HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 18 avril 2002
¿ | 0910 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
M. Ronald Lund (président- directeur général, Association canadienne des annonceurs) |
Le président |
M. Ronald Lund |
M. David Harrison (président, Harrison, Young, Pesonen and Newell; Institute of Communications and Advertising |
¿ | 0915 |
Mme Sunni Boot |
¿ | 0920 |
M. Robert Reaume |
M. Ronald Lund |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Robert Reaume |
Le président |
M. Abbott |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Jim Abbott |
M. Robert Reaume |
M. David Harrison |
M. Jim Abbott |
M. Robert Reaume |
¿ | 0935 |
M. Jim Abbott |
M. Ronald Lund |
M. Jim Abbott |
Mme Sunni Boot |
M. Jim Abbott |
Mme Sunni Boot |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
M. Robert Reaume |
M. David Harrison |
¿ | 0940 |
Mme Christiane Gagnon |
M. Ronald Lund |
Mme Sunni Boot |
Le président |
M. Dennis Mills (Toronto--Danforth, Lib.) |
Mme Sunni Boot |
¿ | 0945 |
M. Dennis Mills |
M. David Harrison |
M. Dennis Mills |
M. David Harrison |
M. Dennis Mills |
M. Ronald Lund |
M. Dennis Mills |
M. Ronald Lund |
M. Dennis Mills |
M. Robert Reaume |
M. Dennis Mills |
M. Robert Reaume |
Mme Sunni Boot |
¿ | 0950 |
M. Dennis Mills |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
Mme Sunni Boot |
M. Ronald Lund |
Mme Sarmite Bulte |
¿ | 0955 |
Le président |
Le président |
M. Ronald Lund |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
M. Ronald Lund |
Mme Wendy Lill |
À | 1030 |
M. Ronald Lund |
Mme Wendy Lill |
Le président |
Mme Sunni Boot |
Le président |
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.) |
M. Robert Reaume |
M. Claude Duplain |
M. David Harrison |
À | 1035 |
Le président |
M. Ronald Lund |
Le président |
M. Robert Reaume |
Le président |
Mme Sunni Boot |
Le président |
Mme Cathy Loblaw |
À | 1040 |
Mme Sunni Boot |
À | 1045 |
À | 1050 |
Le président |
Mme Cathy Loblaw |
Le président |
Mme Cathy Loblaw |
Á | 1100 |
Mme Cathy Loblaw |
Le président |
M. Alan Mirabelli |
Á | 1105 |
Mme Jan D'Arcy (codirectrice, Réseau Éducation-Médias) |
Á | 1110 |
M. Alan Mirabelli |
Á | 1115 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Mme Cathy Loblaw |
Á | 1120 |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
Le président |
Mme Wendy Lill |
Mme Jan D'Arcy |
 | 1200 |
Le président |
Mme Wendy Lill |
Mme Jan D'Arcy |
 | 1205 |
Mme Cathy Loblaw |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
 | 1210 |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
Mme Sunni Boot |
 | 1230 |
Mme Sarmite Bulte |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
Mme Sunni Boot |
Mme Cathy Loblaw |
Mme Jan D'Arcy |
M. Alan Mirabelli |
 | 1235 |
Mme Cathy Loblaw |
Mme Sarmite Bulte |
Mme Cathy Loblaw |
Mme Sarmite Bulte |
Mme Cathy Loblaw |
Mme Sunni Boot |
Mme Jan D'Arcy |
 | 1240 |
Mme Sarmite Bulte |
Mme Sunni Boot |
Mme Cathy Loblaw |
Mme Jan D'Arcy |
Le président |
M. Alan Mirabelli |
Le président |
M. John Harvard |
 | 1245 |
Mme Cathy Loblaw |
Le président |
Mme Sunni Boot |
Le président |
M. David Harrison |
Le président |
Mme Wendy Lill |
Mme Cathy Loblaw |
 | 1250 |
M. John Harvard |
Mme Cathy Loblaw |
Mme Sunni Boot |
Mme Linda Millar (directrice, éducation, Annonceurs responsables en publicité pour enfants) |
Le président |
M. Rodger Cuzner |
 | 1255 |
Mme Cathy Loblaw |
M. Rodger Cuzner |
Mme Cathy Loblaw |
Mme Sunni Boot |
Mme Cathy Loblaw |
Le président |
Mme Jan D'Arcy |
Le président |
· | 1300 |
Mme Cathy Loblaw |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
Mme Cathy Loblaw |
Mme Sarmite Bulte |
Le président |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 18 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): J'ouvre la séance du Comité permanent du Patrimoine canadien, qui se réunit aujourd'hui pour étudier l'état du système de radiodiffusion canadien.
