HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 8 novembre 2001
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent du patrimoine canadien.
[Français]
Le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit aujourd'hui pour continuer son étude de l'état du système de radiodiffusion canadien.
[Traduction]
Nous étudions l'état du système de radiodiffusion canadien.
Aujourd'hui, nous sommes très heureux d'accueillir la ministre du Patrimoine canadien. Elle est accompagnée de deux fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien. M. Michael Wernick a déjà comparu à plusieurs reprises devant nous. Il est le sous-ministre adjoint du développement culturel. M. Marc O'Sullivan est le directeur général de la politique de la radiodiffusion et de l'innovation.
[Français]
Madame la ministre, nous sommes particulièrement heureux que vous soyez ici vu l'importance de notre étude, que vous avez d'ailleurs appuyée avec beaucoup de conviction. Nous sommes heureux que vous soyez la première personne à ouvrir nos audiences publiques.
[Traduction]
Nous sommes vraiment heureux que vous ouvriez nos audiences publiques. Comme vous le savez, il nous a fallu longtemps pour en arriver à ce jour. Cela fait près d'un an que nous avons entrepris ce travail. Nous avons été très consciencieux dans nos préparatifs et nous sommes prêts à tenir les audiences publiques. Merci d'être venue. Vous avez la parole.
L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Merci, monsieur le président. Pour commencer, je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion de lui adresser la parole. Je tiens tout particulièrement à le remercier du travail incroyable fait à l'endroit de cette mesure législative différente dans un contexte différent.
Une chose fascinante en ce qui concerne le travail à Patrimoine canadien—et quelque chose qui est particulièrement fascinant au sujet de ce comité-ci, je pense—c'est que notre travail se fonde essentiellement sur le consensus. Nous avons étudié des questions très diverses, tantôt le système des parcs nationaux du Canada, tantôt les aires de conservation et les zones marines du Canada et, maintenant, la radiodiffusion au Canada. Monsieur le président, nous comptons sur des députés qui possèdent une vaste expérience et je pense que le travail que vous entreprenez sera le plus important jamais entrepris par un comité parlementaire depuis que je suis au Parlement.
• 0910
La radiodiffusion occupe une place extraordinairement
importante dans un pays aussi diversifié et aussi vaste sur le plan
géographique que le Canada. Nous vivons dans un pays qui rassemble
des citoyens provenant de plus de 150 cultures nationales. Nous
vivons dans une société qui n'a jamais vécu une guerre civile, une
société dont les citoyens de religions différentes, de régions
différentes de milieux ethniques différents, et d'horizons
différents communiquent les uns avec les autres et, grâce à cette
communication, font du Canada un phare d'espoir dans le monde.
[Français]
La radiodiffusion est le principal moyen par lequel les Canadiennes et les Canadiens en apprennent davantage sur eux, sur leurs concitoyens et sur le monde. La radiodiffusion est le principal moyen par lequel nos enfants découvrent notre histoire, nos valeurs et notre diversité. Au cours des prochains mois, j'espère que nous garderons en tête ces réalités importantes. J'espère que nous regarderons la situation dans son ensemble.
Jetons d'abord un regard instructif sur les milieux de la radiodiffusion au Canada.
[Traduction]
Bien des choses ont changé depuis l'adoption de la Loi sur la radiodiffusion il y a 10 ans. Nous avons maintenant de nouvelles technologies numériques, de nouveaux services, la mondialisation, des fusions de médias, la convergence, Internet et le Web. Ce sont de nouveaux horizons incroyables que nous devons tracer. Alors que nous cherchons à mettre en évidence les valeurs canadiennes, nous le faisons dans un domaine où la portée du changement et le rythme des technologies sont sans précédent.
En l'espace d'à peine 10 ans, le monde a subi une transformation géopolitique. La dernière fois que le Parlement a modifié cette loi, Internet n'existait pas, le Web n'existait et on n'avait pas non plus à notre disposition 500 canaux. Il y a 10 ans, qui aurait cru que MTV serait le plus important réseau de radiodiffusion dans le monde, rejoignant 340 millions d'adolescents et de pré-adolescents chaque jour? Il y a 10 ans, qui aurait cru qu'une compagnie de téléphone paierait le salaire de Lloyd Robertson?
Vous allez examiner les mécanismes de distribution. Vous allez examiner la convergence verticale et la convergence horizontale.
[Français]
Je vous demande précisément de rester attentifs parce que le travail que vous avez à accomplir est le travail le plus important qu'un comité parlementaire ait eu à accomplir depuis mon arrivée au Parlement. La collaboration qui existe entre nous nous a permis de réaliser des progrès dans un certain nombre de domaines. Cela a été le cas dernièrement, dans le dossier des parcs marins.
Prenez, par exemple, votre rapport sur la culture, Appartenance et identité. Ce rapport a permis au premier ministre d'annoncer, en mai dernier, un nouvel investissement de 560 millions de dollars dans le domaine des arts et de la culture. La nouvelle de cet investissement s'est vite répandue, non seulement au Canada mais partout dans le monde.
[Traduction]
Et je peux vous assurer que lorsque j'ai assisté à la réunion des ministres de la culture en Suisse, plusieurs m'ont dit qu'ils avaient entendu parler de l'investissement fait par le premier ministre, et nous demandaient quelle était notre recette magique.
[Français]
Le gouvernement a pris votre travail au sérieux. Votre rapport sur les livres, Le défi du changement, a permis la création d'un programme plus dynamique d'aide à l'industrie du livre. De plus, votre rapport sur le sport Leadership, partenariat et imputabilité,
[Traduction]
communément appelé le rapport Mills, nous a permis de mettre l'accent sur une nouvelle politique du sport, et de faire un nouvel investissement dans le sport. C'était notre premier investissement depuis les dernières élections.
Vous réservez 18 mois pour faire cette étude. Cela semble long, mais l'histoire de la radiodiffusion nous apprend que c'est court. Vous devez aller au fond des choses, mais certaines questions doivent être développées encore plus rapidement.
Dans le domaine de la télévision, la disponibilité d'émissions canadiennes a augmenté tout au long des années 90, notamment avec la mise en place de nouveaux services spécialisés et payants. En 1991, 32 p. 100 de toutes les émissions en français et en anglais aux heures de grande écoute—c'est-à-dire de 19 heures à 23 heures—étaient canadiennes. En 2000, cette part avait atteint 41 p. 100. La proportion de téléspectateurs—il s'agit là d'une statistique très positive—à l'écoute d'émissions canadiennes en anglais et en français aux heures de grande écoute a également augmenté, passant de 31 p. 100 en 1991 à 40 p. 100 en 2000. Cette programmation accrue offre aux Canadiennes et aux Canadiens un plus grand choix.
• 0915
Nous comptons plus de 580 services de radio et de télévision
privés. Nous comptons sur un solide système de radiodiffusion
public. Nous offrons des services éducatifs. Nous avons la
télévision et la radio autochtones. Nous offrons des services aux
minorités de langue officielle, des services multiculturels et dans
une tierce langue, des postes communautaires et un vase éventail de
produits américains et étrangers.
Au fil des ans, nous avons élaboré des règlements pour la programmation et le contenu canadiens en ce qui concerne la radio et la télévision. Du côté de la radio, ces règles ont aidé à créer un succès extraordinaire à l'échelle nationale et internationale pour l'industrie de la musique du Canada. Du côté de la télévision, les titulaires privés de licence doivent généralement présenter un contenu global annuel canadien de 60 p. 100. Ensemble, les Canadiennes et les Canadiens sont déterminés à avoir accès à ce que le monde a de mieux à offrir, tout en protégeant les espaces pour des histoires canadiennes.
Le Fonds canadien de télévision a marqué l'arrivée d'une nouvelle ère de partenariat, et d'autres pays se tournent vers le Canada pour le leadership sur les questions en matière de radiodiffusion. Je suis très heureuse que le Réseau international sur la politique culturelle ait vu le jour ici, dans la capitale du Canada, il y a à peine trois ans. Ce réseau regroupe maintenant 45 pays du monde qui examinent des questions importantes, non seulement pour le Canada, mais pour d'autres démocraties en expansion et en développement: espace pour les voix nationales; capacité de production; équilibre dans les mécanismes de financement public et privé et des axes appropriés de réglementation. Nos efforts dans le but de négocier un mécanisme international visant à protéger la diversité culturelle viennent renforcer le fait que le Canada cherche à atteindre un équilibre grâce à des politiques de radiodiffusion.
J'espère que vous garderez à l'esprit tout au long de votre travail que des pays qui ne prennent pas de règlements pour protéger l'espace pour leurs propres histoires constateront que leurs réseaux de radiodiffusion sont dominés exclusivement par le contenu étranger. Par exemple, la Nouvelle-Zélande n'a aucune exigence en matière de contenu intérieur, et seulement 24 p. 100 de la programmation télévisuelle dans ce pays est d'origine nationale. L'Autriche n'a pas d'exigence non plus en matière de contenu intérieur pour la télévision. Depuis 1991, la télévision étrangère n'a cessé d'augmenter sa part de l'auditoire en Autriche. Le gouvernement autrichien est à réviser sa politique télévisuelle afin d'y intégrer un mandat de service public plus ferme et d'instaurer un organisme de réglementation indépendant, et il s'est tourné vers le Canada pour avoir des exemples.
[Français]
J'aimerais attirer votre attention sur trois principales préoccupations auxquelles le système de radiodiffusion est confronté: comment maximiser les ressources pour en arriver à offrir une programmation canadienne de qualité accrue; comment diversifier les voix dans le système de radiodiffusion; comment assurer que la réussite de la radiodiffusion locale réponde aux besoins des collectivités.
Nous avons eu un certain nombre de réussites. Les deux industries, celle de la radio et celle de la télévision, ont injecté plus de 8 milliards de dollars dans l'industrie canadienne.
[Traduction]
C'est drôle. Les gens disent que Patrimoine canadien n'est pas un portefeuille économique, mais les industries de la radio et de la télévision ont injecté huit milliards de dollars dans l'économie canadienne.
[Français]
De plus, le Fonds canadien de télévision a aussi connu une très grande réussite.
[Traduction]
Depuis la création du Fonds canadien de télévision, il y a à peine quatre ans, ces ressources financières ont aidé dans plus de 2 000 projets représentant 10 900 heures de programmation télévisuelle canadienne dans les catégories sous-représentées d'émissions pour enfants, de documentaires et d'émissions dramatiques.
[Français]
Cela se traduit en un versement de 991 millions de dollars dans des projets dont les budgets atteignent 3,35 milliards de dollars.
[Traduction]
Pour reprendre en français, cet investissement du Fonds canadien de télévision s'est traduit par un versement de 991 millions de dollars à des projets publics et parapublics dont les budgets atteignent trois milliards de dollars.
Nous présentons des émissions canadiennes aux écrans canadiens. Cette année seulement, la SCR a reçu 60 millions de dollars de financement supplémentaire, réservés uniquement à la programmation, soit un total de 985 millions de dollars en crédits parlementaires. Environ 70 p. 100 du budget total de la SRC est réservé pour les principaux services de radio et de télévision de langue anglaise et de langue française.
• 0920
Plusieurs éléments ont contribué à la création de la
programmation canadienne: le cadre de réglementation du CRTC; les
conditions de licence; les ensembles d'avantages sociaux; les
crédits d'impôt fédéraux et provinciaux; et les incitatifs à
l'intention des annonceurs aux termes de l'article 19 de la Loi de
l'impôt sur le revenu. Au moment même où nous créons un espace pour
les histoires canadiennes, nous avons vu des productions
canadiennes acceptées partout dans le monde. Seulement dimanche
dernier, des Canadiens et Canadiennes étaient au rendez-vous du
succès mondial alors que des émissions canadiennes ont remporté 10
Emmys.
La programmation est au coeur du système de radiodiffusion, mais que pouvons-nous faire pour nous assurer d'orienter le maximum de ressources vers les radiodiffuseurs, par câble, par satellite, par producteurs indépendants et par le gouvernement, vers la création d'histoires vraiment canadiennes, et vers la programmation canadienne industrielle? Existe-t-il des mesures que nous pouvons prendre pour améliorer la viabilité économique d'histoires canadiennes de grande qualité? Existe-t-il des mesures que nous pouvons prendre pour bâtir de plus grands auditoires pour les histoires canadiennes?
