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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 017 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 27 mars 2014

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Je tiens à remercier tous ceux qui sont ici. C'est la 17e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 21 octobre 2013, nous procédons ce matin à l'examen prévu par la loi de la partie XVII du Code criminel.
    Nous recevons notre commissaire, M. Graham Fraser, du Commissariat aux langues officielles; il est accompagné par Mme Tremblay, directrice et avocate générale de la Direction générale des affaires juridiques.
    Monsieur Fraser, vous avez la parole. Vous disposez d'environ 10 minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président, vous et les honorables membres du comité.
     Bonjour. Good morning.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de mes observations dans le cadre de l'étude qu'effectue actuellement le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la partie XVII du Code criminel et de la mise en oeuvre des modifications apportées aux articles 530 et 530.1 du Code criminel en 2008.
    Le Commissariat aux langues officielles suit avec intérêt l'évolution de ces dispositions depuis 1995.

[Français]

    Comme les membres de ce comité le savent, j'ai publié en août 2013 une étude intitulée « L'accès à la justice dans les deux langues officielles: Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures ». C'est une étude que j'ai entreprise en collaboration avec la commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick et le commissaire aux services en français de l'Ontario. Cette étude nous a permis de constater que le processus de nomination des juges ne permettait pas de garantir la nomination d'un nombre approprié de juges bilingues au sein des cours supérieures et des cours d'appel du pays.
     En conséquence, malgré les dispositions du Code criminel consacrant le droit des Canadiens d'être entendus dans la langue de leur choix dans les instances criminelles, ce droit demeure encore précaire.

[Traduction]

    Notre conclusion est fondée sur trois constatations clés.
    Premièrement, il n'y a pas d'analyse objective des besoins qui concerne les juges bilingues dans les différents districts et régions du pays.
    Deuxièmement, il n'y a pas d'approche concertée de la part du ministère fédéral de la Justice, de ses homologues provinciaux et territoriaux et des juges en chef des Cours supérieures afin d'établir un processus de nomination d'un nombre approprié de juges bilingues.
    Finalement, l'évaluation des candidats à la magistrature supérieure ne permet pas de vérifier de façon objective les compétences linguistiques des candidats. En effet, les candidats à la magistrature fédérale peuvent déclarer dans leur formulaire de candidature qu'ils sont capables de présider des procès dans les deux langues officielles, mais cette affirmation n'est pas vérifiée de façon objective. Tout au plus, le comité qui analyse les candidatures pourra effectuer certaines consultations auprès des personnes données en référence. Cependant, le candidat ne sera jamais rencontré en entrevue, et encore moins évalué au moyen d'un examen objectif des compétences linguistiques, comme c'est le cas, par exemple, pour les employés de la fonction publique.
    Il n'est donc pas surprenant que, comme un certain nombre des répondants interrogés dans le cadre de notre étude, les plaideurs qui parlent la langue officielle de la minorité sont bien souvent obligés d'être entendus dans la langue de la majorité, car dans le cas contraire, ils risquent d'avoir à assumer des coûts et à subir des retards supplémentaires s'ils persistent à exercer leurs droits.

[Français]

    À la lumière de ces constats, j'ai formulé plusieurs recommandations visant principalement le ministre de la Justice du Canada. Je recommande notamment au ministre d'établir, de concert avec le procureur général et les juges en chef des cours supérieures de chaque province et territoire, un protocole d'entente visant à adopter une définition commune du niveau de compétence linguistique requis de la part des juges bilingues et à définir le nombre approprié de juges ou de postes désignés bilingues.
     Je recommande également la mise sur pied d'un processus visant à évaluer de façon objective les compétences linguistiques de tous les candidats qui ont précisé leur niveau de capacité linguistique dans leur fiche de candidature.
(1105)

[Traduction]

    Le 22 février 2014, l'Association du Barreau canadien a adopté à l'unanimité une résolution appuyant notre étude et exhortant le ministre de la Justice à mettre en oeuvre nos recommandations. Il est important de préciser que le but de notre étude n'était pas de déterminer s'il existe une pénurie de juges bilingues. L'objectif de l'étude était plutôt d'analyser dans quelle mesure le processus de nomination garantit une capacité bilingue suffisante au sein des cours supérieures du pays.
     Je crois cependant que la mise en oeuvre de nos recommandations constitue la meilleure façon de consolider un bassin de juges bilingues dans les cours supérieures du pays. De plus, notre étude touche uniquement les cours supérieures, lesquelles entendent les causes criminelles les plus graves et sont également utilisées dans les procès avec jury. L'étude ne vise pas les cours provinciales.

[Français]

    Concernant le nombre de juges bilingues au pays, j'aimerais faire quelques remarques supplémentaires. Lors de leur comparution devant vous, certains témoins ont affirmé qu'il y avait suffisamment de juges bilingues dans les cours du pays. Je ne peux pas parler du nombre de juges bilingues au sein des cours provinciales, mais pour ce qui est des juges des cours supérieures, il est actuellement impossible de déterminer si le nombre de juges bilingues dans les cours supérieures est suffisant, et ce, pour deux raisons principales.
    Tout d'abord, pour affirmer qu'il y a suffisamment de juges bilingues, il faut s'être assuré que le nombre de juges bilingues permet de répondre aux besoins des membres des communautés de langue minoritaire en matière d'accès à la justice dans les deux langues officielles. Or, comme je l'ai mentionné plus tôt, aucune analyse objective de ces besoins n'est effectuée à aucun moment du processus de nomination des juges des cours supérieures. Le ministre de la Justice du Canada consulte des juges en chef avant de procéder à la nomination d'un juge dans les cours supérieures et les besoins en matière de juges bilingues peuvent parfois être discutés dans le cadre de ces consultations.
     Comme le processus de consultations est entièrement informel, on ne sait pas sur quoi se basent les juges en chef lorsqu'ils communiquent leurs besoins en matière de juges bilingues. On peut faire l'hypothèse, cependant, que les juges en chef se basent en partie sur la demande de procès dans la langue officielle de la minorité qui a eu lieu au cours des années précédentes. Or, comme le révèlent plusieurs témoignages de notre étude, ce nombre est forcément inférieur aux besoins réels, car les justiciables rencontrent plusieurs obstacles lorsqu'ils exercent leurs droits linguistiques devant les tribunaux.
    Mentionnons, entre autres, les délais et les coûts additionnels souvent occasionnés par la demande de procès dans la langue de la minorité ainsi que le manque de connaissances des droits linguistiques de la part des justiciables et de plusieurs intervenants du système judiciaire. Ces obstacles font en sorte que les Canadiens procèdent souvent dans la langue de la majorité malgré leur droit à utiliser la langue de la minorité.

