HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 28 février 2002
¿ | 0900 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
¿ | 0905 |
Mme Cindy Béland (présidente-directrice générale, Saskatchewan Motion Picture Association) |
Le président |
Mme Cindy Béland |
¿ | 0910 |
M. Michael Snook (membre du conseil d'administration, Saskatchewan Motion Picture Association) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
¿ | 0925 |
Mme Yelich |
M. Michael Snook |
Mme Yelich |
Le président |
Mme Gagnon |
M. Michael Snook |
¿ | 0930 |
Mme Gagnon |
M. Michael Snook |
¿ | 0935 |
Le président |
M. Harvard |
M. Michael Snook |
M. Harvard |
M. Michael Snook |
M. Harvard |
M. Michael Snook |
M. Harvard |
M. Michael Snook |
M. Harvard |
¿ | 0940 |
M. Michael Snook |
Le président |
M. Gallaway |
M. Michael Snook |
M. Gallaway |
M. Michael Snook |
¿ | 0945 |
M. Gallaway |
M. Michael Snook |
M. Gallaway |
M. Michael Snook |
M. Gallaway |
Le président |
Mme Lill |
¿ | 0950 |
M. Michael Snook |
Mme Wendy Lill |
M. Michael Snook |
¿ | 0955 |
Le président |
M. McNally |
M. Michael Snook |
M. McNally |
M. Michael Snook |
À | 1000 |
M. McNally |
M. Michael Snook |
M. McNally |
M. Michael Snook |
M. McNally |
Le président |
M. John Harvard |
M. Michael Snook |
M. Harvard |
Le président |
Mme Gagnon |
M. Michael Snook |
À | 1005 |
Le président |
M. Michael Snook |
Le président |
À | 1010 |
M. Michael Snook |
Le président |
M. Michael Snook |
Le président |
À | 1015 |
Mme Merran Proctor (témoigne à titre personnel) |
À | 1020 |
À | 1025 |
Le président |
Mme Merran Proctor |
Le président |
Mme Merran Proctor |
Le président |
Mme Lill |
Mme Merran Proctor |
À | 1030 |
Mme Lill |
Mme Merran Proctor |
Le président |
Mme Yelich |
Mme Merran Proctor |
À | 1035 |
Mme Lynne Yelich |
Mme Merran Proctor |
Le président |
Mme Gagnon |
Mme Gagnon (Québec) |
À | 1040 |
Le président |
Mme Gagnon |
Mme Merran Proctor |
Le président |
Mme Merran Proctor |
Le président |
M. Harvard |
À | 1045 |
Mme Merran Proctor |
M. John Harvard |
Mme Merran Proctor |
M. John Harvard |
Mme Merran Proctor |
À | 1050 |
M. Harvard |
Mme Merran Proctor |
M. Harvard |
Mme Merran Proctor |
Le président |
M. Gallaway |
Mme Merran Proctor |
M. Gallaway |
Mme Merran Proctor |
M. Gallaway |
Mme Merran Proctor |
À | 1055 |
M. Gallaway |
Mme Merran Proctor |
M. Gallaway |
Mme Merran Proctor |
M. Gallaway |
Mme Merran Proctor |
M. Gallaway |
Mme Merran Proctor |
Le président |
M. McNally |
Mme Merran Proctor |
M. McNally |
Á | 1100 |
Mme Merran Proctor |
M. McNally |
M. Proctor |
M. McNally |
M. Proctor |
Le président |
M. Jim Deane (président et chef de la direction, Access Communications Co-operative Ltd.) |
Á | 1105 |
Mme Marj Gavigan (cadre supérieure, Access Communications Co-operative Ltd.) |
Á | 1110 |
M. Jim Deane |
Á | 1115 |
Le président |
Mme Yelich |
M. Jim Deane |
Le président |
Mme Gagnon |
M. Jim Deane |
Mme Gagnon |
Le président |
M. Harvard |
M. Jim Deane |
Á | 1120 |
M. Harvard |
M. Jim Deane |
M. Harvard |
M. Jim Deane |
M. Harvard |
M. Jim Deane |
M. Harvard |
M. Jim Deane |
M. Harvard |
M. Jim Deane |
M. Harvard |
M. Jim Deane |
M. Harvard |
Le président |
M. McNally |
M. McNally |
Á | 1125 |
M. Jim Deane |
M. McNally |
M. Jim Deane |
M. McNally |
M. Jim Deane |
M. McNally |
M. Jim Deane |
M. McNally |
Á | 1130 |
M. Jim Deane |
M. McNally |
Le président |
M. Jim Deane |
Le président |
M. Jim Deane |
Le président |
Le président |
Á | 1140 |
M. Denis Desgagné (directeur général, Assemblée communautaire fransaskoise) |
Á | 1145 |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
 | 1200 |
Le président |
Mme Yelich |
M. Denis Desgagné |
Mme Francine Lacasse-Powers (agente aux communications, Assemblée communautaire fransaskoise) |
Le président |
Mme. Yelich |
M. Denis Desgagné |
Mme. Yelich |
M. Denis Desgagné |
Mme Yelich |
Le président |
Mme Gagnon |
Mme Gagnon (Québec) |
 | 1205 |
M. Denis Desgagné |
Mme Gagnon |
M. Denis Desgagné |
Mme Gagnon |
M. Denis Desgagné |
Le président |
M. Harvard |
 | 1210 |
M. Denis Desgagné |
M. John Harvard |
M. Denis Desgagné |
Le président |
M. Denis Desgagné |
Mme Christiane Gagnon |
M. Denis Desgagné |
M. John Harvard |
M. Denis Desgagné |
M. John Harvard |
M. Denis Desgagné |
 | 1215 |
M. John Harvard |
Le président |
M. John Harvard |
M. Gallaway |
M. Denis Desgagné |
M. Gallaway |
M. Denis Desgagné |
M. Gallaway |
M. Gallaway |
 | 1220 |
M. Denis Desgagné |
M. Roger Gallaway |
M. Denis Desgagné |
M. Roger Gallaway |
M. Denis Desgagné |
M. Roger Gallaway |
M. Denis Desgagné |
M. Roger Gallaway |
Le président |
M. Grant McNally |
M. Denis Desgagné |
M. Grant McNally |
M. McNally |
 | 1225 |
M. Denis Desgagné |
M. McNally |
Le président |
Mme Gagnon |
M. Denis Desgagné |
 | 1230 |
Mme Gagnon |
M. Denis Desgagné |
Le président |
M. Denis Desgagné |
Le président |
 | 1235 |
M. Allan S. Taylor (témoigne à titre personnel) |
Le président |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 28 février 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0900)
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte. Le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit aujourd'hui à Regina afin de poursuivre son étude du système de radiodiffusion au Canada.
Avant que nous ne commencions, je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont là et à vous dire que nous sommes heureux de nous trouver à Regina et d'avoir cette occasion de nous rendre dans l'Ouest pour entendre les gens chez eux. Nous avons eu des audiences très intéressantes à Vancouver, puis à Edmonton, et nous ne doutons pas que la séance d'aujourd'hui sera tout aussi intéressante.
Nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue à la Saskatchewan Motion Picture Association, qui est représentée par Mme Cindy Béland, présidente-directrice générale, et M. Michael Snook, administrateur et premier dirigeant de Westwind Pictures. Madame Béland, vous avez la parole.
¿ (0905)
Mme Cindy Béland (présidente-directrice générale, Saskatchewan Motion Picture Association): Merci.
Le président: Nous avons prévu 10 à 15 minutes pour votre exposé afin que les membres du comité aient le temps de vous poser des questions.
Mme Cindy Béland: Merci beaucoup. Je serai très brève.
Je suis nouvelle dans cette industrie, et j'aimerais me présenter. Je suis ici pour appuyer, bien sûr, notre administrateur Michael Snook. Je préside la Saskatchewan Motion Picture Association, et je tiens simplement à vous signaler que nous avons une organisation extrêmement dynamique qui appuie la production cinématographique, télévisuelle et nouveau média en Saskatchewan. Notre organisation a principalement pour but d'accroître la vitalité culturelle et économique de l'industrie en Saskatchewan. Ses membres se sont donné pour mission de faire la promotion de la valeur culturelle et économique intrinsèque du cinéma, et ils travaillent ensemble à favoriser l'épanouissement du cinéma en Saskatchewan, sur le plan de la production, de la promotion et de l'appréciation d'oeuvres cinématographiques.
Je cède maintenant la parole à Michael.
¿ (0910)
M. Michael Snook (membre du conseil d'administration, Saskatchewan Motion Picture Association): Merci, Cindy.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de vous adresser la parole ce matin.
Parce que la SMPA représente un groupe de producteurs indépendants, de pigistes exerçant divers métiers, de créateurs ainsi que d'équipes et de gestionnaires de la production, nous avons un point de vue vraiment unique sur les questions qui vous intéressent. C'est donc ce point de vue que je vais tenter de cerner dans le court exposé que je vais vous présenter, puis nous pourrons répondre à toutes les questions que vous voudrez nous poser.
Je le répète, notre point de vue est celui des producteurs indépendants et des pigistes qui travaillent dans l'industrie du cinéma et de la télévision. Nous ne comptons pas de radiodiffuseurs parmi nos membres, et notre point de vue est donc différent de celui des diffuseurs. Les questions les plus saillantes parmi celles que vous avez portées à notre attention—et elles sont toutes très pertinentes—sont les suivantes: le commerce international et la mondialisation, qui vont de pair dans notre esprit; la concentration de la propriété et l'intégration verticale des grandes entreprises, qui vont de pair dans notre esprit; le débat sans cesse renouvelé à savoir si notre industrie est surtout culturelle, industrielle ou à la fois culturelle et industrielle, qui influent sur tous les aspects de la politique relative au développement de l'industrie, à l'échelle tant provinciale que nationale; les considérations relatives à la part du public par opposition au privé dans le secteur de la radiodiffusion; et l'impact extraordinaire de la technologie qui touche actuellement notre industrie, et partant le travail que nous faisons en tant qu'indépendants, pour les diffuseurs privés et publics. Je vais passer brièvement en revue chacune de ces questions.
Je me trouvais à Ottawa récemment, et j'ai entendu M. Pettigrew, le ministre du Commerce international, déclarer que le moment était venu de passer de la protection à la promotion pour ce qui est de l'industrie cinématographique canadienne. Quelque trois heures plus tard, j'ai entendu l'éminent conférencier américain, M. Valenti, dire que, malgré toute l'admiration qu'il a pour le régime de crédits d'impôt que nous avons mis en place pour aider l'industrie au Canada, il est profondément consterné par notre approche protectionniste, qu'il juge inacceptable dans une économie mondiale libre. Il était vraiment très étonnant de voir la facilité et l'éloquence avec laquelle M. Valenti nous servait les thèses américaines, mais il ne faut pas oublier que c'est ce qui fait sa réputation comme orateur. Pour beaucoup de nous dans l'auditoire—il s'agissait d'un congrès national de producteurs de cinéma et de télévision—, son discours a fait ressortir un des dilemmes auxquels nous nous heurtons en tant que producteurs indépendants, à savoir que nous avons affaire à un marché qui n'est pas national ni même nord-américain, mais bien mondial. Les entreprises de production cinématographique ou télévisuelle du monde, notamment les entreprises canadiennes, ne sauraient exister sans faire le marketing de leurs produits intellectuels à l'échelle mondiale. Nous ne pourrions tout simplement pas survivre sur le plan économique. Par ailleurs, nous sommes ici au Canada et notre voisin est le plus important fournisseur de produits culturels populaires au monde. Aucun pays au monde n'échappe complètement à la «coca-colalisation» par la culture américaine; ce phénomène qui n'est pas prêt de se résorber en la personne de M. Valenti, un porte-parole très habile.
Ce serait une erreur, à ce stade du développement de l'industrie, de s'imaginer que les producteurs de cinéma et de télévision qui créent des produits culturels dans un cadre industriel au Canada pourraient continuer à se développer et à s'épanouir en l'absence de politiques, provinciales comme fédérales, destinées à favoriser et à encourager le développement de l'industrie. Nous avons toujours besoin de ces politiques, d'autant plus quand on voit où nous mène la mondialisation et les négociations commerciales internationales. On nous a dit très clairement que la culture serait à l'ordre du jour de la nouvelle série de négociations de l'OMC. On nous a aussi fait remarquer que les pays membres se penchent actuellement sur une proposition, qui est principalement le fruit d'une initiative canadienne et qui permettrait d'extraire les industries culturelles du cadre de l'OMC comme tel pour les placer plutôt dans un cadre où elles auraient droit à leur propre instrument international. Au lieu de continuer simplement à s'opposer aux efforts pour que les industries culturelles soient complètement intégrées au cadre de libre-échange, on aurait ainsi un nouvel instrument international visant ces industries. C'est là une initiative très intéressante.
Chez nous, une des deux tendances qui s'est considérablement accentuée depuis cinq ans environ, c'est l'intégration verticale des grandes entreprises, c'est-à-dire, à l'heure actuelle, les radiodiffuseurs, les producteurs, les chaînes spécialisées, les chaînes grand public, les distributeurs, les propriétaires de matériel, les concepteurs de nouveaux médias, etc. L'avènement de l'intégration verticale s'est bien sûr accompagnée d'une autre tendance qui en découle, la tendance au gigantisme. Vous avez tous été à même d'en voir les manifestations. Pour les producteurs indépendants, ce phénomène se traduit par une diminution d'une certaine façon du nombre de nos clients. La concentration de la propriété fait en sorte que nous sommes bien plus dépendants d'un petit nombre de grandes entreprises que nous ne l'étions quand il y avait beaucoup de petites entreprises sur le marché avec lesquelles nous pouvions traiter.
L'avantage de traiter avec une grande entreprise tient, bien sûr, aux moyens qu'elle peut mettre à notre disposition et à l'aide qu'elle peut nous apporter pour un projet en particulier. L'inconvénient, c'est que, quand la propriété est de plus en plus concentrée, les entreprises souhaitent s'approprier de plus en plus des droits de propriété intellectuelle que les producteurs défendent depuis toujours comme leur bien propre. Il nous est de plus en plus difficile de vendre nos droits de propriété intellectuelle quand le détenteur de la licence de radiodiffusion canadienne en détient la majeure partie, et c'est là de plus en plus la tendance.
Je peux vous donner un exemple qui vous permettra de bien comprendre. Il y a quelques années, nous avons vendu un documentaire à une chaîne spécialisée canadienne. À l'époque, la chaîne avait exigé que nous lui accordions une licence exclusive pour quatre ans, que nous acceptions de ne pas mettre de séquences vidéo sur Internet et que nous nous abstenions de vendre notre produit aux États-Unis à des radiodiffuseurs qui pourraient ensuite être en concurrence directe avec le radiodiffuseur canadien par la distribution satellite ou par câble. Dans le dernier contrat que nous avons signé, la chaîne a étendu la durée de la licence exclusive à six ans, a exigé que nous renoncions à tous nos droits sur Internet et que nous nous abstenions de vendre nos produits aux États-Unis, qui constituent un de nos principaux marchés, avec pour résultat qu'il n'y avait plus qu'un diffuseur à qui nous pouvions vendre sur tout le marché américain. C'est là la tendance. C'est une tendance inquiétante qui mérite d'être examinée par les radiodiffuseurs et par nos représentants élus.
Enfin, je voudrais vous parler de deux débats qui nous touchent d'encore plus près au Canada. Le premier porte sur la question de savoir si notre industrie est carrément culturelle ou carrément industrielle, les deux étant incompatibles. En réalité, les oeuvres cinématographiques et télévisuelles sont le fruit d'une collaboration entre un grand nombre de personnes qui travaillent en équipe—c'est une industrie. On ne peut pas se retrancher dans son grenier avec un bout de papier et un crayon pour faire un film. On ne peut notamment pas participer au monde technologique moderne d'Internet, de la toile, de la télévision à haute définition, de la distribution directe par satellite sans avoir une grande expertise technique, y compris au niveau des producteurs de contenu—nos membres sont des producteurs de contenu; ils créent du contenu. Si l'on ne comprend pas que notre industrie est à la fois culturelle et industrielle, il est difficile d'élaborer des politiques gouvernementales claires au niveau national ou provincial qui puissent favoriser l'épanouissement de l'industrie. Quand on nous dit, en tant que producteurs de contenu, que notre mandat et le mandat de ceux qui pourraient favoriser notre développement est exclusivement culturel, nous rencontrons des problèmes du côté commercial.
¿ (0915)
Ainsi, exemple classique d'une exigence qui nous fait du tort, plus on exige que des produits soient immanquablement, distinctement, clairement, visiblement canadiens, plus on nous oblige à draper nos acteurs du drapeau canadien, moins nous trouverons de débouchés pour nos produits à l'étranger. La réussite des cinéastes d'autres pays, d'Australie ou du Royaume-Uni, qui connaissent beaucoup de succès ces dernières années, est due non pas au fait qu'on leur ait imposé un carcan qui définisse le contenu australien ou britannique, mais bien au fait qu'ils clament clairement qui ils sont et comment ils vivent dans des récits qui dépassent les frontières culturelles et qui ont un attrait universel. Voilà l'objectif qui doit guider selon moi les politiques gouvernementales relatives à la radiodiffusion et à la production indépendante au Canada.
Enfin, il y a le choix entre le public et le privé. Je suis un ancien de la radio de CBC. J'ai travaillé pendant plusieurs années chez le diffuseur public. Avant, j'ai travaillé dans l'industrie musicale du côté privé; c'était avant le contenu canadien—je suis en train de révéler mon âge, mais j'étais déjà là avant que le fameux Règlement sur le contenu canadien ne soit mis en place. Depuis 1991, je suis revenu au secteur privé. J'ai donc travaillé des deux côtés. À mon avis, et c'est aussi l'avis de la plupart de mes collègues, le méange de diffusion publique et privée que nous avons à l'heure actuelle constitue toujours un élément essentiel de l'industrie de la diffusion et de la production au Canada. Les raisons en sont claires d'après nous. Les entreprises privées ont certaines obligations. En tant que premier dirigeant d'une entreprise, j'ai une obligation envers nos banquiers et envers mes associés. Les entreprises cotées en bourse ont une obligation envers leurs actionnaires, qui est surtout de réaliser des bénéfices, et il n'y a rien de mal à cela. Je ne ferais pas de la production indépendante privée si je ne pensais pas pouvoir y gagner ma vie, si je ne voulais pas en réaliser un bénéfice.
Par contre, il ne fait aucun doute que dans la production de documentaires, dans l'exploration de questions ayant un effet social, spirituel, politique ou économique, le souci de la rentabilité qui doit forcément motiver le diffuseur privé ou l'entreprise publique quelle qu'elle soit n'est pas nécessairement tout à fait compatible avec la recherche de la vérité dans la production de documentaires, avec le souci de l'impartialité ou avec l'idée de brosser le tableau le plus complet possible. Rien n'empêche bien sûr les diffuseurs privés de s'attaquer à ces questions, mais leur principale responsabilité est de plaire au plus grand nombre d'auditeurs possible, de s'assurer les meilleures cotes d'écoute possibles, afin que leurs résultats financiers répondent au désir des actionnaires et des propriétaires.
Ce n'est pas nécessairement là ce qui motive les diffuseurs publics, et je ne veux pas parler uniquement de la SRC. Nous avons un certain nombre de diffuseurs publics régionaux qui exercent leurs activités dans un climat très difficile et qui sont eux aussi motivés autant par le désir de servir de vitrine pour les oeuvres créatives de la population régionale que par le souci de s'assurer des recettes publicitaires. Les radiodiffuseurs provinciaux dépendent très peu en fait de la publicité. Nous avons donc à l'heure actuelle un mélange de public et de privé qui permet aux producteurs indépendants de profiter des forces de chacun. Il arrive souvent ici que le diffuseur public provincial, le Saskatchewan Communications Network, soit le diffuseur qui donne le coup d'envoi à nos projets, qui nous aide à les mettre sur pied. Il est plutôt rare que les diffuseurs privés, à qui il n'arrive pas bien souvent d'accorder des licences pour la diffusion en Saskatchewan de productions réalisées dans la province, jouent ce rôle. Ils n'en ont tout simplement pas les moyens matériels ou financiers.
Enfin, je veux vous parler de technologie. L'impact d'Internet, de la toile, des séquences vidéo en continu, du fait que nous pouvons offrir nos produits intellectuels à un auditoire mondial sans l'intervention d'intermédiaires, grâce à la toile, sera considérable pour l'industrie de la radiodiffusion et de la production indépendante au Canada. Il l'est déjà. Il est arrivé à deux reprises, comme vous le savez, à des entreprises privées qui ont essayé de rediffuser des émissions qui avaient été créées à l'origine pour la diffusion publique et privée, de diffuser ces émissions sur la toile. Dans les deux cas, elles se sont heurtées, comme il se devait, à des problèmes de droits d'auteur. Le bien propre des producteurs indépendants réside dans leurs droits de propriété intellectuelle, et la technologie fait en sorte que cette question est maintenant extrêmement compliquée. Les politiques gouvernementales doivent donc être conçues, comme elles le sont déjà, de manière à protéger cette propriété intellectuelle contre les menaces qui découlent tout naturellement des progrès technologiques.
Je m'arrête là pour vous dire que nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir donné l'occasion de nous adresser au comité. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Je pourrais vous parler du point de vue de l'industrie, en tant que membre et administrateur de la SMPA et en ma qualité de premier dirigeant d'une entreprise de production indépendante privée. Merci beaucoup.
¿ (0920)
Le président: Merci beaucoup, madame Béland. Merci, monsieur Snook.
Nous avons entendu une multitude de témoins au cours des derniers mois, et je ne crois pas exagérer en disant, monsieur Snook, que l'exposé que vous nous avez fait aujourd'hui est un des plus porteurs et des plus percutants qu'il nous ait été donné d'entendre. Vous y avez très bien cerné certaines des grandes questions avec lesquelles nous devons tous nous battre. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir présenté votre position de façon aussi claire et de nous avoir mis au défi de nous attaquer aux questions qui sont au coeur de notre mandat. Nous vous sommes vraiment très reconnaissants.
Mme Yelich sera la première à poser des questions.
¿ (0925)
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci.
Je suis là simplement comme remplaçante aujourd'hui. Je suis de la Saskatchewan, et je remplace mon collègue qui ne pouvait pas être là. Tout cela est donc très nouveau pour moi, très étranger, mais très intéressant. J'ai trouvé votre exposé vraiment très intéressant.