[Français]
En plus de prendre des mesures pour accroître la programmation canadienne, nous avons pris les moyens nécessaires pour accroître la diversité des voix. Les citoyens sentent qu'ils ont du pouvoir lorsqu'ils entendent les voix de leur collectivité, non pas celles des collectivités à Montréal, Toronto ou Vancouver, mais bien celles de leur collectivité. Lorsqu'ils voient leur collectivité représentée à la télévision, ils ont l'impression de vraiment faire partie de ce que nous sommes. Tout ça, c'est une question d'affirmation de soi et d'intégration.
Je veux partager avec vous quelques-unes des préoccupations qui ont été au coeur de l'ensemble de ma carrière. Je m'empresse d'ajouter que je suis très fière de pouvoir vous dire que, durant mon mandat actuel, nous avons fait du progrès.
[Traduction]
À l'heure actuelle, le Canada compte 14 stations de radio ethniques, deux stations de télévision ethniques et cinq services spécialisés ethniques. À mon avis, dans un pays où le tiers de la population n'a ni le français ni l'anglais pour langue maternelle, ce n'est pas suffisant. Le Canada a maintenant le réseau de télévision des peuples autochtones, le premier en son genre dans le monde. Qu'y a-t-il d'important au sujet de ce réseau? Il encourage non seulement l'interconnexion des peuples autochtones, il permet aussi à toutes les Canadiennes et à tous les Canadiens d'allumer leurs téléviseurs pour voir toute la profondeur incroyable de la culture des peuples autochtones.
Nous avons de nouveaux services pour les malvoyants et les malentendants. Nous offrons de nouveaux services pour la communauté gaie et lesbienne. Nous offrons de nouveaux services pour les minorités de langue officielle. Nos filles commencent à voir leurs modèles de rôle dans le sport. Nous avons mis en place de nouveaux services en cantonais, en mandarin, en italien et en grec, et un éventail de services pour les diverses collectivités de l'Asie du Sud. Parmi les 262 nouveaux canaux spécialisés numériques, 42 offriront une programmation dans des langues autres que l'anglais ou le français. En juillet, le CRTC a lancé 19 autres services non canadiens en vue de leur distribution numérique.
Mais malgré nos succès, nous devons faire encore plus. Nous avons tous ressenti la frustration réelle de la communauté noire de Toronto lorsqu'une fréquence MF a été réservée non pas pour leurs voix, mais pour celles de la SRC. Vous vous rappelez peut-être également qu'une demande pour un service multiculturel présenté l'année dernière à Vancouver a été rejetée une fois de plus par le CRTC, en faveur du service conventionnel.
Nous devons faire encore plus pour nous assurer que toutes les collectivités, en particulier les minorités visibles, aient un sentiment d'inclusion. C'est pour cela que je suis fière d'être celle qui a recommandé la première minorité visible à siéger au CRTC. C'est important non seulement nous nous reflétions nous-mêmes dans nos écrans de télévision, mais aussi que les décideurs et les coulisses du pouvoir reflètent l'équilibre de ce que nous sommes en tant que pays.
Mais nous devons aller au-delà de l'aspect multiculturel pour rejoindre l'aspect interculturel, tout particulièrement suite aux événements du 11 septembre. Nous avons besoin de services de radiodiffusion qui érigent des ponts, et non pas des murs—des ponts entre les cultures, des ponts entre les religions, des ponts entre les collectivités, et des ponts entre les régions. Nous devons explorer la riche diversité non seulement dans nos régions, mais entre nos régions.
• 0925
Comment pouvons-nous donner un meilleur accès au système de
radiodiffusion? Comment pouvons-nous nous assurer que notre système
reflète vraiment toute la diversité de la population canadienne?
Comment pouvons-nous assurer que les services ethniques rejoignent
non seulement leurs collectivités, mais tous les Canadiens et
toutes les Canadiennes?
[Français]
Passons maintenant au troisième point: la radiodiffusion locale. Les collectivités canadiennes sont desservies par 522 postes de radio et 121 postes de télévision. Tout comme la programmation canadienne est primordiale pour les intérêts du pays, la programmation locale est fondamentale pour les intérêts de nos régions, de nos villes et de nos villages.
[Traduction]
Cela me préoccupe que les stations des petits marchés connaissent des difficultés, et que la programmation locale subisse des compressions. Moi dont le père est né à Haileybury et a grandi à Timmins, je peux vous dire qu'un signal venant de Sudbury n'est pas un signal venant de Timmins. Un signal qui vient de Timmins est très loin de Sault Ste. Marie, et Sault Ste. Marie est très loin de Thunder Bay. Je m'inquiète parfois que pendant que nous sommes assis dans nos bureaux d'entreprise, au Parlement du Canada, à Ottawa, Toronto, Vancouver ou Montréal, nous oublions que les voix des régions doivent être représentées.
Tout le monde dans cette salle se rappelle le choc puissant des opinions lorsque la SRC a entrepris de réduire sa programmation locale, et je suis au courant des inquiétudes qui ont été exprimées au sujet des compressions à CTV. Par conséquent, quelles mesures pouvons-nous et devons-nous prendre pour nous assurer que les radiodiffuseurs locaux prospèrent? Pouvons-nous aider le secteur privé à devenir rentable tout en offrant une programmation locale créatrice de premier plan? Avons-nous besoin de politiques différentes, de meilleures politiques ou de nouvelles politiques?
[Français]
Votre étude évaluera la validité de la loi, de la structure réglementaire et des mécanismes de soutien. Votre rapport pourra souligner le succès de certaines de nos mesures et proposer des changements à d'autres.
Je veux souligner l'importance qui doit être accordée au contenu tout au long du processus, car c'est le contenu qui, en bout de ligne, instruit nos enfants, les inspire, les touche et les aide à apprendre davantage de choses par rapport à eux-mêmes, à leurs voisins, à leur pays et au monde entier.
Je me réjouis à l'idée de suivre de près vos séances, d'apprendre ce que les Canadiens et les Canadiennes ont à dire et de recevoir vos recommandations. C'est avec grand plaisir que je vous offre toute mon aide et que je participe aujourd'hui à ce qui, j'ose l'espérer, sera un échange qui changera et entérinera la capacité du Canada de faire entendre nos voix.
[Traduction]
Il y a plus de 100 ans, par décision du Parlement, nous avons construit ce pays d'est en ouest. Contre vents et marées, nous avons bâti l'infrastructure que l'on aurait voulue qui soit créée uniquement pour des liaisons nord-sud. Aujourd'hui l'infrastructure de choix pour les Canadiens est le système de radiodiffusion. Si vous avez un mandat en tant que députés, c'est que dans le cadre de cet examen du système de radiodiffusion vous puissiez nous donner les clés qui feront en sorte qu'au XXIe siècle, les visionnaires ici au Parlement du Canada auront le même sentiment d'interconnexion qui a vraiment signalé le début de notre pays par les premiers visionnaires du Canada. Ceux d'aujourd'hui peuvent aider à bâtir ces liens, ou nous pouvons permettre aux forces inexorables de l'intégration nord-sud à éteindre nos voix.
Je ne pense pas que nous devrions éteindre ces voix. Je pense que c'est le rôle du Parlement—en particulier de ce comité-ci—de veiller à ce que les voix qui relient la Colombie-Britannique et Terre-Neuve, qui relient l'Ontario et le Québec, qui relient le nord de l'Ontario au sud de la Saskatchewan, et qui relient le nord de l'Alberta au sud de l'Île-du-Prince-Édouard sont entendues. Voilà les décisions que vous devez prendre pour indiquer où nous allons en tant que pays dans le prochain siècle.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame la ministre, de ce message inspirant.
J'aimerais rappeler aux membres, au moment de passer aux questions, que nous commençons par deux députés de l'opposition, l'Alliance canadienne et le Bloc québécois. Nous passons ensuite aux libéraux pour deux questions de cinq minutes chacune. Nous allons ensuite au NPD et à la Coalition, puis nous revenons aux libéraux pour deux rondes. Il y a ensuite une ronde libre pour tous les membres.
Je commencerai par M. Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, je vous remercie beaucoup d'être venue nous rencontrer aujourd'hui. Je sais que vous êtes très occupée, et je sais également que c'est une question qui vous tient très à coeur. Étant donné que vous occupez un poste de choix pour nous dire le rôle que vous jouerez dans cet examen, je me demande si vous me permettriez de prendre quelques instants pour faire un peu d'histoire.
En commençant par l'actualité, hier je parcourais le Hamilton Spectator, de tous les journaux. Si vous me permettez de lire cette partie d'article:
-
Entre-temps, la Commission des lieux et monuments historiques du
Canada se réunira les 19 et 20 novembre à Ottawa, et le théâtre
Tivoli
... cette question vous rappellera quelque chose...
-
sera à l'ordre du jour. Une fonction de la commission est de
déterminer si des lieux comme le Tivoli se qualifient pour obtenir
la désignation d'historiques qui, à son tour, peut ouvrir la porte
à des subventions gouvernementales pour des projets de
restauration.
-
La commission fera part de ses constatations et recommandations à
la ministre Copps du Patrimoine, mais la décision finale ne devrait
être connue au mieux qu'en février.
On dit que vous auriez dit:
-
«Nous allons quand même aller de l'avant, que nous obtenions (la
désignation) ou non. L'objectif à long terme est de restaurer le
Tivoli».
En d'autres mots, vous êtes une personne très pratique. Vous faites en sorte que les choses se fassent, peu importe quoi. Mais à part le problème... si je reviens à la question des droits d'auteur, vous vous rappellerez qu'en vertu des droits d'auteurs—notre comité va maintenant devoir essayer de faire le ménage dans ce qui a été laissé derrière suite à votre hâte inconvenante de faire adopter...
J'aimerais vous rappeler, sous le titre «Les changements à la Loi sur le droit d'auteur créent une tempête au cabinet», je vais vous lire seulement quelques lignes:
-
Michael McCabe, président de l'Association canadienne des
radiodiffuseurs, a accusé jeudi les bureaucrates arrogants du
Patrimoine de cacher à dessein au public les dimensions finales du
projet de loi et d'essayer de manipuler le Parlement. M. McCabe a
dit que des amendements de dernière minute pourraient coûter à son
industrie au moins six millions de dollars, et il a accusé la
ministre du Patrimoine, Sheila Copps, de revenir sur sa parole.
Mme Copps et ses fonctionnaires ont également été accusés de
préparer des amendements sans l'approbation préalable du cabinet.
Et j'ai dit à l'époque:
-
Les choses se sont déroulées avec un grand manque de dignité. La
ministre voulait que la mesure franchisse l'étape du comité à toute
vapeur avant le congé parlementaire et, pour y parvenir, la
ministre et son secrétaire parlementaire ont dû travailler en
collusion avec le porte-parole du Bloc québécois en matière du
patrimoine, Gaston Leroux. M. Leroux a pu obtenir de la
ministre Copps en contrepartie de l'adoption de la mesure à toute
vapeur, des conditions de protection et des avantages inhabituels
pour une poignée d'artistes québécois.
On en voit le résultat précis aux articles 30.8 et 30.9 de la Loi sur le droit d'auteur. Les radiodiffuseurs sont accablés par une double redevance dont personne ne voulait et qui leur est imposée au moment de la transmission des contenus.
Madame la ministre, je vous pose bien sincèrement la question suivante: Vu votre façon de faire dans le dossier du théâtre Tivoli et dans d'autres questions auxquelles vous êtes mêlée, et vu votre façon de faire dans le passé pour que des mesures soient adoptées à toute vapeur, je veux savoir si notre comité et le travail que nous faisons seront traités avec le respect qu'ils méritent. De plus, je veux savoir si, après un an et demi de travail, nous allons devoir nous résigner à vous voir imposer simplement votre volonté.
Mme Sheila Copps: Revenons en arrière et voyons combien parmi vous siégeaient au comité lorsque la mesure législative sur le droit d'auteur a été déposée. Vous pourriez peut-être lever la main pour que ce soit consigné pour la postérité.