[Traduction]

    Nommer des juges bilingues en fonction uniquement de la demande contribue à cette situation et crée un cercle vicieux qui nuit à la préservation et au développement des communautés de langues officielles. C'est la raison pour laquelle je recommande qu'il soit procédé à une évaluation objective des besoins sur le plan de l'accès à la justice dans les deux langues officielles qui tienne compte de l'opinion des associations de juristes de common law francophones et des milieux juridiques de langue minoritaire.
    Deuxièmement, pour pouvoir affirmer qu'il existe suffisamment de juges bilingues, il faut être certain que les compétences linguistiques des candidats à la magistrature des cours supérieures sont évaluées de façon objective. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Comme je le disais plus tôt, les candidats à la magistrature ne subissent aucun examen ou entrevue concernant leur capacité linguistique. Il est donc impossible de savoir quels sont les juges qui possèdent un niveau de bilinguisme suffisant. En fait, il n'existe pas de définition ni de critères objectifs permettant de déterminer ce qu'est un juge bilingue.
     Pour tous ces motifs, mes homologues et moi-même avons pressé le ministre de la Justice de faire preuve de célérité et d'esprit de collaboration dans la mise en oeuvre de ces recommandations. Les conséquences de l'inaction sont bien réelles pour les citoyens aux prises avec l'appareil judiciaire et qui n'ont pas de garantie de pouvoir être entendus dans la langue officielle de leur choix. La pleine mise en oeuvre de ces recommandations est cruciale afin d'assurer le respect des droits garantis à la partie XVII du Code criminel.
(1110)

[Français]

    J'espère que mes commentaires seront utiles pour la poursuite de votre étude.
    Monsieur le président, membres distingués du comité, je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Merci, monsieur le Commissaire, pour ces remarques préliminaires.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Notre première intervenante est Mme Boivin, du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Fraser, madame Tremblay, je vous remercie d'être présents parmi nous ce matin.
    Vous avez entrepris toute une étude qui, je crois, allait un peu au-delà du mandat du comité puisque celui-ci est d'étudier la Partie XVII du Code criminel.
    À cet égard, si on ne parlait pas des droits établis dans la Partie XVII du Code criminel, s'il n'y avait pas de juge bilingues, par exemple, ou si on n'informait pas correctement l'accusé, cela pourrait même conduire à des acquittements puisque celui-ci n'aurait pas eu droit à un procès juste. Est-ce exact?
    À mon avis, l'important est que tout accusé soit bien informé de ses droits au premier moment qui s'avère approprié au cours du processus.
     Par contre, même quand cela se fait, les entrevues de notre étude ont révélé que, parfois, les avocats font des recommandations à leur client, et ce, malgré leur code de déontologie qui recommande le contraire. Ils leur indiquent de privilégier des choix basés sur l'efficacité ou l'évaluation de l'avocat. Je pense que vous avez entendu le témoignage de Me Doyle à cet égard. L'accusé veut que le processus soit rapide et en sa faveur. Cela pourrait donc influencer le choix de l'accusé.
    Personne n'y verrait de problème, si c'était un choix éclairé et réel. Si une personne, pour des raisons liées à la compétence, fait un tel choix, je n'y vois pas de problème.
    Vous avez dit « à la première occasion ». La partie XVII ne couvre que le procès et l'enquête préliminaire. On a souvent posé la question, mais j'aimerais connaître votre réponse là-dessus à titre de commissaire aux langues officielles. Cette partie devrait-elle aussi couvrir la première comparution, puisque c'est souvent à ce moment-là qu'on fait le plaidoyer, qu'on divulgue la preuve et qu'on discute de la remise en liberté, entre autres choses? Est-ce que la partie XVII devrait aller plus loin?
    Personnellement, je pense que oui. Il serait aussi utile que le juge ait cette obligation parce que, quand cela vient du juge, cela a plus de poids. Je vais demander à Me Tremblay de faire des commentaires à ce sujet.
    Je vais revenir sur ce qui se produit lorsque les droits ne sont pas respectés. Cela peut-il mener à un acquittement? Plus souvent qu'autrement, il y a un appel et un nouveau procès est ordonné. Le processus dure plus longtemps, ce qui entraîne des coûts pour le système de justice.
    Comme législateurs, nous voulons adopter les meilleures politiques. Je n'aimerais pas faire partie de ceux qui disent que si ces gens ne sont pas heureux, ils n'ont qu'à faire appel. J'aimerais que le processus soit correct dès le départ. En tout fair-play. Il me semble que cela va de soi.
    Monsieur Fraser, mardi, j'ai été un peu estomaquée d'entendre les propos de Me Lévesque. Il a parlé de la traduction des documents en Alberta. Il arrive qu'on voie la langue française comme une langue étrangère au Canada. Est-ce exact?
    Je ne peux pas en parler en détail, mais je peux dire que dans une décision qu'elle a rendue, la Cour suprême a accepté la décision des cours de la Colombie-Britannique de refuser des documents présentés en français, comme par exemple des affidavits faisant partie de la preuve des intervenants. Il est donc évident que dans certains systèmes judiciaires au pays, comme en Colombie-Britannique, il est acceptable de refuser des documents en français, ce que même la Cour suprême a reconnu.
(1115)
    Par contre, cela ne s'applique pas aux procès criminels en vertu de la partie XVII. Est-ce bien cela?
    Je n'irai pas dans le détail, mais je dirai que, de façon anecdotique, il y a eu des problèmes d'interprétation dans certaines causes où les avocats de la défense ont dû écouter l'interprétation simultanée pour ensuite la corriger. Effectivement, cela pourrait être problématique.
    J'entends déjà certaines personnes au pays dire que si on élargit la portée de la partie XVII pour couvrir les enquêtes de remise en liberté, cela pourrait compliquer les choses. Ceux qui pratiquent en matière de droit criminel savent que le choix de la langue doit être fait dans un délai assez court parce que la personne est détenue et a le droit d'être remise en liberté. Cela répond à certains critères.
    Disons qu'un prévenu demande à avoir accès à un procès en anglais, s'il est au Québec, ou en français, s'il est ailleurs au Canada. Que répondriez-vous aux gens qui diraient que cela risquerait d'être un peu compliqué? Certains disent que la nécessité de trouver un juge qui comprend la langue de l'accusé et de constituer une cour qui pourra fonctionner dans la langue de choix du prévenu pourrait compliquer les choses.
    Que répondez-vous à ce types d'argument?
    Je pense que la justice est, en soi, compliquée.
    Revenons sur la situation que vous avez décrite. Il faut que ce soit un choix éclairé. Prenons l'exemple d'un accusé qui est dans une situation vulnérable. C'est un peu comme un malade dans un hôpital. Je ne suis pas avocat et je peux dire qu'il est assez intimidant de se retrouver devant les tribunaux pour ceux qui ne sont pas avocats. On peut penser qu'on est à l'aise dans la langue seconde, mais pas nécessairement avec la terminologie qui sera utilisée. Le choix fait au début du processus peut être éclairé, mais ce choix peut aussi être très difficile pour un accusé qui se retrouve dans une situation de vulnérabilité.
    Il serait probablement préférable de laisser le juge — et non les avocats — clarifier entièrement cette question.

