HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 19 mars 2002
¿ | 0905 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
M. Serge Paquin (secrétaire général, Alliance des radios communautaires du Canada) |
M. Robert Boulay (agent de développement, Alliance des radios communautaires du Canada) |
¿ | 0910 |
M. Serge Paquin |
M. Robert Boulay |
M. Serge Paquin |
¿ | 0915 |
M. Robert Boulay |
M. Serge Paquin |
M. Robert Boulay |
M. Serge Paquin |
¿ | 0920 |
M. Robert Boulay |
M. Serge Paquin |
M. Robert Boulay |
Le président |
M. Serge Paquin |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Jean-Pierre Bédard (président, Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec) |
Mme Lucie Gagnon (secrétaire générale, Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec) |
¿ | 0930 |
M. Jean-Pierre Bédard |
Mme Lucie Gagnon |
Le président |
¿ | 0935 |
M. Abbott |
Le président |
M. Serge Paquin |
Mme Lucie Gagnon |
¿ | 0940 |
M. Abbott |
Mme Lucie Gagnon |
M. Abbott |
M. Jean-Pierre Bédard |
M. Abbott |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
M. Serge Paquin |
¿ | 0945 |
Le président |
Mme Lucie Gagnon |
Mme Christiane Gagnon |
M. Robert Boulay |
Le président |
M. Robert Boulay |
Le président |
M. Robert Boulay |
¿ | 0950 |
Mme Christiane Gagnon |
Mme Lucie Gagnon |
Le président |
Mme Lucie Gagnon |
Le président |
Mme Lill |
M. Serge Paquin |
¿ | 0955 |
M. Jean-Pierre Bédard |
Mme Wendy Lill |
Mme Lucie Gagnon |
À | 1000 |
Le président |
M. Tirabassi |
M. Serge Paquin |
Mme Lucie Gagnon |
M. Serge Paquin |
À | 1005 |
M. Tony Tirabassi |
Le président |
Mme Bulte |
Mme Lucie Gagnon |
À | 1010 |
M. Serge Paquin |
À | 1015 |
Le président |
Mme Bulte |
M. Serge Paquin |
Mme Sarmite Bulte |
Le président |
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.) |
Le président |
M. Claude Duplain |
Mme Lucie Gagnon |
M. Claude Duplain |
Mme Lucie Gagnon |
M. Claude Duplain |
Mme Lucie Gagnon |
M. Jean-Pierre Bédard |
À | 1020 |
M. Claude Duplain |
M. Jean-Pierre Bédard |
M. Claude Duplain |
M. Jean-Pierre Bédard |
Mme Lucie Gagnon |
M. Claude Duplain |
M. Jean-Pierre Bédard |
Le président |
M. Serge Paquin |
Le président |
M. Serge Paquin |
Mme Lucie Gagnon |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
À | 1025 |
Mme Lucie Gagnon |
M. Claude Duplain |
Le président |
Mr. Lanctôt |
Le président |
Mr. Lanctôt |
M. Jean-Pierre Bédard |
Le président |
Mme Lill |
M. Serge Paquin |
À | 1030 |
Mme Lucie Gagnon |
Le président |
Mme Lucie Gagnon |
Le président |
M. André Desrochers (coordonnateur, Comité pour le rebranchement, Corporation de télédiffusion du Grand Châteauguay inc.) |
Le président |
M. André Desrochers |
À | 1035 |
À | 1040 |
M. André Simard (secrétaire, Corporation de télédiffusion du Grand Châteauguay inc.) |
À | 1045 |
Le président |
M. Stéphane Lépine (vice-président, Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec) |
À | 1050 |
M. Gérald Gauthier (agent de développement et de recherche, Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec) |
À | 1055 |
Le président |
Á | 1100 |
M. Abbott |
M. Stéphane Lépine |
M. Gérald Gauthier |
Á | 1105 |
M. Abbott |
M. Gérald Gauthier |
M. Abbott |
M. Gérald Gauthier |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. André Simard |
Á | 1110 |
Mme Christiane Gagnon |
M. Stéphane Lépine |
M. Gérald Gauthier |
Á | 1115 |
M. Stéphane Lépine |
Mme Christiane Gagnon |
M. Stéphane Lépine |
M. André Simard |
M. André Desrochers |
Á | 1120 |
Le président |
M. André Desrochers |
Le président |
M. Claude Duplain |
M. Stéphane Lépine |
M. Claude Duplain |
M. André Desrochers |
M. Claude Duplain |
M. André Simard |
Á | 1125 |
M. Claude Duplain |
M. Stéphane Lépine |
M. Gérald Gauthier |
M. Claude Duplain |
M. André Desrochers |
M. Claude Duplain |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
Á | 1130 |
M. André Simard |
M. André Desrochers |
Á | 1135 |
M. Stéphane Lépine |
M. Gérald Gauthier |
Le président |
Mme Wendy Lill |
M. André Desrochers |
Á | 1140 |
Mme Wendy Lill |
Le président |
Á | 1145 |
M. Ken Collins (témoigne à titre personnel) |
Le président |
Mme Lise Huot (présidente, Fondation Radio Enfant) |
Mme Aline Bard (membre, Fondation Radio Enfant) |
M. Michel Delorme (directeur général, Fondation Radio Enfant) |
Á | 1150 |
Mme Lise Huot |
Á | 1155 |
Le président |
M. Michel Delorme |
Le président |
M. Jan Pachul (président, Star Ray TV) |
 | 1200 |
 | 1205 |
Le président |
M. Roger Davies (témoigne à titre personnel) |
 | 1210 |
M. Ken Collins |
 | 1215 |
Le président |
M. Abbott |
 | 1220 |
M. Roger Davies |
M. Abbott |
 | 1225 |
M. Ken Collins |
M. Roger Davies |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Jan Pachul |
Mme Christiane Gagnon |
 | 1230 |
M. Michel Delorme |
 | 1235 |
Le président |
M. Claude Duplain |
M. Michel Delorme |
Le président |
M. Claude Duplain |
Roger Davies |
 | 1240 |
M. Ken Collins |
Roger Davies |
M. Claude Duplain |
M. Michel Delorme |
Le président |
M. Michel Delorme |
Le président |
Mme Wendy Lill |
 | 1245 |
M. Michel Delorme |
Le président |
M. Jan Pachul |
 | 1250 |
Le président |
Jan Pachul |
Le président |
M. Jan Pachul |
Le président |
M. Ken Collins |
Mme Wendy Lill |
M. Ken Collins |
M. Roger Davies |
Le président |
 | 1255 |
M. Michel Delorme |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 mars 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Français]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): J'invite l'Alliance des radios communautaires du Canada et l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec à prendre place.
Je déclare ouverte cette réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, qui se réunit aujourd'hui pour continuer l'étude du système de radiodiffusion canadien.
La séance d'aujourd'hui est consacrée à la radiodiffusion et à la télédiffusion communautaires partout au Canada. Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui plusieurs associations qui sont impliquées dans la radiodiffusion et la télédiffusion communautaires.
Nous allons commencer avec l'Alliance des radios communautaires du Canada et l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec. Ensuite, nous entendrons la Corporation de télédiffusion du Grand Châteauguay inc. et la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec. Les gens du groupe Atelier Radio Enfant Inc. ne sont pas encore arrivés. Lorsqu'ils arriveront, nous verrons s'il nous est possible de les inclure dans la même séance. Ensuite, nous passerons à nos autres invités.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Serge Paquin, secrétaire général de l'Alliance des radios communautaires du Canada, à M. Robert Boulay, agent de développement à l'alliance, ainsi qu'à M. Jean-Pierre Bédard, président de l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec et à Mme Lucie Gagnon, secrétaire générale de l'association.
J'invite M. Paquin ou M. Boulay à prendre la parole. Je ne sais pas lequel des deux veut parler. Étant donné le nombre d'intervenants aujourd'hui, je vous demanderais de vous limiter à environ 10 minutes. Je passerai ensuite la parole au deuxième groupe. Nous procéderons ainsi afin que les membres du comité aient du temps pour poser leurs questions. Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Paquin.
M. Serge Paquin (secrétaire général, Alliance des radios communautaires du Canada): Merci, monsieur le président. Merci aussi aux membres du comité de nous recevoir.
L'implantation des radios communautaires dans le milieu francophone minoritaire est coordonnée au niveau national par l'Alliance des radios communautaires du Canada, l'ARC du Canada.
Avant de poursuivre notre allocution, il nous apparaît important de préciser que l'ARC du Canada ne compte pas de radios au Québec parce que son mandat est d'assurer la coordination de l'ensemble du dossier de la radio communautaire pour les communautés francophones minoritaires et acadiennes du Canada. Notre organisme compte présentement 32 membres actifs provenant de neuf des dix provinces et des territoires. L'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec regroupe des radios communautaires opérant uniquement sur le territoire québécois. Malgré le fait que les deux organismes oeuvrent tous les deux dans le domaine de la radiodiffusion communautaire, l'ARC du Québec n'est pas une filiale provinciale de l'ARC du Canada, mais une entité autonome et tout à fait distincte.
M. Robert Boulay (agent de développement, Alliance des radios communautaires du Canada): La version actuelle de la Loi sur la radiodiffusion a été adoptée en 1991, l'année de la fondation de notre organisme. Au cours de cette décennie, nous n'avons pas cessé d'appuyer nos membres dans la revendication de leurs droits et dans leurs démarches d'implantation de leurs propres radios communautaires. Ces activités nous ont amenés à nous questionner sur l'application des politiques de radiodiffusion par le CRTC et son interprétation de la loi dans des cas spécifiques tels ceux dont nous avons eu à débattre au fil des ans.
¿ (0910)
M. Serge Paquin: Le projet de loi S-32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, vient de franchir l'étape de la deuxième lecture et a été déféré au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles pour examen.
Proposé par le sénateur Jean-Robert Gauthier, ce projet de loi rendrait la loi plus rigoureuse et lui donnerait plus de mordant. En effet, le texte de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles se lirait comme suit:
41. Conformément aux paragraphes 16(1) et (3) de la Loi constitutionnelle de 1982, le gouvernement fédéral prend les mesures nécessaires pour assurer l'épanouissement et le développement des minorités francophones et anglophones du Canada et promouvoir la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. |
S'il était adopté, ce projet de loi pourrait être appliqué à la Loi sur la radiodiffusion afin que le CRTC se trouve dans l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'épanouissement et le développement des minorités francophones par le biais de l'implantation de nouvelles stations de radios communautaires, tant en milieu rural qu'urbain.
Notons que le CRTC ne prend pas ou peu en considération la question linguistique dans ses décisions. Une preuve concrète de cette constatation nous a été donnée lors de l'évaluation de la deuxième demande de licence de la Coopérative radiophonique de Toronto, au printemps 2000, lors de laquelle les commissaires du conseil n'ont accordé aucun pointage au fait que la requérante allait offrir une programmation à 85 p. 100 francophone.
M. Robert Boulay:
Dans Beaulac, au paragraphe 25 de la décision, la cour a finalement rejeté l'approche restrictive adoptée dans une affaire touchant des droits linguistiques dans l'arrêt Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick Inc. c. Association of Parents for Fairness In Education:
Les droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada; voir Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.) pré-cité à la p. 850. |
À la lumière de ce précédent juridique, nous pouvons donc être d'avis que le CRTC, en tant qu'une institution du Parlement canadien, doit être assujetti à la Charte et à la Loi sur les langues officielles. Le CRTC tient son origine et son mandat de la Loi sur la radiodiffusion, une loi fédérale. Cela étant dit, le CRTC a donc une obligation positive de voir à l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle du pays. Son rôle à ce titre dépasse largement celui de tenir des audiences dans les deux langues officielles; il doit aussi voir au développement de nos communautés de langue officielle minoritaire tel qu'énoncé dans l'arrêt Beaulac.
Le processus d'attribution de licences de radiodiffusion devrait prendre en considération les facteurs de langue officielle en milieu minoritaire et ceux-ci devraient avoir préséance sur d'autres facteurs tels le marché et la concurrence. L'importance des stations de radio communautaires n'a plus à être démontrée, puisque leur rôle et leur impact positifs ressortent clairement depuis l'implantation de la première radio de ce genre au Canada, soit CKRL-MF à Québec, le 17 février 1973. Dans les communautés de langue officielle minoritaires, elles jouent un rôle vital quant au développement de la langue, à la revalorisation de la culture et à la lutte contre l'assimilation.
Nous soutenons également que le CRTC, en tant qu'une institution du Parlement canadien, a le devoir de tenir compte des principes énoncés dans l'arrêt Beaulac face à toute demande de licence ou requête provenant de nos communautés de langue officielle en milieu urbain ou en milieu rural.
Amender la Loi sur la radiodiffusion pour établir clairement que le CRTC est pleinement soumis aux dispositions de la partie VII de la Loi sur les langues officielles ne constitue qu'une clarification, la clarification d'un état de fait qui existe déjà. Cette clarification nous semble cependant nécessaire, puisque certains commissaires du CRTC eux-mêmes nient cet état de fait et avouent ne pas en tenir compte lors de leurs délibérations.
M. Serge Paquin: Le gouvernement fédéral devrait inciter les ministères et organismes fédéraux à contribuer de façon concrète au développement des communautés minoritaires, conformément à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. Cette loi reconnaît, en sa partie VII, l'engagement du gouvernement fédéral, de ses ministères et institutions à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. La loi reconnaît ainsi clairement l'existence des deux communautés et de leurs droits.
Cette nouvelle disposition de la loi a été ajoutée en 1988. Peu banals, ces changements ont modifié considérablement la vocation de la Loi sur les langues officielles. En effet, il s'agit d'une toute nouvelle dimension que celle de reconnaître l'obligation du gouvernement à veiller au développement et à l'épanouissement des communautés de langue officielle. Sans toutefois aliéner les parties de la loi concernant la prestation de services, la langue de travail, etc., qui sont toutes des sections comprenant des droits individuels, la partie VII reconnaît non seulement l'existence des communautés, mais également la responsabilité du gouvernement fédéral à leur égard.
¿ (0915)
M. Robert Boulay:
Le rapport Vers un avenir mieux équilibré, publié par le CRTC en février 2001, stipule que:
La présence de services de radiodiffusion de langue française dans les communautés de minorités francophones du Canada contribue non seulement à l'épanouissement et au développement des communautés francophones mais répond également aux besoins de tous les Canadiens qui souhaitent atteindre une meilleure compréhension des deux langues officielles. |
La recommandation 171 de ce rapport dit:
Dans le contexte actuel, le Conseil devra continuer à s'assurer que l'attribution de toute nouvelle fréquence constitue, dans l'intérêt public, la meilleure utilisation possible de cette fréquence. Conséquemment, il devra continuer à tenir compte des situations concurrentielles là où la demande est beaucoup plus forte que la disponibilité de fréquences, notamment dans les grands centres urbains. |
Toutefois, comme l'ont signalé la Société Radio-Canada et l'ARC du Canada, le gouvernement fédéral peut décider de réserver des fréquences à des fins particulières, comme l'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion lui en donne le pouvoir. Ainsi, le gouvernement peut donner des instructions au CRTC en ce qui touche le nombre maximal de canaux ou de fréquences pour l'utilisation desquels des licences peuvent être attribuées dans une région donnée, les canaux ou les fréquences réservés à l'usage de la société ou à toute fin particulière.
M. Serge Paquin: On dit dans le rapport annuel 1999-2000 du Commissariat aux langues officielles que les radios communautaires en milieu minoritaire francophone sont des outils de communication efficaces qui sont le reflet de l'identité de leurs communautés et sur lesquels elles comptent pour s'informer, qu'elles sont des outils de communication qui ont un taux de pénétration très important et qu'elles jouent un rôle crucial dans le développement des communautés minoritaires.
Dans les thèmes proposés de son projet d'étude, le comité permanent suggère six sujets sous la rubrique «Diversité culturelle». L'un de ces thèmes est la télévision communautaire, mais on ne fait nullement mention de la radiodiffusion communautaire.
Or, la Loi sur la radiodiffusion fait clairement mention du «système canadien de radiodiffusion, composé d'éléments publics, privés et communautaires».
La loi fait également allusion au fait que le système canadien devrait «servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada». Cette même loi préconise également qu'on «favorise l'épanouissement et l'expression canadienne, en proposant une très large programmation».
L'implantation de nouvelles radios communautaires au pays contribue pleinement à l'atteinte de cet objectif, et il serait justifié que les révisions à la loi fassent clairement allusion à l'apport de ce type de station au système de radiodiffusion du pays.
M. Robert Boulay: Le refus, à deux reprises, du CRTC d'accorder une licence de radiodiffusion à la Coopérative radiophonique de Toronto nous laisse songeurs quant à l'interprétation de son propre mandat qui est de « gérer, dans l'intérêt public, le délicat équilibre entre les objectifs culturels, sociaux et économiques des lois sur la radiodiffusion et les télécommunications ». De quel équilibre parle-t-on lorsque Toronto, la plus grande ville du pays, qui compte plus de 200 000 francophones et francophiles, n'offre qu'une seule source de programmation radiophonique de langue française? Par surcroît, le radiodiffuseur en question, Radio-Canada, diffuse un contenu local très limité puisqu'il est constitué de moins de 40 heures par semaine de productions locales, alors que la majorité des émissions proviennent de Montréal.
À ce moment-ci, il faudrait se demander si les révisions possibles à la Loi sur la radiodiffusion ne pourraient pas inclure des éléments ou des dispositions qui inciteraient les divers paliers gouvernementaux à favoriser l'atteinte des objectifs de ladite loi en augmentant ou, à tout le moins, en ne diminuant pas les budgets dédiés, entre autres, au système de radiodiffusion de l'État.
M. Serge Paquin: Collaboration et échanges possibles entre Radio-Canada et les communautés minoritaires francophones: En ce qui a trait à nos radios en implantation, nous aimerions que Radio-Canada facilite l'accès à ses sites émetteurs afin d'accélérer l'implantation de nouvelles stations de radio communautaires. De plus, ces accès aux infrastructures de diffusion réduiraient de beaucoup les coûts d'immobilisation des nouvelles stations. Il faudrait également que la société d'État fasse bénéficier les promoteurs de projets de son expertise technique et radiophonique. Ce type d'appui renforcerait les liens entre Radio-Canada et les communautés francophones minoritaires et contribuerait en quelque sorte à concrétiser le mandat de la société d'État dans ces même communautés.
Dans les grands centres urbains tels Toronto et Victoria, ainsi que dans les régions isolées comme Whitehorse, là où la programmation locale de la société d'État ne dépasse guère les 40 heures par semaine, la loi devrait encourager un partage de temps d'antenne avec les diverses associations communautaires.
¿ (0920)
M. Robert Boulay: Projet d'extension majeure de la chaîne culturelle de Radio-Canada: Le 23 octobre dernier, on a annoncé que la société avait déposé au CRTC 18 demandes de licences pour élargir et accélérer l'extension de la chaîne culturelle et de la radio à l'ensemble des provinces canadiennes dès 2002.
Malheureusement, ce projet risque d'avoir des retombées néfastes sur la disponibilité de fréquences et sur l'implantation éventuelle de stations de radio communautaires dans certains grands centres urbains. En effet, l'octroi de ces fréquences dites « éducatives » en milieu urbain pourrait compromettre ou du moins modifier les scénarios techniques envisagés par les promoteurs de ces projets d'implantation et des autres qui suivront.
M. Serge Paquin: L'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion donne le pouvoir au gouvernement de donner des instructions au CRTC en ce qui touche: le nombre maximal de canaux ou de fréquences pour l'utilisation desquels des licences peuvent être attribuées dans une région donnée; les canaux ou les fréquences à réserver à l'usage de la société ou à toute fin particulière.
En conséquence, nous demandons au comité de recommander au gouvernement canadien qu'il enjoigne le CRTC de réserver une fréquence dans chacun des grands centres urbains du pays afin de s'assurer que les minorités francophones du pays puissent un jour y implanter une station de radio communautaire.
Dans le même ordre d'idées, le gouvernement canadien devait veiller à ce que le conseil applique les recommandations de son rapport intitulé Vers un avenir mieux équilibré. Le temps presse partout au pays où les fréquences disponibles sont une denrée rare, à Vancouver, Victoria, Toronto. Il faut mettre un frein à l'assimilation qui affecte les communautés francophones minoritaires de ces grands centres urbains, alors que le CRTC proclame régulièrement son impuissance face à la réservation de fréquences pour ces mêmes communautés, tant au niveau analogique que numérique.
M. Robert Boulay: Le fonds d'expression radiophonique: Le gouvernement canadien oblige par décret des entreprises de distribution et de radiodiffusion à contribuer à la programmation canadienne. Chaque entreprise de distribution par SRD est tenue, par condition de licence, de contribuer 5 p. 100 de ses recettes annuelles brutes à un fonds de production indépendant pour la création d'émissions canadiennes. Selon notre compréhension, l'appellation «émissions canadiennes» devrait également inclure les émissions radiophoniques, parce que nous produisons bel et bien des émissions qui répondent à cette définition.
Dans l'avis public CRTC 1997-98, qui s'intitule «Contributions des entreprises de distribution de radiodiffusion aux émissions canadiennes», le conseil concluait que les contributions des EDR à la production d'émissions canadiennes de qualité ne devraient pas être affectées à la production d'émissions radiophoniques. Par contre, dans ce même avis public, le CRTC ajoutait qu'il avait l'intention d'étudier, dans le cadre d'un processus futur, des moyens innovateurs de fournir des ressources financières additionnelles aux radios communautaires.
La création d'un fonds d'expression radiophonique pourrait s'avérer un soutien tangible à la programmation radiophonique communautaire et à l'expression locale. Le fonds proposé financerait la production d'émissions éducatives qui favoriseraient le développement communautaire et contribueraient à une sensibilisation accrue au sein des communautés francophones minoritaires du pays. Cela aurait pour effet de consolider les relations et les échanges entre ces mêmes communautés, tout en leur assurant un contenu canadien de qualité adapté à leurs besoins et à leurs attentes spécifiques. Permettez-nous de souligner qu'il n'existe actuellement aucune contribution des radiodiffuseurs privés au développement et à la production d'émissions au secteur non commercial de la radiodiffusion.
Le président: Monsieur Boulay et monsieur Paquin, vous savez qu'il y a beaucoup d'intervenants qui vont vous suivre. Si vous pouviez peut-être...
M. Serge Paquin: En terminant, on veut juste mentionner qu'on appuie les mémoires de la Fédération des communautés francophones et acadienne et de nos collègues de l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec.
Je vais terminer en disant que le gouvernement pourrait aussi s'assurer de donner plus de moyens au CRTC, qui a de plus en plus de travail et des dossiers de plus en plus complexes, et dont le personnel est de plus en plus réduit. C'est important pour que le CRTC puisse faire son travail avec diligence. Donc, ce serait bien vu que le CRTC puisse avoir une augmentation de ses budgets.
Sur ce, je cède la parole à nos collègues de l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec.
¿ (0925)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Paquin et monsieur Boulay.
Je passe la parole à M. Bédard et à Mme Gagnon.
M. Jean-Pierre Bédard (président, Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec): Merci. L'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec est heureuse de pouvoir s'adresser aujourd'hui au Comité permanent du patrimoine canadien pour lui faire part des préoccupations de ses membres à l'égard de la révision de la Loi sur la radiodiffusion.
Notre secteur contribue au développement de la radiophonie FM canadienne depuis le début des années 1970. Pourtant, il a encore et toujours du mal à se faire reconnaître. À cet égard, le mandat de l'étude sur l'état du système de radiodiffusion canadien nous a laissés perplexes. Les questionnements sur les thèmes de la diversité culturelle, de la propriété, de l'apport des différents secteurs à l'atteinte des objectifs de la loi ne font nullement état de l'existence des radios communautaires dans le paysage.
Avant d'aller plus loin, nous prendrons le temps de vous présenter notre regroupement et ses membres. L'ARCQ est une organisation indépendante sans but lucratif fondée en 1979, dont la mission est de contribuer au développement et à la promotion de la radiophonie communautaire. L'ARCQ représente 25 radios communautaires du Québec qui diffusent plus de 3 000 heures de programmation originale par semaine grâce à la contribution de 1 500 bénévoles soutenus par 230 employés. Elle regroupe environ 18 000 membres et rejoint plus de 650 000 auditeurs dans 16 régions du Québec. Ce sont des radios de proximité, des micros accessibles.
Les radios communautaires portent la voix des citoyens sur la place publique. Elles animent les débats qui les préoccupent et soutiennent leurs projets sociaux. L'information locale et régionale et la promotion de toutes les formes d'expression culturelle constituent des priorités de la radiodiffusion communautaire, qui y consacre une portion importante de ses ressources.
Reconnues au Québec comme des entreprises d'économie sociale, les radios communautaires proposent une formule unique au monde qui allie une mission publique, une propriété collective, une gestion participative, une dimension entrepreneuriale et une programmation offrant à la communauté l'accès aux ondes. C'est donc une radio qui constitue un moyen efficace d'assurer un service d'information local et régional, entre autres.
Nous sommes ici essentiellement pour vous dire que ce modèle de radiodiffuseur, qui s'est développé notamment grâce au système législatif et réglementaire canadien, a besoin d'un meilleur soutien pour faire face à la concentration des médias, relever les défis technologiques et garder sa place dans l'univers des communications canadiennes.
Mme Lucie Gagnon (secrétaire générale, Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec): La Loi sur la radiodiffusion, dans son esprit et dans sa lettre, vise à assurer que les citoyens canadiens aient accès à un système de radiodiffusion proposant un vaste contenu canadien valorisant une identité nationale, régionale et locale, en leur permettant de partager l'ensemble des valeurs et des idéaux qui les caractérisent.