La législation sur le droit d'auteur circulait dans les couloirs du Parlement depuis dix ans. Je pense que c'est en 1988 que tout a commencé, à l'époque où Lucien Bouchard était secrétaire d'État, et le dossier a passé entre les mains de plusieurs ministres. Il y avait à l'époque deux courants d'opinion. L'un représentait les artistes, qui étaient d'avis que leurs oeuvres devaient être protégées, et l'autre représentait d'autres groupes qui étaient d'avis que les oeuvres devaient continuer à être gratuites. Il y a eu un choc des idées et un choc des idéologies. L'aboutissement de tout cela a été que les amendements proposés ont en fait reçu l'appui non seulement de moi-même et de ce comité, mais aussi du cabinet et du premier ministre.
• 0935
Il y avait bel et bien deux courants d'opinion, mais ayant été
dans le camp opposé à Mike McCabe dans cette bataille particulière
et ayant eu le privilège de travailler avec lui pendant plusieurs
années—je serai de ceux qui vont fêter sa retraite ce soir et je
vais chanter une chanson et chanter son éloge—, je dois vous dire
qu'il est bon à mon avis d'avoir des divergences d'opinions au
Parlement et de les décortiquer.
Vous vous souviendrez, Jim, que dans ce dossier précis, il y avait nettement divergence d'opinions entre le Parti libéral et le Parti réformiste de l'époque. Le Parti réformiste était d'avis que les artistes, les interprètes et les producteurs n'avaient pas à être rétribués lorsque leurs oeuvres passaient à la radio, et les libéraux étaient d'avis qu'ils devaient l'être. Grâce à cette décision du Parlement du Canada, tout un groupe d'artistes touchent aujourd'hui une rétribution pour des oeuvres qui autrefois passaient gratuitement à la radio.
C'est un peu, si je puis dire, l'opposé du raisonnement auquel certains partis ont tenu mordicus dans le cas de la propriété intellectuelle. Les parlements légifèrent dans ce domaine pour dire que lorsque l'on crée un produit pharmaceutique, par exemple, ce produit sera protégé par la loi pendant tant d'années. On peut dire que c'est la protection de la propriété intellectuelle des artistes que nous cherchions. Vous l'appelez le droit d'auteur, mais il y a une autre désignation et il y a une autre série de mesures législatives. N'empêche que c'est une différence légitime sur le plan stratégique.
Au fait, Jim, si l'on examine ce qui s'est passé dans le dossier du droit d'auteur, on remarque qu'il y a eu, sauf erreur, 89 lobbyistes qui ont déclaré s'intéresser à cette mesure législative. Aucune autre mesure législative dans toute l'histoire du Canada n'a attiré autant de lobbyistes. La chose à noter, c'est que nous avons réussi à faire aboutir ce dossier. Au fait, ce fut la dernière mesure législative à être adoptée avant la dissolution du Parlement en 1997, et je pense donc qu'elle a fait l'objet d'un débat exhaustif. Personne ne l'a fait adopter à toute vapeur. Il y avait une divergence d'opinions bien compréhensible qui oppose parfois les partis politiques.
M. Jim Abbott: Je ne veux pas en faire tout un plat, madame la ministre, mais vous avez mal décrit ma position ainsi que celle du Parti réformiste et de l'Alliance canadienne...
Mme Sheila Copps: Oh, désolée.
M. Jim Abbott: ... mais j'aimerais quand même revenir au sujet.
Vous avez dit que nous tenons à notre comité à travailler surtout par consensus. C'est vrai qu'il y a de la bonne volonté dans notre comité. Malheureusement, la mémoire collective du comité se résume à ce que le président et moi-même savons à propos du projet de loi C-32. Le fait à retenir, c'est que le ministère y a proposé 70 amendements. Ce fut le chaos total lorsque ces 70 amendements sont arrivés à la toute fin du processus. Certains de ces amendements tenaient compte de l'excellent travail que le comité avait réussi à accomplir dans un esprit de collaboration.
Je n'avais pas pensé qu'un tel esprit de collaboration aurait pu régner au sein de notre comité. J'espère bien retrouver une telle collaboration parmi tous mes présents collègues du comité. Toutefois, ce qui m'inquiète, c'est la façon de faire qui vous a toujours caractérisée dans ce portefeuille. Il y avait ce consensus au sein du comité et ce dernier fonctionnait très bien, nous stimulions le travail de vos collaborateurs ainsi que des fonctionnaires du ministère de l'Industrie grâce au travail très constructif que nous poursuivions de façon non partisane, mais à la toute fin, vous avez décidé de mettre un terme aux travaux le 14 décembre. C'était à prendre ou à laisser, un point c'est tout. Voilà comment je vois votre façon de procéder.
C'est ce qui m'inquiète, ayant vu comment vous dirigez le ministère du Patrimoine. Nous entamons ces travaux, ceux-ci seront longs et complexes, et, nous l'espérons, il se développera un consensus parmi nous au fur et à mesure, mais je crains que vous- même et l'idéologie qui peut être la vôtre l'emporteront simplement sur tout ce que nous aurons fait.
Mme Sheila Copps: À propos d'idéologie, je rappelle que chaque fois qu'un projet de loi a été renvoyé à votre comité, nous avons eu de nombreux amendements. Votre parti est toujours prompt à dire que les mesures ne doivent pas être adoptées à toute vapeur, et ce n'est pas ce que nous faisons. Par exemple, la loi sur le transport maritime qui a été déposée au Parlement hier à l'étape du rapport comportait 28 amendements. Ces amendements sont issus du travail du comité qui a permis de déceler des lacunes et de les corriger.
Dans le cas de la Loi sur le droit d'auteur, vous vous en souviendrez, si nous avons voulu faire avancer les choses, c'est parce que nous craignions qu'après dix ans de travail sur le sujet, la mesure ne se retrouve encore sur une tablette à cause des élections qui s'en venaient. C'était le dernier projet de loi, et il y avait environ 80... Je vous dis bien que ça faisait dix ans que l'on en débattait. Parlez-en aux gens du milieu, et vous verrez qu'il y avait des divergences d'opinions bien compréhensibles entre certaines personnes à propos des auteurs qui avaient le droit d'être rétribués pour leurs oeuvres. Il y avait une divergence d'opinions légitime entre les artistes et les radiodiffuseurs. J'étais pour les artistes, et d'autres étaient pour les radiodiffuseurs. Ce sont les choix de ce genre qui nous définissent en politique, mais il ne faut pas en conclure qu'il est impossible de travailler ensemble sur d'autres dossiers une fois que la décision a été prise.
• 0940
J'ai travaillé en étroite collaboration avec l'Association
canadienne des radiodiffuseurs dans de nombreux dossiers. L'un
d'eux justement est le dossier important que nous avons devant nous
aujourd'hui—pour nous ramener au sujet. Il faut examiner notamment
comment nous allons procéder pour modifier la Loi sur la
radiodiffusion en 2001 et plus tard, pour faire en sorte que la
diversité des voix qui se manifeste avec tant d'énergie depuis dix
ans n'est pas réduite et surtout n'est pas anéantie par les vagues
de la technologie et de l'intercontinentalisme qui nous assaillent.
[Français]
Le président: Madame Gagnon, la parole est à vous.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Madame la ministre, merci d'être ici aujourd'hui. Ma participation à titre de parlementaire au sein de ce comité est toute nouvelle. Je suis très enthousiaste à l'idée d'étudier la Loi sur la radiodiffusion. Je sais que c'est une loi qui est complexe.
Comme nouvelle venue, j'ai trouvé le fait que vous aviez fait deux annonces la semaine dernière quelque peu bousculant. Il s'agit peut-être d'annonces qui étaient souhaitables, mais nous étions en train d'étudier la Loi sur la radiodiffusion et d'écouter l'exposé présenté par l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Vous avez donné votre aval quant aux frais qui étaient disproportionnés entre les télécommunications et les radiodiffuseurs. Vous avez aussi donné votre aval au sujet du droit d'auteur et de l'impact de l'avènement de l'Internet. Avez-vous d'autres bonnes nouvelles à nous annoncer, d'autres informations comme celles-là à nous communiquer ce matin?
À titre de membre de ce comité, j'aimerais bien que vous répondiez à cette question, car j'ai appris qu'un autre comité avait été mis sur pied, à Montréal, pour étudier la loi sur le patrimoine. Il paraît que vos fonctionnaires étudient cette loi avec certains organismes de Montréal. Je ne sais pas si mes sources sont bonnes, mais j'aimerais savoir si vous avez l'intention de modifier la loi sur le patrimoine sans même consulter le comité. Y a-t-il quelque chose dans leur mandat qui aura un impact sur certaines dispositions de la Loi sur la radiodiffusion? C'est un renseignement que j'aimerais connaître.
L'étude du rôle du CRTC est l'un des mandats qui nous seront confiés. Comment voyez-vous le rôle du CRTC par rapport à l'octroi de certaines licences, à la formulation de règlements et, surtout, à l'application de certains principes à la programmation? Pensez-vous qu'il devrait y avoir une autre instance où discuter de la qualité de la programmation?
Vous êtes très sensible à la diversité des voix, mais on sait très bien que dans cette diversité des voix, la réalité locale... Cela va probablement nous être dit au cours des prochaines audiences. Je suis certaine que plusieurs vont venir nous dire que, parce qu'on achète des émissions faites dans les grands réseaux, il y a de moins en moins de réalités locales à la radio. Je sais qu'il y a de moins en moins de ressources qui sont consacrées aux domaines de la radio et de la télévision pour assurer ce suivi. Il y a moins de journalistes sur le terrain. Ce sont toutes des conséquences du peu de soutien qui est donné à la réalité locale. Il ne faut pas seulement en faire un objectif; il faut aussi y mettre les ressources nécessaires afin que les différents postes régionaux puissent atteindre l'objectif que vous poursuivez.
J'ai une autre question à vous poser par rapport à une des diversités des voix. Vous dites que vous êtes très sensible à la question des sous-titres codés pour malentendants. Notre porte-parole, Caroline St-Hilaire, qui était ici, à la Culture, a déposé un projet de loi parce qu'elle voulait qu'il y ait une plus grande utilisation des codes pour les malentendants. Ce genre de sous-titres est disponible pour les émissions anglaises de télévision de Radio-Canada, mais ce n'est pas le cas des émissions françaises, où le pourcentage est de 40 p. 100 seulement. Comment pourrions-nous appuyer ce projet de loi qui a été déposé en Chambre par le Bloc québécois et faire en sorte que le gouvernement y donne son appui, puisqu'il s'agit d'un objectif auquel vous tenez?
• 0945
Ce sont mes principales questions pour le moment.
Le président: Madame la ministre, la parole est à vous.
Mme Sheila Copps: D'abord, l'article 131 relève de la Loi sur le droit d'auteur. Ça ne relève pas de la loi que nous étudions présentement. C'est vrai que le ministère du Patrimoine canadien comprend des domaines très divers. Même ma maman ne sait pas ce que nous faisons. Elle me demande si je fais autre chose que donner des chèques.
Si la possibilité nous est donnée de faire des études plus approfondies sur d'autres sujets, j'aimerais bien que nous le fassions. Il y a un tas de sujets que nous pourrions étudier.
Vous avez parlé plus tôt de patrimoine. Nous travaillons depuis trois ans déjà à identifier des moyens de conserver le patrimoine que nous avons reçu. Cela fait aussi partie de notre mandat. Dans le dernier budget et dans le discours du Trône, il a été question d'établir un crédit d'impôt qui aiderait les particuliers à conserver en bon état leur maison patrimoniale. Ceci s'ajouterait à ce qui se fait actuellement par le fonds national pour les sites et monuments historiques. Il y a, par exemple, plus de 900 sites nationaux. Seulement 100 de ces sites sont sous la responsabilité du gouvernement. Les autres sites cherchent à subsister, mais cela coûte très cher.
Il y a trois ans déjà que nous travaillons à l'établissement de ce crédit d'impôt pour les particuliers. Ce travail se poursuit. J'aimerais bien que le comité soit saisi de cette question, mais il ne peut se pencher que sur une ou deux questions.
