HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 9 avril 2002
¿ | 0915 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Le président |
Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ontario, Lib.) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Jim Abbott (Kootenay--Columbia, Alliance canadienne) |
Le sénateur Jean-Robert Gauthier |
M. Jim Abbott |
Mme Dyane Adam |
¿ | 0955 |
M. Jim Abbott |
Mme Dyane Adam |
M. Jim Abbott |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
À | 1000 |
Le sénateur Jean-Robert Gauthier |
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ) |
À | 1005 |
Le sénateur Jean-Robert Gauthier |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Le sénateur Jean-Robert Gauthier |
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.) |
Le sénateur Jean-Robert Gauthier |
À | 1010 |
M. Claude Duplain |
Le sénateur Jean-Robert Gauthier |
M. Claude Duplain |
Le sénateur Jean-Robert Gauthier |
Le président |
M. Jean-Marc Aubin (président de l'ACFO provinciale, Association canadienne-française de l'Ontario) |
À | 1020 |
À | 1025 |
À | 1030 |
Le président |
M. Jean-Marc Aubin |
Le président |
M. Christian Martel (président, Coopérative radiophonique de Toronto) |
À | 1035 |
À | 1040 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
M. Georges Arès (président, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada) |
À | 1045 |
À | 1050 |
À | 1055 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. Georges Arès |
M. Robin Cantin (directeur des communications, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada) |
Mme Christiane Gagnon |
M. Robin Cantin |
M. Georges Arès |
Á | 1100 |
Mme Christiane Gagnon |
M. Robin Cantin |
Le président |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
Á | 1105 |
M. Jean-Marc Aubin |
M. Christian Martel |
M. Claude Duplain |
M. Georges Arès |
Á | 1110 |
M. Jean-Marc Aubin |
Le président |
Á | 1115 |
M. Christian Martel |
Le président |
M. Christian Martel |
Le président |
M. Christian Martel |
Le président |
M. Christian Martel |
Le président |
M. Christian Martel |
Á | 1120 |
Le président |
M. Benoît Sauvageau |
M. Christian Martel |
M. Benoît Sauvageau |
M. Georges Arès |
Á | 1125 |
Le président |
M. Christian Martel |
Le président |
M. Claude Duplain |
M. Jean-Marc Aubin |
M. Robin Cantin |
Le président |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 9 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0915)
[Français]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, qui se réunit aujourd'hui pour continuer son étude de l'état du système de radiodiffusion canadien.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous sommes très heureux d'accueillir, du Commissariat aux langues officielles, la commissaire elle-même, Mme Dyane Adam.
[Français]
M. Gérard Finn, directeur général, Politiques et Communications, et M. Alain Clavet, analyste principal des politiques;
[Traduction]
et, du Sénat, notre collègue, l'honorable Jean-Robert Gauthier.
Madame Adam, vous avez la parole. Bonjour.
[Français]
Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles): Honorables membres du comité, monsieur le président, j'aimerais aujourd'hui, à titre de commissaire aux langues officielles, vous faire part de la grande importance que j'attache à la Loi sur la radiodiffusion et à son éventuelle révision.
La radio et la télévision jouent un rôle culturel et social de premier plan. Ces puissants moyens de communication favorisent-ils la création du pays que nous voulons, fondé notamment sur une valeur canadienne fondamentale, la dualité linguistique? Vos réflexions et les consultations que vous faites sur cette question sont d'une grande importance pour notre pays. C'est donc avec plaisir que je vous livre quelques éléments de réflexion concernant l'importance de la Loi sur la radiodiffusion pour la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles.
Dès 1986, le rapport Caplan-Sauvageau indiquait l'importance d'un système de radiodiffusion reflétant adéquatement la dualité linguistique et la diversité culturelle canadiennes. Ces objectifs ont d'ailleurs été inscrits au coeur de la Loi sur la radiodiffusion de 1991, qui précise que toutes les composantes du système, publique, privée et communautaire, de même que tous les types d'entreprises, soit la radio, la télévision et la télédistribution, doivent contribuer à leur atteinte.
[Traduction]
À l'heure où Internet bouleverse les communications mondiales, où la distribution numérique permet une multiplication sans précédent de l'offre de services de programmation de toute nature, il est plus que jamais essentiel non seulement d'affirmer le principe d'un reflet actif de la dualité linguistique canadienne, mais surtout de déployer de nouveaux moyens pour lui donner effet. Le défi est de taille. Notre pays doit trouver des façons novatrices d'affirmer la dualité linguistique grâce à un système de radiodiffusion aux prises avec les réalités de la mondialisation et de la convergence des technologies de communication numérique. Personne ne peut ignorer en effet l'influence marquante de la télévision et d'Internet sur les jeunes Canadiennes et Canadiens. Un pays est le creuset de l'imaginaire d'une collectivité. Cet imaginaire véhiculé par la télévision et Internet sera-t-il canadien? Voilà la question qu'il faut se poser.
[Français]
Premièrement, voici quelques mots sur le rôle du diffuseur public national. CBC/Radio-Canada joue un rôle central dans l'offre de contenu canadien de qualité dans les deux langues officielles, tant en radio qu'en télévision.
Ce rôle, il le joue autant par ses réseaux généralisés ou généralistes que par ses services spécialisés, ses chaînes culturelles radiophoniques, ses services sonores payants et ses chaînes de radio sur Internet. Cependant, les compressions budgétaires et le fractionnement des auditoires, découlant d'une multiplication de l'offre et d'une concurrence accrue, ont affaibli notre télévision publique.
Le Canada a plus que jamais besoin d'un réseau public fort, diffusant du contenu de haute qualité et reflétant notre identité culturelle et linguistique. C'est un choix de société qu'il nous faut assumer avec fierté et conviction. Assumer ce choix d'une télévision publique de qualité signifie pour tous les Canadiennes et Canadiens qu'ils doivent cesser de remettre en question les ressources publiques indispensables à l'entreprise publique de radiodiffusion.
CBC/Radio-Canada a joué et doit continuer de jouer un rôle central de construction de notre identité canadienne. Voilà pourquoi il est essentiel que des fonds adéquats, prévisibles et réguliers soient consentis à cette institution. La trame sociale qui se construit et qui bâtit un Canada fondé sur la dualité linguistique passe par un réseau de télévision public dynamique.
¿ (0920)
[Traduction]
En ce qui a trait aux services aux communautés minoritaires de langue officielle, le rapport du CRTC, Vers un avenir mieux équilibré, constitue un jalon d'importance afin d'accroître l'offre télévisuelle de langue française, et ce, dans l'ensemble du Canada. L'offre des services canadiens fondée sur la capacité numérique des câblodistributeurs constitue un changement d'importance.
Davantage doit être fait cependant afin que les médias reflètent mieux la réalité des communautés de langue officielle. Les anglophones du Québec à l'extérieur de Montréal ont peu accès à des émissions et des nouvelles régionales dans leur langue. Les francophones hors Québec n'ont pas tous accès au RDI, et la chaîne culturelle radio de Radio-Canada n'est pas accessible dans cinq provinces canadiennes. Radio-Canada a heureusement demandé récemment la correction de cette situation.
Les débats de la Chambre des communes, pourtant essentiels au sain exercice de la démocratie canadienne, ne sont pas toujours accessibles aux Canadiennes et aux Canadiens dans la langue officielle de leur choix. Cette situation connaîtra des améliorations grâce à une récente décision du CRTC.
Mais pourquoi a-t-il fallu des plaintes de citoyens auprès du Commissariat, des enquêtes, des rapports et des interventions publiques afin d'accroître l'accès aux débats sur CPAC dans les deux langues officielles?
[Français]
Aujourd'hui, nous réagissons sans cesse aux situations de crise. Or, la Loi sur la radiodiffusion devrait préciser des objectifs clairs afin que les communautés minoritaires de langue officielle soient véritablement prises en compte dans le système de radiodiffusion canadien.
Maintenant, quel est le rôle du secteur privé? Le secteur privé, tant dans sa dimension programmation que distribution, joue aussi un rôle important dans le reflet de notre dualité ou de notre identité linguistique. Il doit continuer à le faire. Je me réjouis d'ailleurs de constater que les Canadiennes et les Canadiens ont aujourd'hui accès partout au pays à des réseaux à distribution nationale de télévision de langues française et anglaise, comme Global, CBC et CTV, SRC et TVA.
Je me réjouis aussi de la discussion récente au sein du CRTC, à la suite du rapport Vers un avenir mieux équilibré, visant à obliger tous les distributeurs terrestres et par satellite qui en ont la capacité à offrir, en mode numérique, tous les services spécialisés et de télévision payante canadiens analogues et numériques de catégorie 1 diffusant dans l'une ou l'autre des langues officielles. Ainsi, au fur et à mesure du déploiement de la distribution numérique, de plus en plus de Canadiennes et de Canadiens pourront accéder à une gamme très diversifiée d'émissions canadiennes en français et en anglais, sur une multitude de sujets et atteignant de très nombreux auditoires.
[Traduction]
Il ne faut toutefois pas négliger le rôle que jouent les services de radio et de télévision communautaires ainsi que la télévision éducative publique. Au contraire, il faut le consolider.
En cette ère de réseaux nationaux voire transnationaux, il faut plus que jamais renforcer les voix qui répondent aux besoins des communautés locales et régionales.
Comment expliquer, par exemple, que l'importante communauté francophone de Toronto soit toujours privée de radio communautaire de langue française?
Il faudrait reconnaître l'importance de ce service et réserver une fréquence à cette fin. Les radios et les télévisions communautaires jouent pourtant un rôle essentiel à titre de mode d'expression d'une communauté. Le CRTC devrait tenir compte de la dualité linguistique dans ses décisions sur les radios et télévisions communautaires.
[Français]
L'un des moyens possibles serait de favoriser la diffusion pancanadienne, sans frais, des télévisions éducatives provinciales telles Télé-Québec et TFO en français, ainsi que TVO, Access, SCN et Knowledge en anglais. Ainsi, les distributeurs devraient offrir en mode numérique tous les services des télévisions éducatives provinciales. Ce changement important favoriserait, dès un jeune âge, des habitudes d'écoute d'émissions canadiennes dans les deux langues officielles et ce, dans tout le Canada.
¿ (0925)
[Traduction]
En ce qui concerne le virage Internet, il faut aussi s'adapter au présent, aux nouvelles réalités de la radiodiffusion par Internet. Le temps presse! Internet offre déjà près de 2 000 stations de radio. Les réseaux à large bande et haute vitesse s'étendent. Les expériences de vidéo sur demande par Internet se multiplient.
Il faut rapidement déployer les moyens nécessaires pour assurer une forte présence des émissions de télévision et autres contenus de radiodiffusion canadiens de qualité sur Internet, et ce, dans les deux langues officielles. On doit se réjouir des choix accrus que les nouveaux moyens de diffusion offrent aux Canadiennes et Canadiens. Mais il faut s'assurer que, parmi ces choix, les émissions canadiennes figurent en bonne place et qu'elles disposent d'une bonne visibilité et d'un accès facile.
Il faut aussi s'assurer que cette offre accrue de contenus de radiodiffusion canadiens sur Internet se fasse dans le respect de la dualité linguistique et contribue à réaliser les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion. Certes, cela exigera de nouveaux moyens financiers mais aussi un encadrement incitatif approprié dans le nouvel univers qui s'annonce.
Les émissions canadiennes en français et en anglais sont condamnées à l'excellence ou à la marginalisation. Nous avons un choix collectif à faire! Donnons-nous les moyens et la fierté d'atteindre l'excellence et de développer le tissu social canadien dans l'agora des nouveaux médias.
[Français]
Je passe maintenant au rôle du CRTC. Les divers exemples déjà mentionnés indiquent clairement que le CRTC doit tenir compte, dans l'ensemble de ses décisions, des impacts de celles-ci sur les communautés de langue officielle. Ainsi, non seulement les réseaux nationaux de télévision et de radio doivent-ils être accessibles aux majorités et minorités linguistiques, mais ces émissions doivent également en être le reflet et contribuer ainsi à refabriquer le tissu social canadien fondé notamment sur la dualité linguistique. Les moyens nécessaires doivent être envisagés afin d'atteindre cet objectif. Le conseil a une obligation de résultats car, comme le mentionnait la Cour suprême dans l'arrêt Beaulac: «Les droits linguistiques ne sont pas des droits négatifs, ni des droits passifs; ils ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis...».
¿ (0930)
[Traduction]
La Loi sur les langues officielles est une loi quasi constitutionnelle et le CRTC devrait davantage veiller, dans le cadre de ses orientations et ses prises de décision, à la réalisation des objectifs de la loi, et ce, bien sûr,dans le respect de l'indépendance du CRTC comme tribunal administratif. Pour atteindre cet objectif, les membres du comité voudront sans doute examiner la possibilité de renforcer, si nécessaire, les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion à cet effet.
La Partie VII de la Loi sur les langues officielles, à l'article 41, indique que:
Le gouvernement fédéral s'engage à |
a) favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à |
b) promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. |
Par ailleurs, le CRTC devrait être ajouté à la liste des agences fédérales désignées en vue d'assurer la mise en oeuvre de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles, que je viens de vous citer.