[Français]
Le comité se réunit aujourd'hui pour continuer son étude de l'état du système de radiodiffusion canadien.
[Traduction]
Avant de passer la parole à nos témoins, je tiens à informer les membres du comité que nous allons faire une courte pause à 10 heures en mémoire de nos quatre soldats tués et de nos huit soldats blessés en Afghanistan. À 10 heures, le premier ministre fera à la Chambre une brève déclaration de cinq ou dix minutes. Nous souhaitons que les membres du comité puissent se joindre à leurs collègues pour honorer la mémoire des soldats qui ont été tués. Nous ferons donc une courte pause à 10 heures.
Notre étude porte aujourd'hui sur le monde de la publicité et des communications et nous avons le plaisir d'accueillir M. Ronald Lund, président directeur général, et M. Robert Reaume, vice-président, médias et recherche, de l'Association canadienne des annonceurs.
Nous souhaitons par ailleurs la bienvenue à Sunni Boot, présidente d'Optimedia Canada, qui représente le Canadian Media Directors Council, ainsi qu'à David Harrison, président de Harrison, Young, Pesonen and Newell, qui représente l'Institute of Communications and Advertising.
Bienvenue à tous; nous allons commencer par M. Lund.
M. Ronald Lund (président- directeur général, Association canadienne des annonceurs): Bonjour.
Le président: Monsieur Lund, vous connaissez la formule: un exposé d'une dizaine de minutes, suivi des questions.
M. Ronald Lund: C'est parfait.
Bonjour. Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, nous sommes très heureux d'avoir ici l'occasion de donner notre point de vue concernant l'étude de la Loi sur la radiodiffusion effectuée par votre comité. Ainsi que vous l'avez indiqué, monsieur Lincoln, notre groupe représente trois organisations différentes.
Mme Boot fait partie du Canadian Media Directors Council; M. Harrison, de l'Institute of Communications and Advertising; et M. Reaume et moi-même, de l'Association canadienne des annonceurs. Nous représentons à nous tous différents intérêts du monde de la publicité; soit ceux des professionnels qui planifient, créent, produisent, achètent, et en fait paient la publicité portant sur la grande majorité des produits et des services dans notre pays.
Nous apparaissons tous ensembles aujourd'hui devant vous parce que la publicité revêt un intérêt essentiel pour l'ensemble de nos membres. Nous souhaitons vous faire comprendre ici à quel point la radiodiffusion est importante pour la publicité au Canada et, réciproquement, à quel point la publicité est importante pour la radiodiffusion.
Nul doute que les thèmes d'études proposés dans votre mandat, à savoir la culture, la politique en matière de radiodiffusion, la propriété, les secteurs public et privé et la production et la distribution revêtent une importance capitale pour l'industrie canadienne de la radiodiffusion, mais nous soutenons que le commerce est la clé de l'unification de ces éléments. La publicité aide en soi l'industrie à prospérer, et pourtant, le mandat du comité est muet sur cette question. Pour toutes ces raisons, nous croyons que le rôle essentiel que joue la publicité dans le système canadien de radiodiffusion devrait occuper une place importante dans vos travaux.
La publicité est une force économique considérable dans le monde. Dans pratiquement tous les pays développés, la publicité est considérée comme une composante importante et nécessaire de l'infrastructure des communications. On estime à 1,2 billion de dollars américains le montant total des dépenses de publicité qui ont été comptabilisées dans le monde l'année dernière. Au Canada, on prévoit que l'on aura dépensé au total 16,79 milliards de dollars en l'an 2000 à ce titre. Les emplois directs et indirects dans ce secteur s'élevaient à près de 250 000, soit 2 p. 100 environ de tous les emplois au Canada.