Quand j'étais députée du l'opposition, il y avait 26 comités du Parlement. Nous étions 40. Nous faisions le tour de tous les comités et, en bout de ligne, c'était très difficile pour nous de faire avancer un dossier parce que nous devions tous siéger à six ou sept comités. Comme nous comptons maintenant cinq partis au total, on a moins de comités. Nous ne pouvons pas tout faire. J'aimerais bien qu'il y ait plus de sujets à l'étude.
Il ne faut pas attendre que le patrimoine accumulé disparaisse. Depuis 1960, nous avons perdu, au Canada, 21 p. 100 de notre patrimoine. Si le gouvernement du Canada ne se dote pas d'une politique par rapport au patrimoine, qui s'occupera de conserver notre patrimoine? Ce sont toutefois des choses à part.
Par rapport aux annonces que nous avons faites quant à l'article 131, je tiens à préciser qu'il s'agit d'une révision qui remonte déjà à un certain temps. Nous essayons tout autant de freiner les possibilités de piratage de signaux qu'il pourrait y avoir à la télévision, sur Internet et à la radio. Si nous devions attendre que tout le travail se fasse, cela prendrait 18 mois. Nous devrions ensuite passer à l'étape de la législation. Entre-temps, des pirates pourraient se manifester. Nous voulons enrayer cette possibilité rapidement. Mais cela ne vous empêche pas de faire des propositions qui pourraient s'appliquer à plus long terme.
Quant au dossier des sous-titres, je suis entièrement d'accord avec vous quand vous dites que Caroline a accompli beaucoup de travail dans ce dossier. Si vous jugez qu'il serait intéressant d'ancrer cela dans la Loi sur la radiodiffusion, nous pourrions le faire. Il n'y a pas de problème à faire cela.
Les thèmes et les sujets sont tellement complexes que si nous ne prenons pas le temps de faire le travail au sein du comité... Je préfère que le travail se fasse par le comité plutôt que par un blue panel formé de gens qui ont un intérêt commercial dans la question sans avoir nécessairement à coeur l'intérêt de tous les Canadiens et Canadiennes. C'est pour cela que le travail que vous allez faire servira de base à ce que nous allons faire dans le domaine de la radiodiffusion.
Le travail se poursuit tout de même dans les autres dossiers. Par exemple, nous travaillons actuellement sur le réseau des parcs nationaux. Nous voulons tenir la promesse que nous avions faite dans le Livre rouge d'en finir avec la question du système des parcs. Nous ne pouvons pas arrêter tout le travail qui doit être fait tout simplement parce que le comité a trop de travail à accomplir. C'est cela, notre travail.
[Traduction]
Le président: Je cède la parole à M. Bonwick, suivi de M. Mills.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Merci, madame la ministre, pour un excellent exposé qui jette les bases de la tâche considérable qui nous attend à ce comité. Certains des points que vous avez soulevés m'ont plu énormément et je tiens à dire publiquement ce que j'en pense.
• 0950
Je fais partie de ce comité depuis quatre ans. Je tiens à
souligner que sous la direction du président, ce comité est sans
doute le plus efficace et le plus harmonieux de tous les comités
auxquels j'ai siégé ou que j'ai vus au cours des quatre dernières
années au Parlement, abstraction faite de deux ou trois personnes.
Une voix: Oh, oh.
M. Paul Bonwick: Nous avons été pas mal libres pour explorer des possibilités et explorer des idées avec des témoins venus des quatre coins du pays. Nous avons pu convoquer des fonctionnaires à notre gré pour explorer la mise en oeuvre des politiques. Nous avons toujours pu compter sur la présence ministérielle chaque fois que nous le souhaitions. Étant donné tout le travail qui nous attend, c'est malheureux qu'il s'en trouve pour faire des discours pour la galerie et des insultes.
Nous discutions M. McNally et moi en venant ici à bord de l'autobus, disant qu'il faudra au sein du comité une approche la moins partisane possible. Lancer les travaux du comité sur un tel ton... c'est décourageant. Cela ne m'étonne pas, mais c'est décourageant.
Quant à votre exposé, madame la ministre, votre exemple du chemin de fer et des liens et infrastructures qui nous unissaient hier et qui nous unissent aujourd'hui m'a plu énormément. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Dans votre allocution, vous avez parlé de trois grands défis—et encore là, vous avez raison—ce sont la programmation canadienne, la diversité des voix et la radiodiffusion locale. Nous reconnaissons tous qu'un bon nombre des principaux protagonistes du système de radiodiffusion sont du secteur privé. J'aimerais porter à votre attention un quatrième défi qui, selon moi, devrait être ajouté aux autres, et c'est celui de la viabilité économique.
Le gouvernement ne peut pas tout faire et c'est pourquoi je dirais que le comité est tenu également d'aider à créer un climat où le secteur privé peut parvenir à être rentable. Voilà tout un défi dans un milieu de plus en plus concurrentiel. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'ajout de ce quatrième défi.
Mme Sheila Copps: Bien sûr, la notion d'un secteur privé non rentable est une antinomie. Une partie du défi que nous devrons relever consistera à aborder le système dans son ensemble... Si l'on examine le système d'autrefois, dans une certaine mesure, lorsque l'appareil de réglementation créait des possibilités pour certaines stations de télévision grâce à la licence accordée, leurs exploitants parvenaient essentiellement à satisfaire leurs besoins en contenu en vendant de la publicité, et c'était à l'époque qui a précédé la radiodiffusion directe.
L'une des choses que nous venons d'apprendre il y a deux ou trois jours, c'est que plusieurs chaînes locales sont en manque grave de publicité locale dans le nouveau monde de la radiodiffusion directe. C'est que plutôt que de s'en remettre directement à la chaîne locale, les distributeurs diffusent sur d'autres chaînes. Nous pouvons trouver des modèles qui nous permettront de corriger la situation. Aux États-Unis, la FCC autorise les stations locales à exercer un véto si un autre distributeur s'amène avec un signal comportant un certain ratio 1 à 1.
Un système de réglementation ne peut prétendre favoriser la diversité des voix s'il prive les radiodiffuseurs privés locaux des recettes de publicité qu'il leur faut pour exploiter un réseau privé. Il est bien sûr essentiel qu'ils fassent un profit. C'est ce qui me fait dire que la réglementation fait partie de l'équation.
Au XXIe siècle, les anciennes règles, même celles qui remontent à peine à 1996... Lorsque nous avons créé le Fonds canadien de télévision, nous avons joui pour la première fois de l'aide directe des radiodiffuseurs privés. Cette mesure a coïncidé avec le lancement de toute une série de nouvelles chaînes spécialisées. Étant parent moi-même, je tiens à ce que ma fille puisse se reconnaître sur de nombreuses chaînes, et pas sur une seule. L'idée était donc de se lancer dans l'univers multichaînes en créant le Fonds canadien de télévision. Celui-ci était à la disposition de Radio-Canada ainsi que des radiodiffuseurs privés pour faciliter la production indépendante afin de faire croître la programmation, et je crois qu'il a connu un succès éclatant en quatre ans. Quand on voit certains des investissements du gouvernement et le fait que ce fonds a permis de créer presque 11 000 heures de programmation, on sait qu'il y a moyen d'établir des partenariats.
• 0955
Parallèlement, au fur et à mesure que nous développons les
nouvelles chaînes spécialisées, nous savons qu'il y a une
fragmentation de plus en plus poussée des habitudes d'écoute du
téléspectateur canadien moyen. Il y a dix ans, nous étions tous
branchés à Radio-Canada, à CTV, à Global et à certaines autres
familles de télévision locale. Aujourd'hui, nous regardons HGTV,
Canal Vie, etc. Il y a fragmentation de l'audience alors que la
population demeure la même. Il y a là d'autres défis pour les
programmeurs sur le plan des choses qui se vendent.
J'ai remarqué une chose fort intéressante à l'occasion du déjeuner de retraite offert à Mike McCabe par les vedettes de l'actualité. Au début, lorsque nous avons lancé la télévision spécialisée—je m'en souviens bien, car j'étais là—, nous avons lancé environ neuf chaînes canadiennes, sauf erreur, et huit chaînes étrangères, ou un nombre dans ces eaux-là. Le rapport était de 1 à 1. À l'époque, on croyait généralement que les chaînes étrangères allaient faire sensation et que les chaînes canadiennes allaient péricliter. Nous avons vu que c'est le contraire qui s'est produit. C'est la programmation canadienne qui est le plus en demande.
Les mesures à prendre pour répondre à cette demande tout en faisant un profit et en attirant les annonceurs font partie de cet ensemble de piliers, vu surtout que la radiodiffusion directe permet de substituer un signal venant d'une autre partie du pays et qu'il n'y a en somme aucun appui direct pour le système de programmation et la publicité locaux. D'une part, nous disons aux programmeurs locaux de se présenter à la table avec des émissions locales et, d'autre part, nous créons des conditions qui les privent des recettes de la publicité. Voilà les aspects dont il faudra tenir compte. Pour avoir une télévision en santé et une diversité des voix dans les différentes régions, il faut certainement être en mesure d'apporter le soutien nécessaire par le biais des recettes de la publicité.
Le président: Monsieur Mills, vous avez la parole.
M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'ai constaté à mon grand étonnement que j'approuvais ce que disait l'Alliance canadienne ce matin lorsqu'elle décrivait la ministre comme étant une personne qui aiguillonne, qui fait bouger les choses, qui met la main à la pâte. J'aime bien les ministres de ce genre. Cela me plaît lorsque la culture politique s'agite dans un ministère. En effet, j'aimerais bien qu'il y ait davantage de ministres qui suivent l'exemple de la ministre Copps lorsqu'elle fait transparaître la culture politique dans le système.
Madame la ministre, vous avez parlé de programmation locale. Vous avez donné l'exemple de Timmins et de Sault Ste. Marie en parlant de diversité. L'année dernière, notre comité a appuyé à l'unanimité une motion selon laquelle Radio-Canada devait s'abstenir de réduire ses émissions d'actualité à l'heure du souper au niveau régional. C'est bien connu, tous les membres du comité, quelle que soit leur allégeance politique, tiennent à ce que l'on accorde à l'échelon régional toute l'importance qu'il mérite.
L'été dernier, certains d'entre nous ont accueilli un sommet sur l'eau tenu à un endroit situé à une heure et demie au nord de Toronto. L'un de nos conférenciers invités était David Schindler, que l'on a appelé dernièrement, personne ici n'est sans le savoir, l'un des plus grands scientifiques de notre pays. La personne de notre équipe chargée des relations avec les médias a distribué le bulletin, mais Radio-Canada a affirmé qu'elle ne pouvait pas envoyer d'opérateur de prise de vue parce qu'il fallait une heure et demie à partir de Toronto pour se rendre au sommet. On peut dire qu'à Toronto, nous avons tout ce que nous voulons. Promenez-vous sur la rue Danforth, n'importe quelle journée, et vous verrez une équipe de télévision à l'oeuvre quelque part. C'est toutefois à ce moment-là que j'ai pu me rendre compte de l'énormité du fait que nous refusons d'envoyer un opérateur de prise de vue pour faire un clip sur un homme de l'envergure de David Schindler parce que ça prend une heure et demie pour s'y rendre.
• 1000
Avec un exemple de la sorte à la veille de notre étude sur
l'état de la radiodiffusion au Canada et avec les coupures qu'on
nous annonce à Sault Ste. Marie et à North Bay, je me demande ce
qui nous arrive. Étant la ministre responsable de la culture au
Canada, ainsi que du patrimoine, vous êtes une personne qui aime
mettre la main à la pâte et qui est facilement accessible. Que vous
disent ces sociétés, tant publiques que privées, pour justifier une
telle situation? Quel raisonnement ou argument peuvent-elles bien
vous soumettre pour l'expliquer?
Mme Sheila Copps: Eh bien, cela fait beaucoup.
Lorsque vous entrez dans le sujet dont vous avez parlé, Dennis—c'est-à-dire que ne pourriez pas les convaincre d'envoyer une caméra de Toronto au sommet sur l'eau—je pense que ceux d'entre nous qui vivent hors de... Je me considère comme faisant partie de la catégorie des gens qui vivent hors des grandes régions urbaines métropolitaines. Même si je vis à 65 kilomètres de Toronto, je n'ai pas de réseau national dans la ma communauté.