[Traduction]

    Thank you. Merci pour ces réponses et cette question.
    Notre prochain intervenant est M. Goguen du Parti conservateur.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Fraser, d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui et de partager votre vaste expertise.
    J'aimerais vous parler de la difficulté de trouver des candidats francophones ou bilingues pour des procès devant juge et jury. Nous avons déjà discuté de cela avec un autre témoin, M. Rénald Rémillard, qui est directeur général de la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law inc. Dans le cadre de son témoignage, il nous a dit ceci:
    Cette question a déjà été soulevée dans certaines provinces. Je sais qu'au Manitoba et en Colombie-Britannique, on s'est demandé comment constituer ces jurys. Chaque province utilise des moyens différents. Au Manitoba, par exemple, on va se servir des numéros d'assurance-maladie pour constituer une liste.
     La question est de s'assurer que ladite liste est représentative de la population en général. Je sais que cela pose problème dans certaines provinces. On a approché, par exemple, les commissions scolaires francophones ou des membres d'associations porte-parole pour faire des listes. La question de la constitution des jurys a posé problème, mais c'est différent d'une province à l'autre. C'est une autre manifestation de la diversité canadienne.
    Y a-t-il une province où le modèle utilisé pour la formation de jurys bilingues ou francophones est supérieur aux autres? Y a-t-il un modèle que nous pourrions appuyer?
    Je sais qu'une étude a été faite en Colombie-Britannique. Dans cette province, je pense qu'on utilise la liste des parents dont les enfants fréquentent une école française. Comme Me Rémillard, je ne pense pas qu'on puisse imposer une seule approche partout au pays. Je pense que la situation linguistique varie d'une province à l'autre. Certaines communautés sont très différentes. D'une certaine façon, c'est la responsabilité de chaque province de mieux connaître les besoins de la communauté. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous précisons dans nos recommandations qu'il faudrait établir un processus de consultation avec la Fédération des associations de juristes d'expression française, la FAJEF, et peut-être aussi avec des institutions de la communauté.
(1120)
    Je ne sais pas s'il y a une association de juristes d'expression française dans chaque province, mais leur mandat pourrait peut-être inclure l'établissement de listes de personnes qui pourraient se porter volontaires. Je sais qu'être juré n'est pas nécessairement agréable parce que cela impose beaucoup d'obligations, notamment en termes de temps. Ça peut peut-être même occasionner une perte de salaire.
    Je pense qu'il serait préférable de demander à des membres de la FAJEF si ce serait une obligation trop lourde. Il est certain que cette association représente les gens qui pratiquent dans la langue de la minorité. En fait, je devrais plutôt parler de la langue française, étant donné qu'il n'y a pas d'équivalent au Québec. En effet, justement parce qu'il n'y a pas d'association de juristes anglophones, il nous a été difficile de trouver des avocats anglophones pour les fins de notre étude. Bref, la FAJEF rassemble les avocats qui travaillent en français dans les provinces.
    Elle n'est peut-être pas présente à l'Île-du-Prince-Édouard, mais...
    Elle ne l'est pas non plus à Terre-Neuve, d'ailleurs.
    Je pense qu'elle est présente dans toutes les autres provinces à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador.
    Je sais que beaucoup de praticiens du Nouveau-Brunswick vont plaider à l'Île-du-Prince-Édouard, étant donné que ce n'est pas loin.
    Oui, en effet, et certains juges le font aussi. Il y a vraiment une collaboration assez étroite entre les deux systèmes judiciaires.
    C'est certainement un pas en avant.
    Voulez-vous ajouter quelque chose, maître Tremblay?
    Nous pourrions vous faire parvenir l'étude qui a été faite en 2007. On y traite des différentes pratiques.
    Il serait peut-être bon de vérifier ce qu'il en est maintenant au Nouveau-Brunswick, mais à cette époque, on venait de mettre en vigueur un système dans le cadre duquel tout résidant qui voulait avoir accès à des services de santé devait s'y inscrire. Dans un formulaire, on demandait dans quelle langue il voulait recevoir ces services. À partir de cela, une liste était établie.
    Oui, ce serait une méthode de contrôle assez rigoureuse.
    Des questions de confidentialité et de renseignements personnels sont également considérées.
    C'est très vrai.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Notre prochain intervenant représente le Parti libéral.
    Monsieur Casey.
    Merci, monsieur le président.
     Dans vos remarques préliminaires, vous faites référence à votre rapport du mois d'août 2013 et mentionnez deux recommandations précises que vous avez transmises au ministre de la Justice. Cela remonte à sept mois. Premièrement, quelle est la réponse que vous a donnée le ministre et deuxièmement, quelles mesures, le cas échéant, ont été prises pour mettre en oeuvre ou ne pas mettre en oeuvre vos recommandations, ce qui revient sans doute à les rejeter? Que s'est-il passé ces sept derniers mois?
