FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 17 octobre 2001
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite à tous la bienvenue ici cet après-midi. C'est notre première table ronde de cette séance.
Comme vous le savez, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité permanent des finances mène actuellement des consultations prébudgétaires. Nous sommes allés aux quatre coins du pays pour entendre ce que les Canadiens, à titre personnel ou au nom d'organisations, avaient à nous dire sur ce que devraient être les priorités du prochain budget.
Nous avons le plaisir d'accueillir comme témoins les représentants d'un certain nombre d'organisations: le président de la Chambre de commerce du Québec, M. Michel Audet; le vice-président de l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA), M. Pierre Brunet; le directeur fédéral de la Fédération des contribuables canadiens, M. Walter Robinson; Mme Lucie Poirier et M. François Saillant, du Front d'action populaire en réaménagement urbain; le président-directeur général de la Fédération maritime du Canada, M. Gilles Bélanger, ainsi que Mme Anne Legars, directrice, Politique et affaires gouvernementales, et M. Ivan Lantz, directeur, Relations maritimes, de cette même fédération. Nous avons également avec nous, je crois, le maire de la ville d'Iqaluit, M. John Matthews, ainsi son directeur général, M. Rick Butler.
Comme vous le savez probablement, vous disposez de cinq à sept minutes chacun pour faire votre exposé préliminaire, après quoi nous passons à une période de questions.
Nous allons procéder dans l'ordre où j'ai fait les présentations. Nous entendrons donc d'abord le président de la Chambre de commerce du Québec, M. Michel Audet. Bienvenue parmi nous, monsieur Audet.
M. Michel Audet (président, Chambre de commerce du Québec): Merci.
[Français]
Bonjour, monsieur le président.
Il y a plusieurs mois déjà, nous nous avons transmis un mémoire. Depuis ce temps, il y a eu beaucoup de changements. Le mémoire est donc un peu déphasé. Je vais essayer d'en reprendre l'essentiel en l'actualisant pour tenir compte des événements récents et de l'impact que ceux-ci ont eu sur la situation économique.
Essentiellement, dans nos recommandations, nous demandions au gouvernement de limiter l'augmentation des dépenses dans ses prochains budgets à l'augmentation de la population et de l'inflation. Il s'agit de programmes généraux de dépenses.
Je pense que le principe reste le même. Toutefois, nous sommes conscients qu'en raison des événements des dernières semaines, il y a des dépenses nécessaires à la sécurité et à la prévention, des dépenses militaires, qui sont maintenant plus élevées que ce qui avait été prévu. Ça va donc changer un peu le portrait des dépenses. Nous croyons cependant qu'il y a des réserves actuellement dans les budgets de M. Martin pour faire face à cette situation. Donc, à notre avis, le plan général du gouvernement non seulement ne doit pas être modifié, mais les ajustements nécessaires à la relance de l'économie devraient devenir, au contraire, encore plus nécessaires. À cet égard, je pense que, là aussi, si nous voulons faire une contribution pour relancer l'économie...
Ces temps-ci, nous entendons tous les jours des nouvelles qui sont de plus en plus inquiétantes quant aux mises à pied dans les entreprises. Ça déborde largement nos frontières. Je pense que nous sommes souvent portés à dire qu'elles exagèrent peut-être. En fait, je pense que fondamentalement, les entreprises ont un problème de cashflow, un problème de survie dans beaucoup de cas. Elles prennent donc des mesures qui non seulement sont essentielles, mais visent également à assurer leur avenir. C'est assez normal. Cependant, il va falloir que le gouvernement canadien signale son intention, comme le fait le gouvernement américain, de laisser peut-être un peu plus d'argent dans l'économie. Ce n'est pas, à notre avis, par de nouveaux programmes de dépenses que cela devra se faire, sauf pour ce qui est des dépenses que j'ai mentionnées plus tôt, mais par des baisses d'impôts comme celles qu'ont faites les Américains précisément.
Par rapport à cela, je suis de ceux qui croient que les contribuables sont les mieux placés pour savoir quoi faire avec leur revenu. Donc, si on leur permet d'avoir plus de revenus, cela favorisera la relance de l'économie.
Dans notre mémoire, nous nous sommes permis de souligner que, malgré les baisses d'impôt qui ont été accordées ces dernières années au Canada, il existe encore un écart extrêmement important par rapport aux États-Unis.
• 1335
Nos collègues
vous diront qu'une personne
qui gagne 50 000 $ n'est certainement pas riche.
À 50 000 $, l'écart entre un citoyen
canadien et un citoyen
américain de l'État de New York est d'environ
6 000 $ canadiens d'impôt de plus à payer au Canada. À
100 000 $, l'écart est de 20 000 $. Donc, il y a un écart
important. On dira que ce n'est pas le même panier de
services, bien sûr, mais il reste qu'il y a un écart
très important et qu'il y a de la place pour
l'amélioration de
notre situation au niveau de l'impôt des particuliers
et au niveau de l'impôt des sociétés, malgré,
là aussi, les améliorations ou les baisses
annoncées par M. Martin. Donc, le deuxième point,
c'est les signaux pour améliorer
et stimuler
l'économie par des baisses d'impôts.
Le troisième point que je voudrais noter, c'est évidemment la dimension fédérale-provinciale. C'est évident qu'on assiste à un grand débat ces temps-ci, au Québec et ailleurs au Canada, sur la question du déséquilibre fiscal. Je ne pense pas qu'on pourra trancher cette question en quelques minutes. Cependant, il n'y a pas de doute qu'il y a une marge de manoeuvre à Ottawa, que l'on ne reproche pas au gouvernement d'avoir actuellement, parce que cette marge de manoeuvre lui est très utile. Cependant, à notre avis, le gouvernement canadien peut faire un certain nombre de choses pour améliorer la situation des provinces. J'en citerai deux.
La première, c'est la révision de la Loi canadienne sur la santé. Ça ne coûterait pas cher. La Loi canadienne sur la santé donne cinq principes, mais en réalité, ce sont à la fois des objectifs et des moyens. On parle de l'accessibilité des soins, mais on parle aussi de la gestion publique de ces soins. La gestion est un moyen. À notre avis, ce qui est important, c'est que l'accessibilité soit assurée à des coûts compétitifs. Mais en ce qui a trait aux moyens, on doit laisser plus de flexibilité aux provinces pour le faire, notamment en recourant davantage au secteur privé.
Je pense que la Commission Romanow se penche là-dessus, mais je pense que le gouvernement fédéral devrait signaler très clairement que les provinces devraient avoir plus de marge de manoeuvre dans l'utilisation des moyens. On ne devrait pas les pénaliser en leur coupant des transferts parce qu'elles veulent utiliser des moyens plus efficaces pour donner ces services. C'est un peu la quadrature du cercle et, au fond, il faut dire que cela fait souvent l'affaire de nos centrales syndicales, qui sont très heureuses de dire au gouvernement qu'il ne peut pas faire autrement que de recourir à des conventions collectives blindées; c'est dans la Loi canadienne sur la santé. À cet égard, je vous signale que si vous avez des alliés objectifs au Québec, ce ne sont pas nécessairement toujours les bons.
Le deuxième point que je veux souligner concerne la question des transferts aux provinces. Il y a un grand débat là-dessus. Je suis de ceux qui croient que la solution des points d'impôt, qui est actuellement évoquée et qui va revenir au cours de la prochaine année, peut être une fausse solution si on n'y prend pas garde. Le déséquilibre entre les provinces qu'il y a actuellement au Canada en est un de richesse. Si on ne fait que des transferts de points d'impôt—et je parle un peu par expérience, car j'ai déjà eu pour fonction de négocier ces questions-là aux finances—, ce n'est pas suffisant parce que le rendement d'un point d'impôt au Québec et en Ontario, c'est presque du simple au double. Cela veut dire que si vous ne faites que transférer des points d'impôt, l'Ontario va pouvoir baisser encore plus ses taxes et le Québec va en avoir juste assez pour financer ses services. Donc, on va créer encore plus de déséquilibre entre les provinces.
Donc, je pense que tout transfert doit s'accompagner d'un système de péréquation très efficace pour permettre de répartir la richesse entre les provinces. Là-dessus, j'ai vu que notre ministre des Finances, M. Martin, pensait même étendre le système de péréquation à d'autres pays du monde, aux pays sous-développés. Je pense qu'il sera d'accord pour qu'on l'améliore au Canada avant de l'exporter.
Voici mes notes préliminaires, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Audet.
Nous allons maintenant entendre le vice-président de l'Institut canadien des comptables agréés, M. Pierre Brunet.
[Français]
M. Pierre Brunet (vice-président du Conseil, Conseil d'administration de l'Institut canadien des comptables agréés): Merci, monsieur le président, de donner à l'Institut canadien des comptables agréés l'occasion de faire une présentation. Comme nous devions passer à Toronto et qu'il y a eu un changement de dernière minute, vous accepterez que, pour donner un petit répit à vos oreilles, on fasse notre présentation en anglais.
[Traduction]
Comme vous avez tous pu le constater, nous avons soumis, plus tôt cet automne, un mémoire qui donne un aperçu du point de vue de des comptables agréés concernant le prochain budget fédéral. Naturellement, notre mémoire avait été préparé avant les événements du 11 septembre, événements qui ont secoué le monde entier et amené le gouvernement à donner la priorité aux mesures visant à consolider l'économie du pays et à assurer la sécurité et le bien-être des Canadiens.
Nous sommes conscients que les événements récents ont eu un impact sur les priorités immédiates du gouvernement fédéral. Nous ne prétendons pas être en mesure de nous prononcer sur la meilleure façon de combattre le terrorisme. Nous nous en remettons à cet égard à l'expertise et à la clairvoyance des spécialistes en la matière au sein du gouvernement et ailleurs.
• 1340
Cependant, quand vous vous pencherez sur ces questions
vitales, nous vous exhortons à demeurer conscients de certaines
réalités fondamentales. Ces dernières années, le gouvernement a
réalisé des progrès considérables en mettant en oeuvre un ambitieux
programme global de baisses d'impôt, de réduction de la dette et
d'augmentation des dépenses dans le domaine de la santé.
Nous avons pris acte du fait que le gouvernement a récemment indiqué que, dans la mesure où les ressources le lui permettront, il continuera d'alléger le fardeau fiscal des contribuables, de réduire la dette pour la ramener à un niveau plus raisonnable, et de réinvestir dans des projets ciblés. Nous comprenons certes que le gouvernement devra envisager d'effectuer certaines dépenses pour pouvoir relever les défis relatifs à notre sécurité nationale; nous l'exhortons toutefois à le faire d'une façon qui ne compromette pas la réalisation de ses plans de remboursement de la dette et de baisse des impôts.
À l'automne 2000, le gouvernement a plus que doublé son programme initial de réduction des impôts en annonçant un plan qui porterait le montant de ces diminutions à 100 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Ce programme de réduction des impôts donne suite à plusieurs des recommandations qu'a formulées à cet égard l'Institut canadien des comptables agréés dans une étude qu'il a publiée en 1999: réduction du taux marginal d'imposition des contribuables à revenu moyen et faible, élimination du glissement d'une tranche d'imposition à l'autre imputable à l'inflation et abolition de la surtaxe de 5 p. 100. Comme nous l'avons fait remarquer dans cette étude, nous estimons que de tels allégements fiscaux auraient un impact économique d'une grande portée. Ils contribueraient à accroître le PIB, les dépenses de consommation et les investissements, tout en favorisant l'épargne chez les particuliers, la diminution du chômage et l'augmentation des bénéfices avant impôt des sociétés.
Étant donné que la plupart des allégements fiscaux annoncés l'an dernier ne sont entrés en vigueur que le 1er janvier de cette année, le coût de leur mise en application ne fait que commencer à se faire sentir. Compte tenu du ralentissement économique que nous connaissons actuellement et de l'impact économique des événements du 11 septembre, nous croyons que cet ensemble de mesures à effet stimulateur se révèle des plus nécessaire à l'heure actuelle. Nous sommes en faveur du plan quinquennal de réduction des impôts et encourageons le gouvernement à faire tout en son pouvoir pour se procurer les revenus dont il a besoin pour le réaliser intégralement.
En ce qui concerne le remboursement de la dette, nous félicitons le gouvernement des progrès qu'il a accomplis à ce jour sur ce chapitre. Avec l'annonce d'un excédent budgétaire de 17 milliards de dollars pour l'exercice 2000-2001, le gouvernement a diminué la dette de 35,8 milliards de dollars depuis 1996 et ramené à un peu moins de 52 p. 100 notre rapport dette-PIB. Malgré ce progrès sur le plan du remboursement de la dette, notre rapport dette-PIB demeure toutefois plus élevé que celui de nos principaux partenaires commerciaux. Le service de la dette continue d'accaparer près du quart des recettes fédérales.
Nous croyons que le gouvernement doit poursuivre son objectif d'abaisser à 40 p. 100 notre rapport dette-PIB, un niveau qui se rapprocherait davantage de la moyenne historique des pays du G-7. En s'efforçant constamment de réduire la dette, le gouvernement se ménagera la marge fiscale voulue pour pouvoir répondre aux besoins à long terme du pays. À cet égard, le gouvernement a lui-même fait remarquer que les efforts constants qu'il a déployés à ce jour sur ce plan se sont traduits par une économie annuelle de 2,5 milliards de dollars en versements d'intérêts, ce qui lui a permis de libérer de précieuses ressources financières.
Globalement, l'engagement du gouvernement à accroître sur cinq ans sa contribution au financement du secteur de la santé tout en réduisant les impôts et la dette nous apparaît vraiment constituer un programme fort ambitieux. Bien que le ministre des Finances ait fourni certaines indications à propos de l'ampleur probable de l'excédent budgétaire des deux prochains exercices, il a été plutôt avare d'information concernant les budgets des exercices suivants.
Afin d'évaluer dans quelle mesure le programme de dépenses et de revenus à long terme du gouvernement concorde toujours avec les prévisions avancées dans le mini-budget d'octobre 2000, l'ICCA a décidé d'effectuer sa propre analyse. Sur la base des prévisions de croissance dont a fait état le ministre des Finances en mai 2001, notre analyse montre qu'il est réaliste d'espérer pouvoir exécuter le programme en cours de réduction de la dette et des impôts parallèlement à un accroissement des dépenses dans des domaines comme celui de la santé. Notre analyse nous révèle toutefois également qu'avec les minces excédents budgétaires qu'on prévoit dégager au cours des cinq prochains exercices, tout autre nouveau projet de dépenses supplémentaires étalées sur plusieurs années compromettrait gravement la capacité du gouvernement de respecter ses engagements.
• 1345
Notre analyse nous a permis de constater qu'en tenant compte
des perspectives économiques telles qu'elles se présentaient en mai
dernier et en supposant qu'aucune nouvelle mesure ne serait prise
qui soit susceptible de générer des revenus ou d'occasionner des
dépenses, l'excédent budgétaire pour les quatre prochains
exercices, si on fait preuve de prudence économique et qu'on
alimente normalement le fonds de réserve, sera de l'ordre de 800
millions à 2,6 milliards de dollars.
Si jamais la tendance au ralentissement qu'a connue notre économie depuis le printemps dernier se maintenait, ces excédents pourraient même être encore plus faibles. Nous nous devons de garder à l'esprit à quel point ces excédents peuvent facilement s'évaporer. D'après une analyse que le gouvernement a lui-même faite de cette fragilité, on constate qu'une diminution de seulement 1 p. 100 de la croissance réelle du PIB se traduirait par un recul global de 2,3 milliards dans la poursuite de l'équilibre budgétaire.
Cette démonstration ne vise qu'à mettre en évidence la valeur de notre position selon laquelle ce n'est pas le moment d'envisager de nouvelles dépenses échelonnées sur plusieurs années. Nous croyons qu'en agissant de la sorte, on risquerait de n'être pas en mesure de réduire les impôts et la dette.
Comme je l'ai indiqué précédemment, nous comprenons que le gouvernement se doit d'envisager d'effectuer des dépenses spéciales pour assurer la sécurité des Canadiens. Nous l'exhortons toutefois à réaffecter pour ce faire des fonds qui ont déjà été alloués. Nous croyons en outre qu'il importe que le gouvernement fasse une distinction entre les mesures qu'il se proposait déjà de prendre avant le 11 septembre et celles qui sont devenues nécessaires pour qu'on puisse s'attaquer aux nouveaux problèmes incontournables qui se posent depuis lors.