Si vous allez au radiodiffuseur public, aucun, ou peu de reporters travaillent réellement dans la région entre Toronto et Windsor, laquelle compte tout de même six millions d'habitants. Au bout du compte, vous vous retrouvez avec une situation où les reporters ne viennent faire de reportage pour un article national que lorsqu'il y a un scandale ou une explosion. Lorsqu'il y a eu l'incendie à Hamilton, vous pouvez être sûrs qu'ils étaient là pour en parler. Ils ont montré diffusé ad nauseam la fumée qui surplombait ma communauté. Ils ne savent pas que le plus grand employeur d'Hamilton est maintenant le secteur médical, par exemple, ou que nous avons une école d'administration qui figure sur la liste des cent meilleures écoles d'administration du monde, ou que nous avons une capacité de fibre optique de un kilomètre carré autour du centre-ville, soit plus que n'importe quel autre endroit en Amérique du Nord. Pourquoi ne le savent-ils pas? Parce qu'ils ne vivent pas dans la communauté. Ils ne viennent, en fait, dans la communauté que pour les gros scoops, puis ils s'en vont.
Il y a des années, il y avait des journalistes qui vivaient dans la communauté. Avec le temps, cependant, en partie à cause des compressions budgétaires du gouvernement et en partie à cause d'une décision de créer des infrastructures dans les grands centres—c'est-à-dire Toronto, Montréal, Vancouver et Halifax—la plupart des régions ont l'impression d'être en dehors du coup. C'est donc l'un des enjeux.
L'autre enjeu, c'est que la création de ce réseau de gens dans tout le pays nécessite aussi un investissement. Pour l'instant, la SRC et les radiodiffuseurs du secteur privé ont des conflits entre eux. Il n'y a pas plus de dix ans, dans le fond, la SCRC s'occupait des gros reportages nationaux, puis il y avait la station CTV—ou CHCH dans mon cas, ou n'importe quelle autre. D'une certaine façon, si vous regardez la télévision, ils se faisaient concurrence les uns aux autres. Maintenant, nous sommes dans une situation où autant la SCRC que CTV constatent une baisse de leur auditoire parce que les gens regardent d'autres chaînes. Ce serait donc peut-être le moment idéal pour eux d'établir le genre de partenariat en télévision qui a donné lieu à la différenciation dans le monde de la radio.
Pourquoi est-ce que les gens aiment tellement la radio de la SCRC? C'est parce que quelle que soit la fréquence de votre radio, quel que soit l'endroit où vous allez, que vous soyez dans votre voiture ou non, lorsque vous tournez le bouton du poste et que vous tombez sur le poste de la SCRC, vous n'avez même pas besoin d'entendre le signal sonore pour savoir que c'est la SCRC. Il y a une interconnexion. À l'émission Cross Country Checkup, des gens expriment leurs opinions de Terre-Neuve à Vancouver. C'est là, sur les ondes radiophoniques. La radio de la SCRC s'est différenciée, elle ne passe pas de publicité et elle a vraiment trouvé son créneau unique sur le cadran de la radio.
Je pense que la télévision de la SCRC a entrepris d'aller dans le même sens, mais ils ont du mal. Ils ont du mal, du point de vue de l'investissement par le gouvernement, par exemple. Si votre budget est réduit de 25 p. 100, et qu'on vous demande tout de même autant d'activités, cela présente des défis.
J'ai appris la semaine dernière seulement que la télévision de la SCRC venait de signer une entente avec la station TQS de Québec, pour que les reporters de la SCRC travaillent dans les stations de TQS. Pour moi, c'est une innovation. C'est un moyen pour le radiodiffuseur public d'être présent dans la région sans nécessairement devoir constituer l'infrastructure intégrale. Si la SCRC et CTV pouvaient conclure un arrangement similaire dans le Nord de l'Ontario, à mon avis, tout le monde y gagnerait.
• 1005
À la façon dont je vois les choses, cependant—j'ai palé aux
communautés locales—les stations de CTV essaient de réaliser
certains objectifs budgétaires. Ils ont perdu 4 millions de dollars
au dernier exercice financier, et ils vont maintenant perdre
2 millions de dollars même avec les changements qu'ils proposent.
Ils sont dans le rouge. Et la SRC n'a pas de reporters là-bas.
Aucun. Est-ce que ce ne serait pas logique de prendre des employés
de la SRC et de les envoyer collaborer avec les stations CTV dans
le cadre d'un partenariat réel? S'ils peuvent aller dans ce sens,
cela pourrait nous aider à avancer à petit pas vers une solution de
rationalisation entre les radiodiffuseurs privés et publics, ce qui
nous permettrait d'investir fortement dans les deux secteurs.
Ce qui est arrivé, dans le passé, c'est que le radiodiffuseur public ne voulait pas que de l'argent soit investi auprès des radiodiffuseurs privés parce que c'était perçu comme de la concurrence. Cependant, le radiodiffuseur privé demande pourquoi nous continuons de payer le radiodiffuseur public parce que nous lui faisons concurrence. Mais je pense que les deux sociétés pourraient établir un lien entre elles, d'une façon qui pourrait nous aider à diffuser des reportages de partout au pays.
M. Dennis Mills: Je vous remercie.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup d'être venue nous voir. Je suis encouragée par le fait que vous parlez beaucoup de programmations locale et communautaire. La Direction de la recherche parlementaire a fait d'excellentes recherches, qui démontrent clairement que les éléments publics et communautaires ont la plus forte identité canadienne. Ils produisent le contenu le plus canadien. Vous n'avez qu'à allumer votre télévision pour le constater.
La SRC est nettement le producteur le plus efficace de programmes canadiens, puisqu'elle a dépensé 78,8 p. 100 de ses revenus sur la programmation canadienne en 2000. En 1991, ce n'était que 57 p. 100. C'est fabuleux et très encourageant. Par contraste, les réseaux privés n'ont dépensé que 27 p. 100 de leur revenu sur la programmation canadienne en 2000, en comparaison de 31,2 p. 100 en 1991. Ce sont des statistiques très intéressantes.
Ce que j'aimerais voir arriver, à ce comité, c'est que nous observions le Fonds canadien de télévision, pour voir où va cet argent et à quoi il sert en fin de compte. Pour les gens qui ont une télévision à signal analogique et qui regardent la télévision conventionnelle, que voient-ils de cet argent qui va dans le Fonds canadien de télévision? Pour l'instant, personne, ici, n'est très satisfait du genre de données que nous recevons là-dessus, parce que nous ne pensons pas que le processus permette vraiment de suivre les fonds. Nous ne pouvons pas réellement en être sûrs, alors je suis convaincue que cette étude conclura qu'il nous faut être de meilleurs gens d'affaires en ce qui concerne l'investissement des deniers publics dans la culture.
Je me dois de répéter certains commentaires qui ont été faits. Je m'inquiète aussi du contexte dans lequel nous travaillons. Vous êtes venus ici en mai, et vous avez dit que vous veilleriez, en fait, à ce qu'il n'y ait aucune grande annonce. Comme vous le savez, le CRTC, qui a l'appui du Cabinet, a approuvé le renouvellement pour sept ans de la licence de CanWest Global et de Belle Globalmedia, reconnaissant ainsi officiellement la propriété multimédia et les services unis de reportage.
De plus, le CRTC a commencé à permettre aux compagnies de câblodistribution d'acheter des licences de stations. Bien que nous ne les croyions pas toujours, les médias ont aussi dit que le Fonds canadien de télévision sera renouvelé et que la grille de tarification des licences du CRTC sera modifiée. Nous avons besoin de savoir quels autres changements fondamentaux vont avoir lieu dans le contexte de la télédiffusion d'ici à 18 mois, parce que cela sape réellement non seulement nos travaux, mais aussi notre crédibilité.
Je vous laisse répondre.
Mme Sheila Copps: Tout d'abord, le contexte de la télédiffusion évolue, sans égard au rôle du Parlement et du gouvernement. Il n'est pas possible pour le Parlement et le gouvernement de fermer le robinet en ce qui concerne les changements des émissions. Les changements sont largement motivés par la technologie qui nous fait réellement entrer dans une nouvelle ère industrielle. Nous vivons actuellement, et depuis une dizaine d'années, une incroyable révolution de l'information et de l'expérience
[Français]
qui dépasse nos frontières,
[Traduction]
qui dépasse même le Canada. Je ne pense pas qu'il soit possible de suggérer que nous figions en quelque sorte tout dans le temps tandis que les technologies progressent et que nous pouvons traiter du simple enjeu que présente la télévision spécialisée, ce qui n'était même pas techniquement possible il y a à peine une dizaine d'années.
• 1010
Ce sont là les enjeux. Nous ne les créons pas, mais nous
devons continuer de travailler dans le cadre de la loi en vigueur
jusqu'à ce que nous l'ayons modifiée. Nous devons la modifier de
façon réfléchie, tout en tenant compte d'un grand nombre de ces
enjeux différents.
Bien entendu, il ne s'agit pas uniquement de propriété multimédia. L'enjeu est aussi celui des compagnies de câblodistribution face aux compagnies de téléphone. On peut bien dire que les câblodistributeurs ne devraient pas pouvoir accéder à ce genre de propriété. D'un côté, nous savons que les compagnies de téléphone le font actuellement, alors cela va-t-il? Il y a des enjeux très complexes, dont nous devons discuter sur une tribune publique.
Je ne pense pas que ce soit un secret que l'une de mes raisons de vouloir que cette question soit présentée au Parlement, c'est qu'un tas d'autres personnes souhaitaient qu'elle soit examinée par un groupe sélect. Je soutiens avec énergie que la tâche du Parlement est d'entendre toutes les opinions. Ce n'est pas la tâche d'une compagnie qui a ses propres intérêts, lesquels ne sont pas toujours parfaitement compatibles avec l'intérêt public. Ce n'est pas la tâche d'une compagnie de réunir un groupe sélect hors du processus politique, alors j'ai amené la question devant vous parce que j'ai confiance que les parlementaires nous donneront la bonne recette.
Lorsqu'il s'agit de télévision et de qui dépense combien sur quoi, je pense qu'il faut faire attention et cerner la distinction qu'il y a entre le contenu, la programmation et les reportages canadiens. Il est certainement très clair que 78,8 p. 100 des fonds de la SRC sont consacrés à la programmation canadienne, mais je peux vous dire que j'ai eu des rencontres, il y a à peine quelques jours, avec la Writer's Guild of Canada et d'autres groupes culturels, et ils ont dit, en résumé, que la SRC anglaise présente très peu d'émissions dramatiques.
Les émissions dramatiques que réalise la SRC actuellement dépendent de l'obtention d'argent du Fonds canadien de télévision, et ce n'était pas une condition originale liée à la licence. Vous devez faire une distinction avec ce qui est appelé la télévision fondée sur les faits—ce qui est très important; dans la période qui a suivi les événements du 11 septembre, les gens écoutaient la télévision publique nationale pour obtenir des précisions de ce que j'appelle des émissions fondées sur les faits—mais il est aussi important de regarder d'autres types d'émissions.
Lorsque nous avons créé le Fonds canadien de télévision, nous avons dit que si on regarde les émissions dramatiques, les émissions pour enfants et les documentaires, elles coûtent beaucoup d'argent et ne sont pas nécessairement choisies parce qu'elles ne rapportent pas toujours des profits. Il est beaucoup moins coûteux de faire venir une comédie de situation où une émission dramatique de Hollywood que de produire une émission dramatique au Canada. Le Fonds canadien de télévision a été structuré pour cibler ces catégories sous-représentées, et non pas simplement pour créer une programmation fondée sur les faits.
Si vous regardez les statistiques, je pense que vous devez en regarder celles qui concernent les émissions fondées sur les faits. Vous devez aussi envisager la capacité d'établir des partenariats. Je sais que lorsque nous avons créé le FCT, seulement 25 millions de dollars du budget de la SRC ont vraiment été investis dans la production d'émissions télévisées en anglais. Ils ont eu très peu de production indépendante, mais avec le FCT, nous avons eu une explosion de partenariats qui ont aussi présenté des avantages pour la SRC.