[Français]
En conclusion, dans le processus qui s'amorce, le comité doit réaffirmer haut et fort la nécessité pour le gouvernement du Canada de réaffirmer sa volonté d'assurer l'épanouissement de la culture canadienne dans les deux langues officielles de ce pays, la responsabilité de toutes les composantes du système de radiodiffusion de refléter adéquatement la dualité linguistique de notre société, et la primauté de notre identité linguistique et culturelle sur les considérations strictement commerciales.
Je recommande donc aussi que votre comité propose la mise en place de mécanismes permettant d'abord d'assurer un financement adéquat du radiodiffuseur public national et des radiodiffuseurs communautaires, et d'assurer également la distribution pancanadienne sans frais des chaînes éducatives publiques de langues française et anglaise.
Je recommande également que votre comité propose la mise en place de mécanismes permettant de favoriser les alliances entre les différentes sociétés publiques et les entreprises sans but lucratif productrices de contenu afin de créer une masse critique de contenu canadien de qualité dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Je recommande également d'accroître la distribution de contenus de radiodiffusion canadiens de qualité via Internet en même temps que la capacité d'accès des Canadiennes et Canadiens à ce contenu, et aussi de favoriser l'exportation des produits publics et privés de radiodiffusion de langue française et de langue anglaise, afin de leur permettre de contribuer activement à la préservation et à la promotion de la diversité linguistique et culturelle à l'échellle mondiale.
Je vous remercie de votre attention. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, madame Adam.
On passera aux questions après la présentation du sénateur Gauthier.
Sénateur Gauthier.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ontario, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci de m'avoir invité ce matin.
Comme vous le savez, la situation des communautés francophones du Canada me préoccupe depuis peut-être 40 ans.
Les services de radiodiffusion doivent être accessibles aux communautés. Ça m'apparaît être une question déterminante pour leur développement et leur épanouissement.
J'ai eu de nombreuses occasions, au cours de ma carrière, de me prononcer sur cette question. Je me suis particulièrement investi dans ce dossier au cours des dernières années à la suite d'une décision, très malheureuse d'après moi, du CRTC touchant la demande de diffusion de TFO, la télévision éducative de l'Ontario. La demande visait à permettre aux radiodiffuseurs et aux câblodistributeurs d'offrir ce signal au Québec.
Pour mémoire, l'Office de la télécommunication éducative de l'Ontario, qui gère TVO et TFO, demandait en principe que le CRTC oblige les câblodistributeurs québécois à offrir et non pas à imposer le signal de TFO à leur clientèle au Québec. L'idée était simple: en ajoutant TFO à la grille offerte, on permettait aux Québécois de s'enrichir, à prix modique, d'un autre poste francophone et on leur assurait une fenêtre intéressante sur une réalité qui est souvent méconnue au Québec.
Vous admettrez que c'était une idée qui ne faisait de tort à personne, sauf peut-être à l'énième poste américain qu'il aurait fallu éliminer pour faire une place à TFO. L'idée semblait tellement s'imposer que, sur les 1 500 intervenants—il y en a eu plus que cela—qui ont pris part à la consultation du CRTC, 99,3 p. 100 appuyaient la demande de TFO; 0,7 p. 100, moins de 1 p. 100, étaient contre l'idée. Neuf de ces douze intervenants étaient de l'industrie de la radiodiffusion québécoise. Le CRTC a néanmoins rejeté la demande de TFO. Dire que le CRTC a donné raison à l'industrie contre la volonté populaire et l'intérêt public du Canada, c'est l'évidence qui s'impose et ce qui m'a conduit à réagir vigoureusement.
Depuis cette date, je n'ai pas ménagé mes efforts pour tenter de faire renverser la décision du CRTC, ce qui n'est pas facile, et surtout de montrer ce qu'elle avait d'illogique dans le contexte de la dualité linguistique et culturelle canadienne: démarches politiques, démarches juridiques, recours aux tribunaux. Tout ça coûte de l'argent. Je peux vous dire que j'ai tout essayé, malheureusement sans trop de succès. La décision a été maintenue.
Le principal résultat de cette intervention de ma part a été d'obtenir du gouvernement canadien un décret invitant le CRTC à mener une consultation sur la disponibilité et la qualité des services de radiodiffusion de langue française dans les minorités francophones au Canada, invitation qui était assortie d'une date butoir du 31 décembre 2000. Une importante consultation a ainsi été menée à travers le Canada permettant aux francophones et aux francophiles de partout de se prononcer sur cette question. Le rapport intitulé Vers un avenir mieux équilibré: Rapport sur les services de radiodiffusion de langue française en milieu minoritaire, CRTC, février 2001, est bien documenté et riche de plusieurs recommandations, et rend compte de cette consultation. J'invite le comité à en prendre connaissance. Si vous le voulez, je distribuerai des copies du rapport.
J'ai moi-même préparé, dans le cadre de cette consultation, un document s'intitulant: Soumission déposée au CRTC concernant l'avis public CRTC 2000-74 en août 2000. Bon nombre des arguments que j'aimerais reprendre ce matin y figurent. J'espère que vous les trouverez intéressants.
¿ (0935)
Il y a quand même là un travail de trois mois, et ce n'est pas toujours facile de couvrir toute cette situation, cette question. Si j'ai cru bon de vous rappeler ces faits, c'est qu'ils éclairent l'actualité et notre discussion. et me permettent aussi d'aller plus loin, droit au but.
[Traduction]
La première question qu'il faut considérer, je crois, c'est l'importance de l'enjeu. Comme je n'ai pas besoin de vous l'expliquer, les moyens de radiodiffusion—la radio, la télévision, et maintenant Internet—occupent une place de plus en plus importante dans notre paysage culturel, pour ne pas dire qu'ils l'envahissent carrément. Nous assurer que ces médiums nous soient accessibles, qu'ils nous parlent et qu'ils reflètent qui nous sommes est donc d'une importance cruciale pour tous les Canadiens, qu'ils soient francophones ou anglophones et, qu'ils vivent au Québec ou ailleurs.
Je vous réfère à cet égard aux nombreux arguments en faveur de la souveraineté culturelle ainsi qu'au débat, plus récent, sur la diversité culturelle que notre ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps, anime brillamment sur la scène internationale.
L'importance de cet enjeu est aussi reflétée dans des nombreux instruments législatifs, administratifs ou financiers tels que la Loi de 1991 sur la radiodiffusion, le CRTC, la Société Radio-Canada, le soutien à la production télévisuelle canadienne, Téléfilm Canada, le Fonds canadien de télévision, la législation et la réglementation sur le contenu canadien, etc.
À cet effet, je me permets de vous glisser un mot sur l'annonce de la consultation populaire que la ministre Copps a faite récemment—j'ai trouvé cette annonce dans Le Droit du 4 avril dernier—concernant la réévaluation du contenu canadien dans les productions cinématographiques. Voilà une autre occasion de rajouter notre grain de sel. Ces initiatives viennent s'ajouter depuis quelques années aux nombreuses entreprises fédérales dans le champ d'Internet—par exemple la stratégie canadienne animée par le ministère de l'Industrie.
La situation particulière du Canada nous oblige parfois à nous battre sur deux fronts: sur le plan de la souveraineté culturelle, pour contenir l'envahissement de nos ondes par les signaux et les contenus américains; et sur le plan de la langue, pour nous assurer que les services de radiodiffusion sont accessibles à tous les Canadiens dans les deux langues officielles. Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour assurer le respect de cette dualité linguistique.
La Loi sur la radiodiffusion reconnaît explicitement son importance. Le CRTC la consacre dans son mandat que vous retrouverez sur le site Internet de l'organisme, et je cite: «...notre mandat est d'assurer la programmation dont le contenu reflète la dualité linguistique». Les grandes institutions fédérales, comme CBC/Radio-Canada, la reflètent dans leurs structures. Ces mesures ne suffisent pas toutefois à effacer le déséquilibre, ou l'asymétrie, qui existe entre les services de radiodiffusion disponibles en français et en anglais. Même au Québec, que j'aime appeler la plus grosse minorité francophone du Canada, l'écart est manifeste. Même si les signaux francophones se sont élargis ces dernières années, notamment avec la multiplication des chaînes spécialisées, le nombre de chaînes accessibles en français demeure largement disproportionné avec le nombre de chaînes accessibles en anglais.
Je vous invite à regarder la proposition que j'ai déposée en annexe à ma soumission du 19 août 2000. Vous verrez que j'y ai reproduit une page duDroit d'Ottawa, qui date aussi du mois d'août 2000, où figure une annonce de Vidéotron.
¿ (0940)
[Français]
On lit: «le meilleur choix de télé à la carte en français!»
[Traduction]
Vous n'avez qu'à la regarder attentivement pour voir ce que j'entends par la sous-représentation ou l'asymétrie. Au Québec, à l'heure actuelle, Vidéotron offre 20 programmes ou 20 stations, appelez cela comme vous voulez, sur son service de base.
[Français]
Huit des 20 chaînes offertes sont francophones. Sur le deuxième service de base, il y a un choix de 55 postes, dont 9 seulement sont en français: 40 p. 100 sur le système de base et 16 p. 100 sur le système additionnel.
[Traduction]
Un constat similaire s'impose si l'on se projette dans les nouvelles technologies. Le monde de l'Internet, comme le montre un récent document du Commissariat aux langues officielles, Le Français sur Internet est un monde d'abord anglophone. Les contenus francophones y sont rares, et sont en majorité des contenus traduits, non des contenus originaux.
Je vous recommande d'ailleurs de lire ce rapport.
[Français]
Ce qui vaut pour l'ensemble du Canada est encore plus vrai pour les communautés francophones en situation minoritaire. Au Québec, la concentration de la population francophone a tout de même permis d'établir, au fil des ans, un éventail relativement important de services en français. Les chaînes Télé-Québec et ARTV en sont de bons exemples.
Hors Québec, la situation est tout autre. Dans bien des régions de ce pays, les services de télévision en français se limitent à un ou deux signaux: celui de Radio-Canada et, depuis qu'il a un statut national, celui de TVA. S'y ajoutent parfois, et je dis bien parfois, RDI, TV5 et quelques canaux francophones spécialisés comme MusiquePlus, le Réseau des sports et le Canal Famille, mais de façon très variable et selon la bonne volonté des câblodistributeurs.
La seule province à se démarquer un peu est l'Ontario qui bénéficie, avec TFO, d'un autre signal francophone et, qui plus est, d'un signal régional. Grâce à certains accords, plusieurs régions y ont également accès: au Nouveau-Brunswick, par exemple, et dans certaines communautés du Manitoba.
En passant, en Ontario, tous les systèmes de câbles donnent ou offrent TFO. Le reste, c'est par trois antennes: une à Hawkesbury, une à Sudbury et une autre quelque part dans le Nord.
Un bilan similaire pourrait être fait pour les services de radio, malgré le développement assez récent d'un réseau de radios communautaires. Et j'ajouterais, pour les services Internet, que non seulement les services accessibles sont restreints, mais qu'ils proviennent souvent de l'extérieur et ne véhiculent pas de contenu directement pertinent pour les communautés.
Cette situation apparaît donc extrêmement dommageable à l'épanouissement des communautés francophones dont l'existence, comme vous le savez par les recensements qui nous le rappellent régulièrement, est menacée par l'assimilation.
Je vous citerai à cet égard une remarque extraite de ma soumission au CRTC en août 2000: «Un déficit pour une langue signifie que certains de ceux qui peuvent la parler en utilisent une autre pour leurs communications quotidiennes». Ça, c'est commun au niveau des écoles et au niveau du travail: les francophones parlent anglais. Et on se demande pourquoi ils s'assimilent. C'est facile: il n'y a pas d'outils pour les encourager.
¿ (0945)
[Traduction]
C'est ce qui m'amène à réclamer depuis plusieurs années des actions concrètes et énergiques en faveur des communautés et non seulement des voeux pieux.
Ces actions pourraient suivre trois directions.
Premièrement, le CRTC constate dans son rapport que ce n'est pas tant la disponibilité des services que leur accessibilité qui fait présentement défaut aux communautés francophones. Il dit:
Il demeure que les francophones et les francophiles en milieu minoritaire n'ont toujours que très peu ou pas du tout accès à l'ensemble des services de radiodiffusion disponibles au Québec, à moins d'être abonnés à un service par SRD [Satellite de radiodiffusion directe]. |
Le CRTC fait beaucoup confiance au développement de la télévision numérique pour élargir le choix offert aux communautés francophones. Je ne rejette pas cette avenue, mais je crois qu'elle doit aussi s'accompagner d'une volonté politique beaucoup plus manifeste pour convaincre ou obliger les câblodistributeurs à offrir à leurs abonnés des bouquets de services de langue française plus riches et diversifiés.
Le cas de la Télé des Arts, AR-TV, toujours presque inaccessible hors Québec, est à cet égard révélateur.
[Français]
Il ne suffit pas que les communautés francophones aient accès à un plus grand nombre de signaux en langue française; encore faut-il qu'ils leur parlent et leur renvoient une image intéressante d'eux-mêmes: c'est la fonction même des médias. C'est là un des reproches que les représentants des communautés francophones adressent souvent à Radio-Canada, se disant peu concernés par les contenus fabriqués à Montréal. Un même reproche, évidemment, peut être fait à TVA.