Je me demande simplement s'il y a des obstacles en Saskatchewan—puisque nous sommes en Saskatchewan et que cela m'intéresse. Encourage-t-on les diffuseurs indépendants? Vous heurtez-vous à des obstacles en Saskatchewan, ou y trouvez-vous des incitatifs intéressants? Je suis simplement curieuse.
M. Michael Snook: La province a beaucoup fait ces deux dernières années pour encourager l'industrie et favoriser son épanouissement. Nous avons un des meilleurs régimes de crédits d'impôt au Canada. Nous avons toutefois ciblé les programmes de participation au capital, et nous en discutons actuellement avec notre gouvernement provincial, comme étant un point faible pour l'industrie à l'échelle nationale. Vous n'êtes sans doute pas sans savoir—et je crois que vous aurez bientôt l'occasion d'y faire une visite—que nous sommes en train d'achever la construction d'un studio d'enregistrement en Saskatchewan, qui va nous permettre de tourner des productions assez complexes, quel que soit le moment de l'année. Ce n'est guère amusant de tourner à moins 40. Il y a beaucoup de cameramen, de réalisateurs et de producteurs qui ne se plaindront pas du tout de ne plus avoir à faire cette expérience. On a donc beaucoup fait pour encourager l'industrie.
Pour ce qui est des obstacles auxquels nous nous heurtons toujours, à part notre emplacement géographique, il y a le fait que la radiodiffusion se fait généralement ailleurs qu'en Saskatchewan. Je ne pense pas qu'il y ait de sièges sociaux ici et je ne pense pas qu'il y en aura dans l'avenir prévisible non plus. Nous traitons presque exclusivement avec Toronto ou Vancouver. Les dépenses que cela nous occasionne augmentent à cause de la situation du secteur aérien.
Comme tous les autres membres de l'industrie à l'échelle du Canada, nous nous heurtons sans cesse comme producteurs indépendants à la difficulté de devoir créer du contenu pour les radiodiffuseurs, car ce sont eux qui sont nos principaux clients. Il y a aussi les droits de diffusion qui n'ont pas augmenté depuis des années et nous manquons de participation financière pour nos projets. L'argent est toujours un problème. Il ne devient pas plus facile, mais bien plus difficile, de financer nos projets.
Mme Lynne Yelich: Merci.
Le président: Merci.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Vous avez soulevé tout à l'heure la question du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle. Je veux vous dire qu'un projet de loi sur le droit d'auteur a été déposé à la Chambre des communes la semaine dernière et qu'on va étudier en comité les règlements qui sont inclus dans ce que nous propose le gouvernement.
Pouvez-vous nous faire part de certaines balises quant à ce que devrait contenir le règlement pour mieux préserver la propriété intellectuelle?
[Traduction]
M. Michael Snook: Merci d'avoir posé la question.
Il y a deux problèmes auxquels nous nous heurtons souvent en ce qui concerne le droit d'auteur. Le premier a trait à la difficulté de protéger nos droits d'auteur dans le contexte technologique actuel, étant donné ce qu'il est possible de faire grâce à Internet. Il y a notamment le cas de ces deux entreprises qui, dernièrement, ont cherché à diffuser sur la toile, et leurs efforts ont été contrecarrés, à juste titre à notre avis, et nos droits protégés.
Le deuxième vient du fait que, pour financer nos projets—et je me rends compte que le problème ne tient pas tellement à la Loi sur le droit d'auteur mais plutôt aux relations avec les diffuseurs—, nos droits d'auteur sont parfois divisés et vendus sur tous les marchés du monde à des partenaires avec qui nous faisons des coproductions, à des radiodiffuseurs, etc., et cela devient de plus en plus complexe. En tant que producteurs, nous voulons bien sûr conserver l'entière propriété et jouissance de nos droits d'auteur pour pouvoir finalement vendre nos produits de façon indépendante à l'échelle mondiale. Nous sommes de moins en moins en mesure de conserver la propriété de nos droits au fur et à mesure que la technologie fait disparaître les frontières et rend inapplicables les sauvegardes dont les radiodiffuseurs jouissaient grâce à leurs licences de diffusion. Quand la diffusion se faisait essentiellement par voie terrestre ou par câble, les diffuseurs pouvaient assez facilement protéger les droits de diffusion que nous leur avions cédés. Ils n'avaient pas de concurrents, parce que personne ne pouvait obtenir le signal d'ailleurs. De nos jours, tout un chacun ou presque peut obtenir des signaux de tous les coins du monde ou presque. Comment alors les diffuseurs peuvent-ils protéger les droits de licence qu'ils ont sur nos droits d'auteur, et comment pouvons-nous faire en sorte que nos droits d'auteur demeurent viables comme instruments de marketing sur le marché mondial étant donné ces progrès technologiques? Je n'ai pas de réponse ou de suggestion à vous donner, je sais simplement que le problème est vraiment pressant et d'actualité pour nous.
¿ (0930)
[Français]
Mme Christiane Gagnon: J'avais oublié de vous préciser que le projet de loi qui a été déposé porte sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle sur Internet. C'est pour encadrer toute la diffusion sur Internet. C'est le projet de loi C-48, qui porte plus spécifiquement sur ce point. C'est un projet de loi qui est important pour vous. Je pense qu'il faut faire l'équilibre entre la propriété intellectuelle et la diffusion, parce que ça peut vous apporter des sommes importantes pour la survie de la création et de ceux qui soutiennent la production.
Vous avez parlé tout à l'heure de la présence du drapeau canadien. Dans la loi, on parle du contenu canadien. Au Québec, plusieurs personnes nous ont dit que les exigences du Fonds canadien de télévision étaient un irritant en ce qui concerne le pourcentage de Canadiens qui devraient être partie prenante à la production, à la réalisation et ainsi de suite. Est-ce aussi un irritant pour vous quand il s'agit de faire un produit qui soit acceptable ou séduisant à l'étranger?
[Traduction]
M. Michael Snook: C'est certainement un défi pour nous. Notre entreprise est justement en train d'en arriver cette semaine à une entente de coproduction avec une entreprise de Québec en vue de la production d'un long métrage, et pour pouvoir financer le film, nous devons être en mesure d'en faire la commercialisation à l'extérieur du Canada. C'est donc dire que ces questions seront à l'ordre du jour de nos discussions. Il s'agit d'un projet intéressant, car il a été conçu par un cinéaste français du Québec, mais il s'agit d'un film en langue anglaise. Nous sommes donc très curieux pour ce qui est de savoir comment nous allons coordonner le tout.
Le défi que nous devons relever est de pouvoir offrir un produit qui a un attrait universel, car il nous faut soutenir la concurrence sur le marché mondial. Cet objectif est-il impossible à réaliser tout en restant Canadien? Pas du tout. J'estime que les histoires canadiennes sont des histoires formidables, qu'elles ont un attrait universel, tout comme les histoires australiennes, britanniques, françaises ou allemandes. À mon avis, nous commençons à nuire à notre capacité de soutenir la concurrence à l'échelle internationale dès le moment où, par souci, justifiable, de protéger l'investissement public dans l'industrie, comme celui que fait Téléfilm ou encore le Programme des droits de diffusion du Fonds canadien de télévision, nous établissons des règles pour tenter de résoudre le problème, qui est complexe, par lesquelles nous obligeons en quelque sorte les cinéastes canadiens qui veulent avoir accès aux fonds publics canadiens à raconter des histoires canadiennes. Comment prouver que c'est bien ce que nous faisons? Il faut donc revoir les règles qui sont en place.
Ainsi, aux termes des règles de Téléfilm et du Fonds canadien de télévision, les documentaristes sont parfois obligés de s'engager dans de longues discussions avec les deux agences pour le tournage de leurs films, car un des critères de financement précise que le film doit être tourné au Canada. Cela ne pose pas d'inconvénients quand le sujet du documentaire est exclusivement canadien, mais quand le documentariste canadien souhaite faire un film sur un sujet du domaine des sciences ou des sciences naturelles ou encore sur une question politique qui a des répercussions mondiales, et que son film ait un retentissement international dans un monde où les enjeux sont mondiaux, il se peut bien qu'une bonne partie du tournage doive se faire à l'extérieur du Canada. Il perdrait ainsi des points au regard du contenu canadien car le film ne serait pas principalement tourné au Canada. C'est une question dont Téléfilm et le Fonds canadien de télévision sont toujours prêts à discuter, mais les deux sont en fait liés par les règles qui sont en place.
¿ (0935)
[Français]
Le président: Madame Gagnon, je vous donnerai à nouveau la parole plus tard.
[Traduction]
M. Harvard, puis M. Gallaway.
M. John Harvard (Charleswood St. James--Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Snook, vous nous avez fait remarquer que les États-Unis sont le premier fournisseur de produits de culture populaire, et c'est un fait. vous dites que vous avez besoin de politiques gouvernementales pour appuyer l'industrie. Pouvez-vous nous donner un ou deux exemples de politiques qui permettraient d'après vous d'aider l'industrie?
M. Michael Snook: J'estime que les politiques existent déjà et qu'elles doivent seulement être maintenues et améliorées: par exemple, les incitatifs que l'industrie retrouve dans les politiques de Téléfilm, tant pour les longs métrages que pour les productions télévisuelles, avec le Fonds canadien de télévision, les incitatifs qu'elle retrouve aussi dans le Régime de crédits d'impôts fédéraux.
M. John Harvard: Quand vous parlez d'incitatifs, est-ce simplement un euphémisme pour dire que vous voulez plus d'argent?
M. Michael Snook: Nous n'avons d'autre choix que de dépenser de l'argent pour créer nos produits, et c'est le financement de la production qui est à lui seul le plus gros obstacle auquel se heurtent les producteurs canadiens pour ce qui est de créer leurs produits et d'en assurer la commercialisation. Notre marché intérieur est un des plus petits au monde. Aussi nous n'avons d'autre choix que de tenter par tous les moyens d'obtenir des sources de financement ailleurs qu'au Canada. Les politiques qui sont en place sont donc extrêmement importantes.
M. John Harvard: Dites-moi, monsieur Snook, l'aide publique canadienne à votre industrie est-elle pas mal chiche comparativement à celle qu'accordent d'autres pays? Comment décririez-vous nos mesures de soutien comparativement à celles qui existent dans d'autres pays?
M. Michael Snook: D'après l'expérience que j'en ai, elles se situent à peu près dans la moyenne. En Australie, les subventions sont beaucoup plus généreuses qu'elles ne le sont au Canada. Dans certains pays d'Europe, elles sont moins généreuses que les nôtres. Dans certains pays elles sont à peu près égales. Il y a d'énormes différences dans la façon dont les politiques sont appliquées dans les divers pays du monde. Ainsi, dans certains pays, on a recours comme chez nous, à des mesures comme des crédits d'impôt aussi bien qu'au soutien direct d'organismes comme Téléfilm. Dans certains pays, les crédits d'impôt sont à peu près inexistants, l'aide étant surtout accordée par des conseils subventionnaires. Dans l'ensemble, le Canada se situe toutefois dans la bonne moyenne.
M. John Harvard: Pour bien faire les choses, faudrait-il, selon vous, doubler les subventions ou les tripler? Avez-vous réfléchi à cette question?
M. Michael Snook: Je ne crois pas avoir la compétence ou l'information voulue pour vous donner un chiffre comme celui-là. Je sais qu'à l'heure actuelle, pour toutes les sources de financement publiques, la demande dépasse l'offre d'un pourcentage important, de 50 p. 100 ou plus. Cela s'explique en partie par la situation actuelle sur le marché. Les producteurs ne peuvent pas produire ce que les diffuseurs ne diffuseront pas, nous ne pouvons produire que ce pourquoi il existe un marché. Le contexte actuel de la radiodiffusion, marqué par la prolifération des chaînes et des débouchés ainsi que par l'accroissement vertigineux de la demande de contenu, a fait augmenter le nombre de producteurs au pays. Il y a six ans, à Banff, nous étions—je me fie ici à ma mémoire—un peu plus de 1 000 délégués inscrits, dont la majorité s'étaient inscrits comme producteurs indépendants; l'an dernier, au Banff Television Festival, en juin, il y avait environ 2 000 délégués, dont 1 700 se disaient producteurs indépendants canadiens. Cette augmentation est une conséquence directe de la croissance phénoménale de l'industrie de la radiodiffusion. Les 1 700 producteurs cherchaient tous à puiser dans la même cagnotte qui n'est déjà pas très riche.
M. John Harvard: Et pourtant vous nous avez dit tout à l'heure qu'en raison de la concentration de la propriété et de l'intégration verticale, vous avez maintenant moins de clients—c'est-à-dire vous et les 1 700 autres producteurs. Ainsi, comme votre nombre s'est accru de façon vertigineuse—et il me semble que le marché se trouve de ce fait encore plus fragmenté—en même temps que le nombre de vos clients diminuait, vous devez être soumis à des pressions encore plus intenses qu'auparavant?
¿ (0940)
M. Michael Snook: Les producteurs indépendants sont déjà soumis à des pressions intenses en raison de la configuration du marché. L'intégration verticale et la concentration de la propriété sont un phénomène intéressant, car il y a maintenant un petit nombre d'entreprises qui contrôlent un grand nombre de chaînes. Ce n'est pas qu'il y a moins de radiodiffuseurs. Alliance-Atlantis, par exemple, possède un très grand nombre de chaînes de radiodiffusion, qui pourraient toutes être intéressées par nos produits. Nous devons toutefois traiter avec une seule entité commerciale, qui a ses politiques, ses moyens financiers et son barème de droits de diffusion, au lieu de pouvoir traiter indépendamment avec chacune des chaînes dans un contexte plus concurrentiel comme ce serait le cas si les chaînes étaient sous contrôle distinct. Ainsi, les problèmes que nous cause généralement la concentration de la propriété s'appliquent ici.
Nous avons constaté qu'il n'y a pas vraiment eu d'augmentation des droits de diffusion qu'on nous verse pour nos projets au Canada et que ces droits ont même, dans certains cas, baissé considérablement. L'augmentation inévitable des coûts, si petite soit-elle, que l'inflation occasionne pour toutes les industries de même que l'accroissement des coûts liés au marketing international, car c'est là une activité qui coûte cher, tout cela fait en sorte que l'industrie est soumise à des pressions financières énormes.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway (Sarnia--Lambton, Lib.): Vous avez dit que le nombre de producteurs indépendants au pays était passé de 1 000 à 1 700 en l'espace de six ans, et vous avez parlé de la diminution du nombre de vos clients. Avez-vous une idée de l'importance de cette baisse de votre clientèle?
M. Michael Snook: Le nombre effectif de nos clients éventuels a augmenté avec la fragmentation du monde de la télévision en des dizaines de chaînes spécialisées, et depuis peu en des dizaines de chaînes spécialisées numériques. Cependant, les revenus dont disposent ces chaînes pour acheter nos produits se sont aussi fragmentés. Leur marché, leur accès à des recettes publicitaires, se fragmentent de plus en plus, comme nous le savons tous, si bien que les pointes de tarte se font de plus en plus petites. Aussi l'argent qu'elles peuvent dépenser pour acheter une émission d'une demi-heure ou d'une heure est de beaucoup inférieur à ce qu'il en coûte pour créer un produit canadien de qualité. Nous avons beaucoup de clients, mais ces clients n'ont pas beaucoup d'argent.
M. Roger Gallaway: Permettez-moi alors de vous poser la question suivante. Au lieu de considérer qu'il y a un problème du fait que le marché est maintenant configuré ainsi, ne pourrait-on pas y voir simplement le signe d'une croissance saine du marché puisqu'il y aura de toute façon un certain rajustement, comme on dit dans les marchés boursiers, qui devra se faire, si bien qu'il est inutile de s'attendre à une intervention gouvernementale?
M. Michael Snook: Votre question comporte deux éléments. En réponse au premier, je dirai qu'il y aura effectivement une reconfiguration de l'industrie. S'il y a trop de producteurs indépendants pour qu'ils soient tous viables dans l'industrie, certains disparaîtront. Je pense qu'il pourrait en être de même des radiodiffuseurs. S'il y a trop de chaînes numériques que les gens ne regardent pas, elles disparaîtront. Il y aura certainement une période de rajustement, et c'est ce que nous sommes en train de vivre à l'heure actuelle.
Quant au deuxième élément de votre question, s'en remettre tout simplement aux forces du marché au lieu d'essayer de résoudre par une intervention gouvernementale un problème qui est insoluble, voici ce que je peux répondre. Il n'y a jamais de réponse parfaite à cette question des forces du marché. Les gouvernements disposent toutefois d'un pouvoir quand il s'agit du fondement industriel de leur pays, un pouvoir dont tous les pays occidentaux se servent depuis des dizaines, sinon des centaines d'années; ils peuvent contrôler, orienter, diriger et favoriser la croissance de leur économie en trouvant des moyens d'aider leurs industries à traverser les périodes de changement. Ils peuvent, pour ce faire, avoir recours à des politiques qui n'entraînent pas de débours, mais ils ont presque invariablement recours aussi à des mesures financières. À mon avis, cette façon de faire ne changera sans doute pas dans l'avenir prévisible. Notre industrie n'est pas solide au point de ne plus avoir besoin d'être fondée sur un partenariat fort entre le public et le privé. Nous ne pouvons faire autrement étant donné la petite taille de notre marché. À mon avis, le rôle du gouvernement ne doit pas se limiter à la réglementation, mais doit tendre aussi à la modération et à l'accompagnement.
¿ (0945)
M. Roger Gallaway: J'essaie de comprendre ce que vous avez dit au sujet de l'intégration verticale et de vos clients. Nous avons un certain nombre de lois sur la concurrence au Canada. Pensez-vous que, étant donné les circonstances du marché que vous avez décrites, il y a lieu d'adopter de nouvelles lois puisque nous avons affaire à de nouveaux phénomènes? Pensez-vous que le gouvernement doit donc intervenir et freiner l'acquisition de divers médias par certaines entreprises? Est-ce là ce que vous dites?
M. Michael Snook: J'estime qu'il est du devoir du gouvernement de se poser cette question. Je ne pense pas qu'on puisse se contenter de constater les effets de la technologie sur l'industrie de la radiodiffusion, sur ses partenaires du monde de l'imprimé ou sur ses partenaires de l'industrie de la production, c'est-à-dire les créateurs de contenu, sans examiner la situation et se soucier des problèmes qui en découlent. Le gouvernement doit à mon avis se poser certaines questions. Quelles sont les répercussions? Devons-nous imposer certaines mesures de contrôle et, dans l'affirmative, quelles devraient être ces mesures? Je pense que le gouvernement doit se poser ces questions-là. Ai-je la réponse à ces questions? Non.
M. Roger Gallaway: Vous représentez ici une association. L'association a-t-elle une réponse?
M. Michael Snook: Je crois que les membres réagiraient chacun de façon un peu différente. Ceux à qui j'en ai parlé afin de sonder l'opinion m'ont dit essentiellement qu'ils étaient d'avis que le gouvernement doit continuer à surveiller et à gérer judicieusement le processus. Personne ne veut accroître le fardeau réglementaire que nous trouvons déjà assez lourd comme producteurs indépendants. La paperasserie prend des proportions incroyables. Nous ne voulons pas d'un accroissement de la réglementation. Nous sommes toutefois d'avis qu'il est manifestement dans l'intérêt public de surveiller la situation et de déterminer ce qu'il y a lieu de faire pour gérer de façon optimale les enjeux technologiques auxquels nous sommes confrontés et ne pas simplement laisser les tendances suivre leur cours.
M. Roger Gallaway: D'accord. Merci.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui. La dernière fois que j'ai vu Michael Snook, il travaillait comme réalisateur à la CBC; c'était un type sérieux qui n'élevait jamais la voix. J'étais moi-même dramaturge à l'époque, alors nous en étions tous les deux à un chapitre différent du livre de notre vie que nous le sommes maintenant.
Je veux vous interroger au sujet de ce que vous avez dit du commerce international, qui est lié, je suppose, à la mondialisation et à la propriété étrangère. Je sais qu'il y aura à la fin de cette semaine une conférence à Montréal où l'on présentera des communications. Je suppose que le spécialiste le plus éminent en la matière parlera de la réglementation de la propriété étrangère et des répercussions possibles des accords commerciaux éventuels sur l'ensemble du secteur des télécommunications. Nous travaillons d'arrache-pied ici, et nous espérons avoir une influence importante sur l'avenir de notre industrie de la radiodiffusion, mais bien sûr, si un accord commercial intervient d'ici là qui change la nature du monde des télécommunications et vient ouvrir les portes toutes grandes, nous nous retrouverons dans un tout autre contexte. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je tiens également à vous dire que nous avons rencontré les créateurs de Nelvana, à Toronto, et que nous avons été enchantés par ce qu'ils ont réussi à faire. En 1973, ces jeunes créateurs pleins de talent se sont regroupés pour former une entreprise, et ils ont commencé à produire des dessins animés qui étaient à la fin pointe de ce qui se faisait en animation. Ils ont énormément profité des programmes qui étaient en place à l'époque, Téléfilm, le Conseil des arts et toutes les autres mesures que le gouvernement, dans sa sagesse, avait décidé de mettre en place pour que nous soyons vraiment à la fine pointe et que nous puissions rivaliser avec ce qui se faisait à l'échelle internationale. Aujourd'hui, trente ans plus tard, ils ont vendu leur entreprise à Corus, et ils ne semblent pas du tout préoccupés par l'idée que les limites à la propriété étrangère puissent être éliminées. Notre président leur a demandé: vous voulez dire que cela ne vous dérangerait pas de devenir la propriété de Disney? Cela ne semblait pas être une menace pour lui. Cela m'étonne beaucoup. J'aimerais vous entendre là-dessus. Que pensez-vous de l'idée que les limites à la propriété étrangère puissent être éliminées? Qu'arriverait-il si nous renoncions ainsi à toutes nos mesures de protection?
¿ (0950)
M. Michael Snook: J'ai rencontré un représentant de Disney Corporation il y a deux ans à une importante rencontre de la North American Television Production, NATP, qui se tenait à ce moment-là à la Nouvelle-Orléans. Il a dit qu'il ne demandait pas mieux que de faire affaire avec des entreprises canadiennes comme la nôtre, mais il nous a dit: J'ai une blague pour vous sur les Canadiens, et j'espère que vous n'en serez pas offusqués. Nous avons répliqué: Bien sûr que non. Il nous a dit: Nous traitons avec les Américains, et ils sont très enthousiastes et veulent le meilleur de ce que le monde a à leur offrir, tandis que le problème chez les Canadiens, c'est que leur slogan, c'est: «Allons-y pour le bronze». Sa blague illustrait très bien la façon dont les entreprises canadiennes sont perçues, du moins par certaines des grandes entreprises américaines.