De plus, l'industrie publicitaire canadienne a généré l'an dernier approximativement 8,67 milliards de dollars en revenus du travail directs et indirects et 4,51 milliards de dollars en revenus d'entreprise directs et indirects au Canada, ce qui fait une valeur ajoutée totale de 13,2 milliards de dollars. Plus important encore, à peu près 79 p. 100 des dépenses publicitaires totales au Canada restent dans l'économie canadienne comme valeur ajoutée, ce qui représente, en comparaison avec la plupart des secteurs d'activité canadiens, un niveau très élevé de teneur nationale. Manifestement, la publicité compte pour beaucoup dans l'économie de notre pays.
Mais elle ne fait pas qu'apporter de l'argent et des emplois. La publicité est la force qui constitue le lien entre une saine concurrence entre les produits et services canadiens et les avantages de l'innovation, d'un choix varié, de prix avantageux et de meilleurs services. La publicité est un puissant catalyseur de la concurrence; elle informe les clients et fait ainsi baisser les prix à la consommation. La publicité augmente les recettes du gouvernement grâce aux impôts sur le revenu dérivés des emplois qu'elle crée et la plus grande assiette de la taxe de vente qui en résulte.
Bref, l'économie canadienne ne serait pas aussi dynamique sans la capacité de faire connaître et d'établir, par la publicité, des marques de qualité et leurs avantages distincts.
M. David Harrison (président, Harrison, Young, Pesonen and Newell; Institute of Communications and Advertising: Bien que la publicité soit essentiellement une activité commerciale, elle peut également constituer un outil culturel très puissant. Les messages publicitaires télévisuels et radiophoniques communiquent sans effort les principes moraux, les valeurs sociales, les traditions et les modes de vie d'une culture, à celle-ci ou à d'autres. La vie quotidienne canadienne est jouée chaque jour en des épisodes de 15, 30 ou 60 secondes.
À l'occasion, un message publicitaire capte l'essence et l'imagination d'un peuple, et prend des proportions iconiques, comme ce qui s'est produit dans le cas de la tirade publicitaire «Je suis canadien» de Molson l'année dernière; dont s'est effectivement servie la ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps, pour illustrer l'année dernière la spécificité canadienne lors d'un discours prononcé à Boston.
Parfois, les messages publicitaires touchent simplement le coeur d'une façon canadienne très spéciale, comme dans la représentation de Bell Canada d'un jeune homme qui téléphone à son grand-père de retour de Dieppe chez lui, au Canada, «juste pour dire merci».
Naturellement, cette approche culturelle canadienne n'est jamais une garantie de succès commercial. Mais quand elle est vraiment sensée sur le plan du marketing, on peut en tirer un merveilleux mélange d'énergie commerciale et culturelle.
La publicité est par ailleurs la principale source de financement du système de radiodiffusion canadien. On estime que l'an dernier, les dépenses nettes en publicité ont rapporté quelque 10,3 milliards de dollars en revenu aux entreprises médiatiques canadiennes. Sur ce total, approximativement 2,5 milliards de dollars sont investis annuellement dans la publicité télévisuelle, et environ 1 milliard de dollars, dans la publicité radiophonique.
Naturellement, les recettes venant de plusieurs autres sources appuient également le système de radiodiffusion au Canada. En ce qui concerne la télévision, par exemple, environ 14 p. 100 des recettes totales viennent de l'abonnement aux chaînes de télévision payantes et aux chaînes thématiques, 24 p. 100 du financement public, un pour cent du fonds de production du câble, trois pour cent de sources privées et six pour cent d'autres sources. Cependant, au moins 51 p. 100 viennent directement des ventes de temps d'antenne pour la publicité, ce qui fait du secteur le plus important contributeur de fonds au système canadien de radiodiffusion.
Compte tenu des recettes substantielles qu'elle génère, la publicité est essentielle au maintien d'un système de radiodiffusion robuste et en santé au Canada. C'est la publicité qui paie pour le contenu. Cela a toujours été l'entente entre les annonceurs et le public depuis le tout début de la radiodiffusion. C'est la publicité qui paie pour les émissions qui divertissent, qui informent et qui instruisent les Canadiens. Sans les recettes venant de la publicité, le système de radiodiffusion ne pourrait pas survivre. C'est également la publicité qui permet au système d'atteindre les objectifs publics établis par la Loi sur la radiodiffusion.
Bref, la publicité donne une force économique au système. C'est la pierre d'assise sur laquelle nous avons bâti une industrie excitante dont tous les Canadiens peuvent être fiers.