J'ai essayé hier de savoir où en était rendue la production de TVA. J'en fus incapable. Je ne sais si vous avez des contacts meilleurs que les miens, mais j'ai appelé à TVA et on m'a dit que ce n'était pas disponible actuellement. Ça fait plusieurs années tout de même qu'ils ont une licence pour faire de la production régionale. Je n'en ai pas encore vu.
C'est pourquoi je suis porté à appuyer l'initiative de TFO, voyant là un modèle original de production et de diffusion de contenu émanant des communautés elles-mêmes. L'accueil que lui font les francophones du Nouveau-Brunswick démontre bien que c'est une voie à suivre. En s'appuyant sur cette expérience, je crois qu'il serait possible de concevoir un réseau national des francophonies canadiennes qui s'appuierait sur une coopération entre TFO, Télé-Québec et peut-être certaines provinces comme le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et l'Alberta.
Enfin, il faut se projeter dans l'avenir et prendre pied résolument dans le monde de l'Internet. Je souscris, à cet égard, aux nombreuses recommandations proposées par le Comité des langues officielles en souhaitant que, là aussi, ces propositions mènent à une action et ne se confinent pas à des discussions stériles au sein de comités multiformes.
La radiodiffusion est un domaine changeant au jour le jour. Je suis de ceux qui croient qu'il serait opportun d'inclure, dans la Loi sur la radiodiffusion, une clause crépusculaire, ce qu'on appelle en anglais sunset clause. Une date butoir de sept années serait défendable et permettrait d'ajuster la politique fédérale en matière de radiodiffusion.
Il serait également opportun que ce comité précise la notion d'intérêt public. En ce qui a trait à TFO, par exemple, c'est l'argument qu'on nous a donné. On nous a dit que ce n'était pas dans l'intérêt public d'accorder la demande de TFO. Je pense qu'il faut corriger cette anomalie qui fait que TFO est le seul réseau francophone provenant de l'extérieur du Québec qui soit coupé en grande partie de cette masse critique de francophones: son bassin naturel, en fait.
Les communautés francophones—et j'en suis—ont besoin de se parler, de se voir et de se comprendre. La mondialisation les affecte autant que la majorité.
Si vous avez des questions, il me fera plaisir d'y répondre. Je vous remercie.
¿ (0950)
Le président: Merci.
[Traduction]
Je tiens à rappeler aux membres du comité que la Chambre doit suspendre ses travaux aujourd'hui à 11 h 30. Nous avions prévu de siéger jusqu'à 13 heures. Nous avons deux possibilités, car nous avons été informés de cela à la toute dernière minute hier. Nous pouvons reporter l'audition de certains de nos témoins, mais nous ne voulions pas reporter leur comparution à la dernière minute car nous trouvions que cela n'aurait pas été juste envers eux. Par contre, nous nous trouvons dans l'obligation d'ajourner nos travaux à 11 h 30.
Voici donc ce que je propose aux membres du comité,
[Français]
et je veux leur demander leur collaboration, c'est qu'ils posent des questions à ce groupe-ci jusqu'à 10 h 15, et on pourrait ensuite entendre les trois autres groupes qui doivent être entendus.
[Traduction]
Si nous pouvions nous limiter à 25 minutes pour cette partie de la séance, nous aurions alors le temps d'entendre les trois autres groupes avant 11 h 30.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay--Columbia, Alliance canadienne): Merci pour vos exposés.
Il y a juste un mot que je ne connais pas, sénateur. Au paragraphe 9, à la page 3, on peut lire: «Une importante consultation a ainsi été menée à travers le Canada, permettant aux francophones—et aux francophiles—d'un peu partout...». Je ne connais pas le terme «francophiles». Vous pourriez peut-être m'éclairer. J'aimerais que vous me donniez une définition du mot «francophile» pour que je puisse comprendre exactement ce que vous dites à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Si la question m'est posée, je vais y répondre. C'est quelqu'un qui aime. «Phile» veut dire aimer. C'est quelqu'un qui connaît et aime la question francophone. C'est tout.
[Traduction]
M. Jim Abbott: D'accord, merci beaucoup. Je dois vous dire que j'ai déjà soulevé la question de TFO au comité. Je ne vais pas revenir là-dessus si ce n'est pour vous dire que je suis d'accord avec vous. Je crois que nous sommes exactement sur la même longueur d'onde en ce qui concerne la demande de TFO.
Madame Adam, vous avez proposé dans vos recommandations la mise en place d'un encadrement incitatif, et je vous ai également entendu parler de «considérations strictement commerciales» et d'un «financement adéquat des radiodiffuseurs communautaires». Pourriez-vous donner au comité une idée de ce que coûteraient ces mesures que vous proposez? Si nous alourdissons le fardeau financier des entreprises commerciales, il est clair que ces entreprises devront accroître leurs revenus en augmentant les tarifs pour les abonnés du câble ou des services par satellite, ou encore pour les annonceurs—ou enfin pour tous ceux dont elles tirent leurs revenus—ou bien le manque à gagner devra être pris directement dans la poche du contribuable canadien. J'ai des réserves au sujet des idées que vous mettez de l'avant, mais je ne m'aventurerai pas dans cette discussion. Je me demande simplement si vous avez établi ce qu'il en coûterait pour mettre en oeuvre vos recommandations.
Mme Dyane Adam: Non, ce n'est pas à la commissaire de faire tous ces calculs. L'important, c'est le principe que nous mettons de l'avant. Si nous voulons avoir une industrie solide qui reflète bien l'identité canadienne dans son contenu, il faut prévoir des incitatifs. Comme vous le savez, nous avons déjà de ces incitatifs, qu'il s'agisse de Téléfilm Canada qui finance des productions en anglais ou en français ou du gouvernement fédéral qui fait de même pour Internet. Nous subventionnons déjà la numérisation ou même la production de contenus canadiens, que ce soit au niveau privé, communautaire ou public.
Ce sur quoi je veux insister, c'est donc que la façon dont nous nous définissons influe sur l'éducation et le divertissement que nos enfants trouvent à la radio, à la télévision ou dans Internet. C'est ce qui façonne leur esprit et détermine qui ils sont. Nous devons veiller à mettre en place des mécanismes appropriés pour que leur esprit soit façonné avec ce qui nous tient à coeur en tant que Canadiens, avec ce qui fait notre identité et notre tissu social. Sinon, leur esprit sera modelé par d'autres contenus, d'autres réalités et d'autres schèmes de valeurs qui, s'ils sont excellents pour d'autres pays, ne sont pas nécessairement les nôtres.
¿ (0955)
M. Jim Abbott: Nous ne sommes pas ici pour nous engager dans un débat, alors ma question suivante ne doit pas être perçue comme le lancement d'un débat. Je me demande simplement, étant donné que tous les Canadiens ont le choix d'allumer leur téléviseur pour regarder une émission en particulier, si vous supposez qu'en obligeant le câblodistributeur ou un autre distributeur, pour qui cela entraînerait forcément des dépenses, à offrir des chaînes en anglais dans certaines régions du Québec où l'on entend rarement parler anglais, ou des chaînes en français dans certaines régions rurales ou de l'Ouest ou encore du Canada atlantique où l'on entend rarement parler français, les gens dans ces régions vont d'eux-mêmes allumer la télévision pour regarder des émissions dans une langue qu'ils ne comprennent pas. J'essaie simplement de comprendre ce qui arriverait dans votre monde, car votre vision du monde ne semble pas correspondre à la mienne.
Mme Dyane Adam: Dans votre vision du monde, vous semblez diviser le pays en deux éléments opposés: ceux qui vivent dans certaines régions du pays qui seraient francophones unilingues et ceux qui vivraient dans d'autres régions du pays qui seraient anglophones unilingues. Or, la réalité est tout autre. Le Canada devient de plus en plus bilingue et plus multilingue aussi.
Il est donc important que nous donnions à tous les Canadiens, où qu'ils vivent, la possibilité de préserver leur langue, de s'informer sur ce qui se passe dans leur pays, au Québec, par exemple, ou en Colombie-Britannique, dans les deux langues officielles, et dans la langue dans laquelle ils se sentent le plus à l'aise. Les chaînes ne sont pas simplement une question de langue, mais de communication et d'information véhiculée par une culture en particulier. Chacune a une empreinte. Si donc on écoute une traduction d'une émission américaine, par exemple, je peux vous assurer que, même si cette émission est en anglais, elle véhicule non pas la culture canadienne, mais bien la culture américaine.
Je soutiens que les Canadiens sont de plus en plus bilingues. J'attends avec impatience les données du prochain recensement, car il y aura sans doute un accroissement.
Vous avez parlé de choix, mais il n'y a pas de choix quand on n'a aucun contenu canadien qui est offert aux téléspectateurs dans les deux langues officielles.
M. Jim Abbott: Merci.
[Français]
Le président: Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Disons que c'est un enjeu important. Ayant fait un voyage dans l'Ouest canadien, en l'occurrence en Saskatchewan, j'ai aussi été interpellée par la situation des francophones de la Saskatchewan.
M. Gauthier disait tout à l'heure qu'on reprochait souvent à Radio-Canada le fait que les communautés francophones ont peu de contenu du milieu, mais qu'elles en ont beaucoup de Montréal et qu'elles sont en manque. On pourrait dire la même chose à Radio-Canada. Souvent, on a les mêmes critiques au Québec. On écoute parfois des nouvelles qui viennent de l'Alberta, sur la quotidienneté des gens, et les gens nous disent souvent qu'ils aimeraient mieux avoir de la programmation locale.
Je pense que c'est l'un des aspects de la loi. On a peu de nouvelles régionales ou locales. Souvent les têtes de réseaux nous envoient leurs émissions. Au Québec, on a moins de nouvelles venant du Québec ou de nos régions, mais on a des nouvelles qui viennent de l'extérieur du Québec. Ça, c'est une plainte qu'on a entendue au Québec aussi.
Je peux comprendre que pour les communautés francophones hors Québec, il est important d'avoir non seulement de la diffusion en langue française, mais aussi de la production qui vienne et qui parle d'eux. C'est ce que les groupes francophones nous ont dit dans l'Ouest. Ils voudraient avoir une programmation qui soit faite par eux, qui exprime ce qu'ils vivent et des émissions dans lesquelles les gens peuvent se retrouver. Je pense qu'il faudrait un moyen coup de barre pour permettre une telle programmation, une telle production, pour qu'il y ait des artistes et des techniciens qui y travaillent. C'est un peu la réalité que vit la communauté francophone en Saskatchewan.
Je ne sais pas si M. Gauthier est d'accord avec moi, mais il faudrait, et pas seulement pour les francophones hors Québec, que la programmation soit beaucoup plus régionale et beaucoup plus en lien avec la réalité des différentes communautés.
À (1000)
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: La production régionale était avec nous il y a déjà sept ou huit ans. Les coupures à Radio-Canada ont fait qu'on a scindé, éliminé, réduit la production régionale à la moitié de ce qu'elle était.
Je dois vous avouer que je me sens colonisé face à Montréal quand je regarde Radio-Canada. Et quand je regarde CBC, je me sens colonisé face à Toronto. Je vois rarement ce qui arrive aux Franco-Ontariens, à moins de regarder TFO qui, elle, a une équipe de production régionale.
Imaginez-vous l'Acadien qui n'a pas de télévision éducative, qui dépend de Radio-Canada. Dans bien des cas, c'est récent. La couverture ne s'est pas faite dès le commencement; elle s'est faite à coups d'arguments et à coups de pressions.
On a une difficulté, nous, les minorités. On est tout de même un million, pour répondre à la question que M. Abbott a posée plus tôt. Il y a un million de francophones, mais il y a peut-être un million et demi de francophiles, de gens qui parlent français mais qui ne sont pas nécessairement des francophones d'origine. On a besoin d'une radio ou d'une télévision nationale qui va aider, qui va permettre aux jeunes, en particulier, de se voir, de se parler, de se comprendre. Si on ne fait pas cela, on manque le bateau.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Honorables collègues du comité mixte, madame Adam et vos collaborateurs, soyez les bienvenus.
Madame Adam, dans votre troisième recommandation, vous proposiez des alliances. Or, M. Gauthier propose la même chose à la page 10, et je sais que lorsqu'on va entendre la FCFA, elle va nous proposer, je pense, de créer un réseau national de la francophonie canadienne. Ça va sûrement prendre des sous et ça va sûrement aussi prendre de la volonté de la part des diffuseurs et des producteurs.
Est-ce que vous vous attendez à ce que M. Dion mette cela dans son plan global, compte tenu que la communication est probablement ce qu'il y a de plus important pour les communautés francophones vivant un peu partout au Canada?
À (1005)
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Oui, je m'attends à ce que M. Dion soit sensible à cette demande, à ce besoin essentiel à l'existence des francophones hors Québec. Les Québécois vont prendre soin d'eux-mêmes car ils sont la majorité chez eux, mais si on veut encourager les francophones hors Québec à continuer de parler français, il va falloir leur donner les institutions dont ils ont besoin. La télévision, la radio, les communications sont essentielles à l'existence de ces communautés.
