HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 30 avril 2002
¿ | 0905 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
M. Richard Zurawski (président, East West Media) |
¿ | 0910 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
M. Richard Zurawski |
¿ | 0915 |
Le président |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
M. Richard Zurawski |
¿ | 0920 |
Mme Wendy Lill |
M. Richard Zurawski |
Le président |
M. Richard Zurawski |
Le président |
M. Rodger Cuzner (Bras d'Or--Cape Breton, Lib.) |
M. Richard Zurawski |
M. Rodger Cuzner |
M. Richard Zurawski |
M. Rodger Cuzner |
M. Richard Zurawski |
M. Rodger Cuzner |
M. Richard Zurawski |
M. Rodger Cuzner |
M. Richard Zurawski |
M. Rodger Cuzner |
M. Richard Zurawski |
Le président |
¿ | 0925 |
M. Richard Zurawski |
Le président |
M. Richard Zurawski |
Le président |
M. Richard Zurawski |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. Richard Zurawski |
Le président |
M. Richard Zurawski |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
M. Richard Zurawski |
Le président |
M. Richard Zurawski |
Le président |
M. Richard Zurawski |
Le président |
M. Stephen Comeau (président, Collideascope Digital Productions Inc.) |
Le président |
M. Stephen Comeau |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président |
Mme Sonya Jampolsky (présidente, Nova Scotia Film & Television Producers Association) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Mark Laing (président, La Guilde canadienne des réalisateurs) |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. Stephen Comeau |
Mme Christiane Gagnon |
M. Stephen Comeau |
À | 1005 |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
M. Mark Laing |
Le président |
M. Mark Laing |
Le président |
Mme Wendy Lill |
À | 1010 |
Mme Sonya Jampolsky |
À | 1015 |
Mme Wendy Lill |
Mme Sonya Jampolsky |
M. Rodger Cuzner |
M. Stephen Comeau |
À | 1020 |
Mme Sonya Jampolsky |
M. Rodger Cuzner |
M. Stephen Comeau |
M. Rodger Cuzner |
M. Stephen Comeau |
M. Rodger Cuzner |
M. Stephen Comeau |
M. Rodger Cuzner |
À | 1025 |
M. Mark Laing |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. Mark Laing |
À | 1030 |
Mme Wendy Lill |
M. Mark Laing |
Le président |
À | 1035 |
M. Stephen Kimber (directeur et professeur agrégé de journalisme, école de journalisme, University of King's College) |
À | 1040 |
À | 1045 |
Le président |
M. Bruce Wark (professeur agrégé de journalisme, University of King's College) |
À | 1050 |
À | 1055 |
Le président |
Á | 1100 |
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Jim Abbott |
Á | 1105 |
M. Stephen Kimber |
M. Jim Abbott |
M. Bruce Ward |
Á | 1110 |
Mme Christiane Gagnon |
M. Stephen Kimber |
Á | 1115 |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
M. Stephen Kimber |
M. Bruce Wark |
Le président |
M. Rodger Cuzner |
Á | 1120 |
M. Bruce Wark |
Le président |
Mme Wendy Lill |
Á | 1125 |
M. Bruce Wark |
M. Stephen Kimber |
Le président |
M. Jim Abbott |
M. Bruce Wark |
Á | 1130 |
Le président |
M. Melvin Augustine (propriétaire, CFTI-FM, Aboriginal Voices Radio Inc.) |
Le président |
M. Melvin Augustine |
Le président |
M. Gary Farmer (président, Aboriginal Voices Radio Inc.) |
M. Melvin Augustine |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
Le président |
M. Gary Farmer |
Á | 1145 |
Le président |
Mme Catherine Martin (cinéaste, Aboriginal Peoples Television Network) |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
Le président |
M. Jim Abbott |
 | 1200 |
Le président |
M. Gary Farmer |
M. Jim Abbott |
M. Gary Farmer |
M. Jim Abbott |
 | 1205 |
M. Gary Farmer |
M. Jim Abbott |
M. Gary Farmer |
M. Jim Abbott |
M. Gary Farmer |
Le président |
Mme Catherine Martin |
 | 1210 |
Le président |
Mme Norma Augustine (éducatrice, Aboriginal Voices Radio Inc.) |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. Gary Farmer |
 | 1215 |
Mme Catherine Martin |
Le président |
 | 1220 |
Mme Catherine Martin |
Le président |
 | 1225 |
M. Rodger Cuzner |
M. Gary Farmer |
M. Rodger Cuzner |
M. Melvin Augustine |
M. Rodger Cuzner |
 | 1230 |
M. Gary Farmer |
Mme Wendy Lill |
Le président |
M. Mark MacLeod (directeur, Développement et octroi de licences, Aboriginal Voices Radio Inc.) |
Le président |
M. Gary Farmer |
Le président |
M. Gary Farmer |
Le président |
M. Gary Farmer |
 | 1235 |
Le président |
Mme Catherine Martin |
Le président |
M. Gary Farmer |
Le président |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 30 avril 2002
[Énregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte. Le Comité permanent du patrimoine canadien, Standing Committee on Canadian Heritage, se réunit aujourd'hui à Halifax pour examiner l'état du système de radiodiffusion canadien. Nous sommes très heureux de nous trouver dans cette partie-ci du monde. Il est agréable de se déplacer et de rencontrer les gens à la base, oeuvrant dans leur secteur d'activité. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence ici aujourd'hui.
Si j'ai bien compris, M. Richard Zurawski, de East West Media, a un engagement à 10 h. Nous avons donc convenu de l'entendre en premier et de lui poser possiblement des questions tout de suite après, afin qu'il puisse respecter son engagement de 10 h, après quoi nous inviterons les trois autres intervenants à faire leur exposé, pour ensuite leur poser des questions à eux également.
Nous allons donc commencer avec vous, monsieur Zurawski.
M. Richard Zurawski (président, East West Media): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à tout le monde d'être si arrangeant, et merci à Christine Fisher de m'avoir inséré dans le programme malgré le si court préavis.
Je suis un petit producteur de la région de l'Atlantique. Je produis des émissions pour enfants et des documentaires factuels, qui se rapportent généralement à la science. En ma qualité de petit producteur, il y a un certain nombre de choses qui me préoccupent. La première dont je vais vous parler ce sont les négociations en vue d'obtenir des fonds auprès de grosses organisations, comme Téléfilm. Hier, on nous a avisé que la seule émission pour enfants de la région de l'Atlantique admissible au PIE n'avait pas été retenue aux fins de financement. L'argent est allé du bureau de l'Atlantique à une compagnie torontoise, même si nous avions dépassé tous les seuils et obtenu 59 points sur 59 lors de la ronde de financement du Fonds canadien de télévision. J'en suis abasourdi.
Mon expérience avec le financement consenti par Téléfilm n'a pas été bonne. Cela fait huit ans que je suis producteur indépendant, et je n'ai jamais reçu de fonds venant de Téléfilm. Téléfilm devient de toute façon de moins en moins une ressource pour moi. Je trouve que le bureau devient de plus en plus gros et coûte de plus en plus cher, et si les enveloppes sont administrées à partir de Toronto, alors autant fermer tous les bureaux régionaux et économiser les frais que cela suppose.
L'autre question est celle d'affaires comme la débâcle de CINAR, qui a entaché le reste de l'industrie. Téléfilm a joué un rôle là-dedans en ne faisant pas preuve de toute la diligence requise. Étant donné que je ne dispose que de très peu de temps, je me limite à quelques points seulement là-dessus. Voici donc ce que j'avais à dire sur Téléfilm.
En ce qui concerne le contenu canadien, nous trouvons qu'il est très difficile de réaliser des documentaires factuels à cause des règles en matière de teneur canadienne. Nous ne sommes pas admissibles au FCT, toujours Téléfilm, donc, et nous ne le sommes que très rarement s'agissant de fonds provinciaux, si nous souhaitons faire des documentaires portant sur une autre partie du monde. Même s'il s'agit de perspectives canadiennes, d'équipes de tournage canadiennes, en vertu des lignes directrices existantes, nous ne sommes pas admissibles. Si notre secteur était davantage traité comme celui de la musique, pour lequel il suffit que l'oeuvre soit produite par un Canadien, écrite par un Canadien ou jouée par un Canadien, alors nous serions admissibles. Dans le volet documentaire tout particulièrement, il est très difficile de vendre votre produit à l'échelle mondiale s'il n'est axé que sur le seul Canada. Beaucoup de gens d'autres pays ne sont tout simplement pas intéressés par une histoire dans la toundra canadienne en tant que telle, mais ils seraient peut-être intéressés par une histoire sur la toundra de l'Arctique ou la toundra de l'Antarctique dans une perspective asiatique.
Je trouve que les règles en matière de contenu canadien sont tournées vers le passé. Elles s'appuient sur ce que nous avons défini comme étant canadien. Or, le Canada est une mosaïque en évolution constante, et le contenu canadien d'aujourd'hui n'est pas le contenu canadien d'hier. Ma famille est une famille immigrante qui est venue au Canada en 1954. Si l'on appliquait ces règles à la perspective que nous avions en arrivant ici, on n'aurait pas dit de nous que nous étions Canadiens. Pourtant, nous faisons maintenant partie de la mosaïque. J'estime que le contenu canadien devrait être tourné vers l'avenir ainsi que vers le passé.
En ce qui concerne la séparation des filières et la convergence, la convergence arrive, mais les filières sont toujours distinctes. Les films, comme ceux mis en vedette dans Movie of the Week, ont très peu à voir avec ce que je fais dans mes documentaires. Cela n'a rien à voir avec une série.
Les similitudes tournent autour de la technologie. Il est très difficile pour moi d'être sensible à la personne qui s'occupe principalement de production cinématographique et qui est financée par la même organisation auprès de laquelle je lui livre concurrence pour le même pot d'argent. J'aimerais que les différentes filières soient davantage séparées les unes des autres chez toutes les organisations de financement.
Je vais maintenant vous parler de la commercialisation de nos produits. Nous aimons appuyer la production, car du fait des règles en matière de contenu canadien, il est très difficile de commercialiser nos produits à l'étranger. Nous essayons de nous en tenir aux limites imposées en matière de teneur canadienne, mais cela est parfois parfaitement prohibitif pour nous lorsque nous essayons de vendre et de justifier la prise d'argent auprès d'investisseurs. Ce qui compte surtout pour les investisseurs en actions c'est le genre de marché que vous avez. C'est ainsi que nous sommes amenés à infléchir un peu les règles, ce que je préférerais ne pas faire. Nous n'allons pas vendre à des marchés étrangers du fait des règles en matière de contenu canadien, alors je ne veux pas infléchir les règles.
Pour ce qui est du CRTC, je ne comprends pas qu'il essaie de prédire l'avenir. J'estime que les marchés font un bien meilleur travail. Le CRTC établit des règles pour les radiodiffuseurs et les compagnies à intégration verticale. En ma qualité de producteur indépendant, je trouve cela trop restrictif lorsque j'essaie de comprendre qui obtient et qui n'obtient pas une licence. D'autre part, je trouve que lorsque des radiodiffuseurs violent leurs accords de licence avec le CRTC, ce n'est que rarement que l'on prend des mesures. Un exemple dans la région de l'Atlantique serait la filière ASN-ATV. Il y a beaucoup de duplication de programmation entre ASN et ATV, en dépit du fait que d'après ce que j'ai compris il est censé s'agir de deux filières distinctes. J'aimerais bien entendre l'avis du CRTC là-dessus.
Ma dernière remarque est que l'argent est le nerf de la guerre, et dans la région de l'Atlantique, la situation est très difficile. Entre le financement-relais, les organisations de financement et l'octroi de licence, il est très difficile de faire affaires. Tout donne lieu à de plus en plus de paperasse. Je constate que je consacre de plus en plus d'argent à des questions juridiques. Dix pour cent de mon budget sont absorbés par des intangibles qui n'ont rien à voir avec la production, et j'aimerais bien que l'on trouve une solution à cela. S'il va y avoir des crédits d'impôt, alors peut-être qu'il pourrait y avoir un financement-relais pour ces crédits d'impôt.
Je pense que cela couvre à peu près tout ce que je voulais vous dire. Merci beaucoup.
¿ (0910)
Le président: Monsieur Zurawski, je pense que vous avez, en l'espace de quelques minutes seulement, fait ressortir pour nous un certain nombre de points très importants, notamment le fait qu'il est beaucoup plus difficile en région d'obtenir du financement et d'attirer l'attention des gens dans nos grands centres comme par exemple Toronto et, dans une certaine mesure, Montréal. Nous avons déjà entendu cela, notamment lors de nos déplacements dans l'Ouest. Nous avons également entendu ce que vous avez dit au sujet du contenu canadien. Vous avez ainsi renforcé nombre des grands messages qu'on nous soumet chaque fois que nous tenons des audiences. Nous apprécions beaucoup votre exposé très clair et concis.
Avant que vous ne nous quittiez, je vais demander aux membres du comité s'ils ont des questions pour vous.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Je voudrais poser une petite question. J'aimerais savoir...
[Traduction]
Parlez-vous français?
M. Richard Zurawski: Non, malheureusement.
Mme Christiane Gagnon: J'aimerais savoir où vous pouvez vendre vos produits.
M. Richard Zurawski: Notre émission pour enfants est vendue partout dans le monde. Nous avons des installations de doublage et de traduction qui nous permettent de traduire notre produit, et nous le vendons sur d'autres marchés. Dans le cas des émissions pour enfants, il n'est pas très difficile de réorienter les choses, surtout si vous avez une part importante d'animation. Par exemple, les marchés espagnols en Amérique du Sud sont intéressés par une émission pour enfants sur les mathématiques, ce dont je m'occupe en ce moment.
Dès que l'on s'occupe de documentaires sur les sciences, c'est là que le problème commence à se poser. Si c'est trop axé sur le contexte canadien, s'il y a une trop forte teneur canadienne, alors cela n'aura aucun intérêt pour, mettons, l'Afrique du Sud.
Les mathématiques sont une matière qui est enseignée partout dans le monde, tandis que le dendroctone de l'épinette, qui est en train d'envahir la côte Est de l'Amérique du Nord, n'est pas un problème en Afrique du Sud et n'intéresse pas les gens là-bas. Je ne peux pas faire une émission sur les lacs meurtriers du Cameroun, qui dégagent du gaz carbonique, ce qui pourrait les intéresser, mais je peux faire une émission sur le dendroctone de l'épinette, mais aucune des agences de financement ne pourrait espérer récupérer une quelconque partie de son investissement. C'est là le problème.
¿ (0915)
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Toute la question du contenu canadien est très intéressante. Je sais que l'ONF produisait autrefois quantité de documentaires réalisés par des Canadiens. Ils étudiaient des dossiers internationaux, se penchaient sur la question de l'avortement un petit peu partout dans le monde, et ainsi de suite. Il se réalisait autrefois très régulièrement des films qui avaient une perspective internationale, mais qui étaient l'oeuvre de cinéastes canadiens.
Il serait utile que vous nous présentiez--pas forcément tout de suite ici--des suggestions, des propositions de changements en matière de contenu canadien qui fonctionneraient pour les documentaires. Vous avez dit qu'il faudrait que les règles soient tournées vers l'avenir et non pas vers le passé. Bien évidemment, il faut qu'il y ait quelque chose au sujet du Canada et des artistes canadiens dans le monde. Sur le plan libellé, nous serions ouverts à des suggestions visant à protéger nos artistes mais également à leur permettre de travailler à l'étranger et de vendre leurs films à l'étranger.
M. Richard Zurawski: Je pourrais peut-être répondre en disant que je ne comprends pas le mot «protéger». Dès que vous produisez un produit que vous pouvez commercialiser dans le monde, je pense que c'est la meilleure façon de représenter nos artistes, nos créateurs de documentaires. Si nous limitons la façon dont ceux-ci vont produire leur oeuvre, par exemple dans le cas de la musique, l'exigence qu'il y ait un artiste canadien qui la chante ou un artiste canadien qui l'écrive ou une producteur canadien qui la produise, alors cela devient de la musique canadienne. Il n'est pas nécessaire que ce soit un violonneux de la côte Est. Je trouve qu'en matière de production documentaire, si vous regardez les lignes directrices, vous êtes plus ou moins relégués à ce genre de chose.
La raison pour laquelle je mentionne le contenu canadien, c'est le financement. Je peux obtenir une licence auprès d'un radiodiffuseur qui est intéressé par les lacs meurtriers au Cameroun, mais je ne peux pas obtenir de fonds auprès du FCT ou de Téléfilm ou d'une agence de financement locale parce que mon projet ne cadre pas avec les exigences en matière de contenu canadien. Même si l'histoire est séduisante et fascinante, d'un point de vue canadien, et même si de nombreux Canadiens y participeront, sans ce financement, je ne peux pas réaliser le documentaire. Sans ce documentaire, nous n'avons aucune présence. Nous pouvons répéter à qui mieux mieux que nous voulons protéger nos artistes... l'ONF est unique. Il reçoit une enveloppe du gouvernement fédéral pour produire ce qu'il veut. Ce n'est pas mon cas. Moi, il faut que je m'organise pour grappiller le financement.
Mon dernier projet a été 13 demi-heures d'émissions pour enfants. J'avais 14 investisseurs distincts. Les frais juridiques sont phénoménaux. Les droits de regroupement pour les investisseurs en actions sont stupéfiants. Voilà dans quel contexte je travaille. J'aimerais voir plus de production. Plus nous produisons, plus nous pouvons offrir de produits sur le marché mondial, plus nous finançons et plus nous créons d'emplois.
¿ (0920)
Mme Wendy Lill: Je vous entends, et vos propos ne me posent aucun problème, mais vous savez qu'ils cherchent toujours des solutions, pas seulement des problèmes. Si vous avez des suggestions en vue de changements dans tout ce qui entoure « contenu canadien » et « films documentaires », ce serait vraiment bien que vous nous les fournissiez car cela aiderait les recherchistes et nous aiderait nous à réunir...
M. Richard Zurawski: Si c'est canadien, c'est conforme aux exigences de contenu canadien. C'est aussi simple que cela. Si c'est écrit par un Canadien, réalisé par un Canadien et tourné par une équipe canadienne, et s'il s'agit d'une idée canadienne, alors c'est du contenu canadien.
Le président: Monsieur Zurawski, il me faudrait souligner que la ministre du Patrimoine canadien a ordonné la tenue d'une audience spéciale portant sur le contenu canadien, et qui sera dirigée par M. Macerola, et les recommandations qui en découleront seront intégrées aux travaux du comité ici réuni. Je pense que cela doit être bouclé pour septembre. Si donc vous pouviez leur communiquer vos idées, cela pourrait être utile, car toutes ces recommandations vont en bout de ligne être versées à notre comité en vue de leur insertion dans notre étude.
M. Richard Zurawski: Je suis en train de préparer les questions que Christine m'a envoyées. Je vous ferai parvenir cela par courriel d'ici la fin de la semaine. Je communiquerai ensuite avec le comité. J'ose espérer que je pourrai me prononcer sur ces différentes questions auprès de cette autre entité par la suite.
Merci.
Le président: Monsieur Cuzner.
M. Rodger Cuzner (Bras d'Or--Cape Breton, Lib.): Avez-vous par le passé eu accès à des fonds de Téléfilm?
M. Richard Zurawski: Non, pour aucune de mes oeuvres.
M. Rodger Cuzner: Avez-vous déjà demandé des fonds auprès de Téléfilm?
M. Richard Zurawski: Pour chacune de mes productions, et j'atteindrai bientôt une quarantaine d' heures de production, et je n'ai jamais été admissible, pour une raison ou une autre. Je trouve dégradant de continuer de faire des demandes auprès d'une organisation qui se plaît à avoir des piles de demandes sur son bureau pour justifier son existence. Je suis plutôt négatif à l'égard de Téléfilm.
M. Rodger Cuzner: Si Téléfilm... si ce domino ne tombe pas, il n'y a pas non plus de financement en vertu du FCT, n'est-ce pas?
M. Richard Zurawski: En fait, non. Le FCT couvre l'enveloppe de Téléfilm. Téléfilm, c'est la participation au capital, tandis que le FCT couvre le capital-actions et la licence. En règle générale, la première ronde vise les droits de licence. Dans cette ronde-ci, nous avons reçu 59 points sur un total possible de 59. Nous avons reçu le maximum que peut accorder le FCT, mais nous n'avons pourtant pas été jugés admissibles. Nous étions la seule production de la région de l'Atlantique, et le bureau dans l'Atlantique a donné tout l'argent de son enveloppe à Alliance Atlantis, Salter Street, ce que j'ai trouvé scandaleux.
M. Rodger Cuzner: Donne-t-il une justification? Après avoir marqué tant de points, vous donne-t-on un genre de profil, de façon à...?
M. Richard Zurawski: Oui. J'ai parlé avec Ralph Holt hier, et bien que j'aie dépassé le seuil maximal pour ce qui est de la participation du radiodiffuseur--nous avions APTN comme principal radiodiffuseur et 23,02 p. 100 de notre financement provenait de celui-ci, ce qui nous donnait un excédent--on nous a dit que nous n'avions pas un appui radiodiffuseur suffisant. Ou j'ai mal compris quelque chose, ou M. Holt est en train de regarder la mauvaise demande.
J'ai une réunion avec lui jeudi de la semaine prochaine, ce dans le but de passer en revue la demande pour voir ce que nous avons omis. Mais j'ai la distinction d'avoir la seule demande; c'est comme être la seule équipe de hockey qui se pointe mais qui perd néanmoins la partie.
M. Rodger Cuzner: Y aurait-il moyen d'avoir quelque chose ici qui soit particulier à la Nouvelle-Écosse? Y a-t-il des capitaux de lancement qui seraient disponibles même avant l'intervention de Téléfilm? Le financement de Téléfilm apprécierait le développement de l'idée, du concept que vous avez en vue d'une production. C'est là l'objet du financement de Téléfilm.
M. Richard Zurawski: Téléfilm intervient et côté développement de l'idée et côté production, et cet organisme a également une enveloppe pour la commercialisation.
M. Rodger Cuzner: Y a-t-il avant cela des capitaux de démarrage?
M. Richard Zurawski: Oui.
M. Rodger Cuzner: Qui sont disponibles à l'échelle provinciale?
M. Richard Zurawski: À l'échelle provinciale, il y a la société de développement de l'industrie cinématographique de la Nouvelle-Écosse, qui est une organisation tout à fait distincte financée par la province. Elle s'occupe de développement et de production. Malheureusement, les demandes l'emportent sur les enveloppes disponibles.
Le crédit d'impôt est très bon en Nouvelle-Écosse, laquelle offre des incitatifs, et dans la région de l'Atlantique de façon générale. Vous ne pouvez pas obtenir de crédit d'impôt pour le développement, alors les fonds de développement peuvent parfois être difficiles à obtenir parce que c'est en gros une idée que vous essayez de financer et non pas une licence en tant que telle.
Le développement est donc un long et onéreux processus qui peut parfois demander jusqu'à quatre ou cinq ans, selon votre ténacité.
M. Rodger Cuzner: Merci.
Le président: Monsieur Zurawski, lorsque vous avez fait une demande en vertu du PIE, la question du contenu canadien est-elle entrée en ligne de compte et a-t-elle joué contre vous dans ce cas particulier?