Les radios communautaires répondent de manière effective et adéquate à ces besoins, puisque leur structure permet aux membres de la collectivité d'y adhérer et de participer à leur gestion et à leur programmation. Cette programmation reflète les besoins et les intérêts des communautés où ces radios sont implantées. Les stations communautaires sont indispensables à la mise en oeuvre de l'esprit d'une loi qui mentionne que le système canadien doit valoriser l'identité locale et renfermer des émissions communautaires.
Il est donc essentiel et vital que toute modification à la Loi sur la radiodiffusion permette de renforcer la présence du secteur communautaire dans le système de radiodiffusion canadien. Il est impératif que des organisations qui sont créées et gérées par des citoyens canadiens, sans égard au rendement économique, soient mieux soutenues et encouragées par la législation. Une stratégie privilégiée pour atteindre cet objectif serait de s'assurer qu'une place est toujours réservée au secteur communautaire dans toutes les formes technologiques que peut emprunter, dans le présent et dans l'avenir, le système de radiodiffusion canadien. Ainsi, des fréquences doivent être réservées en prévision de l'émergence des radios communautaires afin que les intérêts locaux des communautés puissent s'exprimer. De même, les câblodistributeurs doivent mettre au service de la population un canal réservé à la télévision communautaire locale. Nous le soulignons avec force: la réglementation du système canadien est plus que nécessaire; elle est vitale pour la survie de l'identité canadienne, dans toute la richesse de sa diversité, tant au niveau national qu'au niveau régional ou local.
Le mandat de l'étude du Comité permanent du patrimoine canadien sur le système de radiodiffusion canadien ne nous rassure en rien sur les intentions du gouvernement à cet égard. Au cours des dernières années, nous avons assisté, au Canada comme ailleurs dans le monde, à une forte concentration des médias. La déréglementation a notamment permis la propriété de plus d'une station dans un même marché. Elle a également réduit les obligations des stations de radio communautaires en matière de programmation locale, tout en leur permettant de vendre de la publicité dans ces marchés. Il en résulte une réelle disparité entre la part d'auditoire desservie par les grands réseaux et la part des marchés publicitaires qu'ils détiennent. Les radios communautaires ont ainsi de plus en plus de mal à financer leurs activités.
Récemment, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes lançait une consultation publique sur la proposition d'un cadre stratégique pour les médias communautaires. Cette proposition introduit deux nouvelles licences de télévision communautaire qui seraient accessibles à des entreprises à but lucratif.
L'ARCQ s'est vivement opposée à ce glissement du concept de média communautaire en soulignant qu'il est contraire au sens même de la Loi sur la radiodiffusion de 1991, qui désigne trois secteurs: le public, le privé et le communautaire. Cependant, la loi nous semble trop peu explicite quant à la définition de ces secteurs.
Afin d'éviter d'autres distorsions malencontreuses du système de radiodiffusion canadien, il convient que la Loi sur la radiodiffusion rende compte de l'importance du secteur communautaire dans l'industrie et protège son développement en le définissant plus précisément. À cet effet, nous demandons que la Loi sur la radiodiffusion définisse le secteur communautaire en fonction de son caractère sans but lucratif et participatif, et reconnaisse sa contribution à l'atteinte de ses objectifs.
¿ (0930)
M. Jean-Pierre Bédard: Le CRTC, en tant qu'organisme réglementant le système de radiodiffusion canadien et mettant en oeuvre la Loi sur la radiodiffusion, a bien souvent permis d'assurer efficacement que chaque secteur contribue à la réalisation des objectifs énoncés précédemment. Il serait nuisible de considérer amoindrir son pouvoir de contrôle ou de permettre à des éléments du système de radiodiffusion de s'éloigner des objectifs de la loi, comme semblent le suggérer plusieurs hypothèses évoquées dans le mandat du Comité permanent du patrimoine canadien. Le système de radiodiffusion canadien n'a pas pour objectif de favoriser la rentabilité des investissements des actionnaires des entreprises privées de la radiodiffusion, ni de les protéger contre la concurrence étrangère.
La forte pression exercée par la mondialisation des marchés tend à menacer l'occupation du territoire médiatique canadien. Il est plus que jamais nécessaire d'en protéger les éléments fondamentaux, en particulier les médias communautaires, qui répondent aux besoins des collectivités en matière d'information locale et régionale et qui assurent la promotion de la diversité culturelle canadienne.
Le CRTC doit voir son mandat à cet égard renforcé. Il est d'ailleurs impératif que la loi devienne, sur ces aspects, un outil qui balise les limites que le conseil ne pourra dépasser. La protection du secteur communautaire, maintenu à l'abri des prises de contrôle et des achats par les grands réseaux, est une de ces limites incontournables.
Même si l'alinéa 3 d) de la Loi sur la radiodiffusion précise que la programmation du système de radiodiffusion canadien doit être adaptable aux progrès scientifiques et technologiques, cela ne signifie pas que ces progrès doivent modeler cette programmation. Les nouvelles technologies sont des moyens qui ne doivent pas faire dévier le CRTC et la loi de leur fin, qui est de préserver et de favoriser l'identité canadienne dans toute sa diversité. Ce qui importe, c'est d'offrir aux populations des productions qui correspondent à leurs valeurs et à leur identité nationale, régionale et locale.
Mme Lucie Gagnon: Considérant les éléments que nous venons de vous présenter ainsi que ceux qui ont été présentés dans le mémoire déposé au mois de septembre, nous demandons aux membres du Comité permanent du patrimoine canadien: de maintenir les objectifs primordiaux de la Loi sur la radiodiffusion afin de s'assurer qu'elle défende les intérêts des citoyens en préservant les obligations faites aux membres du système de radiodiffusion au Canada de soutenir et de favoriser la diffusion de contenus canadiens et l'expression de la diversité canadienne; de maintenir la réglementation actuelle qui interdit aux intérêts étrangers de posséder des médias canadiens; de préserver le rôle du CRTC en tant qu'organisme de réglementation et, particulièrement, de lui donner la responsabilité de protéger un espace communautaire constitué de médias sans but lucratif; de reconnaître, dans la Loi sur la radiodiffusion, le secteur communautaire de propriété collective à but non lucratif en tant qu'élément fondamental du système de radiodiffusion; de s'assurer que la loi protège et soutienne la radiodiffusion communautaire en tant qu'ensemble d'organismes de propriété collective à but non lucratif dont la gestion et la programmation sont accessibles aux citoyens; de favoriser la création d'un fonds de production radiophonique et de soutien à la diffusion de la relève culturelle accessible aux radios communautaires afin de permettre au secteur communautaire de répondre efficacement aux objectifs de la loi; d'assurer au secteur communautaire l'accès aux technologies en lui réservant des fréquences et l'usage d'une partie de toutes les nouvelles technologies réglementées.
Sur ce, nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions du comité sur notre présentation d'aujourd'hui et sur le mémoire que nous avons déposé en septembre.
Le président: Madame Gagnon et monsieur Bédard, les deux mémoires que nous avons entendus nous ont apporté des suggestions très importantes dans le cadre de notre étude, et nous vous en sommes très reconnaissants. Vous avez ciblé des points très précis sur lesquels le comité devrait se pencher. Je vous assure que nous allons porter toute l'attention possible à vos suggestions et recommandations.
Nous allons commencer la période de questions avec M. Abbott.
¿ (0935)
[Traduction]
M. Jim Abbott (Kootenay--Columbia, Alliance canadienne): Merci.
Encore une fois, comme l'a dit le président, vous nous avez certainement donné matière à réflexion.
Je serais curieux de savoir ce que vos deux groupes considèrent comme le moyen le plus efficace de réaliser les objectifs dont vous avez parlé. Ce qui m'intéresse finalement, c'est la réglementation ou l'absence de réglementation.
En d'autres termes, nous pourrions par exemple avoir des règles sur la langue, mais pour ce qui est de la programmation, multiculturelle ou bilingue, de la programmation en tant que telle, sans qu'on s'arrête uniquement aux aspects techniques, pour ce qui est donc de l'idée d'offrir davantage de musique, d'interviews, ou plus de musique classique... Vous aurez compris que je parle ici des différentes formes que peut prendre la programmation.
La question que je pose aux deux groupes est donc la suivante: pour réaliser les objectifs dont vous avez parlé, pour que vous ayez davantage votre place dans le contexte actuel, pour que vous repreniez du terrain que nous sommes peut-être en train de perdre dans le secteur de la radio en général, le comité devrait-il recommander un resserrement ou un assouplissement de la réglementation?
[Français]
Le président: Monsieur Paquin. Si les autres intervenants veulent participer, ils ne doivent pas hésiter à le faire.
M. Serge Paquin: Pour ce qui est de la question de la programmation, je crois que la Loi sur la radiodiffusion est suffisamment explicite et suffisamment diversifiée pour assurer un contenu musical varié et un contenu verbal de qualité en quantité suffisante.
Je joins ici ma voix à celle de mes collègues du Québec. Je crois qu'un des changements fondamentaux à la réglementation serait par rapport à l'accès aux ondes pour la communauté pancanadienne. Donc, il s'agit d'assurer l'accessibilité des ondes pour le développement actuel et futur de nos communautés. Cela nous apparaît fondamental pour éviter des situations où il n'y aurait plus de possibilités de développement, surtout dans des milieux minoritaires où il n'y a pas de voix francophone.
Vous soulevez la question linguistique par rapport à la question législative. La situation de nos communautés est très différente de celle qu'on vit au Québec, mais je crois qu'on peut faire en sorte que le projet de loi insiste sur le fait qu'on doit faire valoir les droits de ces communautés et que le CRTC pourra en tenir compte dans ses décisions.
Mme Lucie Gagnon: Actuellement, la programmation des radios communautaires est principalement menacée par la possibilité que leur viabilité économique soit menacée.
En ce moment, avec l'apparition de la concentration de la presse, on voit apparaître une concentration des revenus de publicité dans les grands réseaux. C'est ça qui menace notre existence et la possibilité de faire de la programmation locale et régionale, d'une part.
D'autre part, l'apparition du concept de média communautaire à but lucratif met en danger l'existence même des radios communautaires. À partir du moment où il est possible d'avoir un média communautaire à but lucratif, il est possible pour n'importe quel réseau d'acheter ce média. En ce moment, ce qui fait que les radios communautaires restent indépendantes, c'est qu'il est légalement impossible d'acheter une radio communautaire. Ce n'est pas parce qu'ils ne le voulaient pas qu'Astral et les autres grands réseaux n'ont pas acheté ces stations. C'est parce qu'ils ne le pouvaient pas légalement. Cette protection n'est pas suffisamment solide pour nous protéger en ce moment, parce que le concept de « communautaire » n'est pas défini dans la loi.
¿ (0940)
[Traduction]
M. Jim Abbott : Je ne connais pas la situation de vos stations communautaires. Vous pourriez peut-être m'éclairer: les stations communautaires tentent-elles d'obtenir des recettes publicitaires pour couvrir une partie de leurs dépenses?
[Français]
Mme Lucie Gagnon: Absolument. Le financement d'une radio communautaire est mixte; il provient de divers types de sources. La publicité correspond à environ 50 p. 100 de ses revenus, alors que les activités de financement de tous types en représentent environ 28 p. 100, ce qui laisse à peu près 21 p. 100 pour l'aide gouvernementale, au Québec, bien sûr.
[Traduction]
M. Jim Abbott: La publicité vient-elle d'un type d'annonceur en particulier ou présentez-vous des annonces publicitaires de toutes sortes? Le concessionnaire General Motors ou Ford ou plutôt le dépanneur local?
[Français]
M. Jean-Pierre Bédard: Ce sont surtout des annonceurs locaux qui ont là de l'intérêt. Comme on vous l'a mentionné, le but principal des radios communautaires est de desservir la communauté, le marché local. Donc, effectivement, ce sont surtout les annonceurs locaux qui sont là. Il y a un petit peu de publicité nationale, mais surtout dans certaines radios communautaires de premier service dans un marché. C'est le cas de la radio à Gaspé ou aux Îles-de-la-Madeleine, qui est la station pour cette communauté-là. Il y aura possiblement des annonceurs un peu plus importants dans ces radios. Sinon, on parle de la publicité locale et des petits budgets qui vont avec ce type d'annonceurs.
[Traduction]
M. Jim Abbott: Merci beaucoup.
Le président: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci.
Étant une auditrice assidue des radios communautaires, je connais bien la problématique, ainsi que la qualité des émissions à caractère culturel diversifié qu'elles diffusent. Je peux dire que vous faites un excellent travail et que vous rayonnez de façon locale. Je sais ce que cela comporte.
Toute la question de la survie des radios communautaires m'interpelle, parce que j'ai connaissance à chaque année de levées de fonds qui se font dans la communauté. Il est très difficile de recueillir des fonds du secteur privé.
Par ailleurs, vous dites qu'il y a une réglementation qui relève du fédéral, mais que vous n'avez aucun soutien financier du fédéral. Il faut que vous ayez les coudées franches pour votre choix de programmation. Si le gouvernement fédéral investissait dans votre secteur, il faudrait que votre liberté d'expression soit protégée. Quel genre d'aide financière demandez-vous? Est-ce que ce serait sous forme de subventions ou si vous souhaiteriez avoir quelque chose d'autre? Vous avez dit que les radiodiffuseurs privés pourraient vous donner une ristourne. Expliquez-moi cela pour que ce soit clair pour nous.
M. Serge Paquin: Comme on l'a mentionné, il existe déjà un décret qui oblige les entreprises de télédistribution à affecter 5 p. 100 de leur revenu brut aux émissions canadiennes. Malgré nos revendications et malgré le fait que nous produisons bel et bien des émissions à contenu canadien, le gouvernement n'a pas cru bon d'ouvrir la porte au financement des radios communautaires.
Nous croyons que, comme dans d'autres pays, il serait tout à fait normal que les radiodiffuseurs privés contribuent à nous aider à produire des émissions de qualité, des émissions à contenu éducatif. Cela se fait ailleurs. Maintenant, tout va dans la production télévisuelle et les vidéos, et il n'y a rien qui est actuellement dédié aux radios communautaires.
Dans notre cas, outre un financement de 50 p. 100 du gouvernement pour les immobilisations, on ne reçoit aucune subvention du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux. Donc, dès l'ouverture d'une station, on doit s'autofinancer. Les défis sont grands lorsqu'il faut financer de 45 à 50 p. 100 de notre fonctionnement par des contributions volontaires des communautés, des levées de fonds, des bingos. Il est alors très difficile de mettre suffisamment d'énergie à produire des émissions à contenu.
¿ (0945)
Le président: Madame Gagnon.
Mme Lucie Gagnon: Le financement des radios communautaires au Québec a atteint un plafond. Ce plafond-là a été atteint parce que, dans les milieux desservis par des radios communautaires, on pourrait dire qu'en quelque sorte, l'ensemble des commerçants et des citoyens contribuent déjà beaucoup. Dans certaines régions, les citoyens contribuent jusqu'à 10 $ par mois pour maintenir leur radio communautaire en existence, ce qui est beaucoup d'argent.
Du point de vue du soutien fédéral, dont nous avons parlé dans notre mémoire, il nous semble possible, bien sûr, d'avoir accès au fonds national de production canadien, qui a d'ailleurs beaucoup aidé le secteur de la télévision à améliorer sa qualité. Par ailleurs, il serait aussi possible d'exiger que les grands réseaux qui font des transactions contribuent à un fonds qui serait réservé à la production radiophonique. Il y a donc deux façons de l'aborder.
Quant à nous, nous sommes relativement à l'aise avec l'un comme avec l'autre.
Mme Christiane Gagnon: J'ai une autre question. Nous avons visité les provinces de l'Ouest il y a deux semaines, et on nous a sensibilisés à la situation des francophones hors Québec et à la possibilité de mettre en communication l'ensemble de la communauté francophone--on l'appelle la population francophone--, qui est assez dispersée dans certaines provinces du Canada.
Peut-être, monsieur Boulay, pourriez-vous m'éclairer sur ce qu'on nous a dit, soit que 5 watts n'étaient pas suffisants pour relier la population qui est très dispersée en Saskatchewan et qu'il faudrait peut-être un émetteur de--je ne suis pas certaine du nombre de watts--peut-être 100 watts.
Mais si, par exemple, on reconnaissait que les normes précises ne leur conviennent pas, ce que je peux comprendre, si on demandait au CRTC d'assouplir sa réglementation pour répondre aux besoins de la communauté francophone, est-ce qu'il s'ensuivrait des changements dans la dynamique qui existe au Québec? Expliquez-moi cela, parce qu'au Québec, nous sommes tous regroupés. Et qu'est-ce que cela pourrait signifier pour la communauté anglophone du Québec, qui est peut-être plus dispersée?
M. Robert Boulay: Si vous me le permettez, je vais parler de nos régions à nous. Si Lucie Gagnon veut parler du Québec, je lui laisserai ce plaisir. C'est que la dynamique est quand même assez différente.
Vous parlez, vous, des stations en développement.
Le président: Oui, je pense qu'on avait fait une demande au CRTC.
M. Robert Boulay: C'est M. Desgagné, probablement.
Le président: Ils avaient demandé 500 ou 250 watts et on leur en a accordé cinq.
M. Robert Boulay: C'est cela. C'est que depuis janvier 2000, le CRTC donne le droit à ce qui s'appelle une station en développement. C'est un permis d'une durée de trois ans qui vous donne le droit de diffuser avec une puissance maximale de cinq watts. C'est un peu un moyen d'accélérer l'implantation des radios.
L'idée de départ est très bonne, sauf que cinq watts à Regina ou à Saskatoon, ce n'est pas tellement viable. Nous, ainsi que l'Assemblée communautaire fransaskoise, avons souvent déclaré au CRTC, quand nous en avons eu l'occasion, que c'était bien gentil, mais que c'était comme nous donner une automobile d'un cheval-vapeur. Alors, nous demandions qu'on fasse des exceptions et qu'on accorde des puissances de 250 watts, peut-être même de 500 watts en milieu urbain plus spécialement. Vous arrivez des Prairies et vous avez vu combien le territoire est vaste et combien les francophones y sont éparpillés. On ne va pas pour installer dix émetteurs de cinq watts; ce ne serait pas correct.
Ce que nous demandons, ce que demandent aussi les gens de l'Ouest, c'est que vous, membres du comité, demandiez au CRTC d'élargir cette autorisation pour qu'elle s'applique cas par cas; ce pourrait être 250 watts à Saskatoon et 500 watts à Regina, mais qu'on nous en donne la possibilité.
¿ (0950)
Mme Christiane Gagnon: C'est ça. En ce qui concerne le deuxième volet de ma question, qu'est-ce que cette modification ou cette acceptation aurait comme conséquence au Québec?
Mme Lucie Gagnon: Ce serait très différent. L'Association des radios communautaires du Québec s'est prononcée contre l'implantation de stations de radio en développement.
Une des raisons principales de notre opposition, c'est que ça favorise un développement non contrôlé de radios un peu partout sur le territoire sans égard aux stations qui sont déjà implantées. Au Québec, il y a déjà un bon nombre de stations de radio communautaires et dans certaines régions, l'apparition d'autres stations pourrait provoquer un déséquilibre important du point de vue économique.
Donc, ce que nous proposions, c'était plutôt de continuer d'aborder la question des nouvelles licences, en tout cas pour le Québec, de la même façon qu'avant; c'est-à-dire qu'un groupe ou une communauté qui a besoin d'une licence fasse la démonstration, comme toutes les radios communautaires l'ont fait, du besoin de cette communauté et obtiennent une licence avec, dès le départ, une fréquence suffisante pour survivre. Effectivement, cinq watts, c'est absolument ridicule. Ça ne tient pas debout. Il n'y a pas moyen pour une organisation de survivre avec cinq watts. On l'a vu au Québec; il y a des stations qui ont essayé et personne n'a réussi. Cinq watts, dans n'importe quel territoire, c'est une puissance qui est trop peu solide pour donner à un média la crédibilité dont il a besoin pour se développer. Nous disons donc qu'il faut maintenir le mode de développement de la radiophonie communautaire au Québec comme il l'était, mais nous comprenons très, très bien les besoins particuliers des francophones hors Québec.
Le président: Si je comprends bien, vous ne vous opposez pas au principe de la demande du point de vue des francophones hors Québec et des régions éloignées, mais pour le Québec, vous ne pensez pas que ce soit valable.
Mme Lucie Gagnon: Absolument.
[Traduction]
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Excusez-moi de ne pas avoir été là pour entendre vos exposés. Je les ai parcourus.
Dans ma circonscription, nous avons la station de radio de Cole Harbour qui vient tout juste de commencer à diffuser ces six derniers mois. Cette station est née d'un conflit racial à l'École secondaire de Cole Harbour, à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Il s'agit donc d'une station de radio communautaire qui est issue d'un ensemble bien défini de valeurs fondamentales, du désir de la population de se regrouper pour combattre le racisme dans la collectivité.
Cela a été vraiment extraordinaire de voir tous ces gens se serrer les coudes, donner des milliers d'heures de leur temps, ce travail bénévole étant augmenté du travail des employés qu'on a pu embaucher grâce à l'aide fédérale considérable qu'on a obtenue au départ de DRHC, et se démener pour obtenir des fournitures et du matériel électronique. La difficulté est maintenant d'assurer le maintien de la station à long terme. Je suis intéressée par ce que vous avez dit au sujet de la nécessité de créer un fonds qui puisse contribuer au maintien des stations de radio communautaires.
À la lumière de ce qui se passe dans le cas de cette station chez moi, j'aimerais que vous nous disiez d'après votre expérience comment les choses se passent une fois la période de lancement initiale terminée, comment on fait pour obtenir l'appui de la population afin d'assurer le maintien de la station et comment nous pouvons vous aider en tant que comité. Quel genre de recommandations pourrions-nous faire? Je vous ai entendu parler d'un fonds, mais je me demande à quoi pourrait ressembler ce fonds et comment les stations s'y prendraient pour obtenir ce financement. À quels critères devraient-elles satisfaire et à quelle étape de leur développement devraient-elles pouvoir y avoir accès?
[Français]
M. Serge Paquin: Ce qu'il faut comprendre dans la proposition de créer un fonds, fondamentalement, c'est que ce ne sont pas des subventions ou de l'argent neuf; c'est de l'argent qui est déjà investi dans le système canadien de télédiffusion. On pourrait ajouter à cela les contributions des radios privées. Tout cet argent serait géré par un fonds, par un comité indépendant qui recevrait les demandes de tous les radiodiffuseurs non commerciaux et qui, selon certains critères d'évaluation, pourrait juger de la pertinence des demandes et octroyer un certain montant d'argent selon le nombre de demandes et selon les fonds disponibles.
Ce comité-là pourrait être formé par des radiodiffuseurs privés, des représentants des radios communautaires francophones et anglophones qui, sur la foi de certains critères, rendraient des décisions pour financer des émissions à contenu canadien, des émissions à contenu éducatif qui permettaient à ces radios de se concentrer sur d'autres efforts et de leur fournir les moyens, finalement, de produire des choses de qualité sans mettre beaucoup d'efforts et d'énergie, sans mettre cela de côté.
Ça prend énormément de temps pour gérer des bénévoles et faire des levées de fonds. Donc, on doit malheureusement négliger un peu la qualité de notre programmation. Ce n'est pas que celle qu'on fait n'est pas bonne; c'est qu'on ne peut pas se concentrer totalement sur cet aspect-là. Donc, je crois que ce fonds permettait d'atteindre des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.
¿ (0955)
M. Jean-Pierre Bédard: Peut-être peut-on prendre comme exemple les critères qui existent présentement au Québec, au ministère de la Culture et des Communications, pour que les médias communautaires soient admissibles aux subventions du gouvernement. Certains critères correspondent, entre autres, à l'accès aux ondes pour la communauté, pour les citoyens. Il y a aussi la participation populaire au processus de cette radio qui est important. Il doit y avoir un conseil d'administration indépendant et élu démocratiquement en assemblée générale. Ce sont, pour nous, des critères qui semblent essentiels pour donner un modèle pour la distribution des fonds.
Il y a aussi l'aspect du contenu local. Évidemment, les médias doivent contribuer à donner un contenu local pertinent. Ça peut être par le biais du secteur de l'information. On parlait tout à l'heure de la concentration de la presse. D'après moi, les médias communautaires, les radios communautaires sont probablement les derniers à être en mesure d'offrir cette information locale aux communautés qu'ils desservent. Pour nous, ce sont des choses qui seraient essentielles dans la procédure comme telle pour que le fonds soit accessible et pour établir certains critères d'admissibilité.
Le dernier aspect, c'est le soutien à la formation des citoyens, tant par le contenu des projets qui seraient présentés et par l'information que par l'expérience démocratique de ces radios-là.
[Traduction]
Mme Wendy Lill: Je me demande comment le public pourrait contribuer au contenu de la programmation. L'idée me paraît très intéressante. On ne cesse de nous dire que les diffuseurs privés présentent des bulletins de nouvelles dans les collectivités qu'ils servent, mais qu'ils ne diffusent guère d'émissions d'affaires publiques ou de reportages en profondeur sur les questions d'intérêt local. Il semble que les stations de radio communautaires soient toutes désignées pour jouer ce rôle. Comment la population peut-elle avoir son mot à dire sur le contenu de la programmation de la station communautaire?
[Français]
Mme Lucie Gagnon: De façon générale, c'est un processus participatif qui, au Québec, est maintenu grâce à deux structures. Il y a dans les radios communautaires, bien sûr, le conseil d'administration, qui est constitué de citoyens, mais un très bon nombre de stations ont aussi un comité de programmation, c'est-à-dire des gens de la communauté qui vont réfléchir aux orientations et à la façon dont la station doit préparer sa programmation et réaliser ses émissions. Fondamentalement, le principe de base de la participation à la programmation, tant sur le plan de la planification que sur le plan de l'opération de la programmation, repose sur la volonté très claire des ressources et des énergies en formation, en encadrement et en soutien à la participation. Cela doit se faire au quotidien, à tous les jours, jour après jour, et cela doit être maintenu avec beaucoup d'efforts.
