à titre d'agente de la GRC à la retraite. u-r home est une organisation communautaire d'affiliation religieuse enregistrée en Ontario comme organisme à but non lucratif.
u-r home a été fondée pour répondre au manque de logements sûrs pour les personnes qui choisissent de se sortir d'une situation d'exploitation. L'importance d'avoir un endroit sûr où vivre a été soulignée par des policiers, des agences communautaires, des intervenants en service social de première ligne, des survivants de l'exploitation sexuelle et des travailleurs et travailleuses du sexe comme un élément clé pouvant les aider à se sortir de leur situation d'exploitation.
L'objectif de u-r home est de créer des refuges sûrs et d'offrir des services de soutien pour les victimes de la traite des personnes, y compris l'exploitation sexuelle, le travail forcé et le mariage forcé. Nous bâtissons des relations de mentorat et d'appui avec des femmes victimes de traite des personnes et de prostitution forcée dans leur cheminement de rétablissement, afin de les aider à comprendre leur dignité intrinsèque et leur valeur en tant que membres de la société. Nous croyons que tous les Canadiens ont le droit de vivre dans la dignité, l'égalité et le respect et d'être à l'abri de l'oppression. Nous ne souscrivons pas à l'idée que la prostitution est une solution acceptable pour les femmes, les enfants et les hommes qui sont amenés dans cette voie par le racisme, la pauvreté, l'absence de débouchés, les mauvais traitements subis pendant l'enfance ou les inégalités.
Nous considérons la prostitution comme une forme d'exploitation sexuelle et travaillons à son abolition. Dans la majorité des cas, la prostitution et la traite des personnes vont de pair, entraînant l'exploitation sexuelle forcée. Le projet Safekeeping, un rapport de la GRC, établit que la majorité des proxénètes emploient des méthodes de contrôle qui font d'eux des coupables de traite des personnes au sens du Code criminel.
La prostitution n'est pas un crime sans victimes. Elle consume les personnes les plus vulnérables et marginalisées de notre société. Nous sommes conscients que les femmes, surtout les Autochtones, sont surreprésentées dans le monde de la prostitution. Nous croyons que les prostituées sont traitées par les clients et les proxénètes comme de la marchandise de peu de valeur et que le cycle de la violence est inhérent à la prostitution.
u-r home félicite le gouvernement pour son excellent travail dans l'élaboration du projet de loi pour appuyer les personnes prostituées. Le gouvernement adopte une approche proactive en évitant de criminaliser les prostituées, qui sont des victimes de la violence des clients et des proxénètes. Toutefois, il ne va pas jusqu'à les décriminaliser totalement. Je ne connais aucune disposition du Code criminel qui criminalise la victime. J'invite tous les membres du comité, pendant leur étude du projet de loi , à amender ou à supprimer la disposition qui criminalise les victimes de la prostitution.
En ce qui a trait à l'achat de services sexuels, la nouvelle infraction empêcherait tout achat ou toute tentative d'achat de services sexuels. Dans un article intitulé Mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles, ONU Femmes encourage les rédacteurs de lois sur le trafic sexuel à inclure des peines au criminel pour l'achat de services sexuels afin de réduire la demande pour la vente de femmes et de filles à des fins sexuelles, et à faire en sorte que ces peines soient assez sévères pour dissuader les récidivistes. Nous croyons que le même raisonnement s'applique à la rédaction de nos lois sur la prostitution.
La prostitution repose sur le principe économique de l'offre et de la demande. S'il n'y a pas de demande de la part des hommes pour des services sexuels, la prostitution ne sera pas une industrie florissante. Une étude portant sur les adultes canadiens qui achètent des services sexuels explique que les acheteurs tentent consciemment de dissimuler leurs achats de services sexuels et ressentent une certaine inquiétude ou anxiété à l'idée d'être exposés comme acheteurs de tels services. Cette étude indique en outre que les acheteurs ont déjà eu peur de se faire arrêter pour avoir communiqué en public dans le but d'acheter des services sexuels.
Les policiers et les organismes de première ligne constatent que des filles de plus en plus jeunes sont forcées de se prostituer. Pourquoi? Parce que les clients exigent des filles jeunes. Ils veulent avoir des relations sexuelles avec de jeunes vierges, et les proxénètes répondent donc à la demande en recrutant de jeunes filles vulnérables, souvent dans des foyers de groupe. Nous appuyons le message clair voulant qu'il sera inacceptable au Canada d'acheter le corps d'un autre être humain pour sa propre gratification sexuelle. Si le projet de loi est adopté, l'achat de services sexuels deviendra illégal pour la première fois dans l'histoire du Canada.