¿ (0925)
M. Richard Zurawski: Dans mes conversations avec Téléfilm, le contenu canadien n'est pas intervenu. Je suis perçu comme étant un animateur canadien reconnu. J'ai animé plusieurs émissions pour enfants. L'émission «Wonder Why?» est une émission internationale qui a été réalisée par CTV. Je l'ai créée, et c'était mon concept.
Cet aspect-là n'a pas semblé être un problème. C'est peut-être le cas, mais pas à ma connaissance.
Le président: Sans vouloir choisir de camp, car là n'est pas notre rôle, je trouve malgré tout votre cas extrêmement intéressant. Vous serait-il possible de déposer des documents auprès de la greffière afin que nous ayons un genre d'étude de cas?
M. Richard Zurawski: Absolument. C'était là mon intention. Je serai ravi de le faire.
Le président: Et nous demanderons à nos recherchistes de communiquer avec vous. Si donc nous pouvons examiner votre cas, nous le ferons--non pas prendre la défense de votre cas, car là n'est pas notre rôle, mais en même temps, il serait très intéressant de nous en servir dans le cadre d'une étude de cas.
M. Richard Zurawski: Merci, monsieur le président.
Le président: Très bien.
Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Que voulez-vous dire par 59 points? Vous avez dit que vous aviez 59 points. Si vous remplissez telle condition d'admissibilité de...
M. Richard Zurawski: En gros, pour chaque organisation, ils allouent un certain nombre de points pour chaque catégorie dans laquelle vous vous inscrivez en vertu de votre demande de fonds.
Dans notre cas, nous voulions que la participation du radiodiffuseur dépasse le seuil maximal afin d'obtenir le nombre maximum de points, et le radiodiffuseur avait accepté. En effet, APTN, TVOntario, SCN et Télé-Québec avaient tous convenu de financer le projet et leur participation dépassait le maximum qui m'aurait assuré le seuil de points requis. Grâce à cela, nous avons obtenu le financement en vertu du FCT, ce qui relève d'un processus très rapide et objectif.
Le processus de Téléfilm est beaucoup plus subjectif, et c'est celui-là que nous voulons comprendre. Que s'est-il passé dans le cadre de ce processus davantage subjectif?
Le président: Savez-vous combien de points ont été obtenus par Alliance Atlantis?
M. Richard Zurawski: Non, et j'ignore si je le saurai jamais ou si je serai autorisé à le savoir.
Mme Christiane Gagnon: Mais c'est un maximum de 59 points.
[Français]
Le président: Oui, le maximum est de 59.
[Traduction]
M. Richard Zurawski: Pour le FCT.
Pour Téléfilm, il y a une échelle de 130 points. Ce sont les mêmes catégories, mais le processus est subjectif plutôt qu'objectif.
Le président: Vous ne savez donc pas combien vous avez obtenu avec Téléfilm.
M. Richard Zurawski: En réponse aux questions que je lui ai posées, M. Holt m'a dit qu'il en discuterait avec moi et qu'il me montrerait peut-être une partie des éléments, mais qu'il ne m'enverrait pas un formulaire me disant où j'ai marqué des points et où je n'en ai pas marqués. Là n'est pas sa politique.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Vu qu'il n'y en a pas, je vous remercie beaucoup d'être venu ici aujourd'hui, monsieur Zurawski, et de nous avoir exposé un certain nombre de questions très importantes.
M. Richard Zurawski: Merci, monsieur le président.
Merci aux membres du comité.
Le président: J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à M. Stephen Comeau, président de Collideascope Digital Productions Inc.; à Mme Sonya Jampolsky, présidente de la Nova Scotia Film & Television Producers Association; et à M. Mark Laing, président de La Guilde canadienne des réalisateurs.
Nous allons commencer avec vous, monsieur Comeau.
M. Stephen Comeau (président, Collideascope Digital Productions Inc.): Bonjour. J'ai entendu dire que vous revenez tous de St. John's, à Terre-Neuve. Vous y êtes-vous plu?
Le président: Je n'y étais pas, mais d'après ce que j'ai compris, les autres ont trouvé cela formidable.
M. Stephen Comeau: Excellent.
L'interprète m'a donné des instructions très précises: il me faudra parler lentement afin qu'il lui soit possible de convertir tous les grands mots de notre jargon en des termes corrects anglais et français.
Mon nom est Steve Comeau et je suis propriétaire-exploitant d'une société ici à Halifax appelée Collideascope Digital. Nous sommes ce qu'on appelle une compagnie de convergence. Nous faisons dans les nouveaux médias, dans la télévision interactive, dans la télévision traditionnelle et dans un mélange de tout cela. Si nous avons bien réussi c'est que nous sommes l'une des rares entreprises au pays qui ait réussi à migrer des nouveaux médias à la télévision et à réussir cette migration.
Je n'entends pas rester assis devant vous ici et m'éterniser sur certaines questions que vous avez sans doute entendues répéter un million de fois un peu partout au pays. J'aimerais tout simplement vous parler du monde canadien de la télévision dans une perspective nouvelle, dans l'espoir de vous encourager à envisager cela d'une façon différente, et j'aimerais tout particulièrement parler avec vous de l'innovation.
L'innovation est une qualité essentielle à la réussite et dans les arts et dans les affaires. Partant, l'innovation est d'une importance extrême pour la radiodiffusion canadienne. Malheureusement, vous n'aurez pas beaucoup entendu parler de concepts de l'innovation dans le cadre de vos discussions au sujet de la télévision et de choses comme le contenu canadien, les règles en matière de propriété étrangère, la valeur de la société Radio-Canada, etc. Or, l'innovation selon moi est la clé de la réussite dans cette industrie.
Je vais commencer par vous dire pourquoi la télévision est à mon avis si importante. À mon sens, la télévision est le plus important média de communication s'agissant de former les opinions, les attitudes, les politiques et les valeurs de notre culture dans la société. La télévision est plus importante que le cinéma, l'Internet et l'écrit. C'est comme une conduite vers la conscience des gens.
Il vous suffit de constater l'effet sur les gens de la couverture de CNN de l'effondrement des deux tours à New York ou de regarder des vignettes de Rick Mercer dans «Talking to Americans» du lendemain pour comprendre que la télévision est un phénomène d'une puissance incroyable.
En conséquence, le maintien et le développement de la télévision canadienne en un média dynamique et pertinent sont non seulement essentiels au maintien de notre identité nationale mais également, dirais-je, la création d'une meilleure société et d'une meilleure culture pour les Canadiens.
Ce que je vais dire est controversé, et vous penserez peut-être que je suis fou, mais je crois que nombre des problèmes de société qui existent aux États-Unis sont dus aux médias que les Américains consomment, et je pense qu'en tant que société, nous pourrions exercer un effet positif sur notre culture et ses valeurs en maintenant un contrôle sur les médias que nous consommons. Je vois là un pouvoir incroyable, et avec ce pouvoir viennent des responsabilités. C'est pourquoi je me suis intéressé à la télévision--car je trouve qu'il s'agit d'un média très puissant.
Je vais revenir à l'innovation. Pour moi, l'innovation c'est l'introduction de nouvelles idées et de changement. Il nous faut des émissions novatrices pour engager le public et, partant, créer un nouvel auditoire pour la programmation canadienne. Il nous faut de l'innovation dans l'industrie de façon à demeurer rentables et viables dans une économie mondialisée en évolution constante, et il nous faut des entreprises novatrices pour servir l'auditoire.
Sans innovation dans le contenu que nous créons et dans la façon dont nous gérons nos entreprises, il y aura toujours au Canada des auditoires qui chercheront ailleurs leur programmation et des entreprises qui ne seront pas en mesure de réagir efficacement aux changements sur le marché mondial.
Ma croyance, ayant vécu le gros du discours autour de la radiodiffusion canadienne... Il me faudrait préciser que je participe à de nombreuses organisations. Je suis président de l'Association canadienne de production de film et télévision, pour laquelle je copréside le comité des nouveaux médias et préside le conseil de l'Atlantique. Je siège au nouveau comité consultatif sur les médias de Téléfilm. Je siège également au Conseil consultatif sur le commerce des produits culturels, m'intéressant tout particulièrement aux nouveaux médias. J'ai discuté avec de nombreuses organisations, de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision jusqu'à la Guilde des réalisateurs, ici dans la région. J'ai ainsi été amené à participer à de nombreuses discussions au sujet de la télévision et l'une des choses dont j'entends très rarement parler est l'innovation.
Le défi pour le gouvernement en matière de création de politiques, de création d'outils de réglementation, est de créer un système de télévision canadienne dont la production soit suffisante pour qu'il puisse résister dans l'ombre du mammouth américain, tout en ayant suffisamment d'incitatifs et de concurrence à l'interne pour favoriser l'innovation qui caractériserait en théorie une industrie de marché parfaitement libre. Je considère qu'il s'agit là d'une tâche ni facile ni enviable et qui se prête à quantité d'interprétations. Mais étant donné que j'ai le micro, je vais vous en infliger quelques-unes des miennes.
À la base, la télévision canadienne est une question de programmation. Je suis convaincu que la réussite de la programmation canadienne au Canada et ailleurs dans le monde n'est pas tant un facteur de la valeur de la production, dont on entend beaucoup parler, autrement dit que la raison pour laquelle la télévision canadienne ne peut pas concurrencer la télévision américaine est purement attribuable au fait que les Américains dépensent des millions de dollars de plus que nous--je pense que cela en fait partie mais, ce qui est plus important, la télévision américaine est beaucoup plus novatrice s'agissant des sujets abordés, de la présentation et du genre, et je pense que c'est parce qu'ils ont un système beaucoup plus simple en ce sens qu'il s'agit davantage d'une économie de libre marché.
¿ (0930)
Je pense qu'il nous faut mettre en place avec nos radiodiffuseurs et distributeurs des systèmes qui encouragent la prise de risques--un élément important de l'innovation--et encourage les gens à repousser les limites en matière de programmation.
Une part importante de tout cela relève de la façon dont fonctionnent dans ce pays les radiodiffuseurs. Le CRTC crée à mon avis un système qui aide à protéger de bien des façons la rentabilité des différentes entités de radiodiffusion, via les frais d'abonnement et tout particulièrement les bouquets de chaînes proposés par les câblodistributeurs et les fournisseurs de télévision par satellite. Dans ce contexte, il est plus important pour le radiodiffuseur d'avoir une plus grande certitude et une plus grande confiance à l'égard de sa programmation--cela est plus important que de prendre des risques avec la nature de la programmation, surtout si les programmes qu'il achète sont purement fonction de quotas fixés pour lui.
Il n'existe donc pas au sein du spectre de radiodiffusion canadien de système qui crée pour les auditoires une concurrence suffisante qui créerait à son tour une concurrence du côté de la programmation. Au bout du compte, le public canadien est l'auditoire que sert la télévision. Les radiodiffuseurs sont par conséquent redevables par différents moyens au public canadien.
Pour illustrer mes propos, je vais vous donner un exemple: j'ai un ami qui produisait une émission pour une société affiliée qui avait une relation avec le distributeur. Le radiodiffuseur utilisait sa licence de radiodiffusion pour essayer d'obliger ce producteur à distribuer par l'intermédiaire de la société de distribution connexe et accepter un contrat de moindre valeur. Cela est peut-être logique, du point de vue affaires, pour cette société à intégration verticale, mais ne fait rien pour aider les compagnies de production viables et le contenu viable. Il faut donc être très prudent relativement à l'intégration verticale et à la valeur que cela procure au public côté qualité de programmation.
Une autre question qui est selon moi très importante pour l'innovation, c'est la consolidation des avoirs des médias. J'estime que c'est une mauvaise chose, de façon inhérente, pour les auditoires ou pour le public canadien, étant donné que cela réduit la concurrence sur le marché et met trop de pouvoir dans trop peu de mains. Il suffit, pour comprendre, de suivre les différentes discussions en cours au sujet de la propriété de journaux partout dans le pays par CanWest.
Ce qui est selon moi positif est le concept du producteur indépendant créant de l'innovation dans le monde de la télévision. Parallèlement aux intégrations verticales et à la consolidation des médias, les producteurs indépendants suivent la tradition et le legs des entrepreneurs du passé. C'est la personne qui a une idée formidable et l'engagement et la détermination nécessaires pour faire aboutir cette idée qui va créer pour le public des émissions stimulantes, pertinentes, intéressantes et engageantes.
Je suis d'avis que de l'excellente programmation canadienne est exportable partout dans le monde. Mais nous avons à l'heure actuelle au Canada un problème, voire une crise, avec la distribution de notre contenu de télévision sur le marché international. Le marché international de la télévision est en train de s'écrouler. Il est en très mauvais état. Cela étant, les levier que les producteurs ont utilisé au fil des ans pour créer leur programmation sont en train de disparaître.
Dans le cadre de votre analyse de la radiodiffusion canadienne, je pense qu'il serait important de passer en revue tous les différents éléments de la chaîne de valeurs, et notamment la distribution, pour déterminer ce qui pourrait être fait pour favoriser la création de débouchés à l'échelle internationale pour le contenu canadien, ce qui nous permettrait de produire du contenu canadien pour l'auditoire canadien et d'apporter à la table beaucoup plus de moyens de négociation.
¿ (0935)
Un autre aspect positif est que les producteurs canadiens ont été novateurs s'agissant de financer leur programmation. Si l'on fait une comparaison avec d'autres pays, les Canadiens sont réputés partout dans le monde pour leur aptitude à monter des arrangements très intéressants et à surmonter l'adversité lors de l'organisation du financement de leur programmation. Je pense qu'en tant que producteurs indépendants et en tant qu'industrie nous pouvons capitaliser là-dessus, utiliser cette expertise et continuer de croître, à condition que soient en place le bon régime de réglementation et les bonnes mesures politiques.
Voilà à peu près tout ce que j'avais à vous dire. Je voulais tout simplement aborder rapidement un certain nombre de sujets et vous sensibiliser, dans le cadre de votre examen des différents processus et procédés, au fait que c'est l'innovation qui est la clé de la réussite dans cette industrie.
¿ (0940)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Comeau.
Madame Jampolsky.
Mme Sonya Jampolsky (présidente, Nova Scotia Film & Television Producers Association): Bonjour, et bienvenue à Halifax.
Je suis ravie que le comité soit venu ici en ce moment car ce que vous faites revêt une importance énorme pour la Nova Scotia Film & Television Producers Association.
La NSFTPA a été créée en 1990 dans le but de défendre les intérêts des producteurs de films et de télévision. Nous partageons nombre des préoccupations de l'Association canadienne de production de film et télévision, mais nous sommes indépendants par rapport à elle. Nombre de nos membres sont également membres de cette association.
Bien que la majorité de nos membres produisent pour la télévision, nous représentons des entreprises qui produisent des vidéos d'entreprise, des longs métrages et du contenu pour l'Internet. Nous représentons des sociétés de taille moyenne, comme celle de Steven Comeau, IMX Productions, et Ocean Entertainment. Nous représentons également de petites entreprises, dont certaines se résument à une seule personne, comme par exemple ZG Entertainment, et nous représentons également Salter Street Films, la plus grosse société dans le milieu.
J'aimerais me vanter pendant quelques minutes et vous parlez un peu de ce qu'ont fait les membres de mon association. Ils ont fait la mini-série de Radio-Canada sur Trudeau; la série Showcase «Trailer Park Boys»; l'émission «This Hour Has 22 Minutes» du réseau anglais de Radio-Canada; l'émission «Chef at Large» du réseau Food Network; les documentaires «Breakaway» et «Loyalties», qui ont tous deux remporté des prix Gemini; la série comique «Liocracy»; la série «Oceans of Mystery» de Discovery; la série pour enfants«Ollie's Under-the-Bed Adventures»; le long métrage «New Waterford Girl», et bien plus encore. J'ose espérer que certains d'entre vous reconnaissent et ont vu certaines des émissions que je viens de mentionner.
Nous avons à bien des égards connu 20 années remarquables de production et de croissance dans cette région. Mais ces réussites ne sont aucunement la garantie que nous allons pouvoir continuer ainsi pendant encore 20 ans. J'aimerais vous expliquer pourquoi, puis vous donner certaines idées de mesures que vous pourriez prendre pour nous venir en aide. Cela vous aidera peut-être à comprendre comment nous menons nos activités.
Comme l'a dit Steve, nous commençons tous avec une idée. Pour qu'une idée porte fruit, il faut la développer; il vous faut faire de la recherche et du travail de rédaction. Les fonds de développement sont très limités dans ce pays. Si vous traitez avec un groupe comme la Société de développement de l'industrie cinématographique de la Nouvelle-Écosse ou Téléfilm, il vous faut tout de suite remplir quantité de paperasses afin de pouvoir obtenir l'argent. Mais si vous réussissez à passer à travers la phase développement et voulez créer une émission de télévision ou un film, il vous faut alors une licence. Je trouve que l'ironie de la situation à l'heure actuelle est que dans cet univers à chaînes multiples, il est très difficile d'obtenir une licence de radiodiffusion.
Nos radiodiffuseurs nationaux accordent des licences pour de moins en moins d'émissions, et les droits de licence sont en même temps de plus en plus bas. Si vous obtenez une licence, vous allez sans doute à peine frôler le seuil de déclenchement pour le FCT. Mais admettons que vous ayez franchi ces étapes et obtenu des fonds du FCT: il vous faudra inévitablement des partenaires multiples pour réunir tout le financement requis.
C'est pourquoi plusieurs d'entre nous ont des formules très semblables. Nous nous tournons vers Téléfilm pour le capital-actions; nous recourons à des crédits d'impôt. En Nouvelle-Écosse, nous avons de la chance car nous avons des crédits d'impôt provinciaux ainsi que fédéraux. Nous nous tournons vers des investisseurs privés. Nous nous tournons vers des fonds de câbloproduction comme le Shaw Fund et nous partons à la recherche d'avances sur la distribution. Je suis certain qu'il existe encore d'autres scénarios en la matière.
Le problème est qu'aucune de ces organisations ne va vous donner suffisamment d'argent au départ pour commencer à payer les factures qui commencent à s'accumuler. Les factures vous viennent des avocats qui ont dû passer en revue tous les contrats qui commencent dès le début du développement, de ceux qui font la recherche, de ceux qui remplissent la paperasse pour les propositions. Et c'est ainsi que vous vous trouvez confrontés à des problèmes de liquidités.
On opte donc pour du financement intérimaire. Les banques ne sont plus très intéressées par nous. Je suis certain que vous aurez entendu la même histoire partout au pays. Qui peut en vouloir aux banques? Nous ne sommes pas très rentables pour elles. Nos dossiers sont source de beaucoup de travail. Je pense que nombre des banques se sont fait avoir par certaines des grosses faillites. Nombre d'entre nous continuons d'obtenir du financement provisoire, mais ce qui se passe est que si vous obtenez ce financement intérimaire, les banques demandent des cautions d'achèvement. La caution d'achèvement peut monter jusqu'à 20 000 $--et c'est 20 000 $, que vous ayez une production de 200 000 $ ou une production de 2 millions de dollars.
Supposons maintenant que vous passez outre et que vous avez votre caution d'achèvement. Vous réalisez votre émission. Vous payez tous ceux et celles qui ont offert leurs services. Vous devez maintenant attendre, et vous attendrez jusqu'à un an pour recevoir votre crédit d'impôt, qui vous permet de vous rembourser pour tout ce que vous avez fait au cours des deux dernières années. Je pense être très généreux en disant que vous attendez un an, car le producteur est la dernière personne à être payée. Très souvent, les gens restent au seuil de la faillite en attendant que cet argent rentre.
L'industrie n'est pas lucrative pour nous, mais nous choisissons d'y oeuvrer car la plupart d'entre nous sommes passionnés par ce que nous faisons. Nous comprenons que les Canadiens apprécient ce que nous faisons et qu'ils subventionneront nos efforts pour raconter nos histoires.
Je pense qu'il y a des moyens grâce auxquels vous pourriez nous faciliter notre travail. Je vais en aborder un certain nombre.
Premièrement, la définition de SME, ou petite et moyenne entreprise, doit être revue dans le contexte de notre industrie. Une société qui gagne 50 000 $ par an doit livrer concurrence dans la même catégorie à une société qui affiche des revenus annuels de 24 millions de dollars.
Si l'on va prévoir des dispositions spéciales en vue de la promotion du développement de petites et moyennes entreprises, alors il faut que ces dispositions soient réalistes. Si l'on veut que l'industrie puisse s'épanouir, il faut qu'il y ait d'autres mécanismes en vue du financement-relais. Cela peut paraître fou, mais c'est une chose dont nous avons parlée dans la région de l'Atlantique. Peut-être que Téléfilm pourrait s'occuper de financement-relais... afin de permettre à de jeunes cinéastes comme moi de se lancer dans l'industrie, car cela est aujourd'hui presque impossible.
Les restrictions en matière de contenu canadien doivent elles aussi être révisées. Qu'est-ce que le contenu canadien? Wendy, voici votre définition: nous pensons que c'est une histoire racontée du point de vue d'un Canadien. Il nous faut être très prudent quant aux restrictions qu'imposent nos règles, et je songe tout particulièrement à notre liberté d'expression.
Une grosse partie du travail que j'ai fait cette année en tant que président de la NSFTPA a tourné autour de l'achat de Salter Street Films par Alliance Atlantis. Nous n'avions absolument aucune objection quant à l'achat de la société. Ce qui nous préoccupait c'était l'achat de l'Independent Film Channel, qui venait tout juste d'être cédé par licence à Salter Street Films. Nous avions à ce sujet de très fermes convictions, et il ressortait très clairement de la décision du CRTC qu'il s'agissait d'une licence régionale. Elle avait été octroyée à une compagnie de la région de l'Atlantique dans le but d'accroître la diversité des voix dans la radiodiffusion canadienne.
Nous sommes donc intervenus relativement à l'acquisition de cette chaîne. Voici ce que nous avons souligné. Dans la décision du CRTC d'accorder cette chaîne à Alliance Atlantis, il était très clairement ressorti que le conseil tenait à ce qu'Alliance Atlantis maintienne le siège de l'Independent Film Channel ici à Halifax.
J'ignore si vous le savez, mais moins de six mois plus tard, soit la semaine dernière, Alliance Atlantis a fermé le bureau de production de l'Independent Film Channel.
Si le CRTC va être l'organe de réglementation, alors il lui faut contrôler les suites de ce qu'il fait. Il lui faut exiger le respect des promesses faites par les radiodiffuseurs, ce qui m'amène à mon dernier point, qui a déjà été souligné.
¿ (0945)
Les licences de radiodiffusion doivent augmenter et en quantité et en valeur. Les coûts de production augmentent et il devrait en être de même du coût des licences de production. Si cette industrie doit être réglementée et appuyée, alors il faut qu'elle le soit pour tous les intervenants, et les radiodiffuseurs doivent être obligés à respecter leurs promesses.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie beaucoup de votre temps et de l'attention que vous porterez aux points que j'ai soulevés.
¿ (0950)
Le président: Merci à vous.
Monsieur Laing.