Les coûts de ce maintien sont plus élevés que le recours à des salariés pour faire la même programmation. Il y a une espèce de perception dans le secteur de la radio commerciale, entre autres, selon laquelle faire de la radio communautaire coûte moins cher que de faire de la radio privée parce que, de toute façon, nous avons des bénévoles qui viennent faire des émissions.
Ça prend pas mal plus de personnes ressources pour encadrer des bénévoles qui doivent faire une heure d'émission que ça en prend pour dire à un employé ce qu'il va dire et quelle pièce il va faire jouer. C'est complètement différent et ça demande beaucoup de formation, beaucoup de soutien. C'est comme ça qu'on réussit, après 30 ans, à avoir encore des citoyens qui participent.
À (1000)
[Traduction]
Le président: M.Tirabassi, suivi de Mme Bulte.
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
Ma circonscription comprend la ville de Welland, qui compte sans doute la population francophone la plus importante de toute la vallée du Niagara. On trouve bien d'autres localités semblables dans les différentes régions de l'Ontario et dans le reste du Canada, aussi je me demande à quoi cette population peut s'attendre ou devrait s'attendre en fait de programmation. Pourriez-vous, par ailleurs, me définir ce qu'on considère comme plutôt régional ou plutôt local? Dans mon coin de pays, nous sommes tellement influencés par Toronto et la région avoisinante qu'on ne sait plus très bien où s'arrête la programmation locale et où commence la programmation régionale. Je me demande à quoi cette population peut s'attendre ou devrait s'attendre et aussi dans quelle mesure elle a voix au chapitre quand il s'agit de décider du contenu de la programmation qu'on lui offre.
[Français]
M. Serge Paquin: On a actuellement 18 stations en ondes qui sont en situation minoritaire et qui sont toutes regroupées au sein d'un réseau satellite, le Réseau francophone d'Amérique. On produit actuellement des émissions qui proviennent des régions. On en produit à la tête de réseau. Donc, chaque radio communautaire est indépendante et peut prendre quelques éléments ou l'ensemble des éléments et les bulletins de nouvelles que nous produisons.
Pour répondre à votre question, le succès des radios communautaires est fondé sur la participation et la volonté de la communauté, et c'est cette communauté qui a une volonté de mettre sur pied une radio communautaire qui va orienter le contenu de sa programmation. Un peu comme Mme Gagnon l'avait précisé, il y a des comités et des conseils d'administration qui veillent à ce que la radio soit le reflet des besoins et des attentes de la communauté qu'elle est appelée à desservir.
Dans le cas de Welland, par exemple, il y a déjà eu une tentative de la communauté francophone de mettre sur pied un projet, mais à ce moment-là, on n'avait pas nécessairement toute l'expertise et les outils nécessaires, et la communauté n'était peut-être pas assez équipée pour poursuivre le projet. Mais à la base, lorsqu'on parle de contenu et de la question locale et régionale, il est évident que le comité de programmation ou le personnel pourrait, en se basant sur les orientations du conseil d'administration et du comité de programmation, décider d'orienter une portion des émissions en fonction des affinités de la région avec la communauté de Toronto. Cela n'est pas exclu, comme il n'est pas exclu, non plus, qu'elle soit principalement et presque majoritairement orientée vers les besoins et les réalités de la grande région de Welland.
Mme Lucie Gagnon: Je pense que de toute façon, dans le cas des stations qui voudraient se développer dans les grands centres, les interventions qu'on a faites au tout début concernant la disponibilité de fréquences et la réservation de fréquences pour le secteur communautaire sont par ailleurs déterminantes. Il n'y a pas de communautés qui vont arriver à faire leur propre programmation s'il ne reste plus de fréquences disponibles.
M. Serge Paquin: Justement, je crois que la région de Welland est un cas problématique compte tenu de sa situation géographique, parce qu'elle est influencée par les ondes américaines et celles du Grand Toronto. Les ondes voyagent aussi sur le lac Ontario, ce qui fait qu'il est peut-être même, à l'heure actuelle, trop tard pour votre communauté francophone. Je n'ai pas d'études spécifiques là-dessus, mais à mon avis, il reste très peu de fréquences potables disponibles. Donc, c'est une urgence pour nous parce qu'il y a des zones comme Vancouver et Toronto où la rareté des fréquences est très problématique et où le développement futur est pratiquement impossible. On nous dit d'attendre le numérique, mais ça fait 10 ans qu'on attend le numérique. En attendant, on fait quoi? On est obligés de faire des petites radios de cinq watts.
À (1005)
[Traduction]
M. Tony Tirabassi: Merci, monsieur le président.
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale--High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens, moi aussi, à vous remercier tout d'abord pour vos exposés.
Permettez-moi de commencer par réagir, monsieur Paquin et monsieur Boulay, à ce que vous avez dit au sujet du fait qu'il faudrait modifier la partie VII de la Loi sur les langues officielles afin de la clarifier. Je tiens à vous signaler à ce propos que le Comité mixte permanent des langues officielles consulte actuellement la population sur le plan d'action du ministre responsable de la coordination des dossiers relatifs aux langues officielles et qu'il a entendu hier le témoignage des diverses communautés francophones du Canada. Je vous incite fortement à venir témoigner devant ce comité et à travailler avec lui afin d'essayer de trouver des solutions aux préoccupations que vous avez relativement à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, car il me semble que nous pouvons travailler ensemble là-dessus. Je vous invite toutefois à venir apporter votre message à ce comité-là aussi.
Deuxièmement, j'ai été très intéréssé d'apprendre, comme vous l'avez dit, madame Gagnon, que les diffuseurs privés ne peuvent pas acheter de stations communautaires. Si je vous ai bien comprise, pourriez-vous me dire où cette interdiction se trouve énoncée? Serait-il avantageux de lever cette interdiction? Vous avez cité l'exemple d'Astral. Voilà pour ma première question.
J'en ai une autre: vous avez dit dans votre conclusion, et je crois que les propos de Mme Gagnon et de M. Bédard vont dans le même sens:
Le gouvernement devrait s'assurer que le CRTC réserve des fréquences dans les grands centres urbains à l'intention des minorités francophones du pays. |
Ce n'est pas que je ne suis pas d'accord avec vous, mais je me demande comment on pourrait y arriver. Le CRTC a pour rôle d'assurer le respect de la Loi sur la radiodiffusion et, bien que vous ayez dit dans votre mémoire, messieurs Paquin et Boulay, que l'article 26 autorise le gouvernement à émettre des directives, je vous ferai remarquer qu'il s'agit là d'une approche parcellaire. Aidez-nous donc à en arriver à une politique qui ne nécessiterait pas chaque fois l'examen du dossier par le Conseil des ministres, suivi d'instructions à l'intention du CRTC. Comment concilier l'autonomie du CRTC et la Loi sur la radiodiffusion? Ne devrions-nous pas chercher à modifier la Loi sur la radiodiffusion?
Enfin, je veux revenir à ce fonds dont vous avez parlé. Monsieur Paquin, je crois vous avoir entendu dire que le fonds ne nécessiterait pas de nouveaux débours.
Une des grandes réussites du Fonds canadien de télévision est le financement conjoint du secteur public et du secteur privé, une partie des 5 p. 100 devant être versée au Fonds canadien de télévision et un montant équivalent devant être versé par le gouvernement. C'est là ce qui fait vraiment le succès du Fonds canadien de télévision, en raison de l'effet de levier qu'il obtient ainsi.
Vous êtes-vous entretenu avec les diffuseurs privés? Je crois savoir que les distributeurs peuvent décider eux-mêmes de la répartition de cette tranche de 5 p. 100 de leur revenu. Le gouvernement fédéral ne les oblige pas à mettre cet argent dans le Fonds ni à le mettre dans le secteur privé... Que pouvons-nous faire pour en arriver à un partenariat? J'essaie de trouver les solutions à l'intérieur des paramètres existants. Comment pouvons-nous faire passer ce message?
Mes questions s'adressent à vous tous.
[Français]
Mme Lucie Gagnon: D'abord, en ce qui a trait à la question de la propriété, la définition que fait le CRTC de la radiodiffusion communautaire dans l'avis public 2000-13 comprend un élément qui décrit la radio communautaire comme une entreprise sans but lucratif. Autrement dit, pour avoir la fréquence, vous devez être sans but lucratif. Donc, une entreprise commerciale ne pourrait pas acheter une radio communautaire parce que la définition de la radio communautaire inclut la notion «sans but lucratif».
Ce qui nous inquiète, c'est que, dans le cadre d'une nouvelle consultation publique, le CRTC vient d'introduire la notion de télévision communautaire à but lucratif. Nous nous opposons complètement à cette notion-là. Nous nous opposons à toute introduction du secteur commercial à but lucratif dans le secteur de la radio communautaire ou de la télévision communautaire, parce qu'à partir du moment où on va les laisser entrer, c'est la radio et la télévision locales qui vont disparaître pour de bon.
Il reste encore quelques télévisions commerciales indépendantes au Québec et ailleurs, mais cela ne va pas durer. Donc, ce qu'il faut faire, c'est s'assurer que la loi, qui dit au CRTC quoi faire, soit très claire sur le fait qu'une entreprise communautaire est une entreprise sans but lucratif. C'est un des points les plus importants en ce moment. Ça change toute la donne. La télévision et la radio canadiennes n'auront plus du tout la même apparence si on laisse faire cela. Alors, notre point de vue est simplement qu'il faut absolument préciser dans la loi ce que sont la radio et la télévision communautaires.
En ce qui concerne le fonds, je vais laisser les gens de l'ARC du Canada répondre au sujet de la décision du CRTC de ne pas donner à la programmation radiophonique un accès au fonds de production. C'est vrai que les radios et les télévisions commerciales ont le choix de proposer des investissements dans toutes sortes de choses lorsqu'elles font des transactions. Le CRTC, en ce qui concerne le 5 p. 100 des EDR, a aussi son mot à dire.
À (1010)
M. Serge Paquin: Pour répondre à la question de la partie VII de la loi, je dirai qu'on s'est rendu compte, avec nos analyses et dans le cas de différentes décisions, dont celle touchant Toronto, que le CRTC ne tient pas compte du facteur de la langue, du fait, par exemple, qu'à Toronto, où il n'y a pratiquement aucun service radiophonique en français outre la société d'État. On n'a pas de radio francophone à l'exception de 40 heures de production locale par la société d'État. Par ailleurs, et je n'ai rien contre les groupes ethniques, on a une radio portugaise et une radio chinoise. On a quand même ici une communauté de 200 000 personnes et plus. Donc, il nous apparaît tout à fait logique que le CRTC tienne compte de cet élément fondamental de la loi et du fait qu'il existe deux langues officielles au Canada.
Parlons de la question des fréquences. À chaque fois qu'on soulève cette question de réserver des fréquences auprès du CRTC, il nous dit que son rôle ne lui donne pas le pouvoir de réserver des fréquences. Donc, il renvoie la balle au gouvernement en disant qu'il analyse les demandes qu'il a et qu'il va prendre une décision sur la foi des demandes. Donc, on ne peut pas réserver des fréquences. D'ailleurs, même la société d'État, qui a un plan d'allotissement à long terme, n'a pas de garanties auprès d'Industrie Canada, qui gère le spectre radiophonique, que ces fréquences-là lui seront attribuées dans l'avenir. C'est bien de dire qu'on a des plans d'expansion au niveau de la société d'État, mais cette dernière n'a aucune garantie ferme que dans cinq ans, par exemple, la fréquence qu'elle convoite à Vancouver sera toujours disponible pour elle. On a ici un problème parce que le CRTC renvoie la balle au gouvernement. Donc, je crois que le gouvernement devrait instaurer une loi qui réserve au moins une fréquence potable pour ces communautés-là, surtout dans les centres urbains. Dans les petites communautés comme Whitehorse, Yellowknife ou Peace River, ce n'est pas problématique.
Pour revenir à la question du fonds, on s'est butés à un refus au niveau des EDR dans le fonds des câblos. Il est clair que le fonds de 5 p. 100 ne sera pas dirigé vers les radios communautaires. Cependant, les radios privées, elles, contribuent dans une certaine mesure à des fonds comme Factor ou MusicAction. Elles contribuent à mettre sur pied des galas et elles font, dans le cadre de transactions, des contributions tangibles. Mais il est évident actuellement que ces transactions et ces contributions ne sont pas dirigées vers le secteur de la radio communautaire parce que la radio communautaire est souvent un peu perçue comme étant en concurrence avec la radio privée.
Il y a des secteurs au Québec ou même chez nous où la radio communautaire a une meilleure cote d'écoute que la radio privée. Donc, il y a un esprit de concurrence. Demander volontairement à un compétiteur de contribuer n'est pas chose facile. Il faudrait quand même avoir une disposition dans la loi qui nous permette d'avoir une contribution notable.
À (1015)
[Traduction]
Le président: Très brièvement, madame Bulte, car il faut passer à d'autres.
Mme Sarmite Bulte: D'accord, ce sera une toute petite question. Dans votre dernière conclusion, vous avez parlé de Radio-Canada. La SRC ne vous considère-t-elle pas comme un concurrent? L'idée me paraît formidable. Comment pouvons-nous donner suite à votre dernière recommandation, monsieur Paquin, monsieur Boulay?
[Français]
M. Serge Paquin: La radio de Radio-Canada ne vend pas de publicité, ne fait pas de levées de fonds. Elle est financée à 100 p. 100 par l'État et n'a donc pas de soucis, sauf celui de renouveler ses ententes financières. Elle n'est pas en concurrence du tout. Au contraire, on a plusieurs projets de collaboration avec elle qui sont très satisfaisants.
[Traduction]
Mme Sarmite Bulte: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Duplain, vous avez demandé de poser une brève question. Il faudra que ce soit bref.
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): Non, je n'ai pas une brève question; j'ai beaucoup de questions.
Le président: Vous pouvez poser une question.
M. Claude Duplain: Vous coupez mon temps, si je comprends bien.
Je veux d'abord vous remercier d'être ici. J'ai entendu vos commentaires avec plaisir, et sachez que je donne tout mon appui au milieu communautaire. Madame Gagnon, ne soyez pas inquiète si nous sommes en train de réviser la loi. Je pense que c'est plutôt un bon moment pour revendiquer, pour faire vos demandes et obtenir des appuis quant à vos demandes. Je pense que nous sommes tous ici très au fait de l'importance du contenu canadien et francophone et de l'importance des minorités, principalement, en ce qui me concerne, pour le Québec.
Comme je suis obligé de limiter mes questions, je vous parlerai d'un domaine sur lequel j'aimerais avoir plus d'information, celui de la concentration des revenus. La radio communautaire sera toujours un peu marginale. Donc, les revenus seront marginaux avec les apports de revenus vraiment locaux. Dans quel sens la concentration des majeurs vient-elle vous...?
Mme Lucie Gagnon: La vente de messages publicitaires nationaux, même si elle ne représente pas un revenu de grande importance pour les radios communautaires, représentait quand même, bon an mal an, de 600 000 $ à 700 000 $ par année. En ce moment, on voit une réduction importante des revenus de publicité nationale, particulièrement pour les radios des milieux urbains ou des milieux situés à proximité des grands centres.
La raison en est très simple. Plus la concentration est grande dans les grands réseaux, plus on voit apparaître le phénomène suivant: acheter à CKOI ou ailleurs, par exemple, c'est acheter tout le territoire métropolitain et jusqu'à Drummondville. Donc, il n'est plus nécessaire d'acheter des petites radios régionales et des petites radios de banlieues. On rejoint les citoyens de ces endroits par le biais des grands réseaux.
Cela a eu un impact. C'est en train de faire baisser nos revenus de publicité nationale, comme ça fait diminuer d'ailleurs les revenus de publicité nationale des radios indépendantes commerciales.
M. Claude Duplain: Je suis d'accord que cela vous nuit. Mais par rapport à vos demandes, quelles remarques faites-vous? Qu'est-ce que vous aimeriez voir changer?
Je pense que nous en sommes là. L'évolution de la radiodiffusion fait qu'il y a des majeurs et je pense qu'on ne peut plus les retrancher.
Mme Lucie Gagnon: C'est pourquoi on insiste sur l'établissement d'un fonds pour les radios non commerciales. C'est urgent.
M. Claude Duplain: Vous avez des points de vue différents. Vous avez parlé tout à l'heure des fréquences de cinq watts qui sont accordées pour dire que le Québec s'y oppose. Est-ce que ce n'est pas pour exercer une certaine protection du territoire que vous vous y opposez? Est-ce parce que vous avez peur de voir arriver des concurrents?
Mme Gagnon disait tout à l'heure qu'au Québec, nous sommes concentrés. Selon moi, ce n'est pas vrai. Le Québec est aussi vaste que la Saskatchewan et il y a des endroits qui n'y sont pas accessibles non plus. Non? Donc, la venue d'autres...
Mme Lucie Gagnon: Je m'excuse, mais je n'ai pas compris votre question.
M. Jean-Pierre Bédard: Je peux vous en donner un exemple concret. Récemment, dans la ville de Québec, où il y a déjà eu deux stations de radio communautaire implantées, l'une depuis 25 ans et l'autre depuis 15 ans, il y a eu une demande pour une radio communautaire de petite fréquence dans le secteur de Charlesbourg, qui est vraiment dans la périphérie très rapprochée. C'est ce que cela a souvent pour effet: les demandes de radios communautaires proviennent de lieux où il y en a déjà d'autres qui sont implantées. Finalement, le seul résultat de ces opérations est de fragiliser les radios déjà implantées.
Il ne faut pas se leurrer. Les gens qui s'intéressent à la radio communautaire ne forment bien souvent qu'une petite fraction de la population. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on effrite cette partie de la population qui se partage entre différentes radios communautaires.
De plus, cela effrite la part du marché publicitaire et même les subventions disponibles pour toutes les stations d'un même marché.
À (1020)
M. Claude Duplain: Mais quand vous avez un réseau communautaire dans certaines villes du Québec... Je ne connais pas exactement leur rayonnement, mais vous couvrez la ville de Québec. Prenons l'exemple de Portneuf. Vous ne pénétrez sûrement pas dans Portneuf.
M. Jean-Pierre Bédard: Oui, nous pénétrons dans Portneuf.
M. Claude Duplain: Vous entrez dans Portneuf aussi. Vous allez jusque-là! Mais par rapport à vos demandes...
M. Jean-Pierre Bédard: On pénètre aussi dans Charlesbourg, ce qui n'a pas empêché une radio de s'implanter dans Charlesbourg.
Mme Lucie Gagnon: Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas un besoin et une capacité, dans Portneuf, par exemple, de développer une station locale. Ce que nous disons, c'est que pour développer une station de radio, il faut à long terme des investissements locaux importants. Il en coûte actuellement de 300 000 $ à 350 000 $ par année pour maintenir une radio communautaire. Ces investissements-là, il faut que la population soit capable de les faire. Et nous disons que pour implanter des médias solides, qui répondent véritablement aux besoins, et non seulement en partie, il faut le faire dans des communautés qui sont en mesure d'en assurer le financement et aussi la participation.
Nous disons donc simplement qu'il faut faire attention aux fréquences qui sont offertes pour le développement de stations sans beaucoup de réflexion sur leur potentiel, parce que c'est dangereux. Nous souhaitons qu'on réfléchisse davantage avant d'implanter une station. Nous ne demandons pas de contrôler...
M. Claude Duplain: Juste pour éclairer ma lanterne et par simple curiosité, dites-moi ce que cinq watts représentent. Chez vous, à Québec, quel rayonnement obtenez-vous?
M. Jean-Pierre Bédard: Cinq watts peuvent couvrir environ un quartier, avoir dix kilomètres de rayonnement.
Le président: Je voudrais vous poser une seule question. Il y a dans la Loi sur la radiodiffusion une espèce de confusion entre le régional et le local. En fait, Radio-Canada et CBC ont interprété la loi; ils ont désobjectivé la loi en disant que, selon eux, c'était de radiodiffusion et de télédiffusion régionales qu'il s'agissait dans la loi.
Est-ce que vous pensez qu'il faudrait préciser la loi pour définir clairement la différence qui existe entre régional et local?
M. Serge Paquin: Pour nous, il est évident que le mandat pancanadien de Radio-Canada, qui porte sur des dossiers d'intérêt pour l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes, est un mandat primordial qui est nécessaire pour la souveraineté du pays.
Là où on est un peu moins d'accord, c'est lorsque Radio-Canada veut vraiment faire de la radio locale. Je ne crois pas que ce soit son mandat. Par exemple, il a des antennes à Moncton où il traite des dossiers d'intérêt pour l'Atlantique, ce qui est très bien. Cependant, lorsque Radio-Canada se rend dans les salles paroissiales pour couvrir les petites manifestations locales, je crois qu'on vit un phénomène de duplication.
Il est évident que le mandat premier de la radio communautaire est de bien desservir l'aspect local et régional et...
Le président: En nous en tenant uniquement au contenu de la loi, est-ce qu'on devrait y définir plus précisément la différence entre ce qui est régional et ce qui est local pour ne pas créer de confusion?
M. Serge Paquin: Par rapport à ce que je viens de dire, oui, afin que ce soit encore plus clair, ce qu'on souhaite.
Le président: Est-ce la même chose pour vous, madame Gagnon?
Mme Lucie Gagnon: Les enjeux ne sont pas évidents, en ce qui nous concerne. Cependant, les lois précises et bien définies favorisent généralement une meilleure compréhension chez tout le monde.
Le président: Madame Gagnon, vous pouvez poser une très brève question.
Mme Christiane Gagnon: On parle beaucoup de diffusion locale et d'établir une distinction. Pour ma part, je pense que vous devriez aussi mettre l'accent sur le fait que vous êtes une radio différente. Quand on écoute le poste FM 93 le matin, ce qu'on entend est aussi d'intérêt local. En même temps, je pense que votre programmation vous distingue beaucoup des stations privées. Par exemple, les émissions musicales qui rejoignent diverses communautés, les commentaires que vous faites et l'importance que vous donnez à certaines nouvelles la rendent différente.
Je vous étiquette comme différents et je vous écoute pour cela, pour votre approche qui est différente, qui est communautaire. C'est ce qui fait souvent la distinction entre le privé et le public.
À (1025)
Mme Lucie Gagnon: Si vous me le permettez, je dirai que les radios communautaires préfèrent se définir en fonction de la propriété, de l'accessibilité aux ondes. Une des raisons fondamentales pour lesquelles on le fait, c'est qu'un bon nombre de stations de radio communautaires au Québec, soit plus de la moitié, sont les seules à occuper leur marché; c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'autre service local de radio.
Quand on est tout seul, on ne peut être différent de quelqu'un d'autre. Ces stations-là ne sont pas nécessairement des stations qui, à l'oreille, rendent un son différent. Elles ont une approche différente qu'on perçoit à leur accessibilité et à leur propriété.
M. Claude Duplain: J'ai envie de profiter de ce que le président est distrait pour prendre la parole. Je vais juste poser une question, parce qu'on a parfois peur de la question...
Une voix: Monsieur le président, est-ce que...
Le président: Excusez-moi. J'ai été interrompu.
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Me permettez-vous une petite question?
Le président: Il y a aussi Mme Lill qui voudrait poser une question. Il faudrait être très bref car il me faudra donner la parole à d'autres qui veulent aussi se faire écouter.
M. Robert Lanctôt: Je serai très bref, monsieur le président. Je voudrais seulement éclaircir un point pour le bénéfice de votre comité. Je sais bien que je ne fais pas partie du comité permanent, mais me trouvant sur les lieux, je vois quand même qu'on entend des demandes différentes.
À propos du 5 p. 100, certains endroits du Canada aimeraient l'avoir mais pas le Québec. Pourrait-il exister un modus vivendi qui ferait que, lorsqu'on est déjà établi, on a une sorte de droit acquis, que la nouvelle station ne peut pas empiéter sur le territoire de la première? Pourrait-on tracer une ligne au milieu, une médiane, qui permettrait à la nouvelle station de prendre une certaine expansion?
Je le dis pour le bénéfice de votre comité, car j'ai entendu deux choses différentes. Est-il possible d'établir une médiane pour protéger ceux qui sont déjà là et permettre aux nouveaux de prendre de l'expansion?
Je vous remercie.
M. Jean-Pierre Bédard: Ça fonctionne déjà comme ça au niveau du CRTC. Je pourrais ajouter là-dessus qu'une fois qu'on a une fréquence hertzienne, il y a d'autres moyens de se faire entendre auprès de la population. Et là, il y a des éléments qui sont parfois difficiles à obtenir. Par exemple, il est difficile de pouvoir avoir sa fréquence sur le câblodistributeur local ou sur les nouveaux satellites, pour la télévision et la radio par satellite. Ce sont de nouvelles réalités qui représentent des parts de marché de plus en plus importantes et des habitudes chez la population. Dans ce sens-là, je pense principalement aux satellites. Il y a très peu de présence locale dans ce que nous offre ExpressVu ou Star Choice. Il me semble qu'il y a quelque chose qui va devenir pervers quelque part dans le fonctionnement de ces nouvelles habitudes, alors qu'on va être mieux informés sur ce qui se passe en Israël et en Afghanistan que sur ce qui se passe dans notre propre localité.
On pourrait peut-être recommander au comité d'assurer une certaine vigilance pour que ces nouvelles habitudes d'utilisation des médias fassent place aussi aux médias locaux.