    J'ai eu une brève conversation avec le ministre, au cours de la réunion de l'Association du Barreau canadien à Saskatoon; il a répondu très favorablement à cette approche. J'avais auparavant présenté au sous-ministre notre étude et nos recommandations. De la même façon, le ministre a subi, ce qu'on pourrait appeler un interrogatoire de la part des membres de l'Association du Barreau canadien et il a répondu de façon très favorable à tout cela.
    Depuis lors, à part un accusé de réception officiel concernant ce rapport, je n'ai pas eu connaissance d'éléments relatifs à la mise en oeuvre des recommandations, mais je n'ai pas non plus été informé du fait qu'elles auraient été rejetées.
(1125)
    La réaction initiale a donc été favorable, mais il n'y a rien eu de fait à ce sujet, d'après ce que vous savez.
    Oui, c'est exact. J'ai dit « favorable » parce que c'était une réponse favorable, mais sans engagement ferme. J'ai toutefois estimé que le ministre était satisfait de cette contribution à la discussion sur l'accès à la justice.
    Ce rapport a été déposé en même temps que le rapport, plus général, de l'Association du Barreau canadien sur l'accès à la justice. Il a semblé être satisfait de cette contribution à la discussion.
    Très bien.
    La première de ces recommandations consiste à adopter un protocole d'entente en vue d'élaborer « une définition commune du niveau de compétences linguistiques ». Je déduis de votre commentaire précédent qu'à votre connaissance, aucune réunion n'a été convoquée pour parler de cette question.
    Pas à ma connaissance.
    Très bien. J'aimerais vous faire part d'une situation particulière que je connais et tout simplement savoir ce que vous en pensez.
    Les avocats de la défense avec qui je parle et qui pratiquent dans des régions où il existe une communauté minoritaire importante — et là, je ne parle pas de ma province d'origine — me disent que, lorsqu'un avocat de la défense rencontre son client pour la première fois, lorsque celui-ci est dans une cellule et attend le plus souvent l'enquête sur cautionnement et lorsque l'avocat informe son client qu'il a le droit de subir son procès dans l'une ou l'autre des langues officielles, celui-ci lui répond la plupart du temps qu'il veut faire tout ce qu'il peut pour sortir de là le plus rapidement possible. Ils leur disent, « Peu importe que ce soit en anglais, en français ou en grec, c'est vous qui allez devant le tribunal tous les jours, et c'est donc à vous de me dire quoi faire. »
    J'imagine que cela ne vous surprend pas. Mais si vous acceptez que cela représente effectivement la situation actuelle et ce qui se passe en première ligne, comment, compte tenu du poste que vous occupez, réagissez vous au fait que c'est bien là la réalité actuelle au Canada?
    Je ne suis pas surpris. Je crois en fait que M. Doyle a fait des remarques semblables lorsqu'il a témoigné devant le comité.
    Je pense que c'est au système juridique qu'il appartient de veiller à ce que les gens sachent qu'ils seront traités de façon équitable devant les tribunaux et dans la langue qu'ils préfèrent. Il est inévitable que l'avocat soit obligé, dans une telle circonstance, de faire une évaluation stratégique et qu'il se demande quel est le juge devant lequel son client risque de comparaître. Ce juge a-t-il démontré qu'il était réellement capable de tenir un procès en français? Cela vaut-il la peine, dans l'intérêt de son client, d'exiger vraiment de subir un procès en français? Cela devient une décision stratégique.
    Nous citons dans notre étude quelques avocats qui font état de cette réalité et qui disent que, pour des raisons stratégiques, dans l'intérêt de leur client, ils leur recommandent de sacrifier leurs droits linguistiques, ce qui, comme je l'ai dit à Me Boivin, les place dans une situation où ils sont encore plus vulnérables.
    Merci.
    J'en arrive maintenant à un exemple précis de ma province. Dans vos remarques, vous avez parlé de la nécessité d'élaborer des tests objectifs et du manque de mesures objectives pour évaluer certains éléments, et l'un d'entre eux concerne la capacité linguistique. Il y a un juge de la Cour suprême de l'Île-du-Prince-Édouard qui ne connaissait pas du tout le français lorsqu'il a été nommé à son poste et qui a décidé de tout faire pour l'apprendre. À la fin de sa formation, il a réussi l'examen de la fonction publique pour le niveau C. C'est le juge Gordon Campbell.
    Je prends le juge Campbell comme exemple parce que lorsqu'on parle de la nécessité d'adopter des mesures objectives, ne suffirait-il pas de suivre un programme de formation et d'adopter les mesures d'évaluation utilisées dans la fonction publique, qui sont éprouvées, bien établies et qui donnent de bons résultats?
(1130)
    J'ai appris notamment une chose dans mon poste, c'est qu'il existe un programme de formation linguistique pour les juges provinciaux au Nouveau-Brunswick. Le juge Finn a mis sur pied une série de critères d'évaluation de la capacité d'un juge, ou d'un candidat à un poste de juge, dans leur deuxième langue, en fonction de notions très précises qui concernent leur capacité à présider un procès.
    Je ne veux certainement pas minimiser l'excellent résultat obtenu par le juge Campbell, mais l'examen utilisé dans la fonction publique est de nature plus générale et ne s'applique pas nécessairement au travail d'un juge. J'estime que le juge Finn a élaboré un ensemble de critères très précis sur lesquels porte le programme de formation. Cela comprend, dans le cadre de cette formation, des mises en situation de procès dans lesquelles des agents de la GRC et des personnes qui résident dans le village du Nouveau-Brunswick où a lieu cette séance de formation comparaissent comme accusées ou comme fonctionnaires de la cour. C'est une formation très concrète fondée sur l'expérience qu'auront ces personnes lorsqu'elles présideront un procès.