Nelvana est une réussite extraordinaire. Je crois que ses créateurs, pendant les premiers stades du développement de leur entreprise, alors qu'elle n'était qu'une PME, n'auraient pas pu réaliser l'exploit incomparable qu'ils ont réalisé, sur le plan tant du contenu extraordinaire qu'ils ont réussi à créer que de leurs talents pour les affaires, s'ils n'avaient pas pu compter sur les politiques d'aide aux industries culturelles canadiennes. Or, ces politiques disparaîtraient vraisemblablement si les échanges étaient complètement libéralisés, comme dans le cas de l'ALÉNA.
Cela me préoccupe énormément, car les règles du jeu ne sont pas équitables. On n'a qu'à voir ce que nous rapportent chaque jour les médias au sujet du bois d'oeuvre. Les règles ne sont pas équitables. Ce message est ressorti très clairement de ce que M. Valenti a dit aux producteurs à Ottawa. Tout en faisant un éloge dithyrambique de ce que nous avons réussi à faire grâce à nos programmes de crédit d'impôt au Canada et tout en affirmant qu'il avait bien l'intention d'en rapporter les détails à Washington pour pouvoir les copier textuellement si possible, il nous a également fait savoir que, d'après lui, si les Américains étaient plus grands, plus forts et plus rapides, ils méritaient de gagner, et que tout ce protectionnisme culturel n'avait aucune raison d'être, car le seul vrai critère est de savoir s'il y a quelqu'un qui veut aller voir le film qu'on a produit. Le fait est que les gens ne peuvent aller voir ce qu'on leur présente dans les salles de cinéma. Au Canada, 97 p. 100 de nos salles de cinéma ne sont toujours pas accessibles aux cinéastes canadiens. Ce n'est pas là ce que j'appellerais des règles équitables. Si les règles étaient vraiment équitables, si nous avions un accès vraiment égal à tous les clients, à toutes les sources d'argent et à tous les avantages qu'ont tous les autres pays du monde, malgré la petite taille de notre industrie comparativement à l'industrie américaine ou même à celle de l'Union européenne, les commentaires seraient peut-être tout à fait pertinents. Mais il n'en est pas ainsi. Le fait est que les règles du jeu ne sont pas équitables.
J'ai travaillé dans l'industrie musicale au Canada avant que les règles sur le contenu canadien ne soient mises en place. J'ai travaillé à la CBC à l'époque où ces exigences en matière de contenu canadien ont eu leur effet le plus important, et j'ai vu la carrière de 10, 20, 30 musiciens canadiens prendre un essor extraordinaire. Ces artistes ont maintenant atteint une renommée internationale. Il y a sans doute des artistes de la scène musicale canadienne qui diraient que nous n'avons plus besoin de ces exigences en matière de contenu canadien, à cause du succès qu'ils ont connu grâce à cette politique.
Il en va de même du cinéma. Notre marché national est beaucoup trop petit pour que nous nous limitions exclusivement au marché canadien des capitaux. Ce n'est pas ce qu'a fait Nelvana. Ses créateurs ont profité pleinement des politiques de Téléfilm et des autres politiques. Ils ont réussi, grâce à leur talent incomparable, à s'en servir comme tremplin pour s'assurer une position de force. Si nous voulons que les nouvelles petites entreprises, les nouvelles entreprises multimédias, les jeunes qui en sont à leur premier documentaire, puissent devenir les Nelvana de 2040 ou de 2050, quelles sont les politiques qui vont les soutenir? Si le marché n'est toujours pas vraiment équitable, et il ne l'est pas, qu'avons-nous pour faire en sorte qu'ils soient encore là dans 40 ans ou dans 50 ans, quand les vieux comme moi seront déjà partis depuis longtemps?
Mme Wendy Lill: À ce propos, si Disney avait été propriétaire de Nelvana en 1971, aurions-nous eu droit à ce même talent créateur? Qu'arriverait-il du contenu canadien d'après vous si le siège social se trouvait à Hollywood?
M. Michael Snook: Je pense que la Walt Disney Corporation—sans vouloir m'en prendre à elle, mais elle est quand même un exemple bien connu—a toujours eu le génie de nourrir le talent créateur. Elle a offert au monde des produits d'une qualité inégalée. Je ne suis pas sûr cependant qu'un Canadien qui s'astreindrait à raconter des histoires canadiennes pourrait imaginer un personnage comme Mickey Mouse ou Donald Duck. Qu'arriverait-il de la sensibilité canadienne si le pouvoir, le contrôle et l'argent se trouvaient entre les mains de personnes qui ne vivent pas dans notre climat, qui ne vivent pas notre histoire, qui ne connaissent pas les circonstances socio-linguistiques qui nous sont propres, qui n'ont pas fait l'expérience de notre climat politique? Il est tellement facile pour nous, Canadiens, de nous imaginer que les projets que nous créons, les idées que nous avons, n'arrivent pas vraiment à la hauteur de ce que M. Disney peut faire.
Je reviens encore une fois à l'exemple australien. Le cinéma australien, qui est parti de presque rien pour devenir une vedette à tout casser sur la scène internationale, a réussi cet exploit en ne se gênant pas du tout pour produire des films manifestement australiens mais qui ont un attrait universel. Voilà le défi que doit relever tout cinéaste canadien, savoir raconter une histoire bien ancrée dans son pays, dans son époque et dans le contexte des sensibilités qui lui sont propres mais qui a une résonance mondiale. Si nous pouvons empêcher la bureaucratie d'entraver nos efforts pour produire des films qui ont un attrait universel et favoriser en même temps l'épanouissement de notre industrie, de manière à ce que nous présentions, non pas des westerns américains, mais des récits bien canadiens, nous aurons vraiment accompli quelque chose d'important. Il est très difficile d'élaborer une politique qui nous permettrait de faire cela. Nous ne nous tirons pas trop mal d'affaire maintenant. Nous avons en fait des instruments qui font que la situation n'est pas si mal. Sans problème aucun? Pas du tout. Ces politiques agissent-elles de façon à permettre à l'industrie de se développer et de réaliser ce que Nelvana a fait? Absolument.
¿ (0955)
Le président: Monsieur McNally.
M. Grant McNally (Dewdney--Alouette, PC/RD): Merci, monsieur le président.
Je suis encouragé par l'exposé que vous nous avez fait aujourd'hui, et je suis d'accord avec la majeure partie de ce que vous nous avez dit. Il me semble que ceux qui réussissent dans une industrie, quelle qu'elle soit, sont ceux qui ont une vision et qui veulent en faire la promotion, qui prennent des risques pour y arriver, qui savent profiter de tous les systèmes en place, qu'ils les aiment ou pas, et qui arrivent à produire quelque chose de grande qualité. Je pense que vous nous avez bien montré comment un producteur indépendant peut réussir, et je trouve cela encourageant.
Vous avez toutefois parlé des règles concernant le contenu canadien et vous avez fait allusion à la paperasserie. D'autres nous en ont parlé aussi, et cette paperasserie leur prend beaucoup du temps qu'il pourrait consacrer à l'autre aspect, à l'aspect le plus important, c'est-à-dire à la vision, à la production et à la réussite commerciale. Pourriez-vous nous dire comment on pourrait alléger le tout d'après vous?
M. Michael Snook: Il y a un urgent besoin—et je suppose que le leadership à cet égard pourrait venir tout aussi bien du fédéral que des provinces—d'harmoniser les règles qui s'appliquent aux programmes destinés à aider les radiodiffuseurs et producteurs indépendants canadiens. À l'heure actuelle, pour créer un produit qu'un diffuseur canadien peut mettre en ondes, le producteur indépendant doit généralement faire appel à quatre, cinq, six, sept, huit, peut-être même dix sources de financement. Chacun de ces bailleurs de fonds a ses exigences pour ce qui est des principes à respecter, des formalités et des documents à remplir. Les exigences sont parfois en contradiction les unes avec les autres, si bien que mon travail consiste en partie à naviguer dans ces eaux troubles et à négocier afin d'amener le diffuseur, la banque, Téléfilm Canada, Rogers et le fonds de production indépendante de CanWest à accepter de rajuster leurs politiques pour qu'elles soient cohérentes les unes avec les autres afin que nous ne nous trouvions pas à violer un contrat en en signant un autre. La paperasserie atteint un point tel que le tiers de notre personnel à Westwind Pictures s'occupe uniquement de ce que nous appelons les affaires commerciales.
M. Grant McNally: Les subtilités administratives.
M. Michael Snook: Les formalités. Les subtilités administratives.
La meilleure solution est celle dont nous avons déjà parlé avec toutes les agences, publiques et privées. Elle a certainement reçu un accueil favorable de la part de Téléfilm, du Fonds canadien de télévision, de notre agence SaskFilm, d'autres agences provinciales ainsi que de fonds privés. L'idée serait d'harmoniser et de rationaliser les règles afin qu'elles soient autant que possible les mêmes. Après tout, nous travaillons tous dans la même industrie. Les attentes de nos bailleurs de fonds ne sont pas tellement différentes les unes des autres. Le droit canadien s'applique partout. Même s'il y a des variations, bien entendu, d'une province à l'autre, les grands principes du droit qui nous régit se ressemblent de l'Ontario à Terre-Neuve, en passant par le Québec. Il est donc urgent d'entreprendre cet effort de rationalisation, mais pour l'instant personne ne semble vouloir s'en faire le champion.
À (1000)
M. Grant McNally: Exactement.
Voilà qui m'amène à ma question suivante—vous y avez peut-être déjà répondu. Quelle agence serait la mieux placée d'après vous pour diriger cet effort? Il faudra que quelqu'un en assume le leadership pour qu'on puisse en arriver à quelque chose de concret, et comme il y a tellement d'entités différentes...
M. Michael Snook: À mon avis, et je crois que cet avis est partagé par plusieurs de mes collègues, comme Téléfilm Canada est en quelque sorte la doyenne de ces agences, ce serait à cet organisme public fédéral de jouer ce rôle. C'est dans cette voie que nous devons nous diriger, d'autant plus que, même si nous avons chacun nos programmes provinciaux que nous devons apprendre à connaître et auxquels nous devons nous conformer, nous sommes tous soumis aux règles fédérales du BCPAC, de Téléfilm Canada et du Programme de droits de diffusion du FCT.
M. Grant McNally: Vous avez donc constaté que toute cette lourdeur administrative et ces formalités nuisent à votre capacité de production.
M. Michael Snook: Notre efficience s'en trouve considérablement réduite. Le processus nous coûte très cher en temps et en argent, et les choses ne vont pas en s'améliorant, bien au contraire. Je dois toutefois préciser que je n'en rejette pas le blâme sur une agence en particulier. Je ne crois pas que ce soit la faute de Téléfilm ou du BCPAC ou de SaskFilm ou encore de la Manitoba Film Organization, c'est tout simplement la conséquence d'un système qui s'est développé à la va comme je te pousse à cause du grand dynamisme et de l'évolution très rapide de l'industrie. Personne n'a encore vraiment entrepris de résoudre le problème.
M. Grant McNally: Merci.
Le président: Monsieur Harvard, vous vouliez poser une autre question?
M. John Harvard: J'ai une question pour vous, monsieur Snook. Si je vous ai bien compris, vous semblez ne pas avoir d'objection à créer des productions canadiennes qui peuvent être commercialisées dans le monde entier. Cet objectif me paraît tout à fait valable d'un point de vue commercial. Quand on pense toutefois à l'intérêt canadien, ne risque-t-on pas, si on s'aventure trop loin dans cette voie, de diluer notre image de marque, à tel point qu'il pourrait devenir vraiment difficile de distinguer parmi toutes les productions celles qui sont canadiennes, à cause de ce souci de pouvoir vendre au monde entier?
M. Michael Snook: À ce propos, j'ai deux exemples que j'aime bien, un qui est déjà vieux et l'autre qui est très contemporain. Le plus vieux des deux, c'est la série Crocodile Dundee d'Australie. On savait exactement où ce film avait été fait et quelle culture il représentait, et pourtant l'histoire qu'il racontait avait un attrait aussi universel qu'un western américain ou un film britannique sur une guerre quelconque. Les éléments universels qu'on retrouvait dans l'intrigue ont un attrait pour les gens de toutes les cultures.
L'exemple plus récent est celui d'un nouveau téléfeuilleton qui est produit au Canada et dont l'action se situe clairement à Calgary. C'est la série Tom Stone, dont je viens de voir les deux premiers épisodes. Bien que l'action y soit clairement située à Calgary, royaume du pétrole, à cause de la qualité et du style de production ainsi que de la nature des histoires qu'on y présente, elle pourrait soutenir la concurrence sur bien des marchés du monde. J'espère que c'est le cas, car il est excessivement difficile de vendre une série dramatique canadienne à l'étranger. L'expérience passée nous le montre. Nulle part dans cette série ne fait-on directement ou délibérément allusion au fait que l'action se déroule à Calgary, dans le sud de l'Alberta, ou qu'il s'agit d'une production canadienne ou que les acteurs parlent avec un accent canadien. On y raconte tout simplement une bonne histoire policière avec pour toile de fond l'exploration pétrolière; on la raconte bien, on produit le tout avec brio, on rédige un scénario qui se tient, mais on peut y reconnaître le paysage urbain de Calgary, on se rend certainement compte que l'impression qui s'en dégage et la culture qui y est représentée sont aussi canadiennes que Crocodile Dundee était australien. C'est là où il nous faut en arriver, il me semble.
M. John Harvard: Vous avez bien raison.
Le président: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: J'aimerais savoir si l'industrie de la production indépendante a un marché à CBC. À Radio-Canada, il y a des ententes qui sont faites en vue d'aller chercher de la production indépendante. Pour vous, est-ce un marché qui peut vous assurer des revenus?
[Traduction]
M. Michael Snook: En Saskatchewan, nous avons en fait eu une relation très favorable avec la CBC au fil des ans. Un certain nombre des entreprises de production de la province ont pu réaliser leurs premières séries nationales en vendant leurs droits de diffusion à la CBC. Nous avons participé à une des premières émissions à être diffusées sur le réseau CBC. L'émission s'appelait What On Earth et on en a présenté 595 épisodes. Un autre producteur d'ici a pu réaliser une émission appelée Utopia Cafe, qui a été diffusée pendant plusieurs années à la CBC. L'émission Rough Cuts de CBC a acheté un certain nombre de documentaires à nos documentaristes, et on crée beaucoup de documentaires en Saskatchewan, c'est le moins qu'on puisse dire. À l'heure actuelle, notre entreprise a entrepris de produire une importante série destinée aux enfants d'âge pré-scolaire, dont la réalisation, qui se fait en collaboration avec la CBC et qui ne pourrait pas être réalisée sans cette aide, est déjà bien avancée. La CBC continue d'être au nombre de nos clients. Comme tous les autres diffuseurs canadiens, elle a toutefois des moyens financiers limités quand il s'agit de signer une entente. Les droits de diffusion qu'elle peut nous payer ne couvrent pas la totalité de nos dépenses de production, pas plus que ce que nous accordent les diffuseurs privés. Elle nous apporte toutefois une aide inestimable, en ce sens qu'elle collabore avec nous et qu'elle nous aide à réaliser nos productions ici en Saskatchewan, et ce, pendant la presque totalité des 11 années où j'ai exercé mon activité ici comme producteur indépendant. Elle nous manquerait beaucoup si elle était absente de ce marché.
À (1005)
Le président: Merci.
Monsieur Snook, pourrais-je vous poser deux questions? Vous avez parlé de votre industrie comme ayant une dimension à la fois industrielle et culturelle, et vous avez dit qu'elle a bien sûr une composante industrielle, pour des raisons évidentes. Cela pourrait-il nous poser un problème, en ce sens que, si l'on veut protéger l'industrie, il faut que ce soit au nom de son importance culturelle? C'est en invoquant cet aspect-là que nous espérons pouvoir obtenir de l'OMC une certaine protection grâce à un nouveau protocole ou à une nouvelle convention. Or, plus nous reconnaissons sa composante industrielle, plus nous nous retrouvons coincés par rapport à l'OMC, car vous êtes alors perçu comme une industrie, et c'est précisément ce que veulent les Américains. Ne vaudrait-il pas mieux donc, d'un point de vue stratégique, que nous considérions l'industrie comme une industrie culturelle, dans l'espoir que la notion de diversité culturelle que nous évoquons pourra devenir réalité, afin que nous échappions aux règles de l'OMC?
M. Michael Snook: Ce n'est pas évident, hein? Ce n'est vraiment pas évident. Il ne fait aucun doute qu'il a été, par exemple, efficace sur le plan stratégique de définir les objectifs de Téléfilm et du Fonds canadien de télévision en des termes presque exclusivement culturels, afin d'éviter les problèmes liés au fait de subventionner directement l'industrie. Je ne commence à m'inquiéter, et mes collègues aussi, que quand je vois des documents où l'on dit, par exemple, que le moment est venu de supprimer complètement la dimension économique de cette politique. C'est le genre de suggestion que nous avons entendue ces dernières années au sujet d'agences comme Téléfilm et le Fonds canadien de télévision. Nous continuons à cause de ce caractère hybride, nous continuons à essayer de trouver le juste milieu. Si l'on va trop loin d'un côté, on risque de nuire à notre viabilité. Et si on va trop loin de l'autre côté, on risque de s'attirer les foudres de nos voisins libre-échangistes du Sud et d'ailleurs. Ce n'est vraiment pas évident. Je crois que ce qu'il faut, c'est trouver le juste milieu. Nous commençons à nous inquiéter quand nous entendons des propos qui donnent à penser que notre industrie est exclusivement ceci ou exclusivement cela, alors qu'il s'agit en fait d'un mélange des deux.
Le président: Hier, nous avons entendu un long témoignage au sujet des problèmes de financement. Une de vos collègues d'Edmonton nous a fait remarquer que le financement est devenu un cauchemar. Elle nous a parlé du cas, je crois, d'un M. O'Brien, de Terre-Neuve, qui a fait faillite après avoir dû hypothéquer sa maison et tout le reste, qui a tout perdu, pour pouvoir obtenir du financement de la banque. Est-ce là ce que vous vivez? La Société d'expansion des exportations se porte garante d'un prêt intérimaire. Devrions-nous mettre en place un système semblable pour éviter que les gens doivent hypothéquer leurs biens personnels le temps qu'ils attendent d'obtenir du financement, ou suffirait-il pour régler le problème de réformer tout l'appareil gouvernemental, comme l'a proposé M. McNally?
À (1010)
M. Michael Snook: Où commencer? Ce que vous dites sonne juste. Je ne connais personne dans notre industrie qui n'est pas venu à un cheveu, si tant est qu'il n'ait pas eu à le faire plus d'une fois, de prendre une deuxième hypothèque sur sa maison pour financer un projet. Je ne connais aucune entreprise qui ne soit pas prise de panique plusieurs fois par an à cause d'un manque de liquidité. La relation que nous avons avec les banques est très intéressante. Ce ne sont pas toutes les banques canadiennes qui vont accepter de nous financer. Les banques, comme vous le savez, sont des institutions qui ne prennent essentiellement aucun risque et elles ne s'en cachent pas. Elles nous demandent donc de donner en nantissement tous les biens qu'elles jugent nécessaires pour ramener leurs risques à zéro. Elles nous ont toutefois rendu la vie encore plus difficile ces derniers temps.
Plusieurs des grandes banques ont imposé aux petits producteurs, à ceux dont les projets ne dépassent pas un million de dollars, de signer ce qu'on appelle une caution de bonne fin, qui est une forme d'assurance que la plupart des petits producteurs canadiens ne peuvent tout simplement pas donner. Les jeunes documentaristes, non seulement en Saskatchewan, mais ailleurs, doivent donc se démener pour trouver d'autres sources de financement provisoire pour leurs projets, parce qu'ils sont trop petits pour traiter avec les banques et qu'ils n'ont pas d'autres sources de financement. Certains de nos organismes provinciaux tentent de trouver d'autres moyens de nous assurer un financement provisoire pour nos productions, et nous les encourageons à poursuivre leurs efforts en ce sens, car le problème semble s'aggraver.
Pour ce qui est de savoir quel type de réglementation ou de politique gouvernementale pourrait nous venir en aide, j'ai déjà évoqué la possibilité qu'une agence comme Téléfilm se voie confier la direction des efforts pour rationaliser les formalités administratives et veiller à ce que les mesures de protection qui sont établies par des agences comme Téléfilm pour conserver, par exemple, aux producteurs leurs droits d'auteurs de même que les structures de financement soient cohérentes d'un bout à l'autre du pays. Cela nous serait utile.
Il nous serait aussi utile que les agences comme Téléfilm—cela se fait déjà jusqu'à un certain point maintenant—imposent des règles auxquelles nous devons nous conformer en tant que producteurs indépendants et qui visent en fait à protéger notre intérêt en nous empêchant de conclure des ententes avec qui voudrait profiter de nos difficultés financières. Des règles comme celles-là—et je ne vais pas vous ennuyer en vous en expliquant les détails—nous sont très utiles. Les agences comme Téléfilm peuvent avoir un effet modérateur sur le contexte dans lequel nous finançons nos projets et nous protéger de façon très avantageuse contre des pratiques commerciales qui ne seraient pas dans notre intérêt.
Le président: J'ai une dernière question à vous poser. Vous semblez dire que le système de points qui régit le contenu canadien nuit à la production. Qu'auriez-vous à nous proposer comme solution de rechange?
M. Michael Snook: Je ne suis pas sûr de vouloir tout réformer le système de points comme tel. Je pense que j'encouragerais plutôt une application cohérente de ce système fondé sur la raison et l'analyse. Je vous donne un autre exemple qui concerne encore une fois la production de documentaires.