[Traduction]
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Mon intervention vise surtout à obtenir des informations. On nous a dit ce matin que le CRTC souscrit maintenant à l'idée d'une télévision communautaire à but lucratif. J'aimerais pouvoir comprendre comment cela peut se faire aux termes de la loi. Je veux m'assurer de bien comprendre ce qui se passe à l'heure actuelle et d'être bien au fait des répercussions qui en découleront pour la radio et la télévision communautaires.
Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter à ce sujet qui pourrait nous éclairer, mais j'aimerais que les attachés de recherche nous aident à faire la lumière sur cette question.
[Français]
M. Serge Paquin: Je crois qu'on ne peut pas dénaturer le terme «communautaire» et l'utiliser pour faire de l'argent, pour faire une entreprise à but lucratif. Fondamentalement, si on ouvre la porte à l'exploitation d'une entreprise communautaire, d'une télévision communautaire, mais que, par derrière, c'est une entreprise privée qui possède l'entreprise, il va y avoir confusion, et pas seulement dans le secteur de la radio. Il va y avoir confusion dans l'ensemble du pays au niveau des organismes à but non lucratif. Qui sait? N'importe qui va pouvoir utiliser le terme «communautaire» pour faire de l'argent. Je crois que ce serait un précédent qui pourrait occasionner énormément de problèmes à la société.
À (1030)
Mme Lucie Gagnon: Pour compléter l'information, le CRTC a introduit cette notion-là dans l'avis public numéro 2001-129, qui porte sur un cadre stratégique pour les médias communautaires et tout particulièrement sur un cadre de développement pour la télévision communautaire, qui a de nombreuses difficultés. Ils vont certainement pouvoir vous en parler.
Ce mémoire en est un de consultation publique. La décision finale du conseil devrait être rendue publique au mois de juin prochain. On est très inquiets et on s'est opposés à cette notion-là, mais on ne sait pas comment ça va être reçu par le CRTC.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Paquin, monsieur Boulay, madame Gagnon et monsieur Bédard, de vos présentations qui, je peux vous l'assurer, ont été très, très utiles au comité.
Ne vous tracassez pas, madame Gagnon. On vous a écoutés avec beaucoup d'attention.
Mme Lucie Gagnon: Merci beaucoup.
Le président: Nous entendrons maintenant la Corporation de télédiffusion du Grand Châteauguay inc. et la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec.
Je voudrais accueillir M. André Simard, le secrétaire du conseil d'administration de la Corporation de télédiffusion du Grand Châteauguay inc., et Mme Isabelle Fortier, administratrice du conseil d'administration.
M. André Desrochers (coordonnateur, Comité pour le rebranchement, Corporation de télédiffusion du Grand Châteauguay inc.): Malheureusement, Mme Fortier n'a pas pu se déplacer. Compte tenu qu'on est venus hier, dans la tempête, et qu'elle est enceinte de sept mois, elle n'a pas voulu prendre le risque de se déplacer.
Le président: Je crois qu'elle a eu raison.
M. André Desrochers est le coordonnateur du Comité pour le rebranchement.
De la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec, nous recevons M. Stéphane Lépine, le vice-président, M. André Desrochers, administrateur, qui comparaît au nom des deux organismes, et M. Gérald Gauthier, agent de développement et de recherche.
Monsieur Desrochers, allez-y.
M. André Desrochers: D'abord, monsieur le président et membres du comité, au nom du conseil d'administration et au nom de nos membres bénévoles et de la communauté que nous desservons, je vous remercie de l'occasion que vous donnez à la télévision communautaire du Grand Châteauguay et du Grand Beauharnois de s'exprimer dans le cadre de cette étude. Au cours de notre intervention, la CTGC n'a pas l'intention de répéter ce qu'elle a écrit dans son mémoire, mais elle sera heureuse de répondre ensuite à toutes les questions s'y rattachant.
Comme vous avez pu le constater dans les quelques pages de notre mémoire et dans les annexes que nous avons jointes, c'est toute une communauté qui est présentement au coeur d'une lutte plus large où s'affrontent les intérêts de la fibre optique au détriment de ceux de la fibre sociale. Nous existons par charte, par volonté de la communauté, qui nous presse de revenir en ondes dans les plus brefs délais. Mais nous n'avons accès à aucun canal de diffusion présentement. Vidéotron a résilié notre entente le 29 novembre 1999 et, de par sa licence, il a l'occasion de mettre en ondes qui il veut, ce qu'il veut et quand il le veut. Nous produisons encore, mais les documents ne servent pour l'instant qu'à des visionnements internes ou pour les archives.
Reconnaissant nos efforts et notre ténacité à défendre le libre accès des collectivités aux ondes communautaires canadiennes, dans le cadre de l'Année internationale du bénévolat, la ville de Châteauguay a remis à la CTGC le grand prix, volet culturel, lors de son Gala du Mérite bénévole 2001.
Dans sa nouvelle structure, Vidéotron-Quebecor a détourné le contrôle de la programmation vers ses bureaux montréalais. Il n'utilise plus les organismes locaux de production. Malgré le récent énoncé de politique du CRTC annonçant qu'à l'avenir un pourcentage devra être respecté en termes de production et de diffusion d'émissions locales, nos demandes écrites d'accès au canal supposé communautaire de VOX restent sans réponse.
Avec la révision que vous effectuez, le Comité permanent a l'occasion d'installer les outils nécessaires pour empêcher ces abus et donner la place qui revient à ce mal aimé de la loi, mais qui est vital pour l'esprit démocratique qui anime ce pays.
Vous nous avez d'abord très inquiétés lors de la publication de votre avis d'étude au printemps dernier. Rien dans les thèmes, les questions et les objectifs publiés ne touchait directement l'élément communautaire. Toutefois, depuis quelques semaines, la CTGC est rassurée. Nous suivons très attentivement vos activités via les transcriptions du site Internet.
Premièrement, il y a eu Mme Sheila Copps, la ministre du Patrimoine canadien, qui est venue vous demander d'accorder une attention spéciale aux ressources pour une programmation de qualité, à la diversité des voix, mais surtout à l'assurance que la radiodiffusion locale réponde aux besoins des collectivités.
Puis, lors de votre rencontre du 29 janvier dernier, à laquelle participaient les professeurs David Taras et Marc Raboy, le comité s'est entendu pour qu'un rapport provisoire soit produit à l'intérieur duquel la question de la programmation locale et régionale tiendra une place prépondérante.
Finalement, le 19 février, lors des derniers témoignages actuellement disponibles sur le site Internet, il y a eu vos pertinentes questions aux représentants des entreprises de câble au sujet de la place du canal communautaire et surtout sur son financement pour l'avenir. La CTGC perçoit là une réelle détermination de votre part de voir à ce que l'élément communautaire prenne sa place dans l'avenir.
Toutefois, un détail nous échappe: pourquoi Vidéotron n'était-il pas présent à cette rencontre, et est-ce que le comité entend le recevoir?
Le CRTC est venu vous avouer ici même, il y a quelques semaines, la réelle place de l'élément communautaire au pays actuellement. Je cite M. David Colville: « Nous travaillons présentement à élaborer de nouvelles politiques pour aider les services communautaires à faire partie intégrante du système canadien de radiodiffusion. » Voilà une preuve supplémentaire, s'il en fallait une, du fait que nous ne faisons toujours pas partie du système.
Pourtant, le rapport de la commission Caplan-Sauvageau, en 1991, avait été sans équivoque. En incorporant l'élément communautaire dans la loi, il fallait remettre le contrôle et la responsabilité du canal communautaire aux communautés en créant leurs propres licences accessibles à des organismes sans but lucratif. Le CRTC n'a jamais appliqué ces règles et a toujours laissé le canal communautaire comme un avantage concurrentiel commercial aux câblodistributeurs, une erreur grave que le conseil tente en partie d'atténuer avec son projet de politique 2001-129, projet qui veut malheureusement permettre l'octroi de licences communautaires à des organismes à but lucratif qui ont pour seul principe la viabilité économique d'une télévision.
La télévision communautaire n'est pas et ne doit pas devenir un service offert par un particulier pour ses besoins financiers ou ses ambitions personnelles, mais demeurer un outil démocratique de développement social pour la communauté.
Au Québec, le gouvernement provincial nous a régulièrement soutenus, entre autres par deux motions d'appui votées à l'unanimité à l'Assemblée nationale, mais surtout par le programme de subventions aux médias communautaires du ministre de la Culture et des Communications. D'ici quelques semaines, il s'apprête à nous aider financièrement afin que nous puissions remplacer notre équipement analogique désuet par des installations numériques. Mais la demande pour les médias de proximité, particulièrement la télévision communautaire, n'est pas unique ici, au pays.
À (1035)
En Australie, où une bande du spectre numérique sera réservée uniquement pour les canaux communautaires, au Royaume-Uni, avec l'introduction de la restricted service licence en 1997, en Irlande, où on vient d'instaurer la première politique en matière de télévision communautaire distribuée par câble en mars 2001, en Allemagne, avec les open channels, en Hollande, où on autorise un diffuseur local par ville, ou aux États-Unis, où 2 600 télévisions communautaires diffusent sur le câble, la demande est croissante. La société civile exige d'avoir accès à ce médium qu'est la télévision, car elle est désormais consciente de son impact majeur. Elle ne veut plus seulement consommer ce qu'une poignée de conglomérats veut bien lui montrer, mais participer à la production du message véhiculé.
Le système canadien peut désormais offrir des centaines de chaînes à la population, mais la quantité de choix n'amène pas nécessairement la diversité des voix. Le CRTC vous a présenté ses chiffres récemment. Il y aurait plus de 700 canaux communautaires au pays. Cependant, lorsque la majorité de ces canaux sont la propriété de trois ou quatre grands groupes qui centralisent les activités à leur quartier général, loin des collectivités, lorsque les communautés, sous leur licence, sont dépouillées de leurs outils de production et de diffusion pour n'être qu'invitées à des magazines hebdomadaires qui donnent accès aux ondes quatre minutes aux trois semaines, on ne peut pas parler d'accès ou de diversité des voix. Donner l'accès aux ondes, ce n'est pas seulement donner la parole trois à quatre minutes aux trois semaines à quelques citoyens ou à quelques regroupements d'une communauté qu'un câblodistributeur aura identifiés préalablement comme n'étant pas nuisibles à ses intérêts. L'accès doit être constant et refléter les intérêts, les besoins et les opinions divergentes de l'ensemble de la collectivité.
Selon une étude de Kim Goldberg, en 1972, plus de 75 p. 100 de la programmation communautaire était produite prioritairement ou totalement par des membres bénévoles de la communauté, avec une légère assistance technique du câblo. En 1978, le tout avait déjà chuté à 44 p. 100; 25 ans plus tard, l'accessibilité est devenue catastrophique.
Marc Raboy écrit dans un de ses ouvrages:
[Traduction]
Nous vivons à une époque d'abondance sans précédent en matière d'information. De plus en plus, le pouvoir appartiendra à ceux qui sauront se servir de cette information pour faire la promotion de leurs objectifs sociaux. L'accès doit donc se mesurer en termes, non pas quantitatifs, mais bien qualitatifs. |
[Français]
Monsieur le président, le réel problème pour l'élément communautaire est l'accès aux ondes. Depuis 1998, date à laquelle le CRTC n'a plus obligé les compagnies de câblodistribution à exploiter un canal communautaire, les pertes sont considérables.
Notre mémoire vous fait un portrait de la situation actuelle dans le Grand Montréal. Au Canada, les ondes appartiennent aux Canadiens, et une utilisation juste et équitable de cette ressource doit permettre à tous les citoyens d'en bénéficier par le biais d'un canal indépendant et détaché de la licence des câblodistributeurs. La télévision doit être aussi faite avec, par et pour les communautés qui expriment leurs besoins, et non seulement avec, par et pour les portefeuilles des actionnaires.
À (1040)
M. André Simard (secrétaire, Corporation de télédiffusion du Grand Châteauguay inc.): Nous passons maintenant aux recommandations de la CTGC au comité.
Pour faire face aux défis qui se posent à l'industrie de la radiodiffusion et à ses interventions, particulièrement en ce qui concerne l'élément communautaire, en plus d'appuyer les recommandations de sa fédération, la CTGC réitère celles qu'elle a écrites dans son mémoire.
Premièrement, il faut conserver le CRTC.
Deuxièmement, il faut élire des commissaires au CRTC émanant du milieu communautaire.
Troisièmement, il faut établir une instance pour répondre des actes et des décisions du CRTC.
Quatrièmement, il faut détacher la télévision communautaire de la licence du câblodistributeur, et instituer une licence, une politique et des règlements uniquement pour les télévisions communautaires sans but lucratif.
Cinquièmement, il faut reconnaître le statut des télévisions communautaires autonomes et se servir de leur modèle à travers le pays.
Les télévisions communautaires autonomes au Québec sont en place depuis plus de 30 ans. Dans certains cas, regroupées en fédération, elles ont servi d'inspiration pour l'instauration de la politique en Irlande. Elles sont citées en référence dans l'étude de la CBAA, la Community Broadcasting Association of Australia, au gouvernement australien concernant la place de la télévision communautaire en mode numérique. Les intervenants de l'Ouest du pays, qui sont maintenant au courant de notre existence, recommandent au CRTC de se servir de notre modèle communautaire au sens d'entité sans but lucratif pour les intérêts de leur communauté, au lieu du modèle des câblos, au sens de community TV, qui fait appel aux communautés d'intérêt, qu'elles soient à but lucratif ou non.
Sixièmement, il faut obliger toutes les formes de télédistribution à distribuer gratuitement le canal communautaire.
Septièmement, il faut maintenir l'obligation sociale des télédistributeurs de participer au Fonds canadien de télévision, mais en modifiant l'utilisation de ce fonds pour permettre de conserver un pourcentage uniquement pour l'élément communautaire.
Huitièmement, il faut réserver une bande de spectre pour l'élément communautaire à travers le Canada.
Nous espérons que nos recommandations seront retenues pour que votre rapport final contienne non seulement des mesures pour assurer la rentabilité économique de la télédistribution, mais aussi un plan d'action avec des exigences précises pour protéger et encourager le développement de cet élément qui demeure la seule voix disponible pour les citoyens, un élément qui participe pleinement au développement et à la diffusion de la culture, ainsi qu'au tissage de la fibre sociale des communautés du pays.
Merci de nous avoir écoutés. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
À (1045)
Le président: Monsieur Desrochers et monsieur Simard, je vous félicite pour votre présentation et surtout pour votre mémoire, qui contient des recommandations très étoffées et très détaillées qui vont beaucoup nous aider dans notre travail. Je vous félicite pour tout le travail que vous avez fait. Présenter un tel mémoire dans les deux langues, c'est tout un travail pour une télévision communautaire, et je vous en félicite.
Nous entendrons maintenant la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec, représentée par MM. Lépine et Gauthier.
Monsieur Lépine.
M. Stéphane Lépine (vice-président, Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec): Bonjour. J'aimerais tout d'abord mentionner que le document que nous allons lire n'est pas celui que vous avez entre les mains. Le nôtre est plus résumé, étant donné les 10 minutes que nous avons pour notre présentation. Veuillez excuser aussi l'absence de notre présidente, Mme Louise Nadeau, de la Télévision communautaire de la région de l'Amiante, qui est retenue à Thetford Mines pour plusieurs dossiers importants concernant cette télévision.
Membres du comité, nous aimerions d'abord vous remercier de nous permettre de nous exprimer dans le cadre de ce processus d'analyse de la Loi sur la radiodiffusion. Nous avons eu très peur lorsque nous avons pris connaissance du document de présentation de cette étude. Rien n'indiquait que l'élément communautaire serait pris en compte. Pourtant, la composante communautaire est fragile et est soumise aux règles de la concurrence auxquelles elle n'appartient pas. La déréglementation l'a placée dans une situation précaire incomparable.
Nous sommes heureux de ce volte-face de la part du comité permanent. Après quatre années complètes de déréglementation des services de radiodiffusion, qu'en est-il de l'état de la télévision communautaire? Si on se range du point de vue des citoyens, parti pris normal en matière communautaire, un revirement sérieux mérite d'être fait.
La fédération cherche, depuis sa création en 1998, à alerter le plus de gens possible pour leur faire comprendre que la télévision communautaire est en danger. Et c'est très vrai. Nous aurions préféré vous dire qu'elle se porte bien, qu'on lui a donné des moyens pour se faire une place et la maintenir, comme le recommandait le rapport Caplan-Sauvageau en 1991, mais ce n'est pas le cas.
Ces dernières années, nous avons pu rencontrer plusieurs intervenants, dont nous reconnaissons certains parmi vous, mais le dossier piétine. Pendant ce temps, au Québec seulement, au moins 13 télévisions communautaires ont cessé de diffuser et des communautés entières, comme Châteauguay ici présente, Laval, Saint-Jérôme et Repentigny, pour ne nommer que celles-là, ont été privées des ondes. La production et la diffusion opérées par leur télé locale ont été déménagées au profit d'une centralisation technique à Montréal. Le principe fort qui guidait le CRTC depuis 30 ans, le droit à un service public qui facilite l'expression grâce à un accès libre et ouvert, est maintenant brouillé.
Je sors un petit peu de mon texte pour vous mentionner ce que disaient nos amis de la radio. Les gens sont beaucoup plus informés de ce qui se passe en Chine que de ce qui se passe ici, chez nous, dans notre communauté locale.
Les orientations prises par Vidéotron, qui possède 75 p. 100 de la câblodistribution au Québec, soulèvent de nombreuses questions. Plutôt que de s'arrêter à l'esprit du mot «communautaire», c'est-à-dire libre des contraintes commerciales, le CRTC a choisi d'occulter sa précarité en l'incluant dans l'arène marchande de la déréglementation.
Les lois du marché nous ont abondamment appris qu'une compagnie comme Vidéotron, davantage préoccupée par ses profits que par le bien-être des citoyens et son information, n'attendrait pas longtemps pour s'accaparer le canal communautaire et en faire l'instrument de sa propre promotion avec, dans sa poche, une licence de distribution de radiodiffusion qui lui en confère la responsabilité légale.
Fondamentalement, ce n'est pas une question d'argent mais une question d'espace qui est en jeu. Jusqu'à maintenant, nous avons réussi à obtenir l'attention et l'intérêt des instances concernées, mais leur réconfort ne suffit pas. La télévision communautaire a maintenant besoin d'un coup de barre solide, d'une véritable démonstration au nom de l'intérêt public.
Qui est mieux placé que le gouvernement canadien pour lui assurer sa place, son espace et permettre à l'élément communautaire d'être le reflet de ce pourquoi, en 1991, il a été ajouté à la loi? L'esprit de cet élément contenu dans la loi est-il de donner aux câblodistributeurs des entreprises privées des droits de regard, de gestion, d'élaboration de contenu, d'accès à qui ils veulent bien?
La licence du canal communautaire doit appartenir aux communautés géographiques d'appartenance, être sans but lucratif, et les émissions qui y sont produites et diffusées doivent être disponibles éventuellement par tous les modes de distribution existant et à venir.
La télévision communautaire est la seule télévision basée sur la participation active des citoyens et l'animation de leur milieu. C'est une télévision qui accorde plus d'importance à la substance qu'à la forme dans ses émissions, tout en tentant de rendre son auditoire critique, c'est-à-dire un auditoire qui fait un usage intelligent de ce qu'il absorbe du média.
Selon le CRTC, il existerait au Canada plus de 700 canaux communautaires. Pourquoi nier cette initiative bien enracinée qui a longtemps fait l'envie de plusieurs autres pays dans le monde? Le système canadien de radiodiffusion ne doit-il pas puiser aux sources locales, régionales, en former des émissions éducatives et communautaires, être innovateur, rendre compte des diversités linguistiques au Canada, offrir au public l'occasion de prendre connaissance d'opinions divergentes sur les sujets qui l'intéressent et surtout lui permettre de participer à cette télévision communautaire, soit en étant bénévole, soit en étant impliqué activement dans le processus des émissions?
Toutes ces caractéristiques stipulées dans la Loi sur la radiodiffusion en 1991 doivent être maintenues. Elles font la richesse de notre système de radiodiffusion. Parce qu'elle rejoint toutes ces caractéristiques, la télévision communautaire autonome doit pouvoir jouer un rôle de premier plan, un rôle qui n'est pas soutenu par une protection maximale actuellement.
À (1050)
Plus encore, la loi doit définir le cadre et l'orientation de l'élément communautaire afin qu'ils ne soient pas galvaudés dans l'interprétation. Un élément essentiel de la définition du cadre serait d'affirmer que les services offerts grâce à l'élément communautaire doivent être réservés uniquement à des organisations à propriété collective.
L'autre élément qui définit l'élément communautaire est le caractère de proximité des citoyens. La télévision communautaire et la radio communautaire existent en fonction d'un territoire géographique d'appartenance. Nous reflétons ce territoire.
Une télévision communautaire autonome est un organisme sans but lucratif créé par et pour une communauté sise dans un espace géographique d'appartenance. Il est très important de saisir cette définition et toutes les caractéristiques qui composent une télévision communautaire autonome puisque le mot « communautaire » a tendance à être nuancé par le CRTC. La situation linguistique du Canada classe le sens du mot « communautaire » selon deux interprétations.
Au Québec, c'est le modèle de télévision communautaire autonome que nous défendons et dont nous voulons assurer la pérennité et le développement. Quand on parle d'un modèle de télévision communautaire autonome, c'est, bien sûr, avec un conseil d'administration élu par la population et qui provient de la population. C'est vraiment cette corporation qui gère le canal communautaire.
Nous pensons que l'élément communautaire de la Loi sur la radiodiffusion doit appartenir à ceux et celles qui lui donnent son nom. L'élément communautaire est aux gens et aux communautés ce que l'élément public est aux médias publics et l'élément privé, aux médias d'entreprises privées. Nous savons que de plus en plus d'interlocuteurs intéressés par la question dans le Canada anglais souhaitent aussi adopter ce modèle.
M. Gérald Gauthier (agent de développement et de recherche, Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec): S'il était interrogé aujourd'hui, le CRTC répondrait probablement qu'il refait justement ses devoirs et qu'il travaille à élaborer un cadre de politique plus strict, plus ouvert sur de nouvelles voix et qu'il reconnaît que la déréglementation a eu des effets néfastes sur certains canaux communautaires.
En effet, nous croyons que le projet de politique du conseil est une avancée intéressante pour le canal communautaire par rapport à la situation qui prévaut depuis 1998. La Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec a analysé le projet de politique et a évidemment présenté ses commentaires au conseil. Plusieurs interventions vont dans le même sens que celles de la fédération et soulèvent des mises en garde sérieuses à l'attention du conseil s'il va de l'avant avec l'avis public CRTC 2001-129.
Bien que nous ne soyons pas ici pour faire l'analyse du projet de politique, il est impossible de ne pas vous en glisser quelques mots. Entre autres, le conseil entend offrir deux nouvelles licences d'entreprises de télévision communautaire: l'une par antenne de faible puissance et l'autre par des services numériques. La licence serait accessible à des entreprises à but lucratif comme à des entreprises sans but lucratif. Le conseil n'introduit pas de notion d'accès à la programmation ou d'implication de la collectivité dans la gestion de ces deux licences. Il se contente de faire allusion à la programmation locale.
La fédération affirme que toute licence pour des services de télévision communautaire et pour le canal communautaire doit être réservée uniquement à des organisations à propriété collective, soit des organisations sans but lucratif, des coopératives de solidarité ou des entreprises en économie sociale. Les propos de la Télévision communautaire des Bois-Francs, à Victoriaville, sont éloquents à ce sujet, et nous vous invitons à en prendre connaissance ultérieurement. Ils sont dans le document que vous avez en main.
S'il était représenté ici aujourd'hui, le CRTC nous parlerait aussi de chiffres. Il tenterait de nous faire croire que l'expression locale reçoit davantage qu'en 1997, c'est-à-dire avant la déréglementation. Nous vous invitons avec insistance à lire les paragraphes 18 à 21 de notre document. Ils font la démonstration claire que les sommes allouées à l'expression locale ont diminué depuis 1997. On peut parler d'une perte de 6 millions de dollars. Il n'y a pas de hausse modeste comme le prétend le CRTC.
Pour sa part, le Conseil provincial du secteur des communications du Syndicat canadien de la fonction publique fait un constat similaire et je cite: «Le Conseil ne cherche pas vraiment à encourager le développement des canaux communautaires; il les tolère.»
D'une obligation faite aux câblodistributeurs pour faciliter l'expression locale, le canal communautaire est devenu en quelque sorte une disposition permettant à ceux-ci de réduire leur contribution obligatoire au Fonds canadien de production.
La programmation communautaire serait-elle devenue un résidu de la programmation canadienne? La Fédération des télévisions communautaires affirme qu'il ne peut y avoir d'espace communautaire en bonne santé si l'argent nécessaire à son développement n'y est pas. En tant que représentants élus des citoyens et citoyennes de ce pays, c'est à vous que revient la responsabilité de mettre en oeuvre des mécanismes financiers qui assureront non seulement la survie de l'élément communautaire, mais aussi son développement.
Le conseil, en toute bonne foi--on parle du CRTC--, accorde de l'importance aux médias communautaires. Certains aspects de son projet de politique tendent à le démontrer. Toutefois, le problème initial et fondamental va perdurer. Le CRTC ne veut pas dissocier la licence du canal communautaire de la licence de distribution de radiodiffusion. Ce que le conseil tente de faire avec son projet de politique vient trop peu trop tard.
Voici maintenant un mot concernant l'importance de maintenir un organisme de surveillance en matière de radiodiffusion, qui est un bien public et qui doit continuer de l'être. Pour jouer adéquatement son rôle de chien de garde des ondes publiques canadiennes, le CRTC a besoin d'être entièrement indépendant des acteurs gouvernementaux et de l'industrie, mais surtout il doit être plus à l'écoute du grand public.