Pour que la SRC soit le radiodiffuseur public vers lequel la population se tourne au XXIe siècle, elle doit aussi apprendre à travailler en partenariat. Si nous entrons dans le sujet qui, je pense, a caractérisé les débats dans le passé, c'est-à-dire le secteur privé contre la SRC, nous allons tous y perdre, parce que les sociétés privées et la SRC se battront tandis qu'en fait, nous perdrons notre système aux mains de sociétés étrangères qui n'ont aucun intérêt pour le contenu des émissions du secteur privé, ni du secteur public. Je dis cela en raison de toutes les statistiques qui sont publiées. Les statistiques diffusent une image de la SRC en lutte contre les compagnies du secteur privé.
De mon point de vue, je pense que ce sera un grand défi à relever que de maintenir le niveau du journalisme fondé sur les faits, de maintenir le niveau de contenu canadien dans les reportages et d'appuyer la programmation générique canadienne. Il n'y a rien de mal à ce que les reportages canadiens puissent remporter des prix Emmy. Pourquoi est-ce bon? C'est bon parce que si vous pensez à l'évolution de ce que nous appelions auparavant la production industrielle au Canada, c'est elle qui a constitué le tremplin du contenu canadien. Dans le passé, nous étions mis dans une situation telle que si on appuyait la SRC, on ne pouvait pas appuyer les sociétés privées; quand on appuyait le contenu canadien, on ne pouvait appuyer la production industrielle; si on appuyait la production industrielle, on était anticanadien. Il semble que nous avons un système qui a différents appuis, mais qu'il crée le tremplin d'où on peut prendre notre élan. C'est probablement une mauvaise analogie de ma part mais...
Des voix: Oh, oh!
Une voix: On ne vous le fait pas dire.
Mme Wendy Lill: Est-ce que je peux poser une autre question?
Il semble que chaque fois que vous comparaissez devant ce comité, je vous interroge sur la culture et le commerce. Je dois dire que j'appuie vigoureusement l'idée d'un instrument culturel distinct, sous l'égide des Nations Unies. J'aimerais savoir si ce nouvel instrument a de la poigne, et m'assurer que la culture, telle que nous la connaissons, n'est pas complètement laissée de côté dans les autres accords commerciaux.
Par exemple, le gouvernement est-il disposé à modifier les modalités actuelles de l'ALENA pour qu'il n'y ait pas d'autres fiascos comme celui des magazines? Qu'est-ce que le Canada propose de faire des définitions des télécommunications et de la télédiffusion dans l'OMC et le GATT, de manière à ce qu'un instrument culturel distinct puisse protéger la culture à une époque où la technologie informatique et télévisée est en fusion, comme vous le savez? Je ne vois pas la culture comme quelque chose d'isolé sur une île. Nous savons que les télécommunications existent. C'est un service et un bien que nos voisins américains voudraient certainement voir sur la table de négociation. J'aimerais donc avoir quelque assurance sur ce plan.
Mme Sheila Copps: À ce propos, nous avons en fait deux défis. L'un est d'appuyer notre droit légitime de protéger notre culture. L'une des répercussions positives de la guerre des magazines est que le gouvernement des États-Unis a signé un traité international l'obligeant à respecter notre droit de protéger notre culture. C'était la première fois que cela arrivait dans le monde moderne, et c'était assez important.
Nous avons eu des discussions, à maintes reprises, au sujet du préambule à la déclaration de Doha. Je dois vous dire que nous avons été convaincus par les arguments des français, qui ont une longue expérience dans le domaine avec leurs propres mécanismes de protection de l'audiovisuel. Cela ne va pas plus loin, pour atteindre d'autres industries culturelles dans lesquelles nous avons été engagés, parce qu'ils ont la protection de la langue, laquelle nous n'avons pas pour la langue anglaise. Mais nous avons été convaincus par leur argument que si vous mettez un préambule à la Déclaration de Doha, on s'arrange pour devoir le modifier. Ce qui nous préoccupait, c'était l'intention. L'intention était de nous assurer que nous n'imposions pas de nouvelles limites ou obligations culturelles dans les discussions de l'OMC à Doha. Nous avons pu, par inadvertance, nous mettre dans cette situation, cependant, si l'engagement de Doha comporte une déclaration. Nous avons, en fait, pris position en tant que Cabinet, en disant que nous ne prendrions pas de nouveaux engagements, dans la Déclaration, pouvant se répercuter sur les radiodiffusions ou les cultures, y compris relativement à des changements aux compagnies de téléphone.
L'autre défi qui se pose—et je sais que vous êtes d'accord, parce que vous avez assisté aux rencontres internationales—c'est que bon nombre de pays en développement qui espèrent obtenir la citoyenneté et une pleine participation aux organisations internationales de commerce comme l'OMC sont, d'une certaine façon, tenus, comme prix de leur admission, de renoncer à leur capacité de concevoir ces instruments dont nous disposons déjà. D'un côté, nous avons nos instruments et nous voulons les conserver. De l'autre, tout un tas de pays qui se joignent au club de l'OMC sont tenus, en guise de prix d'admission, de renoncer à eux.
C'est pourquoi les travaux du comité de radiodiffusion du Réseau international pour la diversité culturelle sont très importants. Le Brésil a accepté d'assumer la direction d'une étude de la radiodiffusion ou d'une requête de radiodiffusion dans le Réseau international pour la diversité culturelle. Cette étude sera le fondement d'une politique pour les pays en développement visant à assurer qu'il n'ait pas à renoncer à la protection nationale de leur culture.
Les Mexicains, qui n'ont absolument aucun système indigène, sont venus au Canada et nous ont demandé de les aider à formuler leur nouvelle politique culturelle, et ils se fondent sur l'exemple de notre système de radiodiffusion. La Colombie a demandé au Canada de lui envoyer des experts chargés de déterminer si nous pouvons les aider à créer leur système de télévision.
Alors, tandis que nous essayons de préserver la vigueur de notre système d'un côté, il y a beaucoup de ces enjeux internationaux de l'autre. Il ne fait aucun doute que, tandis que nous conservons le droit de ne pas prendre de nouveaux engagements nous-mêmes dans le cadre de l'OMC, ce n'est pas à nous de dire aux autres pays quoi faire. Ils doivent prendre leur décision d'eux-mêmes. C'est pourquoi nous espérons faire signer le nouvel accord sur la culture par une douzaine de pays lors de la rencontre qui doit avoir lieu en Afrique du Sud l'année prochaine. C'est dans le but de lancer un processus qui dira qu'il y a moyen de protéger et de promouvoir les cultures en dehors de l'OMC, qui ne sont pas incompatibles avec notre foi dans la citoyenneté mondiale.
• 1020
Certainement, le Canada est un bon exemple de la manière dont
nous avons protégé la culture. Nous avons protégé la diversité des
langues dans la loi. En même temps, nous sommes probablement l'un
des pays les plus ouverts du monde. Il existe donc un bon modèle.
Le président: Monsieur McNally.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, PC/RD): Merci, monsieur le président.
J'essaierai d'être bref, parce que j'ai plusieurs questions à poser. Peut-être pouvons-nous en quelque sorte échanger nos observations.
Je tiens à vous remercier d'être ici, madame la ministre. J'aimerais aussi commencer par une observation. Vous avez dit ne pas vouloir recourir à un groupe sélect pour étudier cette question. Nous vous félicitons du fait que la question a été présentée ici, devant le comité. Je me demande si vous pourriez envoyer un message à votre bon à rien d'ancien collègue, et à votre collègue actuel, M. Boudria, parce que ce serait une bonne approche pour la Loi sur l'accès à l'information. Nous avons dû créer un comité parlementaire spécial de tous les membres, parce qu'il y avait ce modèle de règlement en catimini, plutôt que le modèle ouvert que vous appliquez.
Je crois que vous avez parlé de la Nouvelle-Zélande. Vous avez dit que l'industrie de la Nouvelle-Zélande n'a pas beaucoup de règlement, ou très peu, et que 24 p. 100 de leur programmation est d'origine nationale. Quels sont les chiffres pour ici, au Canada? Certains diraient que nous avons beaucoup de règlements, et d'autres que nous n'en avons pas assez, mais comment se comparent les chiffres? Quel est notre total, comparativement à la Nouvelle-Zélande?
Mme Sheila Copps: Je pense que notre total est environ le double du leur.
M. Grant McNally: C'est donc 40 p. 100, ou quelque chose comme ça?
Mme Sheila Copps: Mais alors, vous entrez dans le sujet dont je parlais avec Wendy. Il y a la programmation, les émissions dramatiques fondées sur les faits, ce que j'appellerais la programmation de l'imaginaire, et la programmation industrielle. Il faudrait les distinguer pour connaître les chiffres réels.
M. Grant McNally: Alors, vous pensez que la politique réglementaire que nous avons au CRTC tient compte de cette différence de contenu ici, au Canada, par opposition à d'autres pays qui ont moins de règlements?
Mme Sheila Copps: C'est une combinaison. C'est pourquoi j'ai parlé de certains instruments qui existent, dont la Loi de l'impôt sur le revenu, le financement du Fonds de production d'émissions de télévision, le cadre de réglementation et le radiodiffuseur public. La combinaison du règlement, du soutien financier et des incitatifs financiers crée, en fait, les synergies.
M. Grant McNally: Vous avez parlé de l'intégration nord-sud qui fait que nos voix sont étouffées, ou quelque chose du genre. Quels facteurs probants vous amènent-ils à le croire? Vous avez aussi dit que nous avons gagné dix prix Emmy aux États-Unis, alors, de toute évidence, la programmation canadienne qui participe à la concurrence sur le marché américain se débrouille très bien. Ces deux commentaires semblent un peu contradictoires.
Mme Sheila Copps: Je pense que vous devez voir ceci de la perspective, disons, de l'émission Royal Canadian Air Farce par opposition à The X-Files. C'est une façon de simplifier les choses. L'émission Royal Canadian Air Farce ne gagnera pas d'Emmy, parce que la plupart des gens ne savent même pas qui est Luba Goy—et c'est aux États-Unis, bien sûr.
The X-Files est en fait un produit industriel qui a été filmé au Canada pendant cinq ans parce que nous avions le climat approprié, le personnel approprié, la bonne combinaison d'éléments, et en plus, Vancouver est dans le même fuseau horaire que Los Angeles. Quels sont les effets de The X-Files lorsque l'émission est filmée au Canada? Ou je pourrais parler plutôt de Lassie.
[Français]
Je pense que l'émission Lassie a été tournée à Montréal et à Saint-Jean-sur-Richelieu.
[Traduction]
L'émission Lassie a été filmée au Québec, récemment, d'accord? Lassie n'a évidemment pas de contenu canadien, mais l'émission a créé des emplois au Canada.
Ce que j'essaie de dire... lorsque je suis arrivée à cet emploi, j'ai été frappée de constater que nous étions probablement le seul groupe industriel qui passe le plus clair de son temps à se décocher des flèches. Si vous prenez l'exemple du champ de pétrole, des différences d'opinions peuvent exister entre divers responsables du champ de pétrole, mais lorsqu'ils viennent devant le gouvernement, ils s'arrangent pour s'exprimer collectivement d'une seule voix.
Il nous faut souligner les avantages que présentent les emplois créés par des productions industrielles. En même temps, nous devons reconnaître et nous assurer que les émissions comme Royal Canadian Air Farce ou This Hour Has 22 Minutes—qui sont mes préférées, en tant que mordue de la politique...
M. Grant McNally: Je pense que nous y sommes tous apparus une ou deux fois, plus même, dans votre cas, peut-être.
Mme Sheila Copps: Ces histoires sont des histoires qui ne peuvent être présentées qu'avec les justes doses.
M. Grant McNally: Alors, ce que vous dites, c'est qu'à votre avis, c'est ce qui arrivera, que si nous avons trop d'intégration nord-sud, nous allons perdre notre influence. Ce n'est pas nécessairement que nous pouvons nous appuyer sur certains faits et dire que c'est arrivé avec les années, et qu'au bout du compte, nous avons moins d'émissions.