En définitive, la donne n'est maintenant plus du tout la même ni pour le gouvernement ni pour les gens d'affaires. Dans le cas du gouvernement, il devrait mettre en suspens—les entreprises font l'équivalent dans leur domaine—, par exemple, l'application de son ambitieuse stratégie nationale d'innovation, ou encore renoncer à accroître ses dépenses pour réaliser son programme d'accès à bande large, et mettre plutôt l'accent sur la mise au rancart de certains projets.
Bien que nous comprenions et appuyions la détermination du gouvernement à répondre aux besoins du pays en matière de sécurité, nous n'en croyons pas moins qu'il devrait veiller résolument à assurer notre solidité financière à long terme en continuant de procéder à des réductions d'impôt et au remboursement de la dette afin de stabiliser notre économie chancelante, en reportant à plus tard de nouvelles dépenses et en évitant un retour aux déficits.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Brunet.
Nous allons maintenant entendre M. Walter Robinson, le directeur fédéral de la Fédération des contribuables canadiens. Bienvenue, monsieur Robinson.
M. Walter Robinson (directeur fédéral, Fédération des contribuables canadiens): Merci, monsieur le président.
Je serais tenté de vous dire idem en vous renvoyant aux propos des deux intervenants qui m'ont précédé et de céder le micro au suivant, mais étant donné que nous avons fait le voyage en train pour...
Je suis toujours heureux de comparaître devant votre comité pour vous faire part de ce que la Fédération des contribuables canadiens, qui compte 61 000 membres, entrevoit comme éléments prioritaires que devrait comporter le prochain budget.
[Français]
Comme d'habitude, ma présentation de cet après-midi sera en anglais seulement, mais à la fin, si vous avez des questions en français ou en anglais, je vais essayer d'y répondre dans la langue officielle de votre choix.
[Traduction]
Pour vous situer, je vous signale que la FCC a été fondée en 1990 et est devenue, après seulement 11 courtes années, l'organisation canadienne de défense des intérêts des contribuables la plus influente et la plus visible. C'est une organisation non partisane, sans but lucratif, qui ne reçoit nul soutien politique ou financier d'aucun ordre de gouvernement. Qui plus est, elle interdit à tous les membres de son conseil d'administration et de sa direction ainsi qu'à tous ses employés d'adhérer à un parti politique.
Compte tenu des circonstances extraordinaires dans lesquelles nous avons été placés depuis le 11 septembre, le message que nous tenons à vous transmettre aujourd'hui est très simple, direct et catégorique: le Canada a besoin d'un budget, et ce, dès cet automne, idéalement avant la fin du mois prochain.
À n'en pas douter, ce budget devra mettre principalement l'accent sur la sécurité du pays et de ses citoyens. Une telle orientation est logique et nécessaire, et reflète d'ailleurs un consensus généralisé dans la population. En voulant contrer les nouvelles menaces créées par le terrorisme et asseoir notre sécurité nationale, il ne faudrait toutefois pas oublier les principes qui protègent notre sécurité budgétaire. Ces principes exigent notamment que nous continuions à alléger le fardeau fiscal des contribuables, que nous respections nos engagements législatifs de réduction de la dette et que nous nous employions à bien cibler—et j'insiste sur le mot cibler—les dépenses gouvernementales.
Bien que la FCC n'ait pas approuvé la façon dont le gouvernement s'y est pris pour équilibrer son budget—de par son approche, je tiens à le préciser, il est amené à continuer de surtaxer les travailleurs et les employeurs en leur faisant payer des cotisations excessives d'assurance-emploi et à sabrer dans les paiements de transfert aux provinces au lieu d'amputer certaines dépenses discrétionnaires fédérales comme celles relatives aux subventions excessivement généreuses à certaines entreprises, aux programmes non prioritaires de DRHC, aux plans de développement régional et aux opérations discutables de Patrimoine Canada—, en toute justice, nous reconnaissons tout de même le mérite de certaines mesures fiscales qu'il a prises depuis 1993. De fait, le gouvernement central a produit des états financiers équilibrés pour une quatrième année consécutive, et, comme l'a mentionné M. Brunet, il a consacré 35,8 milliards de dollars au remboursement de notre dette publique, y compris un versement record de 17,1 milliards de dollars qu'il a effectué en septembre dernier, un effort louable auquel nous ne pouvons qu'applaudir.
• 1350
De même, nous félicitons le gouvernement pour avoir, dans son
budget de février 2000, réindexé la structure fiscale en fonction
de l'inflation, éliminant ainsi le glissement d'une tranche
d'imposition à l'autre. À cet égard, il nous a fait plaisir de
recevoir par écrit, en mars 2000, des remerciements de la part du
ministre Martin en reconnaissance—et c'est bien ce que disait la
lettre du ministre—du rôle de premier plan qu'a joué la Fédération
en faisant prendre conscience aux Canadiens de l'effet de
glissement que produisait l'inflation sur les tranches d'imposition
et en contribuant à l'organisation d'un mouvement en faveur de la
réindexation du régime fiscal.
J'en vois sourire parmi les membres du parti ministériel au sein de votre comité, mais je vous prie de ne pas me prendre pour autant pour un rédacteur de discours au service de l'équipe de recherche du caucus libéral. Même si la FCC se félicite d'entretenir une relation constructive avec le ministre des Finances, les sujets de désaccord ne manquent pas entre lui et nous concernant ce gouvernement et ses orientations en matière de politiques fiscales.
D'abord, je tiens à signaler pour qu'il en soit fait mention au compte rendu, qu'en réalité, les mesures d'allégement fiscal annoncées dans le mini-budget du 18 octobre 2000 ne totalisent pas vraiment 100,5 milliards de dollars. C'est peut-être le cas sur papier, mais pour ce qui est de l'argent qu'on ira chercher en moins dans les poches des travailleurs canadiens, il s'agira plutôt d'un montant représentant au mieux environ la moitié des 100 milliards annoncés en grande pompe.
Ainsi, pour arriver à ce montant de 100,5 milliards de dollars, on a comptabilisé un manque à gagner de 20,7 milliards—ce chiffre nous vient de documents du ministère des Finances—attribuable à l'élimination du glissement d'une tranche d'imposition à l'autre en raison de l'inflation. Il ne s'agit pas là d'une réduction d'impôt ou d'une mesure d'allégement fiscal, mais simplement de recettes qu'Ottawa ne percevra plus. De même, il nous faut soustraire les 28 milliards supplémentaires que les Canadiens paieront, entre 2000 et 2004, en cotisations au RPC. Enfin, nous considérons l'augmentation de la prestation fiscale canadienne pour enfants comme une dépense plutôt que comme une mesure d'allégement fiscal.
Néanmoins, un allégement fiscal de 50 milliards de dollars sur cinq ans au titre de l'impôt des particuliers et des sociétés ainsi que des cotisations d'assurance-emploi ne peut être que bienvenu. Nous demandons simplement au gouvernement de cesser de tromper les gens avec ses «100 milliards de dollars» de rhétorique mensongère.
Mais revenons à la question qui nous préoccupe dans l'immédiat, à savoir celle de la nécessité qu'un budget soit déposé à l'automne. Même avant le 11 septembre, nous savions que, selon Statistique Canada, la croissance économique avait ralenti pour atteindre son plus bas niveau en six ans et que, pour un troisième mois consécutif, le taux de chômage avait augmenté pour se situer à 7,2 p. 100 en août et y demeurer depuis.
Chez nos voisins du Sud, le Federal Open Market Committee (FOMC) de l'U.S. Federal Reserve Board avait déjà abaissé son taux directeur visant les fonds fédéraux—également désigné sous le nom de taux préférentiel des États-Unis—à sept reprises depuis le début de 2001 pour une réduction totale de 300 points de base. Plus près de nous, la Banque du Canada a déjà abaissé son taux d'escompte à six reprises depuis le début de 2001, pour une réduction totale de 175 centièmes de points.
Au cours de la période de cinq mois allant d'avril à août inclusivement, le taux mensuel moyen d'inflation de l'IPC a été de 3,2 p. 100—un taux qui se situe en dehors de la fourchette jugée acceptable par la Banque du Canada—, alors même que le gouvernement fédéral avait autorisé de nouvelles dépenses non prévues au budget de l'exercice en cours d'une valeur estimée se situant entre 3 et 4 milliards de dollars.
Dans la foulée des événements du 11 septembre, le FOMC a abaissé encore davantage son taux directeur, d'abord de 50 points de base le 17 septembre, puis de 50 autres points de base le 2 octobre. Au total, en neuf mois, on a donc réduit ce taux de 400 centièmes de points—soit de plus de la moitié de sa valeur de départ au 3 janvier, où il se situait à 6,5 p. 100. C'est donc dire que, si on tient compte de l'inflation, il n'en coûte rien aujourd'hui pour emprunter. Voilà qui laisse présager que nous aurons bientôt d'énormes difficultés économiques à surmonter.
Également le 17 septembre, la Banque du Canada fit de même en abaissant son taux d'escompte de 50 points de base pour le faire passer de 4,25 à 3,75 p. 100, pour une réduction totale de 225 points de base depuis le 1er janvier de la présente année. La plupart des analystes prédisent actuellement une autre baisse de 50 centièmes de points du taux d'escompte de la Banque du Canada qui devrait être annoncée par le gouverneur David Dodge mardi prochain.
Pire encore, la Banque du Canada a également repoussé aux deux derniers trimestres de l'an prochain ses projections concernant une éventuelle reprise de l'économie canadienne. Jeudi, le Conference Board a, de son côté, fait remarquer que, du train où vont les choses, nous aurons connu, une fois rendus au printemps 2002, quatre trimestres successifs de croissance nulle.
On prévoit maintenant que la croissance réelle de notre PIB pour l'année en cours sera de 1,5 p. 100, alors qu'à cet égard, nous avions affiché un superbe 4,7 p. 100 en 2000 et que le ministre Martin avait prédit, pas plus tard qu'il y a six mois, un beau 2,5 p. 100. Les perspectives pour 2002 sont également sombres, avec une prévision de croissance ramenée à un maigre 1,2 p. 100, soit tout juste un peu plus du tiers des 3,4 p. 100 qu'avait prévus le ministre des Finances, Paul Martin, il n'y a de cela que six mois. Notre économie, si elle n'est pas en récession—comme deux importantes banques canadiennes l'ont affirmé—est de toute évidence en perte de vitesse.
Même avec un excédent budgétaire de 11,1 milliards de dollars pour l'exercice en cours, les facteurs que je viens d'énumérer auront forcément pour effet de réduire la somme des recettes fiscales que le gouvernement escomptait tirer de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés pour le reste du présent exercice et de modifier considérablement le tableau pour 2002 et les années subséquentes. De surcroît, l'accroissement des dépenses de l'État au titre des prestations de chômage et la diminution de ses recettes provenant des cotisations de l'assurance-emploi qui résulteront des quelque 100 000 mises à pied et plus qui ont déjà été annoncées au Canada cette année auront un impact négatif supplémentaire sur notre bilan économique national.
Les déclarations de divers ministres fédéraux vont dans le sens d'un accroissement des mesures de sécurité publique—rôle accru de la GRC et du SCRS, resserrement des contrôles frontaliers et douaniers, relèvement de nos capacités de défense et, probablement, octroi d'une aide supplémentaire aux transporteurs aériens canadiens en sus des 160 millions de dollars qu'on leur a déjà accordés. Et cette liste n'est nullement exhaustive.
• 1355
Qu'on nous comprenne bien: nous ne contestons pas la nécessité
de répondre à la majorité de ces besoins pressants, mis à part
l'octroi d'une aide supplémentaire à l'industrie du transport
aérien, et j'espère que nous pourrons revenir sur ce dernier
élément au cours de la période de questions. Mais nous appréhendons
la façon dont ces dépenses supplémentaires et structurelles seront
financées. Nous sommes d'avis qu'il faudrait puiser à même les
postes budgétaires moins prioritaires, comme ceux relatifs à l'aide
excessivement généreuse accordée à certaines sociétés et aux
dépenses discrétionnaires du gouvernement, et réaffecter les sommes
ainsi libérées au financement des efforts de renforcement de la
sécurité publique. Nous savons que les ministères fédéraux sont à
revoir le profil de leurs enveloppes budgétaires au moment même où
je vous parle et que le ministre Martin vient de recevoir, ou est
encore à le faire aujourd'hui, des recommandations des plus
éminents économistes du pays. Toutes les données nécessaires à la
préparation d'un nouveau budget sont disponibles, et la nation
entière réclame à grands cris qu'en cette période de vive anxiété,
on prenne sans tarder des décisions éclairées d'ordre budgétaire.
Il faudrait vraiment qu'on dépose chaque année un budget. Le dernier remonte au 28 février 2000—il y a de cela 598 jours. Même si on considérait comme un vrai budget le mini-budget pré-électoral du 18 octobre 2000, il y aurait exactement un an demain que cet énoncé budgétaire a été déposé.
Comme l'a affirmé M. Audet, un exposé budgétaire donne une bonne idée de l'orientation que le gouvernement entend prendre sur les plans fiscal et politique. Il énonce les priorités et les objectifs du gouvernement et précise de quelle manière et auprès de qui il percevra des impôts pour financer la poursuite de ses priorités et objectifs. Les Canadiens veulent qu'on les informe à ce sujet. Ils veulent savoir comment on va assurer la protection de leur sécurité nationale et financière. Les Canadiens méritent un budget cet automne. Nous vous demandons de transmettre ce message au ministre Martin.
Au cours de la discussion de notre table ronde, nous pourrons aborder en détail les questions de la réduction des impôts et de la dette et nous pencher sur le contenu de notre rapport sur les services de santé qui a également été publié en septembre dernier.
[Français]
Merci de votre attention. J'attends avec impatience vos questions et notre discussion de cet après-midi.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Robinson.
Nous allons maintenant entendre
[Français]
le Front d'action populaire en réaménagement urbain, représenté par Mme Lucie Poirier et M. François Saillant.
[Traduction]
Bienvenue, monsieur.
[Français]
M. François Saillant (coordonnateur, Front d'action populaire en réaménagement urbain): Bonjour.
On a beaucoup parlé d'argent jusqu'à maintenant. J'imagine que c'est sûrement le rôle d'un comité des finances, sauf que j'aimerais quand même introduire une autre dimension qui est celle des personnes.
Si vous me le permettez, je vais d'abord vous lire un petit extrait d'un texte. Ce n'est pas très long:
-
Le Canada traverse actuellement une grave crise du
logement. La disponibilité et le coût du logement
ainsi que la question des sans-abri suscitent beaucoup
d'inquiétude à travers le Canada. Dans notre pays, il
est inadmissible que 1,3 million de ménages habitent
un logement médiocre ou soient contraints de consacrer
à leur logement un pourcentage excessivement élevé de
leur revenu. Les chiffres officiels sont sans appel.
Mais au-delà des chiffres, le grand désespoir qui naît
de la crise du logement au Canada touche beaucoup plus
de familles et d'individus.
La personne qui a prononcé ces mots est Paul Martin. C'est dans un document qui s'appelle Logement: Péril en la demeure, écrit en 1990, au moment où M. Martin était dans l'opposition.
Le titre du document contenait les mots «péril en la demeure». S'il y avait péril en la demeure, comme l'affirmait M. Martin en 1990, c'est encore plus le cas maintenant.
Au Québec, faute de s'être trouvé un logement, il y avait plus de 600 familles qui, au 1er juillet dernier, le jour des déménagements au Québec, étaient sans logis et qui ont dû avoir recours à l'aide du gouvernement pour arriver à se trouver un logement. Or, la pénurie de logements locatifs qui a entraîné cette situation va être encore pire l'année prochaine. Et ce n'est pas le FRAPRU qui le dit, mais bien la Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui prévoit déjà que les taux de logements vacants, dans les grands centres urbains, vont être plus bas l'année prochaine.
La pénurie de logements, c'est juste la pointe de l'iceberg. La crise du logement est beaucoup plus importante que cela. La Société canadienne d'hypothèques et de logement considère elle-même qu'il y a maintenant, au Canada, 1,725 million de ménages canadiens qui ont un besoin impérieux de logement. C'est une augmentation de 48 p. 100 du nombre de ménages qui ont un besoin de logement au Canada par rapport au moment où M. Martin, en 1990, parlait de crise du logement.