Voici nos recommandations et nos conclusions. Nous recommandons que la licence du canal communautaire soit distincte de la licence de distribution de radiodiffusion. Nous recommandons que le financement de la télévision communautaire soit accessible via un fonds canadien de production communautaire auquel tous les distributeurs devraient contribuer, comme c'est le cas pour le Fonds canadien de télévision qui est réservé aux producteurs privés.
Le CRTC doit être maintenu pour les raisons que nous avons déjà évoquées. Il faut également favoriser la participation des citoyens au processus de nomination des conseillers. La fédération recommande que des conseillers émanent du secteur communautaire.
À (1055)
La fédération recommande également que la Loi sur la radiodiffusion continue de reconnaître l'élément communautaire comme étant une composante intégrale du système canadien de radiodiffusion et que cette étude permette également de mieux définir cet élément. Une meilleure définition s'impose, maintenant que nous connaissons tout ce que les ambiguïtés peuvent permettre de laisser passer. Définir l'élément communautaire, c'est en premier lieu affirmer dans la loi qu'on parle ici de services sans but lucratif qui existent pour et par les citoyens. Le canal communautaire a sa raison d'être seulement s'il demeure à l'échelle humaine et seulement s'il représente adéquatement sa communauté de proximité.
Le 25 février dernier, vous avez reçu M. Richard Ward de Community Media Education Society de la Colombie-Britannique. Nous nous permettons de reprendre une de ses phrases que nous traduisons en français: «La télévision communautaire n'est pas une proposition d'affaires mais un avantage pour le public, et son existence dépend de l'ouverture du CRTC.» Cela est vrai dans les deux langues, à l'est comme à l'ouest du Canada.
Nous vous remercions sincèrement de votre écoute.
Le président: Merci beaucoup, messieurs Lépine et Gauthier, de votre présentation, de votre mémoire et des recommandations que vous avez faites et que nous allons lire et étudier avec beaucoup d'attention.
Je voudrais souligner, monsieur Lépine, que je suis très conscient qu'il y a eu toute une préoccupation de la part du milieu des télévisions et des radios communautaires par rapport à notre mandat initial, qui était très large dans son application. Il faisait allusion à la diversité culturelle, à la télévision communautaire, aux minorités culturelles, etc., et a causé beaucoup de préoccupations dans votre milieu. Mais dès le début, lorsque je l'ai appris par vous, par des lettres que vous m'avez écrites, je vous ai fait part, au nom du comité, que nous n'avions nullement l'intention d'exclure les radios et les télévisions communautaires. Donc, ça n'a jamais été une volte-face comme vous le dites. Nous avons toujours eu l'intention très ferme d'étudier une question que nous considérons prioritaire, fondamentale. C'est devenu presque une question régulière qui est soulevée dans toutes les présentations qui nous sont faites. Toute la question locale et communautaire revient tout le temps. Je peux vous assurer que tous les membres du comité en sont très conscients. On en discute régulièrement dans nos rayons de travail. Donc, je peux vous assurer que ce n'était pas une volte-face, que cela a toujours été notre intention. Peut-être que nous aurions pu être beaucoup plus précis dans notre mandat, mais c'était très difficile, sur des questions tellement larges, d'être aussi concis que nous l'aurions voulu. Alors, ce fut un malentendu. Je peux vous assurer que nous n'avons pas du tout l'intention de vous ignorer.
Monsieur Abbott.
Á (1100)
[Traduction]
M. Jim Abbott: Merci, monsieur le président.
Je partage l'avis du président, et je tiens à vous dire que la télé et la radio communautaires me tiennent beaucoup à coeur. Par ailleurs, je m'intéresse tout particulièrement à la question de ce que j'appelle l'accès local aux diffuseurs privés, que je vais soulever jeudi quand l'Association canadienne des radiodiffuseurs va témoigner devant nous.
À mon avis, la télé et la radio communautaires de même que l'accès local sont la pierre angulaire de notre système de radiodiffusion. Tout part de là. Nous y trouvons les capillaires qui apportent l'information des citoyens à ceux qui occupent des postes influents, comme nous députés fédéraux, ou encore comme les députés des assemblées législatives ou les détenteurs d'autres charges publiques. Aussi nous devons veiller à ce que ces ramifications les plus élémentaires soient en bon état de fonctionnement. Vous pouvez donc être assurés de mon appui et, j'en suis sûr, de l'appui de tous les membres du comité.
J'ai toutefois une question à vous poser, car il faut quand même tenir compte de considérations pratiques. Je crois que c'est M. Gauthier qui a parlé de la possibilité d'établir des mécanismes financiers pour assurer le financement des chaînes communautaires. Dans les exposés que nous avons entendus aujourd'hui, on ne s'est pas vraiment arrêté à la question de savoir qui devrait payer ou encore d'où devraient provenir les fonds.
J'ai interrogé le groupe précédent au sujet de cette question du financement. Je crois avoir compris que 50 p. 100 des revenus proviennent de la publicité--il s'agissait de la radio--puis nous avons eu droit à une ventilation plus détaillée. Il serait utile--je crois d'ailleurs que c'est là la responsabilité des parlementaires--de mettre en place des mécanismes de financement pour les chaînes communautaires. Quelles recommandations avez-vous à nous faire à ce sujet?
[Français]
M. Stéphane Lépine: J'ai une petite chose à dire avant que Gérald n'intervienne. La télévision communautaire n'a pas le droit de faire de la publicité conventionnelle. Tout ce qu'on a le droit de faire, c'est de la publicité de commandite, c'est-à-dire commanditer une émission. De plus, selon la politique présentement en vigueur, elle n'a pas le droit de bouger. Pour un média d'images, c'est un peu bizarre. Avec la nouvelle politique qui devrait être adoptée au mois de juin, on nous permettra 15 secondes de publicité qui pourrait bouger. Quand on a 15 secondes, il faut être rapide.
Je te laisse continuer.
M. Gérald Gauthier: Comme l'a précisé Stéphane, c'est de la commandite de prestige. Cependant, nous avions déjà fait une sorte de proposition au conseil concernant le recours au Fonds canadien de télévision parce que, actuellement, les télévisions communautaires n'y ont pas accès. C'est surtout, et presque uniquement, pour les producteurs privés. Actuellement, c'est la politique du 5 p. 100. Je pense que je vais essayer d'éclaircir un peu le terrain au niveau de la politique du 5 p. 100.
Actuellement, tous les distributeurs canadiens doivent mettre 5 p. 100 de leurs revenus dans un fonds ou dans des fonds canadiens, ce qui veut dire que les distributeurs par satellite injectent 5 p. 100 de leurs revenus dans le Fonds canadien de télévision. Les distributeurs terrestres, les câblodistributeurs, injectent également 5 p. 100. Ça, c'est obligatoire. Ils n'ont pas le choix. Ils n'échappent pas à ce 5 p. 100.
Il y a quand même une exception. Les télédistributeurs terrestres avaient ce qu'on appelle « l'expression locale ». Ils avaient déjà le canal communautaire au moment où la distribution était en situation de monopole, et on leur imposait, à ce moment-là, de consacrer aussi de l'argent à l'expression locale, comme on l'a fait pour le système de télévision canadien. De ce 5 p. 100, ils peuvent dégager une partie, un autre pourcentage, soit de 1,5 à 3,5 p. 100, dans la majorité des cas. Certains petits câblodistributeurs peuvent mettre leur 5 p. 100 entièrement pour l'expression locale, mais c'est très rare. Pour la majorité, c'est entre 1,5 et 3,5 p. 100. Ils peuvent retrancher cette partie-là de leur 5 p. 100 pour la mettre dans leur système de canaux communautaires.
Or, cela représente une perte, parce qu'avant 1998, c'était 5 p. 100 et même plus. Donc, on se retrouve avec un pourcentage inférieur à l'expression locale. On nous dit qu'il y a une augmentation de canaux communautaires, qu'il y a une augmentation... Dans les calculs que nous faisons, nous arrivons à une diminution, à une perte, à partir de ce constat.
Nous avions recommandé, lors de l'avis public CRTC 2001-19 qui était dans le processus de révision de la politique du canal communautaire, que tous les distributeurs, y compris les câblodistributeurs, mettent leur 5 p. 100 dans le Fonds canadien, mais que 20 p. 100 de ce fonds soit réservé, à proprement parler, à la programmation communautaire sans but lucratif. Cela aurait en quelque sorte réglé le problème, mais cela n'a pas été retenu. C'était une façon d'aller chercher l'argent parmi les sommes qui étaient déjà disponibles, et non pas d'aller chercher de l'argent neuf.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, monsieur Abbott.
Á (1105)
[Traduction]
M. Jim Abbott: Avec l'avènement de la nouvelle technologie... Je me demande si vous pourriez me donner des informations relativement à la radiodiffusion directe, par satellite. L'obligation de verser de 1,5 à 3,5 p. 100 de leur revenu s'applique-t-elle uniquement aux câblodistributeurs ?
[Français]
M. Gérald Gauthier: Seuls les câblodistributeurs ont droit à la dérogation à l'intérieur du 5 p. 100 parce que ce sont les seuls, actuellement, qui peuvent offrir de l'expression locale, selon ce qu'entend par là le CRTC, c'est-à-dire selon des territoires géographiques d'appartenance, selon une licence spécifique. Les distributeurs par satellite sont des distributeurs nationaux actuellement. Ils n'ont pas la possibilité, semble-t-il, d'après leurs explications, de cibler des territoires. L'application du 5 p. 100, dans leur cas, va entièrement au Fonds canadien de télévision, et non pas à la programmation communautaire.
[Traduction]
M. Jim Abbott: Merci.
Si vous le voulez bien, je trouverais très utile, et je pense bien que le comité tout entier trouverait utile, que vous nous fassiez parvenir--et je cite ici ce que j'ai noté de votre témoignage «mettre en place des mécanismes financiers pour assurer le financement des chaînes communautaires»--les suggestions que vous auriez à nous faire à ce sujet au lieu que nous continuions à explorer cette question. Je pense que nous serions très heureux de recevoir quelques suggestions que vous voudrez bien nous faire, car il s'agit d'une question importante; vous ne pouvez pas aller en ondes si vous n'avez pas d'émission, et vous ne pouvez pas produire d'émission si vous n'avez pas les moyens financiers de le faire.
[Français]
M. Gérald Gauthier: Ça nous fera plaisir de vous remettre ce qu'on avait déjà remis au CRTC au printemps dernier.
Le président: Veuillez envoyer cela à la greffière du comité, s'il vous plaît.
Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Merci, monsieur le président. Merci de votre présentation.
Comme le disait le président, nous sommes très sensibles à vos revendications et à la survie de la télévision communautaire. On sait que cela a un impact dans la société. C'est aussi une école; on n'en parle pas beaucoup. Tout à l'heure, on a parlé des radios communautaires, mais la télé communautaire est aussi une école pour permettre à des jeunes de la société de faire l'apprentissage de ce type de média.
J'aimerais revenir un peu en arrière afin que l'on comprenne bien pourquoi le CRTC a pris la décision de donner la licence aux câblodistributeurs. Je pense qu'on voulait avoir une meilleure performance des télévisions communautaires, qu'elles aient un soutien qui soit plus technique.
Est-ce que c'étaient les objectifs poursuivis lorsqu'il y a eu ce changement de tir? S'il y avait des objectifs, pensez-vous qu'ils ont été atteints?
M. André Simard: Je pourrais répondre pour une télévision locale et non pas au nom de la fédération. La licence aux câblodistributeurs, en tout cas dans la région de Montréal, avait été accordée à Vidéotron via M. Chagnon, qui était le président et qui disait que sa philosophie était que la télévision communautaire devait exister par la communauté, dans la communauté. Je crois que cela a eu une influence sur le fait qu'il a pu avoir une licence de distribution pour les télévisions communautaires. Dans son modèle, chaque communauté viendrait se greffer à cette licence. C'est pour cela que dans la région de Montréal, en périphérie, il y une quinzaine d'années, il y avait 10 télévisions communautaires.
Au fil des ans, il s'est passé toutes sortes de choses. C'est sûr que ça évolue et finalement, en 1998, on a révisé la loi touchant le CRTC. Pour nous, la révision de cette loi-là est arrivée comme une surprise parce qu'on n'était pas attentifs, comme bénévoles, à ce qui se passait au niveau des règles du CRTC, jusqu'à ce que quelqu'un nous allume une lumière et nous dise de faire attention parce que cela s'en venait. C'est à ce moment-là que la télévision de Victoriaville a fait un mémoire avisant le CRTC de faire attention, lui disant que si on enlevait l'obligation aux câblodistributeurs de maintenir les télévisions communautaires, on allait avoir un problème. À Montréal, c'est arrivé. Le problème est entier.
Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Á (1110)
Mme Christiane Gagnon: Oui.
M. Stéphane Lépine: J'aimerais vous mentionner qu'il y a eu un regroupement jusqu'en 1991 ou 1992, qui est tombé à cet époque-là. Il est revenu en 1998, mais entre 1992 et 1998, il pouvait se passer n'importe quoi à Ottawa et à Québec.
Ce que nous faisions, de notre côté, c'était carrément de la couverture comme on en fait aujourd'hui. On allait faire toutes les activités locales que vous avez dans vos communautés, que ce soit des organismes charitables, que ce soit des conseils de ville. On est vraiment plaqués sur la communauté. Nous n'étions pas au courant de ce qui se passait à Ottawa et à Québec. En 1998, quand on a appris que des collègues fermaient et qu'on a craint que ça se produise chez nous, on s'est dit qu'il fallait revenir ensemble. C'est à ce moment-là qu'on a essayé de réparer les pots cassés, mais c'est sûr que la période pendant laquelle on n'a pas été regroupés n'a pas aidé, effectivement.
M. Gérald Gauthier: Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il y avait un régime réglementaire qui était, somme toute, assez strict avant 1998. Il y avait une obligation, pour un câblodistributeur qui était en situation de monopole, d'offrir et de distribuer un canal communautaire à sa communauté et de le financer adéquatement. Au sein de chacune des télévisions communautaires, on ne s'est donc pas vraiment posé de questions. Mais lorsque le nouveau règlement sur la distribution de la radiodiffusion a été mis en place, il y a certains câblodistributeurs--pas tous, heureusement--qui ont vu là une occasion de créer des réseaux ou de se créer des stations plus broadcast parce qu'ils disaient qu'ils détenaient à la fois une licence de radiodiffusion et une licence de câblodistribution. C'est à partir de ce moment-là qu'on a connu des problèmes. Il n'y avait plus d'obligation.
Ce que l'on a demandé au CRTC, c'est de remettre une obligation. Ce n'est pas sur ce terrain-là qu'il a travaillé. Il a plutôt retravaillé la politique relative au canal communautaire de 1991 pour essayer de lui redonner des dents. C'est bien beau, ça. On est contents de voir qu'il y a un intérêt pour l'élément communautaire au CRTC, mais, comme on l'a dit plus tôt, c'est trop peu, trop tard. Il y a déjà beaucoup de stations qui sont fermées. Des câblodistributeurs qui ont implanté des réseaux et tout cela disent, malgré ce que le CRTC veut faire, qu'ils considèrent qu'ils vont pouvoir continuer quand même à centraliser davantage les centres de production et à offrir moins d'accès à la population.
C'est là qu'il y a une incohérence. C'est là qu'on veut sonner une sonnette d'alarme importante lorsque l'on dit qu'il faut que ça soit sans but lucratif. Dès le moment où il y a une entreprise commerciale dans le décor, elle pense d'abord et avant tout à ses intérêts de rentabilité. Ce n'est pas d'intérêts de rentabilité sociale qu'on parle, mais bien d'intérêts de rentabilité financière. Les gens sont perdants au change, car il y a déjà un élément privé. Que ceux qui veulent faire de l'argent avec cet élément-là aillent au niveau de l'élément privé!
Mais il y a un élément communautaire qui est là pour la population, pour la proximité. Qu'on lui redonne ses lettres de noblesse, qu'on l'affirme! C'est pour cela qu'on est ici. On veut vous convaincre, et on est certains, en vous voyant et en entendant les questions que vous posez, que vous êtes convaincus que cet élément communautaire doit reprendre la place qui lui revient.
Á (1115)
M. Stéphane Lépine: Il est important de mentionner qu'on a carrément rassemblé les télévisions communautaires de la Couronne à Montréal et qu'on en a fait un canal spécialisé. Je m'excuse, mais ce n'est plus un canal communautaire. On ramène tout l'argent à Montréal. On fait toutes les productions à Montréal. Que ce soit à Boucherville, à Châteauguay ou à Laval, on présente aux gens la vision de Montréal. Tout ce qui se passe dans la communauté même n'existe plus. On n'assure plus la couverture de cela ou on accorde trois ou quatre minutes à cela par semaine, quand ce n'est pas aux deux ou trois semaines.
Je suis en région, à la télévision de Saint-Raymond de Portneuf. Ça va très bien en région. Je ne sais pas du tout pourquoi ça va mal là-bas alors que ça marche chez nous. Ça me dépasse. Si cela va bien chez nous, je me dis qu'il faut que j'aille aider les gens là où ça va mal. J'aurais pu rester chez nous étant donné que ça va bien et dire que je me moque de ce qui se passe ailleurs. Mais j'ai décidé d'aller les aider parce que je ne comprends pas que ce modèle-là marche chez nous alors qu'il ne marche pas là-bas. Ça me dépasse.
Mme Christiane Gagnon: Vous dites que ça marche bien chez vous. Est-ce que ça veut dire que c'est de la diffusion plus locale? Est-ce attribuable au câblodistributeur qui est installé là ou peut-être à la dynamique des gens qui ont continué à exercer des pressions et à s'impliquer dans la télévision communautaire? Pourquoi Montréal? Est-ce possiblement parce que le communautaire s'est désisté et que, finalement, les équipes sont trop fortes sur le plan national?
M. Stéphane Lépine: Il faut dire que ce n'est pas Vidéotron qui est sur notre territoire. C'est un câblodistributeur qui est plus petit, Vidéo Déry Ltée. Il compte environ 21 000 abonnés sur l'ensemble du Québec. Voilà, c'est la réponse à la question, mais l'implication va plus loin que cela.
Le responsable du bureau du câble, à Saint-Raymond, siège au sein de notre conseil d'administration. Il n'a pas droit de vote, mais il donne toujours son avis. Il y participe et est même bénévole, chez nous, pour certaines émissions. On a carte blanche du câblodistributeur, qui nous voit comme un avantage concurrentiel par rapport à Star Choice et Bell ExpressVu. C'est bizarre, mais notre taux de gens qui sont passés à la coupole est beaucoup moins élevé que dans d'autres secteurs. J'imagine que c'est probablement à cause de cela. Ça doit aider, en tout cas.
M. André Simard: Monsieur le président, si vous me le permettez, je pourrais ajouter que dans la région de Montréal, ce n'est pas quelque chose qui est arrivé du jour au lendemain. Alors même que le CRTC était en train de réviser sa nouvelle façon de fonctionner, d'août à novembre 1997, et que l'application de cela ne devait venir qu'en janvier 1998, Vidéotron avait déjà commencé à changer sa façon de faire avec les télévisions communautaires.
Entre autres, à Châteauguay, avant 1997, on diffusait environ 24 heures par semaine et on produisait environ cinq heures d'émissions pour ces 24 heures. En novembre 1997, on nous a annoncé que ce n'était plus ça, qu'on allait maintenant nous diffuser régionalement deux heures par semaine et qu'on ne pouvait produire que deux émissions d'une demi-heure. Il y a un peu de frustration là-dedans, mais, à mon avis, c'était très planifié.
M. André Desrochers: Vous constatez la concentration des grosses compagnies. Je pense que les grosses compagnies sont venues vous voir à Vancouver. La compagnie Shaw est en train de faire la même chose dans la région de Vancouver. Elle est en train d'éliminer petit à petit CMES et ICTV, qui pouvaient produire jusqu'à six heures d'émissions et qui, maintenant, ne reçoivent plus que des contrats de temps en temps. Il y a aussi Westman qui est venue vous montrer qu'à titre de petite entreprise de câblodistribution et de coopérative, elle est impliquée dans 19 de nos 35 communautés. On dirait que plus le réseau est gros, plus ils tentent de tout amalgamer et de faire un seul canal avec un ensemble.
Dans peu de temps, le CRTC sera appelé à se prononcer sur des rassemblements de licences par secteur. Dorénavant, il n'y aura des demandes de licences que dans six secteurs au Canada. On ne demandera plus la licence de Montréal et de Toronto. Il y aura la province de Québec, les Maritimes, l'Ontario et ainsi de suite. Le Canada sera disséqué en six portions. Les renouvellements de licences se feront pour un secteur au complet et non plus par petit secteur. Cela nous fait peur. Maintenant qu'il y aura une seule licence par région ou par province, est-ce qu'il y aura un seul canal communautaire par province? On voit là un danger.
Á (1120)
Le président: Qu'est-ce qui vous fait penser que ce sera comme ça?
M. André Desrochers: C'est l'attitude actuelle de Vidéotron et de Shaw, qui font exactement ce que le CRTC demande de ne pas faire et ce que Caplan-Sauvageau demandait de ne pas faire. Les communautés devraient avoir leur propre licence, avec des entités sans but lucratif. Vidéotron est en train de prendre la télévision, et elle le fait présentement. Elle a réseauté Montréal et Québec, où on présente les mêmes émissions. Elle les envoie aussi en partie à Victoriaville, etc. Quand il n'y aura plus qu'une seule licence à demander, est-ce que ça voudra dire qu'il n'y aura plus qu'un seul canal communautaire, étant donné que la loi précise qu'il y a un seul canal communautaire par licence?
Le président: Je vois. Merci.
Monsieur Duplain.
M. Claude Duplain: Vous exposez des points de vue que j'aimerais que vous m'expliquiez. Selon la Loi sur le CRTC, le CRTC doit exiger que seulement 60 p. 100 de la programmation communautaire soit locale. On parle de programmation locale. Quand on s'est promenés à travers le Canada pour voir tous ces organismes et toutes ces compagnies, on nous a dit que l'ensemble des câblodistributeurs mettaient 80 millions de dollars par année dans la télévision communautaire.
Comment font-ils pour réussir à centraliser s'il faut qu'il y ait de la programmation locale? Comment peuvent-il réussir à faire cela? C'est peut-être la programmation locale qui est mal définie. Monsieur Lépine, si vous avez une télévision à Saint-Raymond, c'est local. La qualité assure votre rayonnement.
M. Stéphane Lépine: Je pense que vous touchez le point important. Que veut dire «local»? Ça peut être 10 000, mais pour Vidéotron, c'est peut-être 2 millions.
M. Claude Duplain: Mais n'est-ce pas défini par le CRTC?
M. André Desrochers: Dans la nouvelle politique, le CRTC veut redéfinir un peu ce qu'est le local. Auparavant, les émissions devaient refléter les intérêts locaux. Maintenant, il demande que les émissions soient produites en partie, à 50 p. 100, par le local. Il définit même le local comme étant la collectivité de la licence. Mais il dit clairement qu'il y a un problème dans les régions de Montréal, Vancouver et Toronto, parce qu'il n'y a pas seulement une communauté à l'intérieur de ces grands centres urbains, mais bien plusieurs. Il demande aux câblodistributeurs de voir à redéfinir les communautés à l'intérieur de leur trop grande licence. À partir de là, le CRTC donnerait la définition du local par rapport à ce que les câblos définiraient. Encore là, on sera à la remorque de ce que les câblodistributeurs vont dire, par exemple que la communauté du Grand Montréal sera la communauté de la rive nord et la communauté de la rive sud, c'est-à-dire les deux îles ensemble.
Est-ce que c'est ça, les communautés? Nous disons non. Il y a une communauté qui est le grand Châteauguay et une communauté dans le grand Beloeil, et chacun a à définir sa communauté géographique. Dans les grands centres urbains, le problème demeure entier. Le CRTC même leur demande de faire des propositions. À Montréal, le prochain renouvellement de licence est pour 2005. Devons-nous attendre jusque-là? Est-ce qu'on est fermés jusqu'en 2005? On demande au CRTC d'exiger des propositions dès la présentation de la politique.
M. Claude Duplain: J'aimerais que vous me parliez un peu plus de la différence entre les licences communautaires et la licence des câblodistributeurs.
M. André Simard: Dans la région de Montréal, la licence est accordée au câblodistributeur. Donc, le câblo a le droit d'avoir une licence de distribution communautaire. Dans la région de Montréal, le câblo prenait cette licence et s'associait à des communautés: Châteauguay, Saint-Jérôme, Repentigny, etc. Il y avait 10 télévisions qui produisaient chez elles et qui diffusaient chez elles.
Avec la nouvelle loi, un problème s'est présenté. Le câblodistributeur a dit qu'il allait fermer les télévisions communautaires et qu'il apportait tout ça à Montréal parce que c'était bien moins compliqué. C'est toujours seulement une licence. Il y a toujours la licence qui est accordée à Vidéotron, région de Montréal. Vidéotron a aussi une licence, région de Québec et ainsi de suite. C'est comme ça que les choses fonctionnent.
Nous n'avons pas de licence. Nous sommes un organisme sans but lucratif qui a décidé de s'impliquer bénévolement...
Á (1125)
M. Claude Duplain: Je comprends, mais je veux que vous m'expliquiez bien la différence entre la licence du câblo et les licences que vous voulez pour les télévisions communautaires.
M. Stéphane Lépine: Ce n'est pas compliqué. Selon le type de licence qu'on a pour les télévisions à but non lucratif, c'est un conseil d'administration qui gère la télévision communautaire. Lorsqu'on parle d'une télé de type câblo, c'est carrément le câble qui gère ce qui se passe sur son canal communautaire. Quand on parle des 80 millions de dollars, c'est la même chose. Je ne sais pas du tout où sont rendus ces 80 millions de dollars.