Parallèlement, un système de radiodiffusion en santé est crucial pour les annonceurs au Canada. Pour nombre d'entre eux, la télévision d'antenne continue d'être le véhicule idéal pour imposer une marque. Cependant, l'intérêt des annonceurs est principalement commercial, notre rôle étant relativement semblable à celui d'un partenaire financier silencieux. Et à ce titre, nous croyons que nous faisons un investissement à long terme dans la télévision et la radio en tant que médias publicitaires, et nous voulons le protéger.
La sagesse reconnue semble être que les recettes de la publicité continueront toujours d'affluer à la télévision et à la radio. Pourtant, les annonceurs ont de nos jours plus de médias que jamais par lesquels ils peuvent cibler la clientèle. Le fait est qu'ils continueront d'utiliser la presse électronique tant et aussi longtemps qu'ils jugeront que le nombre et la qualité des téléspectateurs et des auditeurs sont acceptables par rapport au coût. Dans le cas contraire, d'autres médias profiteront naturellement d'une partie des revenus de la publicité.
¿ (0915)
Mme Sunni Boot (présidente, Canadian Media Directors' Council): Jusqu'à maintenant, la télévision et la radio se sont avérés des outils de marketing formidables pour les annonceurs, et nous voulons nous assurer qu'ils le demeurent. Par souci de maintenir un système de diffusion en santé dans ce pays, nous vous soumettons respectueusement que vous devriez également vouloir qu'il le reste. À cette fin, il faut faire en sorte que le système soit à la fois un véhicule de premier plan pour la culture et un puissant outil de marketing, tout en demeurant compétitif, ordonné, efficace et efficient.
Nous sommes très conscients du fait que l'un des principes fondamentaux de la Loi sur la radiodiffusion est de favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne. Nous appuyons les objectifs du gouvernement à cet égard, et son utilisation légitime du système de radiodiffusion aux fins de promouvoir la politique culturelle. Nous disons cela tout en étant pleinement conscients que les annonceurs appuient la plupart du temps leurs décisions d'achat sur une évaluation objective du profil et de la taille de l'audience, indépendamment de l'orientation culturelle du contenu.
En tant qu'entreprise commerciale ayant des responsabilités envers nos actionnaires et d'autres personnes ou groupes, nous devons commercialiser nos produits et services au meilleur de notre capacité. Par conséquent, nous nous préoccupons avant tout de l'efficience et de l'efficacité des médias. Nous devons d'abord fonder nos décisions sur l'analyse.
Toutefois, nous reconnaissons aussi que sans un contenu national important, le système canadien n'aurait à peu près pas de raison d'être. Par conséquent, nous encourageons le comité et le CRTC à considérer le contenu canadien comme l'une des possibilités d'affaires cruciales dans l'avenir du système de radiodiffusion, et à élaborer des politiques pour élargir ce secteur. Cependant, ces politiques ne devraient jamais chercher à dicter des règles à l'ensemble des téléspectateurs car, en bout de ligne, eux seuls décident de ce qui a du succès.
Néanmoins, au vu de l'engouement pour la radiodiffusion, nous croyons que le Canada possède le talent, la technologie et l'environnement d'affaires pour devenir un intervenant majeur dans l'industrie du contenu, en émergence dans le monde. À cette fin, nous devrions tous appuyer et encourager la production d'émissions qui, non seulement renferment des voix canadiennes et témoignent des choix nationaux, pour le marché intérieur, mais qui véhiculent des valeurs internationales en matière de divertissement, pour le marché d'exportation.
Les annonceurs sont aussi en faveur du choix universel. Ils ciblent aujourd'hui des publics de plus en plus précis pour leurs produits et services. Ils ont besoin d'un large éventail de supports publicitaires pour rejoindre divers auditoires. La plupart des services spécialisés autorisés à ce jour par le Conseil ont reçu un accueil et un appui favorables des annonceurs.
Il y a cependant encore plus de possibilités pour de nouveaux services de desservir d'autres marchés. En particulier, les services de télévision locaux ont souffert au cours des dernières années, la plupart des radiodiffuseurs ayant cherché à étendre leur couverture vers les régions. À l'heure actuelle, par exemple, toutes les stations de Toronto couvrent la plus grande partie de la province de l'Ontario et il ne reste pas grand-chose pour les publicités locales. Dans la plupart des marchés canadiens, les annonceurs accueilleraient favorablement de nouvelles stations classiques.