Le gouvernement fédéral est en grande partie responsable de cette situation. Si le fédéral n'avait pas coupé dans ses budgets de financement de nouveaux logements sociaux de 1990 à 1993 et s'il ne s'était pas retiré totalement du financement de nouveaux logements sociaux depuis ce moment-là, au Québec, pour ne parler que du Québec, il y aurait aujourd'hui environ 50 000 logements sociaux de plus d'accessibles à des gens à faible et à modeste revenu. À l'échelle du Canada, on parle facilement de 200 000 à 250 000 logements sociaux de plus qui seraient disponibles.
Huit ans d'absence de financement fédéral dans le logement social, c'est beaucoup trop long et ça doit cesser dès maintenant. Il faut d'abord que le fédéral investisse le plus rapidement possible les 680 millions de dollars qui ont été promis lors de la dernière campagne électorale dans le Livre rouge qui contenait les engagements du Parti libéral, et cette somme-là ne doit pas servir à financer des logements qui vont se louer 700 $ ou 800 $ par mois, comme c'était l'intention du gouvernement jusqu'à tout récemment, mais permettre vraiment d'offrir des logements qui sont abordables, qui sont accessibles financièrement, y compris aux gens qui sont les plus démunis financièrement.
• 1400
Pour nous, la meilleure façon de le faire est de
financer du logement social, au moins, puisqu'on
parle d'un programme fédéral-provincial là où les
provinces le veulent. Là où les provinces disent vouloir
financer du logement social, on doit le permettre,
et je signalerai
que c'est le cas du Québec, où le gouvernement
québécois a annoncé qu'il avait l'intention d'utiliser
les sommes fédérales à des fins de logement social.
Mais il va falloir aller beaucoup plus loin que ça. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral ne dépense pas tout à fait deux milliards de dollars dans le domaine de l'habitation à chaque année, ce qui lui a déjà valu une critique de la part du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'Organisation des Nations Unies, et ça sert essentiellement à payer les logements sociaux qui ont été créés par le passé.
Si on veut que de nouveaux logements se construisent—et je pense qu'il est urgent de le faire—, il faudrait qu'un investissement du même ordre, de deux milliards de dollars par année, s'ajoute pour financer de nouveaux logements sociaux.
Je voudrais faire une parenthèse sur le fait que le gouvernement considère souvent l'investissement dans le logement comme une dépense. Je pense que c'est une erreur que de considérer ça comme une dépense; c'est un investissement. Il faut d'abord se dire que si on n'investit pas dans le logement, les dépenses qu'on ne fait pas dans le domaine du logement, on les fera plus tard dans d'autres domaines, et je ne parlerai que de la santé et des services sociaux.
Je pense qu'il y a beaucoup d'études qui ont démontré l'impact de mauvaises conditions de logement sur la santé et les services sociaux. Donc, ne pas faire cette dépense-là entraîne un coût. Par ailleurs, construire des logements, c'est créateur d'emplois. À chaque fois qu'on construit un logement, il y a environ un emploi de créé dans le domaine de la construction, dans l'industrie manufacturière, etc.
Par ailleurs, l'argent que les gens à faible revenu n'investissent pas dans leur logement... Quand ils consacrent 60, 70 ou même, dans certains cas, 80 p. 100 de leurs dépenses à leur logement, ils n'investissent pas cet argent ailleurs. Or, si ces gens avaient cet argent, ils pourraient le dépenser dans d'autres domaines, notamment dans l'économie locale, directement.
Le gouvernement fédéral va peut-être être tenté, compte tenu de la conjoncture qu'on connaît, compte tenu de ce que tout le monde a soulevé, de remettre à plus tard les investissements dans le domaine du logement. Pour moi, ce serait non seulement inacceptable, mais bien scandaleux. Ni la guerre dans laquelle on est impliqués ni le ralentissement économique ne justifient qu'Ottawa continue à se fermer les yeux face aux problèmes criants et urgents des mal-logés et des sans-abri.
Aujourd'hui, on est le 17 octobre. C'est la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté. Ce serait peut-être l'occasion de se rappeler que les pauvres ont fait les frais de la lutte au déficit et qu'ils n'ont à peu près pas bénéficié des retombées des surplus budgétaires colossaux dont, comme je vous le disais plus tôt, le gouvernement fédéral jouissait jusqu'à tout récemment et dont il jouit peut-être encore en partie. Il ne faudrait pas leur demander maintenant de faire les frais de la guerre et de la décroissance économique et, éventuellement, d'une nouvelle lutte au déficit. S'il y a une guerre qui doit être menée, de l'avis du FRAPRU, c'est la guerre à la pauvreté. Il me semble que ça, c'est une urgence nationale. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre M. Bélanger, de la Fédération maritime du Canada.
M. Gilles J. Bélanger (président et directeur général, Fédération maritime du Canada): Merci, monsieur le président. Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant votre comité cet après-midi.
[Français]
La Fédération maritime du Canada a été constituée en vertu d'une loi du Parlement en 1903. Elle représente les intérêts de plus de 95 p. 100 des bâtiments de haute mer assurant les échanges commerciaux dans les ports du Canada Atlantique, du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Ses membres sont des sociétés canadiennes, propriétaires, exploitantes ou mandataires de ces navires, qui assurent la quasi-totalité des échanges commerciaux entre les ports d'outre-mer et les ports de l'Est du Canada.
La fédération représente également la quasi-totalité des paquebots de croisière internationaux qui font escale dans les ports de l'Est du Canada. L'industrie du transport maritime n'est pas une industrie subventionnée; bien au contraire, elle verse annuellement environ 360 millions de dollars pour l'utilisation des infrastructures telles que les ports, la voie maritime et pour les services exigés ou dispensés par le gouvernement tels que le pilotage, les inspections de Douanes Canada, Agriculture Canada, Transports Canada, etc., y compris 38 millions de dollars facturés annuellement par la Garde côtière pour le coût des services de dragage, de déglaçage et d'aide à la navigation.
• 1405
Ce fardeau indu place l'industrie maritime dans une
position concurrentielle désavantageuse par rapport aux
autres modes et par rapport aux routes maritimes
américaines, lesquelles n'ont pas à assumer des
dépenses semblables à celles qui sont facturées
notamment par la Garde côtière.
La fédération s'est toujours opposée à cette politique de recouvrement des coûts. Nous avons joint nos forces à celles des autres associations maritimes pour demander que cette politique soit reconsidérée et le recouvrement des coûts éliminé. Je fais allusion en particulier aux coûts de la Garde côtière. Nous sommes en train de monter notre dossier et sommes impatients de le présenter.
Cependant, nous comprenons que le gouvernement ait des priorités plus urgentes depuis les attaques qui ont débuté le 11 septembre dernier. Aussi, en raison des circonstances exceptionnelles que nous connaissons en ce moment, nous suspendons notre action dans ce dossier et remettons nos recommandations relatives aux coûts de la Garde côtière à des consultations prébudgétaires futures.
Nous pensons cependant qu'il est extrêmement important de souligner aujourd'hui l'importance d'inclure dans le processus budgétaire des prévisions visant l'augmentation des mesures de sécurité dans l'industrie maritime. L'industrie a commencé déjà à mettre en place des technologies de pointe telles que l'AIS, l'Automatic Identification System. L'AIS est un système extrêmement puissant et sophistiqué de repérage des navires. Il est couplé, à bord des navires, à un système d'émetteurs grâce auquel les navires transmettent continuellement aux autres navires et aux autorités basées à terre leur identité, leur vitesse et autres données.
Considérant l'apport potentiellement important d'un tel système en matière de sécurité, nous vous soumettons que le gouvernement devrait tirer parti des progrès qui ont déjà été faits dans ce domaine et investir dans la mise en place de l'infrastructure terrestre qui permettrait aux différentes autorités d'accéder à l'information précieuse fournie par l'AIS. Cet investissement fournirait aux autorités de l'information continue sur la position en temps réel de tous les navires qui se trouvent dans les eaux canadiennes, rendant ainsi possible la surveillance constante des mouvements des navires.
Je dois dire que certaines parties de ce travail-là se font déjà à divers endroits du Canada. Mais je pense qu'étant donné les circonstances actuelles, il serait important d'accélérer la mise en place de ce programme de façon à ce que cette surveillance puisse s'exercer partout au Canada ou, tout au moins, dans les eaux canadiennes.
Tel que signalé par l'Association des armateurs canadiens, ces technologies de pointe ne devraient pas être mises en place uniquement dans les navires, les ports et pour les opérateurs de terminaux, mais également pour les ministères et agences gouvernementales qui travaillent avec l'industrie maritime.
À cette fin, le gouvernement doit s'assurer que les différents systèmes de surveillance de télécommunication et d'information qu'ils contrôlent soient aussi récents que possible et compatibles avec les nouvelles technologies.
La fédération s'est jointe à une vaste coalition qui regroupe les organismes représentant le monde canadien des affaires et qui est menée par Perrin Beatty, afin de promouvoir l'idée d'un périmètre de sécurité nord-américain. Nous adhérons au concept selon lequel la sécurité doit couvrir tant les Canadiens que les Américains. Nous jugeons que les politiques en matière de sécurité doivent faire l'objet d'une coordination et qu'il faut éviter de créer des goulots d'étranglement dans le transport et le commerce entre les deux pays. Pour ce faire, il faut faciliter le commerce à faible risque en étendant la loi canadienne qui autorise le prédédouanement et en affectant davantage certaines ressources assignées au commerce à faible risque aux activités à haut risque.
En ce qui concerne l'industrie maritime, cela pourrait signifier l'harmonisation des paramètres de collecte de l'information provenant des navires ainsi que l'harmonisation des obligations des navires en matière de fourniture d'information.
• 1410
Nous croyons également que la sécurité pourrait être
améliorée par l'octroi des ressources nécessaires pour
renforcer le processus de traitement des réclamations
de statut de réfugié, ce qui est une étape nécessaire
pour permettre au Canada de demeurer à l'intérieur d'un
périmètre de sécurité nord-américain. Il s'agit d'un
réel problème de sécurité pour nos membres, puisque des
passagers clandestins montent à bord des navires en
route pour le Canada et que, dans les ports canadiens
où font escale les autres navires, des membres de
l'équipage désertent dans le but de réclamer le statut
de réfugié et de rester ainsi au Canada pendant de
nombreuses années.
Ces personnes savent très bien qu'aussi mal fondée que soit leur réclamation du statut de réfugié, elles pourront rester au Canada, dans le cadre des lois actuelles, pendant des années avant qu'une décision finale ne soit rendue et qu'il leur sera même possible d'y rester illégalement par la suite, même malgré une ordonnance d'expulsion. Il y aurait, en ce moment, environ 27 000 personnes dans cette situation au Canada d'après des rapports parus récemment.
Puisqu'un tel état de fait serait probablement incompatible avec un périmètre de sécurité nord-américain, le gouvernement doit allouer des ressources afin d'accélérer le processus, de détenir les personnes dont la réclamation de statut est douteuse et d'expulser efficacement les demandeurs qui se sont vu refuser le statut de réfugié.
Enfin, nous endossons les commentaires de l'Association des armateurs canadiens suivant lesquels l'industrie maritime s'attend à ce que le gouvernement fédéral indemnise le mode maritime s'il décide d'introduire des mesures de sécurité spécifiques à ce mode, comme il a été fait pour le mode aérien. Les plans budgétaires du gouvernement devraient donc inclure une provision pour mesures spéciales de sécurité, quel que soit le mode visé.
Nous remercions à nouveau le Comité permanent des finances de nous avoir donné la possibilité d'exprimer nos vues lors de ces consultations-ci.
Le président: Merci, monsieur Bélanger.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre le maire de la municipalité d'Iqaluit.
Bienvenue, monsieur le maire John Matthews.
M. John Matthews (maire d'Iqaluit): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous vous sommes très reconnaissants de nous donner ainsi l'occasion de comparaître devant votre comité.
Iqaluit, la plus nouvelle et la plus froide des capitales de l'Amérique du Nord, fait face à un grave problème d'infrastructure, et c'est pourquoi nous avons effectué le long et coûteux voyage depuis Iqaluit jusqu'ici pour nous adresser aux membres de votre comité.
Monsieur le président, j'aimerais souligner le fait que votre comité avait prévu visiter Iqaluit l'an dernier à peu près à ce temps-ci de l'année—en novembre ou décembre, je crois—, mais qu'en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, il avait dû se décommander. Je souhaiterais vivement que vous puissiez un jour vous rendre à Iqaluit pour y constater sur place certains des problèmes que nous connaissons.
Depuis le 1er avril 1998, le gouvernement du Nunavut, avec le soutien du gouvernement du Canada, s'est employé avec succès à doter son nouveau territoire d'une nouvelle infrastructure gouvernementale. L'implantation de cette nouvelle institution a eu sur la ville d'Iqaluit un impact extraordinaire—un impact d'ailleurs démesuré au regard de la capacité de la ville à gérer la croissance qu'elle a conséquemment connue. Il faudra maintenant s'employer tout particulièrement à mettre en oeuvre un plan qui nous permettra d'aménager la plus nouvelle des capitales du Canada, car nous faisons face à une situation critique sur le chapitre de la mise sur pied de l'infrastructure de base voulue pour bien servir nos citoyens.
La ville d'Iqaluit prend des mesures concrètes pour s'attaquer à ce problème urgent. Nous venons tout juste d'achever la construction, au coût de 7,6 millions de dollars, d'une usine de traitement des eaux usées. Nous avons demandé à des experts d'élaborer pour nous une stratégie financière à long terme comportant un plan d'accroissement de nos revenus pour financer des dépenses en immobilisations de l'ordre de 7,3 millions de dollars ainsi qu'une augmentation très marquée de nos dépenses de fonctionnement.
Le gouvernement du Nunavut s'est par ailleurs engagé à investir 12,7 millions de dollars sur cinq ans pour répondre à des besoins d'infrastructure. Cependant, il nous manque environ 27 millions pour combler nos besoins de base en la matière et nous permettre de répondre aux nouvelles exigences découlant de notre croissance et de stimuler l'économie de notre nouvelle ville. Il nous faut composer avec une croissance de l'ordre de 40 p. 100, mais nous en sommes réduits à essayer de nous débrouiller avec une infrastructure municipale style 1950.
• 1415
Dans son rapport de mai 2001 où il se penchait sur l'économie
du Nunavut, le Conference Board du Canada a fait remarquer que l'un
des principaux éléments déterminants de la croissance économique de
notre territoire résiderait dans l'implantation d'une
infrastructure physique adéquate, qui comprendrait notamment des
systèmes d'approvisionnement en eau potable et de gestion des
déchets, des liens de transport ainsi qu'un volet logement. Le
Conference Board a signalé qu'Iqaluit faisait face à des problèmes
particulièrement nombreux, car son infrastructure municipale doit
composer avec une forte croissance démographique. En fait, notre
ville manque cruellement de l'infrastructure de base dont les
autres villes, et tout spécialement les capitales, disposent tout
naturellement.
Les experts du monde entier ont de plus en plus à l'oeil l'Arctique canadien en raison des conditions changeantes qu'on y observe sur le plan environnemental. Malheureusement, la plus nouvelle des capitales du Canada est une vitrine pour quiconque veut observer des pratiques environnementales dépassées, y compris celle de faire brûler les déchets sur l'emplacement d'une décharge publique qui se trouve à l'intérieur même des limites de la municipalité. La ville d'Iqaluit veut devenir la plus nouvelle ville verte du Canada et servir de modèle en ce qui concerne l'engagement du Canada à respecter certaines normes pour protéger l'environnement de l'Arctique canadien.
Nous sommes conscients que le gouvernement du Canada doit faire face actuellement à des pressions budgétaires sans précédent par suite des attentats terroristes survenus récemment et de l'effort de guerre qu'il se doit de consentir. Compte tenu de ce contexte, nous reconnaissons que tout engagement à s'attaquer à nos problèmes devra forcément s'échelonner sur plusieurs années pour tenir compte de la capacité fluctuante de tous les ordres de gouvernement de contribuer à résoudre les problèmes en question.
Le but de notre présence ici aujourd'hui, c'est d'essayer d'obtenir votre appui en vue de l'établissement d'un partenariat entre la ville d'Iqaluit, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Nunavut et l'industrie pour faire en sorte qu'Iqaluit soit à la hauteur de ce qui se fait dans les autres capitales canadiennes.
Depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral joue un important rôle dans tout ce qui touche l'établissement du nouveau territoire du Nunavut que le Canada s'est engagé à créer. Il a notamment surveillé l'utilisation du budget de 150 millions de dollars affecté à l'aménagement d'une infrastructure propre à soutenir le nouveau gouvernement et à renforcer la capacité des gens du Nunavut à se gouverner eux-mêmes. Les sommes allouées au nouveau gouvernement pour l'implantation d'une infrastructure ont servi principalement à la construction d'une nouvelle enceinte pour l'assemblée législative, d'un nouvel édifice pour les bureaux du gouvernement et de logements pour les fonctionnaires, et, dans une mesure très limitée, à l'acquisition d'équipements municipaux.
Bien que le programme de travaux d'infrastructure ait contribué de manière extrêmement efficace à l'installation du nouveau gouvernement, on ne pouvait pas prévoir l'extraordinaire ampleur des exigences que la venue du nouveau gouvernement ferait peser sur l'infrastructure municipale déjà déficiente.
La nécessité d'améliorer notre infrastructure municipale tient à trois facteurs de croissance, le premier étant la croissance démographique. Depuis 1996, la population de la ville a augmenté de 40 p. 100. C'est le double de l'accroissement qu'on y avait enregistré entre 1991 et 1996. Le deuxième est l'essor qu'a connu la construction. Depuis 1995, la valeur des propriétés immobilières à Iqaluit a presque quadruplé, étant passée de 13,6 millions de dollars en 1995 au chiffre renversant de 51 millions de dollars en 1999. Le troisième tient à l'augmentation du nombre de logements. À elle seule, la croissance du parc de logements du gouvernement fédéral dans notre ville a créé une énorme pression sur nos services municipaux. En 1996, Travaux publics Canada possédait 60 unités de logement à Iqaluit, alors qu'en 2001, il en possède 230—la demande pesant sur nos services d'aqueduc et d'égout s'en trouvant quadruplée.
Le programme fédéral-provincial-municipal qu'a institué le gouvernement du Canada en matière d'infrastructure tient compte de la nécessité d'investissements majeurs dans l'infrastructure municipale. Mais il faudrait également qu'on reconnaisse l'existence de situations extraordinaires, par exemple dans le cas de l'établissement d'une nouvelle capitale, où il faut investir des sommes supplémentaires pour s'ajuster aux normes établies dans le reste du Canada.
Par exemple, le montant que le gouvernement fédéral entend investir dans l'ensemble du Nunavut dans le cadre du programme national de travaux d'infrastructure s'élève à environ 2 millions de dollars. La part d'Iqaluit dans ce financement sera d'environ 200 000 $ sur cinq ans, alors que pour répondre à nos besoins, il faudrait qu'on investisse environ 40 millions de dollars.
Dans son prochain budget, le gouvernement fédéral doit s'attaquer au manque criant d'infrastructure qui pose des risques sérieux pour la santé et la sécurité de notre population. Parmi les mesures que nous proposons, il y a notamment la conclusion d'une entente entre le MAINC et notre ville visant la construction d'une infrastructure propre à favoriser le développement de la plus nouvelle des capitales du Canada, l'octroi d'un soutien supplémentaire dans le cadre du programme fédéral-provincial existant de travaux d'infrastructure et l'allocation d'un financement ciblé s'inscrivant dans le cadre d'un programme spécial visant l'implantation de notre capitale nationale.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la période des questions. Chaque membre du comité disposera de cinq minutes. Je céderai d'abord la parole à M. Jaffer, puis à M. Loubier.
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu devant notre comité aujourd'hui. Merci, messieurs, pour vos exposés.
• 1420
En raison du temps limité qui m'est alloué, je me contenterai
de poser quelques questions à quelques-uns de nos témoins. Ma
première question s'adresse au représentant de l'industrie
maritime, M. Bélanger.
La Chambre est actuellement saisie d'un projet de loi, le projet de loi S-23, qui traite expressément des questions que vous avez soulevées, à savoir celles du trafic transfrontalier et des marchandises qui transitent par les postes frontière, naturellement ceux du Canada et des États-Unis, mais plus particulièrement ceux du Canada. J'ignore si vous avez eu l'occasion d'examiner ce projet de loi ou si vous vous êtes demandé quelles modifications pourraient lui être apportées pour remédier à certains des problèmes auxquels vous avez fait référence concernant le transport maritime des marchandises qui transitent par les ports situés au Canada ou qui accueillent des navires à destination des États-Unis. Si vous avez des suggestions à ce sujet... Il nous faudra nous pencher sur ces questions et évaluer dans quelle mesure nous devrons allouer des ressources supplémentaires au secteur du transport maritime compte tenu des impératifs de sécurité et commerciaux qui y sont en jeu.
M. Gilles Bélanger: Nous n'avons pas encore étudié ce projet de loi. Nous avons cependant examiné le projet de loi sur l'immigration, par exemple, et avons fait valoir nos points de vue le concernant aux instances appropriées. À certains égards, ce projet de loi ne permettra pas d'assurer, tout en gardant la frontière relativement accessible, le niveau de sécurité qu'à notre avis, il sera nécessaire de maintenir dans notre secteur et que, de toute façon, le gouvernement américain exigera de nous.
Ce que nous craignons, c'est que nous en arrivions à un point tel qu'il deviendra extrêmement compliqué de franchir la frontière américaine, ce qui serait extrêmement onéreux pour notre industrie. Si nos navires qui montent dans la voie maritime étaient retardés, chaque heure d'attente se traduirait par d'énormes pertes. C'est pourquoi nous sommes si inquiets.
Notre programme d'accueil des réfugiés n'est pas étranger à toute cette problématique. À en juger d'après ce que j'ai vu dans le nouveau projet de loi sur l'immigration, les mesures proposées ne sont pas suffisantes. On n'a rien prévu pour accélérer le traitement des demandes ni pour rendre le Canada moins attrayant pour d'éventuels demandeurs du statut de réfugié. Le problème, c'est que notre programme d'accueil des réfugiés est en soi une invitation aux aspirants réfugiés du monde entier à venir au Canada, parce qu'ils savent fort bien que nos mesures sociales leur faciliteront les choses pendant des années et des années.
Le fait que quelque 27 000 étrangers dont on a ordonné l'expulsion peuvent actuellement aller et venir librement partout au Canada crée un problème de sécurité susceptible d'entraver la circulation des biens et des personnes entre le Canada et les États-Unis.
Nous avons l'intention de nous pencher sur ce nouveau projet de loi, mais il ne nous a pas encore été possible de le faire.
M. Rahim Jaffer: Les points que vous avez soulevés méritent certes d'être pris en considération dans l'évaluation de nos besoins en matière de sécurité, notamment en ce qui touche les mesures qu'il nous faudra prendre pour améliorer nos contrôles frontaliers. La protection de nos ports de mer est tout aussi importante, spécialement pour votre industrie, et nous nous devons d'en tenir compte dans notre examen de ce projet de loi dont la Chambre est saisie.
Ma prochaine question s'adresse à Walter.
Walter, vous avez beaucoup insisté sur la nécessité que le gouvernement dépose bientôt un budget et, naturellement, qu'il fasse un exposé de la situation financière dans laquelle se trouve maintenant notre pays. Il y a vraiment trop longtemps que le gouvernement ne l'a pas fait, et, j'en conviens avec vous, le fait est qu'il nous faut un budget le plus tôt possible. Je note cependant que, bien que vous ayez fait état dans votre mémoire de certaines des situations que vous entrevoyez et dont, selon vous, l'éventualité rend indiqué le dépôt d'un budget dès cet automne, vous n'avez pas cette fois-ci, contrairement à votre habitude, pris soin de formuler dans votre mémoire un certain nombre de recommandations concernant des changements que le gouvernement devrait apporter à son ordre de priorités, notamment en ce qui touche ses dépenses. Peut-être pourriez-vous faire un petit effort en ce sens maintenant. Si enfin on devait nous présenter un budget, il serait utile que nous sachions d'abord ce que vous souhaiteriez qu'on y retrouve.
M. Walter Robinson: Nombreux sont ceux qui, parmi les membres du comité que j'ai rencontrés à l'occasion de plusieurs de nos comparutions—MM. Loubier, Nystrom et Discepola—, savent que nous nous amenons habituellement, lors des consultations prébudgétaires, avec un mémoire d'une trentaine de pages comportant une foule de suggestions de mesures d'allégement fiscal et d'objectifs budgétaires. L'une des raisons pour lesquelles nous ne l'avons pas fait cette fois-ci, c'est que nous avons manqué de temps. On a devancé la date de notre comparution, qui était prévue pour le 2 novembre, car le comité semble en quelque sorte pressé de mettre un terme à ses audiences sur cette question.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je me demande bien pourquoi.
M. Walter Robinson: Et je conviens avec vous, monsieur le président, qu'il est toujours sage de se montrer prudent. De coutume, nous aimons bien vous arriver après avoir pris connaissance des plus récentes données économiques, et nous avons toujours comparu après que le ministre des Finances eut déposé sa mise à jour économique. Il y a donc là un autre élément qui entre un peu en ligne de compte.
• 1425
Il est également important de signaler à cet égard que nous
n'avons pas les ressources dont dispose M. Brunet, quoique je me
propose d'examiner de très près son analyse. L'exposé économique du
mois d'octobre a permis une mise à jour du budget 2000. Puis, il y
a eu l'exposé économique du 17 mai, sauf que, dans ce document
d'une soixantaine de pages que nous avons ici, il n'y a pas une
seule ligne où il est fait état des revenus et des dépenses pour
l'exercice financier en cours. Le gouvernement s'y montre pour le
moins peu disposé à nous donner l'heure juste à propos de la
conjoncture économique.
Naturellement, il y a actuellement énormément d'incertitude. Nous nous sommes toujours efforcés d'utiliser les chiffres du gouvernement, mais, naturellement, quand ils ne sont pas disponibles, nous ne pouvons le faire. Nos positions sont très claires. Étant donné que notre fédération, les parlementaires et tout particulièrement le gouvernement ont actuellement des défis plus pressants à relever que de se pencher sur certaines de nos préoccupations budgétaires, nous ne préconisons aucune nouvelle mesure d'allégement fiscal pour ce prochain budget. Nous demandons tout au plus qu'on respecte le calendrier prévu de réduction des impôts de 100 ou 50 milliards de dollars sur cinq ans. Soit dit en passant, ce chiffre de 100 milliards nous apparaît discutable.
Nous nous en tenons encore une fois aux recommandations prébudgétaires que nous avions formulées en 1999 en vue du budget 2000, où nous pressions le gouvernement de s'engager par une loi à adopter un plan de réduction de la dette en vertu duquel il déposerait chaque année dans un compte spécialement créé à cette fin un montant équivalent à au moins 7 p. 100 des recettes fiscales provenant de l'impôt des particuliers. Une telle formule serait autrement plus exigeante que l'actuel processus de constitution d'une réserve pour éventualités.
Enfin, nous incitions le gouvernement à donner suite à certaines des recommandations du comité Mintz sur la réforme de l'impôt des sociétés—et le ministre Martin a laissé entendre qu'il pourrait en appliquer quelques-unes—, à accélérer l'exécution du plan de réduction de l'impôt sur le capital et de l'impôt des banques, et à prévoir une certaine harmonisation en faisant en sorte que les problèmes que connaît l'industrie pétrolière... Si vous jetez un coup d'oeil sur nos précédentes propositions prébudgétaires, vous constaterez qu'il y en a un bon nombre qui n'ont pas encore été appliquées, bien que nous reconnaissions le bon travail qu'a accompli le gouvernement en donnant suite à certaines de nos suggestions.
M. Rahim Jaffer: J'aimerais vérifier quelque chose que j'ai lu dans le mémoire de la Chambre de commerce du Québec. Sauf erreur, une des dernières recommandations que vous formuliez dans ce mémoire proposait que le gouvernement permette l'établissement de partenariats entre les secteurs privé et public dans le but de réduire les coûts du système national de santé et d'en accroître l'efficacité. Je me demande si vous ne pourriez pas simplement me donner quelques explications à ce sujet. Est-ce effectivement le genre d'opinion qui a maintenant cours au Québec chez nombre de vos membres? Est-ce là l'orientation que ceux-ci souhaiteraient voir prendre au débat et aux investissements touchant ce secteur? Si je m'interroge, c'est que, dans la province d'où je viens, l'Alberta, ce genre d'orientation nous a valu d'âpres critiques dans le passé. Et il semble bien que nous ayons toujours été les seuls à parler d'une telle hypothèse. Serait-ce que d'autres gens commencent maintenant à envisager eux aussi cette solution? Je me demande si vous ne pourriez pas nous expliquer un peu ce qu'il en est au Québec.
[Français]
M. Michel Audet: Malheureusement, ce n'est pas encore une pratique très répandue au Québec. Ce qu'on évoque, c'est le fait qu'on s'appuie sur des principes mis en avant il y a 40 ans, dans une loi dont on n'avait pas mesuré tout l'impact, pour geler littéralement les façons d'offrir les services aux citoyens. On ne met pas en cause le principe de l'universalité des soins de santé, mais quand on dit en même temps que oui, ils seront universels mais devront être gérés seulement par des services publics, je crois qu'on établit ainsi un lien qui se comprend mal.
Ce qui est important, c'est que le service soit livré à des coûts comparables, qu'ils soient même gratuits en fait, si c'est ce que les gens veulent. Cependant, là on touche littéralement à la gestion. Nous disons que l'un des problèmes des services de santé au Canada, c'est justement qu'on s'est bloqué à la fois dans la prestation des services et dans les technologies, parce qu'on s'est appuyé, à notre avis, sur des principes qu'on a étirés au maximum et auxquels on a fait dire des choses qu'ils ne voulaient peut-être pas dire à l'époque.
Je sais que maintenant c'est devenu presque sacré. Quelqu'un qui remet cela en cause est presque accusé d'être un mauvais citoyen canadien. Mais je pense qu'il faut véritablement se reposer la question à ce sujet. Même M. Romanow s'interroge, lui qui est d'une province où c'était sacré à l'époque. Mais je crois que le signal doit être donné plus fermement par le gouvernement fédéral. C'est lui qui doit susciter cette remise en question.
Il est possible d'offrir des services de façon plus efficace, à un coût moindre et, par conséquent, de les rendre plus accessibles aux gens, tout en étant financés par la population, à condition d'utiliser les ressources et l'imagination du secteur privé. C'est ce que dit essentiellement notre mémoire.
C'est aussi maintenant la position de la Chambre de commerce du Canada, où on en a débattu l'an passé, et c'est actuellement la position des gens d'affaires, en tout cas selon le mouvement des chambres de commerce dans l'ensemble du Canada. On l'a adoptée l'année dernière et nous en avions été les proposeurs.
Merci.
Le président: Thank you. Monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Saillant, vous avez mentionné tout à l'heure la rencontre des ministres responsables du logement social, qui s'est tenue récemment à London. J'avais cru comprendre qu'après cette réunion, il y avait quand même eu un rapprochement entre les ministres qui représentaient le Québec, les provinces canadiennes et le gouvernement fédéral et qu'on débloquerait rapidement des fonds. Là, vous semblez nous dire que, non seulement les fonds ne sont pas débloqués, mais qu'il y a en plus des conditions tellement aberrantes qui s'appliquent qu'il n'y a plus aucune flexibilité dans l'application des sommes fédérales qui seraient données au Québec ou ailleurs au Canada pour répondre aux besoins de la population.
Ai-je bien compris le contenu de votre mémoire et de vos interventions?
M. François Saillant: Plus ou moins. Pour être clair là-dessus, je dirai qu'à London, effectivement, il y a eu assouplissement de la position fédérale. Lors de la conférence de London qui s'est tenue les 15 et 16 août, le gouvernement fédéral a effectivement admis pour la première fois que le programme qu'il avait mis sur la table comportait de gros problèmes, entre autres du point de vue de l'accessibilité financière pour les gens à faible revenu. On a admis qu'il y avait un problème. On sait maintenant qu'on prévoit un autre rendez-vous à Québec le 30 novembre, une autre conférence des ministres responsables de l'habitation.