    Je vous remercie.
    Merci d'avoir posé ces questions et merci pour cette réponse.
    Notre intervenant suivant représente le Parti conservateur.
    Monsieur Seeback.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Fraser. J'ai eu le plaisir de siéger à plusieurs reprises au comité des langues officielles de sorte que je vous ai déjà vu comparaître devant le comité. Vous présentez toujours d'excellents exposés et fournissez beaucoup d'information.
    J'ai examiné et écouté votre déclaration préliminaire. Il y a un aspect sur lequel j'aimerais poser quelques questions avant de passer à un autre sujet. Vous dites que la capacité linguistique des juges ne fait jamais l'objet d'un « examen objectif » avant que leur nomination soit approuvée.
    Pensez-vous que cela incite certains juges à affirmer qu'ils sont bilingues alors que ce n'est le cas en réalité? Je ne suis pas certain que cela soit ce que vous voulez laisser entendre. Vous ne l'avez pas dit carrément, mais...
    Le processus de demande comprend une autoévaluation. Les gens répondent « oui » ou « non » à la question de savoir s'ils sont bilingues. D'après certaines entrevues que nous avons eues avec des avocats de la pratique, il ressort que certains juges ont de toute bonne foi coché la case en pensant que leur français était suffisant pour présider un procès. Ils ont ensuite présidé un procès et constaté que leur français n'était pas en fait aussi bon qu'ils le pensaient et ils se sont dit qu'ils ne le referaient jamais. De sorte que, si le juge en chef de la province les avait placés, sur le plan psychologique, sur la liste des juges bilingues, en réalité, ces procès n'étaient pas tenus.
    Nous avons fait un sondage et des entrevues. Je ne peux pas vous donner des exemples de ce genre, mais il ressort de nos entrevues que des cas de ce genre se sont produits.
    Voilà qui est intéressant.
    J'aimerais dire quelques mots au sujet du paragraphe 530(3) qui a été modifié en 2008. À l'époque, cette disposition visait uniquement les personnes qui n'étaient pas représentées par un avocat. Elle a été modifiée pour que le juge donne cette directive au moment de la première comparution, que la personne soit représentée par un avocat ou non. Que pensez-vous de cet article? Pensez-vous qu'il va faciliter l'exercice de ce droit? Pensez-vous que le juge devrait donner cette information au moment de la première comparution? Ou devrait-on plutôt...? Je ne sais pas à quel autre moment cela pourra être fait. Quels sont vos commentaires à ce sujet?
    Tout d'abord, j'aimerais dire que j'ai comparu, je crois, devant le comité pour appuyer les modifications présentées en 2008. Nous avions fait certaines recommandations qui n'ont pas été prises en compte et le Sénat avait également proposé certaines modifications qui n'ont pas survécu au processus, mais je vais demander à Me Tremblay de vous parler un peu des autres aspects de l'article 530.
(1135)
    Eh bien, il est clair que cette modification autorise le greffier ou quelqu'un d'autre à informer l'accusé de ses droits. Si le juge n'est pas suffisamment bilingue pour le faire, cela veut dire au moins que l'accusé sera au courant de ses droits. Mais comme le dit le commissaire, le fait que ce soit le juge qui en informe l'accusé donne une autre tournure à la situation. L'accusé sera davantage disposé à exercer ses droits, sachant que c'est le juge qui a pris l'initiative de l'informer de ces droits.
    En fin de compte, je pense que peut-être, sur le plan théorique, cela facilite les choses parce que l'obligation d'informer l'accusé n'incombe pas uniquement aux juges, mais c'est le fait d'autoriser toute personne à faire cette offre active qui... Ce pourrait être la Couronne. Ce pourrait être l'avocat de la défense. N'importe qui peut décider d'informer l'accusé de ses droits. Il s'agit de savoir, en fin de compte, si cet amendement aura pour effet ou non d'augmenter le nombre des accusés qui exercent leurs droits. Il est difficile de le savoir.
    Lorsque vous parlez du juge en chef qui essaie de savoir s'il y a suffisamment de juges capables d'assurer l'exercice des droits linguistiques de la minorité dans l'ensemble du pays, vous parlez d'un protocole d'entente. Que faudrait-il faire pour obtenir ces renseignements et ces données? Essayer d'obtenir tout cela me semble être un projet d'envergure. Quelle forme pourrait prendre un tel projet? Si quelqu'un pose la question au moment du procès et que cela ne se fait pas...
    Comprenez-vous? Ou si l'avocat conseille à son client de ne pas demander un procès dans sa langue minoritaire parce que cela ralentira les choses, comment pourrait-on retracer ou connaître ce genre de chose avec une telle étude?
    Excusez-moi. Je pensais que vous posiez une question sur la façon d'élaborer une méthode et un protocole d'entente pour évaluer les juges.
    Non, ce n'est pas cela. Je comprends comment cela se ferait. Je me demande comment vous pensez qu'une telle étude pourrait être faite? Nous avons entendu des témoins dire au comité qu'il arrive qu'un avocat dise à son client: « Eh bien, si tu veux que les choses aillent rapidement, tu ferais mieux d'accepter que cela se fasse dans cette langue. » Vous risquez donc de ne jamais obtenir de données indiquant que certaines personnes auraient souhaité exercer leurs droits.