Quand les règles ont été publiées à l'origine, elles étaient très claires et très simples, à tel point que j'ai aussitôt appelé le bureau du Fonds canadien de télévision à Toronto pour signaler que j'étais sur le point de tourner un documentaire international, une coproduction sur un traité international, et qu'il fallait se rendre dans sept pays du monde pour faire le tour de la question. Un des pays était le Canada, mais environ un dixième seulement du contenu pouvait être tourné au Canada à cause de la nature du sujet. D'après vos règles, ai-je dit, il semble que je n'aurai pas droit aux points relatifs au contenu canadien qui sont attribués pour le tournage au Canada; je perdrai plutôt la moitié des points pour le contenu canadien auxquels je pourrais avoir droit. Je suis sûr qu'il y en a bien d'autres qui ont appelé pour faire passer le même message quand les règles sont sorties. Nous avons constaté un certain assouplissement de la part du Fonds canadien de télévision qui reconnaît la difficulté qu'ont les documentaristes à faire en sorte que leurs productions soient à la fois rigoureuses sur le plan intellectuel et commercialisables à l'échelle internationale. À mon avis, c'est ce qu'il faudrait faire pour tous les genres de productions.
Le président: Merci.
Merci beaucoup, madame Béland et monsieur Snook. La rencontre a été des plus informatives. Nous vous en sommes très reconnaissants.
J'invite maintenant Mme Merran Proctor à se présenter. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, madame Proctor. Nous aimons bien que des particuliers viennent témoigner devant nous. Vous représentez en quelque sorte les Canadiens moyens. C'est avec eux que nous cherchons à prendre contact, aussi nous vous sommes reconnaissants d'être là aujourd'hui. Nous sommes prêts à vous écouter.
À (1015)
Mme Merran Proctor (témoigne à titre personnel): Très bien. Comme j'ai pris connaissance de votre mandat, mon idée à l'origine n'était pas nécessairement de venir témoigner devant vous, mais d'encourager d'autres personnes à venir, puisqu'il s'agit d'un sujet important. Si j'avais à me présenter, je vous dirais que je suis farouchement Canadienne. Je m'intéresse vivement à la démocratie et à la participation des citoyens à la radiodiffusion publique. Je veux que nous restions Canadiens et je tiens à ce que nous gardions une culture canadienne bien à nous.
J'ai donc téléchargé la description de votre mandat et je l'ai présentée à des personnes dont je pensais qu'elles pourraient avoir quelque chose à vous dire. Je ne l'ai pas diffusée à grande échelle, mais je l'ai présentée à certaines personnes à l'université ainsi qu'à deux ou trois groupes de citoyens. On m'a répondu: ah, le sujet est tellement complexe, il est tellement vaste, cela nous prendra trop de temps—comment allons-nous pouvoir aller témoigner, nous n'avons que trois semaines. Ou bien encore on m'a répondu: nous n'avons que deux employeurs ici, pourquoi irais-je me prononcer sur la radiodiffusion publique ou privée? Alors j'ai dit que j'irais moi, et bien sûr, je me suis levée à 4 heures ce matin pour terminer mon exposé.
J'ai commencé simplement par passer en revue vos questions et réfléchir à la situation. Au fur et à mesure que je poursuivais ma réflexion, j'en suis arrivée à des questions que je voudrais moi-même poser et j'en suis venue à formuler des recommandations. Je vais commencer par vous livrer mes recommandations, puis je pourrai étoffer. Vous pourrez me demander comment j'en suis arrivée là, mais nous pourrons à tout le moins passer à travers ce que j'ai ici.
J'ai divisé mes recommandations en deux catégories: les recommandations à court terme, que vous devriez mettre en oeuvre dès maintenant, et une recommandation à plus long terme. Pour ce qui est du court terme, commençons par le plus important. Commençons par protéger et améliorer les instruments que nous avons déjà. Je sais que vous êtes aux prises avec beaucoup de questions techniques compliquées, que vous n'êtes pas sûrs s'il faudrait une réglementation plus rigoureuse ou une réglementation plus souple. Vous devez continuer à vous pencher sur ces questions, et vous pourrez peut-être glaner des éléments d'information utiles.
Mais commençons par voir ce que nous avons de bon. Il faut continuer à appuyer les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion de même que la politique canadienne sur la radiodiffusion qui est énoncée à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion de 1991. Après en avoir lu le texte et en avoir discuté avec certaines personnes, j'ai fait un petit test. Je vous ai fait remettre le petit questionnaire que j'ai donné à des étudiants qui suivent un cours du soir d'initiation à la science politique. Il s'agit d'un cours de première année. Les étudiants viennent de milieux très divers. Certains ont travaillé pendant un certain nombre d'années et sont revenus aux études, et il y a aussi parmi eux des Autochtones. Si vous vous reportez aux résultats de ce sondage que j'ai fait auprès de ce petit groupe de 41 étudiants, vous constaterez qu'ils appuient vos objectifs.
J'ai été surprise en fait de constater à quel point ils appuyaient la télévision de la CBC: 100 p. 100 des répondants qui estimaient qu'il fallait appuyer la radiodiffusion canadienne, disaient que nous devrions le faire. Je préfère quant à moi la radio, mais c'est ce qu'ils ont répondu. J'estime que la CBC est un de nos instruments les plus puissants. Vous devez recommander qu'on rétablisse le financement de CBC et qu'on accroisse considérablement sa capacité. Nous avons besoin de plus d'émissions de plus grande qualité, de plus de diversité. Nous avons besoin d'un budget raisonnable pour la production régionale de CBC, du côté tant de la radio que de la télévision. Et quand on parle d'argent frais, au niveau régional et central, j'aimerais que cet argent serve à favoriser l'innovation dans la programmation et la présentation des divers aspects bilingues et multiculturels du Canada. En ce qui concerne plus particulièrement la Saskatchewan, je vous prie instamment de faire en sorte que CBC puisse continuer à jouer son rôle traditionnel, qui consiste à former les travailleurs dont l'industrie a besoin, à inclure les Autochtones et à se pencher sur certaines des questions dont on n'entend pas suffisamment parler dans les médias ici.
Ainsi, on parle beaucoup de sujets de reportage qui reçoivent une couverture insuffisante, de sujets qui sont très peu abordés, les travailleurs, les syndicats, les Premières nations, l'environnement. Nous avons là une responsabilité à mon sens. Nous devrions demander à CBC d'explorer ces sujets. Pourquoi devrions-nous voir exactement les mêmes reportages aux bulletins de nouvelles de CTV, de CBC et de Global. En tant que résidente de la Saskatchewan, je veux entendre beaucoup plus parler du Québec, et que les reportages ne passent pas par un prisme avant de nous arriver. Je veux en entendre parler de la voix des gens. Avions-nous besoin d'un projet de loi sur la clarté? Y avait-il deux côtés? Les sondages réalisés au Québec ont montré que les gens en ont été offusqués. Qu'on nous le dise, qu'on en parle. Qu'on puisse dialoguer.
En clair, votre politique et certains de vos instruments sont très valables, mais j'estime que l'appareil administratif en place doit être corrigé. Ce n'est pas la politique énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion qui fait problème, mais bien certains des instruments réglementaires et administratifs que nous avons. Quand je parle de renforcer les instruments réglementaires et administratifs, je tiens à vous dire que j'enseigne à temps partiel à la faculté d'administration et que j'ai déjà travaillé au gouvernement. Les instruments administratifs n'ont pas d'yeux pour voir le pauvre type qui veut faire des films frapper à la porte de dix agences différentes pour essayer d'obtenir les sommes dont il a besoin. L'appareil administratif est bon dans la mesure où il est rationnel, clair et inspire confiance; les entreprises savent à quoi s'attendre, elles peuvent tout trouver au même endroit.
Les principes de base doivent être appliqués dans le secteur public comme privé. Nous avons besoin d'un processus transparent et démocratique pour nommer les administrateurs qui siègent aux conseils d'administration de nos principales agences administratives. Je suis allée à une réunion du CRTC l'autre jour. C'est là que je me suis rendu compte pour la première fois qu'une certaine personne siégeait au CRTC. Je ne doute pas que cette personne fasse du bon travail auprès des étudiants en journalisme, mais j'estime qu'il y a bien des gens ici qui voudraient avoir leur mot à dire sur la façon dont ces personnes sont choisies.
Il y a toute une foule d'autres instruments administratifs. Mettre un frein à la concentration de la propriété et à l'intégration verticale des médias. Veiller à ce qu'il y ait une distinction nette entre le financement de la production publique et le financement de la production privée afin que nous ayons des garde-fous. Cela ne veut pas dire que les deux secteurs ne peuvent pas travailler ensemble, mais ils devraient le faire sur un pied d'égalité, ils devraient tous deux pouvoir apporter de l'eau au moulin. Mettre au point et appliquer une formule qui permettrait la mise sur pied d'équipes de rédaction formées de citoyens et qui permettrait aux citoyens de participer à l'administration. Accroître la transparence des opérations gouvernementales qui relèveraient d'un seul ministère; ce serait un premier pas vers la rationalisation des processus. Éliminer la pratique voulant que les entreprises médias fassent des dons aux partis politiques; peu importe qu'elles influent ou non sur les décisions des partis politiques, c'est la perception qui compte. Chaque jour, je suis en contact avec des jeunes qui ne se donnent pas la peine d'aller voter. J'enseigne la science politique à temps partiel, de même que l'administration publique, et ces jeunes n'ont pas confiance dans notre système. La perception qu'ils en ont est qu'il ne fonctionne pas. Continuer à protéger la démocratie et l'espace public sur Internet, et se retirer d'accords commerciaux qui portent atteinte à notre souveraineté culturelle.
À (1020)
En fait de recommandation à plus long terme, je propose la création d'une commission royale d'enquête qui, en consultation avec les Canadiens d'un océan à l'autre—et j'entends par là parler aux Canadiens moyens sans qu'ils aient à lire un mandat qui fait sept pages—élaborerait un ensemble intégré de politiques sur la radiodiffusion, les télécommunications, la presse écrite et les nouveaux médias afin de soutenir les valeurs, la culture, la propriété, la souveraineté et l'espace public canadiens.
À (1025)
Le président: Vous nous apportez un vent de fraîcheur.
Ce que vous avez fait, votre sondage et tout le reste, est très intéressant. Ce que vous nous avez remis est formidable. C'est bien que vous soyez venue nous rencontrer et que vous vous soyez donné tout ce mal.
Mme Merran Proctor: J'ai une autre recommandation que j'aimerais ajouter après avoir écouté M. Snook. Autant être aussi complète que possible.
Même si je ne me suis pas concentrée sur l'industrie cinématographique et que je n'en suis pas du tout spécialiste, il me semble qu'il y a des mesures à court terme que vous pourriez prendre afin d'égaliser les règles du jeu. J'ai vu d'excellents petits documentaires qui ont été produits à Moose Jaw, et je tiens à encourager les gens de Regina à aller les voir, ils sont vraiment excellents, mais il n'y a pas de salle où ils peuvent être présentés.
Le président: Vous parlez de la distribution de films?
Mme Merran Proctor: Oui. Les salles de cinéma grand public ne sont même pas accessibles à la plupart des films canadiens, comme il nous l'a fait remarquer.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Merci beaucoup. Je dois, tout comme le président, dire que vous nous avez apporté quelque chose de neuf et de clair; vos propos s'appuient sur la recherche que vous avez faite vous-même, qui est d'une valeur inestimable, afin d'obtenir l'opinion d'un groupe de vos étudiants à l'université.
Votre première recommandation est de protéger et d'améliorer les instruments que nous avons. J'ai lu le mémoire que la Conférence des arts a présenté au comité. Elle représente 100 000 créateurs canadiens, et la même recommandation figure au premier rang de sa liste à elle aussi. La Loi sur la radiodiffusion est efficace, ses objectifs sont solides, et on y trouve les principes qui peuvent nous guider dans l'établissement de la structure dont nous avons besoin.
J'ai été frappée par ce que vous avez dit au sujet du fait que les gens hésitaient à venir nous rencontrer et qu'il y a deux employeurs dans cette ville, si bien que vous devez surveiller ce que vous dites. Je voudrais donc explorer un peu plus avant avec vous l'effet de la concentration des médias sur votre collectivité et les conséquences qui en découlent pour vous.
Mme Merran Proctor: Quand je suis allée écouter la personne du CRTC, elle était là pour une rencontrer avec des étudiants en journalisme. Je suis donc entrée, et j'avais donné à mes étudiants en journalisme l'information en question. Après, j'en ai parlé avec deux ou trois d'entre eux, et je leur ai demandé s'ils avaient l'intention d'aller se faire entendre puisqu'ils allaient travailler dans l'industrie. Un d'entre eux m'a dit: CanWest Global possède tout, Izzy Asper possède tous les grands journaux, et CBC est l'autre employeur où nous avons des chances de nous trouver un bon emploi. Même si j'ai des opinions, que puis-je dire?
Cette question de l'intégration verticale est venue d'eux, et la façon dont elle a été présentée était assez inhabituelle. Je les ai entendu demander à la dame du CRTC: ne pouvez-vous rien faire au sujet de ce problème de la propriété croisée? Ils s'inquiétaient en fait de ce qui inquiète beaucoup de jeunes aujourd'hui, à savoir leur qualité de vie dans un monde où on travaille nuit et jour. Ils veulent une éducation de qualité. En tant qu'étudiants en journalisme qui allaient peut-être travailler un jour dans le domaine, ils avaient l'impression qu'ils seraient de service 24 heures sur 24 pour répondre aux besoins des différentes industries.
À (1030)
Mme Wendy Lill: Vous dites donc que cet accroissement de la concentration fait en sorte que les journalistes, les animateurs, sont déjà appelés à remplir plusieurs fonctions différentes.
Mme Merran Proctor: La question qui a été soulevée est celle du mode de fonctionnement multitâches, soit la journée sans fin. Il a aussi été question de la perte d'autonomie parce que les emplois de rechange sont rares. Si on n'aime pas mon travail ou si ce que je dis déplaît, je vais me retrouver dans le pétrin.
J'ai écrit une lettre au rédacteur en chef il y a deux ou trois semaines. La politique rédactionnelle de M. Asper a eu une incidence particulière sur le travail de l'un de nos chroniqueurs, Doug Cuthand, l'un des rares chroniqueurs qui traite de sujets se rapportant aux Premières nations. L'un de ses articles a été refusé parce que, paraît-il, il aurait comparé la vie en Palestine à la vie dans une réserve. Il se trouve que j'ai visité la Palestine il y a un an avec d'autres journalistes et tout le monde se disait que la Palestine nous rappelait les réserves canadiennes. Cet article n'a pas été publié dans le journal local et certaines insultes ont ensuite été proférées à l'égard de son auteur. Je me suis dit qu'il ne convenait pas qu'on parle de la sorte à l'échelle nationale de quelqu'un que je respecte énormément. Si je lisais quelque chose de pareil dans le journal à mon sujet, je remettrais ma démission. Je me suis ensuite dit, mais pour quel journal pourrait-il travailler? La raison pour laquelle j'ai envoyé cette lettre à la rédaction, c'est pour demander qu'on ne force pas à quitter le journal le seul journaliste qui traite des questions liées aux Premières nations dans le Regina Leader Post et duquel j'ai tant appris sur ces questions. Il n'a pas encore quitté le journal. J'ai lu dernièrement une de ses chroniques.
Voilà qui résume ce que les étudiants en journalisme craignent des employeurs. Lorsqu'il n'y a qu'un seul employeur, comment peut-on être un journaliste indépendant s'il y a divergence de vues avec cet employeur?
Le président: Madame Yelich.
Mme Lynne Yelich: Devrait-on conserver ou modifier le mélange public-privé actuel dans le domaine de la radiodiffusion au Canada? La situation actuelle à cet égard vous convient-elle ou devrait-elle être modifiée?
Mme Merran Proctor: Sans être une spécialiste de ces questions, je dirai que nous avons un accès assez large à la télévision dans l'ensemble du pays. On n'a peut-être pas autant de variété qu'on pourrait le croire, mais le secteur privé a pris beaucoup d'ampleur depuis sans doute la fin des années 70 et 80 pendant que le secteur public est demeuré plus ou moins le même. Il est donc logique de proposer un élargissement du secteur public. Il importe aussi d'insister sur la qualité. Vous devrez prendre en compte tous ces facteurs si vous recommandez un accroissement des investissements dans le secteur public. Il n'y a pas de réponse simple à cette question.
À (1035)
Mme Lynne Yelich: Je veux revenir à ce que vous disiez au sujet de M. Cuthand. Je croyais que si M. Asper s'en était pris à lui, c'était en raison de la qualité de son travail. Il existe à mon avis de très bons journalistes autochtones. J'ai personnellement interviewé à quelques reprises un journaliste de Saskatoon qui travaille pour un journal autochtone. Les articles signés de sa main que j'ai lus m'ont beaucoup impressionnée. Je croyais que M. Asper se plaignait tout particulièrement de la qualité du travail de M. Cuthand. Si je suivais l'exemple de M. Cuthand, je serais sans travail parce qu'il ne nous aime pas. Je n'ai pas été déçue lorsque M. Cuthand a été réprimandé parce que je ne pense pas que son travail soit aussi bon que celui d'autres journalistes autochtones. Il y en a de très bons et j'aimerais qu'il y en ait encore davantage. Je suis déçue que M. Cuthand représente tous les journalistes autochtones.
Mme Merran Proctor: Je lis sa chronique depuis 10 ans. Je le tiens en très haute estime parce qu'il aborde les questions de façon originale. Il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec le point de vue du chroniqueur. Je n'ai jamais constaté que son travail laissait à désirer, mais il n'en demeure pas moins qu'un employeur qui veut faire des reproches à un employé n'a pas à le faire devant tout le pays.
Le président: Nous nous engageons peut-être sur un terrain glissant en parlant d'un cas particulier. Je pense que nous devrions éviter de le faire.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Bonjour. Comme dit le président, votre intervention est comme un vent de fraîcheur, mais je peux dire que plusieurs autres témoins nous ont fait part de certaines des observations que vous faites. Ils sont venus nous rappeler qu'il fallait assurer une plus grande participation du public, accroître la transparence, obtenir l'appui des médias et des partis politiques et sortir des accords commerciaux. Quand on me dit que la souveraineté du Canada est compromise, je fais un lien avec autre chose. C'est nouveau pour moi quand j'entends parler de la souveraineté du Canada, et c'est surtout dans un contexte de mondialisation qu'on entend cela. Comme souverainiste, ça me rapproche de nos inquiétudes quant à notre propre souveraineté et à notre façon de voir à la préservation de nos institutions.
Voilà qui m'amène à parler de la concentration. Vous dites que vous aimeriez savoir pourquoi les Québécois ont été choqués par le projet de loi C-20. Je pourrais vous en parler ce matin, mais je pense que ce n'est pas le moment d'élaborer sur le droit de veto qu'on voulait pour les jeunes contrevenants et qu'on n'a pas obtenu lors de l'adoption en Chambre du projet de loi à cet effet.
Donc, est-ce que la concentration de la presse va permettre l'éclairage nécessaire pour que les Canadiens anglais ou hors du Québec puissent comprendre les enjeux du Québec? On peut parler du pourcentage d'appui à la souveraineté, mais je pense qu'il faut aller au-delà de l'appui à la souveraineté. Il faut tenir compte du désir d'une population de s'affranchir et de conserver ses acquis et sa manière de voir et de dire les choses. Toute l'expression culturelle est importante dans le cadre d'un enjeu de souveraineté, et le Canada pose justement cet enjeu dans le contexte de la mondialisation. On se sent menacé. Pour ma part, je suis très émue quand j'entends les communautés francophones au cours de cette tournée du comité à l'extérieur du Québec. Je peux vous dire que vous m'incitez à faire une réflexion un peu plus aiguë et profonde sur l'urgence de comprendre les enjeux qu'on aura demain, comme société, si on ne conserve pas nos acquis culturels.
Je voudrais vous poser une question sur le mouvement de la concentration verticale de la presse, des propriétés croisées et de la centralisation. Pour ma part, je pense que toute la concentration qu'il y avait à faire a déjà été faite, à moins qu'il y ait des éclatements et qu'on trouve un autre modèle parce que le modèle actuel ne fonctionne pas.
Comment peut-on arriver à baliser cela? On cherche à mieux encadrer la liberté de presse et la mixité de certaines propriétés dans les médias écrits ou électroniques. Comment peut-on y arriver? On ne peut pas empêcher cela, car c'est déjà fait. On a déjà signé. Je pense qu'on aurait dû être plus proactifs plus tôt. Actuellement, on arrive à une situation qui est déjà coulée dans le béton. On ne peut pas empêcher les acteurs privés de faire des achats, mais pensez-vous qu'on pourrait faire une percée en ce qui concerne une réglementation sur la liberté de presse pour que les journalistes puissent continuer à exercer leur droit de liberté de presse sans subir l'influence d'un média écrit ou électronique?
Êtes-vous pessimiste par rapport à cela? Dites-vous qu'il faut empêcher cela? Déjà, de gros regroupements ont été faits. La plupart des chaînes de télévision et des journaux ont été achetés. Il va peut-être y en avoir un peu plus, mais jusqu'où peut-on aller? Est-ce qu'il faudrait un moratoire? Donnez-moi quelques solutions pour éclairer nos lanternes afin qu'on puisse proposer certaines choses au gouvernement.
À (1040)
[Traduction]
Le président: C'était une question très brève.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: En science politique, c'est très large.
[Traduction]
Mme Merran Proctor: Je suis très touchée que vous constatiez que des Canadiens de l'Ouest s'intéressent à vous.
Que puis-je faire? Je ne suis qu'une voix. Voilà pourquoi je recommande la création d'une commission royale. Il est arrivé à plusieurs reprises que le gouvernement, en particulier juste après la Seconde Guerre mondiale, intervienne et prenne les choses en main. Les Canadiens anglais et les Canadiens français doivent apprendre à se connaître. Il faut que les uns et les autres puissent présenter leurs points de vue. Ce sont les Québécois qui décideront des mesures à prendre, pas moi. Je peux bien penser ce que je veux, mais ce qui importe c'est que les Canadiens anglais écoutent les Canadiens français parce que l'unité du pays en dépend.
Le président: Madame Gagnon, à son retour dira: je rentre de Saskatchewan et tout le monde là-bas est en faveur de la souveraineté du Québec.
Mme Merran Proctor: Je suis l'une de ces personnes émotives qui aimerait mieux comprendre le Québec.
Le président: Monsieur Harvard.
M. John Harvard: J'ai deux observations à faire avant de poser ma question. Vous avez dit plus tôt que vous auriez aimé participer au débat qui a entouré l'adoption de la loi sur la clarté vue dans l'optique du Québec. Je vous comprends, mais votre observation dénote l'abîme qui sépare nos deux chaînes publiques, la chaîne française et la chaîne anglaise. En raison de la façon dont est structuré le système de radiodiffusion public, les francophones se parlent entre eux, et les anglophones font de même. Les échanges entre les deux groupes ne sont pas aussi fréquents que je le souhaiterais.