On sait que d'ici là, le ministre Alfonso Gagliano doit soumettre une nouvelle proposition au Conseil des ministres en vue de cette conférence-là. Ce qu'on peut faire pour démontrer que l'ouverture manifestée à London par le gouvernement fédéral est bien réelle, c'est débloquer les sommes. On sait que la conférence de London s'est tenue avant le 11 septembre et qu'il n'y aura pas de problème pour débloquer ces sommes-là ni pour accorder la souplesse nécessaire pour permettre à une province de faire ce que le Québec, par exemple, veut faire, c'est-à-dire se servir de ce programme à des fins de logement social pour satisfaire les besoins les plus criants en matière de logement.
M. Yvan Loubier: Si l'entente de London était finalement conclue et les fonds débloqués, quel pourcentage des besoins québécois les sommes fédérales impliquées pourraient-elles permettre de satisfaire?
M. François Saillant: Tout dépend, évidemment, du niveau d'aide qu'on accorderait aux ménages.
M. Yvan Loubier: De quelle somme avait-on parlé à London?
M. François Saillant: En termes d'argent, on parlait d'un programme fédéral dont les sommes seraient de l'ordre de 680 millions de dollars sur quatre ans.
Ce qu'on espère, du côté du gouvernement fédéral, c'est que les provinces investissent une somme similaire. Dans le cas du Québec, cela voudrait dire environ 160 ou 161 millions de dollars sur quatre ans. Si le gouvernement du Québec dégageait une somme similaire, on parlerait de 320 millions de dollars, ce qui répondrait effectivement à des besoins, bien que cela ne soit évidemment pas suffisant pour combler l'ensemble des besoins.
M. Yvan Loubier: Combien de logements avec...?
M. François Saillant: Tout dépend du niveau d'aide qui serait accordée. Je sais que le gouvernement du Québec, à l'heure actuelle, réfléchit à une position qui permettrait d'aider chaque année entre 3 000 et 4 000 ménages à revenu faible ou modeste, ce qui est insuffisant compte tenu de l'ampleur des besoins. Il faudrait un investissement supplémentaire, mais au moins, ce serait un pas en avant. De plus, la porte du financement fédéral, qui était complètement fermée depuis janvier 1994, serait entrouverte.
M. Yvan Loubier: Merci.
Monsieur Audet, vous avez mentionné tout à l'heure un problème de liquidités des entreprises. Lorsque nous avons soulevé cela à la Chambre des communes, à plusieurs reprises d'ailleurs, M. Martin nous a dit que les entreprises semblaient passer allègrement à travers la crise, qu'il n'y avait que quelques grandes entreprises qui pouvaient souffrir et qu'on les jugerait au mérite. Il n'a pas jugé bon d'accepter certaines propositions que nous lui avons faites de façon à donner de l'oxygène aux PME en particulier. Entre autres, nous avions proposé un congé de cotisation à l'assurance-emploi pendant une période déterminée pour laisser un peu plus de liquidités aux entreprises.
Nous avions aussi proposé un report de six mois des acomptes provisionnels des entreprises. M. Martin a rejeté cela carrément en disant que même les entreprises demandaient qu'il n'intervienne pas. Vous m'avez mis la puce à l'oreille plus tôt, lorsque vous avez dit que le gouvernement pourrait mettre un peu plus d'argent dans l'économie. Vous avez semblé ouvert à une certaine intervention de la part du gouvernement dans les circonstances exceptionnelles que l'on vit à l'heure actuelle.
M. Michel Audet: Oui. Écoutez, je pense qu'intervenir par le biais de la fiscalité, c'est effectivement à la base; quand le gouvernement collecte, en gros, 45 p. 100 du produit intérieur brut, c'est évident qu'il y a un impact sur l'économie. Alors, ce qui se pose actuellement et ce qu'on a proposé à Québec—je pense qu'on va d'ailleurs en discuter encore cette semaine—, c'est d'essayer d'accorder des délais lorsqu'il s'agit de taxes qui ne sont pas liées aux liquidités ou aux profits de la société.
• 1435
Un des problèmes que l'on vit au Québec, en
particulier, est qu'il y a
beaucoup de taxes. Il y a une taxe
sur la masse salariale, une taxe sur le capital, sans
compter les taxes fédérales. Il faut payer ces taxes
même lorsqu'on ne fait
pas de profit. Par contre, dans une telle situation,
on n'a pas à payer l'impôt
sur le profit. On peut même se le faire créditer si on
en a trop payé. Il y a des ajustements.
Les liquidités vont venir et il y aura des compensations.
Vous ne payez cet impôt que si vous faites des
profits.
Vous devez toutefois payer les taxes sur la masse salariale
et sur le capital même si vous faites un déficit et que
vous avez de la difficulté à effectuer vos paiements à
la banque.
Québec a déjà accordé un délai de quelques mois pour payer certaines de ces liquidités. Je ne pense pas que cette mesure soit appliquée partout au Canada, mais si les gouvernements interviennent pour une période limitée, c'est certainement la meilleure façon de le faire, parce que c'est un moyen équitable pour tout le monde. Il ne s'agit pas de subventions, même si on accorde des délais additionnels, ou même des suspensions de paiements pour une période de temps. Je pense que c'est une façon meilleure et plus équitable d'aider les entreprises que les subventions. Celles-ci peuvent créer des problèmes à beaucoup d'entreprises. Il s'agit donc de la meilleure façon d'intervenir. Les gouvernements vont devoir intervenir, à mon avis, dans certains secteurs.
M. Yvan Loubier: Vous êtes donc ouvert à l'idée d'une intervention. Il n'est pas tout à fait exact de prétendre, comme M. Martin le fait, que les entreprises ne veulent pas d'aide et qu'elles peuvent s'en tirer...
M. Michel Audet: Vous poserez la question à Air Canada!
M. Yvan Loubier: Je crois qu'il se fie uniquement à M. d'Aquino.
M. Michel Audet: Plusieurs PME—je pense que des représentants des banques pourraient en parler—vivent en effet des situations difficiles car les événements de septembre ont eu un effet important sur les liquidités des entreprises.
La situation commence peut-être à s'améliorer, mais il est évident que l'on faisait allusion à de telles situations. Je le répète, un acteur important n'est pas à cette table, et c'est le gouvernement du Québec, qui a une façon unique de percevoir les impôts.
Ces impôts prennent surtout la forme de taxes sur la masse salariale et le capital, donc des taxes qui touchent les facteurs de production, indépendamment de la liquidité des entreprises. Ces taxes ont pour but d'assurer des revenus au gouvernement, mais ne s'ajustent pas à l'économie.
Nous prétendons donc que, dans ces domaines, il faudrait donner un peu d'oxygène aux entreprises qui manquent de liquidités présentement. Le Québec l'a fait de façon temporaire, et je pense que le ministre des Finances du Canada devra envisager de faire de même pour certains secteurs.
À mon avis, une telle mesure a l'avantage d'être équitable pour tout le monde. Lorsque vous accordez des subventions—je suis d'accord à ce sujet avec M. Martin—à un secteur plutôt qu'à un autre, il y a un problème d'équité et également un sérieux problème de transparence.
Toutefois, si on accorde un délai de quelques mois pour payer des taxes, cette mesure est équitable envers tout le monde.
M. Yvan Loubier: [Note de la rédaction: inaudible] ...la prochaine question à M. Martin.
M. Michel Audet: J'accepte les conséquences.
M. Yvan Loubier: Il est trop tard, cela a été rendu public. Merci.
Le président: Monsieur Discepola, vous avez la parole.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais faire deux commentaires, poser une question à M. Audet et poser une question générale.
Je voudrais d'abord vous remercier de votre suggestion au sujet des cinq conditions de la Loi canadienne sur la santé. Je pense qu'il faut faire une distinction entre l'accessibilité et l'administration publique. Je suis soulagé que M. Romanow ait dit que tout était sur la table, parce que nous sommes arrivés au point où il faut vraiment discuter de tout ce qui est possible.
Je suis québécois et je trouve déplorable que notre gouvernement ait refusé de participer à cette commission. Peut-être changeront-ils d'idée. Ma question portait essentiellement sur votre commentaire, que j'ai peut-être mal compris. Ce matin, la CSN a exprimé un point de vue contraire au vôtre sur les transferts de points d'impôt.
• 1440
Si j'ai bien compris, vous dites qu'il s'agit d'un
faux débat, car les conditions économiques varient
d'une province à l'autre. L'Alberta pourrait, par
exemple, bénéficier davantage des transferts
économiques que le Québec puisque les conditions
économiques y sont meilleures.
Les transferts de points d'impôt bénéficient, dans une telle situation, aux provinces qui ont le plus de revenus. Vous avez dit qu'un transfert de points d'impôt pourrait valoir plus dans une province dont l'économie roule bien. Préférez-vous le statu quo, que la péréquation rende le tout plus équitable, ou si vous préconisez qu'on envisage le transfert de points d'impôt?
M. Michel Audet: Je crois que l'un n'exclut pas l'autre. Je prétends que lors des discussions sur les transferts fiscaux, on a effectivement oublié un problème fondamental. Il y a, au Canada, un problème de déséquilibre fiscal. La capacité fiscale du Québec n'est pas la même que celle de l'Ontario et n'est pas la même, non plus, que celle des provinces Maritimes. Je suis conscient de cela. C'est pourquoi il existe un régime général de péréquation dont le but est de tenter de rajuster à peu près à la moyenne canadienne les revenus des provinces, ce qui permet à celles-ci de donner des services comparables. Pour se conformer aux cinq principes de la Loi canadienne sur la santé, il faut des revenus à peu près semblables d'une province à l'autre, sinon certaines vont devoir imposer les revenus personnels à 100 p. 100 pour pouvoir offrir des services comparables à ceux des autres provinces. Voilà le but du régime de péréquation.
Selon moi, il faut que tous les transferts fiscaux s'accompagnent d'un régime de péréquation qui soit même un peu différent de celui que l'on connaît. Nous mettons le gouvernement en garde contre un problème potentiel. Il ne faut pas que les mesures adoptées provoquent davantage de déplacements de richesse d'une province à l'autre. Si, pour financer une dépense de 100 $ le Québec a besoin d'un point d'impôt et que l'Ontario en a besoin d'un demi, l'Ontario va baisser son taux d'imposition du demi-point en question, alors qu'il existe déjà un écart très important entre les impôts au Québec et en Ontario. On a un problème.
Nous sommes donc d'avis qu'il faut s'assurer qu'il y ait une forme d'équité au niveau des transferts, puisqu'il est question de transferts. On effectue des transferts pour corriger un déséquilibre fiscal, mais on vise à corriger un déséquilibre, non seulement au niveau des points d'impôt, mais aussi au niveau de la richesse. C'est ce qui est important. Il y a un déséquilibre au niveau de la richesse. Le programme que l'on adoptera doit corriger ce déséquilibre, sans quoi, encore une fois, on va accentuer l'écart entre les provinces riches et les provinces pauvres.
Si le Québec était une province riche comme l'Alberta, on ne soulèverait peut-être pas la question, mais il faut admettre que même si nous récupérions tous nos points d'impôt, il manquerait encore de l'argent pour financer nos dépenses. Il faut effectivement s'assurer que si on obtient des transferts de points d'impôt, ceux-ci soient accompagnés d'un système d'égalisation qui permette aux provinces d'être traitées équitablement parce qu'elles font face aux mêmes obligations financières.
M. Nick Discepola: Ce système existe. On l'appelle la péréquation.
M. Michel Audet: C'est effectivement un système de péréquation. Ces mesures doivent être complétées par un système de péréquation. Cela est fondamental pour nous, parce que sans cela, on verra l'écart de la richesse entre les provinces s'agrandir davantage. Il est déjà énorme. On dit que le Québec a déjà de la difficulté à se maintenir face à l'Ontario et à l'Alberta, qui ont des structures fiscales beaucoup moins lourdes. Il ne faut pas provoquer des changements qui vont faire augmenter cet écart de richesse.
M. Nick Discepola: J'aimerais entendre les commentaires des représentants de l'Institut canadien des comptables agréés, de la Fédération des contribuables canadiens et peut-être aussi d'un autre groupe qui avait affirmé qu'à la suite des événements du 11 septembre 2001, les mesures de sécurité devaient constituer la priorité du gouvernement.
[Traduction]
Je crois que ce qu'a dit à cet égard l'Institut des comptables, c'est que nous devrions prendre bien soin de faire la distinction entre les initiatives qui étaient déjà envisagées avant le 11 septembre et celles qui sont maintenant devenues nécessaires pour nous attaquer aux nouveaux problèmes incontournables qui se sont posés depuis lors. Je crois d'ailleurs que la fondation des contribuables a elle aussi fait allusion à cette distinction.
Ma question est la suivante: pouvons-nous, comme comité, vraiment nous dire que la lutte contre le terrorisme est un volet qui exige un investissement ponctuel, ou devrions-nous recommander l'approbation de mesures budgétaires pluriannuelles qui sont probablement...? Les événements du 11 septembre me semblent avoir modifié la façon dont le monde entier doit aborder les réalités. Si les efforts que nous avons l'intention de déployer à court terme sont concertés, oui, cela pourrait exiger l'injection de fonds supplémentaires. Mais, à mon avis, ces efforts doivent être permanents. Ce genre de lutte s'apparente beaucoup à celle que nous nous efforçons de mener contre les barons de la drogue: une fois les chefs éliminés, d'autres têtes viennent les remplacer. Donc, peut-être devrions-nous recommander le financement de mesures permanentes plutôt que ponctuelles.
• 1445
J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.
M. Pierre Brunet: Je crois que nous sommes conscients de la situation. Personne ne sait exactement jusqu'où il nous faudra aller, combien tout cela nous coûtera. Ce que nous disons, c'est qu'il nous faudra accepter que les coûts augmentent et nous dire que certaines mesures devront être prises immédiatement, mais à l'intérieur des paramètres existants. On constate que le budget de l'an prochain, tout comme d'ailleurs celui de l'exercice en cours, comporte une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars. Les nouvelles mesures qu'on envisage de prendre devraient être financées à même les fonds dont nous disposons déjà, sans compromettre les programmes projetés de réduction des impôts et de remboursement de la dette.
Ce qui importe le plus dans tout cela, c'est de maintenir nos objectifs de réduction de la dette, car, sur chaque dollar que reçoit le gouvernement, 25 cents s'en vont au paiement des intérêts. En réduisant de 1 cent la portion payée en intérêts—en la faisant passer de 25 à 24 cents—, nous économiserions 1,6 milliard de dollars. Une réduction de 5 cents représenterait une économie 8 milliards de dollars, donc beaucoup d'argent à dépenser chaque année pour la sécurité et la santé. Les sacrifices que nous nous imposerions pour rembourser la dette nous rapporteraient de plus en plus de dividendes.
Augmenter massivement les dépenses dans l'immédiat voudrait dire accroître le déficit et la dette. Ce serait agir à l'encontre de nos propres intérêts. C'est de cela que nous aimerions vous convaincre. Il est certes très important que nous nous préoccupions de sécurité, et il y a des dépenses ponctuelles que nous nous devons de faire dans ce domaine. Le budget peut nous permettre de telles dépenses. Mais de grâce, demeurons à l'intérieur des paramètres que nous nous sommes fixés.
M. Walter Robinson: Monsieur le président, par votre intermédiaire, j'aimerais répondre à M. Discepola moi aussi.
[Français]
Permettez-moi d'ajouter un point concernant le débat ou les discussions avec vous, monsieur Audet. Ce n'est pas clair que tout est sur la table dans le mandat de la commission de M. Romanow.
[Traduction]
Si vous regardez la Loi sur les enquêtes et notamment le décret habilitant de cette loi autorisant la nomination de M. Romanow, vous constaterez que ce décret respecte les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Donc, en principe, M. Romanow ne peut recommander l'adoption de nouveaux principes...
M. Nick Discepola: Selon lui, tout est sur la table.
M. Walter Robinson: Cela voudrait dire qu'il va à l'encontre de son propre mandat, du mandat qui l'autorise à agir. Si tel est le cas, c'est bien tant mieux.
M. Nick Discepola: C'est un politicien d'expérience.
M. Walter Robinson: Oui. Il vient de votre province.
M. Nick Discepola: Il aura fallu un libéral pour reconnaître...
M. Walter Robinson: L'autre chose que j'aimerais signaler, c'est qu'il incomberait peut-être au Comité de la santé de débattre de la question, de comparer la valeur du travail du comité de M. Romanow en regard de celui du comité sénatorial Kirby, qui, à mon avis, est plus constructif et plus précieux pour les contribuables à cette étape-ci. Il a tout mis sur la table et par écrit. Nous allons attendre de voir ce qu'il fera. Le jury est encore en train de délibérer à propos de M. Romanow. Je tenais simplement à souligner cela pour le bénéfice du compte rendu.