Mme Dyane Adam: Pour ajouter à ce que le sénateur Gauthier a dit, en ce qui me concerne, je pense qu'il est effectivement important de fournir aux communautés minoritaires de langue officielle—on parle surtout de la francophonie dans ce cas-ci—des télévisions et des radios qui leur ressemblent et qui parlent d'eux. Je pense que vous l'avez tous mentionné et que vous êtes tous d'accord. Et il faut plus d'un choix, pas seulement un canal, n'est-ce pas?
On parle d'alliances. C'est sûr qu'il serait souhaitable qu'il y ait un échange beaucoup plus grand entre les communautés minoritaires et la communauté québécoise, parce qu'il y a un besoin de rayonnement de la francophonie canadienne. Il y a un besoin d'établir des liens et des ponts entre les communautés minoritaires. Et, comme l'a mentionné le sénateur, le Québec, qui regroupe la plus grande communauté francophone, est toujours quand même une minorité au niveau du continent et au niveau du pays.
Alors, il est bien important qu'on ait ces liens et ces réseaux et qu'on établisse aussi, bien sûr, une expertise.
Une voix: Du gouvernement.
Mme Dyane Adam: C'est exact.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Est-ce que je peux ajouter...
Le président: Brièvement, sénateur Gauthier.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: J'aimerais ajouter un petit rappel. Les autochtones ont déjà un réseau national. Les femmes ont un réseau national. Je ne dis pas que les francophones sont un réseau de spécialité, mais ils sont tout de même un des peuples fondateurs de ce pays, et je pense qu'il faut faire attention à l'existence des communautés francophones à travers tout le Canada.
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): Ça me laisse un peu perplexe quand vous dites que le CRTC a refusé la chaîne TFO en disant que ce n'était pas d'intérêt public. Pourriez-vous élaborer un peu là-dessus? Je trouve cela un peu incroyable. Et lorsque vous parlez de définir l'intérêt public, comment voyez-vous cela?
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: La question est intéressante. J'ai essayé, hier ou avant-hier, d'obtenir du CRTC qu'il me dise ce qu'il entend par «intérêt public». On m'a dit ne pas avoir de définition. Je leur ai fait remarquer qu'ils avaient utilisé cela dans le cas de TFO comme argument final. Ils ont dit que ce n'était pas dans l'intérêt public d'accorder cette demande à TFO, d'obliger les câblodistributeurs du Québec à offrir le signal TFO. Remarquez bien qu'on dit «offrir»; c'est facultatif. Je leur ai dit que je ne comprenais pas, que j'avais mis de l'argent de ma poche là-dedans, que j'étais allé à la Cour fédérale, à la Cour suprême et qu'on ne m'avait pas écouté, qu'on ne m'avait pas entendu, qu'on n'avait pas voulu m'entendre parce que ce n'était pas dans l'intérêt public. Alors, je leur ai dit que c'était à eux de définir ce qu'est l'intérêt public puisque le radiodiffuseur, le chef, le big boss, comme on dit chez nous, le CRTC, avait utilisé cela comme argument. Je leur ai dit de définir pour moi ce qu'ils voulaient dire. Je comprends ce que veut dire «intérêt national», mais je ne comprends pas ce que veux dire «intérêt public». Comprenez-vous?
À (1010)
M. Claude Duplain: Donc, est-ce qu'on ne devrait pas plutôt employer le terme «intérêt national» plutôt qu'«intérêt public» et définir ce qu'est l'intérêt national en ce qui a trait aux langues et au respect des minorités?
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est une discussion qui peut durer longtemps, beaucoup plus que l'avant-midi, pour en arriver à une conclusion, mais je pense que si le terme est utilisé ou que si l'on dénonce le fait que «intérêt public» est utilisé par le CRTC pour refuser une demande de TFO de diffuser par la voie des câblodistributeurs, ils auront besoin d'une définition claire et précise afin que je puisse me défendre là-dedans. Les tribunaux ne veulent pas ouvrir ce débat parce que les politiciens ne se sont pas entendus sur ce que veut dire «intérêt public». Alors, je pose la question. C'est ma job de poser des questions et d'essayer d'obtenir des réponses. J'en pose une au président et j'en pose une au comité. Qu'est-ce que veut dire «intérêt public»? Pensez-y. Ça veut dire bien des choses.
M. Claude Duplain: À la lumière de vos études et de vos recherches, est-ce que la difficulté de diffusion dans les langues minoritaires vient de la réglementation ou si elle vient plutôt des intérêts économiques de ceux qui font cette diffusion?
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je vais vous donner mon point de vue. Je considère que le CRTC a été soumis à des intérêts commerciaux dans ses décisions, surtout en ce qui a trait à TFO. Il a écouté les gros câblodistributeurs du Québec: Vidéotron, COGECO, etc. Ce n'était pas dans leur intérêt. Ce n'est pas payant, TFO: il n'y a pas de sexisme, il n'y a pas de violence et c'est fait en français. Plus encore, il n'y a pas de publicité. Donc, ce n'est pas très payant, mais c'est une chaîne française. D'après moi, la décision du CRTC au sujet de TFO va porter un coup très dur à TFO, peut-être même la faire disparaître. Si on ne peut pas aller dans les autres provinces, si on nous dit de rester chez nous, de ne pas venir les achaler...
La masse critique des francophones au Canada est au Québec. J'ai besoin, moi, de me sentir à l'aise. J'ai besoin qu'ils me comprennent. Quand je vais au Québec, ils disent: «Vous parlez français, monsieur Gauthier.» Je leur réponds que oui, qu'on est plus d'un million de francophones hors Québec à parler français. Ils ne savent pas qu'on existe. Il y a des francophones partout au Canada, mais la masse critique est au Québec, et je voudrais avoir accès à cette masse critique pour parler à ces gens, pour les voir, pour dialoguer, comme je le fais avec Sauvageau régulièrement.
Le président: Je voudrais remercier Mme Adam, ses collègues et le sénateur Jean-Robert Gauthier pour leur présentation ici aujourd'hui. Nous sommes très heureux que vous ayez pu nous éclairer sur vos points de vue.
J'invite maintenant l'Association canadienne-française de l'Ontario, la Coopérative radiophonique de Toronto et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada à se présenter.
À (1013)
À (1016)
Le président: Nous voudrions souhaiter la bienvenue à l'Association canadienne-française de l'Ontario, représentée par M. Jean-Marc Aubin, président de l'ACFO provinciale, ainsi qu'à la Coopérative radiophonique de Toronto, représentée par M. Christian Martel, président, et à la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, représentée par M. Georges Arès, président, M. Richard Barrette, directeur général, et M. Robin Cantin, directeur des communications. J'invite d'abord M. Jean-Marc Aubin à prendre la parole.
M. Jean-Marc Aubin (président de l'ACFO provinciale, Association canadienne-française de l'Ontario): Bonjour, monsieur le président. Merci bien de nous écouter ce matin. Merci aussi aux autres membres du comité qui sont ici présents. Je sais que c'est une journée historique à cause des événements internationaux annoncés ce matin et qu'il y a beaucoup de choses qui se passent. Je vais donc essayer d'être bref.
D'abord, je dois vous indiquer qu'au mois d'août de l'an 2000, l'Association canadienne-française de l'Ontario a préparé un mémoire assez complet après avoir fait beaucoup de recherche. Pour des raisons hors de notre contrôle, on a dû remettre à plusieurs reprises l'étude de ce mémoire. On a donc dû le réviser. Ce que je vais vous présenter ce matin est une synthèse de ce mémoire dans le contexte qui prévaut à peu près deux ans plus tard.
Ce mémoire sur la diffusion de la langue française en Ontario, intitulé Accessibilité aux médias électroniques de langue française en Ontario, avait été déposé en l'an 2000. En effet, depuis le dévoilement du rapport public sur les services de radiodiffusion en milieu minoritaire le 12 février 2001, le CRTC n'a pas réussi à instituer les mesures correctives que l'on estime essentielles à l'amélioration des services de télédiffusion et de radiodiffusion en langue française. Je vous soumets donc ce matin les questions qui nous préoccupent toujours.
J'aborde d'abord la question de l'accessibilité des services de radiodiffusion en français en Ontario. Le système numérique offre aux câblodistributeurs de l'Ontario l'occasion d'augmenter le nombre de canaux français pour les abonnés francophones et francophiles. La réglementation mise en place par le CRTC à l'automne 2001 exige que les câblodistributeurs offrent leurs services à des degrés différents sans égard au nombre de francophones qui habitent les zones où ils offrent le système numérique.
Les câblodistributeurs de partout au Canada qui utilisent un système supérieur ou égal à 750 MHz sont contraints d'offrir toutes les chaînes spécialisées en français qui sont techniquement disponibles. Les minorités francophones de l'Ontario sont capables de s'offrir les canaux disponibles dans leur langue s'ils possèdent des décodeurs numériques. L'ACFO est satisfaite de ce changement qui permet aux francophones d'obtenir les canaux de leur choix. Toutefois, son souci par rapport à cette décision est qu'il faut payer davantage pour avoir des services en français. Les abonnés doivent également acheter ou louer un décodeur. L'adaptation à la nouvelle technologie est un défi de taille pour tous les abonnés, mais surtout pour les personnes âgées.
Les câblodistributeurs qui utilisent un système numérique avec une largeur de bande inférieure à 750 MHz sont obligés d'offrir une chaîne spécialisée francophone pour 10 canaux de langue anglaise hors Québec. Or, la plupart des câblodistributeurs des petites communautés fonctionnent avec une largeur de bande restreinte. En réaction à cela, l'ACFO provinciale soutient que le CRTC ne tient pas compte des besoins des petites communautés francophones. On sait que dans les communautés comme Hearst, par exemple, qui compte 84 p. 100 de francophones, les abonnés au câble ne reçoivent que 10 stations francophones sur les 60 stations de télévision disponibles. L'ACFO réclame donc qu'une politique favorisant les communautés francophones rurales soit développée par le CRTC afin de fournir à celles-ci un meilleur accès aux canaux.
À (1020)
Le règlement ne tient pas compte de l'importance des petites communautés qui sont de langue minoritaire, mais où la proportion de francophones est élevée. Soit dit en passant, plusieurs de ces petites communautés sont en voie de disparition pour des raisons économiques. C'est souvent aussi pour des raisons économiques qu'elles n'ont pas accès à des services auxquels elles devraient avoir droit.
La mise en place d'un système numérique exige la participation des abonnés. En effet, le système numérique donne un choix accru de canaux aux abonnés. Par conséquent, il y a une possibilité pour les francophones ou francophiles de choisir des canaux en français. Mais qui se charge de faire la promotion d'un système numérique en français?
L'ACFO provinciale croit que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans ce domaine, étant donné que l'article 41 nous permet de nous attendre à ce qu'il protège nos communautés et fasse la promotion de leur épanouissement. C'est un exemple frappant dans ce contexte.
Le gouvernement fédéral devrait créer un organisme permanent ayant pour mandat la promotion du système numérique, aussi bien en français qu'en anglais. L'ACFO provinciale est prête à donner son appui à une agence qui informerait les Franco-Ontariens de l'occasion qui leur est offerte de se procurer davantage de canaux spécialisés en français.
Un grand nombre de téléspectateurs ignorent, en fait, les choix multiples que le système numérique met à leur portée. Cette promotion s'impose car les gros câblodistributeurs se contentent depuis longtemps de n'offrir en français que les canaux obligatoires et font très peu de publicité pour les canaux disponibles en français. De plus, la communication avec leurs abonnés est presque exclusivement en anglais.
C'est ce qui arrive, comme on a pu s'en apercevoir récemment, tant au niveau provincial que fédéral, quand il y a dévolution. Et la dévolution à laquelle je fais allusion ici est la dévolution des engagements des gouvernements, des engagements de la part de gouvernements qui citent à profusion la loi qui assure une protection aux langues minoritaires de ce pays et qui s'engagent à faire la promotion des droits et des acquis, mais jusqu'à ce que ces engagements soient dévolus par contrat à quelqu'un d'autre. Jusqu'à ce point, tout était correct ou semblait correct. Mais du moment qu'on s'en départit, il se produit ce genre d'exemple où la communication ne se fait plus que dans l'autre langue.
La position des canaux offerts en français est toujours au sommet de la grille dans le système analogique. La station RDI, à Toronto, se trouve au canal 73, alors que son pendant anglophone Newsworld est au 26. Il en est de même pour le canal TV5 qui peut être capté au 59. Les canaux étrangers en provenance des États-Unis sont généralement mieux placés que les canaux canadiens de langue française.
Voilà qui nous porte à poser une question. Selon la conception que se fait le CRTC de ses obligations envers les minorités, est-ce que l'argent des câblodistributeurs doit assurer un profit à des Américains et est-ce que cela passe avant la protection de la minorité linguistique, étant donné ce qu'on permet à ces gens-là de faire? En d'autres mots, les clients qu'on favorise sont totalement ignorants de la réalité des minorités linguistiques du Canada.
À (1025)
En attendant de sensibiliser les abonnés à l'importance du numérique, les francophones de l'Ontario devront poursuivre leurs efforts pour tenter de convaincre les câblodistributeurs de mieux placer les chaînes de langue française sur le spectre analogique.
L'ACFO provinciale réclame du CRTC des mesures concernant le blocage des chaînes francophones dans les immeubles d'habitation au détriment des circuits internes.