Dans notre cas, c'est sûr qu'on a une bonne contribution du câblo, mais on pense bien que ce n'est pas le cas d'autres télévisions communautaires.
M. Gérald Gauthier: Je vais essayer de cerner la question. Lors de l'obtention de sa licence de distribution de radiodiffusion, le distributeur obtient automatiquement le droit d'opérer un canal communautaire. Il n'y a pas deux licences; il y en a une seule. C'est là que c'est pervers, parce que le câblodistributeur, la plupart du temps, est une entreprise à but lucratif. On connaît les abus qui se sont produits et qui ont résulté en des pertes d'accès au canal communautaire pour les gens lorsque c'est le câblodistributeur qui avait la licence. Ça ne se fait pas partout, car il y a des endroits où ça va bien et où on a eu de la collaboration, mais en raison des excès que l'on connaît, ça irait quand même bien là où ça va bien si la communauté demandait elle-même la licence pour opérer le canal communautaire. Elle aurait le papier qui permet à toute entreprise de fonctionner dans le système de radiodiffusion canadien, c'est-à-dire une licence. À ce moment-là, le câblodistributeur ne serait obligé que de diffuser le canal communautaire. Il n'aurait plus à décider de qui vient et qui ne vient pas au niveau de la programmation. Cette responsabilité serait celle de la corporation sans but lucratif. Ce sont des membres de la communauté qui décideraient et qui travailleraient avec la communauté pour donner le plus d'accès possible à ces gens-là.
M. Claude Duplain: Cela donnerait peut-être à Châteauguay, par exemple, la possibilité de redevenir vraiment locale avec sa télévision communautaire et sa programmation.
M. André Desrochers: On aurait notre propre licence, un peu comme les radios. Les radios communautaires ont leur propre licence. Elles émettent leurs signaux. En télévision, l'infrastructure est trop compliquée pour cela. Nous demandons donc qu'on nous donne notre licence sur papier, ce qui serait une reconnaissance, et qu'on oblige toutes les formes de télédistribution à distribuer le canal communautaire. Ce canal-là appartient aux Canadiens. C'est une redevance pour tous les intérêts de tous les Canadiens. Nous demandons que, peu importe la forme, on diffuse ce canal qui appartient aux Canadiens et qui doit entrer dans toutes les maisons. Nous demandons qu'on nous donne seulement la licence pour opérer et qu'on oblige les systèmes de télédistribution à nous distribuer, peu importe la façon. Et s'ils participent au Fonds canadien de télévision, qu'on garde un pourcentage de cet argent pour nous financer.
M. Claude Duplain: J'aurais d'autres questions à poser. C'est terminé? D'accord.
Le président: Je vous donnerai la parole plus tard.
Madame Bulte.
[Traduction]
Mme Sarmite Bulte: Merci beaucoup, monsieur le président.
Encore merci pour vos exposés. J'ai quelques questions.
Vous avez longuement parlé du fait que le CRTC définit ce qui est local, ce qui est communautaire. Le CRTC met en oeuvre, supervise et édicte des règles concernant la politique du gouvernement.
L'une des choses que nous avons constatées il y a deux ans, lorsque Radio-Canada a témoigné devant notre comité, c'est que la Loi sur la radiodiffusion ne comportait aucune exigence relativement à ce qui est local. Il n'était question que du niveau régional ou national. Je me demande seulement si l'heure n'est pas venue pour le gouvernement de définir ce qui est local et ce qui est communautaire, et d'inscrire ces définitions dans la loi, au lieu de laisser au CRTC le soin d'en décider. Le CRTC est censé faire ce que la Loi sur la radiodiffusion et la politique gouvernementale lui disent de faire, sans être constamment assujetti à ces décrets en conseil ou ordres dont le dernier témoin a parlé.
J'aimerais connaître votre avis à ce sujet. Si vous croyez que c'est une bonne idée, pouvez-vous nous dire comment il faudrait, d'après vous, définir ces questions, à savoir ce qui est local et communautaire.
Monsieur Simard, vous avez parlé de la nécessité d'avoir un organisme de surveillance. Je me demande si vous pourriez préciser votre pensée, parce que je crois que c'est important. M. Desrochers a fait état du fait que, souvent, les décisions du CRTC ont des conséquences inattendues. Vous n'êtes pas le premier à nous le dire. Quel serait le rôle de cet organisme de surveillance, et comment tout cela fonctionnerait-il?
Encore là, je ne veux pas m'attarder à cette question du fonds, mais M. Gauthier a parlé d'un fonds de développement communautaire. Ce fonds proviendrait-il du FCT? Proviendrait-il du 1,5 p. 100 qui reste? Si vous ne pouvez pas répondre à cette question parce que vous manquez de temps, vous pourriez me répondre d'une autre manière.
Enfin, et c'est probablement la question la plus difficile, vous avez tous parlé de la nécessité de l'accès. Monsieur Simard, vous avez parlé de l'utilité d'avoir des lignes directrices. De quoi vouliez-vous parler au juste? D'une politique régissant les permis et de règlements destinés à la télévision communautaire? Qui devrait être chargé de ces règlements? J'hésite à laisser ce soin au CRTC parce que ce n'est pas son rôle. J'aimerais aussi savoir comment vous entrevoyez notre rôle, pour ce qui est d'examiner et d'actualiser la Loi sur la radiodiffusion, et si c'est la loi elle-même qui doit régler ces problèmes, et non le CRTC.
Je n'ai pas été très brève, désolée.
Á (1130)
[Français]
M. André Simard: Dans votre question, vous avez dit vous-même que le CRTC était déjà un superviseur de l'application d'une loi. Nous prétendons qu'il devrait y avoir dans la loi une définition d'une télévision communautaire locale sans but lucratif et que le CRTC devrait respecter cette définition et la faire appliquer sur le terrain par les câblodistributeurs.
Par rapport à cela, on a mentionné plus tôt que les télévisions communautaires voulaient avoir leur propre licence. Bien sûr, on veut avoir notre propre licence, mais il y aura des responsabilités qui seront rattachées à cela. Nous serons responsables de l'application des règlements du CRTC pour notre licence. Ce ne sera plus le câblodistributeur qui en sera responsable; ce sera nous, comme organisme. Donc, ce sera à nous de respecter les règlements. Quand il y aura des plaintes, les plaintes se feront au CRTC et non pas aux câblodistributeurs, comme c'est le cas aujourd'hui. Il faut respecter quand même les règlements du CRTC, et nous serions prêts à faire cela si nous avions notre propre licence.
Voilà pour la partie de la définition dans la loi, etc. Il y a probablement d'autres commentaires.
M. André Desrochers: À Châteauguay, en deux ans, nous avons présenté quatre plaintes au CRTC mentionnant que notre entreprise de câble ne respectait pas les normes qu'il avait lui-même établies à propos de la télévision communautaire par câble. On s'est même plaints au Conseil des normes de la télévision par câble. Le Conseil des normes de la télévision par câble nous a dit qu'il ne pouvait pas nous répondre puisque nous nous étions plaints au CRTC et que nous devions aller au CRTC. Le CRTC nous a dit de nous adresser au Conseil des normes. On nous a renvoyé deux fois la balle comme ça. Nous nous sommes plaints au CRTC du fait que plusieurs communautés du Grand Montréal avaient perdu leur accès au canal communautaire, et le CRTC nous a simplement répondu pour nous remercier d'avoir soumis nos intérêts et nos plaintes et nous dire qu'il en prenait bonne note. Depuis, il n'y a rien qui s'est passé. On disait au CRTC qu'il avait pris des décisions qui ont fait des dommages aux communautés et aux télévisions communautaires et qu'il était la seule instance capable de juger de cela. Il devient à ce moment-là juge et partie pour une décision qu'il a prise lui-même. Comment peut-il se juger pour une telle décision? Il n'avouera jamais qu'il a pris une décision au désavantage des communautés.
Est-ce qu'il pourrait y avoir un département des plaintes qui serait séparé du CRTC ou une vigie qui pourrait être créée et qui pourrait au moins écouter les plaintes des gens contre le CRTC? Présentement, tout ce qu'on peut faire, c'est aller en Cour supérieure, où jamais personne n'a gagné. On nous a bien dit, à Patrimoine Canada, de ne même pas essayer cela parce que nous dépenserions énormément d'argent. Le CRTC est indépendant et a un droit de regard sur tout.
On voudrait que tous les organismes qui ont à se plaindre des décisions du CRTC puissent avoir accès à un quelconque processus démocratique.
Á (1135)
M. Stéphane Lépine: J'aimerais répondre à la première question concernant les définitions. C'est ce qu'on attend. On veut que les termes soient définis clairement et qu'on sache où on s'en va quand on parle de communautés, quand on parle de local et quand on parle de régional. C'est sûr que si on fait juste un énoncé de politique, ça peut être contourné. Si c'est inscrit dans la réglementation et dans la loi, on sera certainement d'accord et on va embarquer. On n'a rien à se reprocher. On fait du local. C'est ce qu'on fait selon la loi.
M. Gérald Gauthier: C'est sûr qu'on va de l'avant dans ce sens-là. Comme l'a dit l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec, plus la définition sera précise, mieux on sera en mesure d'interpréter l'orientation que ça va prendre.
On donne souvent une sorte de définition de ce qu'on appelle le local. On l'a lue plus tôt. Vous allez la voir dans vos documents. On parle du « territoire géographique d'appartenance ». Ça peut être vaste, mais ça dépasse rarement la grandeur d'un comté.
Au Québec, on a des régions qui s'appellent des MRC, mais, par définition, c'est à la communauté elle-même de se définir comme étant un territoire d'appartenance. Lorsque les télévisions communautaires autonomes se sont créées, elles se sont créées justement à partir des affinités de ces gens-là: mêmes conseillers municipaux, mêmes députés au fédéral et au provincial, mêmes commissions scolaires, mêmes centres hospitaliers. Il y a des éléments qui définissent bien une région locale par rapport à une région plus vaste et par rapport à des territoires provinciaux ou au Canada tout entier. C'est comme le jeu des poupées russes, mais il faut que ce soit défini quelque part.
Pour répondre à une autre question concernant le fonds, qui avait été posée un peu plus tôt par M. Abbott, nous allons vous remettre un document dans lequel nous explicitons comment nous voyons une meilleure redistribution de l'argent du Fonds canadien de télévision.
Maintenant, quant à parler de financement, on va vous amener à un autre point.
Il y a un autre point de financement auquel le gouvernement canadien peut travailler pour nous aider: c'est la publicité gouvernementale. Vous avez aussi un rôle à jouer en tant que levier pour la redistribution de tout l'argent qui est consacré à la publicité gouvernementale. Le gouvernement du Québec le fait, et ça peut se faire aussi au fédéral.
[Traduction]
Le président: Madame Lill, vous êtes la dernière. Il faut accélerer car il y a d'autres témoins.
Mme Wendy Lill: On a déjà posé plusieurs questions que j'avais, et je vous remercie tous de vos observations.
Je vais vous poser une question sur l'effet qu'a eu la création du FCT sur la programmation communautaire parce que partout au pays, lorsque nous rencontrons des câblodiffuseurs, ils nous disent toujours, eh bien, vous savez, ou bien nous pouvons investir 5 p. 100 de nos revenus dans la télévision communautaire ou nous pouvons le verser dans le FCT. Je n'ai jamais vraiment obtenu de réponse très satisfaisante pour ce qui est des critères qui gouverneraient une façon ou une autre de faire. Cela m'est apparu assez arbitraire.
Si vos revenus dépendent de ce fonds, je ne vois pas bien comment vous pouvez vous sentir rassuré de voir les câblodiffuseurs prendre cette décision. Vous pourriez peut-être nous dire quelques mots à ce sujet, nous dire dans quelle mesure le FCT contribue à la stabilité de votre financement.
[Français]
M. André Desrochers: Présentement, nous n'avons pas accès directement au Fonds canadien. Ce sont les câblodistributeurs qui, selon leur bonne volonté, depuis 1998, investissent ou non dans un canal communautaire. Le câblodistributeur a aussi des dépenses admissibles, notamment pour son infrastructure technologique. Donc, ce n'est pas nécessairement de l'argent qui arrive en bas pour faire de la programmation.
Nous demandons qu'il y ait une portion du fonds... On devrait détacher la licence du câblo et nous la donner en tant que télévisions communautaires, autonomes, indépendantes, sans but lucratif. Nous demandons que les câblos et tous les systèmes de télédistribution continuent de mettre leur 5 p. 100 dans le fonds et qu'on réserve un pourcentage de cet argent pour l'élément communautaire, tant la radio que la télévision. Cet argent serait ensuite partagé par les télévisions et les radios. On aurait l'argent directement chez nous.
Si on maintenait leur obligation sociale de nous distribuer, on aurait à ce moment-là un partage équitable des ondes pour les Canadiens de partout au Canada. Ce n'est pas de l'argent supplémentaire ou de l'argent neuf. C'est un pourcentage de l'argent qui est déjà donné, qui nous serait donné directement pour faire de la programmation. Eux, ils mettraient la technologie à la disposition des Canadiens.
Á (1140)
[Traduction]
Mme Wendy Lill: Merci.
[Français]
Le président: Je vous remercie bien sincèrement, monsieur Simard, monsieur Desrochers, monsieur Lépine et monsieur Gauthier, pour vos présentations. Je pense que ça nous a beaucoup aidés. Cela a renforcé ce que vos prédécesseurs nous ont apporté, mais en plus de ça, vous avez jeté beaucoup d'éclairage sur la question du financement, etc. On lira le document de M. Gauthier avec beaucoup d'intérêt.
Merci beaucoup d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
Nous entendrons maintenant les représentants de la Fondation Radio Enfant
[Traduction]
et de Star Ray TV, M. Jan Pachul; et MM. Roger Davies et Ken Collins.
Avant de commencer, je dois vous dire que plusieurs comités de la Chambre siègent en même temps. Malheureusement, nous allons perdre quelques membres vers 12 h 10. Vous m'en voyez désolée; c'est seulement parce qu'il y a tellement de comités, et que plusieurs députés siègent à deux ou trois d'entre eux. Si vous voulez être entendu et interrogé par les députés, il vaut mieux que votre exposé soit des plus concis.
[Français]
le mieux ce sera pour les membres du comité parce que certains vont devoir quitter pour aller à d'autres comités.
Je souhaite la bienvenue à la Fondation Radio Enfant, représentée par M. Michel Delorme, son directeur général, Mme Lise Huot, membre du conseil, et Mme Aline Bard, qui est aussi membre du conseil,
[Traduction]
et à M. Jan Pachul, le président de Star Ray TV; et à M. Ken Collins. Je crois que M. Roger Davies n'est pas là, monsieur Collins?
Á (1145)
M. Ken Collins (témoigne à titre personnel): M. Davies est allé aux toilettes. Il ne savait pas qu'on pouvait entendre cinq témoins de suite.
Le président: Ah, je vois.
M. Ken Collins: J'imagine qu'il sera de retour d'un instant à l'autre, si quelqu'un n'est pas déjà allé le chercher.
Le président: C'est bien. Nous l'entendrons lorsqu'il sera de retour. J'imagine qu'il était important pour lui d'aller là où il est.
Une voix: C'est important pour tout le monde.
Le président: Oui, nous devrions prévoir des pauses parfois, désolé.
[Français]
On va commencer par la Fondation Radio Enfant. Est-ce Mme Huot qui va commencer?
Mme Lise Huot (présidente, Fondation Radio Enfant): Oui, c'est moi qui vais commencer.
Le président: Allez-y, madame Huot.
Mme Lise Huot: Merci de nous écouter. C'est avec plaisir qu'au nom de la Fondation Radio Enfant, nous vous présentons nos observations sur la législation canadienne en matière de radiodiffusion, celle qui, notamment, devrait répondre aux aspirations et aux besoins de nos enfants et de nos adolescents.
La fondation s'est donné comme but d'offrir à nos enfants un environnement propice à leur essor. Nous sommes venus aujourd'hui proposer que la Loi canadienne sur la radiodiffusion tienne compte des besoins de développement de nos enfants.
Je m'appelle Lise Huot et je suis la présidente de la Fondation Radio Enfant. Je suis accompagnée de Michel Delorme, qui est l'administrateur de la fondation, et d'Aline Bard, qui est membre de la fondation.
Pour notre présentation, nous avons choisi de rappeler les éléments significatifs de la démarche que nous avons entreprise il y a quelques années. Notre mission consiste à créer une place, un lieu d'expression pour les enfants et les adolescents. Le projet consiste à offrir des services radio dont une large portion des programmes sera produite par les jeunes.
Mme Aline Bard (membre, Fondation Radio Enfant): Les objectifs de la Fondation Radio Enfant sont: de favoriser la participation des jeunes à la communication radio; d'offrir une radio différente, alternative et citoyenne qui rejoint les intérêts de ce groupe d'âge avec toute la richesse d'une radio jeunesse; de permettre à nos jeunes de connaître le monde des médias et de développer un esprit de participation; de soutenir le développement de la culture francophone auprès de nos enfants, notamment dans les milieux minoritaires franco-ontariens; finalement, d'encourager la gestion de projets coopératifs entre francophones des deux rives de la capitale nationale.
Une radio pour et par les enfants: Au Canada, les 5 à 18 ans représentent le groupe d'âge le moins bien desservi par la radio. Alors que la télévision offre des canaux spécialisés à profusion et d'abondantes tranches horaires sur les chaînes généralistes, la radio présente peu de contenu qui puisse captiver l'intérêt des enfants. Radio-Canada leur alloue bien quelques heures en soirée, mais rien qui corresponde à leur importance démographique--20 p. 100 de la population est âgée de 5 à 18 ans--, surtout en comparaison avec ce que les autres groupes d'âge peuvent avoir comme service.
Les enfants se retranchent alors sur l'écoute de cassettes et de disques numériques, enfermés le plus souvent dans leur chambre ou dans la bulle de leur baladeur. On lit dans le Nouvel Observateur:
Loisir numéro un des adolescents, la musique qu'ils écoutent est aussi variée, diverse, plurielle qu'eux-mêmes. Elle reflète leurs angoisses, leur révolte, mais encore leurs espoirs, leurs désirs. Elle peut venir du fin fond des années soixante, comme du tout dernier succès. Pas facile pour les adultes de s'y retrouver et de reconnaître les nouvelles stars qui font rêver leurs enfants. |
M. Michel Delorme (directeur général, Fondation Radio Enfant): La radio est certainement le média le mieux adapté pour accompagner la croissance des enfants. Elle suscite la créativité et stimule l'imaginaire. C'est également le média de la participation et de l'engagement personnel si essentiel à l'éducation. La radio encourage une attitude active en incitant à lire et à s'informer davantage. C'est le média de l'intimité, l'écoute de la radio étant une affaire personnelle. Pour les adolescents, la radio avec ses vertus de tam-tam crée un environnement de groupe, de collectif. La communication par les médias constitue aussi, comme l'affirme l'UNICEF, une excellente barrière de protection pour les enfants. La radio pourrait beaucoup mieux servir les enfants au Canada qu'elle ne le fait actuellement.
Au Canada, on ignore complètement les enfants en négligeant de diffuser à la radio les enregistrements qui leurs sont dédiés. Les productions musicales pour enfants sont exclues bien qu'elle soient nombreuses et de grande qualité.
Les enfants ont des droits reconnus par le Canada dans la Déclaration des droits de l'enfant, dont celui à l'expression et à la participation à la communication, notamment par les médias. Le CRTC devrait analyser cette question des services dédiés aux enfants: comment traduire, dans la réalité, ce droit des enfants à participer à la communication médiatique?
La fondation a récemment proposé au CRTC un projet-pilote de radio enfant-ado pour la région de la capitale canadienne, qui a d'ailleurs été refusé. La fondation s'est présentée de nouveau afin d'obtenir une licence à court terme. C'est aujourd'hui que nous faisons nos tests pour la mise en ondes de cette radio enfant-ado.
En proposant ce projet-pilote, la fondation a mis de l'avant un plan pour développer cette pratique partout au Canada. La fondation a demandé que, pour une période initiale de cinq ans, ce projet-pilote de Radio Enfant soit non commercial, c'est-à-dire que ses revenus ne soient pas basés sur la vente de publicité. L'essentiel de son financement, selon la requête que nous avons présentée, devait être assuré par des contributions des entreprises de radiodiffusion et de distribution. Ces avantages tangibles à la programmation canadienne sont actuellement dirigés par le CRTC et le ministère du Patrimoine vers la production de films et de disques.
Nos requêtes, maintes fois présentées au CRTC, ont toutes été refusées. La décision du CRTC de refuser une licence permanente à ce projet-pilote de radio par et pour les jeunes aura un impact important sur l'évolution de cette pratique de radio dédiée aux enfants, tant dans la région de la capitale canadienne qu'ailleurs au Canada. Le projet soumis au CRTC comprenait, entre autres, la diffusion par satellite puisque notre signal d'Ottawa sera retransmis à travers le Canada par ExpressVu. Il le sera prochainement, mais pour les 106 prochains jours. Des émissions de la station dont les studios sont à Hull seront retransmises à travers le Canada par satellite et la participation des enfants du Canada à la programmation de la station se fera par le biais de liaisons Internet à large bande.
La fondation souligne que ce projet verra le jour demain, le 20 mars, Journée internationale de la Francophonie, mais pour une période de 106 jours seulement puisque le CRTC a accordé une licence éphémère ou temporaire pour cette période seulement. Malgré son caractère éphémère, le Festival radio enfants-ados constituera une contribution novatrice à la programmation canadienne et une excellente initiative pour souligner le 10e anniversaire de la Déclaration des droits de l'enfant, qui sera souligné en grande pompe à New York en mai prochain. Notre défi est de passer le micro aux enfants.
Je passe maintenant à la concentration des médias. Le système actuel de contributions obligatoires à la programmation canadienne des radiodiffuseurs privés établi par le CRTC--et c'est notre point important--alimente la concentration des médias. Les fonds qui ont été mis en place pour contribuer à la programmation canadienne servent actuellement à commercialiser et à promouvoir la musique et à accélérer la création de vedettes pour augmenter la vente de disques. Ils sont pour la plupart sous le contrôle des grands médias. Le financement est surtout consacré à la promotion des artistes et apporte à l'industrie de la musique l'aide qu'elle demande. Aucune de ces contributions n'est directement orientée vers la programmation radiophonique et à la diversité des contenus, comme nous le proposons pour l'expression des enfants entre autres. Par ailleurs, nous constatons que de vastes secteurs de la population, par exemple les clientèles plus jeunes, sont négligés par les radios commerciales.
Á (1150)
Mme Lise Huot: Cette situation de très forte concentration et d'uniformisation de la radio nécessite des contributions effectuées indépendamment du contrôle des radiodiffuseurs privés et visant à favoriser la diversité des contenus radiophoniques non commerciaux et l'expression locale.
Nous demandons que la Loi canadienne sur la radiodiffusion exige que les entreprises privées du secteur de la radiodiffusion contribuent par des avantages tangibles à un appui financier à la production radiophonique locale et communautaire non commerciale dédiée aux enfants et aux adolescents.
Nous demandons au comité d'exiger que, dans le cadre de l'achat de nouveaux médias, des avantages tangibles soient consacrés à la création d'un fonds à l'expression radiophonique pour les enfants et les adolescents.
Voici les principaux domaines de l'assistance qu'un tel financement serait appelé à soutenir:
Production locale: soutien à la réalisation d'émissions de qualité mettant l'accent sur la diversité et les groupes négligés par les grands réseaux.
Infrastructure: favoriser l'implantation de moyens de communication et de production dans les petits milieux ou ceux qui sont marginalisés.
Développement des ressources humaines: formations et échanges entre les artisans de la communication pour enfants et adolescents.
Recherche et évaluation: analyse de l'impact de la communication sur les enfants, recherche sur les façons de l'améliorer.
En résumé, nous proposons que le CRTC offre aux jeunes une programmation axée sur leurs besoins, leurs intérêts, qui leur ressemble et qui soit non commerciale.
Nous proposons également qu'un fonds à l'expression radiophonique soit créé pour permettre aux entreprises privées du secteur de la radiodiffusion de contribuer financièrement à la production radiophonique locale et communautaire non commerciale dédiée aux enfants et aux adolescents.
Merci de nous avoir permis d'exposer notre point de vue devant ce comité parlementaire. Nous sommes bien disposés à répondre à vos questions.
Á (1155)
Le président: Merci beaucoup de votre mémoire et de vos recommandations. Je vous félicite aussi pour votre documentation. C'est vraiment du travail très bien fait. Je crois que c'est M. Delorme qui en a été le concepteur.
Monsieur Delorme, voulez-vous...? Très brièvement.
M. Michel Delorme: Le point important est vraiment cette contribution des secteurs privés à l'expression radiophonique. On aimerait en discuter. J'espère qu'il va y avoir des questions là-dessus, parce que nous, nous avons posé la question maintes fois au CRTC et à Patrimoine Canada et nous avons eu des refus. On aimerait beaucoup que le comité envoie un message à la ministre et au président du CRTC concernant ces contributions et les avantages tangibles de la programmation canadienne. Il me semble que la participation des enfants est une contribution à la programmation canadienne. Quand on pense qu'au Canada il n'y a pas une station qui s'adresse aux enfants de moins de 18 ans, il y a un problème, alors qu'il est clairement indiqué dans la loi que la programmation canadienne doit répondre aux besoins des hommes, des femmes et des enfants. Rien ne se fait pour les enfants. Alors, on aimerait beaucoup en discuter avec vous.
Le président: Monsieur Delorme, vous avez été très clair quant à votre point de vue. Je suis sûr que les membres du comité vous ont écouté avec beaucoup d'attention. Je suis certain qu'il y aura des questions en ce sens.