La recherche du profit, la cupidité et la soif de pouvoir, voilà ce qui motive les proxénètes, ceux qui font la traite des personnes, le crime organisé, les gangs et les entreprises qui obligent des femmes, des hommes et des jeunes gens à se prostituer et prennent part à ce genre d'activités criminelles. Des travaux de recherche montrent que la prostitution d'une seule femme peut représenter un profit quotidien supérieur à 1 000 $ et un revenu annuel de 280 000 $, libre d’impôts. Le trafiquant de drogue qui vend un kilogramme de cocaïne en tire un bénéfice une seule fois, mais le proxénète, lui, vend les services d'une prostituée durant sept ans en moyenne, ce qui peut se traduire par des millions de dollars de profit.
Sévir contre l'achat de services sexuels n'est qu'un moyen parmi d'autres de décourager l'exploitation. Saisir, retenir et confisquer les produits de la criminalité — de quiconque en profite — est un autre outil efficace que les policiers peuvent utiliser pour réduire l'exploitation sexuelle de personnes vulnérables. La confiscation des biens et des richesses obtenues illégalement prive de leurs revenus ceux qui profitent de ces activités.
Selon nous, la publicité visant la vente de services sexuels, que ce soit en ligne ou dans les médias imprimés, qui montre des images de femmes dans des positions sexuelles et dégradantes renforce la représentation de la femme en tant qu’objet sexuel. On dit que les femmes qui grandissent dans une culture où la représentation de la femme en tant qu’objet sexuel est très répandue se considèrent généralement elles-mêmes comme des objets de désir pour les autres. Cette représentation intériorisée est liée à des problèmes de santé mentale, à des épisodes de dépression majeure, à la surveillance constante de son corps, à des troubles alimentaires, à la honte de son corps ainsi qu'à des problèmes d’estime de soi et de satisfaction dans la vie, de fonctionnement cognitif et moteur et de dysfonction sexuelle. Une étude de Hatton en 2011 a conclu que les représentations sexualisées des femmes sont reconnues pour légitimer ou exacerber la violence contre les femmes et les filles de même que le harcèlement sexuel et les comportements misogynes chez les hommes et les garçons.
Dans le projet de loi, le gouvernement propose un cadre juridique relativement aux infractions se rattachant à l'offre, à la prestation ou à l'obtention de services sexuels moyennant rétribution, cadre qui fait fond sur sa vision des prostitués comme étant des victimes, des personnes vulnérables ayant besoin de soutien et de soins. À notre avis, il est inconséquent d'établir de nouvelles dispositions législatives en vertu desquelles les prostitués sont considérés comme des victimes dans certaines situations, mais pas toutes.
Nous nous opposons aux infractions décrites dans les modifications proposées à l'article 213, car elles auront pour effet de criminaliser les personnes marginalisées les plus vulnérables de la société, celles qui se livrent à la prostitution de rue et dont la majorité sont des femmes. Celles-ci, qui sont pauvres, souvent sans abri et toxicomanes, qui ont de graves problèmes de santé et qui souffrent de stress post-traumatique, ont besoin de soutien et de soins. Elles n'ont pas besoin d'être victimisées de nouveau. Nous ne croyons pas que l’application de ces infractions diminuera la violence inhérente à la prostitution, mais qu'elle forcera plutôt les prostitués de rue à faire des choix qui risquent de compromettre leur sécurité.
Des rapports de recherche et des déclarations de prostituées soutiennent les constatations selon lesquelles ces femmes subissent de nombreuses formes de violence. Cette violence est infligée par les consommateurs et les gens qui exploitent ces prostituées pour en tirer profit, et non par les forces de l'ordre. La police de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, a affirmé avoir affaire au moins une fois par mois, sinon plus, à une fille de l'industrie du sexe qui est victime de violence. Il est essentiel que la loi impute la responsabilité de la violence inhérente à la prostitution et de l'exploitation de victimes vulnérables aux bonnes personnes, c'est-à-dire les proxénètes et ceux qui achètent des services sexuels.