M. Mark Laing (président, La Guilde canadienne des réalisateurs): Merci. Bienvenue à Halifax.
La Guilde des réalisateurs est un organisme syndical représentant le personnel clé de création et logistique des industries cinématographique et télévisuelle. Elle a été créée il y a 40 ans cette année dans le but de représenter les réalisateurs de films et de télévision et elle regroupe aujourd'hui plus de 3 300 membres recouvrant les catégories professionnelles de la direction, de la production, du montage et de la conception de productions cinématographiques et télévisuelles au Canada.
Je suis directeur artistique de profession. Je crois que M. Comeau est lui-même membre de notre organisation.
La Guilde canadienne des réalisateurs est une organisation nationale, mais elle est composée de sept conseils de district mandatés par la constitution de l'organisation nationale. Le Conseil de la région de l'Atlantique représente les quatre provinces de l'Atlantique et, en tant que président du Conseil de la région de l'Atlantique, je siège au Comité exécutif national, qui est l'organe de direction de la GCR. Ce n'est pas très différent du Canada.
De façon générale, le rôle du conseil de district est de s'occuper de négociations collectives et de développement professionnel, et celui du bureau national est de s'occuper des questions de politique publique. À cette fin, le bureau national a préparé en août dernier un mémoire exhaustif au comité. Ce mémoire est le résultat de consultations permanentes auprès de nos membres et reflète, pensons-nous, un large consensus parmi les créateurs clés de l'industrie canadienne du cinéma et de la télévision.
Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions relativement à ce mémoire et je vais maintenant passer en revue le résumé. Il me faudra peut-être renvoyer certaines questions à notre président, M. Alan Goluboff, ou à notre directrice exécutive nationale, Mme Pamela Brand, qui va faire un exposé oral au comité, vraisemblablement lorsque celui-ci se réunira à Ottawa.
Étant donné notre rôle dans le domaine audiovisuel, nous avons décidé de concentrer nos remarques sur l'incidence du système de radiodiffusion canadien sur le secteur audiovisuel. Comme cela sera clairement ressorti de la discussion, le système de radiodiffusion canadien continue d'être le principal moyen de soutien de l'expression audiovisuelle canadienne, et sa réglementation est essentielle pour préserver la souveraineté culturelle du Canada.
Nous sommes très sensibles aux contraintes imposées au Canada en vertu des développements technologiques ainsi qu'au programme américain, axé sur des mesures commerciales, visant à entamer petit à petit la capacité du Canada de protéger et de renforcer sa souveraineté culturelle. Ces questions sont traitées de façon plus approfondie dans notre mémoire, mais je vais néanmoins en aborder maintenant les aspects essentiels.
Les intérêts américains et autres ont exercé des pressions accrues sur le Canada pour limiter l'action gouvernementale canadienne dans le secteur culturel à de simples mesures de subvention. Tout récemment, nous avons même vu des groupes attaquer devant le U.S. Department of Commerce les subventions directes dans leur campagne visant l'imposition de droits compensateurs.
Nous devons résister énergiquement à ces pressions. La souveraineté culturelle du Canada dans le domaine audiovisuel dépend, pour sa survie, de mesures dites structurelles. Ce que nous entendons par là ce sont les licences et les règles du CRTC, les règles en matière d'investissement et d'autres mesures qui font une discrimination positive sur le plan structurel en faveur d'émissions canadiennes et de fournisseurs de services canadiens.
Le maintien de mesures structurelles visant à appuyer le système canadien de radiodiffusion, ainsi que de mesures de subvention, cadre parfaitement avec nos actuelles obligations commerciales ainsi qu'avec le soutien à long terme de pays de philosophie semblable, qui sont désireux de rehausser la diversité culturelle sur l'autoroute de l'information. Nos mesures structurelles s'inscrivent par ailleurs parfaitement dans la liberté d'expression, compte tenu de l'ouverture incroyable du marché canadien aux émissions d'origine étrangère.
Dans le but de rehausser la souveraineté culturelle, le gouvernement canadien, tant dans ses programmes de subvention que dans ses mesures structurales, devrait continuer de mettre l'accent sur ce que l'on appelle la programmation canadienne prioritaire, soit émissions dramatiques, comédies, émissions de musique pour enfants et émissions de variétés et documentaires long format canadiens.
La Société Radio-Canada, en dépit de ses nombreux problèmes, demeure un pilier de notre patrimoine culturel et doit jouir d'un soutien financier accru de façon à assurer une programmation canadienne prioritaire.
La radiodiffusion privée, y compris les télédiffuseurs conventionnels et les services de télévision payante et spécialisée, devraient continuer d'être obligés de faire une contribution importante à la création et à la présentation d'émissions canadiennes prioritaires, notamment d'émissions dramatiques.
En plus de son appui pour les émissions de télévision dramatiques, le système de radiodiffusion canadien devrait assurer un meilleur appui à la production et à la présentation de longs métrages canadiens. Cela devrait non seulement être le fait des détenteurs de licence de télévision payante mais également être une obligation fondamentale des producteurs d'émissions pour diffusion gratuite sur les ondes.
Le gouvernement devrait avoir une vision large de ce qu'embrasse le concept de la radiodiffusion. Plus particulièrement, la définition devrait continuer d'englober les entreprises de télédiffusion et de vidéo sur demande.
L'exemption de 1999 du CRTC visant la diffusion sur Internet devrait être réexaminée en 2004, ce afin de veiller à ce que soit prise en compte toute incidence sur la radiodiffusion traditionnelle et à ce que soit contrôlé le développement de nouveaux médias canadiens.
L'émergence d'une concurrence entre entreprises de distribution et de radiodiffusion au Canada ne devrait pas entamer leur soutien aux services de programmation canadienne ni leur appui financier à l'égard de programmation canadienne prioritaire, par le biais, notamment, du FCT, dont la gouvernance devrait englober une représentation des créateurs.
Enfin, la position du Canada dans les négociations commerciales internationales devrait être d'insister sur la capacité du pays de maintenir des mesures et de subvention et de soutien structural pour le secteur de la radiodiffusion, y compris les entreprises de distribution de radiodiffusion et les restrictions en matière d'investissement étranger. À cet égard, un plein appui devrait être donné au concept d'un nouvel instrument international en matière de diversité culturelle, ce afin de sauvegarder les droits des pays de protéger et d'appuyer leurs industries culturelles.
Ce sont là autant de points d'une présentation qui pourra être étoffée lorsque le président de la Guilde fera son exposé à Ottawa.
Il est cependant un certain nombre de points que j'aimerais souligner ici étant donné qu'ils ont été soulevés par des intervenants plus tôt ce matin. Le premier est que dans notre mémoire nous plaidons en faveur de la suppression de ce que nous appelons les «critères subjectifs» en matière de contenu canadien, tout en maintenant notre appui en faveur des «critères objectifs» en matière de contenu canadien.
Le deuxième point que j'aimerais souligner est que... Cela a été intéressant et en même temps quelque peu gênant d'écouter M. Zurawski parler au début, car j'ai découvert, au fil de sa déclaration, que je suis en fait le concepteur de l'émission d'Alliance Atlantis qu'il a évoquée, qui a en fait été créée ici à Halifax par l'auteur de la série Theodore Tugboat, qui est venu me voir l'an dernier et avec qui j'ai oeuvré pour monter tout cela. Nous sommes allés chez Salter Street et cela a vu le jour ici à Halifax. Cependant, Salter Street a été acheté par Alliance Atlantis.
¿ (0955)
C'est une question fort complexe, mais cela rejoint certainement ce qu'a évoqué M. Comeau, soit l'intégration verticale et les conséquences de cela pour le pays.
Voilà ce dont je voulais vous parler. Merci.
À (1000)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Laing.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Vous avez touché à beaucoup de points de la révision de la Loi sur la radiodiffusion, dont l'impact de la convergence. Vous nous avez donné, monsieur Comeau, des exemples intéressants, en termes d'impact, de ce que c'est que d'avoir de la convergence. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur les effets négatifs de la convergence, quand, par exemple, d'autres médias sont annexés à une entreprise et que les choix peuvent être différents? Il y a d'autres entreprises qui sont annexées. Il y a, par exemple, le cas d'une chaîne de câblodistribution qui est annexée à une chaîne de production ainsi qu'à une entreprise de télévision. Je vous demande cela pour que l'on comprenne bien les effets négatifs des choix qui se font afin qu'il n'y ait pas d'impact négatif sur d'autres entreprises qui appartiennent à la même entreprise.
[Traduction]
M. Stephen Comeau: Pour moi, il y a une différence entre la convergence telle que décrite dans un mouvement technologique ou créatif de médias distincts vers un média unique, uni et numérique et l'intégration verticale et la consolidation d'avoirs de médias dans l'industrie. La convergence ou le regroupement, en tant que phénomène technologique ou créatif, présente d'énormes possibilités aux producteurs et créateurs indépendants de tous genres en permettant aux gens de créer des produits et services à valeur ajoutée en plus de leur création télévisuelle originale et d'avoir accès à un auditoire.
L'un des problèmes auxquels on se trouve à l'heure actuelle confronté dans ce monde de convergence, du point de vue tant technologique que commercial, est la question de savoir qui possède quoi. Lorsque je réalise une émission de télévision et que j'y mets une composante interactive, cet aspect interactif est transmis par le signal télé, mais c'est quelque chose que vous ne voyez pas à la télévision. Il y a en cours à l'heure actuelle un débat entre radiodiffuseurs et câblodistributeurs quant à la question de savoir qui possède l'espace dans le signal dans lequel vous insérez vos produits interactifs. Est-ce le producteur indépendant qui a réalisé l'émission, est-ce le radiodiffuseur que vous captez ou est-ce le câblodistributeur qui distribue le signal de la chaîne de télévision ou du radiodiffuseur jusqu'à chez vous? Il s'agit d'un problème incroyablement complexe, et qui continue de se compliquer vu que les lois en matière de propriété intellectuelle ne suivent pas le rythme de l'évolution technologique.
Pour en revenir à l'aspect regroupement dans le contexte de la propriété et de l'exploitation de médias multiples, cela ouvre tout simplement la porte aux abus en ce sens que les sociétés cotées à la bourse ont tendance à servir leurs actionnaires et non pas le public, s'il y a là une différence entre les deux.
Je pense que l'indépendance aux différents niveaux de la chaîne des valeurs, du producteur au radiodiffuseur en passant par le distributeur, est impérative pour chaque palier dans la chaîne, ce afin de servir au mieux le public. Dans un environnement caractérisé par l'intégration verticale, tous ces différents niveaux dans la chaîne de valeur ont tendance à vouloir se servir les uns les autres en vue d'une rentabilité accrue pour l'entreprise, mais pas nécessairement pour le public.
Cela répond-il à votre question?
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Comment pourrait-on mieux baliser les choses dans la loi pour que les directives soient plus claires et qu'il y ait une protection des consommateurs et des créateurs-producteurs?
[Traduction]
M. Stephen Comeau: Je pense que des pressions continues exercées par le CRTC sur le milieu de la radiodiffusion en faveur de la production indépendante favoriseraient le maintien d'une production indépendante viable et rentable et, partant, l'offre au public des meilleures idées et des meilleures émissions disponibles. Je pense qu'il est très important que le CRTC insiste auprès des radiodiffuseurs pour qu'ils respectent leurs auditoires et obéissent aux règles, à leurs «promesses de rendement», et à leurs licences, qui sont délivrées sur la base du service offert à un auditoire canadien. L'IFC est un exemple qui a été mentionné. Pour moi, la suppression du WTN de l'ouest pour le réimplanter en Ontario, et le roulement du personnel, sont une illustration du mépris flagrant du désir du CRTC d'assurer une diversité de propriété géographique. Le fait que cela soit passé plus ou moins sans opposition va à l'encontre du message voulant que les radiodiffuseurs doivent servir davantage l'auditoire que le dollar.
À (1005)
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Monsieur Laing, vouliez-vous aussi répondre à cette question?
[Traduction]
Le président: Souhaitez-vous faire un commentaire, monsieur Laing.
M. Mark Laing: Au sujet de l'intégration verticale?
Le président: Oui, en réponse à la question de Mme Gagnon portant sur l'intégration verticale et le regroupement. Vous n'y êtes pas obligé.
M. Mark Laing: Il s'agit d'une question très difficile. Je partage les préoccupations de Steve à cet égard. Le sentiment prédominant chez les créateurs de contenu est que l'intégration verticale a tendance à limiter les choix disponibles. Cela a tendance à réduire la diversité parmi les petits producteurs.
J'ai pensé, pendant que Sonya Jampolsky parlait, qu'aucune personne sensée ne voudrait être producteur de films ou de télévision au Canada. Nous avons dans la tête ce cliché qui veut qu'ils soient tous gras et qu'ils fument le cigare. De fait, ils ressemblent davantage à des propriétaires de boutiques de livres d'occasion.
Il est très difficile dans ce pays d'être un fournisseur de contenu. L'intégration verticale est telle que cela est rendu encore plus difficile du fait que vous livrez concurrence à une seule grosse bête--je ne citerai pas de noms--et cela a tendance a étouffer notre capacité de produire des produits divers, une expression culturelle diverse--je préfère parler de «expression culturelle» que de «produit».
Quant aux solutions à cela, je n'en ai pas, sauf pour dire que je pense que les mécanismes de financement doivent être structurés de telle sorte qu'ils reconnaissent qu'il y a de très gros joueurs et de très nombreux petits joueurs et qu'il faut qu'il y ait, en tant que valeur sociale, un encouragement pour ces petits joueurs. Les règles doivent favoriser et reconnaître les très grosses différences d'échelle.
Par exemple, très rapidement, l'Association canadienne des radiodiffuseurs fait du lobbying massif en faveur d'un accès pour les radiodiffuseurs au Fonds canadien de télévision. Si on les autorise à accéder directement à ces fonds, de nombreux producteurs indépendants deviendront redondants dans le tableau d'ensemble. Cela est très menaçant pour nous, en tant que communauté, pour notre capacité de livrer à un auditoire un contenu novateur, intéressant et pertinent.
Le président: Madame Jampolsky, vous avez mentionné--je songeais à votre intervention--la dichotomie entre les très petits producteurs et les 24 millions de dollars... Vous pourriez peut-être soumettre plus tard des idées à nos recherchistes quant au couperet que vous verriez. Il faut qu'il y ait un repère. Comment faire le tri? Si vous avez des idées, je vous en prie, ne vous gênez pas.
Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Merci beaucoup.
Nous étions à Terre-Neuve hier et un certain nombre de producteurs indépendants, y compris Greg Malone, nous en ont dit long sur la situation. M. Malone a dit, en gros, qu'il n'y a pas d'argent, pas de droits de licence, pas de temps d'antenne et qu'ils sont en train de mourir là-bas, qu'ils ne peuvent tout simplement pas survivre. J'ai le sentiment que ce marché-ci est plus dynamique; il est plus gros, et il semble qu'il existe davantage de possibilités. Il n'existe pas de possibilités là-bas, semble-t-il; en tout cas c'est leur impression. Ils sont très nerveux. Je ne dis pas qu'ils ne font pas du travail merveilleux ni qu'ils ne sont plus en train de lancer des choses.
Suite à l'explication de Sonya sur la façon dont un film est réalisé, et deux ans plus tard vous recevez ou vous ne recevez pas un crédit d'impôt, alors vous continuez tout simplement de vivoter... Encore une fois, Clifford a mentionné l'idée de soumettre des idées très concrètes quant à la façon dont des petites et moyennes entreprises pourraient obtenir la protection dont elles ont besoin dans ce genre de contexte. Je suis également intéressée par vos commentaires au sujet du rachat des Salter Street Films par Alliance Atlantis, car je suis moi aussi intervenue auprès du CRTC au sujet de l'importance de maintenir cette société en tant qu'opération régionale.
Cela soulève une question au sujet du CRTC et de sa capacité de contrôler les licences octroyées. Nous avons sans cesse vu cela partout au pays: les gens disent que le CRTC prend des décisions puis s'en détourne et ne semble pas contrôler ce qui se passe.
Il y a à l'heure actuelle un projet de loi, qui est en fait assez vieux--cela fait maintenant plusieurs années qu'il traîne autour--appelé le projet de loi S-7. Il s'agit d'un projet de loi qui permettrait au public d'intervenir auprès du CRTC relativement aux décisions importantes en matière de radiodiffusion. Ce n'est pas tout à fait de cela que nous discutons ici, mais comment la Guilde canadienne des réalisateurs ou les organisations que vous représentez pourraient-elles s'en prendre à des décisions qui n'ont pas été maintenues par le CRTC? Comment pouvez-vous avoir l'argent et la capacité de recherche et tout le reste? Je trouve que vous soulevez des questions réellement importantes ici, que nous entendons et pour lesquelles nous continuerons de pousser.
À (1010)
Mme Sonya Jampolsky: Je reviendrai à votre premier commentaire pour parler de certaines des idées que nous avons mises de l'avant en vue de rendre les choses plus faciles pour les producteurs. Il s'agit en définitive d'avoir une meilleure situation sur le plan mouvements de caisse.
Une chose serait très simple. Nous travaillons tous dans le cadre de ce que l'on appelle un calendrier de prélèvements. Vous commencez à recevoir votre financement à la fin du contrat longue formule. L'étape suivante, généralement, est le premier jour des principaux travaux de prise de vues, l'étape suivante étant le premier montage, et vient enfin la livraison. Ce qu'il nous faudrait c'est une bien plus grosse somme d'argent au départ. Ce qui se passe, c'est que nous attendons beaucoup trop longtemps pour que le gros de l'argent arrive.
Ce n'est là qu'une impression; un autre producteur a soulevé cela il y a quelques semaines. Il a dit que c'était comme autrefois, lorsqu'on travaillait avec Téléfilm, lorsqu'on travaillait tous ensemble pour bâtir une communauté. C'était un processus de consultation. Vous vous rendiez au bureau de Téléfilm et vous lanciez: j'ai une idée formidable, qu'en pensez-vous? Et vous commenciez à travailler ensemble pour donner vie à l'idée. S'il y a une police au sein de notre communauté, c'est Téléfilm. Les règles, les règlements, respecter les règles du jeu... de nombreux producteurs ont dit qu'ils ne vont pas demander de financement auprès de Téléfilm; que cela n'en vaut pas la peine.
J'ignore si j'ai dit cela clairement, et j'ai peut-être en fait laissé cela de côté, mais dans le cadre d'un budget de Téléfilm, le producteur ne peut prendre que 10 p. 100 des parties B et C du budget. Ce que cela signifie, encore une fois, c'est que si vous avez un projet de 220 000 $, en bout de ligne, le producteur ne peut ramasser que 22 000 $. Mais 22 000 $ pour 18 mois de travail, c'est le seuil de la pauvreté.
Téléfilm doit commencer à travailler avec nous pour qu'il nous soit possible de gagner notre vie. Il n'est pas nécessaire que ce soit vraiment lucratif, mais il nous faut néanmoins gagner notre vie à faire ce que nous faisons.
J'aimerais maintenant passer à Alliance Atlantis. Comme le savent la plupart d'entre vous, lorsqu'une affaire change de mains et est déplacée d'une région à une autre, un ensemble d'avantages est offert à la région.
Nous sommes allés voir et Salter Street Films et Alliance Atlantis et nous leur avons dit, si vous voulez nous venir en aide, voici quelques petites choses que vous pourriez faire. L'une d'elles serait de créer un fonds en vue d'une association de producteurs. Nous sommes un groupe bénévole. Nous travaillons tous à temps plein en tant que producteurs. Nous n'avons pas de bureau à temps plein. Vous pourriez donc nous aider à créer un mécanisme nous permettant de travailler ensemble et de faire du lobbying en vue de défendre nos besoins.
L'autre idée a été celle d'établir un fonds de production auquel pourraient avoir accès des producteurs en vue de mettre au point leurs produits. Ils ont fait cela, mais ce fonds de production est directement lié à une chaîne cinématographique indépendante et aux produits sanctionnés par elle. Cela est accessible à tous les Canadiens de la région de l'Atlantique. Mais cela n'est guère utile aux producteurs indépendants de la région.
À (1015)
Mme Wendy Lill: Ont-ils également dit qu'ils allaient créer une école de cinéma?
Mme Sonya Jampolsky: En effet. Chacun avait un point de vue différent, et il me faut respecter cela. Mais du point de vue de l'association des producteurs, nous ne pensions pas que cela était nécessaire. Nous estimions qu'il y avait dans la région suffisamment de possibilités d'éducation de niveau entrée pour de nombreux groupes différents. Il m'a fallu dire très respectueusement à Michael MacMillan que nous n'avions pas à apprendre comment faire des films--que ce qu'il nous faut c'est un appui à un niveau bien supérieur.
Par ailleurs, un petit montant d'argent a été versé pour appuyer l'Atlantic Film Festival, qui a été très bon.
M. Rodger Cuzner: J'ai une question pour Steven et une pour Sonya. Je vais vous les poser, puis vous laisser faire.
Un ami bien plus sage que moi classe les gens en trois catégories: les découvreurs, les gardiens et les mineurs. Vous avez parlé des découvreurs, des innovateurs, et du fait qu'il devrait y avoir moyen d'accéder à un soutien, vu les risques. Vous avez dit que si les bonnes politiques de réglementation et règles étaient en place, cela aiderait beaucoup les innovateurs, dont on a beaucoup besoin. Vous pourriez peut-être me donner un ou deux exemples de moyens précis grâce auxquels l'on pourrait appuyer ces découvreurs. Cette question s'adresse à Steven.
Passant maintenant à Sonya, je pense que vous avez fait de bonnes recommandations quant à l'aide financière consentie par Téléfilm et à la façon dont on pourrait le mieux aider les producteurs avec des fonds d'amorçage. L'autre chose, et nous avons entendu cela hier soir, est que les annonces de Téléfilm tombent parfois à un moment tel que cela entrave véritablement les processus de création et de production. J'aimerais que vous partagiez avec nous votre expérience à cet égard.
Steven pourrait peut-être répondre en premier.
M. Stephen Comeau: Pour moi, c'est une équation assez simple. On pourrait en discuter. Étape numéro un, vous structurez le CRTC en matière d'octroi de licences de radiodiffusion et d'abonnements de service par câble et par satellite de telle sorte que les radiodiffuseurs sont davantage poussés à se livrer concurrence pour leur auditoire comme indicateur de leur source de revenu. Étape numéro deux, vous exercez plus de pression sur les radiodiffuseurs eux-mêmes pour qu'ils offrent davantage de contenu canadien et qu'ils le payent comme il se doit lorsqu'il va être diffusé pendant les heures de grande écoute.
À l'heure actuelle, les radiodiffuseurs jouissent d'un certain niveau de sécurité du fait de leurs abonnements et de leurs ventes de bouquets de services, ce qui les met à l'abri de la concurrence qui pourrait caractériser leur environnement. En faisant pression sur eux pour qu'ils présentent davantage de contenu canadien pendant les heures de grande écoute, le contenu canadien deviendra l'indice de réussite dans la concurrence entre les différences chaînes.
À (1020)
Mme Sonya Jampolsky: Je ne sais quoi vous dire au sujet de la question des délais et de l'instauration d'un système convivial. C'est de la folie dans ce domaine. Vous recevez votre financement de Téléfilm, votre financement PIE et vous ne disposez de ce financement que pendant une période de temps limitée. En attendant, vous courez partout pour trouver les autres 25 p. 100 de votre budget. Vous y êtes presque, mais arrive le couperet du financement de Téléfilm. Vous avez votre argent de la société de développement de l'industrie cinématographique de la Nouvelle-Écosse. C'est un jeu de papier constant. C'est remarquable. Je pense que des efforts ont été déployés par des groupes provinciaux et par d'autres en vue de situer les rondes de financement à des points logiques, mais c'est un vrai bourbier.