Des hôtels utilisent également un canal normalement réservé à une antenne francophone pour diffuser autre chose. Il faut se demander si la protection de la minorité linguistique francophone a toujours son importance. Quand il est question comme ici d'argent, d'immeubles, d'hôtels ou de câblodistributeurs, on est en droit de se demander si le respect de cette minorité linguistique existe encore dans ce contexte.
Ces exemples ne concordent pas vraiment avec ce qu'on aimerait croire quand on se porte à la défense de notre pays, à savoir qu'on est bien comme minorité au Canada. Il faut se poser des questions devant ce genre d'exemples. Elles sont légitimes.
En ce qui concerne la radio communautaire francophone en Ontario, la programmation à l'échelle locale de la Société Radio-Canada est pauvre, comme on l'a dit ce matin. Elle est même squelettique en Ontario français. De plus, les grèves qui secouent de façon périodique la SCR n'arrangent pas la situation et démontrent à quel point la programmation est concentrée dans les grands centres.
Quant aux radios universitaires, elles sont toujours inexistantes ou presque. Certaines stations produisent des émissions ici et là dans la province, mais on ne peut pas dire que cette radio occupe une place importante dans la francophonie ontarienne.
La radio communautaire vient répondre à des besoins particuliers en région. Son rôle est même essentiel. Il y a quatre stations francophones communautaires en Ontario. Elles sont situées à Hearst, Kapuskasing, Penetanguishene et Cornwall et elles sont chapeautées par le Mouvement des intervenants et intervenantes en communication radio de l'Ontario, l'organisme appelé MICRO.
Cependant, il n'y a aucune radio communautaire à Toronto. L'ACFO de Toronto et la Coopérative radiophonique de Toronto tentent depuis plusieurs années d'obtenir une radio pour la communauté francophone de Toronto. Le nombre qu'on a cité dans notre mémoire n'est plus valable. On entendra le nombre réel tout à l'heure, qui est d'environ 140 000 à 150 000, et le nombre de la commissaire aux langues officielles est encore beaucoup plus élevé que cela, à cause de changements démographiques dans cette région.
L'ACFO provinciale a demandé au CRTC de réviser sa plus récente décision de ne pas octroyer une fréquence à la Coopérative radiophonique de Toronto. On verra ce que ça donnera.
La décision prise en 2000 par le CRTC, à laquelle faisait allusion l'honorable Jean-Robert Gauthier ce matin, de refuser la diffusion obligatoire de TFO au Québec, sur un volet analogique facultatif, est une décision surprenante; l'ACFO provinciale ne comprend tout simplement pas le raisonnement du CRTC jusqu'à ce jour.
Il est difficile de comprendre pourquoi le CRTC reste sur ses positions. Sur ce sujet, l'ACFO cite les mêmes exemples que le sénateur Jean-Robert Gauthier en ce qui a trait à l'étude qui a été faite et aux pourcentages de gens qui étaient en faveur de cela. Malgré tout cela, on n'a pas réussi.
À (1030)
Le président: Est-ce que je peux vous demander combien de temps encore va durer votre intervention? Il faut donner une chance à vos collègues.
M. Jean-Marc Aubin: Oui, monsieur. Nous croyons que le CRTC doit intervenir pour régler l'accès difficile aux chaînes francophones, le blocage des canaux francophones dans les immeubles à logement et la présentation strictement en anglais des sites Internet des câblodistributeurs.
Le système analogique est encore très important pour les francophones de l'Ontario, surtout dans les milieux ruraux qui sont assujettis à des contraintes technologiques.
Je vais m'en tenir à cela pour le moment, monsieur le président. Merci beaucoup.
Le président: Je regrette d'avoir à accélérer les choses, mais, malheureusement, nous sommes soumis à ces contraintes aujourd'hui.
Monsieur Martel.
M. Christian Martel (président, Coopérative radiophonique de Toronto): J'aimerais remercier les membres du comité de m'avoir invité à présenter ce discours de la dernière chance pour la communauté franco-torontoise. Depuis plus de 13 ans, et avec 400 autres personnes, je donne de mon temps bénévolement à Toronto afin d'arriver à mettre sur pied une radio communautaire francophone qui parle de nous et qui soit administrée par les membres de la communauté.
Dans mon mémoire, j'explique brièvement que c'est en 1988, alors qu'on apprenait qu'il ne restait qu'une seule fréquence FM à Toronto, que la communauté franco-torontoise s'est organisée pour la première fois et s'est intéressée à la radiodiffusion.
C'est au mois de mai 1989, il y aura bientôt 13 ans, qu'on a soumis un mémoire au CRTC. C'est loin d'être le seul mémoire que l'on a présenté. Le message contenu dans notre mémoire de 1989 était le suivant: le CRTC doit réserver la dernière fréquence FM aux francophones de Toronto. Depuis 1991, ça fait cinq diffusions temporaires que nous menons. Ceci a permis à plus de 400 personnes de participer à des émissions et de parler de leurs besoins et de leurs préoccupations. On compte maintenant 22 interventions auprès du CRTC, qu'il s'agisse de mémoires, de lettres ou d'oppositions à d'autres demandes, cela en 13 ans d'existence.
Notre mémoire souligne le fait que plusieurs livres parlent du phénomène de l'assimilation en Ontario et, plus particulièrement, dans la plus grande ville du Canada. Cette assimilation a des conséquences malheureuses qui seront irréversibles et irrémédiables si le gouvernement canadien ne nous aide pas à rehausser la visibilité et la qualité de notre belle langue et de son expression musicale grâce à un média de masse.
Le taux d'assimilation, calculé par le transfert linguistique et tel qu'il a été enregistré par Statistique Canada en 1996, se situe à 63 p. 100 pour la région de Toronto et à 41 p. 100 pour l'ensemble de l'Ontario.
Le poids démographique des francophones diminue chaque année et la disparition de la langue française nous guette tous les jours. La communauté francophone de la plus grande métropole du Canada est invisible et inaudible en raison d'un manque de moyens ou de tribunes. Dans le mémoire que l'on a présenté au comité, on parle de la notion d'équité: équité des moyens et équité d'accès aux ondes publiques.
Lorsque l'on compare la communauté de langue officielle minoritaire de la ville de Montréal à l'autre communauté de langue officielle de la ville de Toronto, on remarque qu'on dispose, à Montréal, de 10 services radiophoniques dans la deuxième langue officielle alors qu'à Toronto, on n'en a qu'un seul, soit le service de Radio-Canada. On est en droit de se demander si le CRTC a bien fait son travail d'organisme qui travaille pour le bien public. On en a parlé plus tôt avec l'honorable sénateur Gauthier.
Plusieurs membres de notre communauté nous avouent qu'ils ont passé plusieurs années sans savoir qu'il existe 1 185 organismes désignés pourvoyeurs de services en français à Toronto et sans découvrir qu'il y a une gamme variée d'activités qui se déroulent en français à Toronto. La communauté francophone est une communauté d'accueil pour les quelque 1 200 nouveaux arrivants qui débarquent à Toronto sans maîtriser l'anglais. Combien d'entre eux s'assimilent pourtant à la communauté anglophone?
Comment les services de radiodiffusion en langue anglaise disponibles à Toronto font-ils valoir le point de vue des femmes, des enfants et des personnes âgées, ainsi que le caractère multiracial et multiculturel des francophones de Toronto? Qu'est-ce que la Loi sur la radiodiffusion peut faire pour nous aider à changer cette situation?
Plus de 92,9 p. 100 des 700 Torontois interrogés lors de nos études de marché estiment qu'une radio communautaire de langue française correspond à un besoin réel et criant de la communauté.
Il y a une dichotomie bien flagrante qui existe. Un francophone qui vit, travaille et s'épanouit à Toronto est de loin mieux informé de ce qui se passe au Québec ou en Outaouais que de ce qui se passe dans sa propre communauté. Une étude récente sur le contenu des médias écrits de langue anglaise a démontré que les médias anglophones ne parlent jamais de la minorité francophone qui vit à l'extérieur du Québec. Par contre, ces mêmes médias rapportent les prises de positions et les points de vue des dirigeants de la communauté anglophone minoritaire partout au Canada. Il y a donc un manque d'équité flagrant.
À (1035)
On a parlé du rapport du CRTC sur les communautés francophones, dont une seule des recommandations parle de la radio communautaire. Je vais vous la citer parce qu'elle est très important pour vous:
Dans le contexte actuel, le Conseil devra continuer à s'assurer que l'attribution de toute nouvelle fréquence constitue, dans l'intérêt public, la meilleure utilisation possible de cette fréquence. Conséquemment, il devra continuer à tenir compte des situations concurrentielles là où la demande est beaucoup plus forte que la disponibilité de fréquences, notamment dans les grands centres urbains. Toutefois, comme l'ont signalé la Société Radio-Canada et l'ARC du Canada, le gouvernement fédéral peut décider de réserver des fréquences à des fins particulières, comme l'article 26 de la Loi de la radiodiffusion lui en donne le pouvoir. Ainsi, le gouvernement peut donner des instructions au CRTC en ce qui touche: le nombre maximal de canaux ou de fréquences pour l'utilisation desquels des licences peuvent être attribuées dans une région donnée; les canaux ou les fréquences à réserver à l'usage de la Société ou à toutes fins particulières. |
Donc, mesdames et messieurs, vous êtes les seuls à avoir le pouvoir de réserver des fréquences pour une utilisation particulière.
Notre mémoire fait précisément cette recommandation de réserver des fréquences aux communautés francophones minoritaires, surtout dans les grandes villes canadiennes, pour rencontrer l'esprit de la Charte des droits, qui parle d'aider au développement dont jouit la majorité.
Le principe d'équité se pose également au niveau du financement, et c'est une autre recommandation que nous faisons. Le Parlement canadien devrait mettre sur pied un fonds de programmation communautaire ou simplement prendre un pourcentage, même minime, du Fonds de production des câblodistributeurs canadiens pour augmenter la programmation qui reflète les communautés minoritaires.
La tendance à la déréglementation qu'ont entamée le CRTC et plusieurs pays du G-8 est inquiétante. J'ai même une citation de Jean-Claude Leclerc, professeur de journalisme à l'Université de Montréal, qui dit: «Les médias communautaires [...] sont pour la plupart menacés d'extinction.» Il faut donner aux communautés le moyen de développer leurs modes d'expression et de combattre la mondialisation en favorisant la programmation locale, ce que seuls les médias communautaires sont aptes à faire.
J'ai un exemple précis à vous donner pour illustrer ce propos. Le 3 octobre dernier, au cours d'une présentation faite devant le CRTC, nous suggérions d'apporter un changement à la réglementation touchant les détenteurs actuels de licences, afin de permettre d'ajouter des fréquences à Toronto sur le troisième «adjacent», ce qui est un terme technique, à condition que les émetteurs soient en colocation. Cela permettrait de libérer des espaces pour de nouveaux services dont pourraient jouir plusieurs groupes sous-desservis comme le nôtre.
Après une étude d'Industrie Canada qui a duré près d'un an, une seule fréquence sera en compétition lors du prochain appel du CRTC, dans la région de Toronto, même si une étude faite par la firme Imagineering Ltd. de Toronto, commandée par le CRTC, suggérait que 10 nouvelles fréquences étaient possibles à Toronto.
Comme nous l'avons suggéré dans notre conclusion, seules des précisions apportées à la Loi sur la radiodiffusion pourraient conduire le CRTC à mieux interpréter les obligations du gouvernement fédéral et à aider ainsi les minorités de langue officielle en dehors du Québec.
Merci de votre attention.
À (1040)
Le président: Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: M. Arès n'est pas là?
Le président: Ah, oui! Excusez-moi, monsieur Arès, je vous en prie. Heureusement qu'il y a des gens pour me rappeler à l'ordre. Alors, c'est à vous, monsieur Arès. Allez-y.
M. Georges Arès (président, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada): Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, bonjour.
Laissez-moi d'abord vous remercier de nous recevoir aujourd'hui pour parler de radiodiffusion en langue française. Il s'agit d'un dossier d'une grande importance pour les communautés francophones et acadienne. C'est pourquoi la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada est intervenue à de multiples reprises dans ce dossier au cours de ses 27 ans d'existence.
Je ne veux pas revenir ici en détail sur la structure des médias électroniques francophones de l'extérieur du Québec, dont vous avez déjà entendu parler. Le rapport du CRTC sur les services de radiodiffusion de langue française en milieu minoritaire, Vers un avenir plus équilibré, trace un portrait de nos médias qui nous semble fidèle. Ce rapport passe cependant sous silence un élément essentiel: le rôle que le CRTC doit jouer dans le développement et l'épanouissement des communautés francophones et acadienne.
Vous avez déjà abordé à quelques reprises la multiplication des canaux spécialisés de télévision et ses implications pour l'avenir. Nos communautés sont actuellement en train de s'initier à ce nouvel univers de la télévision, avec l'arrivée d'une dizaine de chaînes spécialisées de langue française, c'est-à-dire celles dont l'entrée en ondes n'a pas été repoussée. Il y a lieu de s'en réjouir, mais il ne faudrait pas y voir une solution à l'ensemble des problèmes de nos communautés dans le domaine de la radiodiffusion.