Continuer à pénaliser les personnes vulnérables en les exposant à des condamnations au criminel ne fait qu'ériger de nouveaux obstacles qui les empêchent d'abandonner la prostitution. Les déclarations de culpabilité privent déjà ces jeunes femmes de perspectives d'emploi et de la possibilité de faire des études collégiales, car de nombreux programmes d'enseignement coopératif exigent une vérification de sûreté effectuée par la police. À notre avis, les gens qui se prostituent ne le font pas par choix. Il n'y a pas d'intention criminelle.
Je sais que les 20 millions de dollars ne font pas partie du projet de loi , mais j'aimerais formuler quelques observations au sujet du financement proposé.
Nous reconnaissons l'importance d'une campagne de sensibilisation de la population et de mesures de formation des policiers quant à l'application des nouvelles dispositions législatives, mais ces initiatives devraient faire l'objet d'un financement distinct. Il est impératif de former les agents de police afin d'assurer une application uniforme de la loi au pays, ce qui n'est pas le cas actuellement. En effet, certains services de police voient les prostitués comme des victimes qu'il faut sauver de leurs clients et de leurs souteneurs, et ils fondent leurs interventions en conséquence. D'autres services de police traitent les prostitués comme des criminels. La loi est donc appliquée très inéquitablement.
Nous sommes favorables à cet investissement de 20 millions de dollars d'argent frais. Toutefois, à l'instar d'autres intervenants, nous exhortons le gouvernement à prévoir un financement durable à long terme pour l'élaboration de stratégies et de programmes efficaces pour aider les gens à se sortir de la prostitution.
Les survivants ont déclaré et ont montré que quitter le milieu de la prostitution est un processus difficile. Bon nombre d’obstacles sociaux constituant des facteurs pouvant mener à la prostitution, comme la pauvreté, le logement, les problèmes de santé, le manque de perspectives d'avenir, la violence, la toxicomanie et la nécessité de survivre, peuvent entraver l'abandon de la prostitution. Pour beaucoup de gens, quitter ce monde ne se fait pas d'un seul coup; ils en sortent et y retournent à quelques reprises avant de réussir à surmonter les obstacles qui les maintiennent dans la prostitution.
Il est essentiel que les survivants et les prostitués participent à l'élaboration des stratégies et des programmes d'abandon de la prostitution. Un grand nombre de survivants ont souligné l'importance de tisser des liens avec quelques travailleurs de confiance. D'où la nécessité de fournir les ressources et les fonds voulus pour que les organisations qui offrent du soutien et des services aux victimes d'exploitation sexuelle puissent garder leurs employés.
Que vous amendiez ou non le projet de loi conformément à ce qui a été suggéré, notre organisation appuierait la mesure législative dans sa forme actuelle. Nous continuerions à prôner la décriminalisation complète des personnes qui se prostituent.
Permettez-moi de conclure en citant les propos de mon amie Beatrice Wallace Littlechief, qui a commencé à se prostituer alors qu'elle était enfant et qui a quitté le milieu de la prostitution des années plus tard, transformée à jamais:
À 14 ans, j'ai été forcée de vendre mon corps à un homme blanc d'âge moyen qui m'a dit, me voyant pleurer, qu'il irait doucement, puis qui a eu une relation sexuelle avec moi. Je craignais pour ma vie si je n'allais pas jusqu'au bout. J'étais seule et apeurée et j'aurais souhaité que quelqu'un soit là pour m'aider. Cet homme se disait que c'était acceptable de faire ce qu'il m'a fait; aux yeux de la société en général, c'était moi qui étais à blâmer.
La rue a fini par m'endurcir et la mort m'a épargnée. Je repense à cette époque, que je compare à aujourd'hui. L'entrée en vigueur du projet de loi C-36 me remplit de joie et d'espoir à l'idée qu'il puisse éviter à tant de jeunes filles, en particulier des Autochtones comme moi, de servir d'esclaves sexuelles. Vulnérables, les victimes sont laissées à elles-mêmes face aux maquereaux et au diable qui rôde, prêt à les attraper pour les manger toutes crues. Grâce au projet de loi, des mesures de protection et des stratégies pour se sortir de la prostitution seront en place pour aider les jeunes filles et les femmes prises au piège.
Ceux qui s'imaginent que la prostitution est un métier qu'on exerce par choix se leurrent. Si votre enfant de 14 ans vous disait qu'il s'est déniché un emploi comme prostitué, vous ne sauteriez pas de joie.