    Il serait extrêmement difficile d'obtenir ce genre de données, parce que cela met en jeu le privilège de l'avocat. Cela rentre dans la même catégorie que la décision que prend l'accusé de témoigner ou non. Cela fait partie des conseils que l'avocat donne à son client. Aucun avocat n'aimerait compromettre le caractère confidentiel des conseils qu'il donne à son client ou celui des demandes que lui fait son client. Comme vous le dites, si cela se produit dans la cellule et que le client cherche avant tout à « sortir de là », alors...
    Ces changements ne vont pas se produire du jour au lendemain. Pour introduire ces changements, il faut que les avocats soient sûrs que cela fonctionne bien. Il faut qu'il y ait des gens qui connaissent d'autres personnes qui ont été accusées et qui ont suivi le processus. Au risque de parler en clichés, un voyage commence par un seul pas et nous avons proposé de faire un certain nombre de pas qui donneraient, d'après nous, un meilleur système.
    Voici, d'après moi, la façon dont on pourrait mesurer ces améliorations. Y a-t-il une augmentation du nombre de procès tenus dans la langue de la minorité? Lorsque l'ancien procureur général Roy McMurtry a instauré un système judiciaire bilingue en Ontario, il a fait remarquer, quelques années après l'entrée en vigueur de la loi, que l'utilisation du système ne correspondait pas au pourcentage que représentaient les francophones en Ontario.
(1140)
    C'est un peu comme le film Field of Dreams, « Si vous construisez ce stade, les gens viendront ». C'est bien cela...?
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Merci...
    Mais il faut que les gens sachent vraiment que cela a été construit.
    Commissaire, que ce soit l'une ou l'autre des langues officielles, je vais donner la parole au prochain intervenant.
    Merci pour ces questions et réponses.
    Notre prochain intervenant est Mme Péclet du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur le commissaire.
    Je vais entrer dans le vif du sujet. Comme vous le savez, nous étudions l'application de la partie XVII du Code criminel. Plusieurs témoins ont dit que le juge a l'obligation d'informer l'accusé de ses droits. Cependant, ce n'est pas une obligation formelle ou personnelle, ce qui cause certains problèmes. De plus, une étude réalisée en 2002 par le ministère de la Justice faisait état d'un problème à cet égard.
    Je vais vous poser une question que j'ai posée à plusieurs témoins. Dans le but d'améliorer l'application de la partie XVII du Code criminel, le juge devrait-il avoir l'obligation personnelle d'informer l'accusé de ses droits linguistiques lors de sa comparution?
    Oui. Au minimum, il devrait s'assurer que l'accusé a bel et bien été informé. Il n'est pas obligatoire que l'accusé soit informé de son droit lors de sa première comparution devant le juge. Il est possible de l'en informer à d'autres étapes de la procédure. À mon avis, le juge devrait avoir l'obligation de s'assurer que l'accusé comprend bien la nature de ses droits.
    D'accord.
    Dans vos travaux, avez-vous décelé un problème à cet égard?
    Nous n'avons pas examiné cet aspect car cela n'était pas la nature de notre étude, comme Mme Boivin l'a mentionné.
    Je comprends.
    Je vais revenir sur les commentaires de ma collègue.
    La partie XVII du Code criminel ne s'applique pas aux audiences de détermination de la peine ou de libération conditionnelle. J'aimerais que vous me parliez davantage de votre position à ce sujet. Vous avez dit que la partie XVII devrait s'appliquer dans ces cas et qu'on devrait ultimement en élargir la portée.
    Personnellement, je crois que oui. Si on parle d'un droit égal à un processus judiciaire dans la langue de son choix, il ne devrait pas se limiter à la cause elle-même, mais s'appliquer au processus en entier.
    Dans votre rapport, vous recommandez que le procureur général du Canada établisse peut-être un nombre déterminé de postes de juges bilingues. Cela ferait en sorte que la langue soit évaluée comme étant un critère. Cela permettrait quand même à des gens qui ne sont pas bilingues de devenir juges et cela leur éviterait de faire l'objet de discrimination en fonction de leurs connaissances des langues officielles.
    Il pourrait donc y avoir un nombre de postes déterminés. Je sais que le système de justice en Ontario fonctionne de cette façon. Il y a un nombre de postes bilingues déterminés pour les juges. Selon vous, cela réglerait-il la question du nombre de juges bilingues?
    On a identifié deux façons de procéder. On peut établir un certain nombre de postes désignés bilingues ou encore on peut identifier un nombre de juges qui auraient la capacité de présider une cause dans la langue de la minorité.
    On n'a pas pris de décision quant au meilleur processus. Toutefois, un système dans lequel des postes seraient désignés bilingues aurait l'avantage de nous assurer de certaines choses. Par exemple, on serait assurés qu'il y a suffisamment de juges occupant des postes désignés bilingues à Sudbury et que le nombre requis de juges bilingues ne serait pas comblé par un groupe de juges qui se retrouverait tous à Toronto.
    On avait recommandé une entente indiquant que ce serait évidemment le juge en chef de la province qui déterminerait la façon qui serait la plus efficace.
(1145)
    Il vous reste deux minutes.
    Seulement deux minutes.
    Alors, je vais céder la parole à mon collègue.