[Traduction]
Monsieur Pachul, nous vous écoutons.
M. Jan Pachul (président, Star Ray TV): Merci beaucoup.
Bonjour. Je m'appelle Jan Pachul et je suis de Toronto. C'est un honneur pour moi de pouvoir vous faire part de mes réflexions sur la réglementation en matière de radiodiffusion.
Vous avez peut-être lu des choses à mon sujet. Je suis le monsieur qui lutte avec le CRTC depuis des années pour obtenir une station de télévision communautaire de faible puissance à Toronto qui s'appelle Star Ray TV.
Après des années de dispute avec le CRTC, j'en suis venu à la conclusion que celui-ci doit être dissous. Notre pays n'est pas digne du nom de démocratie s'il conserve un organisme de réglementation comme le CRTC qui ne rend pas de comptes et qui gère dans les moindres détails la radiodiffusion et l'accès aux ondes. La liberté d'expression doit inclure l'accès égal pour tous aux fréquences de radiodiffusion, et pas seulement pour quelques entreprises fortunées qui sont dans le secret des dieux.
Si nous avons aujourd'hui un système de radiodiffusion où cinq grandes entreprises possèdent la majorité des stations de radiodiffusion au pays, c'est à cause des politiques du CRTC qui privilégient une petite élite de l'industrie.
Le CRTC applique à la lettre la théorie de la captivité réglementaire. En résumé, cette théorie décrit les diverses phases que suit un organisme de réglementation jusqu'au jour où il devient captif des industries qu'il est censé réglementer. Dans le cas du CRTC, la captivité réglementaire est illustrée par l'hostilité flagrante du CRTC à l'égard des nouveaux venus dans le domaine de la radiodiffusion.
Dans mon cas, la majorité des commissaires ont inventé toutes sortes de raisons pour rejeter ma demande parce que les poids lourds de l'industrie s'y opposaient. Oui, ils ont avancé des raisons qui ne reposaient sur rien. Je dispose de documents exhaustifs démontrant que la même chose est arrivée à d'autres nouveaux radiodiffuseurs qui voulaient avoir accès aux ondes publiques. À ce jour, je n'ai pas pu demander de comptes au CRTC pour ses affirmations mensongères et ses méfaits.
Le CRTC vient d'émettre une injonction m'ordonnant de mettre fin à mon entreprise de radiodiffusion à Toronto ou ailleurs au Canada. Les commissaires du CRTC sont incompétents ou corrompus, ou les deux. Un seul commissaire a une certaine expérience de la radiodiffusion. La majorité d'entre eux sont des avocats ou des experts-conseils, mais ces personnes portent des jugements de valeur sur les stations et les émissions que les Canadiens vont regarder.
Qu'est-ce qu'un avocat sait de la gestion d'une entreprise de radiodiffusion, des ventes ou de la programmation télévisuelle? Les avocats et les experts-conseils sont les professions qui sont le mieux en mesure de profiter des renseignements d'initiés et des relations que l'on se crée lorsqu'on est employé ou commissaire du CRTC. La plupart des grands radiodiffuseurs comptent dans leur personnel des avocats qui s'occupent des affaires réglementaires avec le CRTC. Un bon nombre de ces avocats sont eux-mêmes d'anciens employés du CRTC.
Comment se fait-il qu'on n'ait pas nommé un artiste comme commissaire du CRTC? Un téléphage qui regarde la télévision 40 heures par semaine serait préférable et plus compétent comme commissaire du CRTC qu'un avocat. Quels comptes le CRTC rend-il? Comment limoge-t-on un commissaire qui est corrompu ou incompétent?
Une décision du CRTC ayant pour objet d'émettre, de modifier ou de renouveler un permis n'est pas assujettie à un examen judiciaire, même si le requérant peut en appeler au gouverneur en conseil. Il n'y a pas de procédure d'appel si l'on vous refuse un permis. La décision du CRTC est finale. On peut vous refuser un permis à tout jamais.
Dans mon cas, le CRTC n'acceptera même pas de demande de ma part pendant qu'il est en train d'étudier la radiodiffusion de faible puissance, une étude qui dure depuis presque deux ans. L'organisme qui réglemente la radiodiffusion doit rendre des comptes directement au public. La Loi sur la radiodiffusion doit être assortie d'une procédure claire pour le limogeage des commissaires qui ne servent pas l'intérêt public.
On pourrait élire les commissaires par région. Ils pourraient ainsi au moins perdre leur poste s'ils ne servent pas le public. Pourquoi le CRTC dicte-t-il les formats de programmation et protège-t-il les formats existants de toute concurrence? Une station devrait pouvoir radiodiffuser tout ce qu'elle veut si elle respecte les exigences minimales relatives au contenu canadien et n'enfreint aucune loi. La radiodiffusion devrait être une industrie aussi concurrentielle que toutes les autres.
Avec ces permis qui sont de véritables planches à billets, les propriétaires de station ne sont nullement incités à l'excellence. L'excellence naît de la concurrence. L'industrie de la radiodiffusion a besoin de sang neuf. Qu'est-ce que cela peut bien faire si certains dinosaures font faillite? Les plus doués et les plus novateurs devraient être récompensés, pas les plus hostiles et les plus agressifs.
 (1200)
On trouve au Canada les talents qu'il faut pour faire concurrence aux radiodiffuseurs américains, si on donne une chance à ceux qui ont du talent. On entend parler du grand exode des cerveaux canadiens. C'est vrai. Des Canadiens doués et de valeur, sont contraints de quitter leur pays pour gagner leur vie et se faire connaître, alors que les médiocres restent. Personnellement, j'ai reçu une offre attrayante pour aller gérer une station existante de faible puissance aux États-Unis et oublier ainsi tous mes ennuis avec le CRTC. Je vois tous les jours des Canadiens de valeur et novateurs, qui sont irrités de n'avoir aucun débouché pour leur art ou sur leurs ondes.
Comment réparer les torts causés par le CRTC? Pour ma part, je commencerais par imposer un moratoire sur les licences que détiennent les 10 plus grands radiodiffuseurs du Canada. Pas de nouvelles licences pour les propriétaires existants, mais ils pourraient se départir de leurs biens, et aucune entreprise ne pourrait contrôler plus de 10 p. 100 de toutes les licences.
Il faudrait donner la préférence aux propriétaires locaux de stations. Les propriétaires qui ne sont pas du lieu ne pourraient faire une demande que s'il n'y a pas de requérants locaux.
Il faut encourager la coopération des nouveaux radiodiffuseurs dans une région géographique donnée. L'espace qu'occupe actuellement une seule chaîne analogique peut accommoder quatre chaînes numériques.
Il faudrait faire respecter la règle d'une station par propriétaire par marché, sans aucune exception. Quiconque possède une station sur un marché n'aurait pas le droit de demander d'autres licences sur ce même marché. Lors d'un récent appel de demandes du CRTC pour deslicences de télévision dans le sud de l'Ontario, la plupart des requérants avaient déjà des stations sur ce marché. Ces requérants se verraient automatiquement refuser le droit de faire une demande.
Il faut simplifier les demandes de licence. Le processus même constitue un grand obstacle pour les nouveaux radiodiffuseurs. Les entreprises dépensent aujourd'hui entre 100 000 $ et 1 million de dollars rien que pour faire la demande, sans avoir la garantie d'obtenir une licence. L'argent qu'on gaspille avec le processus de demande de licence du CRTC suffirait pour mettre en ondes une station communautaire de faible puissance. La demande de licence pour une télévision de faible puissance aux États-Unis tient sur deux pages. Le contenu de la programmation devrait être l'affaire du public et de la station, et pas celle du CRTC.
La plupart des nouveaux requérants ne peuvent receuillir des fonds à moins d'avoir une licence en main étant donné que les demandes de licence de radiodiffusion n'exigent pas d'informations ou de projections financières. On exigerait seulement du requérant qu'il mette en ondes sa station d'ici un an.
N'écoutez pas les récriminations des radiodiffuseurs parce qu'on crée de nouvelles stations. S'ils ne peuvent rester concurrentiels, ils devraient déclarer faillite comme n'importe quelle autre entreprise dans une société libre. Les nouveauxradiodiffuseurs devraient pouvoir contester la délivrance de licences en présentant leurs demandes à eux lors du renouvellement des licences. Le renouvellement automatique devrait être interdit.
La fonction de l'organisme de réglementation devrait se limiter à la gestion des fréquences et au respect des normes techniques, et Industrie Canada est déjà chargé de la gestion des fréquences. L'organisme de réglementation pourrait aussi se charger de faire respecter le droit de la concurrence, chose qu'Industrie Canada fait déjà avec le Tribunal de la concurrence.
Il faut mettre un terme aux activités de cette institution bureaucratique corrompue, gaspilleuse et incompétente qu'on appelle le CRTC. La liberté d'expression existe lorsque le public contrôle les ondes. Le moment est venu d'admettre que le CRTC est un fiasco. Mettez au chômage tous ces avocats, lobbyistes et experts-conseils. Ecartez le CRTC du chemin. Faites que le système de radiodiffusion reflète la grande diversité du Canada. Donnez aux Canadiens les outils qu'il leur faut pour concurrencer les Américains dans le domaine de la radiodiffusion. Faites que les Américains regardent des émissions produites au Canada. Récompensez la créativité et le talent. Donnez à quelqu'un d'autre la chance de devenir radiodiffuseur.
 (1205)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pachul.
Vous avez mentionné une institution très importante, et chose certaine, certaines observations que vous avez faites à propos de la bureaucratie entourant l'octroi des licences et tout le reste sont des choses que nous avons entendues dans d'autres tribunes et par d'autres témoins.
Mais je dois souligner le fait qu'à quelques reprises, vous avez dit que les commissaires du CRTC sont incompétents ou corrompus, et que le CRTC lui-même est une institution corrompue. Je me dois de vous dire que dans la sphère politique du Parlement, il existe une règle qui nous interdit de faire un procès d'intention aux gens, je ne veux donc surtout pas donner l'impression que nous souscrivons d'une manière ou d'une autre à vos propos. Nous devons être extrêmement prudents et ne pas prêter de mauvaises intentions à des gens qui agissent de bonne foi.
Je tenais seulement à mentionner cela, et je vous remercie beaucoup pour votre exposé, et chose certaine, vous avez exprimé votre point de vue avec la plus grande clarté.
Nous allons maintenant écouter M. Davies.
M. Roger Davies (témoigne à titre personnel): Merci. Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui. Nous n'avons peut-être pas les états de service de ceux qui nous ont précédés ici, mais nous parlons du fond du coeur, qui est le coeur des Rocheuses--Kimberley à proprement parler--où nous avons la station CATV.
Je suis heureux de vous dire que cette station est tout ce qu'il y a de plus communautaire, et en ce qui me concerne, l'avenir n'a jamais été plus prometteur pour la télévision communautaire. Nous sommes en mesure de produire une dizaine d'heures de programmation locale chaque semaine, avec nos six bénévoles. Et nous en sommes fiers.
C'est une station de radiodiffusion communautaire florissante, mais je me suis demandé l'année dernière si nous allions survivre. Ce n'est pas parce que nous manquons d'enthousiasme ou de contenu; c'est parce que je ne sais pas si nous pouvons encore compter sur le soutien de l'entreprise mère de câblodiffusion. On nous disait: «Eh bien, si vous avez moins de 2 000 abonnés, vous ne pourrez pas produire votre contenu local.» C'est le genre de pression que nous subissons, et je trouve cela totalement inacceptable.
Je veux préserver le regard de la télévision communautaire sur ma région, et cette station remonte au tout début de la télévision communautaire. J'ai ici des articles de journaux qui disent que CATV de Kimberley est entrée en ondes pour la première fois le jeudi 23 août 1956. Cette station était la première du genre au Canada, et en Amérique du Nord je crois, à diffuser par le truchement de ce médium. Notre station a donc un certain caractère historique.
Nous avons été les premiers à diffuser le bingo à la télévision communautaire, et nous avons réalisé des émissions de concert avec les Nations Unies. Nous avons donc essayé des choses. À mon avis, il est important que le comité se rappelle que ces émissions ont été réalisées par des gens qui avaient des idées. Ces gens étaient libres. Ils pouvaient voir des choses dont ils voulaient parler au reste du monde, ou participer, comme ce fut le cas avec les Nations Unies, et agir. C'était il y a près de 45 ans de cela.
Qu'est-ce qui a fait changer les choses? Je crois que c'est une question d'échelle économique et de distance par rapport à l'entreprise. Aujourd'hui, notre télévision communautaire est la propriété de personnes qui ne vivent pas chez nous, et cela a un effet. Nous nous débattons pour faire entrer ce regard communautaire dans les foyers des abonnés du câble avec une petite équipe de bénévoles dévoués et polyvalents qui ont travaillé sans relâche pendant 43 ans pour donner à notre chaîne communautaire les compétences et la vision qui ont fait sa réputation.
Pourquoi cette chaîne communautaire réussit-elle à Kimberley? Ce n'est pas parce qu'on y injecte des fonds considérables. En fait, nous n'en avons pas. Nous n'avons même pas de budget. Nous nous servons du matériel que nous fournit le détenteur de licence. C'est la cheville ouvrière de notre chaîne communautaire, et nous sommes en mesure de réaliser ces six heures par semaine avec ce matériel.
Nous avons aussi deux magnétoscopes à cassettes AIWA à 100 $. Ces magnétoscopes peuvent être reprogrammés pour jouer au lieu d'enregistrer. C'est le genre d'équipement que nous utilisons, et c'est très bien comme ça. Ça marche depuis 15 mois. Nous réussissons grâce à l'innovation et à l'enthousiasme des bénévoles de notre système. Donc, cette approche de faible technologie a été couronnée de succès.
Notre chaîne communautaire conserve ses abonnés et en recrute d'autres. J'entends tous les jours des gens dire: «Ah, ma femme m'a obligé à renoncer au satellite parce qu'elle voulait avoir la chaîne communautaire.» Nous jouons donc un rôle important dans la culture canadienne.
Nous devons savoir d'où proviendront nos fonds. Nous ne versons pas de salaires, mais nous avons besoin d'équipement pour continuer. Nous voudrions continuer d'avoir accès à l'équipement de l'entreprise mère, partout où il y a un intérêt communautaire manifeste. Nous voudrions avoir les moyens de réaliser, sans contrainte, une gamme complète d'émissions à caractère communautaire--et cela est essentiel--au niveau de la forme et du contenu.
 (1210)
J'aimerais en parler un peu plus longuement. Nous fournissons une gamme complète de programmation, qui va des documentaires aux émissions d'intérêt local, et c'est beaucoup. Il y a un système semblable au sud de chez nous qui ne parvient pas à le faire. Par exemple, si M. Abbott devait nous envoyer d'Ottawa une émission sur ce qui se passe ici, je pourrais la mettre sur notre système de câblodiffusion, mais dans sa ville de Cranbrook, il est limité à un multiplet d'une minute. Je trouve que ce genre de contrôle sur la diffusion communautaire est totalement inacceptable, alors que nous avons des émissions produites par des bénévoles qui ont un caractère communautaire au niveau de la forme et du contenu.
Ce que nous demandons au comité, c'est de reconnaître essentiellement que nous avons besoin d'un financement sûr afin de pouvoir disposer du matériel essentiel. Nous avons les bénévoles; nous avons l'enthousiasme qu'il faut. Nous n'avons pas besoin d'être payés pour nos services et je juge que, en substance, c'est là la base même de la télévision communautaire.
Je cède maintenant la parole à Ken.
M. Ken Collins: Nous avons beaucoup de chance à Kimberley en ce sens qu' il s'agit d'une petite localité dont l'esprit est très communautaire. Il y a là un réseau social fort, et c'est ce que nous reflétons et c'est ce qui nous anime. Nous recevons des appels chez nous où on nous demande de couvrir tel ou tel événement. Nous n'avons pas à nous inquiéter des chaînes concurrentes parce que les gens font du saute-bouton et lorsque leur attention est retenue par une émission que nous réalisons, ils la regardent, ou alors ils ne la regardent pas. Les gens nous disent si l'émission leur a plu ou pas. C'est cela qui nous gouverne.
Roger et moi avons des vues légèrement divergentes sur quelques questions d'ordre mineur. L'une d'entre elles est toute la question du financement étant donné que nous avons un animateur employé par le câblodiffuseur qui gagne 30 000 $ par an. Le câblodiffuseur me considère comme un bénévole. Je me considère comme un radiodiffuseur indépendant. J'achète mes propres bandes. Nous avons en fait trois magnétoscopes. L'un d'entre eux que j'ai fourni et payé, mais je ne peux pas légalement déduire ces frais comme dépenses en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, tout simplement parce que notre télévision n'a pas le statut d'oeuvre de bienfaisance. Je me retrouve donc à subventionner le câblodiffuseur, à mon avis, et celui-ci peut faire des profits en vendant de la publicité. J'aimerais qu'il existe un mécanisme, et je crois qu'il devrait y en avoir un, qui permettrait de parrainer les radiodiffuseurs indépendants.
L'argent par nature privilégie l'argent et va toujours vers l'amont. Je crois que ce serait une bonne chose de faire en sorte que l'argent aille plutôt vers l'aval, vers le monde ordinaire.
L'un des problèmes que pose la réglementation, bien sûr, c'est que chaque fois qu'on établit une règle, on crée une échappatoire.
Étant donné que nous manquons de temps, je vais me contenter de réitérer cette ferme conviction que j'ai, à savoir que l'accès est important. Nous pensons que la radiodiffusion communautaire doit être un droit et non un privilège, et le fait de détenir une licence de câblodiffusion devrait être un privilège et non un droit.
Vous avez posé la question: «Selon vous, en quoi consiste exactement le tissu culturel du Canada et est-il possible de fixer des exigences en matière de contenu qui permettraient effectivement de le sauvegarder, de l'enrichir et de le renforcer?» Je réponds à cela que nous, à la base, les producteurs indépendants de la télévision communautaire, sommes les plus proches du tissu culturel du Canada, et la meilleure façon de le protéger est de légiférer en matière de contrôle communautaire et d'assurer un accès égal et suffisant à la radiodiffusion de la télévision communautaire. La meilleure façon de l'enrichir et de la renforcer serait d'établir un programme de mentorat indépendant, qui serait accessible à toutes les localités du Canada.
Il y a une autre chose qui a trait à l'accès. Nous commençons à manquer de chaînes, croyez-le ou non. Nous avons une chaîne d'accès communautaire que nous utilisons pour notre programmation, et il y avait une autre chaîne qui était en fait une chaîne tampon. Elle vient d'être mise en service pour diffuser le Hansard de Victoria étant donné que c'est un service d'intérêt public.
Il y a une chose qui m'est venue à l'esprit, et c'est que si nous travaillons bien et que nous répondons vraiment aux besoins de notre localité, et si nous lançons un dialogue dans la société qui reflète vraiment la télévision communautaire, celle-ci connaîtra une croissance telle que le manque d'espace deviendra notre seul obstacle.
Merci.
 (1215)
Le président: Merci beaucoup, messieurs Davies et Collins, de cet exposé très rafraîchissant. C'est comme une bouffée d'air frais de vous entendre dire que vous arrivez à utiliser d'anciennes technologies pour vous attaquer au vrai problème, ainsi que pour survivre et pour créer de la prospérité, comme vous l'avez souligné. Nous vous remercions de vos réflexions et de vos recommandations.
Je cède la présidence à M. Abbott.
Le vice-président (M. Jim Abbott (Kootenay--Columbia, Alliance canadienne)): Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à tous, en particulier aux deux électeurs de ma circonscription, qui viennent de faire un exposé. J'admets volontiers que c'est leur point de vue sur la question qui, dans une large mesure, a influencé le mien et m'a fait comprendre que, comme je le disais un peu plus tôt, c'est le point de départ, c'est au niveau du public que commencent les réticules de l'information, qui se frayent un chemin à travers tout le processus législatif jusqu'aux législateurs.
En ce qui concerne la nature «communautaire», dans la forme et dans le contenu, de la programmation dont nous parlons, permettez-moi de prendre 30 secondes pour décrire la situation qui existe dans ma circonscription, qui est très montagneuse. Nous sommes desservis par le câblodistributeur Shaw, qui exploite le réseau de câblodistribution qui s'étend de Radium, au centre du sillon des Rocheuses, jusqu'à Creston, en passant par Invermere, Fort Steele et Cranbrook. Shaw dessert au moins 60 p. 100 des abonnés du câble, sinon 70 p. 100.
Par ailleurs, il y a deux câblodistributeurs dans la Elk Valley, qui rejoignent quelque 12 000 abonnés. Il y a un autre câblodistributeur indépendant à Revelstoke, collectivité isolée de 8 500 personnes, située à au moins une heure et demie en voiture de toute autre agglomération. Il y a une autre collectivité isolée à Golden, et puis il y a Kimberley.
Essentiellement, les bénévoles de Kimberley ont réalisé la vision que nos deux témoins ont présentée de façon si éloquente aujourd'hui. À leur avis, que faudrait-il faire pour créer un système permettant aux habitants de Golden et de Revelstoke, qui sont desservis par des petits câblodistributeurs...? Que faudrait-il faire? Faudrait-il prendre des règlements? Que faudrait-il faire pour permettre à d'autres collectivités qui partagent la même vision que vous de réaliser ce projet chez eux?
Nous discuterons de Shaw dans un instant.
 (1220)
M. Roger Davies: Permettez-moi de répondre à cette question, monsieur Abbott. C'est la télévision communautaire qui constitue la force vive à Kimberley. Comme je l'ai dit, nous y produisons jusqu'à 10 heures de programmation par semaine. Fernie, qui se trouve à quelque 60 milles plus loin, a du mal à produire quoi que ce soit, même si elle se trouve desservie par le même système de câblodistribution, sous la gouverne du même directeur de programmation. Nous avons tenté la démarche là-bas, mais elle a des ratés et elle cale.
Ce que l'on constate, c'est que les gens commencent à comprendre ce que l'on sait, à Kimberley, depuis 40 ans: ils ont commencé à tourner Griz Days, en employant la formule du conseil municipal, et ainsi de suite. Ce sont les membres de la communauté qui prennent l'initiative, et cela prend un certain temps. Au sein de la collectivité elle-même, nous commençons à voir des groupes indépendants qui s'équipent et commencent à donner une voix à leur collectivité au moyen de la câblodistribution.
L'important, je crois, c'est la fourniture fiable de l'équipement de base et l'accès à ce matériel. Croiriez-vous que chacun de nos bénévoles a une clé pour la salle de contrôle--ce qui ne donne pas accès aux appareils eux-mêmes, mais à la salle de production. Nous pouvons y entrer à tout moment. Nous sommes les réalisateurs; nous gérons la production vidéo. Notre coordonnateur rémunéré, ou notre mentor, ainsi que je le nomme, veille à ce que l'équipement soit accessible à tous les bénévoles. Ensuite, c'est nous qui prenons la relève.
Il y a un sens de la communauté, d'accessibilité, sans que pèsent sur nous des menaces du genre: «si nous n'avons pas suffisamment d'abonnés, nous devrons fermer nos portes.» À terme, je crois que cela viendra. Il nous faut favoriser une confiance communautaire, et je dirais, par-dessus tout, la conviction que nous pouvons produire des émissions. Je vois naître cette confiance à Fernie en ce moment.
Le vice-président (M. Jim Abbott): Mais le problème, à mon sens, se situe chez Shaw. Ils sont censés avoir maintenu la programmation communautaire. Comme vous l'avez dit dans votre exposé, ils produisent ces émissions dans leur propre studio, selon la formule qu'ils considèrent la plus séduisante pour leurs téléspectateurs. En conséquence, les interviews avec le maire, avec un membre de l'Assemblée législative, comme moi, ou avec n'importe quel élu de Cranbrook durent tout au plus trois minutes. Cela constituerait une interview très longue, en contraste avec le reste de la programmation.
Donc, si l'on considère le cas de Revelstoke et Golden, qui ne produisent aucune programmation communautaire, si l'on songe à Shaw, qui a choisi sa propre formule, je demande au comité ce qu'il pense de la situation. À votre avis, devrait-il y avoir une mesure législative quelconque qui obligerait les câblodistributeurs à offrir un nombre x d'heures ou de minutes par semaine?
 (1225)
M. Ken Collins: Je crois que la loi devrait créer une obligation de cette nature.
Quant à la valeur de la variable x, je n'en suis pas bien sûr, parce que l'on se lance là dans le débat sur le temps alloué. Il faudrait plutôt adopter une formule qu'un nombre fixe, parce que toutes les communautés sont différentes.
Un exemple qui illustre ce que vous avez dit est le cas d'un des groupes qui m'a sollicité pour une émission à Kimberley, soit la paroisse luthérienne de East Kootenay. Kimberley a des racines chrétiennes assez profondes. Les premières églises y ont été fondées en 1923, et on y trouve plus d'églises que de bars. Ce groupe est donc représentatif de la communauté. Les Luthériens sont plus nombreux à Cranbrook, mais ils sont présents à Kimberley, Elkford, Fernie et Radium. Ils sont venus me voir. Ils ont une émission d'études bibliques en direct, le mardi soir. Cependant, je ne peux faire diffuser leur émission à Cranbrook, simplement parce que Cranbrook ne leur accorde que quatre minutes tout au plus. La décision est entièrement sujette à leur discrétion.
M. Roger Davies: Puis-je ajouter quelque chose?
Le président: Oui.
M. Roger Davies: Monsieur Abbott, ce qui s'est produit à Cranbrook, c'est qu'un nouveau directeur de la programmation a imposé une nouvelle formule. Des bénévoles ont été licenciés. La direction est devenue autocratique, entièrement contrôlée par l'entreprise et ses employés. Je crois que cette formule est absolument inacceptable. Les bénévoles n'ont plus accès au canal, ce qui, à mon sens, dénature la télévision par câble.