Les réseaux nationaux ont des objectifs différents des chaînes spécialisées et ils sont particulièrement importants. Les chaînes spécialisées sont certainement utiles. Par exemple, les chaînes pour les enfants et les jeunes nous permettent d'offrir un environnement plus francophone à nos enfants. Cependant, elles ne peuvent pas remplacer un réseau de télévision national de langue française. Un tel réseau est à la fois un miroir dans lequel une communauté peut se reconnaître, un accès aux autres communautés francophones à l'extérieur du Québec, une vitrine servant aux communautés francophones en milieu minoritaire à se faire connaître auprès des francophones du Québec et des francophiles partout au Canada, un moyen d'intégration des nouveaux arrivants francophones et francophiles au Canada, et un rayonnement de la vitalité de la francophonie canadienne à l'étranger.
Une chaîne spécialisée ne peut remplir qu'un ou deux de ces rôles. Il en va de même pour nos médias locaux telles la télé communautaire et les stations de radio privées. Ce sont des instruments de développement communautaire importants mais restreints au niveau du contenu. Depuis que la télévision et la première chaîne de Radio-Canada peuvent être captées par presque tous les francophones du pays, nous avons une chaîne nationale. On la critique beaucoup, souvent avec raison. Radio-Montréal, comme on l'appelle parfois dans nos communautés et dans certaines régions du Québec, doit continuer à changer pour mieux refléter la réalité des francophones de tout le pays.
Néanmoins, elle est un lien important entre nos communautés. Est-ce qu'un réseau autre que Radio-Canada peut refléter la réalité canadienne-française? Pour reprendre l'un des thèmes souvent abordés lors de vos travaux, le secteur privé peut-il remplacer la télévision et la radio publiques? À l'heure actuelle, il existe certaines initiatives intéressantes, comme celle du réseau TVA, mais les dirigeants de cette chaîne sont les premiers à reconnaître que desservir des communautés souvent très dispersées pose des défis particuliers à une entreprise commerciale pour qui le critère de rentabilité est primordial. Il n'en reste pas moins que TVA n'a pas la même vocation et les mêmes responsabilités que le réseau public.
Le financement public de Radio-Canada lui permet d'atteindre des marchés francophones que l'entreprise privée a tendance à voir comme marginaux, et d'en assurer la couverture par un journaliste ou un vidéaste. Son mandat, même si on doit le lui rappeler de temps à autre, est de desservir en français l'ensemble du Canada: une mission rendue possible par l'appui des contribuables canadiens.
Quant à une chaîne de télévision nationale qui serait spécifiquement axée sur les communautés francophones et acadienne du Canada, cela est un projet intéressant qui mérite un sérieux travail d'analyse pour identifier les avantages d'avoir un tel réseau. Une étude à ce sujet sera d'ailleurs faite, à la demande du sénateur Jean-Robert Gauthier, par le Comité sénatorial des transports et des communications.
À (1045)
Pour conclure sur ce point, avant de passer au CRTC, mesdames et messieurs et membres du comité, vu l'importance d'un réseau national public, je vous demande de confirmer Radio-Canada dans son mandat national et de recommander qu'elle bénéficie d'un financement public accru et stable pour lui permettre de remplir sa mission de refléter adéquatement toutes les communautés francophones du pays. La volonté d'agir vient souvent avec les moyens d'agir.
Au cours des 10 dernières années, certaines décisions du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes ont suscité un débat sur son engagement à l'égard des communautés francophones en milieu minoritaire. Comme les autres intervenants de ce matin vous l'ont souligné, nos communautés ont subi maints refus devant le CRTC récemment. On pense entre autres à la décision de ne pas accorder à TFO la diffusion de son signal au Québec, au refus du CRTC d'accorder une licence pour un projet de radio communautaire francophone à Toronto et aux problèmes de la chaîne culturelle de Radio-Canada afin d'obtenir une licence à Vancouver. Ces décisions ont été prises malgré les dispositions concernant le développement des minorités de langue officielle contenues dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles et l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion.
Avec les nouvelles technologies permettant l'accès à des centaines de canaux de télévision et de radio, il devient plus que jamais impératif pour le CRTC de tenir compte des besoins particuliers des communautés francophones et acadienne. Il nous apparaît évident que l'engagement du CRTC à l'égard de nos communautés doit être accentué. Le CRTC doit reconnaître qu'il a des responsabilités envers nos communautés.
La Loi sur les langues officielles reconnaît, dans sa partie VII, l'engagement du gouvernement fédéral et de ses ministères et institutions à favoriser l'épanouissement des minorités francophone et anglophone du Canada et à appuyer leur développement ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. La loi reconnaît ainsi clairement l'existence des deux communautés et de leurs droits.
Certaines personnes au CRTC prétendent que l'organisme n'est pas une institution au sens de la Loi sur les langues officielles, ou que la portée de la loi se limite à la prestation de services dans les deux langues officielles. Nous ne sommes évidemment pas d'accord sur cette interprétation. Pourquoi exigerait-on moins de l'organisme qui réglemente l'ensemble de la radiodiffusion et des télécommunications au pays que des autres ministères et agences du gouvernement fédéral, alors que les médias électroniques ont un impact considérable dans les écoles et les foyers de nos communautés?
Il nous apparaît essentiel, pour l'avenir de nos communautés et la préservation de la nature même du pays, que le comité prévoie des amendements à la Loi sur la radiodiffusion qui ne laisseront planer aucun doute quant au mandat du CRTC de veiller au développement et à l'épanouissement des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire, conformément à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Cette clarification nous semble nécessaire puisque le CRTC insiste pour interpréter les droits du million de francophones de l'extérieur du Québec de la façon la plus restrictive possible et ainsi restreindre le développement de nos communautés.
L'application de la partie VII au CRTC ne signifie pas que l'organisme perd l'indépendance des milieux politiques dont il a besoin pour faire son travail. Cela ne signifie pas non plus que la dualité linguistique deviendrait le seul critère utilisé dans ses décisions, pas plus que l'ensemble des ministères et organismes qui sont actuellement soumis aux obligations de la Loi sur les langues officielles. Ce que cela veut dire, c'est que les membres du conseil et son personnel devront s'asseoir avec des représentants et représentantes des minorités de langue officielle pour établir de quelle façon l'organisme peut contribuer au développement et à l'épanouissement des communautés francophones de l'extérieur du Québec. Voilà une façon pour cette agence du gouvernement fédéral de faire preuve de leadership dans le domaine de la radiodiffusion.
Ce type de concertation, qui va beaucoup plus loin que les consultations que privilégie le CRTC actuellement, est effectivement une forme de partenariat qui est déjà en place avec plusieurs ministères fédéraux. La collaboration de Patrimoine canadien dans le domaine des arts et de la culture, de Santé Canada, de Développement des ressources humaines et maintenant de Citoyenneté et Immigration donne des résultats très encourageants.
À (1050)
Je suis confiant qu'une démarche semblable amènera des changements pour l'avenir de nos communautés dans le domaine de la radiodiffusion. Cela imposerait, bien sûr, certaines obligations minimales au niveau des décisions rendues par le CRTC qui renforceraient les dispositions déjà présentes dans l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion.
À lire certaines décisions du conseil, notamment lors de l'allocation des licences FM à Toronto, on voit bien que la dualité linguistique n'est qu'un critère qui ne semble pas être très important et qui cède souvent le pas à des considérations commerciales ou à la loi du plus grand nombre. L'application complète de la Loi sur les langues officielles est un bon moyen de le renforcer.
Pour terminer, je tiens à souligner les difficultés que rencontrent les radios communautaires à agrandir leur réseau. Un travail remarquable a été fait au cours des dernières années à ce niveau, mais comme d'autres intervenants vous l'ont expliqué, certains groupes qui seront bientôt prêts à déposer une demande de licence de radio communautaire risquent de se faire répondre par la CRTC et Industrie Canada qu'aucune fréquence n'est disponible dans leur localité. Il me semble impératif que le ministère du Patrimoine canadien s'entende avec le CRTC et Industrie Canada pour réserver certaines fréquences à l'usage de radios communautaires de langue française dans les grandes villes du pays. Notez que l'on ne parle pas ici de radios de faible puissance, mais bien de radios pouvant être captées sur un territoire urbain étendu. Un arrangement qui permettrait à de nouvelles radios communautaires de ne diffuser qu'à très faible puissance serait inadéquat. Étant donné la nature de nos communautés, qui sont très rarement regroupées dans des quartiers précis, l'exemple de Toronto me semble particulièrement approprié. Près de 50 000 francophones y vivent, dispersés sur l'ensemble du territoire de cette mégaville.
Dans le meilleur des mondes, les câblodistributeurs et services par satellite feraient avidement la promotion de leurs chaînes de langue française sur leur territoire. La réalité dans laquelle nous vivons est évidemment bien différente. Les diffuseurs font rarement la promotion de ces chaînes auprès de la communauté. Ce désintérêt des câblodistributeurs est déjà assez grave dans le cas du câble analogique. Les gens achètent 15 canaux d'un coup et découvrent ensuite par hasard les chaînes de langue française qui s'y trouvent. Dans le cas du numérique et du satellite, ce manque de promotion est carrément dramatique. Les chaînes y sont souvent achetées à la pièce ou noyées dans un ensemble de 50, 100 ou même 200 postes. Elles peuvent bien être disponibles, mais si les francophones ignorent qu'elles existent, elles ne trouveront pas preneur.
Ce phénomène nous est déjà familier dans le domaine des services gouvernementaux. Certains bureaux régionaux de ministères fédéraux offrant des services en français n'ont eu que très peu de demandes de francophones jusqu'au jour où ils ont fait des efforts proactifs pour faire savoir à la population qu'un tel service existait. Dans l'univers de la télévision numérique, les distributeurs auront besoin d'adopter, eux aussi, ce principe de l'offre active. Or, il semble que l'industrie ait besoin d'un coup de pouce à ce niveau.
La FCFA vous demande de recommander qu'un organisme permanent ait le mandat de faire la promotion des chaînes de langue française auprès des communautés francophones et acadienne du Canada. Un organisme existant pourrait se voir confier des ressources additionnelles pour faire ce travail. Par exemple, Téléfilm Canada, parce qu'il administre des programmes financés à la fois par le gouvernement fédéral et les câblodistributeurs canadiens, pourrait se voir confier un tel mandat. Cet organisme travaillerait en collaboration avec les groupes représentant les communautés francophones et acadienne, ainsi qu'avec les représentants des producteurs et des industries de diffusion, pour établir et appliquer des stratégies de promotion efficaces.
J'espère que vous donnerez à ces recommandations toute votre attention. Merci.
À (1055)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Arès.
Comme il nous reste un petit peu plus d'une demi-heure, on a assez de temps pour les questions.
Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Merci.
Je pense que vous nous avez brossé un tableau très explicite de la réalité des francophones hors Québec dans différentes provinces. D'ailleurs, lors de notre passage dans l'Ouest canadien, on a pu entendre quelques représentants des communautés francophones venus, justement, nous exprimer leur frustration et aussi le manque de volonté politique de les soutenir au fil des ans. Je pense que la Loi sur la radiodiffusion, qui fait présentement l'objet d'une analyse, sera un bon barème pour voir jusqu'où le gouvernement va être capable de rectifier son tir et de prendre des engagements un peu plus musclés. C'est vrai qu'on doit rencontrer les gens du CRTC; on a des questions à leur poser.
Vous disiez justement que les fréquences doivent être plus larges pour rejoindre... C'est une des réalités qu'il va falloir, je pense, adapter aux mesures que l'on prend. La population est dispersée. Je ne sais pas si c'est possible, mais j'aimerais voir un tableau qui pourrait nous expliquer combien de radios communautaires on devrait mettre sur pied dans les différentes provinces, par exemple à Toronto, en Saskatchewan, en Alberta, afin de voir comment on devrait organiser cela, ce que cela veut dire en termes de fréquence pour pouvoir rejoindre toutes les communautés francophones. Je pense que c'est à Saskatoon qu'on nous avait mentionné qu'il faudrait peut-être qu'il y ait plus de watts pour pouvoir rejoindre les communautés. Présentement, les 5 watts ne suffisent pas pour rejoindre la population francophone qui est dispersée. Si on avait un tableau qui exprimait les réalités sur le terrain--vous parliez de fréquences plus larges--, cela vous permettrait de nous expliquer vraiment quels sont vos besoins et nous permettrait, quand le CRTC viendra, de mieux défendre vos positions et votre réalité.
M. Georges Arès: Je demanderai à M. Cantin de répondre à la question.
M. Robin Cantin (directeur des communications, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada): Le plan de développement de l'Alliance des radios communautaires, que vous avez reçu ici voilà maintenant deux semaines, vous donnerait au moins un début de réponse à votre question. Je vais communiquer avec eux pour m'assurer qu'une copie parvienne à la greffière du comité.
Mme Christiane Gagnon: Il y a la radio, mais il y a aussi la télévision. Ce serait peut-être important qu'on puisse regarder cela avec vous et qu'on ait un tableau plus précis en termes de réalités pour rejoindre toutes les populations francophones. On dit que lorsque le numérique va arriver, on va pouvoir avoir un plus haut taux de pénétration.