Je remercie personnellement le gouvernement de prendre des mesures et de considérer que les gens qui ont connu le même sort que moi sont des êtres humains, à l'égal des autres, qui méritent protection. J'ai quitté la prostitution depuis longtemps, mais j'en porte encore les cicatrices et elles ne disparaîtront jamais, mais je vois que, enfin, il y a de l'espoir.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous et à toutes d'être ici parmi nous ce matin.
Je tiens à rappeler que le titre du projet de loi est le suivant: Loi modifiant le Code criminel pour donner suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Procureur général du Canada c. Bedford et apportant des modifications à d'autres lois en conséquence.
C'est le rôle du comité de s'assurer qu'à la suite de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Bedford, le projet de loi C-36 ne reviendra pas ultérieurement devant la cour et que tout le travail qu'on accomplit actuellement ne sera pas à refaire. Malgré tout, le ministre croit que ce projet de loi retournera devant la cour, ce qui me déçoit considérablement. Cela voudrait dire que, pendant des années, il y aura beaucoup d'insécurité, de questionnements et de divisions.
En tant qu'avocate, j'essaie de mettre en avant les dispositions les plus claires possible et les plus représentatives de ce que l'on cherche à faire. Mon expression préférée est la suivante:
[Traduction]
Il faut joindre le geste à la parole.
[Français]
Je soulèverais quelques petites questions à la cantonade. Je demanderais à tout le monde d'y répondre assez rapidement.
Croyez-vous que les cas de prostitution où la femme est le client sont aussi un acte de violence?
[Traduction]
Je m'adresse à tout le monde. Peut-être que les gens pourraient répondre dans l'ordre où ils ont témoigné.
:
C'est cohérent. Je voulais simplement m'assurer qu'il y avait une suite logique à tout ça.
[Traduction]
Madame Pond, je suis heureuse que vous ayez mentionné la nécessité de former les policiers. Notre comité a entendu beaucoup d'histoires, des histoires déchirantes de jeunes gens entraînés dans la prostitution par des organisations criminelles liées à des gangs, ce qui se rapproche de la traite des personnes, une infraction qui figure déjà dans le Code criminel.
Je n'ai pu m'empêcher de penser à quel point ces gens se sentent désespérés. Même la police est un peu désespérée.
Beaucoup de témoins ont fait le rapprochement avec la violence conjugale. Lorsque vous avez parlé de formation, je me suis rappelé qu'il fut un temps où il ne se passait rien, sur le plan pénal, en matière de violence conjugale. Aujourd'hui, de plus en plus de cas sont signalés et nous luttons contre le problème. Pour ce faire, nous n'avons pas créé de nouvelle infraction, car il en existait déjà. Il s'agissait de fournir les outils nécessaires, la formation, l'information pour faire comprendre que la violence conjugale est inacceptable.
Avant, la police arrivait chez les gens et disait: « Oh, c'est une affaire conjugale. Ça ne concerne que les deux époux. » Et elle s'en allait. Eh bien, nous avons éliminé ce comportement. Les tribunaux ont modifié leur comportement, leur approche des témoins dans ces situations-là. On a ajouté un article au Code criminel, mais comme facteur aggravant. Si une personne frappe son conjoint, il s'agit d'un facteur aggravant relativement à l'infraction d'agression.
Je suis donc très contente que vous ayez souligné l'importance de former les policiers et de les outiller pour s'attaquer à ce que beaucoup de gens décrivent comme le coeur du problème, soit la traite des personnes et l'exploitation.
J'en arrive à ma question au sujet de l'arrêt Bedford. La juge McLachlin est d'avis que la prostitution est une activité très dangereuse. Je serais surprise que qui que ce soit dise le contraire. C'est une activité très dangereuse. Même si la personne qui s'y livre y consent d'une certaine manière, cela demeure dangereux. C'est à cet aspect que la cour s'est intéressée.
Madame Big Canoe, vous avez insisté sur l'importance d'avoir une loi qui tient compte des arguments du tribunal dans l'affaire Bedford.
Je réfléchis énormément à la question et je me demande si nous aurions pu mieux définir la notion d'exploitation, pour la rendre acceptable dans le contexte de l'arrêt Bedford, en plus de criminaliser l'achat de services sexuels fournis par une personne victime de traite. Croyez-vous que cela aurait...
:
Pour répondre à votre question, l'article 279.01, dont vous parliez, est une disposition qui permet d'intenter des poursuites contre les responsables de la traite des personnes. Chose intéressante, quand nous avons effectué des recherches à ce sujet pour comprendre les différences... parce que de nombreux témoins parlent de l'interdépendance. Ce dont nous n'entendons pas parler, ce sont des différences très nettes qui existent entre la traite de personnes et le travail du sexe.