Pour revenir sur votre question de l'à-propos d'autoriser des crédits ponctuels plutôt que permanents, c'est les deux qu'il faut faire, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire. Par exemple, en ce qui concerne l'acquisition de biens d'équipement—d'appareils de filtrage de sécurité pour les aéroports et d'autres pièces d'équipement que Douanes et Revenu Canada ou Immigration Canada vont devoir se procurer, les nouveaux systèmes informatiques, les nouveaux logiciels, le projet de cartes que la ministre Caplan entend réaliser—, il s'agit là de dépenses non récurrentes. Mais les montants qu'il faudra consacrer à l'entretien préventif de ces biens d'équipement ainsi qu'à l'administration du programme sont des dépenses permanentes, pluriannuelles, qui reviendront d'année en année.
Il faut donc jouer sur les deux tableaux, pour répondre à votre question. Nous y avons d'ailleurs clairement fait allusion dans notre mémoire. C'est pourquoi nous nous sommes montrés si peu insistants dans la présentation de certaines de nos propositions concernant les autres mesures à appliquer, car nous sommes conscients que notre pays a des priorités plus importantes que celles-là.
Ce que nous nous sommes dit et avons d'ailleurs exprimé, c'est que si vous vous reportez à la définition de base du concept d'État-nation, vous allez constater que cette expression s'entend d'un territoire défini qui possède une monnaie, un régime de lois, et un gouvernement souverain qui a pour mandat de protéger les citoyens de la nation en question. Si nous ne pouvons protéger les citoyens de notre nation, toutes nos demandes en matière d'allégement fiscal et de réduction de la dette deviennent alors vraiment secondaires, et c'est d'ailleurs pourquoi nous avons reculé d'un pas et vous avons permis, comme parlementaires, de vous pencher en priorité sur des problèmes plus importants qui doivent absolument être résolus.
Le président: Merci.
J'aurais une question avant de céder la parole au prochain intervenant. Traditionnellement, au moins depuis que ce gouvernement est au pouvoir, le dépôt du budget se fait en février. Nos témoins aimeraient-ils que le prochain soit présenté avant février?
M. Pierre Brunet: Me posez-vous la question?
Le président: Oui.
M. Pierre Brunet: Je crois que celui qui a probablement le mieux répondu à cette question, c'est Walter. Il est à peu près temps qu'on nous présente un budget; d'ailleurs, on a déjà trop tardé à le faire. Je crois donc que de reporter le dépôt du prochain budget à février ne serait pas très souhaitable. Mais c'est au gouvernement qu'il appartient d'en décider.
Ce que nous disons, c'est que nous avons besoin qu'on nous rende des comptes. J'estime que nous allons traverser une période difficile où nous devrons nager dans l'incertitude, pour ainsi dire. Je crois que le gouvernement devrait d'abord ouvrir ses livres, afin que nous puissions être sûrs qu'en principe, il peut se permettre de donner suite à telle ou telle recommandation que nous songerions à formuler et qu'il dispose des ressources voulues pour éventuellement y donner suite.
• 1450
Depuis les attentats du 11 septembre, toutes les grandes
entreprises se sont employées à revoir de fond en comble leur
planification. Dès la semaine suivante, chez nous comme aux
États-Unis, elles ont dû modifier leur stratégie. Vous devez faire
de même comme gouvernement. Étant donné que les règles du jeu
évoluent très rapidement, vous devez veiller à ce que notre pays
prenne les décisions qui s'imposent. On ne verra plus personne
s'inquiéter des montants qu'on dépensera pour la sécurité, mais il
demeure important de bien planifier les mesures qu'on entend
prendre en matière de fiscalité et de réduction de la dette.
Le président: Monsieur Robinson.
M. Walter Robinson: J'aimerais revenir sur le point soulevé par mon collègue, à propos du fait que les entreprises ont pris soin de revoir leurs orientations. Le gouvernement doit faire de même, et nous croyons que si on regarde les échéanciers et tous les indicateurs financiers...
M. Martin rencontre actuellement une équipe d'économistes pour prendre acte de leurs recommandations et des plus récentes projections. Nous disposons des données de Statistique Canada sur le chômage, de celles relatives aux inventaires des manufacturiers, de divers outils de ce genre. Aujourd'hui même, le président Greenspan prononce une allocution au Congrès des États-Unis. Nous aurons alors une très bonne idée de la conjoncture telle qu'elle se présente, et le gouvernement se devra de tenir compte des nouvelles réalités.
Nous vous suggérons d'encercler les dates du 20 et du 27 novembre sur vos calendriers. Nous pensons que c'est à l'une de ces dates que le ministre va présenter son budget, et nous en serions fort heureux. Je suis prêt à parier ma maison, non pas ma vie mais ma maison, que c'est ce qu'il fera—et encore là, il ne s'agit pas d'un contrat ayant force exécutoire, de sorte que nous n'avons rien à craindre.
[Français]
Le président: Madame Poirier.
Mme Lucie Poirier (organisatrice, Front d'action populaire en réaménagement urbain): Merci.
Évidemment, une mise à jour économique est nécessaire. Par exemple, on a entendu M. Robinson parler d'un surplus de 7 à 11 milliards de dollars pour cette année. Les économistes de la Banque Toronto-Dominion parlent de 6 milliards de dollars. Donc, on voit que les différences sont très, très importantes. À ce sujet, je pense qu'on a besoin de savoir quel est l'état des dépenses et quel est l'état des revenus des gouvernements. C'est à ce moment-là qu'on va pouvoir voir un peu comment on voudra s'aligner dans le futur.
Ce qui est clair, c'est qu'il faut faire face à la situation économique actuelle. Il faut faire face à certaines dépenses additionnelles, mais il va falloir aussi s'assurer que les personnes qui, dans les dernières années, n'ont rien vu dans les budgets voient enfin la couleur de l'argent.
Pendant plusieurs années, pour lutter contre le déficit, on a coupé dans les transferts aux provinces et dans l'assurance-emploi. On a coupé dans les transferts aux provinces, entre autres, ce qui a fait qu'en matière de financement de l'aide sociale provenant du fédéral, on est passé de 7,9 milliards de dollars en 1993 à 5,3 milliards de dollars, soit une baisse de 34 p. 100.
On avait des surplus importants. Les personnes qui en souffrent le plus à l'heure actuelle sont les personnes à faible revenu qui ont vu leur revenu et les services diminuer. Elles n'ont pas vu d'argent dans les derniers budgets, dans les dernières mises à jour économiques. On a plutôt eu une baisse d'impôt de 100 milliards de dollars dont 33 p. 100 de la population n'a rien vu.
Donc, à l'heure actuelle, oui, il faut faire face à la situation. Mais il faudra s'assurer qu'au niveau du logement, parce que la crise est encore pire et qu'elle s'accentue, il y ait non seulement un budget et une mise à jour économique, mais aussi des mesures pour réagir à la crise. Elle est très, très réelle dans le quotidien des gens.
Le président: Monsieur Audet.
M. Michel Audet: Évidemment, quand j'écoute madame, je comprends que M. Martin ne soit pas trop pressé de présenter un budget, parce qu'il pourrait y avoir une pression très forte pour embarquer dans de nouveaux programmes de dépenses.
Je pense qu'il est nécessaire de faire le point assez rapidement, soit par une mise à jour, soit par un budget—je ne sais pas comment on l'appellera—, précisément, comme l'a mentionné M. Brunet, pour savoir un peu où on s'en va et quel est le plan pour les prochains mois ou la prochaine année. Je pense que sur le plan fiscal, il faut bien indiquer que le gouvernement va garder le cap et va peut-être même permettre aux entreprises d'avoir plus de liquidités afin de leur redonner confiance. C'est un signal.
Je regrette, mais je ne voudrais pas voir un feu d'artifice de dépenses. Je pense que les gens ne s'attendent pas à cela et que ce n'est peut-être pas le moment. Je pense qu'ils ont besoin d'avoir un signal du fait qu'on maîtrise encore les finances publics.
Le gouvernement a effectivement un plan qu'il a mis en place, qui marche, pour faire face à la situation et pour nous donner des perspectives actuelles et des prévisions. Il y a toutes sortes de chiffres qui circulent. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'on donne des chiffres qui sont tout à fait contradictoires. Je pense qu'il serait important qu'il y ait une mise à jour assez rapidement.
Le président: Très bien. En novembre, avez-vous dit? Je ne vous avais pas dit que vous pourriez risquer une date.
Madame Bennett, vous pouvez poser une question, et ensuite, nous céderons la parole à M. Murphy, puis à Mme Guarnieri.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): J'aimerais que M. le maire Matthews nous explique plus précisément pourquoi il estime qu'une formule de financement proportionnelle au nombre d'habitants n'est pas appropriée dans le cas de sa ville.
Nous avons constitué au sein de notre caucus une sorte de comité informel sur l'Arctique qui, sauf empêchement, se rend dans le Nord chaque été. Or, je puis vous dire qu'il est apparu clairement à ceux d'entre nous qui ont visité le Nord que certains des programmes qu'on a mis en oeuvre dans toutes les petites localités de cette immense région ne sont pas aussi efficaces qu'ils devraient l'être, ce qui vaut d'ailleurs pour certains des défis que nous avons à relever concernant la prévention de la criminalité, le programme d'action communautaire pour les enfants, l'aide aux sans-abri et une foule d'autres choses qui fonctionnent mieux dans le Sud que dans cette région du pays. Souhaiteriez-vous également disposer d'une sorte de guichet unique auquel pourraient s'adresser vos diverses localités pour obtenir les fonds dont elles auraient besoin pour s'organiser d'une façon plus intégrée plutôt que de traiter successivement avec le ministère de la Justice, Santé Canada, le MAINC ou tous ces autres organismes pour accéder aux divers programmes?
M. John Matthews: Vous avez touché à quelques questions que je juge très importantes pour les collectivités du Nord.
En raison de notre faible population, le programme de travaux d'infrastructure, qui, à mon avis, est très utile ailleurs dans le pays, ne nous aide pas vraiment dans le Nord. Nous occupons un immense territoire avec une toute petite population. Quand le mode de financement d'un programme est fondé sur des critères démographiques, les régions qui sont très populeuses en profitent généralement davantage que celles qui sont moins peuplées. Ainsi, dans notre cas, le mode de financement du programme de travaux d'infrastructure ne nous permet de toucher que 200 000 $ sur cinq ans, ce qui ne répond absolument pas à nos besoins. Il nous faudrait quelque chose d'autre.
Nous n'avons pas conclu d'entente de développement économique avec le Canada. Nous sommes l'une des rares régions à ne pas l'avoir fait. Nous aurions pourtant désespérément besoin d'une telle entente. Il nous faudrait un programme similaire à celui de l'APECA, qui pourrait combler nombre des besoins du Nord et contribuer à son développement.
Je crois donc que la suggestion portant sur la création d'un guichet unique serait très valable, très utile, puisqu'un tel guichet nous permettrait de nous adresser à une seule instance pour tenter de répondre à l'ensemble de nos besoins.
Mme Carolyn Bennett: S'il devait être fait mention de votre coin du pays dans notre rapport sur la sécurité, y a-t-il quelque chose que vous aimeriez y voir inscrit concernant la situation particulière du Nord à cet égard?
Je suis allé à Cambridge Bay cet été, et j'ai pu y observer la présence de toutes sortes de bateaux—j'y ai notamment vu le yacht Land's End, un voilier irlandais. Vous sentez-vous quelque peu vulnérable dans le Nord, où il y a des collectivités qui n'ont même pas de poste de la GRC?
M. John Matthews: Oui, vous soulevez là un point très important, et au moment où l'on envisage d'établir un périmètre de sécurité nord-américain, il ne faudrait pas qu'on oublie que notre vaste territoire se doit d'être protégée.
À Iqaluit, nous avons un emplacement avancé d'opérations où il n'est pas rare de voir des F-18 participer à des exercices militaires.
Vous avez raison. Nous sommes vulnérables, et on pourrait nous isoler très rapidement. Je crois donc qu'on devrait également tenir compte de nos besoins à cet égard.
Mme Carolyn Bennett: C'est donc dire que, dans les observations que nous formulerons dans notre rapport en ce qui a trait à la sécurité, nous devrions prendre soin de faire mention du cas particulier du Nord canadien. Vous le souhaiteriez, n'est-ce pas?
Le président: Très bien, c'est ce que nous ferons. Surtout compte tenu du fait qu'actuellement, il est question d'un périmètre nord-américain... C'est bel et bien ce que vous avez dit, je crois.
M. John Matthews: Oui, c'est exact.
Le président: Nous savons maintenant exactement ce que nous allons écrire à ce sujet.
Monsieur Murphy.
M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Il y a une question que je tiens à soulever et que j'aimerais vous voir commenter, monsieur Robinson—et j'inviterais également nos autres invités à le faire, notamment MM. Audet et Brunet. C'est à propos de notre régime d'assurance-emploi. Comme vous en êtes probablement tous conscients, ce régime est fortement excédentaire. On en a dégagé des trop-perçus considérables ces quatre, cinq ou six dernières années. Et il y a une foule de gens—des élus, des porte-parole d'organismes, etc.—qui pensent qu'il existe à cet égard un fonds spécial dans lequel M. Martin peut tout bonnement aller puiser de l'argent et le distribuer comme si de rien n'était.
• 1500
L'excédent accumulé prend des proportions colossales, et
M. Martin a pu calmer les gens en abaissant les cotisations de 20
cents par an, je crois, ce qui, sauf erreur, s'est traduit pour le
gouvernement par un manque à gagner de 1,6 à 1,8 millions de
dollars. Mais il continue d'y avoir des excédents. Une foule
d'économistes et d'autres experts soutiennent qu'il s'agit vraiment
là d'un impôt déguisé sur la masse salariale. Selon moi, c'est une
question à laquelle M. Martin est appelé à devoir répondre. Je
crains qu'il ne lui faille en venir à réduire les cotisations et à
augmenter les impôts ailleurs, ce que je ne préconise pas. Il peut
toujours s'en tenir au statu quo et essuyer la critique—même le
vérificateur le critique maintenant—, ou encore lever un véritable
impôt sur les salaires, en l'appelant par son nom, et réduire les
cotisations d'assurance-emploi.
Avez-vous une opinion à ce sujet? Je ne crois pas que cette question soit sur la table en ce moment, mais je prévois que, d'ici 36 mois, le gouvernement aura des comptes à rendre sur ce chapitre.
Le président: Merci, monsieur Murphy.
M. Audet et M. Robinson.
M. Walter Robinson: Je crois qu'il y a deux ou trois mises au point à faire ici. Il s'agit bel et bien d'un impôt sur les salaires. Paul Martin lui-même l'a admis lors de la campagne à la direction du Parti libéral en 1990—si je puis me permettre de poursuivre dans le même sens que mon collègue en faisant consigner au compte rendu onze ans plus tard les propos qu'a alors tenus à ce sujet le ministre des Finances.
À propos des excédents, vous avez dit que des gens s'imaginaient que le ministre Martin pouvait tout simplement puiser de l'argent dans cette réserve et le distribuer. C'est précisément ce qu'il a fait. Les sommes que les employés et les employeurs avaient versées, il s'en est servi pour enrayer le déficit. Il me semble important de le mentionner.
L'autre chose à souligner, c'est qu'on a changé la composition de la commission et que ses travaux ont été suspendus pendant deux ans. En réalité, nous ne nous en faisons pas trop avec ça, car, au fond, cette commission recommandait ce que le ministre voulait bien. Ses propres actuaires ont fait remarquer qu'il y a trois ans, le taux des cotisations d'assurance-emploi aurait dû être de 1,81 $ plutôt que de 2,55 $ qu'elles étaient à ce moment-là, je crois, et ce, parce qu'aux termes de l'article 66 de la Loi sur l'assurance-emploi, on est censé, dans l'ensemble d'un cycle économique, chercher à maintenir en équilibre le compte de l'assurance-emploi en prenant en considération les hauts et les bas.