Deuxièmement, vous avez fait observer que les jeunes ne font plus confiance au système électoral. Je sais que vous ne vouliez pas être sésinvolte en l'pccurrence, et vous avez peut-être raison, mais je n'en suis pas sûr. Nous avons tous été jeunes à un moment donné, et je pense que ce n'est pas tant que les jeunes se sentent aliénés ou que le système leur paraît étranger, mais plutôt qu'ils n'ont tout simplement pas encore décidé de s'y intéresser. La politique m'intéressait peut-être un peu plus que d'autres lorsque j'étais dans la vingtaine, mais je ne suis pas sûr que je m'y intéressais aussi activement que je l'ai fait à partir de 35 ou de 40 ans.
Ma question porte sur la suggestion que vous faites au sujet de l'accroissement de la programmation à l'intention des groupes minoritaires. Nous sommes tous en faveur d'une plus grande diversité dans la programmation. Cela va de soi. La difficulté, je crois, tient au fait qu'il n'y a jamais eu de débat sur la question. Si nous voulons que la chaîne publique, soit Radio-Canada, fasse vraiment concurrence aux chaînes commerciales, ce que j'appuie, soit dit en passant, et je crois que Radio-Canada devrait se distinguer facilement des chaînes commerciales—, cela signifie sans doute qu'il faudra accepter des cotes d'écoute et des auditoires moins élevés. Je suis prêt à le faire, mais certains Canadiens ne le sont pas. Voilà pourquoi je pense que nous devrions débattre la question. Avant de nous doter de ce genre de système de radiodiffusion public, ne pensez-vous pas que nous devrions d'abord nous poser certaines questions?
À (1045)
Mme Merran Proctor: Les auditoires évoluent et je ne pense pas que le fait d'insister sur la qualité va entraîner une baisse des cotes d'écoute. On pourrait avoir un long débat sur la question. Je sais que dans le domaine du divertissement, les émissions se ressemblent beaucoup. Les jeunes comme mon fils de 16 ans s'intéressent aux nouveaux médias parce qu'ils veulent des produits de qualité.
M. John Harvard: Je sais que la qualité importe beaucoup, mais il y a sans doute des sujets qui ne nous intéressent pas beaucoup vous et moi. Je ne m'intéresse pas beaucoup à la physique. Je suis sûr qu'on peut créer une émission de qualité sur la physique. Est-ce que je la regarderais? Sans doute pas.
Mme Merran Proctor: Je pense que vous avez raison. Si l'on présentait une émission sur la physique, et on pourrait sans doute le faire de temps à autre, je ne pense pas qu'elle attirait un grand auditoire.
Un radiodiffuseur public qui a un pied dans le secteur commercial et un autre dans le secteur public se trouve dans une situation difficile. On pourrait peut-être trouver certainns accommodements si l'on finançait entièrement Radio-Canada et qu'on lassait la publicité privée au secteur privé tout en prévoyant certaines règles au sujet du contenu canadien et du développement professionnel. J'ai songé à en faire une recommandation, mais je ne suis demandée si on ne se servirait pas de ce prétexte—je ne pense pas à vous nécessairement—pour réduire de nouveau le budget de Radio-Canada. Je n'ai pas songé à toutes les ramifications, mais je pense que ce serait une bonne chose que Radio-Canada n'ait plus de visées commerciales.
M. John Harvard: Avant de céder la parole à Roger, j'aimerais aborder un autre point qui porte sur la proposition que vous avez faite d'établir des comités de rédaction auxquels participeraient les citoyens. Songez-vous à la radiodiffusion publique? Comment fonctionnerait ce système? Ou voulez-vous parler tant du secteur public que du secteur privé de la radiodiffusion?
Mme Merran Proctor: Je fais cette proposition parce que je veux que les citoyens canadiens soient bien informés. Je crois que nous aurons le meilleur pays au monde si nos citoyens sont exposés à une grande diversité de points de vue, s'ils sont en mesure de prendre des décisions éclairées et que les décisions cessent d'être prises en coulisse. Prenez l'exemple du projet de loi sur la clarté. Abstraction faite de l'obstacle de la langue, les médias n'ont pas même pas eu de chance de vraiment traiter à fond de la question. Le projet de loi a été adopté à toute vapeur.
À (1050)
M. John Harvard: Comme les néo-démocrates l'ont appuyé, ils savaient donc de quoi il s'agissait.
Mme Merran Proctor: Qui suis-je pour dire que les néo-démocrates l'ont appuyé? J'estime que la question aurait dû faire l'objet d'un débat.
M. John Harvard: A propos du comité de rédaction, comment ferait-il passer son message sur les ondes?
Mme Merran Proctor: Il faudrait reconnaître que les ondes sont un bien public. Pour ce qui est du comité de rédaction, vous me demandez comment on devrait procéder pour simplifier les choses. Comme on le fait normalement, il faudrait sans doute accorder un financement de base pour permettre aux gens de créer ce comité. Il y aura ensuite des élections. Dans le secteur privé, le comité constitué de citoyens aurait surtout un rôle consultatif. Je sais que certains médias privés ont déjà recours à cette formule. On prendra ensuite des mesures pour encourager la participation au processus démocratique tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Je sais que cela pourrait poser des difficultés pour certains radiodiffuseurs privés qui ont déjà beaucoup de travail sur la planche. Dans l'intérêt public, je pense cependant qu'il est nécessaire de trouver des moyens de permettre aux citoyens de dire ce qu'ils veulent entendre et voir sur les ondes.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: C'est un point de vue intéressant. Le marché ne détermine-t-il pas ce que les citoyens veulent voir et entendre. Ils regarderont ce qu'ils veulent regarder. Ils demanderont ce qu'ils veulent voir.
Mme Merran Proctor: Bon nombre d'entre nous estimons qu'une manipulation s'exerce sur le marché et que le choix n'est pas très grand. Prenons le cas de la musique. Je reviens au cas de mon fils de 16 ans. Il téléchargeait de la musique de Napster. Je lui ai dit que c'était du vol et qu'il pouvait s'acheter des disques avec son argent de poche. Il m'a demandé si on ne pouvait pas changer le système. Pourquoi ne pourrait-on pas payer le chanteur comme on te paie pour que tous les gens, même ceux qui sont pauvres, puissent télécharger de bonnes chansons et cela n'empêcherait pas le chanteur de se produire en spectacle. C'est une façon différente de voir le marché, n'est pas? C'est une autre façon de voir la vente des disques compacts. Si les gens veulent un disque compact, s'ils veulent écouter une chanson, il y a une façon de le faire. Le marché réagit aussi de certaines façons pour optimiser les profits, et c'est juste.
M. Roger Gallaway: J'ai cru comprendre que vous disiez que les gens regarderont ce qu'ils veulent regarder et qu'ils se mettront en quête de trouver ce qu'ils veulent. Vous soulevez maintenant l'argument très précis de la légalité.
Mme Merran Proctor: Ce n'était qu'un exemple.
M. Roger Gallaway: Je fais allusion à la télévision canadienne en particulier. Comme les gens regarderont les émissions qu'ils veulent, et il est donc difficile pour le gouvernement d'établir quelles sont les émissions qui seront offertes.
Mme Merran Proctor: Ce n'est pas tout ce que je disais. Je dis aussi que la Loi sur la radiodiffusion se fixe comme objectifs d'assurer une grande diversité et une grande gamme de choix. Si la loi atteignait ses objectifs, il n'y aurait aucun problème, mais je ne pense pas qu'elle le fasse. Les médias ne n'apprennent pas beaucoup sur les Premières nations pas plus d'ailleurs qu'à mes enfants que la question pourtant intérèsse.
À (1055)
M. Roger Gallaway: Qu'avez-vous à répondre à ceux qui disent que la télévision de Radio-Canada n'a presque plus d'importance parce que personne ne la regarde. Or, vous nous avez présenté un sondage qui laisse croire le contraire.
Mme Merran Proctor: Lorsque je confie un travail à des étudiants en science politique ou en administration, ils consultent parfois Radio-Canada. Voilà peut-être ce qui les amène tous à dire qu'il faut conserver cette chaîne de télévision.
M. Roger Gallaway: Vous avez fait remarquer qu'il fallait choisir de façon plus démocratique les membres des conseils d'administration d'organismes comme le CRTC et Radio-Canada. À quoi songez-vous? Qu'est-ce qui rendrait le choix des membres de ces conseils d'administration plus démocratique?
Mme Merran Proctor: Je ne suis pas tout à fait sûre de la façon dont on procéderait, mais je pense que la formule de sélection devrait être transparente et ouverte et fondée sur le mérite. Il pourrait s'agir peut-être d'un comité composé de membres de tous les partis, ou de quelque chose de semblable et certains d'entre eux seraient aussi élus à l'échelle locale. Tout ceux que la question intéresse pourraient se rendre au Regina Inn, par exemple, pour présenter leur candidature
M. Roger Gallaway: Il pourrait donc y avoir un directeur de Radio-Canada pour la Saskatchewan, un autre pour l'Alberta...
Mme Merran Proctor: Je parlais du conseil d'administration.
M. Roger Gallaway: Et les membres seraient élus.
Mme Merran Proctor: Oui, ils pourraient être élus. Il faudrait évidemment tenir compte des compétences des candidats parce qu'il ne s'agit pas d'emplois faciles. Les candidats devraient avoir l'appui de gens comme M. Snook qui sont plus au courant que moi des compétences nécessaires dans ce domaine.
M. Roger Gallaway: Pourrais-je simplement...
Le président: Je regrette, mais votre temps est écoulé.
Monsieur McNally.
M. Grant McNally: Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie de votre exposé. Il serait peut-être intéressant de confier à des étudiants en sciences politiques de cycle supérieur la tâche de proposer des façons de réformer le système.
J'appuie certes vos suggestions au sujet de la transparence et de la démocratisation du système. À mon avis, ce sont de bonnes suggestions. Aucun d'entre nous n'a réponse à toutes ces questions, mais pour trouver ces réponses, il nous faut d'abord nous pencher sur le sujet.
À titre de députés, on nous demande de concilier des intérêts divergents. Beaucoup de gens s'opposent à une augmentation des dépenses. Essentiellement, nous gérons en fiducie l'argent des contribuables et nous devons l'affecter selon les priorités. Je reçois des gens à mon bureau qui me disent qu'il faut accorder la priorité à la santé et à l'éducation et qu'il ne faut donc pas accroître d'un seul sou le budget de Radio-Canada.
Que réponderiez-vous à ces gens? Vous avez sans doute un autre point de vue qu'eux.
Mme Merran Proctor: Je suis aussi très favorable à un système de santé et à un système d'éducation solides, mais je veux éviter la commercialisation de notre culture. Radio-Canada est un service essentiel. C'est un bien public.
M. Grant McNally: Je reviens à ce que disait M. Harvard. Radio-Canada doit se trouver un créneau propre et se distinguer des autres radiodiffuseurs. Pensez-vous qu'elle s'en distingue? Je parle des annonces publicitaires qui ne manquent pas sur Radio-Canada. Certains diront que les annonces publicitaires n'ont pas leur place chez un radiodiffuseur vraiment public. Nous pourrions parler de toute la question du financement, mais je pense qu'il vaut mieux s'en abstenir.
Voudriez-vous que Radio-Canada se dirige dans cette voie, c'est-à-dire celle que propose M. Harvard et d'autres, et qui fait moins de place aux annonces publicitaires et...?
Á (1100)
Mme Merran Proctor: Je répète que je ne suis pas une spécialiste de ces questions. Je ne les ai pas étudiées à fond. J'ai cependant tendance à dire que je serais favorable à une chaîne exempte d'annonces publicitaires, qui jouirait d'un financement adéquat. De cette façon, les revenus publicitaires demeureraient entre les mains du secteur privé. Je ne voudrais cependant pas qu'on prive la chaîne publique de la possibilité de générer des recettes par l'intermédiaire de la publicité si on ne lui accorde pas les fonds voulus pour faire un bon travail.
M. Grant McNally: Par conséquent, avant de nous diriger dans cette voie, nous devons nous assurer...
Mme Merran Proctor: Tout à fait. Je voudrais que la chaîne publique se voit attribuer un financement de base adéquat qui serait lié à la croissance dans le domaine de la radiodiffusion, par exemple, et je préconise aussi l'établissement d'une relation sans lien de dépendance.
Je n'ai pas réfléchi à fond à cette question. Je voulais simplement faire certaines observations devant le comité.
M. Grant McNally: Et nous vous sommes reconnaissants de l'avoir fait. Merci.
Mme Merran Proctor: Merci.
Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Proctor, d'avoir comparu devant le comité. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré. Si vous voulez nous transmettre d'autres renseignements ou des documents, n'hésitez pas à le faire par l'intermédiaire de notre greffière.
J'invite maintenant M. Jim Deane, président et chef de la direction d'Access Communications et Mme Marj Gavigan, directrice, à prendre place à la table.
Nous sommes heureux de vous accueillir surtout parce que vous représentez une coopérative, et que vous occupez un créneau spécial dans le système. Comme vous le savez, nous allons vous rendre visite cet après-midi et vu le peu de temps dont nous disposons, comme la greffière vous l'a recommandé, je vous demanderais de bien vouloir résumer votre exposé pour que nous puissions vous poser les questions.
M. Jim Deane (président et chef de la direction, Access Communications Co-operative Ltd.): Bonjour. Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs, de me donner l'occasion de vous entretenir ce matin de l'état du système de radiodiffusion canadien. Je suis accompagné aujourd'hui de Marj Gavigan, directrice principale des communications et du développement communautaire au sein de notre organisme.
L'Association canadienne de télévision par câble a comparu devant le comité la semaine dernière. Nous nous proposons aujourd'hui de compléter l'exposé qui vous a été présenté par l'association et de vous présenter le point de vue d'un câblodistributeur de taille moyenne. Vous serez peut-être surpris d'apprendre qu'il reste encore un câblodistributeur de taille moyenne étant donné que depuis la consolidation, notre secteur compte soit de gros câblodistributeurs, soit de petits.
Comme vous l'avez dit, monsieur le président, Access Communications est une exception parmi les câblodistributeurs. Nous sommes en effet une coopérative de services locale à but non lucratif appartenant à la collectivité. Nos membres sont des particuliers et des organismes communautaires, pas nécessairement des clients, répartis au sein des collectivités que nous desservons.
Je vous signale, pour votre gouverne, que nous avons annoncé la semaine dernière que nous allons fusionner ou nous regrouper avec la Battlefords Community Cable Cooperative pour desservir Battlefords et 10 localités du nord-ouest de la Saskatchewan. Il s'agit de la fusion de deux coopératives. La nouvelle entreprise qui s'appellera aussi Access Communications desservira 84 000 abonnés du câble et 30 000 abonnés de l'internet et emploiera près de 200 personnes qui occuperont des emplois techniques bien rémunérés répartis dans toute la province.
À l'heure actuelle, 90 p. 100 de nos clients ont accès à l'internet à haute vitesse, à l'Internet à large bande et à la télévision par câble numérique. Douze pour cent de notre clientèle de base est maintenant abonnée à la télévision par câble numérique. Plus de 16 p. 100 de notre clientèle est abonnée à l'Internet à large bande.
Comme vous le savez, notre industrie a beaucoup évolué ces dernières années. Nous sommes passés à la technologie numérique et surtout, nous sommes passés d'un monopole au marché très concurrentiel que nous connaissons aujourd'hui.
Comme vous l'a dit l'Association canadienne de télévision par câble, pour demeurer concurrentiels, les câblodistributeurs, quelle que soit leur taille, doivent offrir à leurs clients les produits et services que leur offrent leur concurrents. En Saskatchewan, malgré notre population relativement faible qui est répartie sur un grand territoire, notre marché sera le plus concurrentiel au pays dès que notre société d'Etat, qui a le monopole du téléphone dans la province, commencera vers la fin de l'année, à desservir les villes de la Saskatchewan.
Comme vous le savez sans aucun doute, les coûts associés au service à large bande haute vitesse et au service numérique par câble sont élevés, et la nature de ce secteur à forte intensité de capital ne changera pas. La principale priorité de Access Communications, comme c'est le cas de plusieurs petits intervenants, est la capacité en canaux de nos services de câblodistribution.
Notre entreprise de classe 1 à Regina et nos entreprises de classe 2 à Yorkton, Weyburn, Estevan et Battlefords sont des systèmes de 550 mégahertz qui ne disposent d'aucun canal analogue et de très peu de canaux numériques pour offrir de nouveaux services. Dans l'ensemble, nos entreprises de classe 3 sont des systèmes de 300 mégahertz, et ils sont pleinement utilisés actuellement pour la transmission analogique. Notre priorité est donc d'accroître la capacité en canaux de chaque système afin d'offrir des services supplémentaires lorsqu'ils seront autorisés.
Les petits et moyens câblodistributeurs, s'ils veulent demeurer viables, doivent relever les mêmes défis. Nous pouvons, et je crois qu'enfin nous le ferons, relever ces défis; cependant, il serait fort utile que le cadre réglementaire que nous devons respecter reconnaisse ces défis, et que les critères soient légèrement assouplis. Comme vous le savez, les six plus importants câblodistributeurs desservent 90 p. 100 des clients canadiens; ainsi, l'assouplissement des règlements auxquels sont assujettis les câblodistributeurs de petites et de moyennes tailles n'aurait vraiment qu'un impact très limité sur le système canadien de radiodiffusion.
Nous recommandons un assouplissement des règlements régissant la distribution en ce qui a trait aux petits câblodistributeurs. Par exemple, même si nous appuyons sans équivoque l'attribution de permis pour des nouveaux services comme les services numériques, en fonction du choix du consommateur, ce sont les services classés dans la catégorie 1 qui doivent être offerts par des entreprises de classe 1 ou de classe 2, monopolisant ainsi une bonne partie de la capacité en canaux, peu importe la demande.
Le même problème se pose au niveau des nouvelles exigences en matière de la langue de la minorité. Nous sommes d'avis que si on autorisait les petits et moyens câblodistributeurs à ajouter ces services en fonction des mêmes critères que les canaux numériques de la catégorie 2—soit en fonction de la demande—, cela aurait un impact très limité sur le système de radiodiffusion canadien.
De plus, nous devons être assujettis aux mêmes règles que les autres fournisseurs. Si nous voulons demeurer concurrentiels, il faut que nous ayons des règles du jeu uniformes. Par exemple, les fournisseurs de services de diffusion directe ont pu offrir des signaux canadiens de télévision éloignés et des signaux supplémentaires de télévision américains 4 + 1 bien avant que les câblodistributeurs ne soient autorisés à le faire.
Troisièmement, nous sommes d'avis que les règlements régissant la distribution obligatoire devraient être assouplis pour les petits intervenants—et qu'encore une fois il faudrait laisser la demande déterminer si cette distribution est nécessaire.
Enfin, l'assouplissement des règlements régissant la migration des services actuellement offerts d'une distribution analogique à une distribution numérique faciliterait la tâche des petits intervenants comme nous. Ces services seraient toujours offerts aux consommateurs grâce à un abonnement numérique à faible coût, soit de façon individuelle ou par l'entremise d'un abonnement de série.
Avant de céder la parole à Mme Gavigan, j'aimerais parler brièvement des services de diffusion directe offerts sur le marché noir et sur le marché gris et l'impact de ces pratiques sur notre entreprise et sur l'ensemble du système de radiodiffusion au Canada. Le fait est que nombre de Canadiens continuent à éviter le système de radiodiffusion canadien en achetant du matériel pour la diffusion directe sur le marché noir ou le marché gris. On dit qu'entre 500 000 et un million de foyers canadiens ne participent pas au système de radiodiffusion canadien.
Nous sommes d'avis que cette attitude s'explique de deux façons—c'est d'ailleurs pourquoi nous perdons nos clients. Tout d'abord, les consommateurs veulent avoir accès aux services américains populaires qui ne peuvent pas être distribués par les entreprises canadiennes. De plus, le matériel acheté sur le marché noir assure aux consommateurs des services sans qu'ils soient tenus de payer des droits au distributeur ou au détenteur de droits de diffusion. Il suffit de lire les petites annonces des grands journaux canadiens pour constater que la vente de matériel pour la diffusion directe sur le marché noir et le marché gris est en pleine expansion au Canada.
Nous vous encourageons fortement à modifier le libellé de la Loi sur la radiocommunication afin de préciser l'objectif visé par la politique du gouvernement. Si nous avons bien saisi et que l'objectif visé est d'interdire catégoriquement le piratage des signaux, il faut alors donner aux responsables de l'application de la loi et aux employés du service des douanes et du revenu les outils nécessaires qui leur permettront de mettre un frein à cette activité criminelle. Il en va à notre avis de l'avenir du système de radiodiffusion au Canada.
Je céderai maintenant la parole à Marj Gavigan, qui vous en dira plus sur l'apport d'Access Communications au système de radiodiffusion canadien grâce à la programmation communautaire.
Á (1105)
Mme Marj Gavigan (cadre supérieure, Access Communications Co-operative Ltd.): Merci, Jim, et merci messieurs et mesdames les députés.
Access Communications offre un service communautaire distinct dans chacune des collectivités desservies. La programmation de chacun de ces canaux reflète la communauté locale et ses membres. Les téléspectateurs peuvent visionner le défilement d'un texte présentant une liste des événements à venir dans la collectivité, des émissions enregistrées ou en direct d'événements qui s'y déroulent ou qui s'y sont déroulés; ils sont très heureux de ce contenu local.
En 2001, Access Communications a diffusé en moyenne 150 heures de nouvelles émissions locales de première diffusion chaque mois dans toutes les collectivités desservies. Je peux vous assurer que la programmation reflète, si je peux reprendre les termes de votre mandat, les attitudes, les opinions, les idées, les valeurs et la créativité artistique canadiennes. Cette programmation fait également la promotion du talent canadien, devant et derrière les caméras.
J'aimerais vous parler brièvement de notre personnel de talent. Access Communications offre des emplois à temps plein et à temps partiel dans le domaine de la création et de la réalisation d'émissions communautaires. Nous avons accès aux services de plus de 200 bénévoles qui consacrent près de 4 500 heures chaque année au fonctionnement des caméras, du matériel audio, du matériel d'éclairage, à l'édition et à la mise en scène, et certains jouent même le rôle d'animateur de service. Nombre de ces bénévoles ont trouvé des emplois et parfois des postes assez importants au sein du système de radiodiffusion canadien.