M. Robin Cantin: Quand on parle d'équité pour un nombre ou un pourcentage et que l'on regarde le nombre de chaînes anglophones auxquelles on peut avoir accès au Québec, il n'y a aucune comparaison possible avec le nombre de chaînes françaises auxquelles on peut avoir accès dans le reste du Canada. Je peux donner des chiffres. Si les francophones dans la société canadienne comptent pour 26 à 30 p. 100 de la population, pourquoi la Loi sur la radiodiffusion, quand on parle de définir ce qu'est l'intérêt public... Je pense que le jour où 30 p. 100 des chaînes françaises seront disponibles à Toronto, on aura atteint l'équité entre les deux systèmes.
M. Georges Arès: Je peux ajouter quelque chose, madame Gagnon. Je pense que cela revient à une volonté de vraiment faire quelque chose en radiodiffusion pour les communautés francophones et acadienne. Il faut que le CRTC commence par dire qu'il veut faire quelque chose, qu'il veut s'asseoir avec elles pour déterminer quels sont leurs besoins en radio et en télé et comment on pourra y répondre à l'avenir. Ça commence par ça. On va continuer à avoir des problèmes avec le CRTC jusqu'à ce qu'il développe une attitude positive et proactive envers les besoins de nos communautés. Cela manque beaucoup, et c'est ce que ça prend à la base. S'ils peuvent développer cette attitude-là et en faire preuve en s'assoyant avec les représentants et les représentantes de nos communautés, je pense qu'on va faire beaucoup de progrès. Faute de cela, je pense qu'on va continuer à avoir des problèmes avec le CRTC. Il faut que cela cesse.
Á (1100)
Mme Christiane Gagnon: Tout à l'heure, vous avez mentionné qu'il y a une radio communautaire à Toronto, mais j'ai l'impression que même si on disait oui à cela, ce n'est pas ce qui réglerait le problème. C'est pour cette raison que j'aimerais avoir un tableau de la réalité des francophones à l'extérieur. Est-ce qu'on pourrait avoir un plan sur quelques années où on dirait qu'il en faut peut-être cinq ici, trois là, deux dans une autre province?
Je ne pense pas qu'on réglera le problème en y allant à la pièce comme cela.
M. Robin Cantin: Une radio communautaire devient un outil pour faire la promotion des autres activités de la communauté et aussi pour développer une infrastructure économique qui peut s'asseoir sur un moyen moderne de diffusion et de communication.
À Toronto, si on compte la banlieue, il y a 76 000 personnes. Ce sont les chiffres du recensement de 1996. Apparemment, il faut ajouter à cela au moins 10 p. 100 pour arriver au chiffre du prochain recensement. Le gouvernement canadien investit des sommes énormes pour enseigner le français dans les écoles anglophones; ce sont les cours d'immersion. Il y a 50 000 jeunes dans la grande région de Toronto qui suivent des cours de français dans des écoles d'immersion, mais qui n'ont aucun moyen de se faire l'oreille et de pratiquer parce qu'il n'y a pas d'outils. Or, la radio communautaire est vraiment un outil qui permet aux communautés de promouvoir leurs activités.
Il y a un problème tellement criant à Toronto. Très souvent, lors d'une même fin de semaine, il y a trois activités en français le même soir, parce qu'il y a un manque de communication entre les groupes et qu'il n'y a pas de moyens de promotion efficaces pour promouvoir ces activités-là.
[Traduction]
Le président: Madame Lill, vous avez une question?
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup d'être venus.
Je suis arrivée en retard parce que mon caucus, celui du Nouveau Parti Démocratique, a rencontré les journalistes de Radio-Canada qui ont été mis en lock-out à Montréal et à Moncton. C'est une situation très pénible.
En matière de programmation et de services communautaires, cela confirme ce que vous nous avez répété: la programmation est insuffisante au départ. Lorsqu'il y a des confits de travail ou des compressions budgétaires, la situation ne peut qu'empirer pour les gens au Québec, à Moncton, au Nouveau-Brunswick et dans toutes les localités francophones du pays.
On nous a fait valoir sans équivoque que le CRTC a un rôle important à jouer dans la vitalité de la programmation en français. Dans toutes les régions du pays, à commencer par Vancouver, on nous l'a dit. Vous nous avez confirmé que Radio-Canada a besoin de plus d'argent et de ressources pour bien refléter la réalité francophone et acadienne dans tout le Canada.
J'aimerais savoir ce que vous pensez d'une idée dont plusieurs nous ont fait part surtout à l'extérieur de la communauté francophone. J'aimerais savoir ce que vous pensez d'un espace vert pour la distribution obligatoire de Radio-Canada, la chaîne autochtone, Vision TV, les radiodiffuseurs publics et peut-être d'autres télés communautaires.
Qu'est-ce que cela signifierait? Cela serait-il une façon de renforcer la programmation communautaire?
Plus tôt, j'ai entendu parler de chaînes communautaires pour les grands édifices à appartement. Il faut trouver une façon de remplacer ces chaînes par des chaînes communautaires. Moi, j'envisage un espace vert qui inclurait peut-être ces chaînes aussi.
Que pensez-vous de cette idée?
Á (1105)
M. Jean-Marc Aubin: En général, avec une formule de ce genre, l'espace n'est pas suffisant. Si vous pouvez définir cet espace, je pourrais peut-être mieux vous répondre, mais cet espace n'est pas illimité.
La radio communautaire, à mon sens, ne dépend que de la volonté politique. Une station de radio communautaire ne coûte pas cher. Ce n'est donc pas vraiment une question d'argent; c'est plutôt une question de volonté politique.
Permettez-moi une comparaison: lorsque vous tentez d'obtenir des services en français en Ontario, vous devez habituellement faire le 1 ou le 2 sur votre téléphone et on vous renvoie à trois ou quatre endroits différents. Vous attendez ensuite une dizaine de minutes avant que quelqu'un vous demande en anglais ou en français si on vous a répondu. Ce n'est pas ce que j'appelle du service. En comparaison, si je veux réserver une chambre d'hôtel à Toronto, le Delta et le Courtyard Marriot offrent de me servir en français et on me répond en cinq secondes. Le service est très bon parce qu'on a eu la volonté d'offrir un bon service.
À mon avis, avec de la volonté politique, on pourrait résoudre ce problème des radios communautaires, non seulement à Toronto mais dans tout le pays. Il y a peut-être des obstacles culturels, mais nous savons qu'avec la technologie, nous pouvons faire beaucoup de choses et pour pas cher, en plus. Habituellement, ce ne sont pas des entreprises coûteuses. Si l'espace dont vous parlez est bien défini, on peut répondre oui ou non, mais s'il n'est pas bien défini...
M. Christian Martel: Je ne comprends pas vraiment ce qu'on entend par espace vert. Mais au chapitre de la programmation, de la programmation communautaire, j'estime qu'il ne suffit pas de respecter la Charte des droits et les décisions qu'ont rendues les tribunaux sur l'épanouissement des collectivités de langue minoritaire. Il faut avoir des moyens, administrer son propre budget et prendre ses propres décisions. Il faut que cette programmation ait une signification particulière pour la collectivité et qu'elle ne provienne pas un peu de Radio-Canada et un peu des producteurs privés.
[Français]
M. Claude Duplain: Les propos qu'on entend me dépassent un petit peu. Quand on réussit à obtenir des réponses et que l'on nous dit que ce n'est pas dans l'intérêt public et qu'on n'est même pas capable de définir ce qu'est un intérêt public, on part de loin. Il ne suffit pas de partir d'une réglementation. Il faut partir d'une définition.
Je crois en un minimum qu'il faut régir. Je ne sais pas si ma question est pertinente, mais j'aimerais avoir vos commentaires. Il faut en effet définir un minimum parce qu'il faut protéger les minorités. Souvent, quand on commence à faire de la réglementation, on est toujours confronté au fait que la réglementation coûte cher. Au Canada, on a de grandes étendues et on est dispersés un peu partout sur le territoire.
Je crois--et j'aimerais que vous me donniez vos idées là-dessus--que c'est incroyable qu'on défende aux communautés qui veulent se prendre en main de le faire. Je donne l'exemple de la télé communautaire de Toronto. Je ne sais pas si mon exemple est bon, mais je trouve incroyable qu'on ne leur donne pas la possibilité de le faire. Ça, c'est loin d'une réglementation qui oblige à faire quelque chose; c'est la communauté qui veut se prendre en main.
On va devoir penser à faire une réglementation, mais dans ce qu'on va faire, il serait important d'ouvrir les portes à l'idée de donner la possibilité à... Cela peut aussi faire avancer beaucoup de choses. Ne pensez-vous pas que c'est le cas?
M. Georges Arès: Monsieur Duplain, j'endosse la définition de l'intérêt public contenue dans vos commentaires. Ça me surprend aussi que le CRTC ait utilisé ce terme en rapport avec la possibilité d'installer une station FM à Toronto, laquelle n'aurait pas été dans l'intérêt public. Surtout lorsqu'on voit les définitions contenues dans la Loi sur la radiodiffusion, il paraît inacceptable qu'on puisse penser ainsi.
Vous allez dire qu'il faudrait définir ce qui serait le minimum. Cependant, nous voudrions avoir beaucoup plus que le minimum. Il faut définir ce que serait, à la base, la progression vers l'égalité des deux langues, en particulier dans le domaine de la radiodiffusion. C'est à cela que le CRTC doit s'attaquer. Et ce que doit entreprendre ici votre comité, c'est de proposer des modifications à la loi qui assureraient, justement, une progression vers l'égalité dans le domaine de la radiodiffusion.
On ne veut pas être seulement des arrière-pensées. On veut se sentir citoyens et citoyennes à part entière dans le domaine de la radiodiffusion et se voir offrir les services dont on a besoin. Voyez les cadres ici; le français a l'air d'un post-scriptum. On n'est pas vraiment présents dans le cadre actuel. C'est la même chose pour la radiodiffusion. Il faut être dans le cadre et non pas un post-scriptum comme c'est souvent le cas maintenant. On trouve n'importe quelle excuse pour refuser des licences là où il devrait y en avoir. Je suis complètement d'accord avec vous que c'est frustrant, que c'est enrageant. Il faut que ça change. Mais il faut à la base la volonté politique d'imposer des changements.
Mme Adam, dans son premier rapport, a fait allusion à un manque flagrant de leadership sur la dualité linguistique. Je pense que votre comité doit faire preuve de leadership pour imposer des modifications à la Loi sur la radiodiffusion pour que, éventuellement, on réponde à nos besoins. Il faut qu'on le reconnaisse et que les choses changent. Il faut que le CRTC change et rencontre les représentants et représentantes de nos communautés pour élaborer un plan d'action qui réponde à nos besoins et pour commencer à comprendre nos besoins.
C'est frustrant et enrageant. Quand je suis devenu président de l'Association canadienne-française de l'Alberta, en 1986, une des premières choses que j'ai faites a été d'aller à Regina présenter un mémoire sur la radiodiffusion qui s'adresse à nos communautés. Les choses n'ont pas beaucoup changé depuis. Pourquoi faut-il se battre constamment, pendant des décennies, pour obtenir les services dont on a besoin? Il faut du leadership politique. Il faut le leadership du CRTC. C'est ce qu'il faut pour que ça change.
Merci.
Á (1110)
M. Jean-Marc Aubin: Monsieur Duplain, quand on parle de minimum acceptable et de coûts qui y seraient rattachés, l'exemple qui me vient à l'esprit est celui d'Hydro-Ontario et d'Hydro-Québec. Si des gouvernements ne s'étaient pas pris en main, il y a beaucoup de fermiers qui attendraient encore l'électricité. Si desservir la communauté de langue française du Canada ou la communauté minoritaire de langue anglaise au Québec est aussi important pour l'épanouissement du Canada que l'a été la distribution de l'électricité, on va résoudre le problème. On ne se préoccupera pas de savoir ce qu'est le minimum, mais plutôt se dire que c'est une responsabilité d'État à laquelle tout le monde a droit. Ce n'est plus une question de coût. Le seul endroit que je connaisse où il n'y a pas de coûts qui s'appliquent, c'est à mon camp de chasse.
M. Christian Martel: J'aimerais ajouter une chose. Selon les comptes rendus, Mme Bertrand, ex-présidente du CRTC à qui on demandait devant l'un des comités de la Chambre pourquoi le CRTC n'était pas plus sensible aux demandes de services des communauté, avait répondu qu'en situation de concurrence, c'était le meilleur qui gagnait. Il faut savoir que le meilleur qui gagne est souvent celui qui a le plus d'argent. Si on pense au dossier de la dernière demande que nous avons adressée au CRTC, en 1999, c'est le groupe de musique noire qui avait le plus de moyens. Depuis 10 ans, comme nous, ce groupe présentait des dossiers au CRTC. C'est lui qui a obtenu ce qu'il demandait parce qu'il avait plus de moyens que nous et qu'il a présenté un meilleur dossier que nous. Est-ce qu'il donnait une image plus fidèle de la société canadienne? J'en doute, en tout cas.