Il y a une option dont vous n'avez toutefois pas fait mention. Vous avez dit que le gouvernement pourrait lever un impôt sur les salaires et l'appeler par son nom. Je crois que vous avez fait état de trois options, dont l'une consisterait à maintenir le statu quo, ce qui m'apparaît inacceptable du fait qu'une charge sociale constitue en réalité une taxe perçue sans égard aux profits. Cette position de ma part reflète la recommandation que j'ai formulée par suite de ce qu'a révélé M. Mintz, à savoir que 7 p. 100 des montants que versent en impôts à tous les ordres de gouvernement les entreprises de notre pays sont en fait des impôts perçus sans égard aux bénéfices.
Vous avez affirmé que le gouvernement pourrait réduire le montant des cotisations et encaisser une perte de revenu en conséquence. Comme l'a fait valoir la Chambre de commerce du Canada, s'il optait pour une telle mesure, il pourrait créer quelque part entre 100 000 et 200 000 emplois. Le capital ainsi dégagé serait probablement réinvesti, car l'entrepreneur, qu'il soit petit, moyen ou grand, n'irait pas s'approprier les sommes découlant de la réduction des cotisations pour les accumuler ou se payer des vacances. Les entreprises s'en serviraient pour mieux former leurs employés et leur offrir des stimulants. Elles pourraient également augmenter les salaires de leur personnel—car, sur ce chapitre, nos entreprises ont pris du retard en regard de celles des autres pays du G-7—, moderniser leurs usines et leur équipement pour pouvoir profiter des nouvelles technologies et être plus compétitives.
Par conséquent, l'option à privilégier serait sans contredit de réduire les cotisations en vue d'augmenter le pouvoir d'achat des contribuables et, du même coup, activer l'économie. Cet argent ne s'envolera pas. C'est une option à laquelle vous n'avez pas fait référence dans votre question.
M. Shawn Murphy: Je ne suis pas d'accord avec vous, car, actuellement, je ne crois pas que le gouvernement ait la marge de manoeuvre voulue pour faire cela. Il ne peut pas se permettre de réduire les cotisations et de perdre 3 ou 4 milliards de dollars de recettes. Ce serait actuellement suicidaire. Tout le monde en est conscient autour de cette table. Par conséquent, je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une option valable pour le moment. Peut-être dans trois ou quatre ans, mais pas maintenant.
M. Walter Robinson: Je vais laisser à quelqu'un d'autre le soin de vous donner la réplique. Je ne voudrais pas monopoliser le débat.
[Français]
M. Michel Audet: On a déjà eu l'occasion de discuter de cette question à plusieurs reprises avec M. Martin. Évidemment, la réponse est toujours de demander de quelle façon nous voulons qu'il aille chercher le revenu. Préférons-nous que ce soit sous cette forme, parce que ça sert à financer le déficit, ou avoir une autre taxe, une payroll tax, ou augmenter l'impôt sur le revenu?
Je pense qu'il faut reconnaître, cependant, que même si on a critiqué le choix qui a été fait et qu'on continue de le critiquer, lorsqu'on se compare aux États-Unis, évidemment, on voit que l'écart est plus important au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers qu'au niveau de la payroll tax.
• 1505
Je pense que c'est peut-être ce qui a amené M.
Martin à continuer de maintenir des primes plus élevées
que nécessaire parce que, finalement, c'est ce qu'est
le système. Peut-être que le problème sera derrière nous
dans les prochains mois, parce que si le chômage continue
d'augmenter, il est possible qu'il
n'y ait plus de surplus, que la caisse ait peut-être
même un déficit.
Par contre, on espère qu'il n'y aura pas immédiatement de hausse de taux, parce que le risque, étant donné qu'il n'y a pas de caisse... C'est là qu'est le paradoxe. Tout le monde pense qu'il y a un surplus, mais il n'y a pas de surplus. L'argent a été utilisé. Il n'existe plus de surplus. Il n'y a pas de surplus. Donc, comme on n'a pas précisément accumulé de surplus et qu'on a véritablement considéré cela comme des revenus courants, le risque est qu'aussitôt qu'on saura ce qui est prévu, soit une conjoncture moins favorable, les dépenses seront plus élevées que les recettes. À ce moment-là, la tentation va être forte de dire qu'il faut augmenter les taxes. C'est la partie qui m'inquiète le plus pour les prochains mois et les prochaines années. Cela m'inquiète plus que les surplus. Je pense qu'on va vivre une situation inverse, et là ce serait un paradoxe. Le plus fou serait de se retrouver dans une situation où on serait obligés d'augmenter les primes parce qu'on ne se serait pas servi de cette caisse-là comme on aurait dû le faire, c'est-à-dire comme une caisse. En fait, il n'y a pas de caisse. C'est un revenu courant qui est encaissé par le gouvernement et qui a effectivement servi à financer des dépenses courantes. Je pense qu'il y a peu de gens qui en sont conscients. On parle toujours du surplus de la caisse. Il n'y a pas de surplus.
[Traduction]
Le président: Merci.
Je vous prie de répondre très brièvement.
[Français]
M. François Saillant: Je voudrais ajouter qu'il y a une autre option qu'on n'a pas mise sur la table, celle de redonner un niveau de prestations qui soit décent et d'accroître l'admissibilité à l'assurance-emploi. C'est une autre option qui devrait être sur la table et qui aurait dû être sur la table plus tôt. Quand on prend une assurance, parce qu'on parle d'une assurance qui est l'assurance-emploi, on peut se plaindre du montant des primes que l'on paie, mais on s'attend à tout le moins à ce que son assurance paie quand on est mal pris. Or, ce n'est pas le cas de l'assurance-emploi à l'heure actuelle. Quand ils sont mal pris, une grande partie des chômeurs sont laissés de côté ou, s'ils ne sont pas laissés de côté, ils ont un niveau de prestations insuffisant.
[Traduction]
Le président: Y a-t-ils d'autres commentaires?
Madame Guarnieri, allez-y.
Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): J'ai une question pour M. Brunet.
Je n'ai jamais hésité à proposer qu'on retourne les excédents budgétaires aux contribuables, que ce soit par des allégements fiscaux ou par une bonification des avantages sociaux, mais, comme tout le monde pourra l'admettre autour de cette table, les priorités ne sont plus les mêmes depuis le 11 septembre. À l'heure actuelle, aux États-Unis, on discute de l'envergure qu'on doit donner aux mesures visant à stimuler l'économie. M. Greespan soutient qu'il faudrait injecter à cette fin 1 p. 100 du PIB. Nos mesures d'allégement fiscal combinées à des baisses de taux d'intérêt nous procurent-elles, selon vous, un coussin suffisant pour freiner le ralentissement économique? Sentez-vous bien libre de répondre; ma question s'adresse à n'importe lequel d'entre vous.
M. Pierre Brunet: Les comparaisons d'un pays à l'autre sont toujours compliquées, car il faut mettre les choses en perspective. Nous devons garder à l'esprit que les États-Unis, au sortir de l'exercice qui vient tout juste de se terminer, avaient dégagé un excédent budgétaire de 240 milliards de dollars. C'est bien autre chose que nos 11 milliards de dollars. Les mesures d'urgence qu'on a prises par suite des événements du 11 septembre, si on fait le total, ont coûté exactement 240 milliards de dollars. Nos voisins ont donc tout simplement pris ce surplus et s'en sont servi notamment à des fins de sécurité, car ils avaient l'argent voulu à la banque pour ce faire et pouvaient se le permettre sans modifier leur structure fiscale. Leur situation est donc fort différente de la nôtre.
Le deuxième point que je tiens à faire ressortir, c'est que, tant aux États-Unis qu'au Canada, nous avons abaissé régulièrement les taux d'intérêt, et ce, même avant le 11 septembre, et que, malgré cela, pour la première fois en deux ans, on n'a pas obtenu l'effet escompté. L'économie est à deux doigts de s'effondrer. La grande crainte aux États-Unis—en passant, j'ai oublié de vous dire que ce que M. Greenspan va déclarer aujourd'hui sera très important à surveiller—, c'est qu'en réinjectant aussi rapidement 240 milliards de dollars dans l'économie, on ne fasse que créer de l'inflation, ce qui pourrait se révéler contre-productif. En créant de l'inflation en plein ralentissement économique, on risque de se retrouver dans une situation qui n'est pas des plus facile à gérer. Probablement qu'au sortir de cette séance, selon ce qu'aura dit M. Greenspan, nous serons mieux en mesure de savoir de quoi il en retourne.
• 1510
Au Canada, nous ne disposons pas de la marge de manoeuvre
voulue. Nous convenons tous que notre régime fiscal exige déjà de
nous le maximum, et, chaque fois qu'une décision est prise, nous
tenons tous à ce qu'elle ne nous mène pas vers un retour aux
déficits. Décider d'aller dans un sens ou dans l'autre ou de
réaffecter des sommes déjà allouées pour répondre à des besoins
nouveaux sans devoir accroître nos dépenses est un exercice qui va
se révéler beaucoup plus compliqué chez nous qu'aux États-Unis.
Vous savez, si les États-Unis avaient le même filet de sécurité sociale que nous, on y aborderait ces questions de la même façon que nous le faisons. Nous devons également garder à l'esprit que, si les États-Unis ont de tels excédents budgétaires, c'est qu'ils n'ont pas non plus le même niveau de sécurité sociale que nous avons au Canada, ni le même régime de santé, par exemple, ce qui compte pour beaucoup. Voilà pourquoi nous devons y aller avec circonspection quand nous faisons des comparaisons.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
Merci, madame Guarnieri.
Monsieur Nystrom.
[Français]
M. Lorne Nystrom: Je voudrais poser trois questions,
[Traduction]
deux brèves, monsieur Robinson, puis une autre.
Walter et moi-même partageons une même passion pour la réforme électorale, notamment pour la représentation proportionnelle. J'aurais une question à lui poser à propos de réforme parlementaire.
D'aucuns ont suggéré qu'il soit prévu dans la loi qu'un budget doit obligatoirement être déposé chaque année à date fixe, disons en février, afin que les autorités provinciales, les gens d'affaires, les agriculteurs, etc. puissent faire des plans. Êtes-vous d'avis que notre comité devrait y aller d'une telle recommandation?
M. Walter Robinson: Nous croyons que c'est une option qu'on devrait examiner. D'ailleurs, ça se fait déjà en Colombie- Britannique.
Si nous décidions d'avoir un budget à date fixe, nous aimerions que ce soit non pas en février, mais plus tôt, en janvier ou en décembre. Depuis nombre d'années dans notre pays, quand le ministre des Finances dépose son budget, au milieu ou vers la fin de février, des provinces comme la Colombie-Britannique, l'Ontario et parfois même les provinces atlantiques s'administrent pendant quatre à six semaines à l'aide de mandats spéciaux et attendent jusqu'au milieu de mai pour présenter un exposé budgétaire.
Le pire gouvernement à cet égard, ça été le gouvernement conservateur de l'Ontario—soit dit en passant, nous avons appuyé nombre de ses politiques. Ce gouvernement passait cinq ou six semaines à s'administrer à l'aide de mandats spéciaux. En réalité, il n'était pas habilité à dépenser de l'argent. De tels mandats spéciaux ne sont normalement octroyés qu'en période de guerre ou de catastrophe économique, environnementale ou naturelle, et non pour des motifs d'opportunisme politique.
Par conséquent, nous sommes entièrement favorables à toute mesure propre à devancer l'échéancier de planification budgétaire pour permettre à toutes les provinces et aux groupes intéressés de notre pays d'obtenir en temps opportun les indications dont ils ont besoin pour planifier. Nous serions ouverts à une telle mesure.
M. Lorne Nystrom: À propos des subventions excessivement généreuses qu'on verse à certaines entreprises, quel genre de mesures en ce sens devrions-nous, selon vous, abolir à l'occasion du prochain budget? Si possible, donnez-nous-en quelques exemples.
M. Walter Robinson: Je devine que vous ne vous envolerez pas pour Halifax ce soir. Sauf erreur, il y a, quelque part dans les comptes publics, une ligne où l'on indique qu'on affecte 1,989 milliard de dollars au poste des «transferts à l'industrie, Partenariat technologique Canada».
J'ai eu l'occasion de discuter avec le ministre Martin de cette pratique de notre gouvernement qui consiste à financer des activités de développement plutôt que des activités de recherche. Le cas de la Fondation canadienne pour l'innovation et ceux d'autres organismes qui font vraiment de la recherche médicale dont les résultats sont confirmés par leurs pairs sont des exemples de ce dernier type d'activité. Il s'agit là d'un rôle essentiel et capital du gouvernement.
Mais nous finançons également les troisième et quatrième générations d'une cellule d'avion d'un fabricant d'aéronefs, ou encore les troisième et quatrième générations d'un nouveau turbopropulseur ou d'un nouveau turboréacteur à double flux pour un fabricant de moteurs—je ne veux pas nommer les sociétés en question, car elles ont envers leurs actionnaires la responsabilité fiduciaire d'être à l'affût de toutes les sources de financement. C'est pourquoi nous rejetons la responsabilité sur le gouvernement de nous retrouver ainsi encore affligés de cette politique industrielle de type XIXe siècle, et nous voudrions que, dans le cadre de son programme de soutien à l'innovation, il investisse dans les personnes et non dans les sociétés.
Les sociétés axées sur le savoir naissent et disparaissent, comme nous pouvons le voir actuellement. Les atouts dont nous tenons tous à protéger en ce qui concerne l'éducation, le système de santé et divers autres programmes de ce genre sont notre sécurité d'emploi et notre compétitivité économique collective. C'est pourquoi, dans le cas de Partenariat technologique Canada, je reporterais à plus tard la stratégie d'accès à bande large dont le ministre Tobin fait une obsession.
Songez simplement au fait que ces sociétés espèrent qu'on leur fournira un conduit ou une autoroute pour qu'elles puissent acheminer leurs produits à destination. Elles retireront des bénéfices de la vente des produits en question—vidéos-sur-demande, services bancaires de pointe sur Internet et toute une variété d'autres services. Laissons ces sociétés financer une plus grande part de cette infrastructure, notamment dans les grandes agglomérations urbaines où se trouve le gros de la demande. Peut-être que, pour des localités comme Iqaluit et d'autres endroits, on peut prévoir une stratégie de segmentation du marché davantage axée sur les besoins régionaux. Ces collectivités ont besoin d'accéder à ces services pour pouvoir être compétitives et être parties prenantes dans le Canada du XXIe siècle, mais elles n'ont pas forcément la taille démographique et la base économique voulues pour financer elles-mêmes de tels projets.
À propos de la stratégie d'accès à bande large, de Partenariat technologique Canada, ainsi que d'un certain nombre d'organismes de développement régional, je vous signale que nous reproduisons sur notre site Web des études qui montrent que des contribuables financent la construction de terrains de golf et d'autres établissements de ce genre. J'aime bien jouer au golf, mais un terrain de golf n'est quand même pas un bien public. Ce n'est pas à de telles fins que nous voulons faire servir nos impôts; il ne s'agit pas là d'infrastructures, d'équipement de santé ou d'éducation.
M. Lorne Nystrom: Une dernière question, d'ordre plus général. À Toronto, avant-hier, nous avons entendu des gens nous parler de la nécessité que les municipalités aient un pouvoir accru.
Avons-nous besoin d'un changement au niveau du pays? Avons-nous besoin d'un amendement constitutionnel, de plus d'argent ou de points d'impôt pour les grandes villes? Montréal, Toronto, Vancouver et d'autres grandes villes connaissent des problèmes qui n'existaient pas il n'y a pas si longtemps. Le troisième niveau de gouvernement a-t-il besoin de plus de pouvoirs?
À l'heure actuelle, la plus grande partie des impôts est perçue par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, mais il y a sûrement 5 ou 6 p. 100 des recettes fiscales globales qui sont perçues par les gouvernements municipaux. Avons-nous besoin de changements radicaux pour la répartition des pouvoirs au sein des trois niveaux de gouvernement?