J'aimerais passer à une dernière question à propos de la propriété étrangère. Qu'en pensez-vous, tandis que nous parlons de notre propre industrie et de sa capacité de pouvoir capitaliser et faire concurrence à d'autres, pied à pied? Je pense que nous sommes très bons dans de nombreux domaines, particulièrement ceux de la programmation pour enfants et des documentaires. Que pensez-vous, ou que pense le gouvernement de cette question particulière?
Mme Sheila Copps: L'un des avantages qu'a présenté jusqu'ici le système de propriété canadienne dans le monde de la radiodiffusion est qu'il a fait en sorte que lorsque des décisions sont prises relativement à l'investissement dans la radiodiffusion—qu'il s'agisse de contenu canadien ou d'investissement industriel—ce sont des décisions qui sont prises au Canada, par des Canadiens.
Je pense qu'il est important de nous assurer que les histoires que nous racontons continuent d'être diffusées sur toutes nos ondes radiophoniques. Est-il possible qu'il existe un autre moyen de nous assurer de cela pendant les 25 prochaines années? Probablement. C'est quelque chose à quoi vous devrez réfléchir longuement et en profondeur.
Je peux vous dire que si vous choisissiez la voie qui consiste à tout simplement effacer le cadre de réglementation que nous avons créé en faveur d'un système fondé sur le marché que certains soutiendraient, je peux vous garantir que d'ici à la prochaine génération, non seulement nos histoires ne seraient plus racontées, mais l'essence même de ce que nous sommes en tant que pays pourrait être en péril.
M. Grant McNally: Et c'est cela qui est important?
Mme Sheila Copps: Vous pouvez vous procurer les statistiques sur la Grèce. La Grèce est probablement l'un des plus anciens exemples vivant de démocratie, avec la ville État athénienne originale, le développement d'Hippocrate, tous les grands philosophes, etc.
M. Grant McNally: Je dirais seulement que je ne suis pas forcément contre ce que vous dites, mais pour le comité, plutôt que d'être...
Mme Sheila Copps: Anecdotique.
M. Grant McNally: ... anecdotique, ce serait très utile de vraiment examiner les autres systèmes pour voir ce qu'ont été les régimes de réglementation et quelle incidence la réglementation a eu sur les capacités de production de contenu dans un pays en particulier. Nous pouvons examiner la question d'un point de vue très objectif.
Puisqu'il règne un bon esprit au sein de ce comité, j'espère que nous pourrons faire de solides recommandations que le gouvernement pourra appliquer pour que nous ne prenions pas l'habitude de passer autant de temps à faire ceci, sans qu'il y ait de résultats concrets. Je pense que vous nous avez chargés d'une tâche importante, et je crois que nous pouvons faire du bon travail si on nous le permet.
Mme Sheila Copps: J'espère certainement que vous le ferez.
Comme je me suis entretenue à plusieurs occasions avec le ministre qui est responsable de la radiodiffusion en Grèce, Evangelos Venizelos, je sais qu'auparavant, c'était dirigé par l'État en Grèce, mais lorsqu'ils ont fait la transition vers la radiodiffusion privée, il n'y avait pas de règlements. En gros, ils ont accordé la licence au plus offrant. Par conséquent, au bout d'une courte période de radiodiffusion émanant du secteur privé, ils sont passés d'un contenu largement grec à un point où environ 97 p. 100 de ce qui se passe à l'écran ne vient pas d'eux. Si vous voulez voir les effets que cela a eus... Je ne peux pas vous dire maintenant l'incidence que cela peut avoir, mais je peux vous dire que lorsque vous examinez la question, il faut que vous compreniez bien le fait que...
C'est-à-dire, au sujet de la programmation d'émissions pour enfants, lorsque j'ai rencontré des représentants de l'Association canadienne des unions et associations culturelles—une association qui vient d'être créée, la semaine dernière seulement—, ils m'ont dit, au sujet des émissions et de l'animation pour enfants, qu'environ 70 p. 100 de ce qui est fait actuellement à Montréal pour le marché français, en France, est réalisé en anglais.
M. Grant McNally: D'accord, mais je me demande si nous pouvons...
Mme Sheila Copps: C'est ainsi parce qu'ils veulent pouvoir vendre les émissions ailleurs. Est-ce que cela accroît notre capacité de raconter nos histoires, ou est-ce que cela accroît notre capacité d'exporter des produits? Nous avons probablement besoin de faire ces deux choses, mais si vous faites l'un aux dépens de l'autre, vous vous retrouvez avec un système qui pourrait être mal équilibré, avec de belles émissions comme Lassie et The X-Files, mais les émissions qui nous tiennent à coeur ne seront pas diffusées. C'est pourquoi il nous faut un peu des deux.
Le président: Monsieur Tirabassi, puis M. Abbott.
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais aussi remercier la ministre d'être venue devant le comité, de même que M. Wernick et M. O'Sullivan.
Voilà déjà environ une heure et demie que nous parlons de radiodiffusion. C'est le sujet du jour ici. Comme je suis relativement nouveau, j'ai apprécié la discussion et je suis impatient de me lancer dans le débat approfondi sur le sujet. Il semble certainement être des plus intéressants.
La séance est télévisée, et il y a un groupe, quelque part, qui s'intéresse surtout au patrimoine. J'aimerais, par conséquent, vous demander de patienter pendant que je présente mon préambule, puis je poserai ma question. Je ne pense pas que madame la ministre sera très étonnée de ce que j'ai à dire.
Qu'il s'agisse de parcs, de lieux historiques, de monuments, d'immeubles ou de radiodiffusion, les efforts de protection du patrimoine ont été déployés avec une participation très active de la communauté depuis 10 ou 15 ans. La lutte a été très difficile, en partie en raison d'une économie en dégringolade au début des années 90, avec laquelle il a fallu composer. Il y a toujours des priorités dans notre domaine. De fait, je pense que la communauté de défense du patrimoine a été très patiente et compréhensive. Nous avons eu l'impression de retomber sur nos pieds, puis est survenue la tragédie du 11 septembre—et je le répète, je ne pense pas que quiconque à ce comité ou qui s'intéresse à la protection du patrimoine au pays ne comprenne pas que nous devons vraiment donner la priorité aux questions de sécurité et d'application de la loi, et à d'autres sujets du genre.
Pendant tout ce temps, lorsque nous sommes retombés au bas de la liste des priorités, les groupes de protection du patrimoine ont tout de même persévéré. Des gens se sont manifesté dans leurs communautés et ont réussi à faire équipe avec le secteur privé, et à lui montrer qu'il a une place dans le patrimoine. En conséquence de ce partenariat, la protection du patrimoine ne signifie plus seulement reconnaître un événement qui est survenu, dresser un monument pour commémorer ce qui est arrivé en un lieu particulier et l'appeler un parc, ou poser une plaque en espérant qu'il y aura un nombre x de gens qui mettront un dollar dans la soucoupe pour la voir. La situation a évolué au point où nous savons qu'il y a des possibilités de revenus. Nous l'avons prouvé, et cela devrait intéresser tous les niveaux de gouvernement. Nous pouvons mettre de l'argent dans nos coffres grâce à ce partenariat entre l'État et le secteur privé. Je sais que c'est arrivé dans ma circonscription très récemment, avec d'importants investissements.
En tant que gouvernement fédéral, tandis que nous essayons de faire notre place dans le rang, comment pourrions-nous être en mesure d'appuyer ceci, que ce soit par de nouvelles initiatives, des partenariats entre le secteur privé et le secteur public ou la coopération avec les provinces, qui sont sans le moindre doute des participants dans ceci? Comment voyez-vous votre rôle en ce qui concerne les nouvelles initiatives, ou le fait de promouvoir des initiatives qui existent depuis déjà longtemps, pour que ces groupes puissent en tirer parti? Ce sont les questions que j'ai à poser.
Mme Sheila Copps: Vous traitez de questions plus vastes relatives au patrimoine, et j'espère avoir la possibilité de revenir, lorsque le comité aura plus de temps, parce que de toute évidence, vous avez beaucoup de pain sur la planche.
La réalité, c'est que nous sommes en train de créer notre identité en tant que pays. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence que depuis une dizaine d'années, nous avons constaté une forte hausse de l'intérêt pour nos racines, que ce soit pour nos racines physiques, par le truchement de la préservation des immeubles historiques, ou pour nos racines éphémères, si je peux les appeler ainsi. Les groupes de recherche généalogique font un merveilleux travail dans tout le pays pour ouvrir les dossiers de recensement antérieurs à 1911. Pourquoi est-ce devenu un enjeu? Je pense que, lorsque Gro Harlem Brundtland nous a donné le modèle sur l'environnement, elle a dit qu'il faut penser globalement et agir localement. En tant que pays, nous voyons les choses, nous agissons et nous pensons globalement, et ceci encourage aussi les gens à revenir à leurs racines dans leurs communautés. C'est vraiment une part des communautés.
• 1035
Dans ma propre communauté d'Hamilton, nous avons une gare
ferroviaire qui est littéralement restée vide pendant 16 ans. Il y
avait des pigeons et de la neige dans le toit. Tout le monde disait
qu'il fallait la raser, parce qu'elle contribuait à la pollution
visuelle, c'était un dépotoir. En fin de compte, le syndicat local
des travailleurs a eu une vision. Ils ont reconstruit la station et
elle emploie maintenant 120 personnes au centre-ville. Ils sont
partis de quelque chose qui était un secteur absolument improductif
dans notre communauté et ils lui ont rendu sa productivité.
Nous avons réalisé certains travaux avec le ministère des Finances—en fait, ils ont commencé il y a trois ans—pour voir dans quelle mesure l'exemption fiscale rattachée au patrimoine n'a pas, en réalité, d'incidence sur les recettes. Ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils prendront un secteur improductif de la communauté pour lui rendre vie. Il y a eu plusieurs exemples de ceci à l'échelle locale, alors nous envisageons la création d'un crédit fiscal lié au patrimoine qui permettrait la rénovation ou la restauration, par le secteur privé, d'immeubles du patrimoine qui enrichiraient la liste nationale en appuyant les désignations régionales.
Il y a certainement des provinces. Je remarque que le Québec a déjà un assez bon système. Nous voulons y ajouter un complément, mais on ne peut jamais s'attendre à ce que le gouvernement appuie seul et entièrement la restauration de tous les immeubles et du patrimoine. En ce moment, c'est beaucoup moins cher de s'emparer d'un bout de terrain agricole et d'en faire un centre commercial plutôt que de soutenir le développement du patrimoine. Nous devons égaliser les règles du jeu de la même manière que nous l'avons fait pour l'environnement. Nous avons modifié la loi environnementale pour que le recyclage présente autant d'avantages financiers que l'utilisation de matériaux non recyclés. C'est ce que nous envisageons de faire avec le ministère des Finances, et j'espère que nous irons de l'avant avec ce projet. Cela fait partie de la recherche de moyens qui ne coûteront pas au gouvernement, mais par lesquels nous pouvons vraiment revaloriser les communautés.
Le président: Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, j'aimerais parler du CRTC. En tant que membre du comité, je n'arrive pas tellement à comprendre ce que vous attendez du comité relativement à cet examen du CRTC.
Je dirais que le fait d'examiner la situation de la radiodiffusion au Canada sans tenir compte du CRTC, c'est faire semblant de ne pas voir l'éléphant dans le salon. Depuis 1990, certains ont laissé entendre que le CRTC a jugé propice d'entrer dans ce qui est perçu comme un vide politique. Il est ainsi devenu de plus en plus un facteur hors du contrôle politique, hors de votre contrôle, et certainement du contrôle du Parlement.
Il a pris quelques mauvaises décisions. Je prends l'exemple de TFO, la chaîne de télévision éducative en français de TVO. Vous savez bien que TFO s'est vue refuser l'accès à la câblodistribution au Québec. C'est seulement parce que cette chaîne est maintenant diffusée par satellite que les Québécois peuvent visionner des émissions en français produites à l'extérieur de leur province, ce qui leur donne une perspective différente.