M. Rodger Cuzner: On nous a dit hier soir que les annonces de Téléfilm sortent--il y a eu une annonce hier--au moment même où certaines des sociétés de production sont en train de boucler leur saison. Voilà donc que des installations deviennent disponibles. Mais maintenant qu'ils ont un peu d'argent de Téléfilm, il y a une bousculade folle pour essayer de trouver des auteurs, des producteurs, ou le personnel technique... alors que faire pour corriger la situation?
M. Stephen Comeau: Ma théorie est qu'à certains égards les politiques du FCT sont un faux problème. Peu importe la façon dont vous jonglez avec les règles. Vous ne faites que jongler avec les personnes qui se trouvent dehors. Il y a une pénurie fondamentale de ressources dans le système qui est en train de devenir de plus en plus concurrentiel au fur et à mesure de la multiplication des chaînes qui ont besoin de programmation canadienne.
Quant à nombre des manquements dont vous parliez--les délais de financement, les annonces--la nature de ces choses veut que l'on n'opte que pour des mesures de détresse ou bouche-trou, en vue d'essayer de régler le problème d'une trop forte demande par rapport aux ressources disponibles. Ces mesures ne peuvent être que partielles. S'il y avait dans le système davantage de ressources pour la création de programmation canadienne, il y aurait davantage de souplesse quant à la façon dont ces ressources seraient distribuées à la communauté, et il y aurait en conséquence beaucoup moins de plaintes en la matière.
M. Rodger Cuzner: Dans le cas de tous les problèmes auxquels le gouvernement est aujourd'hui confronté, qu'il s'agisse des soins de santé, des forces militaires ou d'autres choses, tout le monde peut affirmer qu'on pourrait y consacrer plus d'argent. Mais il faut que soient apportés au système des changements tels que celui-ci serait un peu plus efficient. Ce que nous avons entendu hier soir... S'ils annoncent du financement une fois par an, je vois tout un stress... Peu importe. Qu'on retire cela à l'industrie de la télévision ou du cinéma. On accule les gens à des lignes directrices et à des délais. Il y a une course folle pour que tout le monde se lance et profite de la fenêtre qui se présente. Il doit certainement y avoir un meilleur moyen.
M. Stephen Comeau: Je pense qu'il doit y en avoir un. Mais si la réponse était plutôt facile, les gens l'auraient déjà trouvée.
M. Rodger Cuzner: J'imagine que si la réponse est simple, elle n'est sans doute pas bonne.
M. Stephen Comeau: Il faut revoir ces choses. Les crédits d'impôt, par exemple, sont fantastiques, parce qu'ils évoluent. Vous donnez à quelqu'un un crédit pour l'activité, mais vous ne percevez pas forcément ces revenus d'impôt. Mais il y a là une activité qui bénéficie à la collectivité. Si vous retirez le crédit d'impôt, il n'y a plus d'activité, et plus de revenu. Les crédits d'impôt sont donc, il me semble, un moyen formidable de créer--
M. Rodger Cuzner: Très bien. Mais dans certains secteurs de financement, il y a des distributions trimestrielles. Des annonces sont faites le 21 mars, le 21 juin et le 21 septembre. Peut-être qu'un auteur se fait offrir un contrat en septembre. Il s'occupe d'une production puis, la chose logique serait qu'il se trouve un autre travail dans le cadre des annonces du 21 décembre. Tout d'un coup, ce type a un travail à temps plein. Bien sûr, je connais nombre d'auteurs qui n'en voudraient pas.
Je blague, Wendy.
Allez-y.
À (1025)
M. Mark Laing: Je pourrais vous suggérer quatre choses, et j'espère qu'elles ne seront pas considérées comme mauvaises du simple fait qu'elles ne coûteraient pas forcément plus cher. Il s'agit de ce que j'appellerais des entraves imposées aux «découvreurs», pour reprendre le terme que vous avez employé. L'une des entraves qui pourraient être levées serait le critère subjectif dans les règles en matière de contenu canadien, le facteur sirop d'érable. Nous n'en avons pas besoin et c'est une entrave. Le contenu canadien, comme nombre de personnes partout au pays vous le diront, ne devrait s'appuyer que sur des critères objectifs: combien de contribuables canadiens ont participé au projet?
Deuxièmement... J'ignore si Steven a raison, c'est-à-dire que c'est si simple qu'on aurait dû y penser plus tôt, mais le cycle de financement de Téléfilm a amené des distorsions extraordinaires sur le marché quant à la disponibilité d'équipes de tournage, de ressources... Du fait de ce cycle, la production cinématographique et télévisuelle dans ce pays est plus saisonnière que la météo, et ce ne devrait pas forcément être le cas. Il s'agit certainement là d'une chose que nous pourrions changer. Nous pourrions étaler les choses, aplanir les bosses de l'attente pendant toute la nuit des résultats de Téléfilm.
La troisième chose a à voir avec... Le CRTC a pris il y a un ou deux ans une décision que la Guilde juge regrettable, soit celle de supprimer les règles en matière de dépenses. Le CRTC a des règles en matière d'heures de programmation--heures pendant les plages de grande écoute, heures de ceci, heures de cela--mais en même temps, il a supprimé les règles de dépenses. Eh bien, cela a poussé les radiodiffuseurs à consacrer de plus en plus de temps à des émissions toujours meilleur marché, des émissions de type «réalité», limitant en même temps la vitrine pour les émissions à caractère plus difficile, les émissions dramatiques canadiennes, qui ont une bien plus grande importance culturelle pour nous. C'était une erreur, dont nous faisons état dans notre mémoire, et si le CRTC rétablissait les règles en matière de dépenses, cela mettrait davantage de ressources aux mains des découvreurs.
Le quatrième point est lui aussi très simple. La structure de gouvernance du Fonds canadien de télévision devrait comporter une représentation des créateurs. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Il n'y a pas de place pour les réalisateurs, les artistes, ceux et celles qui font ces émissions. Leur voix est très manifestement absente, et ce serait la voix de la culture canadienne au FCT plutôt que la voix de l'argent.
Le président: Vos propos nous ont été très utiles, monsieur Laing.
Nous allons maintenant poursuivre, car il y a encore beaucoup de groupes qui doivent venir nous rencontrer, et je vous demanderais donc d'être très brève, madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Vous avez abordé un point important qui portait sur le contenu canadien hier, à St. John's. Des témoins sont venus dire qu'il faudrait, dans le contenu canadien, faire de la place pour la relève ou pour de nouvelles voix de production. On peut avoir du contenu canadien, mais c'est un concept large. Est-ce qu'il y a de la place pour la relève? Est-ce qu'il y a de la place aussi pour différentes productions qui ne soient pas juste à caractère commercial? Est-ce qu'il y a de la place pour des produits plus culturels et plus près des gens du milieu? C'est ce qu'on s'est fait dire hier. Êtes-vous d'accord que le contenu canadien, c'est très large, mais qu'en même temps, il faudrait peut-être le définir un peu mieux, sans parler seulement de la feuille d'érable, mais de critères moins étroits?
[Traduction]
M. Mark Laing: Personnellement, je pense--et je crois que beaucoup d'autres partagent cette opinion--qu'il n'est pas possible pour un organe de financement ou pour des auteurs de politiques publiques de déterminer de façon subjective ce qui constitue du contenu canadien.
Un producteur m'a dit de façon très irrévérencieuse que c'est ce que Staline avait tenté de faire avec son matérialisme héroïque--établir un style étatique. Je ne pense pas que nous en soyons là, mais je ne pense pas non plus qu'il y ait de la place pour des critères subjectifs. En d'autres termes, il ne s'agit pas tout simplement d'avoir une meilleure définition de ce qui peut constituer un sujet canadien. Le contenu canadien, ce devrait être les histoires racontées par des Canadiens--en d'autres termes, juste les critères objectifs.
À (1030)
Mme Wendy Lill: J'ai une petite question pour vous, Mark. Vous avez mentionné que les intérêts américains exercent davantage de pressions sur le gouvernement en vue d'une limitation des subventions. Pourriez-vous nous dire s'il se pointe des cas à l'horizon ou si vous êtes présentement confronté à des mesures d'opposition par le biais de droits compensateurs dans l'industrie audiovisuelle?
M. Mark Laing: Une pétition a été faite au Department of Commerce en vue de l'imposition de droits compensateurs aux produits culturels canadiens, prétendant que de tels produits sont analogues à des biens matériels, par opposition à des services. La pétition était mal rédigée et les arguments mis de l'avant étaient faibles et elle a donc été retirée du Department of Commerce.
Nous pensons qu'elle est en train d'être remaniée sur la base de nouveaux conseils juridiques et qu'elle sera massivement et puissamment déposée à nouveau l'an prochain. Nous ne pensons pas, pas plus que notre conseiller juridique, que ces auteurs aient de quoi monter une contestation légitime en vertu des règles régissant le commerce international. Cependant, nous savons également très bien que les règles internationales en matière de commerce ne font pas du tout le poids lorsqu'il est question d'énormes intérêts économiques américains. Ma prédiction est que l'an prochain nous vivrons avec les États-Unis un conflit commercial équivalent ou supérieur à celui portant sur le bois d'oeuvre. Le gouvernement canadien est au courant de cela et doit s'attendre à une affaire énorme.
Nous avons à l'heure actuelle de puissants alliés de l'autre côté de la frontière. La Motion Picture Association, le groupe de Jack Valenti, est fermement opposé aux droits compensateurs car, en tant que plus gros exportateur de produits culturels dans le monde, il ne veut pas du tout voir des produits culturels traités comme étant des biens matériels plutôt qu'un service. Cela ne servirait pas ses intérêts. Mais la bagarre qui s'annonce pour l'année à venir sera terrible.
Le président: Monsieur Laing, vous avez mentionné que M. Zurawski a, dans le cadre de sa présentation, évoqué une affaire au sujet de laquelle vous avez entendu de nombreux commentaires de l'autre camp. Il serait très utile que vous communiquiez avec nos recherchistes pour leur raconter votre version de l'histoire, car nous sommes ici pour trouver des conclusions objectives à ces questions et pas pour choisir un camp par rapport à un autre. Cela serait extrêmement utile pour nous, et nous vous serions reconnaissants de bien vouloir le faire.
M. Mark Laing: Merci.
Je me ferai un plaisir de rencontrer les recherchistes et de leur raconter ce que je sais.
Le président: Nous vous remercions tous et chacun d'être venus comparaître aujourd'hui. Je pense que cette séance a été extrêmement utile pour nous, très informative, et vous avez en même temps fait des suggestions concrètes qui nous seront d'une très grande utilité.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre les professeurs Stephen Kimber et Bruce Wark.
Il me faudrait vous mentionner, professeurs Kimber et Walk, que deux autres gros groupes doivent comparaître après vous. Il ne nous reste qu'une heure et demie, alors je vous demanderais d'être concis afin qu'il reste suffisamment de temps pour ces deux groupes. Ainsi va la vie, malheureusement. Le temps est très précieux pour tous.
Vous avez donc la parole, professeur Kimber.
À (1035)
M. Stephen Kimber (directeur et professeur agrégé de journalisme, école de journalisme, University of King's College): Je vais faire de mon mieux.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Stephen Kimber. Je suis directeur de l'école de journalisme de l'University of King's College. Je comparais ici devant vous aujourd'hui en tant que journaliste et consommateur intéressé de nouvelles et d'information, ainsi que professeur de journalisme.
Je vous suis reconnaissant de l'occasion que vous me donnez de comparaître devant vous, mais je suis en même temps déçu, car les questions dont j'aimerais vous entretenir aujourd'hui concernent la concentration des médias et la propriété croisée des médias dont, si j'ai bien compris, le comité ne va traiter que dans le contexte d'un examen beaucoup plus étroit du système de radiodiffusion canadien.
En mars de l'an dernier, le secrétaire parlementaire à la ministre du Patrimoine avait énoncé la création d'un groupe sélect d'experts qui serait chargé d'examiner l'incidence de la concentration des médias. Or, le gouvernement fédéral a très rapidement décidé d'abandonner cette idée et de demander plutôt au comité ici réuni d'examiner cette question dans le cadre de son étude de la politique de radiodiffusion. Le président du comité aurait dit que la propriété des quotidiens n'est pas sur la table dans le cadre de cet examen et que «ce que nous n'allons pas faire c'est soumettre des recommandations visant la presse écrite».
Il me semble qu'il est impossible de faire un examen exhaustif de la question de la concentration des médias sans se pencher et peut-être sans faire de recommandations sur les questions liées à la propriété des journaux.
J'ose espérer que la première et plus urgente recommandation du comité au gouvernement fédéral sera que celui-ci crée une commission royale ou un comité spécial du Sénat chargé d'examiner ces questions dans un contexte plus large. Je sais que je ne suis pas seul à préconiser cela. Quelle que soit la tribune retenue, il nous faut une enquête publique indépendante sur l'incidence de la propriété des médias afin que les Canadiens puissent à tout le moins mieux comprendre la façon dont la propriété des médias influe sur ce qu'ils lisent, entendent et voient.
Cela étant dit, je pense qu'il y a clairement des aspects de la concentration des médias et de leur propriété croisée qui sont touchés par la politique de radiodiffusion et qui relèvent par conséquent de votre mandat.
Pourquoi devrions-nous nous préoccuper de ce que tout le monde convient est une concentration accrue de la propriété de nos médias et de la diminution du nombre de villes dans lesquelles les lecteurs ont la possibilité de lire un journal local qui n'appartient pas à une société qui possède sur le marché sa propre station de télévision?
Il y a une différence entre ce qui est peut-être dans l'intérêt commercial des propriétaires des médias et ce qui est dans l'intérêt du public. Je ne pense pas que nous devions tout simplement nous en remettre au marché pour trancher. La consolidation, la concentration, la convergence et la conformité conviennent parfaitement aux investisseurs. Bien sûr, les propriétaires des médias ne défendent pas leur liberté de faire tout cela sur la seule base de leur propre intérêt commercial. Ils prétendent que leur permettre d'absorber comme bon leur semble journaux, stations de télévision et sites Web pour les réunir dans le cadre d'un énorme fournisseur de contenu offre en fait des avantages côté service au public. Ils prétendent en effet qu'en réunissant leurs ressources la combinaison d'économies d'échelle et de synergies qui en résultera leur permettra d'offrir aux consommateurs du journalisme de plus en plus ambitieux.
Mesurons donc ces déclarations par rapport à la réalité. Exception faite des prétendues dépenses devant bénéficier à la communauté exigées par le CRTC dans le cadre des récentes demandes de transfert de propriété, combien de ressources supplémentaires ont véritablement été engagées par CanWest ou par BCE en vue d'offrir un journalisme plus ambitieux et meilleur? La réponse, me semble-t-il, c'est remarquablement peu. Voyez ce qui est arrivé au Halifax Daily News depuis son acquisition par CanWest Global dans le cadre de son achat de l'empire de journaux de Conrad Black en 2000. CanWest, bien sûr, possède déjà sur ce marché une station de télévision. Combien d'autres journalistes le quotidien a-t-il embauché? Combien de projets d'enquête conjointe a-t-il lancés avec sa station de télévision affiliée?
En réalité, la salle de presse du quotidien a rétréci, et je crois que le même sort a été réservé à la salle de presse de Global. Ce qu'ils nous ont tous les deux proposé s'approchant de projets d'enquête sont un ou deux sondages d'opinion et un rapport spécial de la Saint-Valentin. Le météorologue de Global TV écrit maintenant une rubrique quotidienne dans le journal, mais il s'agit davantage de faire de la promotion croisée de la station de télévision que d'offrir plus de valeur aux lecteurs.
Les journalistes du Halifax Daily News participent à l'occasion au bulletin de nouvelles locales de Global, mais il en résulte pas tant une augmentation de la couverture journalistique mais plutôt une diminution du nombre de points de vue différents parmi lesquels les consommateurs peuvent choisir. L'objectif réel, ici encore, c'est la promotion croisée.
Cela est aussi vrai à l'échelle nationale qu'à l'échelle locale. Écoutez le journal national télévisé de CanWest Global et vous verrez des commentateurs comme le journaliste du National Post de CanWest Global, Andrew Coyne. CanWest Global n'est bien sûr pas seul à faire cela. Le journal télévisé de CTV donne souvent l'impression d'être la principale source de renseignements pour le Globe and Mail du lendemain.
Lorsque votre quotidien appartient au propriétaire d'un réseau de télévision, comment pouvez-vous savoir si le commentateur à la télévision n'est pas tout simplement en train de vous recommander des émissions du fait que celles-ci sont diffusées par la station soeur du journal? Comment pouvez-vous avoir la certitude que le service de radiodiffusion et que le journal qui ont le même propriétaire feront des rapports justes et équilibrés sur les questions touchant l'autre?
La propriété et le regroupement actuel des médias résultent presque inévitablement en un fléchissement de la qualité et en une pollution de la qualité, car les propriétaires des médias les considèrent principalement comme étant des moyens de faire des économies et d'élargir la portée de leur marque. Les propriétaires de médias espèrent un avenir dans lequel les journalistes iront à un événement, prendront des photos et tourneront une bande vidéo, rédigeront un article pour le journal, un autre pour la radio, un autre pour le site Web et passeront même à la télévision en bout de ligne pour vous faire un petit topo. Un tel résultat serait loin d'être aussi positif qu'aimeraient vous le faire croire les propriétaires de médias. Cela résulterait-il en une couverture médiatique améliorée? En une plus grande diversité dans les informations livrées au public? Pas du tout. Et parce que les propriétaires des médias tenteront de faire cela tout en dépensant le moins d'argent possible pour recueillir leurs informations, le résultat ultime serait un déclin encore plus marqué des normes et de la crédibilité journalistiques.
La probabilité que la concentration et que la propriété croisée réduiront la variété ainsi que la qualité des nouvelles et de l'information est un de mes soucis. Un autre est que les conglomérats de propriété multi-médias pourront contrôler la gamme de points de vue que nous pourrons lire et entendre. Il s'agit déjà de plus qu'une crainte hypothétique.
Je compte parmi les journalistes d'un peu partout au pays qui ont démissionné des journaux de CanWest ces derniers mois du fait de la censure imposée par le siège social à l'égard des opinions ne cadrant pas avec celles des propriétaires. Le principal point d'éclair a été le conflit au Moyen-Orient; il n'est pas autorisé de critiquer Israël dans les journaux de CanWest car les propriétaires de CanWest appuient Israël. Mais là n'est pas la seule question au sujet de laquelle les propriétaires de la société ont des opinions très fermes. Les propriétaires, comme vous le savez tous déjà, j'en suis sûr, appuient également le Parti libéral fédéral.
Je suis certain que vous savez également que CanWest a récemment établi une politique éditoriale nationale. En vertu de celle-ci, tous ses journaux métropolitains doivent publier les éditoriaux commandés par le siège. Bien que cela ne soit pas forcément déraisonnable, le siège a également exigé qu'aucun de ces journaux locaux ne présente une position contraire, quels que soient les circonstances locales ou les intérêts régionaux. Qu'en sera-t-il si lors des prochaines élections fédérales, CanWest non seulement endosse le Parti libéral fédéral mais décrète qu'aucun de ses 14 quotidiens métropolitains, 126 petits quotidiens et journaux communautaires, son réseau de télévision Global, le National Post, son site Canada.com et sa collection de chaînes spécialisées ne peut adopter une position autre? Je devine que certains d'entre vous n'y verraient pas de problème, mais je suis certain que vous concéderiez également qu'un tel usage du pouvoir éditorial en général constituerait un abus de pouvoir et que nos institutions démocratiques seraient beaucoup mieux servies si les Canadiens avaient l'occasion d'examiner les mérites d'une gamme de vues sur les dossiers du jour.
Ce ne sont pas juste les opinions qui sont aujourd'hui frappées par la censure. Songez aux événements récents au ReginaLeader-Post, propriété de CanWest, où les éditeurs ne se sont pas contentés de censurer les opinions et les éditoriaux critiques, mais ont carrément réécrit l'introduction d'articles pour donner l'impression que l'intervenant endossait l'étouffement de l'opinion par CanWest alors qu'il en faisait en fait la critique.
À (1040)
Si nous permettons aux entreprises d'acheter de plus en plus de services de médias, de transformer les journaux indépendants, les stations de télévision et les sites Web en des plates-formes multimédias intégrées et les journalistes en de simples fournisseurs de contenu, alors nous aboutiront en fait à une société dans laquelle il y aura si peu de sources d'information de rechange que nous ne serons même plus en mesure de savoir quand des actualités sont déformées et quand les médias nous induisent en erreur.
Quelle incidence tout cela devrait-il avoir sur vos délibérations portant sur la politique de radiodiffusion? Eh bien, je pense que vous pouvez et devez vous pencher sur la question de savoir dans quelle mesure la propriété croisée des médias réduit la diversité de voix et d'opinions que reçoivent les Canadiens. Vous pouvez recommander que le gouvernement adopte une loi, comme il en existe dans un certain nombre d'autres pays industrialisés, pour empêcher la même entreprise d'exploiter des quotidiens et des stations de télévision sur le même marché ou de posséder des réseaux de télévision nationaux et des quotidiens nationaux.
Les États-Unis ont depuis 25 ans une règle interdisant la propriété croisée des médias. Bien qu'elle ait très bien servi l'intérêt public, les conglomérats sont aujourd'hui en train de faire du lobbying en vue de sa suppression. Comme vous le savez, il y a en cours dans ce pays un vif débat quant à l'avenir de cette règle FCC. Une discussion semblable se poursuit en Australie. Chose intéressante, ceux qui défendent l'interdiction de la propriété croisée dans ces deux pays citent le Canada et les politiques éditoriales oppressives de CanWest en exemple pour montrer ce qui arrive lorsque les gouvernements abandonnent leurs responsabilités pour protéger l'intérêt public et permettre librement aux sociétés de fusionner et de se regrouper en vue de se constituer en monopole ou en quasi-monopole.
Il me semble que nous attendons depuis trop longtemps déjà pour nous attaquer à cette question, et j'exhorte donc le comité à relever tout de suite ce défi avant qu'il ne soit trop tard. Merci.
À (1045)
Le président: Monsieur Wark.
M. Bruce Wark (professeur agrégé de journalisme, University of King's College): Une partie de ce que j'allais vous dire chevauche les propos que vous a tenus mon collègue, Stephen Kimber. Vous devez avoir sous les yeux le texte de mes remarques liminaires, alors je vais sauter par-dessus certains éléments de la première partie. J'ai divisé mon mémoire ou mon discours en deux parties: premièrement, la concentration de la propriété des médias de langue anglaise et ses effets sur le journalisme et le débat public et, deuxièmement, mais qui n'est pas moins important, la pénurie accrue de services de radiodiffusion régionaux et locaux.