M. Michel Audet: Suggérez-vous au gouvernement fédéral de s'impliquer aussi dans le dossier des fusions municipales?
Plusieurs personnes seraient prêtes à vous transférer le problème. Je crois que ce n'est pas une bonne idée de changer la Constitution à ce chapitre. Je pense que la Constitution est claire. La cour l'a démontré. On se demande si les transferts de responsabilité effectués par les provinces sont sages. Il est important que, lors de l'analyse des transferts de responsabilités fiscales entre les deux ordres de gouvernement, on prenne bien soin d'intégrer aux responsabilités provinciales les besoins municipaux. Je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet. Tous les aspects du développement urbain sont devenus très importants et incontournables, et non plus seulement les besoins en santé et en éducation. Ils sont financés en grande partie par les impôts fonciers. Au fond, les gouvernements, que ce soit celui de l'Ontario ou du Québec, essaient, par les fusions, d'élargir l'assiette fiscale et de forcer les municipalités plus riches à payer un peu plus pour les autres. Je n'ai pas eu l'impression qu'il y ait eu d'autres grandes analyses derrière cela. Fondamentalement, c'est une question fiscale. Je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet. Il faut faire une analyse du partage des responsabilités entre les deux niveaux de gouvernement, parce qu'on a vu que selon la Constitution, il y a deux niveaux de gouvernements, le fédéral et le provincial.
Parmi les responsabilités provinciales, il y a les responsabilités municipales. Je pense qu'elles ont été trop ignorées lors de l'analyse des besoins de la population—et des coûts qui y sont reliés—auxquels on devait répondre. À notre avis, c'est probablement à ce niveau que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, en transférant suffisamment d'argent pour que les provinces puissent aider les municipalités, et cela pas seulement en les fusionnant mais en leur fournissant une aide adéquate au niveau financier ou fiscal.
M. Lorne Nystrom: Êtes-vous tous d'accord avec lui?
M. Walter Robinson: Je suis d'accord avec M. Audet, mais aux États-Unis, par exemple, le gouvernement a remboursé presque 84 p. 100 des taxes sur l'essence aux municipalités afin de permettre à celles-ci d'améliorer les infrastructures, les transports publics et le logement.
[Traduction]
Aux États-Unis, le gouvernement fédéral est tenu par la loi de rembourser aux municipalités environ 84 p. 100 des taxes qu'il perçoit sur l'essence afin de leur permettre d'améliorer leur infrastructure, leur système de transport public et leur parc de logements. Au Canada, le gouvernement fédéral retourne directement aux municipalités environ 5 p. 100 des taxes sur le carburant et des taxes d'accise pour leur permettre d'améliorer leur système de transport public. Si on ajoute à cela le programme des travaux d'infrastructure, cette proportion monte à environ 12 p. 100. C'est donc là que réside le problème.
Je ne voudrais pas m'engager sur le terrain constitutionnel, mais les villes génèrent le gros des revenus fiscaux dans notre pays. Elles n'en retiennent pourtant qu'environ 10 p. 100. Il est très évident que, compte tenu de nos besoins d'infrastructure, l'assiette de l'impôt foncier ne suffit pas pour financer les travaux qu'il nous faut réaliser, parce que nous nous sommes permis, dans l'établissement de nos priorités, de négliger nos villes, qu'il s'agisse du Grand Toronto ou de Montréal.
Une étude a révélé qu'à Montréal, près de 35 p. 100 de l'eau potable qui circule dans le réseau d'aqueduc souterrain de la ville se perd en raison des multiples fuites. Cet état de choses a été signalé par le Conseil canadien des partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Il y a là un gaspillage d'argent. C'est l'argent de nos impôts qu'on jette ainsi littéralement à l'eau.
Ce sont là des domaines où le gouvernement fédéral peut conclure avec nos villes et nos grandes agglomérations urbaines les arrangements fiscaux dont elles ont besoin pour remédier à ce déséquilibre. Au XXIe siècle, ce sont les gouvernements municipaux qui sont les grands responsables de la croissance économique et de la cohésion sociale, et c'est à ce niveau que se situe le gros de nos problèmes.
M. Lorne Nystrom: Oui, allez-y.
[Français]
M. François Saillant: Je pense que le problème de la fiscalité municipale vient en partie du désengagement du gouvernement supérieur de certains domaines, ce qu'on a appelé le pelletage de responsabilités. Le gouvernement fédéral pellette ses responsabilités dans la cour des provinces, qui les pellettent dans la cour des municipalités. Celles-ci ont alors, effectivement, un problème fiscal.
Je pense que l'exemple du logement est un bon exemple. Le gouvernement fédéral a arrêté de financer les logements sociaux et en a transféré la responsabilité aux provinces, qui, pour une bonne part, l'ont transférée par la suite aux municipalités.
• 1520
Il est évident que cela crée
un problème de fiscalité municipale. Si on
transfère des responsabilités, il
faut s'assurer, à tout le moins, qu'il y ait aussi
transfert de la richesse. Malgré tout, je pense
que le domaine de la répartition de la richesse est un
domaine qui dépend d'abord et avant tout des
gouvernements supérieurs.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Matthews, à vous la parole.
M. John Matthews: Je crois que vous posez là une excellente question. Les gouvernements municipaux souffrent indéniablement de la façon dont les gouvernements supérieurs leur refilent la responsabilité de certains services. À Iqaluit, nous sommes en pourparlers avec le gouvernement territorial pour essayer d'obtenir une partie du produit des taxes sur l'essence—1 ou 2 cents le litre vendu iraient à la municipalité. Le gouvernement territorial pourrait le faire pour nous. Nous songeons en outre à une source de revenu que nous pourrions tirer de la taxe de nuitée hôtelière. Encore là, c'est une mesure qui pourrait être adoptée par le gouvernement territorial.
Je n'ai pas vraiment étudié à fond cette question. De prime abord, je pense que ce serait une bonne idée de modifier la Constitution pour conférer davantage de pouvoirs aux municipalités. Toutefois, du moment qu'on songe à modifier la Constitution, rien n'est facile. C'est pourquoi j'ignore comment nous pourrions nous y prendre. Je ne sais pas non plus si nous aurions avantage à nous engager dans cette voie, mais je crois que ce serait une très bonne idée d'acheminer davantage de fonds vers les municipalités.
Le président: Merci, monsieur Nystrom.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC/RD): J'aurais une observation à formuler pour poursuivre la discussion qu'a soulevée M. Nystrom à propos du rôle des gouvernements municipaux et du manque de latitude dont ils disposent pour se financer. Peut-être devrait-on envisager d'associer des avantages fiscaux, voire une exemption fiscale, à l'achat d'obligations municipales. Ce pourrait être un moyen d'accroître la capacité des municipalités de s'autofinancer et de tenir compte du fait qu'elles ont hérité de responsabilités accrues ces dernières années par suite des compressions budgétaires fédérales et provinciales. Ce n'était toutefois pas là ma question.
On remet de plus en plus en question l'à-propos d'imposer des taxes sans égard aux bénéfices, ce qui est encourageant. On semble privilégier davantage l'imposition de la masse salariale plutôt que la perception d'un impôt sur le capital. Pour diverses raisons, je soutiendrais qu'au Canada, on devrait s'employer davantage à réduire l'impôt sur le capital, compte tenu de l'impact négatif qu'a cet impôt sur la productivité et l'investissement. Étant donné qu'il ne rapporte en réalité que 1,3 milliard de dollars au gouvernement fédéral, son abolition ne présenterait pas de problèmes insolubles. Par ailleurs, il se trouve que, parmi les pays industrialisés, nous sommes un des rares à percevoir un impôt sur le capital. Cet impôt entrave la mobilité des capitaux. Et ce qui est probablement encore plus important, c'est que l'analyse du coût économique de cet impôt montre qu'il constitue le moyen le plus coûteux pour le gouvernement de percevoir des recettes fiscales, puisque, pour chaque dollar qu'il touche de cette façon, il en coûte 1,50 $ à l'économie.
Voici donc ma question: Pourquoi vos organisations n'accordent-elles pas davantage la priorité à l'abolition de cet impôt plutôt qu'à la réduction des charges sociales?
[Français]
M. Michel Audet: Je trouve votre question excellente. Je vais vous faire parvenir nos mémoires. Vous pourrez constater que nous revenons régulièrement sur ce sujet. Au Québec, la taxe sur le capital est le double de celle de l'Ontario. Elle est donc élevée. Le Québec a une taxe sur le capital très, très élevée. L'effet net, comme je le mentionnais plus tôt, est que la taxe sur le capital constitue un taux d'intérêt supplémentaire sur votre investissement.
[Traduction]
C'est une sorte de taux d'intérêt.
[Français]
Quand vous êtes obligé de payer, au Québec, par exemple, près de 1 p. 100 de plus d'intérêt que si vous faisiez affaire en Alberta, où le niveau de taxe est égal à zéro, ou au Nouveau-Brunswick, où il est presque égal à zéro, l'investissement est pénalisé.
• 1525
Il y a plus grave encore, et j'ajoute ces propos à
ce que vous avez déjà dit. Beaucoup d'entreprises
empruntent pour
investir, mais on les taxe même si elles ont emprunté
pour investir, parce qu'on considère que cela fait
partie de leur capital.
Il y a donc en plus cette taxe sur le capital, même si vous investissez. Je vais citer un exemple public. La compagnie Alcan a investi deux milliards de dollars à Alma et a emprunté un milliard et demi de dollars. Elle doit payer 1 p. 100 ou 3/4 de 1 p. 100 de taxes sur le capital qu'elle a emprunté pour investir. Est-ce une façon de favoriser l'investissement? Certainement pas. Je crois que, parmi la liste de nos propositions, il s'agit d'une des premières qui devraient être adoptées.
Il faut s'attaquer à la taxe sur la masse salariale. Il y a une raison supplémentaire à cela, comme je le mentionnais plus tôt. Vous devez payer cette taxe que vous ayez fait des profits ou des pertes. Présentement, beaucoup d'entreprises essuient des pertes et doivent payer cette taxe quand même.
En fin de compte, elles empruntent à la banque pour payer le ministère du Revenu. Le ministère du Revenu fait donc fermer les entreprises. Je ne crois pas que cela soit sa mission principale.
[Traduction]
Le président: Monsieur Robinson, un dernier commentaire?
M. Walter Robinson: J'ai une très brève observation à formuler, monsieur le président, en réponse à la question de M. Brison.
Si nous mettons davantage l'accent sur les charges sociales, c'est qu'à l'heure actuelle, elles occupent une place plus prépondérante dans le paysage politique. Cet état de choses tient à ce que l'impôt sur le capital fait l'objet de griefs depuis plus longtemps. Dans notre économie, un travailleur sur cinq est un travailleur autonome. Dans le cas des charges sociales, les contribuables de cette catégorie assument à la fois la contribution de l'employé et celle de l'employeur. On en ressent davantage l'effet dans les petits cabinets et chez les travailleurs à domicile, par exemple.
En raison de la mobilité croissante de la main-d'oeuvre, les membres des chambres de commerce et d'autres associations de ce genre peuvent payer deux ou trois fois leur part s'il y a une rotation marquée de leur personnel. Vous, comme députés, et moi-même, ne payons pas de cotisations d'assurance-emploi parce que, naturellement, nous n'avons pas droit aux prestations, mais les salariés canadiens, une fois qu'ils ont atteint le taux maximum, se voient rembourser ce qu'ils ont versé s'ils changent d'emploi. Ce n'est pas le cas des employeurs qui, eux, paient toujours. Cet état de choses se traduit par un trop-perçu annuel d'un demi-milliard de dollars en charges sociales.
Si nous jugeons prioritaire l'abolition de cette charge sociale, c'est aussi parce qu'elle est régressive. Que vous touchiez un salaire de 39 000 $ ou de 100 000 $ par an, vous payez les mêmes charges sociales au titre du RPC et de l'AE, ce qui désavantage la classe ouvrière et les travailleurs à faible revenu. C'est pourquoi ces charges sociales présentent davantage d'intérêt sur le plan politique qu'une taxe sur les ordinateurs, les usines, le matériel et la machinerie. Ces choses ne votent pas, mais les gens votent. Voilà pourquoi nous mettons surtout l'accent sur l'abolition de ces charges sociales.
M. Scott Brison: Mais il demeure que, pour travailler, ces gens ont besoin d'emplois rémunérateurs. Or, sur le plan de la productivité, il n'y a pas d'impôt plus pernicieux que notre impôt sur le capital. Je m'arrête là sur ce sujet.
Monsieur le maire Matthews, vous avez le sentiment que votre région pourrait tirer avantage d'un organisme du genre de l'APECA. En tant que député fédéral représentant une circonscription du Canada atlantique, je vous exhorte à reconsidérer cette affirmation. Je n'irais pas jusqu'à dire que tout ce que fait l'APECA est nécessairement mauvais, mais il pourrait être très lucratif pour quelqu'un de suivre pas à pas cet organisme et d'investir dans les occasions d'affaires qu'il boude.
À l'heure actuelle, le budget que le gouvernement fédéral consent à l'APECA s'élève à 380 millions de dollars. Or, les entreprises du Canada atlantique paient annuellement 360 millions de dollars en impôt fédéral. Si on avait la possibilité de le faire—et Shawn et moi-même aurons l'occasion, je l'espère, de discuter ensemble de cette question, auquel cas il me donnera probablement raison—, on pourrait tout simplement se débarrasser de l'APECA et abolir du même coup, sans que le gouvernement y perde, l'impôt fédéral sur les sociétés dans notre région.
Prenez l'exemple de l'Irlande, qui a vu son PIB par habitant s'accroître de 92 p. 100 en 10 ans grâce à d'audacieuses stratégies en matière d'impôt sur les sociétés. Peut-être devriez-vous, en vous inspirant de modèles qu'on applique ailleurs, songer à adopter des stratégies fiscales qui mettent l'accent sur l'octroi d'avantages fiscaux aux entreprises—et nous avons donné l'exemple de l'abolition de l'impôt sur le capital. Ce pourrait être une mesure à prendre.
Je ne voulais pas vous laisser partir sans avoir rectifié chez vous la fausse impression que vous vous étiez faite de l'APECA, en ce sens que vous la présumiez plus habile qu'elle ne l'a été en réalité à créer dans le Canada atlantique des emplois, de la croissance et des possibilités d'affaires.
Merci.
Le président: Aucune réaction de la part de nos invités? Monsieur Butler.
M. Rick Butler (directeur municipal, ville d'Iqaluit): Merci, monsieur le président.
Nous avons vraiment cherché à trouver un endroit où nous pourrions en fait obtenir des fonds au même titre que d'autres provinces ou municipalités. Naturellement, nous préférerions de beaucoup qu'on nous donne tout simplement de l'argent, sans autre procès, sans même devoir conclure d'entente de développement économique. Mais cela nous ramène à... Et je me dois de corriger une affirmation qu'a faite Walter tout à l'heure: il a dit que, sur chaque dollar de recettes fiscales, dix cents allaient à la municipalité; en fait, c'est plutôt cinq cents.
Et c'est là que réside le problème. Avec le transfert de responsabilités du gouvernement fédéral vers les provinces, puis des provinces aux municipalités, Iqaluit... et je ne songe pas uniquement à notre ville, toutes les municipalités ont ce même problème. Ce qu'a de particulier le cas d'Iqaluit, c'est qu'au départ, nous étions déjà en déficit, de sorte que la situation dans laquelle nous nous retrouvons actuellement est d'autant plus critique en regard de celle d'autres villes.
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Il nous faudrait conclure une entente quelconque qui pourrait
nous permettre d'obtenir qu'on investisse chez nous, non pas dans
de mauvais projets de développement économique, mais dans de bons
projets, des projets grâce auxquels nous pourrions nous doter d'une
infrastructure municipale solide qui soit propre à favoriser le
développement d'une économie...
Une voix: Cinq cents?
M. Rick Butler: Quatre cents et demie, plus précisément.
Le président: Ce n'est pas tellement la forme que pourrait prendre une telle entente qui vous importe.
M. Rick Butler: C'est juste.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Butler.
Il ne semble pas y avoir d'autres personnes qui souhaitent intervenir.
Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier sincèrement de votre contribution.
S'il y a un message qui s'est dégagé de notre discussion et que je vais dûment transmettre, c'est que vous avez tous semblé favorables à ce qu'on envisage sérieusement de déposer un budget le plus tôt possible. Vous avez soulevé là un point très important.
En réalité, cette table ronde était notre dernière à Montréal. Je remercie les gens de Montréal d'avoir accueilli le Comité permanent des finances. Pour nous, ce genre d'exercice est toujours fort intéressant. Chaque fois que nous organisons une table ronde, nos témoins nous apprennent de nouvelles choses, ce qui nous permet de mieux étayer nos recommandations. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci.
La séance est levée.