[Français]
Le président: Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Merci. Je vais commencer par M. Pachul. Ensuite, je passerai au projet Radio Enfant-Ado.
Vous avez longuement parlé du CRTC. Plusieurs personnes nous ont fait des remarques quant à la gestion du CRTC. Vous dites qu'il faudrait remplacer le CRTC, mais auriez-vous des suggestions pour l'améliorer? Je pense, par exemple, aux membres qui siègent au conseil d'administration et qui pourraient insister davantage sur l'aspect du rayonnement de ce qui se passe dans la société plutôt que d'être un petit club fermé.
Ce matin, par exemple, il y avait des gens de la télévision et de la radio communautaires. Il me semble que s'il y avait des gens du communautaire qui participaient, cela pourrait peut-être améliorer certaines décisions et on pourrait peut-être comprendre d'autres enjeux dans la société que les enjeux commerciaux privés. Pouvez-vous m'en parler un peu?
[Traduction]
M. Jan Pachul: Je crois que l'un des problèmes importants, au CRTC, c'est sa nature très légaliste. Par exemple, je parlais de tous les avocats qui siègent au CRTC. Ces spécialistes ne représentent ni les téléspectateurs ni les groupes communautaires. Les membres devraient représenter un large éventail de la société, et non uniquement la communauté juridique. Par exemple, pourquoi n'y a-t-il pas un artiste au sein du CRTC? À l'heure actuelle, le CRTC prend beaucoup de décisions qui touchent au jugement créatif et artistique. Par ailleurs, si les membres du conseil étaient élus, d'abord et avant tout, ils représenteraient mieux la société.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Merci. On va en tenir compte, mais je pense qu'on a une réflexion à faire quant à la direction du CRTC et à la façon dont il prend certaines décisions. Il semble y avoir beaucoup d'incohérences.
Je tiens à vous féliciter pour votre projet Radio Enfant-Ado. Je pense que vous avez remporté, dimanche dernier, un prix d'Impératif français pour la qualité de vos réalisations.
Vous avez trois scénarios possibles pour permettre la diffusion d'émissions d'enfants: obtenir du temps d'antenne d'une station de radio, contribuer aux émissions de radio qui sont déjà en place et établir une station autonome.
Je me questionne sur la faisabilité de cette dernière possibilité au niveau... Je sais qu'il faudrait de l'argent avec cela, mais on a reçu ce matin les radios et télés communautaires et il y a aussi une question de rayonnement dans la communauté afin qu'il y ait une diffusion locale. Que souhaiteriez-vous ou que verriez-vous comme type de rayonnement local? Si, par exemple, on a des stations de radio d'enfants, ça voudrait dire combien? Quel serait le développement de cette idée qui me semble, en tout cas à première vue, très intéressante?
Vous avez un projet superbe. On a juste à regarder à Radio-Canada--je l'écoute de temps à autre--l'émission pour les enfants. C'est plein de fraîcheur et ça nous amène parfois à oublier les difficultés que l'on vit comme députés. Arriver avec des enfants qui ont des idées tout à fait géniales, je trouve cela excellent, mais j'aimerais plutôt que vous me parliez de la faisabilité. Avez-vous une idée de la façon dont tout ça pourrait être développé?
 (1230)
M. Michel Delorme: Oui, on a des idées et on en a exposé au CRTC. D'ailleurs, je pourrais aussi commenter votre question précédente sur les recommandations, mais en qui a trait à la question particulière que vous posez...
D'abord, comme principe, il faut adopter l'idée qu'il faut laisser de la place aux jeunes, aux enfants, et j'inclus les enfants de quatre ou cinq ans jusqu'à 18 ans. Ils n'ont pas de place à la radio. Aucune station ne dessert cet auditoire. Il faut, évidemment, utiliser toutes les stratégies possibles pour leur faire de la place.
Dans des milieux où il n'est pas possible, financièrement, de créer une radio autonome, on va travailler avec des radios en place. C'est pour cette raison que chez vous, je travaille avec Radio Basse-Ville. CKIA est un grand partenaire qui travaille avec six ou sept écoles dans votre milieu. On travaille avec eux; c'est un partenaire. Là où il n'y a pas de station, comme à Sainte-Marguerite, dans la Beauce, ils vont implanter une petite station à faible puissance et ils vont rayonner.
Ici, dans notre communauté, à Ottawa-Hull, il n'y a pas de radio communautaire et il n'y avait pas de radio disposée à offrir du temps d'antenne. C'est pour cette raison qu'on a proposé au CRTC une radio à plein temps pour les adolescents et les enfants. Ce n'est pas n'importe qui; ce sont des parents, et on a reçu l'appui unanime de la communauté. Quand je dis unanime, je veux dire que tous les maires et toutes les commissions scolaires des deux côtés de la rivière étaient là. Des conseillers municipaux sont venus des deux côtés de la rivière déposer cela au CRTC, avec plein d'appuis communautaires. Or, le CRTC a décidé d'attribuer une fréquence, la meilleure fréquence, à un groupe de St. John's, à Terre-Neuve, qui n'a pas d'appui dans le milieu; il avait les photocopies de six lettres d'appui du milieu. Et on n'a pas eu ce que l'on demandait.
Nous présumions que notre communauté avait du potentiel. On a développé, évidemment. On a présenté au CRTC des scénarios de financement de cette radio-là, et ça se tient. Ça se tient parce qu'il y a de la commandite et des partenariats. Il y a de la publicité éducative qui peut se faire de la part du ministère de la Santé et du ministère de l'Éducation. Il y a plein d'informations éducatives qui peuvent s'adresser aux enfants et qui peuvent être payées. Les pharmacies pourraient donner de l'information sur les médicaments à prendre. Le tabagisme, par exemple, pourrait faire l'objet de plein de campagnes. Donc, il y a des moyens de financer une radio pour les adolescents et pour les enfants aussi.
Ce qu'on a présenté au CRTC, c'est cette idée de contribution du secteur privé. Avec le secteur privé, on a ouvert une trappe que le CRTC s'empresse toujours de refermer, toujours, toujours, parce qu'il est de connivence avec le milieu de l'industrie et il dit que ça s'en va aux films, que ça s'en va aux disques. Par exemple, ExpressVu donne 20 millions de dollars au fonds du film. Ils nous ont dit qu'ils seraient d'accord pour nous en donner une portion, mais qu'il fallait avoir l'autorisation du CRTC, ce qu'on n'a jamais eu.
Donc, si on pouvait avoir une partie de cette contribution que les entreprises doivent donner à la programmation pour l'allouer à un secteur comme celui-là, on pourrait financer une radio. C'est ce que nous avons proposé: une radio non commerciale pour les enfants. On ne veut pas faire une radio pour vendre des produits de consommation et inciter les jeunes à consommer. On veut faire une radio de développement pour la communauté, pour les enfants, pour les jeunes, et il y a des moyens de financement, entre autres avec cette contribution du secteur privé et aussi du ministère du Patrimoine.
Donc, il y a un ensemble. Ce n'est pas seulement une source de financement; c'est une diversité. Il y a donc la commandite, la publicité, la commandite des grands films, par exemple Bombardier, etc. et la commandite de prestige, la publicité informative. Il y a cette contribution du secteur privé et il y a aussi le gouvernement, le ministère de l'Éducation et le ministère du Patrimoine, qui trouverait justement une justification à contribuer à une programmation semblable qui vise une population qui n'a aucun service au Canada; aucune des 500 radios ne la dessert.
C'est dans la loi: il faut répondre aux besoins des enfants. Qu'est-ce que vous faites de cela? Qu'est-ce que le CRTC vous répond quand vous leur...? Nous, nous en avons appelé de la décision. Nous avons déposé un appel tout à fait argumenté. Le CRTC ne répond pas à ces questions-là. C'est sa règle: il ne répond pas. Donc, vous apportez un tas de propositions et vous n'obtenez aucune réponse, et là-dessus, c'est encore la même chose.
On est allés chez Astral. Astral a été impliqué dans une transaction, un achat de 250 millions de dollars. Ils sont obligés de faire une contribution de 10 p. 100 à la programmation canadienne. Ils devaient mettre 25 millions de dollars. Ils ont proposé de mettre 13 millions de dollars . Six de ces 13 millions de dollars sont administrés par le fonds d'Astral. Donc, c'est eux qui décident où va l'argent.
 (1235)
Nous avons fait valoir que notre projet était une contribution à la programmation canadienne, que c'est un avantage comparativement, par exemple, à la distribution d'argent qu'ils ont faite. Je vous épargnerai les détails, mais il est complètement aberrant qu'Astral puisse considérer cette distribution d'argent comme une contribution à la programmation canadienne. Pendant ce temps, nous venons déposer un projet qui est une contribution évidente. C'est essentiel que les jeunes disposent de moyens de communication comme celui-là. Les gens de chez vous vous le diront. Allez voir ceux de Radio Basse-Ville et ils vous le diront.
Le président: Monsieur Duplain.
M. Claude Duplain: Je n'ai pas de questions à vous poser. J'aurais plutôt envie de vous attribuer le temps à ma disposition pour vous permettre de continuer, car plus vous parlez, plus on en apprend.
M. Michel Delorme: Je n'ai pas terminé et vous n'avez pas fini d'en apprendre parce que nous avons des recommandations à faire concernant le CRTC.
C'est sûr que nous avons vécu une expérience traumatisante.
Le président: Nous l'avons compris. Monsieur Duplain.
M. Claude Duplain: Monsieur Davies, le problème que vous vivez est le même que celui que vivent les télévisions communautaires du Québec. Vous disiez tout à l'heure dépendre d'un câblodistributeur qui ne participe pas comme il le devrait au développement local au moyen de la télévision communautaire. En fait, vous vivez le même problème que le Québec avec ses postes de télévision communautaire.
Est-ce bien ce que vous nous expliquez ou si votre problème est différent?
[Traduction]
M. Roger Davies: C'est plus précis que cela. Notre fournisseur se tient entièrement à l'écart du processus. Je pourrais produire n'importe quelle émission que je veux, à n'importe quel moment, à condition de respecter les règlements du CRTC.
Voici la menace que je perçois. D'aucuns ont avancé que la programmation communautaire à Kimberley dépend entièrement du nombre d'abonnés. Nous sommes parvenus au point où nous dépendons de la règle des 5 p. 100 qui s'applique aux câblodistributeurs pour obtenir notre équipement. Et nos moyens ont été réduits. Dans l'un de mes mémoires, j'ai dit que nous en étions rendu à nous demander à quoi bon continuer parce que nous n'avions même pas de magnétoscope pour diffuser le matériel.
Je ne parle pas du câblodistributeur actuel, mais de l'entreprise précédente. Elle nous a retiré tout notre matériel. Peu importe donc les efforts que nous avons déployés pour produire des émissions--c'est à cela que je dois consacrer mes énergies--, nous n'avions plus les moyens de mettre ces émissions en ondes. Voilà à quoi nous assistons et ce dont je parle ici. Certes, notre fournisseur n'a jamais dit que je n'avais pas le droit de faire ce que je voulais. À Cranbrook, c'est une autre histoire, mais à Kimberley, cela n'a jamais été dit.
 (1240)
M. Ken Collins: Même à Kimberley, nous sommes sous la gouverne d'un dictateur bienveillant. Nous sommes chanceux que l'arbitre embauché par l'entreprise ait l'esprit communautaire. Mais le dialogue entre lui et l'entreprise tourne souvent à la querelle lorsque, au nom de la communauté, il demande certaines choses que l'entreprise n'accorderait pas autrement puisqu'elle n'est pas tenue de le faire. L'entreprise ne fera rien à moins d'y être obligée. Elle prendra ses décisions en fonction des bénéfices, en fonction des facteurs comptables.
M. Roger Davies: Nous souhaitons une telle sécurité.
[Français]
M. Claude Duplain: Monsieur Delorme, il y a une chose que j'ai mal comprise tout à l'heure. J'aimerais que vous me donniez des explications concernant la licence qui est délivrée à Terre-Neuve. Peut-être est-ce parce que je m'y connais peu, mais je saisis mal le rapport avec ce que vous...
M. Michel Delorme: Certains ont obtenu la licence que nous convoitions, soit la fréquence qui était considérée comme éducative jusqu'à ce que, il y a quelques années, Industrie Canada modifie cela sans consulter qui que ce soit.
Nous étions 13 à convoiter cette fréquence. C'est une entreprise de St. John's, Terre-Neuve, qui l'a obtenue et qui voulait s'implanter dans le marché d'Ottawa. Vous pourrez lire dans les dossiers que cette entreprise avait reçu six ou sept lettres d'appui, toutes rédigées de la même façon et venant d'entreprises qui voulaient vendre de la musique. C'est cette entreprise qui a obtenu la licence de 27 kilowatts pour émettre de la dance music sur des paroles en anglais.
La deuxième licence qui fut accordée l'a été aux groupes autochtones. La troisième est allée aux groupes multiethniques et aux francophones. Qu'a-t-on dit? Que ce serait une station de musique classique. Or, l'art qu'on pratique à la station de musique classique de Jean-Pierre Coallier, c'est de se fermer, d'avoir le moins de convenu verbal possible afin d'endormir les gens. On vise le public des 40 à 60 ans.
Par ailleurs, on a dit au groupe de Radio-Nord de se trouver une fréquence. On lui a donné une licence, mais il devait se trouver une fréquence, ce que Radio-Nord cherche encore. Par conséquent, Radio-Nord n'émet pas encore. Aucune des ces quatre stations de radio n'est en ondes et, pendant ce temps, nous avons été obligés de préparer une autre demande de licence complète, avec devis technique et tout ce qui s'ensuit, puis de répondre à des lettres qui peuvent contenir jusqu'à 27 questions, à la suite de quoi nous avons obtenu une licence éphémère.
Donc, nous émettrons sur les ondes à compter d'aujourd'hui mais pendant 106 jours seulement. Nous fermerons le 1er juillet. Parmi les quatre stations qui ont obtenu une licence, la première a obtenu la sienne il y a un an. Et nous sommes les premiers à émettre sur les ondes, bien qu'on ait dû présenter deux demandes.
Le président: Combien vous a-t-il fallu d'argent pour préparer votre demande?
M. Michel Delorme: Radio-Nord dit qu'habituellement, la préparation d'une demande lui coûte 200 000 $. Cela ne nous a pas coûté 200 000 $ mais à peu près 50 000 $.
Où trouve-t-on cet argent-là? On en trouve une partie en utilisant des services bénévoles et on l'invente. Mais le technicien de même que les études de marché qu'on paie nous forcent, en gros, à puiser entre 20 000 $ et 25 000 $ dans nos ressources. Cela a été le cas pour les deux demandes de licence qu'on a présentées au CRTC, pour satisfaire à une exigence qui, je le répète, se trouve dans la loi en tête de chapitre. On dit que la programmation doit «répondre aux besoins [...] des hommes, des femmes et des enfants». C'est une honte.
Le président: À vous entendre, monsieur Delorme, vous êtes un passionné.
[Traduction]
Le président:
Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui.
On a dit autour de la table à quel point nous prenons sérieusement le volet communautaire du système de radiodiffusion. Je me fais fort de le répéter de ce côté. On m'a dit que le contenu canadien, la culture canadienne, cela commence... Northrop Frye affirme que la culture est locale. Elle naît dans nos vies, dans nos rues, et nous croyons en cela. Et c'est ce que je vous entends dire très clairement.
J'aimerais vos remarques sur un point qui a été soulevé dans un mémoire présenté avant le vôtre. On y exprime la conviction que le CRTC a commis plusieurs erreurs. On entend cela un peu partout. La commission Caplan-Sauvageau de 1986 recommandait que des licences soient octroyées aux collectivités désireuses d'établir des canaux de télévision communautaire. En lieu et place, le CRTC a accordé ces canaux aux câblodistributeurs--première erreur.
La deuxième s'est produite en 1998, lorsque le CRTC a éliminé l'obligation faite aux câblodistributeurs de maintenir des chaînes communautaires. Dans l'esprit de ces gens-là, cette décision a mené, en fait, à une perte de qualité palpable et à l'incapacité de maintenir les canaux communautaires. En fait, c'est toute la structure qui est en péril à l'heure actuelle. Partagez-vous ce point de vue? L'analyse vous paraît-elle valable?
 (1245)
[Français]
M. Michel Delorme: Dans la loi, il y a des choses qui sont clairement identifiées. On a étudié la Loi sur la radiodiffusion parce qu'on est allés en appel et, lorsqu'on va en appel, il faut se baser sur la loi.
On a constaté que le CRTC pouvait, à un moment donné, mettre l'accent sur certains aspects de la loi et négliger complètement d'autres aspects de celle-ci. Par exemple, ici, dans la communauté, il n'y a pas de service communautaire. Il est bien dit que c'est important, que c'est une priorité d'avoir un service communautaire dans la communauté, mais il n'y pas de service communautaire. Le CRTC se dit que c'est l'économie qui est importante, que c'est le bon usage qui compte et que l'on n'a pas réussi à le convaincre que c'était le meilleur usage à faire de la fréquence. Il joue donc avec les termes de la loi pour en arriver, finalement, à sa décision. Il ne répond à personne de ses décisions, c'est-à-dire qu'il ne fournit ni de réponses ni d'explications. Donc, il néglige beaucoup de choses. Tous les gens du CRTC viennent du secteur commercial et retournent au secteur commercial après. Il s'agit d'une étape de passage pour eux. C'est évident que, pour eux, ce n'est pas une question de tricherie, mais c'est un paradigme commercial qui prime par rapport aux autres. C'est ça qui leur est important, c'est-à-dire un bon usage d'une fréquence qui est un bien public.
Prenons seulement la question des biens publics. La fréquence est un bien public. C'est donc dire que la communauté qui va être desservie est une considération importante. Mais jamais le CRTC ne l'a considérée dans ce cas-là. C'est honteux. Ce groupe-là qui a obtenu la licence n'avait pas d'appui. Nous, on a été bombardés. On a déposé des pétitions de 400 noms au CRTC. Ce n'est rien, cette affaire-là. C'est quoi ça? C'est le groupe qui a dit que... En plus de ça, on a dit au CRTC qu'on voulait avoir droit aux contributions du secteur privé. Il nous a répondu non.
Je vais vous donner un exemple de ce que le CRTC a autorisé. NewCap donne 2.5 millions de dollars, sur une période de cinq ans, à la radio autochtone commerciale comme contribution au talent canadien. Ce qu'on lui a demandé, il nous l'a refusé. Mais, dans la même audience, il l'a donné au groupe autochtone qui est une radio commerciale qui rediffusera, de Toronto, un contenu local de 15 p. 100 qui aura la deuxième fréquence. Il lui a donné 2,5 millions de dollars. Il a accordé 500 000 $ à cette radio commerciale pour qu'elle s'implante. Le CRTC a accepté ça devant nous. Aucun journaliste dans la salle, aucune personne qui a été témoin de cette contradiction-là... Cela a passé comme du beurre dans la poêle. C'est incroyable.
La loi, à un moment donné, a été étirée. Il faut préciser que le gouvernement a dit, en deux lignes, qu'il fallait que les entreprises contribuent à la programmation canadienne. Le CRTC est parti avec ça et a dit qu'il allait établir un fonds pour les films et un pour l'ADISQ. That's it, that's all!
Il n'y a plus rien qui va. En pleine audience, Mme Wylie m'a demandé combien de fois cela faisait que je posais la même question, que je faisais la même demande et qu'on me répondait la même chose.
Le président: Je vais donner l'occasion de dire un mot à MM. Pachul et Davies.
[Traduction]
Vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Jan Pachul: Oui, j'aimerais faire une remarque.
Je partage la frustration de M. Delorme par rapport au CRTC; il ne semble y avoir aucun mécanisme de reddition de comptes envers le public.
 (1250)
Le président: Sur ce point, il y a un large consensus.
M. Jan Pachul: Oui, en effet.
M. Delorme parlait de dépenser plus de 50 000 $ sur des demandes. Eh bien, c'est là le type d'investissement qu'il faut faire si l'on veut progresser, dans tous les cas, avec le CRTC. Je ne sais pas si cela s'avère le cas pour M. Delorme, mais vous faites état des grands distributeurs qui critiquent les petits, en disant: «Eh bien, vous allez miner nos affaires; vous allez nous saigner à blanc.» Tout cela, et en plus, il n'y a pas de reddition de comptes.
D'abord, l'entreprise de câblodistribution n'est pas tenue de rendre des comptes par rapport à son canal communautaire. Récemment, à Toronto, on peut voir les câblodistributeurs qui se servent exclusivement de leurs canaux communautaires pour faire la promotion de leurs différents services. On ne peut approcher ces entreprises pour produire une émission; tout est fait par des professionnels--la gestion est faite par des professionnels d'un bout à l'autre--et il n'y a aucun accès communautaire.
L'autre grave problème, bien sûr, c'est que les câblodistributeurs ne se préoccupent guère de l'accès communautaire. J'ai parlé à plusieurs personnes de Vancouver, et il semble que Shaw considère l'accès communautaire comme un sacrilège. J'ai entendu quelqu'un dire cela. Au pays, le monde de la radiodiffusion est essentiellement peuplé de gens peu recommandables qui ont décidé de détourner le processus--par l'entremise de leurs avocats, de leurs lobbyistes et de leurs groupes d'intérêts.
Le président: Ménageons le langage, monsieur Pachul.
M. Jan Pachul: Oui. Eh bien, vous devez reconnaître que je suis très frustré après cinq ans de tractation avec le CRTC.
Le président: Oui, je comprends. Si nous ne le savions pas déjà, nous l'aurions su par la suite.
Nous allons terminer avec M. Davies ou M. Collins.
M. Ken Collins: Puis-je vous demander de préciser la question, s'il vous plaît?
Mme Wendy Lill: J'ai demandé si vous étiez d'accord avec l'affirmation selon laquelle deux erreurs importantes avaient été commises par le CRTC: la première étant l'octroi de licences aux entreprises de câblodistribution plutôt qu'aux communautés, et la seconde, d'avoir éliminé, en 1998 l'obligation faite aux câblodistributeurs de financer les canaux communautaires.
M. Ken Collins: Absolument. À Kimberley, nous avons eu l'expérience du câblodistributeur et de l'industrie minière qui a fait vivre la ville. Lorsque les cadres vivent dans la collectivité--nous sommes entourés de montagnes--, et lorsqu'ils ne peuvent quitter, tout va bien pour la collectivité, mais à mesure qu'ils s'éloignent de la ville, les choses vont de mal en pis, et ils en font de moins en moins.
Si c'est un comptable qui gère la boutique, il réalise un profit, mais un profit modeste. Il est impossible de maximiser ses bénéfices avec la télévision communautaire. Par ailleurs, c'est aussi l'élément stabilisateur de la communauté. C'est un miroir de la communauté. C'est comme si l'on accordait à cette dernière la possibilité de réfléchir à elle-même.
Je crois que vous êtes tous conscients de cela, aussi, je ne me suis pas éternisé sur la question, bien que je l'aie exprimée par écrit. Ce qui crée une stabilité au sein de notre communauté, c'est un sain dialogue et la possibilité de réfléchir à ce que nous sommes. La raison pour laquelle nous sommes en mesure de le faire à l'heure actuelle, c'est qu'il y a une tradition en place. Pour les collectivités qui naissent du jour au lendemain, ou encore celles qui disparaissent ou dont la composition démographique change au point d'engendrer l'instabilité, il ne suffit pas d'appliquer notre formule et d'espérer que cela fonctionnera. Je crois qu'il sera nécessaire de mettre en place un programme de mentorat indépendant qui permettra aux gens de demander conseil, et les aidera à organiser les choses en fonction de leur collectivité. Je ne crois pas que cela se produira automatiquement, et si nous laissons s'exercer la règle de la rentabilité, le processus glissera à son plus bas niveau.
M. Roger Davies: Je peux vous en citer un exemple. À Kimberley, la distribution est passée des mains de propriétaires locaux aux mains de propriétaires qui n'avaient aucun intérêt dans l'entreprise de câblodistribution autre que leur marge bénéficiaire.
La télévision par câble est devenue si mauvaise que la collectivité elle-même a ouvert un compte de garantie bloqué auquel nous avons versé notre argent jusqu'à ce que le câblodistributeur corrige enfin la situation. Cela a fonctionné à merveille. Nous avons énormément fait parler de nous. En fait, même le CRTC a tenu son audience à ce sujet à Cranbrook plutôt qu'à Vancouver.
La morale de cette histoire: gare à vous si vous vous en prenez à Kimberley!
Le président: Voilà qui termine bien cette séance.
Nous avons commencé ce matin, et la réunion dure depuis des heures. Nous sommes là ensemble depuis des heures, entre nous, avec vous, ce qui, je crois, souligne l'importance du sujet dont nous sommes saisis.
Je vous remercie tous sincèrement.
[Français]
Monsieur Delorme, j'aimerais vous dire, à vous et à vos collègues, que votre message a certainement été pointu, clair et très passionné. On l'a écouté avec beaucoup d'attention.
 (1255)
M. Michel Delorme: Je vous invite à écouter la radio des enfants. Cet après-midi, on fait les tests. Demain, on commence pour une période de 100 jours. Vous allez entendre ici, dans la capitale, pour la première fois, des gens de la basse-ville de Québec, de Cheticamp et d'un peu partout à travers le Canada qui seront diffusés en direct.
Ça, c'est l'ombre du projet qu'on a soumis au CRTC. Écoutez la radio des enfants au 96,5. Vous allez être convaincus de la nécessité de cela.
Le président: Le 96,5. Le message est passé.
[Traduction]
La séance est levée. Merci.