De plus, nous retenons les services, par contrat, d'un représentant de chacune des collectivités où Access n'a pas de bureau; cette personne fait le trait d'union entre le responsable de la programmation communautaire et les groupes communautaires. Ces représentants recueillent des renseignements pour nous sur les événements à venir dans les collectivités et facilitent la diffusion de ces renseignements sur les canaux communautaires locaux.
Il y a 18 mois, nous avons renouvelé notre engagement au chapitre de la programmation communautaire et nous nous sommes engagés à assurer un meilleur équilibre entre la programmation conçue et réalisée par les employés et celle qui est réalisée par les groupes communautaires. L'accès de la communauté locale à nos canaux communautaires est une priorité.
À la suite de nos efforts, un nombre de plus en plus important de particuliers et de groupes viennent nous proposer des idées de programmation. Par exemple, un couple à Regina a communiqué avec nous afin de discuter de la réalisation d'une émission d'art culinaire. Les recettes reflètent les coutumes locales. Les fournisseurs locaux parrainent l'émission, et nous offrons les services de caméra et d'édition.
Le groupe Businessmen's Full Gospel réalise 26 heures de programmation dans un week-end, dans nos installations, mais l'animation, la scénarisation et la mise en scène sont assurées par le groupe même. Cette émission, qui s'intitule Good News, est présentée à l'échelle nationale au Miracle Channel.
Les cinq clubs Rotary de Regina ont récemment assuré la scénarisation, le fonctionnement des caméras et du matériel audio, la préparation et l'animation pour une série intitulée What is Rotary. Access Communications a offert les services de formation et les conseils techniques ainsi que les installations pour assurer la réalisation et la diffusion des émissions. En fait, les clubs Rotary de Winnipeg désirent faire la même chose après avoir vu le résultat de ces émissions.
Des téléthons sont organisés et réalisés par chaque groupe communautaire comme la Regina Humane Society, AIDS Saskatchewan et Centraide d'Estevan et de Weyburn; ces groupes ont pu recueillir des montants importants grâce à l'accès à nos installations et aux canaux communautaires.
Les plus petites communautés que nous desservons ont toujours dépendu largement des canaux communautaires pour assurer la couverture médiatique des événements locaux. Les radiodiffuseurs n'assurent pas de représentation locale ni même le reflet des communautés des petites collectivités que nous desservons, et même des petites villes comme Estevan et Weyburn. Les canaux communautaires sont la seule façon, pour nombre de collectivités, de refléter les circonstances et aspirations des hommes, des femmes et des enfants canadiens—vos amis et vos voisins.
Pour y parvenir, Access Communications a investi, et continue de le faire, des montants importants dans les canaux communautaires. Nous avons investi plus de 3,6 millions de dollars en dépenses d'immobilisations et d'exploitation dans le domaine de programmation communautaire au cours des trois dernières années.
Access a d'ailleurs obtenu l'autorisation de conserver les cotisations normalement versées au Fonds canadien de télévision pour les investir dans la programmation communautaire. Nous avons su démontrer que Access Communications crée une programmation canadienne dans nos collectivités. Cet argent est très important pour notre collectivité parce qu'il permet de créer des emplois, un accès par la communauté aux installations, et un mécanisme permettant de refléter la culture locale et d'en faire la promotion. Nous recommandons que cette option soit offerte à tous les câblodistributeurs qui ont un impact direct positif sur la programmation locale au Canada.
En fin, j'aimerais signaler que nous appuyons la recommandation formulée par l'Association canadienne de télévision par câble qui propose que les droits versés pour les entreprises de câblodistribution de classe 2 soient réévalués et même abandonnés. Si ces droits étaient réinvestis dans la programmation communautaire locale, des montants plus importants seraient disponibles sur les plus petits marchés, permettant d'obtenir des heures supplémentaires de programmation et de créer des emplois supplémentaires au sein du système de radiodiffusion canadien.
Á (1110)
M. Jim Deane: Avant de terminer, monsieur le président, j'aimerais résumer les recommandations que nous avons formulées ce matin.
Tout d'abord, Access Communications recommande que le cadre réglementaire auquel sont assujettis les petits câblodistributeurs soit assoupli. Des règles moins strictes au niveau de la distribution et de la migration de service du système analogique au système numérique aideraient certainement les plus petits câblodistributeurs, et, à notre avis, n'auraient aucun impact négatif sur le système de radiodiffusion.
Le cadre réglementaire que nous devons observer doit assurer des règles du jeu uniformes à tous les fournisseurs de service.
De plus, nous recommandons fermement que les mesures nécessaires soient prises afin d'assurer l'interdiction du piratage de signaux au Canada. Nous sommes d'avis qu'il en va de l'avenir du système de radiodiffusion canadien.
Enfin, nous recommandons d'envisager la possibilité d'autoriser les câblodistributeurs à récupérer les cotisations faites au fonds de production pour les investir dans le domaine de la programmation communautaire locale. De la même façon, comme Marj l'a signalé, nous recommandons que les droits payés actuellement pour les licences de classe 2 qui sont versés au Trésor soient réinvestis directement dans le système de radiodiffusion canadien et viennent augmenter le financement accordé aux canaux communautaires de classe 2.
Nous sommes très heureux que le gouvernement ait décidé de réviser la Loi sur la radiodiffusion afin de renforcer et de protéger le système de radiodiffusion canadien. C'est dans cette optique que nous avons formulé ces recommandations.
Nous tenons à vous remercier de nous avoir offert cette occasion de vous rencontrer ce matin.
Á (1115)
Le président: Merci d'avoir présenté un exposé si succinct.
Je demanderais à Mme Yelich de poser la première question.
Mme Lynne Yelich: Merci beaucoup.
Vous avez présenté un très bon exposé et je suis très heureuse d'avoir été ici pour l'entendre.
J'aimerais vous poser quelques questions. Tout d'abord, savez-vous combien il vous en coûte pour observer les règlements? Avez-vous procédé à une étude de cette question? Vous disiez qu'il faut assouplir les règlements, mais savez-vous combien il vous en coûte pour les observer? S'agit-il d'un élément important de vos budgets?
M. Jim Deane: Quand nous parlons d'assouplissement des règlements, nous songeons tout particulièrement aux règles de distribution. Par exemple, lorsque les 16 canaux numériques de catégorie 1 ont été lancés, ils devaient tous être offerts. Il est clair que le consommateur avait le choix, mais nous avons dû offrir ces canaux. La capacité en canaux est un problème pour toutes les entreprises de télédistribution.
Nous disons que s'il y avait assouplissement des règles de distribution, nous pourrions peut-être offrir ces canaux et voir s'il existe une demande suffisante pour les justifier. Il se pourrait donc que deux ou trois de ces canaux ne soient plus offerts dans un an, ce qui nous donnerait une capacité qui nous permettrait d'offrir d'autres services lorsqu'ils seront disponibles. Je ne peux pas vraiment vous donner une idée des coûts, mais je peux simplement vous dire que le fait d'accroître la capacité en canaux coûte très cher.
Mme Lynne Yelich: Très bien.
Le président: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: La semaine dernière, le CRTC a entendu les intervenants des télévisions communautaires pour orienter le cadre stratégique qu'il doit mettre en place. Une idée a été lancée par les télévisions communautaires à but non lucratif et à but lucratif. Pour vous, qu'est-ce ça changerait? Est-ce que ça changerait quelque chose? Est-ce que vous avez présenté des suggestions au CRTC par courriel, parce que je pense qu'on pouvait aussi le faire par courriel, ou si vous vous êtes déplacés? Expliquez-moi un peu en quoi consiste cet enjeu pour vous.
[Traduction]
M. Jim Deane: Nous avons participé aux audiences organisées à la suite de la publication de l'avis public du CRTC sur l'avenir et le rôle des canaux communautaires et de la télévision communautaire au Canada. Nous comprenons le point de vue de la commission lorsqu'elle parle de l'accès local. Access Communications a abordé les choses de façon quelque peu différente au cours des 18 derniers mois en faisant la promotion de l'accès local à nos canaux communautaires par les groupes communautaires qui réalisent leurs propres émissions.
Je crois que le CRTC a indiqué qu'il s'inquiétait du fait qu'il n'y avait pas suffisamment de débouchés dans les toutes les régions du pays sur les canaux communautaires pour les groupes communautaires qui veulent réaliser leurs propres émissions. Certains des exemples que vous a donnés Marj un peu plus tôt indiquent clairement à mon avis que des groupes communautaires sont prêts à réaliser leurs propres émissions; nous leur offrons les occasions d'assurer cette expression locale sur nos canaux communautaires.
Quant aux services de télévision de faible puissance, les signaux d'antenne, qui ont demandé à être distribués par les câblodistributeurs, nous avons également recommandé au Conseil que s'il décidait d'offrir des permis visant la distribution de ces services par les câblodistributeurs, il faudrait le faire en fonction d'un mode numérique. La capacité en canaux du service analogique n'est pas suffisante pour que l'on offre également ces services sous forme de canaux analogiques.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Merci. Ça va aller.
[Traduction]
Le président: Monsieur Harvard.
M. John Harvard: Merci, monsieur le président.
Monsieur Deane, j'aimerais avoir quelques précisions sur certaines des questions que vous avez abordées lorsque vous avez demandé des règles de distribution un peu plus souples. Votre société de câblodistribution doit payer un droit pour chaque service qu'elle offre, qu'il s'agisse du niveau 1 ou du niveau 2. Est-ce exact? Pouvez-vous m'expliquer quels sont vos coûts et me dire quels coûts supplémentaires sont associés aux règles de distribution?
M. Jim Deane: Encore une fois, si l'on parle de l'assouplissement des règles de distribution, nous payons un droit aux réseaux pour chaque canal, les services spécialisés, pour chacun de nos clients. Ce que nous demandons, et c'est d'ailleurs ce que demandent tous les petits câblodistributeurs du pays, est un assouplissement des règles de distribution car elles viennent monopoliser la capacité en canaux. Le conseil autorise de nouveaux canaux numériques, de nouveaux canaux spécialisés, de façon permanente, et il y aura sans aucun doute le lancement de nouveaux canaux sous peu. Nous devons être en mesure d'offrir les services et les produits qu'offrent nos concurrents. Ainsi, lorsque la capacité en canaux est utilisée par ces canaux que nous devons distribuer et qui ne font pas nécessairement l'objet d'une demande importante, cela nous empêche d'offrir les nouveaux services qui susciteraient une demande plus importante.
Á (1120)
M. John Harvard: Est-ce que cela veut dire que s'il y avait une faible demande pour un service particulier vous le laisseriez peut-être tomber pour le remplacer par quelque chose d'autre?
M. Jim Deane: C'est exact.
M. John Harvard: Est-ce que cela se produirait souvent?
M. Jim Deane: Cela se produirait certainement. Il y a certains canaux, par exemple, qui sont visés par les règles de distribution obligatoires par mode analogique et qui ne seraient peut-être pas appropriés pour les marchés plus petits. Par exemple, le réseau de télévision des peuples autochtones est un service visé par les mesures de distribution obligatoires par mode analogique, dans le cadre du service de base. C'est un réseau qui suscite beaucoup d'intérêt dans nos marchés, et nous n'envisagerions pas de l'abandonner, mais nous pourrions en abandonner d'autres.
M. John Harvard: Vous dites donc qu'il faudrait adopter une approche qui serait plus axée sur le marché pour ce qui est de ces exigences?
M. Jim Deane: C'est exact.
M. John Harvard: Quel critère le CRTC emploie-t-il pour décider quel canal vous devez distribuer? Quels sont les critères?
M. Jim Deane: Bien, certains des intervenants de l'industrie croient que c'est fait un peu au hasard, mais je crois que le CRTC se fonde sur l'intérêt national. Nous comprenons cette position. Cependant, je crois qu'il faut reconnaître que la capacité en canaux est un problème qui se pose pour tous les petits câblodistributeurs de l'ensemble du pays.
Nous appuyons la nouvelle méthode d'attribution de licences pour les nouveaux canaux en mode numérique lorsque l'on offre vraiment le choix au consommateur. Les quelque 260 nouveaux canaux de catégorie 2 qui ont été autorisés l'ont été en tenant compte du fait que les distributeurs locaux détermineront la demande et décideront de les offrir ou non.
M. John Harvard: Il y a également des dépenses d'immobilisations n'est-ce pas?
M. Jim Deane: Et elles sont assez élevées.
M. John Harvard: Les coopératives comme la vôtre—et je m'intéresse beaucoup aux coopératives—sont-elles particulièrement sensibles aux coûts en immobilisations au point que vous ne pouvez pas vous tourner vers le marché pour entreprendre une campagne de financement comme peut le faire Rogers par exemple? Rogers sait vraiment comment recueillir des fonds, comme l'indique la rubrique du passif dans ses états financiers.
M. Jim Deane: C'est vrai, Rogers réussit bien.
L'accès au capital est tout un défi pour toutes les coopératives, comme vous le savez, et tout particulièrement pour la nôtre. Tout ce que nous achetons ou finançons doit être financé à même le fonds de roulement ou par emprunt. L'émission d'actions n'est pas une option pour les coopératives.
M. John Harvard: Vous semblez être très fier de votre programmation communautaire. Le fait que vous soyez une coopérative, et non une entreprise privée, ...évidemment, vous devez pouvoir financer vos activités, je le comprends, mais vous n'avez peut-être pas besoin des profits que rechercherait une compagnie privée. Est-ce que cela veut dire que vous pouvez être un peu plus sensible à la programmation communautaire?
M. Jim Deane: Dans une certaine mesure oui. Il s'agit là sans aucun doute d'un des principes de base d'Access Communications et de Regina Cablevision, la coopérative qui a été mise sur pied en 1975.
Cependant, je crois également qu'offrir un canal communautaire de nos jours est simplement une bonne décision commerciale. Je crois qu'un canal communautaire de qualité, qui reflète la collectivité desservie, présente un avantage concurrentiel certain si nos compétiteurs n'offrent pas un service semblable.
M. John Harvard: Votre service de câblodistribution est-il conceptuellement semblable à ce qui est offert dans l'Ouest du Manitoba?
M. Jim Deane: Oui, c'est le même concept.
M. John Harvard: Si vous réussissiez encore mieux au point de vue financier, serait-il possible qu'un des câblodistributeurs privés vienne un jour vous dire «Écoutez, vous offrez un bon service, nous aimerions l'acheter pour faire des sous»? Est-ce possible?
M. Jim Deane: Je suis convaincu que tous les câblodistributeurs communautaires à but non lucratif ont été contactés à un moment ou à un autre par les compagnies privées qui offraient de les acheter, tout comme Access Communications l'a été par le passé, mais nos membres tiennent absolument à la propriété locale et communautaire.
Ainsi, à moins que l'accès aux capitaux ou les autres défis que nous devons relever ne nous engagent dans cette voie, je ne crois pas que ça se produira.
M. John Harvard: Merci.
Le président: Monsieur McNally.
M. Grant McNally: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre exposé. J'aimerais parler de ce problème que posent le marché gris et le marché noir, parce que cette question a déjà été soulevée à plusieurs reprises. Elle a été soulevée lorsque nous étions à Ottawa. J'avais tenu les mêmes propos que vous à l'occasion et j'avais dit qu'il fallait absolument se pencher sur ce problème.
Je crois que la ministre serait probablement disposée à se pencher là-dessus. J'espère que cela se produira, mais je sais que la question a été soulevée la semaine dernière lors d'un débat à la Chambre des communes.
Savez-vous quel impact ces marchés ont sur vous en Saskatchewan, ou sur la zone que vous desservez? Je suppose qu'il est difficile de donner un chiffre.
Á (1125)
M. Jim Deane: Il est difficile de donner un chiffre. Je sais que l'association industrielle entreprend un sondage auprès de ses membres du pays tout entier en ce moment, en fait ça se fait en ce moment, afin de déterminer les pertes associées au marché gris et au marché noir; je sais que les montants sont importants.
Plus la région desservie se trouve à proximité de la frontière américaine, plus les pertes sont élevées. Par exemple, à Estevan, qui n'est qu'à quelques minutes de la frontière américaine, nos pertes sont beaucoup plus élevées qu'à Yorkton, notamment. Mais ces pertes sont importantes. Je crois qu'on a eu raison de dire un peu plus tôt que les gens visionneront ce qu'ils veulent, et que toute restriction—par définition—encouragera un bon nombre d'entre eux à se tourner vers le marché noir ou le marché gris. Nos clients, tout au moins dans notre région, ont tendance à se rebiffer lorsqu'on essaie de leur dire ce qu'ils peuvent regarder à la télé. À ce moment-là, ils essaient simplement de contourner le système canadien de radiodiffusion.
Je crois donc que le choix du consommateur devrait être un des éléments à retenir lorsqu'on apportera des modifications, s'il en est, à la loi.
M. Grant McNally: Je suis d'accord. Tout compte fait, le consommateur choisit, soit en continuant de s'abonner à votre service ou en se tournant ailleurs que ce soit le marché gris ou le marché noir ou encore un service par satellite.
Vous livrez donc concurrence directement aux services par satellite n'est-ce pas? Il est donc intéressant de noter que même s'ils sont vos concurrents, vous proposez tout de même que l'on mette fin au marché noir et au marché gris. Je crois cependant que les services par satellite vous font également concurrence.
M. Jim Deane: Je crois que oui. Je crois que nous partageons certains intérêts à cet égard. Tout comme les fournisseurs de service de télévision directe par satellite et les fournisseurs autorisés, nous appuyons sans équivoque le système de radiodiffusion canadien et nous voulons que ces consommateurs fassent partie du système. Cependant, lorsqu'ils décident de quitter le système, je crois qu'ils abandonnent nos services et ceux des deux autres types de fournisseurs.
M. Grant McNally: Je suis heureux d'entendre ces commentaires parce que beaucoup disent que les membres de votre industrie ne s'intéressent pas particulièrement à ces aspects de la culture et du contenu canadiens et cherchent simplement à réaliser des profits plus importants; on dit des choses du genre. Je suis heureux que vous ayez dit officiellement ce que vous pensez de la question.
Pour ce qui est du mode analogique et du mode numérique, il est clair que la technologie évolue rapidement. Est-ce que tous vos services sont offerts en mode numérique? Pouvez-vous offrir tous vos services en mode numérique ou pas encore? Dans la négative, quel est votre échéancier?
M. Jim Deane: Nous sommes en train d'offrir nos services en mode numérique pour les systèmes de la classe 3, soit les petites collectivités de 400 à 500 consommateurs où le service numérique n'est pas encore disponible. Jusqu'à 90 p. 100 de nos clients aujourd'hui ont accès à la diffusion numérique par câble, et nous espérons pouvoir cet été faire augmenter ce pourcentage. J'espère que 95 p. 100 de nos clients auront accès au service de distribution numérique par câble d'ici la fin de l'été.
M. Grant McNally: Avec l'expansion du mode numérique, est-ce que certaines des préoccupations dont vous avez fait état un peu plus tôt à l'égard de la distribution des services analogiques disparaîtront? Est-ce qu'avec cette expansion il y aura moins de problèmes au niveau de la distribution analogique?
M. Jim Deane: Je crois que cela deviendra un problème moins important, mais il ne faut pas oublier que la capacité en canaux demeure un problème. Le service de classe 3 est offert à partir de systèmes de 550 mégahertz et non pas de 860 ou de 750 mégahertz; ainsi, les problèmes qui existent actuellement au niveau de la capacité demeureront pour les petites collectivités.
M. Grant McNally: J'aimerais terminer en disant qu'il est fort intéressant d'entendre parler de la programmation communautaire, parce que c'est une préoccupation dont ont fait état bien des gens que nous avons rencontrés dans toutes les régions du pays; ils nous disent qu'il doit y avoir un équilibre entre la programmation locale et la programmation «universelle» qui est offerte à tout le monde; on a également mentionné le problème associé au fait que tous les marchés n'ont pas accès à la programmation locale.
Je suis d'avis qu'il existe un marché très important pour la programmation locale et qu'en raison de l'évolution actuelle au sein de l'industrie, ceux qui sauront cibler le marché de la programmation locale connaîtront un très grand succès, et ce, à plusieurs égards. Il existe des débouchés importants pour ceux qui offrent la programmation locale actuellement et pour ceux qui songent à le faire dans les marchés où ces services n'existent actuellement pas.
Á (1130)
M. Jim Deane: Je suis parfaitement d'accord avec vous. Jadis l'industrie pensait que le canal communautaire était simplement une chose qu'il fallait faire parce que les conditions de la licence le dictaient. Les choses ont changé. Je crois que c'est avoir le sens des affaires que d'offrir aux collectivités que nous desservons un canal communautaire pertinent.
M. Grant McNally: Merci.
M. Jim Deane: Merci.
Le président: J'aurais une question avant de terminer.
Peut-être pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire, à la page 12 de votre mémoire, quand vous écrivez:
...nous recommandons qu'on envisage d'autoriser tous les câblodistributeurs à rapatrier leurs cotisations au fonds de production pour la programmation communautaire locale. |
Je suppose que vous pensez au 5 p. 100 du Fonds canadien de télévision. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous visez, ce que vous tentez de dire, afin que nous comprenions bien?
M. Jim Deane: Le CRTC a accédé à la demande qu'a présentée Access Communications concernant ces conditions d'octroi de licence pour un congé de cotisations au fonds de production, et je pense que nous sommes parvenus à faire valoir que nous assurions une programmation canadienne dans les zones de service sur nos canaux communautaires dans les communautés que nous servons.
Une des raisons pour lesquelles nous avons pu réussir aussi bien en tant que canal communautaire et offrir des canaux communautaires ayant une programmation distincte pour chacune des communautés que nous desservons, c'est que ces fonds ont été rapatriés. L'argent que nous aurions normalement versé, nous avons pu le garder. Cela représente pour nous 750 000 $ par an, ce qui est un montant important.
C'est ainsi que nous avons un canal communautaire unique à Kamsack, à Kenora et à Regina Beach, en Saskatchewan. Nous recommandons qu'on envisage la possibilité d'accorder la même chose à d'autres exploitants, car je crois que la programmation communautaire est un aspect important pour assurer la vitalité du système de radiodiffusion canadien.
Le président: Merci. Nous comprenons mieux ce que vous vouliez dire.
Merci beaucoup, monsieur Deane et madame Gavigan. Nous sommes impatients de visiter votre station plus tard aujourd'hui, et nous vous remercions d'être venus. La question est très importante pour nous tous.