Le président: Avant que nous passions au dernier tour de questions, je voudrais signaler que le sénateur Gauthier m'a fait parvenir un mot. Je pense qu'il est important que je vous lise ces quelques lignes présentées par le sénateur Jean-Robert Gauthier:
Dans mon mémoire présenté aujourd'hui devant les membres du Comité permanent du Patrimoine canadien de la Chambre des communes, j'ai fait mention des trois (3) antennes de TVO/TFO. Ces antennes sont situées respectivement à Sudbury, Hawkesbury et Pembroke. |
La décision de refuser la demande de TFO s'est soldée par un vote de trois «CONTRE» et deux «POUR». Je croyais qu'une décision partagée ferait l'objet d'un appel. Malheureusement, la réponse fut négative. |
Deuxièmement, dans le contexte de notre discussion, je voudrais soulever une question assez importante qui influe sur tout cela. Je pense que tous les membres du comité, surtout dans l'Ouest, ont été très frappés par toute la question de l'absence de la télévision communautaire dans le milieu francophone. Quand on regarde rapidement le mémoire du sénateur Gauthier, on voit qu'une vingtaine des 48 chaînes qu'il y a dans ce milieu sont américaines. Ça, c'est une autre question: l'influence américaine dans notre milieu est énorme. C'est une autre question qui influe sur tout cela. Et on peut ajouter à cela la piraterie de la télédiffusion américaine.
Un rapport qui est sorti hier et que je n'ai pas vu démontre que quelque 500 millions de dollars sont perdus en raison de la piraterie avec DIRECTV, etc. Aujourd'hui, avec les satellites, les gens captent toutes sortes de choses. C'est un autre problème qui noie encore plus les minorités.
J'aimerais vous poser une question, monsieur Martel. Si je vous ai bien compris, vous êtes un bénévole.
M. Christian Martel: Oui.
Le président: Vous dites que votre organisation a passé 22 fois devant le CRTC, n'est-ce pas?
Á (1115)
M. Christian Martel: Disons qu'elle n'est pas passée directement en face du CRTC. Au moment où on a fait nos premières présentations, en 1989-1990, on nous avait dit qu'il restait seulement une fréquence FM à Toronto. En 1991, un réseau de radio qui s'appelait CKO Radio Network et qui avait des stations dans les principales villes canadiennes, a fait faillite. Le CRTC a...
Le président: Laissons les détails. Nous voulons savoir combien vous a coûté votre travail par rapport au CRTC, c'est-à-dire la préparation de mémoires, les comparutions devant le CRTC, etc. Combien en a-t-il coûté à votre organisation bénévole pour préparer tout ce qu'il fallait pour aller devant le CRTC ? C'est cela que je veux savoir.
M. Christian Martel: On a fait deux séries d'études de marché qui ont coûté 56 000 $ chacune. C'est donc deux fois 56 000 $. Le travail de recherche pour présenter ces mémoires a été fait en entier bénévolement. On n'a jamais fait le calcul, mais ça me ferait plaisir d'essayer de le faire pour vous.
Le président: Cela nous intéresserait beaucoup, parce que cette question nous a été soumise par plusieurs organismes. Dans l'Ouest, les gens dépensent des fortunes pour se défendre devant le CRTC. Je pense que c'est une question vitale. Comment une organisation bénévole peut-elle avoir les moyens de se promouvoir, surtout lorsqu'elle affronte des intérêts commerciaux beaucoup plus puissants?
M. Christian Martel: Oui, c'est un gros problème.
Le président: Si vous pouviez nous donner quelques chiffres, ça nous intéresserait beaucoup.
M. Christian Martel: Je vais sûrement vous fournir ces renseignements.
Le président: Sans trop aller dans les détails. Vous avez identifié 112 000 $.
M. Christian Martel: Oui, nous avons dépensé 112 000 $ seulement en études de marché. On a cinq comités qui travaillent présentement à la rédaction de différentes parties de notre mémoire au CRTC, parce que le CRTC a fait une nouvelle offre de services à Toronto. Chacun de ces comités compte cinq ou six personnes qui ont chacune donné un minimum de cinq heures de bénévolat. À 20 $ l'heure, on arrive facilement à la somme de 50 000 $ juste pour la préparation.
Á (1120)
Le président: Merci, monsieur Martel. On aura de vos nouvelles par l'entremise de la greffière. Si les autres veulent aussi ajouter quelque chose, ils n'ont qu'à nous le faire parvenir. Cela nous aiderait beaucoup.
Monsieur Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau: Combien d'argent Patrimoine Canada vous a-t-il donné pour vous que vous vous présentiez devant le CRTC? Quel montant avez-vous obtenu en subvention du gouvernement fédéral?
M. Christian Martel: Le programme des radios communautaires, qui a été établi en 1991, payait 100 p. 100 des études de marché et 50 p. 100 des immobilisations. Le programme est officiellement disparu en 1995 et a été fusionné avec le PALO, le Programme d'appui aux langues officielles. Pour le renouvellement de nos études de marché pour la prochaine ronde, on a eu environ 50 000 $.
M. Benoît Sauvageau: C'est tout ce qui a été payé sur l'ensemble des coûts que vous avez à défrayer pour vous présenter.
Tout à l'heure, vous avez utilisé un exemple que j'entends souvent. Vous allez me corriger si j'ai tort, mais cela me fâche un petit peu. Vous dites que dans la grande région de Toronto, il y a 50 000 jeunes qui suivent des cours d'immersion. Le message qu'on envoie un peu partout dans les provinces me semble être positif. Mais on dit en même temps que 50 p. 100 des francophones ayant droit à l'enseignement en français ne fréquentent pas les écoles francophones. À ce moment-là, est-ce qu'on ne regarde pas juste un côté de la médaille tout en faisant plaisir au gouvernement canadien qui, lui, veut lancer ce message? On a des écoles d'immersion et c'est bien gentil, mais est-ce qu'on n'omet pas l'important? C'est bien que les anglophones apprennent le français, et je ne voudrais pas être mal interprété—malgré cela, le taux de bilinguisme n'augmente pas au Canada selon les statistiques—, mais pendant ce temps, 50 p. 100 des ayants droit risquent de perdre leur langue. Je trouve qu'on met trop l'accent sur une partie de la situation et qu'on oublie l'autre. C'était mon commentaire. Si je me trompe, vous me corrigerez.
J'ai maintenant deux questions. Au Comité mixte des langues officielles, on vient de finir une étude sur Air Canada et on a réussi à obtenir d'Air Canada et des syndicats que la Loi sur les langues officielles ait préséance sur les conventions collectives au niveau de l'interprétation. Est-ce qu'au niveau du CRTC, on devrait ou on pourrait demander que la Loi sur les langues officielles ait préséance sur les autres bidules de la réglementation et toutes ces choses-là? C'est ma première question.
Deuxièmement, monsieur Arès, je suis généralement d'accord avec vous, mais je vais être en désaccord avec vous sur un sujet. Vous dites que vous demandez qu'un organisme permanent comme, par exemple, Téléfilm Canada fasse la promotion. Je suis en désaccord avec vous. Pourquoi ne demandez-vous pas que le gouvernement canadien le fasse?
Au Québec, ils font de la publicité à toutes les 20 minutes, de 18 heures à minuit sur n'importe quoi; poids et mesures, poissons des chenaux, name it, ils vont réussir à trouver un truc pour faire de la publicité. Vous demandez à Téléfilm Canada de le faire. Demandez plutôt au gouvernement canadien de prendre 5 p. 100 du budget qu'il gaspille au Québec pour faire la promotion de ce que vous voulez et vous serez couverts mur à mur. Ne vous inquiétez pas, vous n'aurez plus de problèmes de promotion.
Donc, est-ce que la Loi sur les langues officielles devrait aussi avoir préséance au CRTC? Quant à la publicité, demandez beaucoup et vous obtiendrez quelque chose.
M. Georges Arès: Monsieur Sauvageau, premièrement, j'aimerais répondre sur la question des 50 000 jeunes qui apprennent le français à Toronto.
Comme vous l'avez dit, il est important que les anglophones apprennent le français. Cependant, il y a 50 p. 100 des ayants droit de nos communautés qui ne sont pas dans une école française. Je suis d'accord avec vous qu'il est important que le gouvernement fédéral aide les systèmes éducatifs francophones à aller chercher autant que possible ces 50 p. 100 d'ayants droit. On doit certainement mettre l'accent là-dessus, mais, comme vous l'avez dit, il ne faut pas négliger l'autre aspect. Il faut qu'il y ait un équilibre.
Je suis d'accord que la Loi sur les langues officielles ait préséance au CRTC, mais je pense qu'il faut qu'il y ait aussi la volonté de l'appliquer de la bonne façon. On pourrait dire que la Loi sur les langues officielles a préséance et qu'ils doivent la respecter, mais si la volonté politique n'est pas là, on trouve toutes sortes d'excuses pour ne pas combler les besoins de nos communautés. Donc, cela commence par la volonté politique. Qu'il y ait ou non une loi qui les oblige à faire quelque chose, je pense que si la volonté politique avait existé, avec la loi actuelle et la définition de l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, on aurait pu nous donner il y a longtemps tout ce dont nous avons besoin. Il faut que cela commence par la volonté politique. Il serait bon qu'il soit clair que la Loi sur les langues officielles a préséance, mais il faut combiner cela avec la volonté de faire quelque chose.
Pour ce qui est d'un organisme permanent, on a suggéré Téléfilm parce que c'est un organisme qui reçoit de l'argent non seulement du gouvernement fédéral, mais aussi des câblodistributeurs. On croit qu'il a la responsabilité de demander aux câblodistributeurs de fournir des ressources pour faire la promotion des canaux francophones. C'est pour cela qu'on suggère Téléfilm, mais il faut un organisme permanent ayant les ressources et la volonté nécessaires pour le faire. Ça pourrait être un autre organisme, mais on a suggéré Téléfilm parce qu'il y a là des ressources des câblodistributeurs.
Á (1125)
Le président: Veuillez répondre brièvement, monsieur Martel, parce qu'il va falloir ajourner à 11 h 30.
M. Christian Martel: En ce qui concerne les 50 000 étudiants en immersion, je vais vous donner un exemple très concret. Un de mes amis est francophone et sa femme est anglophone. C'est le problème de l'exogamie. Il y a une école d'immersion derrière chez eux. Leurs enfants peuvent faire une heure d'autobus matin et soir pour aller à l'école française ou aller à l'école d'immersion qui est derrière chez eux. Dans cette école d'immersion, leur fille va avoir une bien meilleure performance en français et sera la star de sa classe, tandis que dans l'autre école...
C'est aussi une question d'équité de moyens. Parce qu'on n'a pas de moyens de communication pour faire la promotion des écoles francophones à Toronto, on n'est pas sur le même pied que les anglophones au niveau de la promotion de l'école française à Toronto.
Le président: Je pense qu'on devrait s'arrêter ici.
Monsieur Martel, lorsque vous nous enverrez les chiffres, pouvez-vous indiquer vos dépenses et ce que vous avez reçu du côté fédéral pour que ce soit clair?
Très brièvement, monsieur Duplain.
M. Claude Duplain: Je crois que le CRTC ne peut pas faire de recherche à l'extérieur. Donc, pour faire ses interventions, il entend les témoignages des gens. On sait très bien que les télés communautaires n'ont pas autant de moyens que les gros diffuseurs pour aller faire leurs témoignages. Pensez-vous qu'il y a un problème quand le CRTC entend les témoignages? Comme vous le disiez plus tôt, ceux qui ont le plus d'argent sont favorisés. Est-ce que le CRTC devrait débloquer des sommes d'argent pour les télés communautaires? Que pourrait-on donner à ceux qui ont moins de moyens pour présenter leur mémoire?
M. Jean-Marc Aubin: Je ne le sais pas, mais je sais que beaucoup de ministères, au cours des années, à mesure qu'ils se sont acquittés de leurs obligations en vertu de l'article 7, ont obtenu de plus gros budgets. Aujourd'hui, ils ont de plus gros budgets qu'au début. DRHC en est un exemple. C'est un ministère qui est souvent cité par la commissaire aux langues officielles comme étant un de ceux qui améliorent continuellement ce qu'ils font vis-à-vis de leurs obligations en matière de langues officielles. Au début, le budget était peut-être de 2 millions de dollars et il est maintenant de 21 millions de dollars, je crois. Différents ministères, à mesure qu'ils ont mis en place les services ou se sont acquittés de leurs obligations, ont affecté plus d'argent à ce domaine pour y arriver. Je ne vois pas pourquoi le CRTC ne pourrait pas faire la même chose.
M. Robin Cantin: Là-dessus, nous apprécierions drôlement avoir un coup de main de la part du CRTC ou, par exemple, de Patrimoine Canada dans le cadre des langues officielles pour pouvoir faire des représentations efficaces auprès du CRTC. C'est une procédure qui est longue et complexe. Il faut développer dans nos communautés l'expertise nécessaire pour agir de façon efficace au niveau du CRTC. C'est un problème que connaissent toutes nos associations.
Le président: Il y a un projet de loi qui viendra devant nous, le S-7, qui a été présenté au Sénat par Mme Finestone et qui va certainement permettre à ceux qui interviennent devant le CRTC de se faire financer. C'est ça, l'idée de ce projet de loi. Je ne le connais pas très bien. Il faudra voir s'il inclut les gens qui présentent des mémoires, mais beaucoup d'intervenants qui n'ont pas de moyens suffisants se feront appuyer par un fonds qui viendra des diffuseurs.
Merci beaucoup de votre comparution d'aujourd'hui, qui nous a été très utile.
La séance est levée.