Le 17 avril est parue dans le National Post, le Globe and Mail et tous les grands quotidiens du Canada une annonce pleine page. Cette annonce, payée par les contribuables fédéraux, célébrait le 20e anniversaire de la Charte des droits et ses garanties en matière de liberté d'opinion et de liberté d'expression. L'annonce proclamait fièrement: «La Charte. Elle est à nous. Elle est nous.».
En tant que professeur de journalisme préoccupé par la concentration de la propriété des médias au Canada, j'ai trouvé cette annonce extrêmement ironique. La plupart des quotidiens dans lesquels elle a figuré appartiennent à l'une des plus grosses sociétés médiatiques privées du Canada, la CanWest Global Communications Corporation. Cette société, contrôlée par la famille Asper, exploite également le deuxième plus gros réseau de télévision de langue anglaise du pays. Si vous suivez l'actualité et avez entendu ce que vient de dire mon collègue Stephen Kimber, vous savez que la famille Asper a imposé des restrictions à la liberté d'opinion et à la liberté d'expression.
Je considère cette annonce comme un symptôme parmi d'autres de la concentration de la propriété des médias, y compris propriété croisée des journaux et des sociétés de radiodiffusion. C'est triste à dire, mais nous en sommes arrivés à un point au Canada où une douzaine environ d'hommes riches détiennent le pouvoir de contrôler le gros de ce que nous lisons, voyons et entendons.
Il y a de cela plusieurs décennies, Harold Innis, savant canadien spécialisé en communications, faisait était de la concentration accrue du pouvoir médiatique aux mains d'une petite élite. Innis arguait que la clause de liberté de la presse dans la Constitution américaine n'avait pas empêché cette concentration de survenir. En fait, il pensait que cela avait même servi en quelque sorte de licence pour cette concentration de pouvoir. Les garanties légales de liberté de la presse et de liberté d'expression ne suffisent manifestement pas à elles seules à assurer la libre diffusion d'opinions et de débats. Il importe d'adopter également des règles limitant la propriété des médias.
Comme Frank Scott l'a souligné dans son essai intitulé «Freedom of Speech in Canada» (la liberté d'expression au Canada), la recherche de la liberté est socialement utile et la libre expression favorise la découverte de la vérité. Scott a poursuivi comme suit:
...la liberté d'expression doit être protégée car si une idée est vraie, nous devrions le savoir; si elle n'est pas vraie, la discussion publique la détruira rapidement; si elle est en partie vraie et en partie fausse, seule la discussion permettra de séparer le vrai du faux. |
Il faut entendre les deux côtés d'une question avant d'être en mesure de rendre une décision juste ou fiable quant au point en litige. Et M. Izzy Asper ne nous autorise en ce moment pas à entendre les deux côtés de certaines questions dans ses journaux et ses médias de radiodiffusion.
Je ne suis cependant pas en train de dire ici qu'une poignée de propriétaires de sociétés ont kidnappé la libre expression au Canada. Les choses sont bien évidemment plus compliquées que cela. Il serait extrêmement naïf d'affirmer que les propriétaires des médias n'exercent pas d'influence sur ce qui est rapporté ni sur les opinions qui sont exprimées. C'est pourquoi la diversité de la propriété est préférable à la concentration. C'est pourquoi les stations de radiodiffusion et les journaux ne devraient pas être aux mains des mêmes intérêts. Si nous permettons la généralisation de la propriété croisée des médias, nous mettrons en péril la liberté d'expression d'un grand nombre en faveur des droits de propriété d'un petit nombre.
Fort heureusement, au Canada, nous avons eu la Société Radio-Canada, qui a servi et de contrepoids et de concurrence; or, au cours de la dernière décennie, près du tiers du budget de la société lui a été retiré. Au fur et à mesure que les radiodiffuseurs privés prennent de l'ampleur, acquièrent du pouvoir et rendent moins compte au public, l'on a constaté l'affaiblissement pervers de la seule agence qui était censée servir de source de rechange. Cela sape à la base de nombreuses décennies de politiques de radiodiffusion.
Songeons au principal objet de la Loi de 1991 sur la radiodiffusion. Comme l'a dit Stuart Adam, savant:
Le journalisme est l'un des produits d'une tradition juridique et philosophique qui confère à l'individu des droits et libertés d'expression. |
Le journalisme est donc l'un des aspects essentiels du tissu culturel que cherche à renforcer la Loi sur la radiodiffusion.
J'ose ainsi espérer que dans son étude de l'état du système de radiodiffusion canadien, le comité reconnaîtra qu'un engagement financier renouvelé à l'égard de la radiodiffusion publique est un premier pas essentiel en vue du renforcement du journalisme, qui honorerait en même temps la garantie de la liberté d'opinion et d'expression enchâssée dans la Charte.
Je vais maintenant passer à mon deuxième thème, qui découle de mes inquiétudes à l'égard de la radiodiffusion locale et régionale. Comme vous le savez, la Nouvelle-Écosse est une petite province, mais elle a une très forte conscience de sa propre culture et de sa propre identité. Malheureusement, cette culture et cette identité se retrouvent de moins en moins reflétées dans notre système de radiodiffusion.
Je vais commencer par traiter de la télévision. La plupart des émissions de télévision régionales produites ici s'inscrivent dans la catégorie nouvelles et affaires courantes, mais seul le réseau de CBC couvre la Nouvelle-Écosse pour les Néo-Écossais. Les deux canaux privés diffusent dans les trois provinces maritimes. Cela veut dire qu'aucune station ne peut faire une couverture approfondie de l'actualité néo-écossaise, de peur d'aliéner ses téléspectateurs du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard. Cela ne serait pas si grave si le réseau CBC faisait le travail exigé de lui en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. La Loi stipule que la programmation assurée par la Société doit refléter le Canada et ses régions pour les auditoires national et régionaux tout en servant les besoins spéciaux de ces régions.
Le réseau de CBC tente aujourd'hui de servir ces besoins spéciaux avec une demi-heure de nouvelles de la Nouvelle-Écosse chaque jour de la semaine, en soirée. Comme vous le savez, les émissions régionales de l'heure du repas du soir sont maintenant moitié moins longues qu'elles l'étaient autrefois, l'autre moitié étant réservée à «Canada Now», qui nous vient de Vancouver.
La réduction de ces émissions de CBC à l'heure du souper a également amené des réductions de personnel.
Je pense qu'il serait juste de dire que sur le plan journalistique, le réseau CBC n'est plus que l'ombre de ce qu'il était autrefois.
Au cours de l'été de l'an 2000, moi-même et environ 25 autres Néo-Écossais préoccupés avons déposé une plainte auprès du CRTC soulignant que non seulement la Société Radio-Canada contrevient à la Loi sur la radiodiffusion, mais elle ignore également les conditions imposées à elle par le CRTC lors du renouvellement de ses licences en janvier 2000. J'ai joint à mon mémoire copie de cette plainte.
La décision de la commission dit par exemple ceci:
35. Un juste reflet de la diversité du Canada ne peut être réalisé que grâce à une présence journalistique permanente dans toutes les parties du pays. Le Conseil encourage la Société à maintenir et à renforcer sa couverture des dossiers régionaux tant dans les bulletins d'actualités que dans les émissions d'affaires publiques... |
Le CRTC a par ailleurs exigé de la Société qu'elle honore son engagement d'offrir une heure et demie de nouvelles locales régionales chaque jour de la semaine--pas une demi-heure, mais bien une heure et demie. Il a également exigé que la Société réintroduise avant la deuxième année de la période visée par la nouvelle licence ses émissions d'actualités locales et régionales de fin de semaine. Au lieu de cela, la Société Radio-Canada a réagi en sabrant dans ses actualités régionales.
À la radio, la situation est quelque peu différente, mais elle est néanmoins loin d'être satisfaisante.
À (1050)
En déréglementant les stations de radio privées, le CRTC a abandonné le gros de ses exigences en matière d'actualités et de service communautaire. L'obligation de la radio privée a été limitée à faire passer de la musique canadienne. Les stations ici ont réagi en éliminant les bulletins de nouvelles et les émissions d'affaires courantes, ce qui a reporté sur Radio-Canada la charge des émissions d'actualités et d'affaires courantes, plus coûteuses, ce aux frais des contribuables. En même temps, les budgets de la radio de Radio-Canada ont été saccagés et la radio de Radio-Canada consacre de ce fait le gros de son temps à diffuser la couverture des événements dans Halifax et Sydney et les environs dans le reste de la province.
D'autre part, le manque de concurrence, ce qui n'est jamais sain dans le monde du journalisme, a plongé la radio de la Société dans la complaisance. Comme l'a récemment souligné un critique, Halifax est une ville de plus en plus intéressante et cosmopolite, mais vous ne le sauriez jamais en écoutant l'émission locale du matin de CBC.
J'espère que le comité prendra bonne note du triste état de la radiodiffusion locale et régionale. La télévision de CBC devrait être tenue d'honorer la Loi sur la radiodiffusion, ses propres engagements en vue du renouvellement de sa licence et les exigences imposées par le CRTC en 2000. Les stations de radio privées devraient être tenues de faire plus que tout simplement faire jouer de la musique canadienne en retour du privilège de la détention d'une licence de radiodiffusion. Et il faudrait que la radio de CBC se voie octroyer les ressources nécessaires pour qu'elle sorte plus souvent de la ville.
Je devine que le comité pourrait entendre des observations semblables dans tous les centres et toutes les provinces de taille plus petite. Bien que l'on puisse arguer que les Torontois et les Vancouverois sont bien servis localement et régionalement, ce n'est définitivement pas le cas ici.
En conclusion, j'aimerais souligner que lorsqu'il est question des médias, la discussion tourne souvent autour des technologies en évolution rapide, des merveilles de l'univers à 500 canaux ou de vision de convergence de médias sur Internet. Les techno-visionnaires proclament que les nouvelles technologies ont éliminé la nécessité d'une réglementation, que l'explosion des médias de demain satisfera tous nos besoins. «Ne vous inquiétez pas; soyez bien», nous disent-ils.
Dans leur récent ouvrage intitulé «The Social Life of Information», John Seely Brown et Paul Duguid nous mettent en garde contre ces pronostiqueurs confiants qui se trompent souvent. Ils disent: «Pour avancer, il nous faut, paradoxalement, ne pas regarder devant, mais regarder autour de nous». J'ajouterais que lorsque nous regardons autour de nous, nous voyons amplement de raisons de nous inquiéter, étant donné la concentration des grands médias d'un côté et l'abandon progressif des auditoires locaux et régionaux de l'autre.
Merci beaucoup.
À (1055)
Le président: Merci beaucoup, professeurs Kimber et Wark. Vous avez bien sûr abordé deux des questions clés auxquelles nous sommes confrontés. En ce qui concerne la radiodiffusion locale et communautaire, un des thèmes qui ont été le plus souvent soulevés dans le cadre de nos audiences, comme vous le savez, lorsque la Société Radio-Canada a commencé à réduire sa programmation régionale et locale, il s'est tenu à Ottawa une audience qui a attiré beaucoup d'attention, et il s'agit certes là de l'une des questions que nous allons examiner très attentivement et de très près.
Il me faudrait vous mentionner à tous les deux, afin que vous compreniez bien le propos du comité, que le contexte est important. L'an dernier, au début du printemps, le comité ici réuni avait décidé de lancer une étude de la Loi sur la radiodiffusion, à laquelle on n'avait pas touché depuis dix ans. Comme vous le savez, il y a eu la Commission Caplan-Sauvageau, qui s'est penchée strictement sur la radiodiffusion. Cela a débouché sur une étude distincte par un comité de la Chambre, ce qui a à son tour mené à l'adoption de la Loi sur la radiodiffusion en 1991.
Plusieurs parties, y compris la ministre du Patrimoine canadien, nous ont demandé de nous pencher sur la pertinence de la Loi sur la radiodiffusion dans le contexte d'aujourd'hui, et c'est sur cette base que nous avons décidé d'entreprendre nos travaux.
À peu près au même moment, ou un petit plus tard, le ministère avait décidé qu'il créerait un genre de commission d'experts chargée d'examiner les médias en général et leur concentration. Suite à une discussion avec notre comité--et, bien sûr, entre notre comité et la ministre du Patrimoine canadien--il a été décidé que deux initiatives parallèles, avec deux commissions ou comités, susciteraient beaucoup de confusion dans l'esprit des gens et que leurs travaux se chevaucheraient à bien des égards; que le simple examen du remaniement de la Loi sur la radiodiffusion étant déjà en soi une très lourde tâche, étant donné que la télévision et les médias de radiodiffusion comptent, et de loin, pour le gros des médias, nous devrions nous concentrer là-dessus, mais sans bien sûr exclure la question de la propriété croisée.
Je ne saurais être davantage d'accord avec vous lorsque vous dites que l'on ne peut pas examiner l'un sans examiner l'autre. En même temps, nous savons que les médias imprimés ne sont aujourd'hui pas réglementés. C'est là une question fondamentale: les médias imprimés devraient-ils être réglementés? Il s'agit là d'une autre question énorme en soi. Ces médias ne sont pas réglementés.
Les 4 et 6 juin donc, nous allons réunir des panels spéciaux pour traiter de la propriété étrangère et de la propriété croisée, et y participeront des journalistes représentatifs des médias imprimés et des médias de radiodiffusion. Je conviens à 100 p. 100 que nous ne pouvons pas séparer les deux choses.
En même temps, nous n'allons pas traiter de façon particulière des médias imprimés dans nos recommandations. Je peux d'ores et déjà vous dire que nous avons eu des discussions avec d'autres parties, suite à notre rapport de décembre, et qu'un examen plus précis de la presse écrite est prévu. Le sénateur LaPierre a déjà évoqué cela au Sénat et j'en ai discuté avec lui. Ce que nous voulons éviter c'est qu'il y ait deux commissions ou comités qui se chevauchent et qui créent de la confusion, car nous trouvons qu'étant donné les ressources du comité parlementaire et le fait que nous nous consacrions à une tentative visant à mettre à jour la loi, c'est vraiment là que ce pose notre problème. Je peux vous assurer que l'autre aspect ne va certainement pas être négligé, car il s'agit d'un dossier énorme en soi.
Monsieur Abbott.
Á (1100)
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): J'ai été quelque peu surpris par l'annonce du président au sujet de ces rencontres. J'ignorais ces dates...
Le président: Quelles rencontres?
M. Jim Abbott: Les rencontres des 4 et 6 juin.
Le président: Eh bien, nous avons tout simplement fixé des dates provisoires. Nous nous sommes déjà entendus sur les réunions elles-mêmes; ce sont juste les dates qu'il nous faut annoncer.
M. Jim Abbott: Oui, nous en discuterons dans un autre cadre.
Messieurs, comme l'a indiqué le président, je pense que la question des services locaux et régionaux est certainement dans notre assiette. Mon sentiment en ce qui concerne le comité, au risque de parler au nom de ses membres--et je suis certain qu'ils pourront parler pour eux-mêmes--est qu'il s'agit pour nous d'une très grosse question. Au lieu de me lancer dans un domaine dans lequel nous avons sans doute beaucoup d'idées en commun, j'aimerais explorer toute cette question de convergence que vous avez abordée.
Par exemple, vous avez cité un extrait de l'ouvrage récent intitulé «The Social Life of Information»: «...il ne faudrait pas prêter trop d'attention à ces pronostiqueurs confiants qui se trompent souvent». Je ne peux pas utiliser cette citation dans le contexte de ce que j'allais dire, sauf pour souligner que c'est exactement là que je me situe, dans le contexte tout particulier de l'affirmation de M. Kimber au sujet de la convergence.
AOL Time Warner vient tout juste d'essuyer des pertes de 54 milliards de dollars. BCE, qui a absorbé The Globe and Mail et CTV, vient tout juste d'encaisser un dur coup. Les pronostiqueurs et les prévisionnistes comme vous qui disent «cette convergence est une chose épouvantable; cela va prendre de l'ampleur; cela va étouffer tout le reste», face aux pertes de 54 milliards de dollars d'AOL Time Warner et à la quasi-désintégration de BCE, proposent, me semble-t-il, un argument intellectuel alors qu'en fait le marché--le vrai monde pour les sociétés qui se sont engagées dans ces activités de regroupement--est, pour vous renvoyer votre situation, en train de mettre également en garde les gens contre la tentation de «prêter trop d'attention à ces pronostiqueurs confiants qui se trompent souvent»--seulement dans le sens inverse de ce que vous avancez.
Comment nous autres politiques pouvons-nous dicter ce que de nouvelles organisations vont faire? Voulez-vous réellement que le gouvernement du Canada et que les élus dictent ce qui se passera dans les salles de presse--est-ce vraiment cela que vous voulez? Le marché ne va-t-il pas finir par s'occuper de lui-même, étant donné, de toute façon, ces pertes absolument phénoménales et la liquidation possible de certaines entreprises?
Á (1105)
M. Stephen Kimber: Je pense que les situations d'AOL Time Warner et de BCE témoignent du fait que les pronostiqueurs, qui étaient principalement les sociétés médiatiques, s'étaient trompés quant à ce qui se passerait avec la convergence, certainement, en tout cas, à court terme. Je ne dis pas qu'ils n'auront peut-être pas raison à long terme. J'estime que ces situations appuient la citation qu' a lue Bruce dans le cadre de son exposé. Je pense également que, dans les salles de presse, on a déjà payé un très lourd prix pour cette croyance dans la convergence--ce sentiment que c'était la seule façon de faire, que vous pouvez fusionner et vous regrouper et réaliser un profit formidable--et que les personnes qui paieront les frais de cet échec se trouveront dans les salles de presse et donc, indirectement, parmi le public.
Je ne veux pas que le gouvernement soit dans les salles de presse, mais je pense que le gouvernement a un rôle à jouer en ce qui concerne la politique. Nous devrions être en train de dire que nous voulons de la concurrence sur le marché et de la concurrence parmi les médias et, qu'en conséquence, il faudra qu'il y ait une réglementation en matière de propriété croisée. Cela ne vous place pas dans les salles de presse. En un sens, cela protège les salles de presse des problèmes.
Clairement, la concurrence change énormément les choses. Si vous regardez The Globe and Mail aujourd'hui et le comparez à celui d'il y a dix ans, c'est un bien meilleur journal--en grande partie à cause du National Post. L'on peut dire la même chose ici à Halifax au sujet du Halifax Herald. C'est un meilleur journal aujourd'hui à cause de l'arrivée sur la scène du Daily News. Mais pour ce qui est de la propriété croisée, le gouvernement a un rôle à jouer en fixant des politiques quant à ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
M. Jim Abbott: En tant que député membre de l'Alliance canadienne, je ne suis pas fou d'Asper ni de ses penchants libéraux et ainsi de suite. Soyons clairs. Mais rappelons-nous également que lors du lancement du National Post et de la consolidation de la chaîne Southam, Conrad Black était à l'époque le vilain du jour. Aujourd'hui, c'est au tour de la famille Asper d'être le vilain du jour.
Avec toute cette question de l'empiétement des médias imprimés dans le domaine des médias de radiodiffusion, ce qui est notre propos--ce qui nous occupe tous ici--il me semble que si un propriétaire décide qu'il va diffuser à l'échelle nationale un éditorial sur 35, ce n'est tout de même pas une invasion. Soyons clairs. Ils veulent un éditorial sur 35 à l'échelle du pays. Cela ne m'ennuie pas tant que cela, car si vous regardez ce qu'a fait Black, il a été le premier à insister pour qu'à la page éditoriale figurent côte à côte deux points de vue tout à fait contradictoires. Et c'est une tradition qui a été maintenue à ce jour dans le National Post.
Ce à quoi je veux en venir, c'est que je pense que la population canadienne est très intelligente. Elle est à juste titre cynique et analytique à l'égard des journalistes, à l'égard de gens comme vous et à l'égard de politiciens comme moi, ce qui se comprend. Je suis très frustré par cela, et il faudrait que vous m'aidiez à comprendre pourquoi le marché et l'intelligence des Canadiens ne vont pas s'occuper de cette question.
M. Bruce Ward: Monsieur Abbott, je préfère ne pas me cantonner à parler du marché. Lorsqu'on parle du marché, on parle de consommateurs et de leurs choix entre les différents médias. Moi, je préfère parler de citoyens et de théorie démocratique. Nous avons eu le comité sénatorial, la Commission Davey ainsi que la Commission royale sur les quotidiens, qui ont tous les deux affirmé en des termes très fermes qu'il nous faut empêcher qu'il y ait trop de propriété croisée des médias--en fait, l'empêcher totalement, exception faite de certaines circonstances--précisément à cause de ce risque pour les citoyens d'un manque de diversité dans les opinions avancées, ce que nous voyons aujourd'hui dans les journaux de la famille Asper et dans ses services de radiodiffusion.
Cette théorie démocratique n'est pas réservée aux génies. Cela va bien au-delà du marché et concerne une diversité de vues. Ma citation de Frank Scott, spécialiste de renom en droit... Le libre débat public et la libre opinion, qui sont essentiels dans une démocratie et que le pays ne s'efforce pas suffisamment de protéger... Ils ne font certainement pas assez aux États-Unis ni dans les autres grands pays industrialisés. C'est un défi auquel nous sommes confrontés.
Heureusement, nous avons la Société Radio-Canada. Voilà une chose que nous devrions faire immédiatement--renforcer la Société Radio-Canada comme solution de rechange et comme concurrent à ces radiodiffuseurs privés, afin d'avoir ce qui est traditionnel dans le système canadien de radiodiffusion, soit un système mixte avec la plus grande diversité possible de nouvelles et d'opinions.
Á (1110)
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Il est très important que le comité se penche sur le problème qui a été soulevé par M. Kimber et M. Wark. Nous avons fait parvenir une lettre au président, lui demandant que le comité, dans son étude de la loi, se penche sur la concentration de la presse et ses effets.
Ce matin, vous venez nous donner des exemples et nous parler d'une situation qui a fait en sorte que la concentration de la presse a amené non pas une diversité des voix mais une pensée unique.
Quand nous sommes allés à Winnipeg, j'ai posé une question à M. Asper au sujet des éditoriaux. À part la question des éditoriaux, je pense qu'il y a aussi la question de l'idéologie à l'intérieur de certaines boîtes, qui fait que les directeurs de l'information auraient tendance à choisir des journalistes qui partagent plus ou moins l'opinion de la direction, ou qui vont dans le sens de l'idéologie dominante au sein de l'entreprise. À mon avis, cette situation est tout à fait néfaste. Les éditoriaux ne sont pas les seuls en cause, comme semble le dire l'entreprise de M. Asper, mais c'est toute la contamination qu'il y a à l'intérieur d'une entreprise. Je pense que ceci a des effets très pervers sur la liberté d'expression.
Je me demande si, en tant que députés, nous avons le pouvoir de défaire des ententes financières entre entreprises. Comment faire en sorte d'apporter quelques solutions pour mieux baliser cette liberté de presse à l'intérieur d'une entreprise qui est propriétaire de plusieurs médias d'information? On ne peut pas dire à M. Asper qu'il ne peut plus gérer son entreprise de cette façon. Mais en même temps, comment faire en sorte que cette entité demeure? Selon vous, serait-il possible d'avoir certaines balises comme, par exemple, un tribunal où les journalistes pourraient aller dans le cas où on les inciterait fortement à quitter l'entreprise, tout en permettant à l'entreprise de continuer d'exister telle quelle? Cela peut-il se faire, à votre avis?