[Traduction]

    Non, il a le temps. Nous avons le temps de faire un autre tour de questions.
    Oh, très bien, parfait; je ne pensais pas que c'était le cas.

[Français]

    J'aimerais discuter de l'article 531 de la Partie XVII. Je sais que votre rapport ne le mentionnait pas. Cet article permet de renvoyer la tenue d'un procès dans une autre circonscription territoriale ayant les ressources nécessaires lorsque la circonscription d'origine n'a pas lesdites ressources. Ma question va donc sans doute s'adresser à Me Tremblay, puisqu'elle semble comprendre de quoi je parle.
    Cet article est-il invoqué assez souvent dans les circonscriptions où l'on dénote un manque de juges bilingues et qui sont obligées de renvoyer la cause dans une circonscription où il y aurait les ressources à cet égard?
    En effet, je vais demander à Me Tremblay de répondre à votre question. Je ne suis pas un expert de la logistique des cours dans les différentes provinces.
    Je connais l'article, mais je ne pourrais pas vous dire grand-chose à son sujet. Je ne sais pas comment il est mis en oeuvre, si cela se fait régulièrement ou si encore le fait de référer le procès dans un autre district ou même dans une autre province est une façon pragmatique que les juges utilisent pour s'assurer que l'accusé est jugé dans sa langue.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci pour ces questions et réponses.
    Notre prochain intervenant est M. Wilks du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je vais centrer mon intervention sur les choses que je connais bien et c'est le point de vue des policiers. Je reconnais que, du point de vue des juges et des avocats qui président les procès devant les tribunaux, c'est bien là une question importante. Je me demande si vous pouvez me dire quel serait d'après vous le rôle des policiers, des interprètes, des traducteurs, des sténographes pour ce qui est du régime légal prévu par les articles 530 et 530.1. Quel serait d'après vous ce rôle? Je poursuivrai ensuite en posant une autre question.
    Je pense que cela dépend de la province où se tient le procès. Il y a des provinces où les policiers doivent posséder certaines compétences linguistiques. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, une province où la GRC constitue le corps policier de la province, les tribunaux ont jugé que les membres de la GRC devaient répondre aux critères du Nouveau-Brunswick et non pas aux critères linguistiques fédéraux. Ils doivent donc respecter certaines obligations linguistiques à partir du moment où ils arrêtent un véhicule sur le bord de la route. Il y a d'autres provinces où ces obligations n'existent pas.
    Je me suis parfois demandé s'il n'y avait pas dans certaines provinces, des activistes linguistiques qui manifestaient leur activisme en conduisant trop rapidement, si l'on pense au nombre de contraventions pour excès de vitesse qui sont à l'origine de nombreuses décisions de la Cour suprême sur les droits linguistiques. Nous avons un système linguistique tellement asymétrique que les obligations que doivent respecter les corps policiers de l'ouest du Canada par exemple, sont très différentes de celles qui s'imposent au Nouveau-Brunswick.
(1150)
    Cela m'amène à ma question suivante.
    J'ai fait toute ma carrière dans l'Ouest du Canada et nous n'avons pas très souvent été en contact avec la langue officielle qu'est le français. Personne ne la parle, d'accord? Mais cela arrive parfois, et ce sont ces rares cas qui soulèvent des problèmes, parce que, comme je l'ai mentionné dans le témoignage précédent, le problème vient du fait que nous recevons la carte 10a) et 10b) pour la Charte et qu'elle est rédigée dans les deux langues officielles.
    Il ne m'est arrivé qu'une seule fois d'avoir un problème grave après avoir stoppé un véhicule. On ne peut pas à ce moment-là demander de l'aide. Vous êtes là, vous leur donnez la carte et leur dites de la lire. Vous devez donc ensuite tenir pour acquis qu'il — dans ce cas-là c'était un homme — l'a comprise. Il a reconnu que oui, il avait reçu la carte. Je dirais que cela ne serait peut-être pas suffisant pour convaincre un tribunal.
    Je crois que cela m'amène à ma deuxième question qui porte sur les langues officielles dans un contexte plus large. Je comprends la situation du Nouveau-Brunswick, mais cela devrait-il s'appliquer à toutes les étapes du processus judiciaire, depuis le moment de l'arrestation, en passant par la communication de la preuve et jusqu'aux enquêtes sur cautionnement? Cela pose un problème important lorsqu'il faudrait alors modifier l'ensemble du système judiciaire.
    Vous avez tout à fait raison et, la réalité est que, s'il y a un incident violent qui se passe un samedi soir à Red Deer, l'agent qui procède à l'arrestation ne possédera pas nécessairement — en fait, cela est peu probable — les compétences linguistiques nécessaires. J'admets que dans un monde idéal, ces droits linguistiques devraient pouvoir s'exercer à partir du moment de l'arrestation.
    Vous soulevez un autre point, parce que sur le coup, en particulier lorsqu'il y a une bagarre, le policier doit prendre des décisions en quelques secondes. La dernière chose dont il se soucie, c'est la langue officielle de l'accusé. Mais le problème vient du fait que lorsque l'affaire est portée devant le tribunal, les quelques secondes que vous avez prises pour prendre votre décision comme policier peuvent être examinées pendant des heures au sein du système judiciaire. Les tribunaux peuvent décider que vous avez pris en quelques secondes une décision qui risque maintenant de compromettre l'accusation, alors qu'en fait ce n'était pas là l'intention du policier. Je pense que j'ai comparé cela à ce que j'ai dit mardi, qui était que, quelle que soit votre langue, vous allez vous retrouver sur le siège arrière de ce véhicule. C'est à vous de décider comment vous vous y rendez.
    Voulez-vous que le commissaire réponde à votre question sur la façon de s'y rendre.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Voulez-vous répondre à cela, monsieur le commissaire?
    Il faut bien faire un peu d'humour de temps en temps.
    Nous nous sommes pas mal éloignés de l'article 530 du Code criminel. Je dirais simplement que nous avons vu des cas particulièrement regrettables qui viennent du fait que la personne en question s'est sentie très frustrée et que les policiers qui sont intervenus n'ont pas du tout compris l'origine de cette frustration.
    Sans vouloir accuser les personnes qui participent à ce processus, je pense qu'en tant que... Il est très important que tous les policiers comprennent le stress que subissent les personnes qui ne parlent pas la langue de l'agent de police. Mon travail concerne les deux langues officielles, mais il y a eu des cas où des gens qui ne parlaient aucune des langues officielles ont exprimé leur frustration — ils ont cassé des chaises — et cela n'a pas été beau. Si les policiers avaient reçu une meilleure formation sur la façon de traiter les personnes qui ne parlent aucune langue officielle, on aurait pu éviter une tragédie.
    Là encore, nous sommes bien loin de l'article 530, mais j'ai toujours pensé au sujet de la nature des langues officielles au Canada, que, lorsque j'ai appris le français, je me suis senti prisonnier de mon accent. Je ne comprenais pas les blagues. Je ne comprenais pas le contexte culturel. J'ai compris ce qu'était l'expérience des immigrants parce que l'apprentissage du français m'a sensibilisé aux difficultés que connaissent les personnes qui arrivent dans notre pays en connaissant d'autres langues et ayant d'autres accents. Il ne s'agit pas d'opposer le multiculturalisme à la dualité linguistique — ceux qui parlent d'autres langues à ceux qui parlent le français ou l'anglais — mais de reconnaître qu'il faut faire preuve d'une certaine sensibilité lorsque deux langues sont en contact dans des situations stressantes.
(1155)
    Je vous remercie.
    Merci pour ces questions et réponses.
    Une dernière série de questions sera posée par madame Boivin qui partage son temps de parole avec M. Jacob.