En gros, quand on s'intéresse aux chiffres, on constate qu'il n'y a pas un grand nombre de personnes qui sont condamnées pour traite des personnes. La question que je posais plus tôt c'est: pourquoi la loi qui existe déjà n'est-elle pas mise en application ni utilisée? Souvent, dans les articles universitaires sur le sujet, on parle des difficultés qu'éprouvent les organismes d'application de loi à établir les faits, parce que la traite est difficile à cerner et ainsi de suite. Je demandais donc au comité de quelle façon les dispositions qui sont proposées maintenant allaient changer cela. De plus, que peut-on faire pour changer cela, si cela n'a pas déjà été fait?
Quant à l'exploitation sexuelle, l'une des choses que l'arrêt Bedford a définies sont les éléments qui caractérisent, ou non, l'exploitation sexuelle, mais cela n'est pas suffisant. Plus tôt, votre collègue a demandé, à ce sujet, s'il ne serait pas préférable de définir cela. L'exploitation est déjà définie dans la loi et dans le droit international. Je ne pense pas que, lors de l'élaboration du projet de loi proposé, on ait suffisamment examiné cette question pour comprendre et établir les différences avec le travail du sexe. L'arrêt Bedford visait le travail du sexe, pas la traite des personnes. Au Canada, il existe des lois qui visent la traite des personnes et qui ne sont pas utilisées correctement. Peut-être qu'il serait utile d'examiner ces lois.
Qu'est-ce que l'exploitation et comment la définit-on? Il y a des relations qui contribuent... Par exemple, une municipalité accorde des permis à des salons de massage qui exercent leurs activités sur son territoire. Est-ce que cette municipalité vit des produits de la prostitution? Sera-t-elle visée par une des exceptions à cette nouvelle loi? S'agit-il d'exploitation? Est-ce que la municipalité gagne de l'argent? Profite-t-elle des personnes ou les transforme-t-elle en marchandises comme le disaient les membres du comité? Il y a une grande différence entre l'exploitation par nature et l'exploitation sexuelle.
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Monsieur le président, j'aimerais répondre aux questions de la députée. Ce sont de très bonnes questions et je vous remercie de les avoir posées.
Oui, nous représentons uniquement des clients autochtones. Certains de nos clients sont des travailleuses du sexe. Est-ce que nous tenons des statistiques à ce sujet? Non, parce que nous accueillons nos clients là où ils en sont dans leur vie. Nous leur permettons de s'identifier eux-mêmes. Pour pouvoir établir des liens avec nos clients là où ils en sont, surtout dans le contexte d'une relation avocat-client, nous devons les laisser venir à nous comme ils sont et définir eux-mêmes qui ils sont.
Le fait que j'emploie l'expression « travailleuse du sexe » repose sans doute sur le genre de clients que nous représentons dans le cadre de notre travail. En fait, nous représentons de nombreuses victimes devant la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels de même qu'un certain nombre de victimes de violence conjugale. En tant qu'Autochtones, nous constatons que les policiers n'interviennent toujours pas pour la cause des femmes autochtones dans les cas de violence conjugale et, souvent, un genre de processus de défense des victimes a lieu.
Donc, pour faire écho aux propos de la présidente de l'Association des femmes autochtones, oui, nous accompagnons nos clients. Je suis membre des Premières Nations. Je viens d'une communauté autochtone. Je travaille principalement avec du personnel autochtone, et nos clients sont Autochtones. Nous comprenons. Notre perception repose cependant sur des éléments différents. En tant que présidente de l'organisation nationale, elle a sûrement l'occasion de voir différentes régions du pays. Mon point de vue repose pour sa part sur les clients que je représente, qui ne proviennent pas seulement de Toronto. Nous menons des enquêtes à l'échelle de la province et ailleurs au pays. Ce point de vue représente une réalité. Ce qui est réellement important, c'est de respecter cette diversité et ces opinions variées.
Je n'ai pas non plus la prétention de représenter la totalité des personnes autochtones. Aboriginal Legal Services est cependant reconnu comme un allié des travailleuses du sexe, et nous utilisons cette expression — nous choisissons de l'utiliser — parce que nous acceptons toujours nos clients comme ils se présentent à nous.