[Traduction]
M. Stephen Kimber: Je pense que nous ne pouvons pas ignorer la nécessité de faire quelque chose parce que toutes ces choses sont déjà arrivées. Si vous remontez dans le temps, il y a eu un comité sénatorial, une commission royale qui s'est penchée sur ces questions... et à cette époque-là, les choses n'allaient pas aussi mal qu'aujourd'hui. Je pense qu'il nous faut décider à un moment donné--et ce moment donné devrait être maintenant--qu'il nous faut des règles en matière de propriété croisée.
Il nous faut faire des choses qui réduiront l'incidence de la concentration. Je pense qu'un tribunal auquel pourraient recourir les journalistes pourrait amener le gouvernement à trop intervenir dans la réglementation des rouages internes des salles de presse, ce dont personne ne veut, me semble-t-il. Je pense qu'il nous faut agir à un autre niveau, celui de la propriété. Cela peut-il être imposé? Je pense que oui. Je crois que l'entreprise peut se faire ordonner de se défaire de certaines activités; il y a moyen de faire ce genre d'arrangement. Les choses sont allées trop loin pour que l'on puisse simplement continuer de demander à des comités parlementaires ou à des commissions royales de se pencher sur la question, pour ensuite ne rien faire. Je crois qu'il nous faut maintenant agir. J'ignore si cela répond à votre question.
Á (1115)
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Oui et non, mais je pense que ce que vous me dites, c'est que nous devrions être vigilants à l'égard des effets; on commence à découvrir qu'ils peuvent être néfastes. C'est sûr qu'au début, les gens étaient enthousiastes et on regardait cela un peu sans savoir où cela mènerait; mais présentement, on peut, selon moi, voir les effets néfastes de la concentration. On a demandé au président qu'il y ait un groupe de travail. Au début, on était un peu réticents; on se disait que c'était faire le procès de la famille Asper.
Quand on a visité Globemedia, j'ai posé une question sur la liberté de presse concernant le Globe and Mail, et ils ont répondu que le Globe and Mail était une bonne famille. Je pense qu'il ne faut pas analyser cela en termes de familles qui sont ouvertes ou pas à la liberté d'expression, mais le voir de façon beaucoup plus large que cela, parce que demain matin, ce ne sera pas la même famille qui sera propriétaire, et la nouvelle famille risque d'être plus restrictive quant à la liberté d'expression.
Je pense qu'il est important que des gens comme vous, qui êtes du milieu et qui subissez les effets, exprimiez votre point de vue.
Le président: Oui, je sais, mais...
Mme Christiane Gagnon: Vous avez fait une grosse introduction, mais...
[Traduction]
Le président: Monsieur Kimber, allez-y.
M. Stephen Kimber: Excusez-moi, mais je n'a pas entendu l'interprétation de cette question. Bruce, pourriez-vous...?
M. Bruce Wark: Oui. Je dirais deux choses. Nous ne devrions pas faire subir un procès à la famille Asper. Elle n'est qu'une manifestation d'un problème qui est toujours là. Il était là, de façon plus limitée, en 1970. Il était également là dans les années 80 lorsque Kent s'y est penché. Il nous faut plutôt examiner cela dans un contexte plus large. Ce qui arrive, c'est la concrétisation du fameux dicton de Lord Acton: «Le pouvoir corrompt; le pouvoir absolu corrompt absolument». Ce qui se passe c'est que lorsque vous donnez trop de pouvoir à un groupe de propriétaires donné, composé d'une douzaine d'hommes riches, vous les invitez à exercer ce pouvoir comme bon leur semble. Il n'y a rien d'étrange là-dedans. Si vous ou moi étions grands pontes des médias, nous serions tentés de faire la même chose. Une chose que vous pourriez néanmoins faire serait de veiller à ce que le secteur public de la radiodiffusion ne soit pas affaibli. Dans les pays où il existe un secteur public fort--et je songe à la Grande-Bretagne--le secteur privé se porte souvent lui aussi mieux, parce que le secteur public fixe les normes.
Je vous exhorte donc--peut-être que l'examen des questions de propriété est un projet davantage à long terme--à court terme, le comité pourrait recommander que la Société Radio-Canada se voie accorder les ressources nécessaires pour mener à bien le rôle qui est le sien en concurrence avec le secteur privé.
Le président: Monsieur Cuzner.
M. Rodger Cuzner: Permettez-moi de convenir tout d'abord que nous avons une solide SRC. M. Kimber en a fait état relativement à la crise au Moyen-Orient. Je pense qu'une chose qui s'est vraiment dégagée du reste c'est la couverture de la crise au Moyen-Orient assurée par la Société Radio-Canada. C'est une chose dont nous devrions être fiers en tant que nation, la façon dont la Société a couvert cette crise.
Permettez-moi cependant de revenir à ce que disait M. Abbott.
Dans les années 90, lorsque la convergence a véritablement démarré, je suppose que tout le monde a regardé de l'autre côté de la clôture, et je ne pense pas qu'ils avaient grande confiance à l'égard des pronostiqueurs. Tout le monde pensait qu'il leur fallait arracher ci et arracher ça. Ils ne savaient pas quel allait être le résultat final entre la technologie et tout le reste, et chacun a grappillé tout ce qu'il pouvait, et j'imagine que cela commence maintenant à se rationaliser et à se stabiliser.
Ce que je tire de votre témoignage est que vous craignez davantage que la convergence soit moins fonction des affaires et du marché et davantage fonction du contrôle éditorial. Voyez-vous aujourd'hui, avec les événements récents, avec AOL et Time Warner et BCE et les pertes essuyées, que ce n'est peut-être pas le cas, que c'était tout simplement le fait de ces sociétés qui tentaient de s'établir sur le marché?
Á (1120)
M. Bruce Wark: Parlant de technologie, les choses étaient toutes nouvelles dans les années 90, ou en tout cas cela semblait être le cas. Mais ce n'est pas vraiment le cas. C'est une illusion.
Je repense--et je l'ai déjà mentionné dans mon discours au comité--au grand spécialiste canadien des communications, Harold Innis, qui est mort en 1952, avant l'introduction de la télévision au Canada, mais qui avait mis prophétiquement tout le monde en garde quant à la concentration du pouvoir des médias du centre vers la frange. Le Canada, selon Innis, était un pays marginal par rapport au mégalithe médiatique que sont les États-Unis, cet énorme moteur des médias que sont les États-Unis.
De notre position marginale, nous pouvons déceler certaines choses ici. Nous pouvons constater les effets de l'homogénéisation des médias, de l'homogénéisation culturelle, du manque de diversité, de toutes ces choses que l'on inscrit sous la rubrique «disneyification» de la culture, et ainsi de suite. Nous discutons ici plus précisément de cette partie de notre culture que nous appelons les actualités ou les affaires courantes ou les affaires publiques, qui intéresse directement notre Charte des droits et notre démocratie, et dans le contexte de laquelle les journalistes agissent non seulement en leur nom propre mais également au nom du public, pour lui livrer nouvelles et points de vue, mais également pour donner une voix aux gens.
Nos médias, qu'il s'agisse de la télévision ou de la radio, ces types de médias centralisés contre lesquels Innis nous a mis en garde, ont tendance à consolider et à centraliser le pouvoir au centre. C'est ce qui se passe dans une très large mesure avec Radio-Canada aujourd'hui.
Il importe donc qu'il y ait un mouvement contraire de la part de la politique publique, législativement parlant, dans un contrôle parlementaire de la SRC, ce de façon à ce que ces tendances centralisantes, qu'il s'agisse de technologies convergées plus modernes ou de la télévision elle-même, ou encore de la radio, ne parachèvent pas leur invasion de façon complètement centralisée.
Ce n'est pas un problème nouveau. Il remonte loin en arrière.
Le président: Monsieur Wark...
M. Bruce Wark: Excusez-moi. Merci.
Le président: Merci.
Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui. Je suis ravie que nous nous trouvions ici dans les Maritimes, car nous apprenons des choses à chaque instant.
Nous étions hier à St. John's, à Terre-Neuve, et nous avons constaté de près et douloureusement l'incidence des réductions imposées à la SRC. Un endroit qui avait dix émissions locales dans les années 70, 80 et au début des années 90 n'a aujourd'hui plus du tout d'émission locale. Rogers Cable offre à l'heure actuelle trois heures de programmation locale appelées «Out of the Fog», s'excusant presque du fait qu'il n'y ait plus de présence réelle du radiodiffuseur public.
Nous nous trouvons aujourd'hui dans un autre endroit très spécial dans les Maritimes--Halifax--où surgissent des questions très critiques, et les personnes qui comparaissent en ce moment devant nous s'y trouvent au beau milieu. Il est question ici de voix diverses. Ne nous préoccupons donc pas de la priorité de passage sur la plate-forme. Parlons simplement du fait que M. Kimber est professeur d'université, comme l'est Bruce Wark, en journalisme, mais qu'eux deux...
Bruce Wark a été reporteur national pour la SRC, producteur de Media File et a vu de près les coupures infligées à la SRC; et Stephen Kimber a quitté le Daily News.
Stephen Kimber n'est pas seul à avoir quitté le Daily News. Il est parti pour des questions de principe, tout comme Stephanie Domet. Peter March, qui était professeur à Saint Mary's et qui était autrefois le philosophe-résident de Halifax, est lui aussi parti parce qu'il n'était pas autorisé à exprimer ses opinions. Parker Barss Donham est parti du fait de problèmes causés par les compressions imposées à la SRC et par la concentration de la propriété.
Nous avons donc ici le foyer du problème, et il ne faudrait pas que nous nous en détournions.
Mais, pour m'en tenir à la radiodiffusion, j'aimerais vous demander--car vous travaillez tous les deux avec de jeunes gens qui choisissent comme profession de travailler dans le domaine des actualités et des affaires courantes, et il ne faut pas oublier la situation qui existe à l'heure actuelle dans la ville dans laquelle ils étudient--quelles plates-formes existent pour qu'ils expriment leurs vues diverses? Ils doivent assurément se sentir plutôt tristes en ce moment, étant donné qu'un de leurs profs a quitté le seul organe de presse journalistique dans la ville. Quel sera leur avenir? Et quel sera votre avenir, vous qui êtes des voix mûres, précieuses et très diverses dans le monde des médias de radiodiffusion?
Á (1125)
M. Bruce Wark: Wendy, je dirais que je suis optimiste et pessimiste--tout dépend de ce qui se passe. Il est difficile d'entrevoir l'avenir. Il pourrait très bien y avoir une réaction à cette concentration. C'est ce que je souhaite, soit que les parlementaires finissent par se réveiller et par voir l'incidence dévastatrice de tout cela.
D'un point de vue journalistique, si vous travaillez pour, mettons, le HalifaxDaily News, vous êtes très au courant des restrictions quant à ce que vous pouvez dire, quant aux histoires que vous pouvez rapporter. Je connais quelqu'un qui a passé un an à l'Ottawa Citizen de Conrad Black, où le programme devait coller avec une certaine idéologie et avec ce que M. Black allait, selon les éditeurs, préférer.
D'un autre côté, lorsque vous travaillez pour la SRC--et c'est pourquoi j'en suis un si fervent défenseur; j'ai travaillé pendant 19 ans pour Radio-CBC et il n'y a pas eu un seul cas de diktat éditorial venant d'en haut ni de tentative de censure. En tant que journaliste, vous étiez à la SRC redevable à votre superviseur immédiat et à vos pairs. Cela laissait toute la marge de manoeuvre voulue pour le journalisme et l'exercice de vos talents. C'est de moins en moins le cas dans les médias privés. Nous insistons là-dessus auprès de nos étudiants.
Récemment, Palagummi Sainath, le journaliste indien, est venu nous parler. Il a dit qu'en tant que journalistes il nous faut toujours travailler dans les espaces publics qui existent à l'intérieur des médias privés, parce qu'il en existe encore. Nous sommes toujours au courant de ces espaces publics dans les médias d'Asper, et il est toujours important de travailler à l'intérieur de ces espaces et de lutter pour maintenir ce qui y demeure.
M. Stephen Kimber: Je pense que nos étudiants sont fondamentalement des idéalistes qui veulent travailler dans les médias, qui veulent faire le genre de journalisme dont ils sont capables et qui feront leur maximum dans le contexte. C'est un dur métier et les gens n'y résistent pas pendant longtemps, mais cela demeure un métier qui vaut la peine d'être exercé et je pense que c'est ce que pensent la plupart de nos étudiants.
Le président: Merci beaucoup, professeurs Kimber et Wark. Je peux vous assurer qu'il n'est pas nécessaire de nous secouer; nous sommes la plupart du temps pas mal éveillés au Parlement.
M. Jim Abbott: J'aimerais connaître la réaction de ces messieurs à la concentration. Bien sûr, comme je l'ai dit, je crois que la réaction du public dictera l'avenir. Vous n'êtes pas forcément d'accord avec moi là-dessus, alors la déclaration que vous avez faite au sujet de la réaction à la concentration s'inscrivait sans doute davantage dans le contexte de ce que serait cette réaction politique. Peut-être que vous avez été clair, mais je n'ai pas tout à fait compris. À votre avis, quelle devrait être la réaction du processus politique face à la concentration?
M. Bruce Wark: M. Lincoln a parlé de la Loi sur la radiodiffusion. Je dirais que la Loi de 1991 sur la radiodiffusion est une bonne loi et qu'il conviendrait de la renforcer. Voilà la première chose. Il vous faut veiller à ce que le CRTC, l'organe de réglementation, en impose le respect. De mon point de vue, en ce qui concerne les parties de la loi qui m'intéressent, je ne pense pas qu'il faille trop les remanier. Imposez la loi. Voilà une réaction que vous pourriez avoir.
L'autre serait de retourner en arrière et de lire le rapport de la Commission royale Kent et d'examiner certaines des recommandations auxquelles Pierre Trudeau a donné suite en partie, de façon mineure. Il a cependant tout abandonné lorsqu'il a été confronté à l'opposition concentrée des éditeurs de journaux de l'époque.
Á (1130)
Le président: Merci beaucoup, professeurs Kimber et Wark. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence ici.
J'aimerais maintenant faire appel à l'Aboriginal Voices Radio Inc. et à l'Aboriginal Peoples Television Network. J'aimerais souhaiter la bienvenue, pour l'Aboriginal Voices Radio Incorporated, à M. Gary Farmer, son président, et à M. Melvin Augustine. Quelle est votre fonction, monsieur Augustine?
M. Melvin Augustine (propriétaire, CFTI-FM, Aboriginal Voices Radio Inc.): Je suis directeur et propriétaire de CFTI, une petite station de radio FM à Big Cove, au Nouveau-Brunswick.
Le président: Madame Norma Augustine, faites-vous partie du même groupe?
M. Melvin Augustine: Oui, elle fait partie de mon groupe de communications.
Le président: M. Mark MacLeod est le directeur des services de développement et de licences d'Aboriginal Voices Radio Inc. Comparait au nom de l'Aboriginal Peoples Television Network, ou APTN, Mme Catherine Martin, cinéaste.
Nous allons commencer avec vous, monsieur Farmer.
M. Gary Farmer (président, Aboriginal Voices Radio Inc.): Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Nous vous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous est ici donnée de comparaître devant vous aujourd'hui pour faire notre contribution à votre étude du système de radiodiffusion canadien.
Comme vous le savez, je m'appelle Gary Farmer et je suis président de l'Aboriginal Voices Radio Incorporated. Je suis aujourd'hui accompagné du directeur des licences et du développement d'Aboriginal Voices Radio, Mark MacLeod. J'ai également le plaisir de vous présenter Melvin Augustine et Norma Augustine de Big Cove, au Nouveau-Brunswick.
AVR s'occupe du développement de la radiodiffusion autochtone à l'échelle du Canada. Je pense qu'il est tout à fait opportun que nous vous rencontrions ici aujourd'hui dans la région de l'Atlantique, où la radio autochtone canadienne est la plus gravement sous-développée.
Avant que je ne vous entretienne de l'état du système de radiodiffusion canadien du point de vue d'AVR, j'inviterai Melvin et Norma à vous souhaiter la bienvenue en cette terre des Mi'kmaq et à partager avec vous leurs connaissances de la radiodiffusion autochtone.
M. Melvin Augustine: Bonjour à vous tous. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, c'est un honneur et un plaisir pour moi de comparaître devant vous aujourd'hui afin de vous donner une perspective autochtone.
Permettez que je me présente. Je m'appelle Melvin Augustine. Je suis membre de la collectivité de la Première nation Mi'kmaq à Big Cove, au Nouveau-Brunswick. J'exploite à l'heure actuelle une station de radio FM de faible puissance sur la réserve de Big Cove, station qui dessert les membres de la communauté des Premières nations ainsi qu'une collectivité des Premières nations voisine, située près de Big Cove. Je pense que c'est la première station de radio autochtone du genre à avoir vu le jour dans notre province, et le gros de ses émissions sont diffusées dans la langue tribale mi'kmaq.
La station a été autorisée par le CRTC le 20 septembre 1994 et elle s'efforce depuis à offrir une programmation culturelle et informative importante à nos 2 300 et quelque résidents. La station est contrôlée par une société de communications sans but lucratif composée de trois membres--des membres clés de la communauté qui s'intéressent aux questions locales, provinciales et nationales.
À l'heure actuelle, des restrictions côtés financier et matériel limitent notre programmation. La collectivité de Big Cove aimerait beaucoup voir la station--c'est-à-dire l'immeuble et le matériel--mise à jour pour cadrer avec les normes actuelles de l'industrie, ce afin de veiller à ce que cette importante voix du peuple ne se taise pas.
Big Cove est une communauté autochtone dont je suis fier, à juste titre, mais il s'agit également d'une communauté qui est assaillie de nombreux maux sociaux. Je pense que notre station de radio pourra contribuer de façon positive au redressement des conditions sociales en favorisant la préparation aux situations d'urgence; en offrant des émissions d'information sur la prévention du suicide; en servant de tribune ouverte pour l'examen de questions communautaires; et en servant d'instrument voué à la préservation d'une culture qui fera la promotion de notre vision.
La responsabilité de CFTI est d'offrir un service de radio communautaire non commercial aux personnes vivant dans la zone couverte par notre signal. CFTI diffuse des émissions destinées à servir les besoins de ceux qui ne sont pas pleinement servis par les autres médias de radiodiffusion. Ce sera une voix offrant à une vaste gamme de personnes la possibilité de partager leurs vécus, leurs soucis et leurs perspectives avec nos voisins, et ce sur nos propres zones. Nos principes seront d'offrir un service de radiodiffusion qui soit amical, éclairé et positif, tout en maintenant les normes les plus élevées en matière d'excellence technique et de programmation, dans le contexte d'une station axée sur la communauté.
CFTI diffusera principalement des émissions produites localement mais comportant un contenu et mondial et local. CFTI cherchera à obtenir le gros du soutien financier nécessaire dans la région desservie par la station. La réussite de sa programmation sera le service rendu à son auditoire dans la communauté; ce service sera mesuré par les réactions de l'auditoire.
En tant que voix de nombreuses voix, CFTI célèbre la diversité de la collectivité et de ses ondes. La station cherchera à accroître sa diversité en tentant de joindre de nouveaux auditeurs tout en maintenant le service aux auditeurs existant. CFTI est engagé envers le bénévolat en tant qu'élément essentiel de son fonctionnement et de sa programmation.
Á (1135)
Tout cela sonne bien et paraît très bien sur papier, mais en l'absence du matériel et de la formation requis, je trouve que nos efforts sont en vain. Au contraire, il conviendrait d'esquisser des considérations stratégiques susceptibles d'avoir une forte incidence sur la détermination de l'avenir de la radio des Premières nations ici dans les provinces de l'Atlantique.
Á (1140)
Le président: Monsieur Farmer, étant donné l'heure, vous serait-il possible de faire ressortir les points saillants de votre mémoire et de vous concentrer sur vos recommandations, au lieu de nous lire intégralement votre texte. Cela donnera aux membres du comité l'occasion de poser des questions.
M. Gary Farmer: Bien sûr.
J'aimerais commencer nos commentaires d'aujourd'hui en vous présentant l'Aboriginal Voices Radio. Je tiens à remercier Melvin et Norma d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui.
Selon le ministère des Affaires indiennes et du Nord, 1,4 million de Canadiens, soit 4,5 p. 100 de la population, ont des ancêtres autochtones. Cette population, qui connaît une très forte croissance, ne bénéficie à l'heure actuelle que d'un service radio très éclaté. Dans presque tous les grands centres urbains du pays, où vivent le gros des Autochtones, il n'y a absolument aucune voix émanant d'une radio autochtone.
Aboriginal Voices Radio est une société sans but lucratif fondée en 1998 et née de la base dans le but de faciliter le développement d'un service radio national. À ce jour, le CRTC a accordé à AVR une licence pour exploiter un réseau de radio national autochtone, ainsi qu'une licence pour une tête de réseau à Toronto, d'où émanera la programmation, et des licences de réémission en direct à partir d'Ottawa, de Calgary et de Vancouver.
La phase suivante dans le développement d'AVR comprend la demande de licences en vue de l'exploitation de nouvelles stations dans d'autres importants centres urbains, notamment Victoria, Edmonton, Reginal, Saskatoon, Montréal et Halifax, sous réserve de l'approbation du CRTC. AVR entend élargir son service national pour englober 27 grands centres urbains du pays.
J'occupe présentement le poste de président d'AVR et je compte parmi ses fondateurs. Depuis les années 80, je participe à l'établissement de nombreuses stations de radio communautaires dans les réserves, y compris dans ma propre collectivité, avec CKRZ-FM pour les Six Nations, près de Hamilton, en Ontario. J'ai également dirigé l'équipe responsable de l'élaboration d'une demande qui a abouti, celle de l'Aboriginal Peoples Television Network, au conseil d'administration duquel j'ai siégé.
AVRN va se lancer cet été à Toronto, pour enchaîner, à l'automne, par Ottawa, Calgary et Vancouver. Ces quatre stations rejoindront à elles seules 11 millions de Canadiens et un quart de million d'Autochtones en milieu urbain. AVRN représente l'aboutissement d'années de dur travail et de planification de la part de notre équipe très dévouée, avec la participation et le soutien de centaines de membres de collectivités autochtones, métisses et inuites partout au Canada. Le développement d'AVR est un pas énorme vers l'instauration d'un service de radio autochtone national.
Le gouvernement fédéral reconnaît depuis longtemps que le système de radiodiffusion canadien a un rôle essentiel à jouer pour appuyer la société civile canadienne en reflétant son caractère multilingue et multiracial. Cela a toujours été une valeur essentielle chez la SRC-CBC et la raison pour laquelle la société continue d'être reconnue comme étant un important investissement de la part du gouvernement fédéral.
C'est pour la même raison qu'un bien plus modeste investissement dans la radiodiffusion autochtone pourrait jouer un rôle vital en offrant dans le cadre du système de radiodiffusion canadien un reflet d'eux-mêmes qu'attendent depuis longtemps les Canadiens autochtones et qui fait à l'heure actuelle défaut.