M. Jim Deane: Merci.
Si vous me le permettez, j'aimerais faire une dernière observation. On nous a dit qu'il était important qu'ait lieu ce débat entre Canadiens et citoyens informés. J'aimerais faire un peu de publicité pour la Chaîne d'affaires publiques par câble, CPAC, qui est payée en totalité par les câblodistributeurs à cette fin précise. Nous en sommes du reste un membre fondateur.
M. John Harvard: Nous pourrions nous attendre à de meilleurs acteurs.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Nous ferons maintenant une courte pause.
Á (1129)
Á (1136)
Le président: Nous reprenons.
[Français]
Nous sommes particulièrement heureux de souhaiter la bienvenue à l'Assemblée communautaire fransaskoise, représentée par M. Denis Desgagné, directeur général, et par Mme Francine Lacasse-Powers, agente aux communications. Nous sommes très heureux de vous recevoir ici.
Monsieur Desgagné, on vous donne le temps qu'il vous faudra. Allez-y. Soit dit en passant, votre drapeau est magnifique.
Á (1140)
M. Denis Desgagné (directeur général, Assemblée communautaire fransaskoise): Merci.
L'Assemblée communautaire fransaskoise a pris connaissance de l'audience publique à Regina il y a quelques jours seulement. Merci à Radio-Canada pour l'information.
Nous croyons qu'il est primordial de rencontrer les membres du Comité permanent afin de les informer de la réalité de la minorité francophone en Saskatchewan quant au système canadien de radiodiffusion.
Ce mémoire soulève l'importance, pour les communautés francophones, de se connaître entre elles et, pour la majorité anglophone, de mieux comprendre la langue, la culture et la présence de la communauté canadienne-française ainsi que sa contribution à la collectivité.
Il n'y a pas que les francophones qui s'intéressent à la francophonie. Il existe tout un public qui s'intéresse à la langue et à la culture françaises, à la diversité culturelle et linguistique du pays, et qui possède une assez bonne compréhension du contexte minoritaire. Je pense, par exemple, aux 30 000 francophiles de la Saskatchewan et à toutes les familles qui sont associées aux écoles d'immersion.
Il est important pour nous de commencer par les acquis, dont la radio en premier lieu. Il est important de souligner que cette année, la communauté fransaskoise a la chance de célébrer le cinquantième anniversaire de la radio française en Saskatchewan. Il s'agit d'un important acquis obtenu à la suite d'une lutte longue et ardue, mais qui en a valu la peine pour la préservation de la langue et de la culture fransaskoises.
Les chefs de file de la communauté fransaskoise des années 1930 et 1940 ont vite pris conscience des impacts néfastes de la radiodiffusion anglophone dès son entrée en territoire saskatchewanais. À cette époque, on croyait que les foyers des Canadiens français étaient protégés de la menace de l'assimilation. Par contre, on s'est rendu compte assez rapidement de la force de pénétration de ces médias exclusivement anglophones.
Les défenseurs de la langue et de la culture de l'époque voulaient à tout prix remédier à cette menace grandissante en procédant à l'installation d'une radio qui parlait notre langue. Déjà, on reconnaissait l'urgence d'offrir des éléments d'identité, langue et culture, dans le contenu diffusé. Après plus de 10 ans de revendications auprès de l'ancien CRTC--je ne me souviens pas de l'ancien nom--et de nombreuses collectes de fonds dans la communauté fransaskoise, la Saskatchewan a vu naître le premier concept de radio communautaire. C'est ce que nous appelons la première radio communautaire.
Une fois bien installés, les deux postes de radio française privés ont été vendus à la Société Radio-Canada, ce qui a permis une plus grande diffusion et une programmation plus diversifiée.
Lors de l'implantation de la radio française en Saskatchewan, l'objectif visé était d'obtenir plus de contenu canadien-français sur les ondes, car on s'identifiait tous comme Canadiens français.
Malgré les distances qui séparaient les francophones à travers le pays, le contenu francophone du Québec ou d'une autre province convenait assez bien. Aujourd'hui, cependant, nous recherchons pour nos jeunes, qui sont éloignés de deux générations ou plus de leurs ancêtres du Québec, de la Belgique, de la France, de la Bretagne, etc., un contenu davantage fransaskois, un contenu qui reflète davantage notre réalité sociale. La question de la proximité joue un rôle de plus en plus vital pour le rayonnement de la langue et de la culture françaises.
La radio de Radio-Canada joue toujours un rôle déterminant dans notre communauté, et nous sommes inquiets face à l'érosion de la programmation produite en Saskatchewan au cours de la dernière décennie, faute de financement.
Comprenez bien que pour nous, Fransaskois, lorsqu'il est question de services de radiodiffusion en français, nous n'avons pas le choix. La radio de Radio-Canada est notre seul service dans notre langue. Donc, lorsqu'il y a coupure dans la programmation, les conséquences sont bien différentes que pour les anglophones de la Saskatchewan qui subissent des coupures à la radio de CBC ou même la fermeture d'une radio privée. Quand on coupe à Radio-Canada, c'est une coupure directe dans les ressources de la communauté francophone, dans notre espoir de conserver la langue et la culture francophones en Saskatchewan. Notez bien que nous n'encourageons nullement les coupures à la radio de CBC, car il s'agit tout de même du seul service public anglophone pour la communauté anglophone, et nous le considérons fondamental pour les questions de contenu canadien.
Nous croyons donc qu'il est primordial de garantir le maintien et l'enrichissement des services de la radio de Radio-Canada existants en Saskatchewan afin d'assurer la préservation de la langue et de la culture françaises en Saskatchewan.
La venue probable de la chaîne culturelle dans l'Ouest est certes une bonne nouvelle, mais on nous dit que ce sera seulement pour les régions de Regina et de Saskatoon. Mesdames et messieurs, l'assimilation est rampante partout en Saskatchewan. Même si nous nous réjouissons de cette nouveauté, ce n'est que lorsqu'elle sera disponible à travers la province que nous la considérerons comme un acquis qui fait une différence.
La télévision constitue notre deuxième acquis au niveau de la radiodiffusion. Il faut se rappeler qu'une majorité des Fransaskoises et des Fransaskois n'ont pas grandi avec Bobino et La Boîte à surprises. Certains sont chanceux s'ils ont même seulement connu l'émission bilingue Chez Hélène.
L'absence de ce renforcement identiteur a défavorisé longtemps les Canadiens français. Ainsi, l'arrivée de la télévision française en Saskatchewan par le biais de Radio-Canada, à la fin des années 1970, est certes reconnue comme un acquis. Cependant, si on veut vraiment que la télévision soit un outil gagnant pour développer l'identité francophone hors Québec, il faut développer davantage la création régionale. Pour qu'il y ait de réels impacts identiteurs, il faut que des émissions de chez nous et de situations minoritaires soient développées. Plutôt que de réduire la capacité de Radio-Canada, le gouvernement devrait reconnaître à Radio-Canada son rôle de développement et de partage de la culture des différentes communautés de langue française du Canada et lui fournir les ressources nécessaires pour jouer ce rôle.
Á (1145)
Nous croyons fermement que le gouvernement doit financer convenablement la télévision française de Radio-Canada afin qu'elle puisse bien remplir le mandat de sa programmation, c'est-à-dire refléter la globalité canadienne tout en répondant aux besoins particuliers des régions, et refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langues officielles.
Il faut lui donner les moyens d'augmenter les heures de production locale. Si la Société Radio-Canada souhaite faire connaître la réalité des Fransaskois partout au Canada, il faut lui permettre de produire plus d'émissions de proximité pour les gens d'ici, des émissions qui parlent des gens d'ici, et de les diffuser sur le réseau national.
En ce qui a trait à sa programmation régionale, il ne faut absolument pas remettre en question les acquis, qui sont bien appréciés même s'ils ne sont pas suffisants. Toutes les activités du programme de développement de nouveaux talents, les captations de spectacles et de partenariats, comme Le Francothon et le Gala de la chanson, pour n'en nommer que quelques-uns, sont des acquis qu'il faut préserver et auxquels il faut ajouter.
Les activités inscrites dans le plan d'action de la Société Radio-Canada, dans son application de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles, sont des appuis essentiels au développement de la communauté. Or, depuis quelques années, on a l'impression que Radio-Canada va disparaître pour être remplacée par des chaînes privées comme TVA ou TV5, où les Canadiens français minoritaires ne se reconnaissent pas.
Dans un autre ordre d'idées, toujours en matière de télévision, qu'advient-il des stations auxquelles nous pourrions nous identifier et qui pourraient réellement contribuer au développement et à l'épanouissement de nos petites communautés fragiles? Il en existe pourtant plusieurs: des stations qui offrent des dessins animés en français pour les petits, des stations éducatives, des stations qui présentent de la musique française pour les adolescents, etc.
Sur la question de la technologie numérique, la multiplication des services de télévision numérique peut et doit se transformer pour les consommateurs francophones, peu importe où ils résident au pays, en une occasion d'accéder à l'ensemble des services de télévision de langue française, tant canadiens qu'étrangers. La révolution numérique peut soutenir à la fois l'objectif supérieur de la dualité linguistique canadienne, principe qui émane de la Constitution canadienne, ainsi que des Lois sur la radiodiffusion et sur les langues officielles, et les objectifs lucratifs poursuivis par les entreprises sollicitant des licences d'exploitation.
Les Fransaskoises et les Fransaskois sont à la merci des câblodistributeurs, ce qui ne fait qu'augmenter l'iniquité à travers la province et le pays. Les petits câblodistributeurs sont nombreux, et la minorité n'est pas protégée. Si ce ne sont pas les marchés bilingues qui défavorisent la petite population éparpillée en Saskatchewan, ce sont les coûts rattachés à l'accès aux canaux français. Même en payant le service, les francophones de Saskatchewan n'ont pas toujours le choix des chaînes françaises souhaitées.
Parlons des marchés bilingues. La question de définir les marchés suffisamment, presque ou juste assez bilingues pour recevoir des services additionnels en français constitue une menace pour la communauté fransaskoise. Nous croyons qu'un service additionnel doit obligatoirement être offert aux consommateurs dans tous les marchés desservis par la technologie en place.
Les Fransaskoises et les Fransaskois continuent à espérer l'aboutissement d'un règlement sur les marchés bilingues en faveur des minorités. Le déséquilibre démographique n'avantage aucunement la Saskatchewan. Dans des mémoires antécédents, l'ACF, l'Assemblée communautaire fransaskoise, a déjà recommandé au CRTC d'identifier comme marchés bilingues au minimum les territoires desservis par les câblodistributeurs où sont situés les établissements d'enseignement de la division scolaire francophone et les centres communautaires francophones.
Á (1150)
Je vais maintenant parler de la radio communautaire.
Nous sommes surpris de ce que dans les documents sur l'étude du Comité du patrimoine sur l'état du système canadien de radiodiffusion, les questions ne précisent pas la composante communautaire. Pourtant, quand il s'agit de sauvegarder, d'enrichir et de renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada, la radio communautaire joue un rôle essentiel. Il est évident que même Radio-Canada ne pourra jamais fournir tout le contenu que les communautés pourraient se procurer, et c'est pour cela que nous recommandons le développement de la radio communautaire.
En l'absence des autres chaînes françaises, la radio communautaire fransaskoise devient un complément à la radio de la Société Radio-Canada. C'est une solution qui est de mise et qui se développe en Saskatchewan. La modification, par le CRTC, des critères pour les licences de radios communautaires sera bénéfique à l'implantation d'un réseau de radios communautaires francophones en Saskatchewan.
En effet, le CRTC accorde maintenant aux stations de radio en développement le droit de diffuser durant une période de trois ans avec une puissance maximale de cinq watts. Or, dans les communautés de la Saskatchewan et de l'Ouest en général, dans les régions rurales dispersées, une puissance de cinq watts ne couvrirait qu'une infime partie de l'aire de desserte convoitée.
Il faudrait donc que le CRTC accepte de modifier cet élément de sa nouvelle politique en permettant que des émetteurs ayant une puissance de jusqu'à 250 watts soient utilisés dans de telles situations, selon les mêmes conditions de licence que pour les émetteurs de cinq watts. De plus, il faudra que le gouvernement fédéral adapte son programme d'appui afin qu'il réponde mieux à la réalité démographique et géographique de la francophonie en Saskatchewan.
En effet, la politique d'attribution de l'appui du ministère du Patrimoine canadien se réfère à un cadre réglementaire de 1988. Depuis, la radio communautaire, les politiques du CRTC, les technologies et la communauté francophone ont beaucoup évolué.
En Saskatchewan, nous travaillons présentement à la mise en place d'un réseau de petites radios communautaires interreliées par satellite et appuyées par une coopérative provinciale. C'est un concept unique qui offre une solution au défi que posent l'éparpillement et les faibles populations en Saskatchewan. Ce concept unit des organismes provinciaux tels que l'hebdomadaire, la division scolaire francophone, ainsi que les organismes culturels et économiques qui regroupent et appuient les petites radios communautaires fransaskoises. L'Alliance des radios communautaires du Canada est également un des nos partenaires dans nos démarches.
Or, l'absence de fonds dans le volet radio communautaire de Patrimoine Canada ne facilite pas l'implantation de la coopérative d'appui et du réseau préconisés. Malgré tout, quelques communautés font des mises en ondes de courte durée. Par contre, plusieurs autres petites communautés souhaitent aussi développer une radio communautaire. Six communautés ont participé à un test en réseau l'an dernier, alors que 11 communautés ont démontré de l'intérêt pour cela. Cependant, sans l'appui du gouvernement fédéral, et en particulier de Patrimoine Canada, il nous sera difficile d'atteindre les objectifs visés.
Pour réaliser nos objectifs de radiodiffusion et donner à la communauté francophone minoritaire de la Saskatchewan un outil de développement qui contribuera fortement à contrer l'assimilation, à rehausser l'identité et la fierté des Fransaskoises et des Fransaskois, nous incitons Patrimoine Canada à mettre rapidement en place un programme d'appui adapté aux besoins de développement du réseau en Saskatchewan et ailleurs au pays.
Á (1155)
En terminant, je dirai que la prestation et l'accès de la communauté minoritaire fransaskoise à un plus large éventail de services de radiodiffusion en français seront assurés par des mesures d'envergure internationale plutôt que régionale ou locale. Nous espérons que l'avancement de la radiodiffusion découlera d'une initiative politique plutôt que juridique.
Je vous remercie d'être venus en région pour donner aux communautés l'occasion de s'exprimer.
 (1200)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Desgagné. Nous sommes très heureux que vous soyez ici.
Je donne la parole à Mme Yelich.
[Traduction]
Mme Lynne Yelich: Merci beaucoup pour votre exposé.
En vous écoutant, je réfléchissais... Nous avons entendu plus tôt aujourd'hui des représentants d'une station communautaire locale, Access Communications. Estimez-vous travailler en étroite collaboration? Vous avez beaucoup parlé de la pénétration des petites communautés. Pensez-vous que ce serait une façon de commencer ou de s'y engager, ou d'essayer de travailler en étroite collaboration, de régler la question des données démographiques dont vous vous plaignez ou qui vous agacent?
En outre, dans quelle mesure les services par satellite et par Internet vous concernent-ils?
[Français]
M. Denis Desgagné: Pour ce qui est de votre première question, l'Assemblée communautaire fransaskoise et plusieurs autres organismes francophones sont membres de Access Communications, mais je pense que notre partenaire premier est plutôt Radio-Canada. C'est là que l'agencement de nos besoins et des buts ou objectifs est le plus facile.
Mme Francine Lacasse-Powers (agente aux communications, Assemblée communautaire fransaskoise): Je voudrais ajouter que les communautés qui font partie d'Access Communications sont plus grandes que nos petites communautés. Nos communautés sont trop petites pour Access Communications. Nos communautés francophones sont très petites, très éparpillées et très éloignées, et je pense qu'Access Communications ne se rend pas jusque-là.
[Traduction]
Le président: N'avez-vous pas une autre question?
Mme Lynne Yelich: Oui. Je me demandais comment les services Internet ou par satellite les concernaient ou les aidaient ou...
[Français]
M. Denis Desgagné: Le satellite fait partie de la solution pour la communauté francophone, au niveau de la radio communautaire. On ne pourrait pas imaginer la radio communautaire en Saskatchewan sans le satellite.
Pour ce qui est d'Internet, je pense qu'il s'agirait plutôt d'un appui à ce moment-ci, mais on cherche toujours à voir comment on peut utiliser Internet pour donner des services de radio.
[Traduction]
Mme Lynne Yelich: D'accord.
J'aimerais simplement confirmer une chose. Vous avez dit qu'il y a 30 000 Francophones en Saskatchewan. Qu'en est-il des francophiles? Vous avez parlé de francophiles et de francophones.
[Français]
M. Denis Desgagné: C'est plutôt 30 000 francophiles et 20 000 francophones, selon les dernières statistiques que nous avons.
[Traduction]
Mme Lynne Yelich: Merci.
[Français]
Le président: Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Merci.
Vous soulevez plusieurs points qui ont aussi été soulevés hier par l'association francophone d'Edmonton. Vous soulevez aussi la difficulté qu'il y a à rejoindre la population francophone et même à donner à la communauté francophone le nom de population. Pour moi, c'est un irritant. Ne pensez-vous pas que c'est diminuer l'aspect historique de peuple fondateur de la communauté? Un commentaire sur les deux nations fondatrices a été fait dans le document qui nous a été présenté hier à Edmonton. On expliquait que la nation francophone et la nation anglophone sont les peuples fondateurs de ce pays.
Un autre aspect de cette question, c'est qu'il est bon d'avoir le nom de nation quand, par exemple, il faut aller devant un comité pour demander plus d'argent pour les communautés francophones. Quand vous demandez de l'argent, on vous dit que vous ne représentez que tel pourcentage de la population et on vous accorde un budget selon le pourcentage. Je trouve que ça fausse un peu l'aspect historique. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un enjeu de survie face à l'assimilation. Je voudrais vous entendre là-dessus. Les parlementaires anglophones nous disent que, de toute façon, nous avons une part proportionnelle à notre nombre. C'est différent quand on se définit comme une population.
Donc, j'aimerais vous entendre quant à l'enjeu politique, quant à des budgets accrus et quant à votre participation en tant que nation fondatrice du Canada.
 (1205)
M. Denis Desgagné: En Saskatchewan, il reste encore beaucoup de noms français de villes et de villages. Il y en a qui ont été effacés. C'est un fait que la communauté francophone est arrivée au début dans les territoires, lors de leur découverte. Quand on regarde les choses en termes de nombre, on se sent toujours un petit peu en train de défendre quelque chose. Si on avait laissé les communautés francophones prendre leur place en Saskatchewan, s'il n'y avait pas eu des politiques qui ont contribué à notre assimilation, on serait beaucoup plus nombreux aujourd'hui.
On parle d'un taux d'assimilation de plus de 70 p. 100 de la communauté fransaskoise. Ça fait à peine quelques années qu'on peut vraiment compter sur des programmes pour développer et maintenir ce qu'on a présentement. On parle d'immigration. Ça touche beaucoup de secteurs. C'est une question tellement large que je pourrais prendre le reste du temps pour parler non seulement des communications, mais de tous les autres secteurs, que ce soit la santé, l'économie, etc.
Mme Christiane Gagnon: Pour le secteur de la radiodiffusion, est-ce que vous souhaiteriez que le budget vous soit alloué en tant que représentants d'une communauté plutôt qu'en fonction d'un nombre minoritaire? Est-ce que cela vous conviendrait? L'intervenant que nous avons entendu hier à Edmonton disait qu'il fallait donner aux francophones les outils nécessaires pour se développer et que tant qu'on leur donnerait ces outils en fonction d'un pourcentage minoritaire, la communauté serait mal servie. Pour développer une communauté, il faut avoir des outils, de l'argent, une structure et des institutions. Dans le fond, c'est l'argument qu'il nous donnait. C'est le propos que je tiens à tous les comités pour tous les différents aspects que vous avez soulignés. Les francophones constituent une des communautés qui ont fondé le Canada et il faut leur donner des outils en tant que communauté et non pas en tant que minorité.
M. Denis Desgagné: Exactement. J'aimerais ajouter un élément. Puisque nous sommes peu nombreux, on ne devrait pas regarder les choses en fonction du nombre, mais en fonction de la complexité de la situation, car il est très difficile de rejoindre ces francophones. Cela nous donnerait des arguments pour renforcer notre capacité de rejoindre ces gens-là. Il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas seulement les francophones. Il y a aussi les francophiles et tous les gens qui sont associés aux écoles d'immersion, ce qui ajoute à la complexité de la situation. Ces gens-là ont un autre défi; ils doivent faire en sorte que nos services actuels remplissent bien leur mandat.
Mme Christiane Gagnon: De toute façon, en étant plus forts, vous auriez un meilleur rayonnement auprès des francophiles qui veulent apprendre le français. Donc, ils seraient mieux soutenus.
Vous nous donnez de bons exemples de la façon dont on devrait changer certains aspects ou certains irritants. Je pense notamment aux émetteurs. Je peux comprendre que quand la communauté est très dispersée, les services de radiodiffusion ne peuvent pas être régis par les mêmes types de licence. Je pense que vous nous faites bien comprendre plusieurs points de vue. C'est très intéressant et c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on va noter vos préoccupations en tant que francophones.
M. Denis Desgagné: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Harvard.
M. John Harvard: Merci, monsieur le président.
Ce que vous avez dit au sujet de la radio communautaire de langue française m'intéresse, parce que cela me semble tout à fait sensé, tout à fait pratique.
Je le dis parce que nous avons entendu beaucoup de groupes anglophones qui se plaignent du manque d'émissions de langue anglaise tant au niveau local que régional. Or, si les groupes anglophones des régions éloignées ou des régions rurales à l'extérieur des grands centres se plaignent d'un manque d'émissions de langue anglaise, j'imagine bien ce qu'il doit en être pour vous. Ce doit être encore bien pire.
L'idée d'une radio communautaire de langue française m'intéresse, parce que vous parlez en fait d'une très petite installation, de 250 watts. Vous devez respecter cette exigence du CRTC de combien, de cinq watts? C'est renversant. Ça n'a aucun sens, à mes yeux.
Quand le CRTC exige cela ou impose ce plafond, cette limite au nombre de watts, que craint-il? Craint-il qu'une petite communauté de langue française qui met sur pied une petite station de radio de 250 watts, pour desservir 200 ou 300 personnes, accapare des centaines de milliers d'auditeurs de la radio commerciale anglophone? Que craint-il? Pourquoi impose-t-il une exigence aussi stricte? Le savez-vous?