[Français]

    Ma question est complexe, mais j'aimerais quand même que vous y répondiez rapidement.
    Dans la rédaction de notre rapport, j'essaie toujours d'être très pratique. Les principes sont extrêmement importants, mais il faut être logique et pratique et se demander combien de temps tout cela prendra.
    Si le comité arrivait à la conclusion de recommander au Parlement de revoir la partie XVII afin d'en élargir la portée, cela aurait certainement des répercussions sur les ressources. Il faudrait qu'il y ait des acteurs judiciaires parlant la langue de l'accusé, que ce soit des juges, des interprètes, des transcripteurs, des jurys, etc.
    Certaines choses peuvent se faire plus rapidement que d'autres. Vous travaillez dans le domaine des langues officielles et vous savez que dans bien des cas, les choses avancent à la vitesse d'une tortue. Dans ce contexte, quel serait selon vous un échéancier raisonnable?
    À la suite de l'exercice qu'on aura effectué, il se dégagera peut-être une impression de dialogue de sourds. Je suis convaincue qu'on arrivera tous à la même conclusion, mais certains ministres provinciaux de la Justice semblent dire qu'il n'y a pas de problème. Or les avocats sur le terrain ne tiennent pas nécessairement le même discours. Même si chacun regarde cette question avec sa propre lorgnette, il faut s'assurer que tous les acteurs y participent, car ce n'est pas quelque chose que le gouvernement fédéral peut faire seul.
    Quel échéancier raisonnable pourrait-on recommander pour mettre tout cela en place?
    Il importe d'établir une série d'ententes avec les provinces. En premier lieu, il faut que cela fasse partie des discussions fédérales-provinciales ou des discussions entre le ministre de la Justice et les procureurs généraux.
    Dans le processus de nomination des juges, il y a une mentalité selon laquelle on se dit qu'on coche une boîte et que c'est terminé. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on a recommandé qu'on commence par faire une évaluation des besoins et des capacités linguistiques des candidats. Dans notre rapport, on a présenté une série d'échéanciers. Le plus important, c'est d'établir un échéancier, même si ce n'est pas nécessairement respecté. Il faut envoyer un message précis
(1200)
    Il faut commencer quelque part.
    Il faut dire que d'ici un an ou 18 mois, il vous appartient de décider de l'échéancier qui est appropriée pour chaque domaine. Je suis un ancien journaliste et les échéanciers ont une signification importante pour moi. Même si, pour certaines provinces ou instances, il n'est pas possible de respecter les échéanciers, le fait qu'ils aient été établis imprime un certain rythme. Cela donne un certain sentiment d'urgence quand il faut répondre à la lettre qui vient du ministre de la Justice pour faire en sorte de procéder.
    C'est clair, merci.
    Je m'excuse, Pierre.

[Traduction]

    Avez-vous une brève question?

[Français]

    Monsieur Fraser, vous avez dit ceci: « Nommer des juges bilingues en fonction uniquement de la demande contribue à cette situation et crée un cercle vicieux qui nuit à la mise en oeuvre de la partie XVII du Code criminel ».
    Pouvez-vous donner plus de détails sur cette question?
    On a largement parlé du phénomène des accusés qui ne se prévalent pas de leur droit d'avoir un procès dans la langue de leur choix. Un juge en chef peut considérer qu'un autre juge bilingue n'est pas nécessaire parce qu'il n'y a eu qu'une demi-douzaine ou une vingtaine de procès uniquement en français parmi un grand nombre de procès, mais ce n'est pas là une réelle évaluation des besoins. Il faut plutôt consulter l'Association des juristes d'expression française de la province à cet égard. Cette association pourrait nous dire à combien elle évalue le nombre de ses clients qui se prévaudraient de leurs droits s'ils étaient assurés que le système en français est aussi efficace que celui dans la langue de la majorité. Cela constitue une meilleure évaluation des besoins que de se baser sur le fait qu'il y a un faible nombre de causes en français. Le fait de se baser sur le faible nombre de causes en français me semble insuffisant.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur le commissaire et madame la directrice, merci d'être venus ce matin et d'avoir eu une discussion au sujet du problème plus large, je crois, des langues officielles dans le système de la justice, et non pas uniquement au sujet de la partie XVII.
    Mais nous sommes en train d'étudier la partie XVII et c'est ce que nous allons faire à partir de maintenant. Je vais suspendre la séance pour quelques minutes pour que nous siégions à huis clos pour parler de la rédaction du rapport et des directives à donner à ce sujet.
    Je vous en remercie.
    Nous allons suspendre la séance cinq minutes et siégerons ensuite à huis clos.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
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