Le parachèvement du système de radiodiffusion autochtone n'exigera aucune modification à la Loi sur la radiodiffusion ni aux politiques du CRTC en découlant. Cela exigerat néanmoins un modeste investissement pour compléter l'infrastructure de la radio autochtone, ce afin de pouvoir livrer la radiodiffusion autochtone là où elle n'est pas encore disponible, ainsi qu'un investissement dans l'élaboration d'un service de programmation de radio national autosuffisant qui puisse refléter les Autochtones canadiens et répondre à leurs besoins et désirs.
J'ai pour vous une liste des recommandations d'AVR. En vue de parfaire le système de radiodiffusion autochtone canadien, AVR soumet les sept recommandations que voici: premièrement, que la radiodiffusion autochtone canadienne soit reconnue comme étant une pierre angulaire de la programmation canadienne à l'intérieur du système de radiodiffusion canadien; deuxièmement, que soit affirmée dans les politiques et lois fédérales en matière de radiodiffusion la priorité à accorder à l'élaboration et au maintien d'un système de radiodiffusion contrôlé par les Autochtones à l'échelle du pays; troisièmement, que soit reconnue la valeur essentielle des composantes et locales et nationales du système de radiodiffusion autochtone canadien; quatrièmement, que le système de radiodiffusion autochtone canadien bénéficie d'un financement gouvernemental suffisant pour être en mesure de mener à bien son mandat national culturel vital; cinquièmement, que le gouvernement fédéral crée un nouveau fonds pour la radiodiffusion autochtone qui ferait un investissement annuel dans le système de radiodiffusion autochtone canadien; sixièmement, que chaque année ce nouveau fonds pour la radiodiffusion autochtone se voie accorder l'équivalent de 4 p. 100 du financement fédéral consenti à la Société Radio-Canada--si nous avons retenu ce pourcentage, c'est qu'il correspond à la population canadienne qui est autochtone et qui veut être reconnue en tant que tel; septièmement, que le nouveau fonds pour la radiodiffusion autochtone consente à AVR le financement nécessaire pour parachever d'ici deux ans l'établissement de l'infrastructure urbaine de la radio autochtone et pour faire d'AVR un service de programmation nationale de qualité élevée.
L'époque que nous vivons est une époque de grands défis pour la composante canadienne du système de radiodiffusion canadien. Les technologies convergentes et la multiplication des choix non canadiens viennent diluer le contenu canadien. AVR et les autres radiodiffuseurs autochtones du Canada comptent maintenir leur engagement à l'égard d'émissions canadiennes pertinentes au niveau local. Le système de radiodiffusion autochtone canadien devrait pouvoir offrir à tous les Canadiens dans toutes les régions du pays, autant dans les régions rurales que dans les villes, et qu'ils soient anglophones ou francophones, le reflet du Canada autochtone.
Mesdames et messieurs les membres du comité, merci de votre attention et de votre intérêt. J'espère, au nom d'AVR et des autres radiodiffuseurs autochtones du pays que mes propos ont été clairs et que vous m'avez bien compris. Je me ferai un plaisir de réagir à vos commentaires ou questions.
Á (1145)
Le président: Je pense que nous avons très bien compris. Vos recommandations sont clairement esquissées et leur objet est certainement très clair. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Madame Martin.
Mme Catherine Martin (cinéaste, Aboriginal Peoples Television Network): [Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]
J'aimerais vous souhaiter la bienvenue ici dans notre territoire, Mi'kmaqi.
Je suis membre de la bande Millbrook, qui se trouve à environ 60 milles d'ici, et je suis membre de la nation mi'kmaq. Merci de l'occasion qui m'est ici donnée de vous exposer certaines de mes opinions personnelles en tant que membre de l'Aboriginal Peoples Television Network et en tant que première et vraisemblablement seule cinéaste autochtone qui tourne en 16 mm et en 35 mm ici dans la région de l'Atlantique.
En ma qualité d'éducatrice et ayant travaillé à de nombreux niveaux en vue d'amener des changements au sein des institutions privées, gouvernementales, fédérales et provinciales, mon intervention ici servira principalement à appuyer les recommandations qui vous ont été soumises le 1er mars par l'Aboriginal Peoples Television Network--et j'entends non seulement les appuyer, mais peut-être également essayer de vous donner une perspective davantage régionale de la situation qui existe ici en Nouvelle-Écosse.
Mes notes, que je vous ai fournies, ne sont que des notes. La présentation formelle vous sera soumise ultérieurement. Lorsque j'ai regardé les critères et les genres de choses que cherche à cerner le comité, je me suis dit qu'il y avait vraiment quelque chose qu'il vous fallait entendre afin que vous puissiez comprendre ma perspective et celle que partagent sans doute de nombreux membres des Premières nations.
Vous souhaitiez que nous nous prononcions sur l'évolution de la Loi sur la radiodiffusion depuis 1928. Je souligne dans mes notes que l'évolution de la Loi sur la radiodiffusion depuis 1928 n'aurait jamais pu englober une perspective des Premières nations--ni mi'kmaq ni maliseet. Elle n'aurait jamais pu évoluer au fil du temps en nous considérant comme des partenaires égaux étant donné qu'en 1929, une année après la mise en application de la Loi sur la radiodiffusion avec la création d'une radio canadienne, nos communautés n'étaient certainement pas préoccupées par la façon dont nous pourrions participer à votre loi, vu qu'elles se débattaient pour empêcher que nos enfants nous soient enlevés pour être placés dans des écoles résidentielles ici en Nouvelle-Écosse.
L'année 1929 a marqué le début de notre lutte pour maintenir notre identité, conserver notre langue et transmettre nos histoires et nos traditions et toutes ces choses que nous continuons d'essayer d'inculquer... et pour veiller à ce que notre langue et nos histoires, les histoires originales de cette terre, résistent au temps.
Traiter de la façon dont nous avons peut-être évolué à l'intérieur du tissu culturel canadien c'est un peu comme comparer des torchons et des serviettes; ce sont deux trajets différents. Comment aurions-nous pu ne serait-ce que participer avant 1960, étant donné que les Premières nations mi'kmaq ne se sont vues accorder le droit de vote au Canada qu'en 1960? L'évolution de cette loi a exclu les peuples des Premières nations. Nous avions un énorme rattrapage à faire lorsqu'en 1960 nous avons commencé à être entendus et écoutés en tant que citoyens canadiens. Il y a tout un fossé.
Bien qu'il y ait eu un certain progrès quant à l'inclusion de certaines émissions, de certains producteurs, de certains réalisateurs et de certains techniciens, dans la région de l'Atlantique, je peux compter sur les doigts d'une main les membres des Premières nations qui ont dans toute la région de l'Atlantique contribué de quelque façon au développement, à la production et aux aspects techniques et de création d'émissions à la télévision ou à la radio de la SRC.
Je ne pense pas que cela suffise aujourd'hui que nos histoires soient accaparées par le meilleur système de radiodiffusion qui soit à notre disposition. Là n'est pas ce que nous demandons. Nous demandons de raconter nos histoires nous-mêmes, avec l'appui du meilleur système de radiodiffusion. Pour ce faire, il faut qu'il y ait un changement culturel au sein de la SRC-CBC.
Bien qu'il soit évident qu'il y a un changement, ce changement ne pourra s'opérer que si l'on examine des exemples comme celui de DRHC ici dans la région de l'Atlantique, où DRHC et un certain nombre d'autres organismes fédéraux ont forgé un partenariat pour intégrer des Autochtones à la gestion en leur offrant des postes de cadres et de cadres supérieurs, travaillant sous des sous-ministres ou directement sous des ministres, ce afin non seulement d'apprendre auprès des meilleurs, mais également d'avoir l'oreille de ceux dont la situation est telle qu'ils pourront amener le changement culturel organisationnel nécessaire.
Tant et aussi longtemps que la SRC et que la Loi sur la radiodiffusion n'incluent pas ni n'insistent sur l'inclusion d'Autochtones dans le cadre des institutions, en vertu de politiques et de règlements, toutes les autres tentatives destinées à apporter des changements et à instaurer l'inclusion... En fait, si vous en faisiez l'étude, vous verriez que la seule façon de nous intégrer est de nous considérer comme partenaires sur un pied d'égalité.
L'Aboriginal Peoples Television Network a été une réaction et une réponse formidable face aux besoins des producteurs, des réalisateurs et de tous les autres Autochtones qui se sont débattus pour gagner leur vie dans cette industrie. Mais ce n'est pas parce que l'Aboriginal Peoples Television a vu le jour que tout va bien et que le problème est réglé.
Á (1150)
Lorsque vous regardez l'histoire et le nombre d'années depuis que la SRC et que la Loi sont en place et que vous faites le décompte des personnes qui travaillent à temps plein chez la SRC ou qui ont été intégrées en vertu de la politique, c'est tout à fait honteux. Dans cette région, nous ne figurons même pas dans vos statistiques. Mais je peux vous dire qu'il se passe à l'heure actuelle une chose intéressante avec l'Aboriginal Peoples Television Network. La SRC est en train d'essayer de s'attirer nos gens. Nous sommes très fiers de cela au Aboriginal Peoples Television Network. Nous en sommes fiers et nous sommes heureux de voir les gens progresser dans leur carrière. C'est là le but visé.
Mais il ne devrait pas être nécessaire pour nous de faire nos preuves avant d'être accueillis. On devrait nous donner... J'ai été la première cinéaste ici, et c'est Germaine Wong, d'origine asiatique, qui, convaincue de l'importance qu'il y ait à l'Office national du film des émissions produites par des membres des Premières nations, a pris un risque avec moi en 1988, pensant que je serais peut-être capable de réaliser un film. Je dis bien un risque, car les gens doivent prendre un risque et nous appuyer d'un bout à l'autre et nous accompagner à travers tous les défis auxquels on est forcément confrontés lorsqu'on arrive dans une institution qui ne reflète pas les visages et les langues et le monde qui sont les siens.
La seule recommandation que je vous ferais aujourd'hui concerne le changement dans la culture organisationnelle et la façon dont la politique et la Loi sur la radiodiffusion pourront amener cela. Vous avez entendu les porte-parole de l'Aboriginal Peoples Television Network. J'appuie pleinement mes collègues ici aujourd'hui en vous disant qu'il nous faut gravir les échelons à l'intérieur de notre radio et de notre système de communications. Nous pouvons être des dirigeants. Nous pouvons appuyer. Nous autres Autochtones pouvons faire tant de choses pour tout le monde. Nous avons aidé les radiodiffuseurs et les agents de communications dans le Nord. Non seulement la SRC mais également des indépendants ont ouvert le Nord, ont forgé des partenariats et ont donné aux Premières nations autochtones du Sud non seulement un regard sur ce qu'il est possible de réaliser mais également l'espoir que l'on peut surmonter les obstacles contre toutes les attentes lorsqu'on en a la volonté.
Pour ce qui est d'infléchir la politique, je recommande que soient adoptées à tous les paliers des politiques qui veillent à ce que les Autochtones et les membres des Premières nations soient représentés à tous les niveaux--aux conseils d'administration, au Sénat... Il nous faut un solide groupe de lobbying qui intervienne auprès de Téléfilm et de tous les autres organismes de financement découlant de cette loi. Il nous faut des lobbyistes pour protéger et favoriser l'augmentation et le développement de la participation de nos gens, des Premières nations. En bout de ligne, les histoires de ce pays ne sont pas en train d'être racontées parce que ce sont les histoires des peuples originaux qui font défaut dans ce tissu culturel que nous essayons de redéfinir.
Merci.
Á (1155)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Lorsque nous étions à Winnipeg, nous tous avons été très impressionnés par l'énergie, le dévouement et l'impact d'APTN. L'idée de l'Aboriginal Voices Radio, si elle présente le même potentiel sur le plan impact sur les collectivités des Premières nations, doit je pense, être appuyée.
J'interviens ici en tant que défenseur de ce que nous avons entendu ce matin, mais j'aimerais que tout soit bien clair dans ma tête. Comme je l'ai mentionné à M. Farmer, je suis certain de l'avoir vu dans le cadre d'autres productions télévisuelles, mais ce qui ressort dans ma tête c'est sa récente participation à West Wing, l'une des émissions les plus populaires en Amérique du Nord avec un auditoire énorme de plusieurs millions de personnes. Lorsque vous parlez du fait que l'on ne raconte pas les histoires autochtones, il me semble que le problème est que ce sont les téléspectateurs qui choisissent ce qu'ils veulent regarder.
En ce qui concerne le changement dans la culture organisationnelle, et le fait que les histoires ne soient pas racontées, êtes-vous en train de demander ou de suggérer qu'une plus grande exposition des histoires autochtones soit proposée par la SRC-CBC? Comment proposeriez-vous que l'on surmonte ce problème des gens qui choisissent ce qu'ils veulent regarder?
 (1200)
Le président: Monsieur Farmer.
M. Gary Farmer: Merci, monsieur le président.
Nous parlions tout particulièrement d'essayer de... nous n'avons pas eu de ressources. Cela fait des années que j'essaie de travailler au sein de la SRC--dans le cadre du projet sur l'histoire du Canada, par exemple, dont ils vous ont parlé dans leur présentation au comité. Ils voulaient que je participe. Mais tout cela est une question de point de vue sur l'histoire.
J'avais un discours, en tant qu'acteur, un ajout sur bande, au sujet de droits inhérents, et ce personnage avait une petite introduction comique dans laquelle--c'était, j'imagine, aux environs de l'année 1820--il disait quelque chose du genre «Où sont mes présents? Vous ne m'avez pas apporté mes cadeaux. Où sont les présents, en premier, avant que nous ne parlions?» Plus tard, il parle de son droit inhérent à la terre.
Alors lorsqu'il a fallu enlever 20 secondes à son discours, ils ont enlevé la partie où il était question du droit inhérent. J'ai dit au directeur de plateau «C'est là la raison du discours. C'est là l'essentiel du discours qui doit être communiqué, et vous êtes sérieux ici. Pourquoi ne coupez-vous pas la petite partie drôle au début, où il est question des présents?» Ils ont dit: «Non, on ne le peut pas. Nous n'allons pas faire cela. Nous voulons couper cette partie--sur le droit inhérent».
Je me suis retourné et je leur ai demandé qui était leur conseiller culturel pour le projet, et ils m'ont répondu que c'était Olive Dickason. Je connaissais Olive Dickason de la fondation autochtone nationale, de la boîte de John Kim Bell. J'ai demandé où elle était et ils m'ont répondu qu'elle n'était pas là. J'ai demandé qu'on l'appelle au téléphone, et ils ont refusé.
C'est alors que je leur ai dit que je ne pourrais plus participer. Que je ne pouvais plus participer en tant qu'acteur prononçant ce discours, car c'était là l'important. C'était là le message qui devait être communiqué.
C'est ce qui se passe depuis 25 ans. Je suis sans cesse confronté à ce genre de choses. C'est une question de point de vue politique, et c'est également dû au fait que 50 p. 100 de ces terres sont toujours visées par des revendications territoriales. C'est là la question. C'est très politique pour la SRC par rapport aux Autochtones. Ce qu'il nous faut, c'est notre propre système de radiodiffusion, et c'est ce à quoi je travaille depuis 20 ans.
M. Jim Abbott: Mais quel est votre auditoire? Je suppose que c'est là ma vraie question.
M. Gary Farmer: Dans le cadre de nos sondages de marketing, 82 p. 100 des Canadiens ont dit qu'ils écouteraient nos émissions de radio autochtone nationales--82 p. 100 étaient désireux d'appuyer nos efforts. Partout, tous les Canadiens... Le Québec, c'est autochtone au départ. Je veux dire, le Canada est autochtone. Chaque ville dans ce pays a un nom qui lui a été donné par les Autochtones.
Vous êtes arrivés dans ce pays et vous ne comprenez pas d'où vous venez ni de qui vous descendez. C'est là l'essence même de nos réseaux: socialiser avec et éduquer les gens de ce pays afin qu'ils comprennent la relation entre les Autochtones et le ministère des Affaires indiennes, ce dont ne savent rien les Canadiens. Ils ne comprennent pas cette relation, que nous subissons depuis plus de 100 ans. Pour que les Canadiens comprennent la relation entre le Canada et ses peuples autochtones, il leur faut comprendre cette question.
Voilà, monsieur, quel est mon auditoire.
M. Jim Abbott: Très bien. Je ne cherche pas du tout à avoir une discussion là-dessus; je m'efforce très honnêtement de comprendre . Le gros de la radio c'est un bruit de fond lorsque quelqu'un fait changer son huile à la station-service ou avale une tasse de café dans un petit resto quelque part. C'est cela la radio.
Je suppose que ce que je me demande c'est si les gens seraient vraiment intéressés, en buvant un café ou en faisant ce qu'ils font, en conduisant leur voiture pour aller au travail ou autre... Je ne prétendrais pas un seul instant que votre histoire n'a pas de valeur, mais je me demande s'ils seraient vraiment intéressés par le détail. Les gens ne sont-ils pas davantage intéressés par le simple fait d'avoir une distraction, un bruit de fond? Votre message va-t-il vraiment passer?
 (1205)
M. Gary Farmer: Eh bien, pourquoi ne pas lui donner une chance? Où est le problème? Qu'on lui donne une chance. Cela aurait dû être fait il y a 50 ans. Nous sommes ici en retard de 50 ans. Nous avons un énorme rattrapage à faire.
M. Jim Abbott: Ce que je suis en train de dire, je suppose, c'est que ma propre visualisation de l'Aboriginal Voices Radio... Je tiens à ce que vous compreniez que je vous appuie, mais ma vision est que même si vous parvenez à communiquer avec les Autochtones qui sont intéressés à entendre leur propre langue à la radio...
M. Gary Farmer: Pas forcément. C'est comme le fonds pour le téléphone. Vous commencez par passer 150 ans à nous enlever notre langue, et maintenant que nous parlons tous l'anglais et le français, vous ne nous laissez plus travaillez dans ces langues. Il nous faut travailler dans nos langues ancestrales pour pouvoir accéder à des fonds pour tourner un film. Vous nous tirez dans les pattes. C'est à cela que ça revient.
M. Jim Abbott: Très bien. Je m'excuse, je...
M. Gary Farmer: Et 98 p. 100 de la musique que l'on va diffuser sur le réseau autochtone n'a jamais été entendue sur les ondes ailleurs au Canada. Nous allons exposer tout un nouveau genre de musique. Je pense que cela renferme un énorme potentiel.
M. Jim Abbott: Votre sentiment, donc, est que le disc jockey, peu importe la langue qu'il parle, va tenir son auditoire anglophone avec la musique?
M. Gary Farmer: Il nous faut développer une communauté locale pour nourrir la langue. Nous ne pouvons pas parler 53 langues différentes sur les ondes. Bien sûr que nous le pouvons, mais ce sera accessoire. C'est pourquoi leur travail est si important. C'est la radio FM à faible puissance dans les collectivités qui va maintenir l'intégrité de ces langues. Nous allons communiquer à tous ces gens-là en anglais, en français, en espagnol et à l'occasion dans des langues autochtones que nous pourrons glaner de-ci de-là, au jour le jour--vous savez, le proverbe du jour dans 54 langues. Il y a beaucoup de travail à faire, et ce processus doit être accéléré afin que nous puissions nous mettre à la tâche.
Le président: Je vais laisser Mme Martin faire un commentaire, après quoi nous passerons à Mme Gagnon.
Mme Catherine Martin: Quel est notre auditoire pour la radio ou la télévision? M. Farmer a souligné tout d'abord qu'il nous faut développer notre communauté. Notre communauté doit avoir accès à son câblodistributeur communautaire pour que les gens puissent ensuite communiquer entre eux, avec d'autres communautés, par le câble et par la radio. Nous ne devrions pas simplement avoir une câblodistribution communautaire fermée, car nous voulons pouvoir communiquer.
Robert Nault, du ministère des Affaires indiennes, est en train de dépenser des milliards de dollars pour essayer de savoir comment il pourrait obtenir que nous tous communiquions. Le ministère des Affaires indiennes pourra ensuite puiser là-dedans pour avoir un véritable processus consultatif, la possibilité de consulter chaque Première nation au sujet de chaque dossier. Comment faire? Eh bien, vous commencez au niveau communautaire. Vous fournissez à la collectivité un lieu qui est sûr, qui est concret et où l'enseignement est assuré par les membres de la communauté. Les gens commencent à prendre goût à cette industrie et à gagner en confiance, puis ils passent à autre chose et commencent à travailler dans l'industrie, pour peut-être aboutir plus tard dans la cour des grands.
Notre auditoire? Je consacre à l'heure actuelle beaucoup de temps au conseil d'administration d'APTN. Je siège à l'exécutif. Je suis très bien connue dans mes communautés, dans la communauté de la région de l'Atlantique. Nombre d'anciens viennent me voir pour me dire exactement ce qu'ils veulent voir, pensant que je peux faire cela pour eux, que je peux aller raconter dans l'émission du lendemain l'histoire de Joe en 1920. Mais ils me disent également qu'ils adoreraient écouter. Peu leur importe qu'ils ne puissent... Certains d'entre eux ont accès au sous-titrage codé, mais pas tous.
Il vous faut examiner la situation économique de la collectivité si vous voulez savoir quel est votre auditoire, qui peut capter certains postes, et ainsi de suite. Les gens adorent ne serait-ce que regarder les photos des trappeurs dans le Nord qui se promènent et qui font ce qu'ils ont à faire. Ils adorent cela. Les anciens me disent qu'ils adorent cela. Ils aimeraient bien comprendre ce qu'on raconte, mais pour l'instant, ils sont contents avec ce qu'ils ont.
La question la plus importante, à mon sens, est celle de savoir quel sera votre auditoire. Un bébé sur quatre qui naît au Canada est Autochtone. J'ai comme l'impression étrange que ce seront ces gens-là notre auditoire. Un Canadien sur quatre appartient à notre auditoire. Les bébés commencent à regarder la télévision dès qu'ils ont une semaine.
Ce sont donc eux notre auditoire, et qui sont-ils? Ce sont les gens qui auront un bagage informatique et technologique dès l'âge de cinq ans, parce que c'est vers cela que tend la société.
Je dirais que les Autochtones comptent et compteront pour une très grosse part de l'auditoire de CBC. Pour pouvoir parler à cet auditoire, il vous faudra apporter des changements dans la culture organisationnelle.
 (1210)
Le président: Madame Gagnon...
Il nous va falloir accélérer les choses. Si chacun parle pendant cinq à dix minutes, nous allons manquer de temps.
Allez-y, donc.
Mme Norma Augustine (éducatrice, Aboriginal Voices Radio Inc.): Je m'appelle Norma Augustine. J'enseigne à Big Cove depuis plus de 30 ans. Je ne vais parler que de la radio communautaire à Big Cove même.
Le suicide est un véritable fléau à Big Cove. Cet après-midi, nous avons enterré un de nos jeunes de 16 ans. Nous avons connu notre premier suicide en 1993. Cette même année, près de 20 personnes se sont tuées.
Nous pensions avoir besoin de la radio, car la radio est le moyen le moins cher d'entrer dans la maison des gens. Mais il nous faut de l'argent pour notre radio, étant donné que nous sommes limités dans ce que nous pouvons faire. Nous faisons des efforts. Il nous faut de l'argent pour notre programmation radio, afin d'être en mesure de voir et de faire ce dont nos gens ont besoin et de le leur livrer. Ils ont besoin de se sentir bien dans leur peau, d'avoir des modèles et d'être instruits. Si notre système scolaire n'a pas réussi à éduquer nos enfants, moi, je dis que notre radio communautaire peut le faire--avec le contenu culturel et les choses dont nous pouvons être fiers. Des choses comme cela peuvent être produites par notre radio.