 (1210)
[Français]
M. Denis Desgagné: Pour m'assurer d'être bien compris, je vous dirai que les Fransaskoises et les Fransaskois, présentement, ne se plaignent pas du contenu francophone à Radio-Canada, mais plutôt de la quantité de contenu francophone qui reflète leur identité, leur vie, ce qui se passe en Saskatchewan.
Pour ce qui est de la réglementation du CRTC qui autorise une puissance maximum de cinq watts pour les émetteurs, c'est pour des radios en développement. C'est un permis de trois ans pour développer la radio. Étant donné la réalité de la communauté fransaskoise, qui est en grande partie rurale, avec les fermes qui s'agrandissent, un émetteur de cinq watts n'est pas suffisant pour rejoindre les francophones. Cinq watts, ce n'est pas réaliste. Avec un tel émetteur, on ne pourrait diffuser que dans un petit village et on n'aurait pas l'impact qu'on voudrait sur la communauté.
[Traduction]
M. John Harvard: Je suis d'accord avec vous monsieur Desgagné, mais je ne comprends pas l'exigence du CRTC. Je ne vois pas comment une station de radio communautaire de langue française de 250 watts peut menacer qui que ce soit. Il me semble—et je ne vous ai pas demandé comment vous financeriez cela—que même si vous acceptiez effectivement la publicité, si vous pouviez en vendre, vous demeureriez l'un des plus petits concurrents. Je ne vois pas du tout comment vous pourriez être perçu comme une menace.
Pourquoi le CRTC n'accepte-t-il pas votre concept? Pourquoi ne se dit-on pas: «Allez-y, mettez en place votre station de 250 watts et desservez ces 1 000 ou 1 200 auditeurs»? Quelles sont ses objections? C'est ce que je veux savoir.
[Français]
M. Denis Desgagné: Je ne peux pas répondre pour le CRTC, mais...
Le président: Est-ce que le CRTC vous a expliqué pourquoi il ne permet que cinq watts?
M. Denis Desgagné: Oui. Il nous a dit que c'était cinq watts au niveau national. Mais l'impact de cela n'est pas le même pour Toronto et pour Zenon Park.
Mme Christiane Gagnon: C'est une politique qui n'est pas adaptée à un petit nombre, et on en fait une norme nationale. Vous comprenez ça, monsieur Lincoln?
M. Denis Desgagné: Je voudrais ajouter qu'il y a présentement 18 radios communautaires à l'extérieur du Québec et qu'à chaque fois que la communauté francophone a fait une demande de licence de radio communautaire, cela a constitué une menace pour la majorité de toute façon.
[Traduction]
M. John Harvard: Par exemple, où établiriez-vous une station de radio communautaire de langue française en Saskatchewan, pour commencer—à Gravelbourg? Où?
[Français]
M. Denis Desgagné: À Gravelbourg, Regina, Saskatoon, Zenon Park, Saint-Denis...
[Traduction]
M. John Harvard: Comme un réseau, ou procéderiez-vous un par un?
[Français]
M. Denis Desgagné: On irait un par un, mais l'élément réseau est important pour rassembler virtuellement la communauté, si on peut dire, pour lui donner encore plus de poids. Une radio communautaire dépend du bénévolat et il ne faut pas tuer notre bénévolat. Pour être francophone en Saskatchewan, il faut être membre de la radio communautaire. Il faut s'assurer de travailler pour la paroisse, de faire partie du comité régional. En rassemblant les gens par satellite, on partage la programmation bénévole. Donc, on peut plus facilement s'engager et collaborer ensemble pour se donner une radio communautaire à notre image.
 (1215)
[Traduction]
M. John Harvard: Eh bien, monsieur le président, je dirais simplement que quand les représentants du CRTC comparaîtront, nous devrons revenir sur cette question, parce qu'il y a là quelque chose qui... Soit que je n'ai rien compris, soit que le CRTC est...
Le président: C'est la pire forme de microgestion.
M. John Harvard: Oui. J'aurais cru que c'était là une occasion... Parce que cela ne m'apparaît pas une exploitation très coûteuse. Je n'ai pas entendu ces gens dire qu'ils voulaient des millions de dollars des fonds publics pour exploiter ce genre de station de radio ou ces stations de radio. J'aimerais donc que nous suivions ce dossier.
Merci.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: Merci, monsieur le président.
Je vais poursuivre sur la même lancée que M. Harvard et poser ensuite une question. À la fin de votre exposé, vous avez parlé du fait que Patrimoine Canada devait s'engager et mettre sur pied un programme. Pour ce qui est de ce programme, souhaitez-vous qu'il y ait plus de certitude en matière de réglementation, en ce qui concerne par exemple une station de 250 watts, ou envisagez-vous un programme pour lequel il faudrait des fonds?
[Français]
M. Denis Desgagné: Pour ce qui est des programmes, en 1988, Patrimoine Canada avait un programme de radio communautaire, avec un budget de 5 millions de dollars, si je me souviens bien. Aujourd'hui, on a ce qu'on appelle un volet--ce n'est plus un programme--et les fonds sont discrétionnaires. Donc, l'année passée, on n'a pas pu avancer dans le développement de la radio communautaire. L'année précédente, on parlait de 450 000 $ au niveau de budget total du volet de la radio communautaire. Donc, en ce moment, ce n'est pas vraiment le CRTC qui bloque le plus le développement de la radio communautaire; c'est plutôt l'absence d'un programme bien défini et adapté à la réalité des nouvelles technologies.
[Traduction]
M. Roger Gallaway: D'accord.
Vous avez aussi parlé dans votre exposé des sociétés de câblodistribution. C'est au sujet du choix que vous aimeriez avoir. Combien de canaux de langue française y a-t-il sur le câble...? Je ne connais rien au système de câblodistribution; y a-t-il un câblodistributeur en Saskatchewan? Mais pour ce qui est des abonnés, combien de stations de langue française pourraient-ils capter?
[Français]
M. Denis Desgagné: Il y a tellement de petits câblodistributeurs en Saskatchewan qu'il est difficile de... On a fait un petit sondage il y a un an ou un an et demi, et certains offraient TV5 et TVA. On ne comprend pas pourquoi, mais un petit groupe offrait Musique Plus et RDI. Cela dépend des câblodistributeurs. Il a même fallu se battre, à certains endroits, pour obtenir Radio-Canada.
[Traduction]
M. Roger Gallaway: Mais comme vous le savez...et je sais qu'en Saskatchewan, dans certaines régions, il y a ces très petites sociétés qui desservent peut-être moins d'un millier de clients, et que le CRTC, en l'occurrence pour une bonne raison, a dit ne pas pouvoir faire appliquer les normes nationales dans le cas de ces très petites sociétés, qui sont en quelque sorte des coopératives. Mais pour ce qui est du choix,...et je suppose qu'à Regina et à Saskatoon, par exemple, il y a un gros câblodistributeur, et il y a des chaînes obligatoires, sur le service de base, notamment diverses chaînes de langue française...
L'observation, je l'appellerai ainsi plutôt que de parler d'une plainte, que vous faites au sujet du manque de choix dans la programmation est généralisée dans tout le pays, quelle que soit la langue. Ce n'est donc pas différent ici.
Cela dit, ne pensez-vous qu'on y remédiera par une chose que vous avez déjà mentionnée, soit la technologie? À un moment ou l'autre on va aborder ce qu'on peut appeler l'univers de la télévision à la carte, et avec l'arrivée des satellites, de la radiodiffusion directe, d'ExpressVu et de toutes ces choses, votre problème sera réglé, n'est-ce pas?
 (1220)
[Français]
M. Denis Desgagné: Comme on le mentionne dans le mémoire, on a de la difficulté à comprendre qu'avec les nouvelles technologies, on ne puisse pas régler ce problème, compte tenu de la Constitution et de la Loi sur les langues officielles. On parle quand même de trois peuples fondateurs et de deux langues officielles.
Comment pourrait-on s'assurer d'obtenir, au niveau numérique, ce qu'on peut voir au Québec, par exemple? C'est extraordinaire, tout ce que ces gens peuvent recevoir. Cela a un impact sur l'identité et sur la culture. Pourquoi, avec les nouvelles technologies qu'il y a aujourd'hui, ne peut-on pas obtenir un certain minimum de contenu au niveau numérique et un certain minimum au niveau analogique?
[Traduction]
M. Roger Gallaway: Vous recherchez donc une service minimum garanti. C'est ce que vous dites.
M. Denis Desgagné: Oui
M. Roger Gallaway: Pensez-vous que c'est un manquement du CRTC ou une déficience des politiques de Patrimoine canadien, ou pensez-vous que c'est simplement du fait que de petites populations sont réparties sur un grand territoire?
[Français]
M. Denis Desgagné: Je comprends mal votre question.
[Traduction]
M. Roger Gallaway: Pour ce qui est du service minimal de langue française que vous souhaitez, pensez-vous que l'absence de ce service soit une conséquence de la politique du gouvernement? Je parle ici de Patrimoine canadien...
[Français]
M. Denis Desgagné: Je comprends très bien maintenant.
[Traduction]
M. Roger Gallaway: ...ou du CRTC. Comprenez-vous?
[Français]
M. Denis Desgagné: Eh bien, on est à la merci des câblodistributeurs. Je pense que certains règlements et certaines lois qui existent ne sont pas respectés.
Est-ce qu'il y a une police qui s'assure de faire respecter au minimum ce qui est là? Comme je le dis dans le mémoire, c'est depuis les années 1930 que les associations francophones de l'Ouest font des représentations annuelles au CRTC et à toutes sortes d'autres groupes comme celui-là pour revendiquer.
Nous avons des membres au sein de ces compagnies de cablôdistribution pour tenter de s'assurer, à l'interne, qu'on respecte au minimum ce qui est déjà en place.
[Traduction]
M. Roger Gallaway: Merci.
Le président: Monsieur McNally.
M. Grant McNally: Merci pour votre exposé. Je veux m'assurer d'avoir bien compris ce que vous disiez au sujet de la programmation locale, de la possibilité de faire des émissions de langue française dans les stations locales par rapport à Radio-Canada.
Hier, quand nous étions à Edmonton, en Alberta, nous avons entendu un autre son de cloche. La communauté francophone albertaine ne se reconnaît pas toujours dans les émissions de Radio-Canada, alors qu'il y a beaucoup d'émissions sur les francophones du Québec.
Pensez-vous qu'il en soit de même dans ce cas-ci?
[Français]
M. Denis Desgagné: Absolument.
[Traduction]
M. Grant McNally: À votre avis, est-ce que la solution à cela ne consiste pas non seulement à accroître les ressources de Radio-Canada mais aussi à faciliter l'accès à la programmation locale? Parce qu'il se pose là un problème, car même si vous pouviez le faire, étant donné que les membres de la communauté francophone sont assez disséminés et peu nombreux à pouvoir avoir accès à la programmation sur câble. Je ne vois pas comment nous pouvons concilier ces deux...
Voyez-vous une solution à cela, sur la façon d'équilibrer ces éléments—d'offrir une plus grande programmation locale et la rendre accessible à une communauté qui est disséminée et si éloignée qu'elle peut ne pas avoir la technologie, par câble, pour en profiter?
 (1225)
[Français]
M. Denis Desgagné: Pour ce qui est de Radio-Canada, malgré le fait que nos communautés en Saskatchewan sont assez dispersées, la majorité d'entre elles reçoivent le signal de Radio-Canada. Quand on a du contenu local, les cotes d'écoute augmentent au niveau local, mais à mesure qu'on s'éloigne au niveau des générations qui sont en Saskatchewan, les cotes d'écoute baissent, parce qu'on ne se reconnaît pas nécessairement dans des émissions où on parle de la circulation à Montréal, par exemple. Peut-être que la circulation à Montréal ne dérange pas trop les gens de Hendon ou de Zenon Park. Si on augmentait le contenu local, ce serait extrêmement bénéfique au niveau de l'identité culturelle chez nous, en Saskatchewan, et cela nous aiderait à maintenir la langue et la culture.
[Traduction]
M. Grant McNally: Je pourrais peut-être me permettre d'intervenir rapidement à l'appui de ce qu'a dit M. Harvard et de ses préoccupations face au CRTC et de son approche à l'emporte-pièce, des décisions prises à Ottawa qui ne tiennent pas compte des régions.
Cela me rappelle une histoire. J'ai un ami qui possédait des stations de radio de langue anglaise dans ma région et il voulait présenter une demande relativement à un répéteur au sommet d'une montagne; il ne pouvait pas radiodiffuser sans ce moyen. Les communautés étaient à moins de 50 miles de distance l'une de l'autre. La demande a été rejetée, parce que sur la carte posée à plat, naturellement, si l'on se place à Ottawa, on se demande pourquoi il faudrait un autre répéteur quand les communautés ne sont séparées que de 50 miles? Eh bien, ce n'est que quand le responsable s'est rendu sur place et a vu cette montagne qui séparait les deux communautés qu'il a compris.
On a ici affaire au même genre de problème. Il faut tenir compte des communautés et de leurs besoins propres plutôt que de se contenter de prendre une décision indépendamment de l'endroit où celle-ci aura la plus forte incidence.
[Français]
Le président: Madame Gagnon, vous voulez poser une dernière question.
Mme Christiane Gagnon: Je voudrais revenir à Radio-Canada et aux coupures de programmation à la radio. Ce doit être la même chose à la télévision. On a visité les différents centres de Radio-Canada à Montréal et à Toronto. Je pense que la concentration qu'on a maintenant, alors que les grands centres sont très forts, a un impact dans plusieurs collectivités. Les régions en ont moins, et le reflet local est encore l'enfant pauvre de la programmation. Vous dites que c'est parce qu'il y a moins d'argent, mais la concentration y est aussi pour quelque chose. On a vu les salles de nouvelles.
Pensez-vous que dans la programmation, il y a plus de nouvelles nationales qui arrivent et que, finalement, la programmation régionale ou locale est de moindre importance depuis quatre ou cinq ans?
M. Denis Desgagné: Je comprends mal la façon dont les décisions sont prises. Je vais vous donner un exemple pour essayer de répondre à votre question.
Quand on a vécu le 11 septembre ici, en Saskatchewan, les gens étaient branchés sur la radio de Radio-Canada pour écouter les détails. Tout à coup, il y a eu comme une coupure, et une animatrice de Montréal est arrivée en ondes, sur tout le réseau. À ce moment-là, les gens ont décroché. On est entré en ondes en disant qu'on ne savait pas exactement ce qu'on faisait là, mais... C'est comme si on n'avait pas assez d'importance. Pourtant, la radio était très importante en ce moment de crise. On écoute l'animateur du matin, avec qui on a l'habitude de se réveiller, qu'on a apprivoisé, et on le coupe tout à coup. On tire le tapis et on nous fait tomber dans l'inconnu. C'est un vide extraordinaire.
À l'Assemblée communautaire, on a reçu des téléphones et des plaintes.
J'essaie d'expliquer toute l'importance de la présence de Radio-Canada, de nos médias, avec lesquels on travaille depuis 50 ans, qu'on a fait naître. Il y a quelques années, on parlait de centraliser les stations dans l'Ouest. On perdrait ainsi tout l'impact que ces gens ont chez nous, avec tous les autres services comme les activités d'enregistrement sonore, les cueillettes de fonds qui se font directement chez nous, etc.
On a toujours l'impression qu'on a cette tendance à penser de façon mathématique plutôt qu'à regarder les besoins et l'impact que ça peut avoir sur nos vies, notre identité, la façon dont on se perçoit, etc. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
 (1230)
Mme Christiane Gagnon: Vous semblez dire que quand la population est branchée sur le réseau national, cela ne la réconforte pas. Elle ne se dit pas que le réseau national est plus près de l'action. On a vu les grandes salles de nouvelles qu'il y a maintenant. On y a accès à toute l'information qui vient de l'étranger. Il y a une multi-plate-forme: la radio, la télévision et les journaux. Il y a une concentration de l'information.
Vous ne pensez pas que c'est bénéfique pour la population, qui pourrait se dire qu'elle est accrochée à ceux qui sont au coeur de l'action? Non?
M. Denis Desgagné: Je pense que c'est bénéfique dans un sens, mais je ne peux absolument pas comprendre qu'avec toute cette technologie... On n'aurait qu'à faxer un message, et nos animateurs seraient capables de donner cette information. Ces gens sont des professionnels. Il y a aussi l'Internet. Il y a tellement de moyens de transmettre l'information, et la meilleure façon de la transmettre est de le faire par l'entremise de ces gens. C'est toute la question de la proximité.
Mme Christiane Gagnon: Merci.
Le président: Monsieur Desgagné, je vous félicite. Pour une communauté de 20 000 ou de 30 000 personnes, ce que vous avez fait est extraordinaire. Le dépliant que vous nous avez présenté et votre présentation aujourd'hui sont très bien. C'est vraiment extraordinaire, ce que vous faites avec vos moyens.
J'ai de bons amis fransaskois, que vous devez bien connaître. Ce sont les Campagne.
M. Denis Desgagné: Absolument.
Le président: Ils ont dû s'exiler de la Saskatchewan pour aller trouver un plus grand marché au Québec. Paul et Michelle vivent au Québec. En fait, ils ont déplacé leurs racines à cause du marché.
Plus vous serez vibrants, plus il y aura de chances que de telles gens restent ici, en Saskatchewan. C'est notre souhait le plus cher. Mais ils reviennent souvent, n'est-ce pas?
Je voudrais vous poser une question sur quelque chose qui m'a semblé un peu paradoxal, surtout par rapport aux réponses que vous donniez il y a quelques minutes à Mme Gagnon. Vous dites dans votre conclusion:
En conclusion, la prestation et l'accès de la communauté minoritaire fransaskoise à un plus large éventail de services de radiodiffusion en français seront assurés par des mesures d'envergure nationale plutôt que régionale ou locale. |
Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un peu des deux? De quelle façon présentez-vous cela? Vous venez de dire que lors des événements du 11 septembre, c'est le réseau national qui est venu vous couper les ponts.
M. Denis Desgagné: Non. Dans cette conclusion, je parle plutôt de politique. Si on nous laisse avec nos câblodistributeurs, on doit prendre des mesures nationales pour s'assurer qu'ils aient quand même une obligation. Je ne parle pas de la programmation, mais plutôt de la politique comme telle.
Le président: Ah bon, je comprends. Il s'agit de ne pas vous laisser à vos moyens.
Merci beaucoup d'être venus. C'est très encourageant de vous voir. J'espère qu'on pourra vous donner les moyens de vous exprimer plus fortement. Merci beaucoup et au plaisir. Merci, madame.
[Traduction]
Il y a ici quelqu'un, M. Alan Taylor, qui nous a demandé de prendre la parole quelques minutes. Il n'a pas de mémoire à présenter, il ne veut faire qu'une observation ou deux.
Monsieur Taylor, nous n'avons que très peu de temps à vous consacrer. Nous devons aller déjeuner—si possible—puis nous rendre à quelques endroits. Si vous le pouvez, que ce soit court et bon. Je sais que ce sera bon, mais si ça peut être court, ce serait bien.
 (1235)
M. Allan S. Taylor (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président. Moi aussi je commence à avoir faim.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'accorder ces quelques minutes. Je ne devrais peut-être pas avouer qu'en réalité nous sommes descendus ici en raison du très bon café et simplement pour entendre ce qu'on y disait. Mais je suis membre des Friends of Canadian Broadcasting et je leur verse des dons. Ils ont envoyé une lettre et j'ai pensé que ce serait une bonne idée de vous faire quelques brèves observations.
Je m'appelle Al Taylor et je vis à Regina au 413, 17e avenue est—au cas où ça vous intéresserait. On me considère comme un militant environnementaliste, ce que je ne considère pas comme une expression péjorative; je pense que c'est la seule façon d'agir dans le monde où nous vivons.
J'espère que votre comité présentera d'excellentes recommandations et j'espère que vous serez beaucoup mieux accueillis à Ottawa que le comité qui a rédigé les modifications de la Loi sur la protection des espèces en péril, qui sera adoptée sous peu, je l'espère. J'ai écrit à mon député sur la façon dont je souhaite le voir voter. Il s'agit de M. Goodale, et j'espère qu'au moment du vote il ira à l'encontre de la ligne de son parti.
Le président: N'y comptez pas trop.
M. Alan Taylor: Je sais bien.
Je serai bref, monsieur le président.
La radio de CBC est excellente. N'y touchez pas. Faites tout ce que vous pouvez pour la soutenir. S'il n'y avait pas la radio de CBC, je pense que je ne serais probablement pas informé.
Pour ce qui est de la télévision de la CBC, je dirais qu'il faudrait lui accorder beaucoup plus d'argent et supprimer la publicité. Nous devrions pouvoir disposer d'un réseau de télévision national qui ne nous assomme pas constamment avec de la publicité qui nous agresse, où l'on nous dit de consommer sans cesse, alors que la véritable solution devrait consister pour tous à réduire la consommation.
J'ai trois brèves recommandations à faire au sujet du CRTC. D'abord, peut-être pour aider notre communauté francophone, le siège social devrait peut-être déménager en Saskatchewan. On a appris ce que l'isolement signifiait vraiment dans ce pays. Deuxièmement, je veux que le CRTC empêche la propriété croisée. Pour ce qui est de radiodiffuseurs privés, je ne peux pas vraiment faire d'observations, parce que je ne les écoute jamais; ils sont trop bruyants.
Pour ce qui est de la concentration des médias, je dirais qu'il faut y mettre fin dès maintenant et essayer d'y faire quelque chose. La démocratie doit pouvoir compter sur de très nombreuses voix, et nous en entendons de moins en moins.
Pour ce qui est de la propriété mixte des médias. Je me suis déjà prononcé. Interdisez-la. Nous avons besoin de ces voix.
La rediffusion sur Internet, je ne m'en sers que très rarement et je ne peux donc pas vraiment me prononcer là-dessus. Je m'y reporte à l'occasion quand on y présente des nouvelles qui m'intéressent vraiment.
Merci,. Je vous souhaite bonne chance dans vos délibérations et j'attends de vous de bonnes recommandations. Comme je vous le disais, j'espère que vous obtiendrez de bien meilleurs résultats que ce qui se passe maintenant dans le cas de la Loi sur la protection des espèces en péril.
Ai-je été assez bref?
Le président: C'était bien, monsieur Taylor. C'était court et bon, merci beaucoup.
La séance est levée.