Vous aviez annoncé plus tôt qu'on procéderait à un examen du CRTC. Si je comprends bien, cet examen a été mis de côté pour l'instant. J'aimerais, probablement comme les autres membres du comité, que vous nous fassiez part de vos attentes. Jusqu'où voudriez-vous que le comité aille dans son examen du CRTC, particulièrement en ce qui a trait à l'état de la radiotélévision au Canada?
Le président: Madame la ministre, j'aimerais rappeler aux députés que la sonnerie que nous entendons indique la demie de l'heure. Nous serons appelés à voter après 11 heures. Je crois que nous avons le temps de terminer notre séance avec la ministre d'ici là, après quoi nous irons voter. Merci.
Madame la ministre.
Mme Sheila Copps: Le CRTC a été créé en application de la Loi sur la radiodiffusion. Vous devez donc examiner l'ensemble de la question. Voilà en quoi doit consister l'examen. C'est d'ailleurs à vous de le faire. C'est à la table de votre comité qu'il faut proposer des changements au règlement ou soulever les problèmes.
M. Jim Abbott: Est-ce la raison pour laquelle...? Est-ce que je me trompe ou avez-vous parlé, à la fin de l'hiver dernier ou au début du printemps, de soumettre le CRTC à un examen particulier?
Mme Sheila Copps: Il avait été question de demander à un groupe d'experts de se pencher sur le sujet. Or, j'étais convaincue que c'est à votre comité qu'il fallait en confier la tâche, d'où ma présence ici aujourd'hui.
M. Jim Abbott: Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que le CRTC est au coeur de l'action dans ce secteur.
Mme Sheila Copps: C'est indéniable.
M. Jim Abbott: Je vous remercie.
[Français]
Le président: La parole est à M. Duplain et ensuite ce sera à Mme Gagnon.
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): Merci, madame Copps, d'être venue nous rencontrer. Vous avez répondu à plusieurs des questions que je voulais poser. Cependant, vous avez dit quelque chose qui me préoccupe et me tient à coeur.
Il s'agit de la possibilité qu'ont les Canadiens de s'exprimer sur la programmation locale. Il s'agit d'un problème dont on me parle beaucoup. Il est question des postes de télévision communautaire. Certains sont vraiment actifs dans leur communauté et reflètent vraiment ce que les gens souhaitent pour leur communauté, mais quand ces communautés sont éloignées, elles semblent avoir beaucoup de difficulté à se faire entendre. Comment pouvons-nous, par ce travail que nous entreprenons, prendre acte de leurs demandes et donner vraiment une voix à ces gens pour que nous puissions travailler avec eux et être sûrs qu'ils puissent se faire entendre?
Mme Sheila Copps: Je vais vous donner un exemple. Le CRTC a pris la décision, il y a quelques années, de donner aux câblodistributeurs le choix de financer une radio communautaire ou de donner l'argent à un fonds de plus grande envergure, qui pourrait servir à une programmation plus large. Cette décision a fait en sorte que des fonds qui auparavant étaient affectés aux radios communautaires servent maintenant à des fins plus commerciales. Vous pouvez certainement étudier ces questions dans le cadre de votre travail, vous demander si c'était une bonne décision. Faudrait-il, en 2001-2002, renforcer le rôle des radios communautaires? Faudrait-il renforcer le rôle des postes commerciaux dans les régions? On sait, en effet, qu'il n'y a pas que les radios communautaires qui sont en difficulté, comme on peut le constater dans les régions à l'extérieur de Montréal, Québec, Toronto et des grandes villes. Cela fait partie des questions que vous pouvez étudier en profondeur.
Le président: Madame Gagnon, c'est à vous.
Mme Christiane Gagnon: Nous trouvons, en effet, que la radio et la télévision sont souvent trop centralisées dans les grands centres, à cause des achats d'émissions faites à Montréal. Auparavant, nous, les élus, avions droit à ce qu'il y ait beaucoup plus de reprises de nos interventions à la télévision communautaire. Maintenant, je pense qu'elles sont diffusées une ou deux fois au cours de la semaine. En tout cas, il est moins motivant pour nous d'y participer parce que nos interventions ont moins d'impact.
Revenons sur le cas du CRTC. Je ne sais pas si ce sujet a été abordé, mais il va falloir étudier le rôle du CRTC à cause de la complexité des nouvelles technologies, comme Internet, et du suivi qu'il faut assurer de la qualité de la programmation et du contenu culturel. Pensez-vous qu'envisager qu'un autre organisme assure ce suivi indépendamment de vos décisions soit une bonne idée?
Quand le CRTC accorde un permis ou adopte une réglementation, il est difficile pour lui d'assurer le suivi et d'être critique envers une de ces décisions, finalement. C'est un peu comme s'ils se blâmaient eux-mêmes. Cette situation est compliquée et il y a beaucoup de demandes. Peuvent-ils vraiment faire toutes ces analyses? Ne faudrait-il pas qu'il y ait deux entités indépendantes, celle qui prend la décision et celle qui assure le suivi de la décision? Vous dites être très sensible à la qualité de la programmation et souhaiter que les localités puissent être représentées par tous les divers moyens de communication. Le CRTC peut-il être cette espèce de chien de garde de la qualité de la diffusion et de la radio?
[Traduction]
Le président: Madame la ministre, avant que vous ne répondiez, Mme Lill et de M. McNally ont des questions à vous poser.
Madame Gagnon, pourquoi ne posez-vous pas vos questions maintenant? Nous n'avons que quelques minutes avant le vote.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Non, non, je suis... [Note de la rédaction: inaudible].
Le président: La ministre en prendra note et répondra à toutes les questions ensemble.
[Traduction]
Madame Lill, avez-vous des questions? Non?
Monsieur McNally.
M. Grant McNally: Je n'ai qu'une petite question au sujet de l'information que nous avons demandée un peu plus tôt. Je sais que j'ai déjà posé une question sur les règles de propriété étrangère, mais je ne suis pas sûr si la ministre a répondu qu'il fallait les maintenir ou les assouplir. C'est tout.
Mme Sheila Copps: Je répondrai à vos questions dans l'ordre inverse où vous les avez posées.
Les exigences relatives à la propriété étrangère visent à assurer une diversité des voix. Si nous pouvons atteindre cet objectif d'une autre façon, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de nous presser à en faire l'examen, mais il faut tout de même nous pencher sur la question.
Pour ce qui est de votre première question...
M. Grant McNally: Vous vous apprêtiez à nous informer sur les différents modèles.
Mme Sheila Copps: Oui. Nous serons évidemment très heureux de vous donner à vous, membres du comité, ou à vos attachés de recherche tous les renseignements dont vous avez besoin. Si vous regardez autour de vous, vous remarquerez beaucoup de gens de divers secteurs de la radio et de la télévision qui peuvent aussi vous aider dans votre tâche et qui pourraient peut-être même vous fournir une partie de l'information. Ce n'est pas seulement une extraordinaire occasion d'apprendre. Il faut environ six mois avant de comprendre la nature même du système.
[Français]
Parlons d'abord de vos commentaires sur les radios communautaires. Les radios commerciales vivent les mêmes problèmes parce que plus le système est centralisé, que ce soit à Montréal, à Toronto ou à Vancouver, moins il y a de programmation régionale et locale. Voilà pourquoi je trouvais très intéressant que Radio-Canada signe une entente avec TQS pour engager des journalistes de Radio-Canada en région, ce qui permet un vrai partenariat public et privé.
C'est intéressant et je pense qu'il s'agit de la voie de l'avenir. On ne sait pas exactement de quelle façon cela va se faire, mais votre travail et vos réflexions seront sûrement plus approfondis que si vous n'étiez qu'un blue ribbon panel où les intervenants essaient de faire leur tug-of-war sur leurs propres intérêts. Comment dit-on tug-of-war en français, Christiane?
Mme Christiane Gagnon: Leurs propres intérêts?
Mme Sheila Copps: Tug-of-war veut dire que quelqu'un tire d'un côté et que quelqu'un d'autre tire de l'autre.
Mme Christiane Gagnon: Tirer la couverture?
Mme Sheila Copps: C'est cela.
Le président: Il y a une autre question, madame la ministre, qui porte sur la capacité du CRTC d'être un chien de garde.
Mme Sheila Copps: Quand on a créé la Loi sur la radiodiffusion, on n'a pas pensé qu'on pourrait avoir des signaux provenant de partout. Il est sûr que le CRTC a pris de bonnes décisions et de moins bonnes. Y a-t-il moyen maintenant d'avoir une réglementation plus sécuritaire? C'est ce que vous devrez étudier.
Auparavant, on avait recours aux décisions de la cour. Nous avons créé le recours au Cabinet, qui, malheureusement, à mon avis, ne fonctionne pas trop bien. Ici, par exemple, on prend le temps d'examiner une question de façon approfondie. Le Cabinet, toutefois, quand il se penche sur une décision du CRTC, possède moins d'expertise. Il pourrait y avoir une autre façon de faire appel. Ce n'est peut-être pas au Cabinet de statuer sur cet appel. Il faut étudier cette question.
[Traduction]
Le président: M. Mills voudrait également vous poser une petite question.
M. Dennis Mills: Sheila, je pense à l'examen de l'ancienne Commission Davey, il y a longtemps. C'est la dernière fois qu'on a vraiment étudié la question en profondeur. La commission avait notamment réfléchi à tout le problème de la concentration de la propriété. La propriété est maintenant plus concentrée que jamais. Qu'en pensez-vous? Le fait que la propriété de tous les moyens canadiens de radiodiffusion soit concentrée entre les mains de quatre personnes vous inquiète-t-il?
Mme Sheila Copps: Bien sûr, cela m'inquiète, et je crois que tout l'enjeu de l'examen est cette diversité des voix. Je pense que nous devons aussi garder le contexte mondial en tête. Nous ne vivons pas sur une île isolée. La réalité est telle que nombre de véhicules de diffusion de messages autrefois utilisés ont été supplantés par les signaux de radio et de télédiffusion venant des quatre coins du globe. Nous devons donc faire preuve de réalisme et nous doter d'une politique qui résistera à l'épreuve du temps à l'échelle non seulement nationale, mais internationale. Nous ne voulons certainement pas nous contenter de rehausser la qualité des émissions canadiennes si personne ne les écoute ni ne les regarde.
Lorsque je me remémore comment nous fonctionnions auparavant, quand... Dommage que Gary Pillitteri ne soit pas présent aujourd'hui, mais Tony vient de la région du Niagara. À une certaine époque, le vin canadien et la télévision canadienne étaient la risée. Depuis dix ans, le vin canadien a acquis de la maturité et atteint maintenant des standards internationaux. Il en va de même pour la télévision canadienne. Je me rappelle qu'il y a à peine quinze ans—vous vous en souvenez sûrement, Dennis—, on pouvait facilement reconnaître une chaîne canadienne à sa piètre qualité. Ce n'est plus le cas.
La qualité des produits canadiens actuels est excellente. Nous devons tout mettre en oeuvre pour poursuivre dans cette voie et ne pas paralyser les investissements. C'est le grand défi de l'heure. En effet, beaucoup de grands conglomérats canadiens font concurrence à d'autres qui ont les poches bien garnies et sont capables...
Prenez ce qui se passe dans l'industrie cinématographique d'Hollywood. En moyenne, 25 millions de dollars sont dépensés pour la promotion des films qui y sont produits. Nos enfants les regardent. Ces films utilisent tous sur la même formule. On peut leur reprocher d'être plus ou moins créatifs que d'autres, mais le fait est qu'il n'y a pas de comparaison entre ces 25 millions et les 700 000 $ investis dans la promotion de De beaux lendemains—qui a gagné des prix internationaux—ou la totalité du budget du producteur inuit qui vient tout juste de remporter la palme à Cannes. Ce sont là les réalités auxquelles nous sommes confrontés. Nous devons donc y faire face et non nous en cacher.
Le président: Je m'excuse, madame la ministre, mais nous venons d'entendre le timbre signalant qu'un vote se tiendra dans quelques minutes.
Je vous remercie beaucoup d'être venus, madame la ministre, M. Wernick et M. O'Sullivan.
La séance est levée. Merci à tous.