Le seul auditoire qui compte ce sont nos gens à Big Cove. C'est à eux que doivent s'adresser nos émissions. Si d'autres peuvent eux aussi en bénéficier, alors c'est tant mieux.
Voilà tout ce que j'avais à dire, car je trouve que lorsqu'on commence à traiter avec la nation elle-même, cela ne mène jamais nulle part.
Le président: Très bien dit, madame Augustine.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Merci, monsieur le président, de me donner la parole.
Monsieur Farmer, ce que vous dites sur la liberté d'expression me touche. Plus tôt, on a entendu d'autres témoins en parler en rapport avec la convergence et la concentration de la propriété. On dit que Radio-Canada et CBC pourraient être un modèle de lieux où il pourrait exister une plus grande liberté d'expression, mais vous nous dites que vos histoires sont censurées quand vous avez à faire de la production à l'intérieur de CBC. Mme Martin, pour sa part, a dit qu'on leur prenait leurs histoires et qu'on les façonnait. J'aimerais avoir d'autres détails sur cette façon de s'approprier des histoires.
Je pense qu'on aurait intérêt à ce que vos expériences soient racontées comme vous les avez vécues; d'après moi, c'est comme cela que les sociétés évoluent. Donc, il faut que vous placiez votre débat dans le contexte de la liberté d'expression, que vous décriviez ce que vous avez vécu et que vous nous disiez comment vous vous percevez comme nation. Toutes ces questions qui vous concernent me touchent beaucoup.
[Traduction]
M. Gary Farmer: Thank you. J'apprécie vos commentaires.
Oui, c'est ce qui se passe depuis des années.
J'ai toujours oeuvré dans le domaine des médias, soit comme communicateur dans l'édition soit dans la radiodiffusion. Bien sûr, c'est mon travail d'acteur qui me fait vivre. Les choses sont devenues claires pour moi lors du conflit d'Oka en 1990. J'allais autrefois à l'insu de CBC à l'immeuble de CBC Radio, sur Jarvis, à Toronto, pour faire le montage de mes émissions, lorsque j'étais freelance. Je faisais cela parfois pour Sunday Morning, même si aucune des oeuvres que j'ai produites pour cela n'ait jamais été diffusée.
J'utilisais les installations pour faire mes montages pour ensuite proposer mes émissions à des stations de radio communautaires partout dans le Nord et à certaines des nouvelles stations qui démarraient en Ontario. Même si c'était produit par CBC, cela n'est jamais passé sur les ondes. Je donnais toujours mon travail aux communautés locales en vue de sa radiodiffusion.
Les choses me sont devenues claires au fur et à mesure que j'écoutais Peter Gzowski, jour après jour pendant ce conflit, qui faisait venir des journalistes anglophones et francophones pour discuter de notre avenir et du conflit, sans jamais inclure des nôtres. J'étais là sur place dans le même immeuble, mais je n'ai jamais été consultée. C'est là que j'ai compris.
J'ai essayé pendant si longtemps après la disparition de Our Native Land, le seul contenu que CBC ait jamais livré aux Autochtones. C'était une émission d'une demi-heure; elle avait fait une heure au début, mais on n' a pas cessé de la gruger et, en bout de ligne, on l'a retiré des ondes en 1986 environ, et on ne l'a jamais remplacée. C'était frustrant pour moi de ne pas me faire entendre.
Dans le temps, à la réserve, dans les années 70, l'on ne pouvait jamais obtenir d'un journaliste qu'il vienne dans la collectivité pour couvrir quoi que ce soit, sauf si nous exprimions bruyamment nos opinions dans le cadre d'une manifestation ou s'il y avait eu un meurtre ou si l'on courait après des voleurs de voitures. Là, les médias venaient.
En dehors de cela, pendant les années 70 et 80, nous n'avons jamais pu attirer de journalistes dans nos collectivités pour couvrir certaines des difficiles questions auxquelles nous faisions face--pas tant qu'ils ne pouvaient pas exploiter l'affaire au niveau de la situation survenue au Labrador.
C'est ainsi qu'il est devenu de plus en plus frustrant pour moi en tant qu'artiste dans ce pays de passer du temps à ne pas être un artiste. Il m'a fallu participer à l'élaboration de systèmes à mettre en place pour nous protéger, nous-mêmes et nos vies. Le droit de communiquer les uns avec les autres est un élément d'infrastructure de base pour nous, à la manière des routes, de l'eau et des logements. Comment pouvons-nous nous gouverner nous-mêmes si nous ne pouvons même pas communiquer entre nous? Nous ne pourrons commencer à nous gouverner nous-mêmes que si le système de communication nécessaire est en place.
Je suis extrêmement frustré. Je ne peux pas croire que les Affaires indiennes ne soient pas en train de marteler ma porte pour que je les aide à mettre le système en place, mais ce n'est pas le cas. Nous avons fait tout cela sans un sou du gouvernement, et nous sommes arrivés jusqu'ici. L'Aboriginal Voices Radio n'a reçu aucun financement du gouvernement fédéral, ce qui est scandaleux. Il m'a fallu souffrir. C'est moi qui ait mis en place le financement du système, moi-même et mes partenaires ici. Ce sont nous qui souffrons. Ma famille a souffert pour que ce système puisse être mis en place.
Excusez-moi, monsieur le président, d'être si frustré.
Le président: Ne vous en excusez pas, je vous en prie.
M. Gary Farmer: Je suis à bout, et je ne sais plus de quel côté me tourner. Cela va maintenant enfin être lancé, mais essayez de trouver de l'aide dans le système bancaire pour obtenir un financement-relais. Nous avons tant entendu parler des cinéastes dans ce pays, mais essayez de trouver du financement-relais pour lancer un réseau radiophonique autochtone--c'est impossible.
Heureusement qu'il y a les 6 p. 100 ou le moins 1 p. 100 auxquels nous pouvons accéder par le biais du CRTC. Celui-ci a toujours été notre plus grand partisan. Je sais que l'on dit beaucoup de choses sur lui, mais pour ce qui est de la radiodiffusion autochtone, c'est vraiment lui qui nous a amenés à la table ici. Ce n'est que grâce à lui que nous sommes ici aujourd'hui devant vous, grâce à ses contributions et grâce à NewCap Broadcasting à Terre-Neuve, qui a cru en notre vision et qui nous a appuyés.
Ce sont les radiodiffuseurs privés qui nous ont aidés à venir à cette table, ce que j'apprécie et ce pour quoi je veux les remercier. Je veux remercier le CRTC. Il a fait beaucoup de recommandations au sujet de la SRC. Nous aussi avons soumis des commentaires au sujet de la SRC et des frustrations que je ressens, mais bien sûr, lorsqu'ils ont été envoyés à la SRC par le CRTC, la SRC les a ignorés. Ils ont fait de leur mieux, je suppose, pour améliorer récemment certaines des activités de formation proposées aux Autochtones, mais ce n'est que parce qu'on a exercé des pressions sur eux.
 (1215)
Mme Catherine Martin: Pour ce qui est de la liberté d'expression, je pense qu'il y a deux exemples, mais je ne vais pas essayer de raconter l'histoire ici aujourd'hui.
J'aimerais cependant mentionner qu'on m'avait au départ inscrite à l'horaire pour 13 h, mais on m'a demandé de partager le panel. On m'a dit de ne pas m'inquiéter, que le groupe serait prêt à siéger pendant le déjeuner étant donné que je me montrais arrangeante avec vous.
Le président: Madame Martin, c'est le cas, mais nous avons reporté deux groupes de ce matin à 13 h afin que nous ayons plus de temps ici.
 (1220)
Mme Catherine Martin: Mais j'étais prévue pour 13 h.
Je tiens à dire qu'il est très difficile pour nous de raconter nos histoires dans le cadre du format d'une quelconque audience en panel et dans en fait n'importe quel format préétabli qui ne cadre pas avec nos façons de faire. Je ne sais pas; l'Aboriginal Peoples Television Network est une réponse formidable à certaines choses que nous voulons, même si ce n'est pas la réponse, et grâce au CRTC on a cherché à rendre cela possible. Mais je pense qu'il nous faut toujours commencer au niveau communautaire, à la base. C'est un cliché, mais c'est un cliché qui mérite qu'on l'étudie.
La base vient de vous dire que lorsque nous avons proposé le karaoke à 22 h, après les powwows traditionnels, les jeunes sont sortis et ont fait des choses fantastiques, et les gens se découvrent du simple fait d'avoir l'occasion de s'exprimer.
Pour ce qui est de la liberté d'expression, de raconter ses histoires à sa manière, il y a deux exemples très récents que le comité pourrait examiner. Voici le premier: après la crise d'Oka, Alanis Obomsawin, notre femme cinéaste autochtone la plus chevronnée au pays, a réalisé une émission dans le but de raconter les histoires derrière Oka, mais CBC ne l'a pas diffusée parce qu'on en a dit que c'était du journalisme unilatéral axé sur un parti pris. Mais lorsque l'émission a gagné un prix en Allemagne et a été reconnue mondialement pour la qualité de son journalisme et l'histoire racontée, Radio-Canada a enfin dû, à sa très grande honte, la diffuser.
Voilà une histoire qu'il nous faut entendre. J'ignore si le reste du pays voulait l'entendre, mais nous sommes un pourcentage de la population, et nous constituons un auditoire.
Ce reportage a fini par remporter des prix dans le monde entier. Cela n'a nui à personne de connaître l'histoire. Peut-être que cela a montré un visage différent de certaines institutions, mais c'était là la perspective. Je dirais que tout ce que veut faire la SRC c'est suivre l'éthique journalistique, mais comment est-il possible de ne jamais avoir de parti pris, de ne jamais mettre de l'avant sa perspective ou en tout cas une perspective subjective? Cela vient d'un autre groupe.
L'autre exemple qu'il vous faudrait regarder... C'est comme je vous ai raconté au sujet d'ABTN. Nous formons nos gens puis la SRC les veut. Zacharias, un cinéaste du Nord, vient de sortir un film qui a été primé. Il a, contre toutes attentes, raconté comme il le voulait l'histoire qu'il voulait raconter. Il s'est battu, il a discuté, il s'est démené pour obtenir que cette histoire soit racontée, puis il a gagné un prix au Festival de films de Cannes. C'était la toute première fois qu'un Canadien remportait ce prix. Après avoir remporté ce prix, au festival de films le plus prestigieux du monde, auquel tous les cinéastes aimeraient gagner un prix, son film est devenu populaire.
Pourquoi nous faut-il faire nos preuves? Pourquoi tout le monde n'est-il pas derrière nous dès le départ? Et cette histoire n'a pas été racontée à notre manière traditionnelle. Elle est très populaire et le film joue ce soir si vous voulez aller le voir. Il passe au Oxford Theatre, en ville.
Tout ce que je dis c'est que s'agissant de liberté d'expression, il y a quantité de façons de raconter des histoires et, malheureusement, chez les Mi'kmaq, comme chez de nombreuses autres Premières nations, nos histoires n'ont pas de fin: elles continuent. Elles continuent. On nous apprend à ajouter à nos histoires, à les ramener à aujourd'hui, et ce n'est pas 24 minutes ou 50 minutes, avec un début, un milieu et une fin. C'est une façon très différente de faire les choses, et c'est cela que je voulais dire au sujet de ces deux exemples sur lesquels devraient se pencher la SRC et le CRTC.
Le président: Monsieur Cuzner.
 (1225)
M. Rodger Cuzner: Ma question est peut-être quelque peu redondante, monsieur Farmer. Elle allait être la suivante: avez-vous réussi à trouver un champion au sein du gouvernement fédéral pour vous aider dans votre cause? Mais jusqu'ici, vous n'avez même pas pu trouver d'ami, sans parler de champion.
J'ai dans ma circonscription deux communautés acadiennes. Il y a de cela plusieurs années, l'une d'entre elles a lancé une station FM. Elle a pu obtenir du financement, mais peut-être que c'est parce que c'était tout en français. Ce n'est pas cela qui vous intéresse. Vous voulez avoir un mélange de langues autochtones et de langues non autochtones.
Seriez-vous admissibles à ces types de programmes ou bien les critères sont-ils trop restrictifs?
M. Gary Farmer: Ce document vous explique comment nous avons obtenu notre financement. Ce n'est pas que nous n'allons pas en obtenir. C'est justement qu'il s'agit d'un processus long et douloureux. Si nous devons subir ce processus pendant autant de temps que cela a demandé pour que le Canada autochtone soit « radioisé », il nous va falloir attendre 20 ans.
Tout ce que je dis c'est qu'il aurait fallu que cela arrive hier afin que nous soyons en mesure de traiter des problèmes qui se posent dans les collectivités, notamment le suicide, le diabète, le SIDA et l'analphabétisme. Ces problèmes nous affectent tous, et pas seulement les Autochtones.
Si vous croyez que les langues autochtones sont la vraie étude de la nature fondée sur l'observation au fil des siècles, il y a là des connaissances qui sont vraiment importantes pour nous en tant que Canadiens. Comme vous le savez, en 1977, Hamelin a coupé le pays en deux disant qu'il n'y avait que trois langues autochtones qui survivraient jusqu'en l'an 2000. Bien évidemment, nous en avons toujours 54. Nous voulons les maintenir. C'est là la base de l'intégrité d'un peuple. C'est ce qui va l'accompagner jusque dans l'avenir. Nous comprenons aujourd'hui cela en tant qu'État.
Il nous faut cependant davantage de soutien afin d'instaurer ce système à l'échelle du pays, car pour la toute première fois nous allons avoir de la programmation. J'ai monté un grand nombre de stations de radio communautaires. Je sais qu'il va falloir attendre 10 ou 15 ans pour que telle station puisse alimenter le tissu social de la collectivité. Où allons-nous trouver l'argent pour la programmation si 250 personnes appuient la station de radio? Ce n'est pas suffisant pour permettre à une station de produire des émissions qui soient réellement pertinentes dans le contexte du tissu social de la collectivité. C'est là qu'il est devenu clair qu'il nous fallait aller dans les gros centres urbains et vendre de la publicité à l'échelle nationale, et notamment au gouvernement, parce qu'il essaie de nous joindre, et c'est de cette façon que nous pourrons appuyer la programmation dans les petites localités. Il nous faut une infrastructure de base pour équiper ces petites collectivités pour qu'elles puissent recevoir notre signal. Voilà le genre de soutien qui doit vraiment être accéléré. Cela va demander beaucoup trop de temps autrement. Le besoin, il existe maintenant et il est très pressant.
M. Rodger Cuzner: Vous avez parlé du soutien bénévole pour la station, mais avez-vous connu du succès sur le plan commercial?
M. Melvin Augustine: Depuis septembre dernier, 14 clients sont venus me voir et ont exprimé un intérêt quant à l'organisation de levées de fonds auprès de leurs organisations, comme par exemple les Christmas Daddies, le Pow Wow international 2002 et l'Initiative pour les jeunes, pour ne citer que quelques exemples. Ces 14 organisations lèvent des fonds du fait que je leur vende du temps d'antenne au coût véritable. Nous avons produit des revenus de plus de 500 000 $ en vendant du temps d'antenne. Et toutes ces organisations sont sans but lucratif.
M. Rodger Cuzner: Enfin, y a-t-il une station à Eskasoni? Cela progresse-t-il? Le savez-vous?
M. Melvin Augustine: Oui. CICU appartient à Greg Johnson.
 (1230)
M. Gary Farmer: Nous nous attendions à ce qu'ils soient là aujourd'hui, mais ils n'ont pas pu venir. Ils allaient être ici avec nous.
Le président: Merci.
Mme Wendy Lill: J'aimerais vous remercier d'être venus ici. Je ne vais faire qu'un rapide commentaire. J'espère que vous n'avez pas à passer beaucoup de temps à traiter de faux problèmes du genre «quel va être votre auditoire pour votre radiodiffusion», car cela a clairement été dit des milliers de fois. La Commission royale sur les peuples autochtones a déclaré très clairement que le gouvernement, y compris le gouvernement autochtone, reconnaît le rôle critique des médias imprimés et de radiodiffusion autochtones indépendants dans la poursuite de l'autodétermination et de l'autonomie politique autochtones. On en a parlé oralement et par écrit. Des milliers de personnes partout au pays ont fait des exposés à ce sujet. C'est une chose à laquelle le gouvernement devra finir par s'attaquer.
Les Néo-démocrates appuient pleinement les recommandations contenues dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Il est clairement grand temps qu'il y ait un très fort mandat en faveur d'émissions autochtones dans ce pays. Voilà tout.
M. Gary Farmer: Merci. Thank you.
Le président: Monsieur Farmer, madame Martin, collègues, je pense que votre message est un message extrêmement puissant, et je trouve que vous l'avez extrêmement bien exprimé.
Je sais d'expérience, ayant essayé d'aider de jeunes producteurs autochtones, notamment Jennifer Podemski et son associée Laura Milliken, à trouver du financement--elles cherchent à l'heure actuelle du financement pour le troisième épisode de Seventh Generation--, à quel point il est difficile d'aller d'un ministère à l'autre pour essayer de grappiller 50 000 $ par-ci et 50 000 $ par-là. Votre recommandation en vue de l'établissement d'un fonds consacré à la radiodiffusion autochtone est une idée très intéressante.
J'aimerais qu'on me fournisse quelques chiffres pratiques, afin que nous sachions de quoi nous parlons ici. D'après ce que j'ai lu dans votre mémoire, vous avez recueilli 4 millions de dollars. Vous dites ensuite qu'il vous faudrait encore 6 millions de dollars pour être en mesure de faire ce que vous visez réellement. Es-ce bien cela?
M. Mark MacLeod (directeur, Développement et octroi de licences, Aboriginal Voices Radio Inc.) : Oui. Comme l'a dit Gary, la question est celle de la rapidité des changements, du développement. C'est vraiment autour de cela que les choses tournent. Comme l'a dit Gary, nous avons jusqu'ici fait cela sans soutien. En réalité, nous sommes ici aujourd'hui non pas parce qu'il nous faut--nous allons continuer d'exister...
Le président: Je comprends.
M. Mark MacLeod: --mais parce que le financement, ces 6 millions de dollars, constitue en définitive un énorme pas en avant. Nous pourrions faire en deux ans ce qui nous demandera, autrement, 10 à 20 ans.
Le président: Mais le fonds autochtone devrait-il obtenir 4 p. 100 de ce que reçoit la SRC, grosso modo, ce qui se chiffrerait à environ 35 millions ou 40 millions de dollars?
M. Gary Farmer: Nous sommes tout juste en train de faire aboutir devant le gouvernement fédéral une proposition. Il s'agira d'environ 6 millions de dollars dès le départ, puis 7 millions de dollars par an pendant sept ans, pour un total de 55 millions de dollars, ce qui est équivalent au coût exact de la Commission royale sur les peuples autochtones. C'est le même chiffre--environ 55 millions de dollars--sur les sept prochaines années. Voilà ce que nous soumettons au gouvernement fédéral.
Le président: Mais il serait intéressant pour nous de savoir, par exemple, si vous aviez un fonds distinct, combien selon vous, s'agissant de la télévision et de la radio--
M. Gary Farmer: À l'heure actuelle, le portefeuille télévision est d'environ 1 million de dollars, et il faut que les émissions soient en langue autochtone.
Le président: Le budget d'APTN se chiffre à l'heure actuelle à 23 millions de dollars environ, me semble-t-il, et le vôtre est de 4 millions de dollars. Il serait intéressant de savoir à combien devrait monter une enveloppe pour être d'une aide réelle à la radio et à la télévision.
M. Gary Farmer: Selon moi, idéalement, 10 p. 100 de ce que vous versez à la SRC suffiraient. Un chiffre approchant de cela serait bon. Nous pourrions alors vraiment entreprendre quelque chose. C'est la réalité, n'est-ce pas? J'aimerais également que vous sachiez que d'après moi aucune proposition émanant de l'APTN n'a jamais été financée par Téléfilm ou par le FCT.
En fait, la plus grosse erreur commise par le type qui a été le premier ici a été de demander une licence pour l'APTN, parce que le réseau n'a jamais été financé par l'actuel système. C'est ainsi que sont les choses. Il y a une arrogance culturelle qu'il nous faut déloger. C'est vraiment difficile pour nous. C'est là le gros de notre problème.
 (1235)
Le président: Madame Martin, la parole est à vous.
Mme Catherine Martin: Il y a une chose que j'aimerais beaucoup laisser à chacun ici. Ryerson a un nouveau fonds. Ils écoutent les anciens--et nous sommes des anciens dans l'industrie--producteurs et réalisateurs qui disent qu'il nous faut des possibilités de développement professionnel. Nous consacrons un temps énorme à courir à droite et à gauche pour aider les gens à faire telle ou telle chose, mais côté expérience professionnelle--aussi jeunes que nous puissions paraître--nous avons toujours besoin de nos propres possibilités. Comme l'a dit Gary, quand finira-t-il par être véritablement l'artiste qu'il est et par contribuer au tissu culturel?
J'ai dirigé un programme au collègue communautaire et j'ai formé cinq Autochtones pour qu'ils puissent faire des montages avec des systèmes non linéaires, parce que l'industrie dans cette ville réclamait à grands cris des monteurs. On les a formés en utilisation du système non linéaire et ils ont réussi à décrocher des postes de monteurs adjoints nulle part, sans parler d'accès à l'argent de Téléfilm. Nous avons une base différente. Nombre d'entre nous ne payons pas d'impôt et la Nova Scotia Film Development Corporation et Téléfilm parlent une langue qui nous paraît très différente.
Mais il y a une chose que j'aimerais dire. Commençons avec 10 p. 100 du budget. Ce ne serait pas distinct; ce serait parallèle, en partenariat avec une agence, une institution, dans le cadre d'une politique qui fonctionne déjà pour la plupart des Canadiens. Il serait logique, si nous avions un budget de 10 p. 100, qu'une partie de cet argent aille à la création d'un vrai groupe de lobbying, qui veillerait à ce que là où il y a un peu d'argent nous puissions en avoir.
Mais il faudrait que tous les critères soient élaborés et décidés par nous. Nous devons être ceux qui décident de la façon dont l'argent sera utilisé. Une partie de l'argent servirait la formation aux niveaux élémentaire, intermédiaire et secondaire, avec, également, des programmes postsecondaires--et je ne parle pas ici des écoles mais de formation en milieu communautaire. Il ne sert à rien d'avoir ces installations si elles ne jouent aucun rôle. C'est sur la formation, donc, que j'insisterais.
Merci.
Le président: Merci beaucoup à vous tous d'être venus comparaître ici aujourd'hui. Nous avons entendu vos messages haut et fort.
M. Gary Farmer: Merci, monsieur le président.
Nous aimerions tout simplement ajouter que nous nous ferons un plaisir de fournir à vos recherchistes une ventilation plus poussée du fonds dont nous suggérons la création, si cela vous intéresse.
Le président: Absolument. Je pense que cela serait important. Merci.
M. Gary Farmer: Merci.
Le président: La séance est levée.