Les annonceurs sont également en faveur de l'accès universel à la radiodiffusion. Nous croyons que tous les services de radio et de télévision devraient autoriser la publicité commerciale—ce dont ils profiteraient effectivement—et que tout service nouvellement autorisé devrait être appuyé par la publicité.
¿ (0920)
M. Robert Reaume (vice-président, Médias et recherche, Association canadienne des annonceurs): Cela devrait tout aussi bien s'appliquer à la SRC, à notre avis. Les annonceurs ont toujours appuyé la SRC, et nous sommes fiers de la part que nous avons eue à son succès. Le soutien publicitaire du radiodiffuseur public permet aux gouvernements d'être prudents sur le plan financier tout en faisant progresser les objectifs de la politique publique.
La télévision de la CBC et de la SRC fournit actuellement un important bassin d'auditeurs au marché de la publicité. Selon d'aucuns les deux réseaux devraient réduire leur dépendance à l'égard des revenus de publicité (qui s'élèvent actuellement à quelque 350 millions de dollars par année). Cela réduirait de beaucoup la concurrence nécessaire et ne devrait par conséquent pas être sérieusement envisagé. Selon nous, il n'y a actuellement pas assez de médias classiques, particulièrement au niveau local, pour remplacer sans risque ce bassin d'auditeurs. Sans ce remplacement ou une concurrence adéquate, le prix de la publicité télévisuelle augmenterait et les annonceurs consacreraient une certaine partie de leur budget à d'autres médias moins coûteux, ce qui aurait pour effet de réduire les recettes de la publicité en général et d'affaiblir le système de radiodiffusion.
Nous croyons que cette politique de commercialisation devrait être aussi étendue à la radio de la CBC et de la SRC. La radio de la CBC et de la SRC, sur lesquelles ne passe actuellement aucune publicité, sont entièrement à la charge des contribuables canadiens. Les deux réseaux génèrent de nombreux auditoires uniques, désirables et commercialement viables dont la valeur financière pourrait être aisément monnayée pour contribuer à l'atteinte des objectifs des radiodiffuseurs publics. Il pourrait s'agir, au lieu de messages dérangeants de 60 secondes, de courts messages d'identification corporative, comme on en entend, par exemple, à la radio publique nationale américaine.
M. Ronald Lund: En conclusion, comme nous espérons vous l'avoir démontré, la publicité représente un élément essentiel et joue un rôle crucial dans le soutien d'un système de radiodiffusion canadien dynamique et bien portant.
C'est la force financière fournie par notre industrie qui a bâti ce que nous avons aujourd'hui. La publicité paie le contenu des émissions qui divertissent et informent la population canadienne. À ce titre, il est important qu'elle reste un outil de commercialisation utile pour les publicitaires et qu'elle soit concurrentielle, libre et efficace. Nous favorisons par conséquent un accès universel à la radiodiffusion en donnant le choix à tout le monde. Nous demandons que tous les nouveaux services homologués soient financés par la publicité. Enfin, nous avançons que la radio de la CBC et de la SRC, de même que le contribuable canadien, pourrait grandement bénéficier de l'apport de la publicité.
Votre comité a entrepris d'examiner l'efficacité de la Loi sur la radiodiffusion, mais si ce n'était des publicitaires, celle-ci serait inutile. La publicité est l'ingrédient essentiel et la principale garantie de la viabilité du système de radiodiffusion canadien.
Avec l'efficacité marketing continue de la radio et de la télévision, l'assise financière de la publicité, et les talents de création et d'innovation de tant de Canadiens et de Canadiennes, ensemble, nous pourrons continuer à bâtir le système de radiodiffusion dont le Canada a besoin pour le 21e siècle.
Nous souhaitons bonne chance à votre comité dans ses délibérations et nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité d'intervenir aujourd'hui. Nous espérons que vos travaux profiteront à l'ensemble des Canadiens.
Nous sommes tout disposés à répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.
¿ (0925)
Le président: Je pense que M. Lund et ses collègues nous ont présenté le dossier de la publicité avec beaucoup de clarté et de concision. Nous avons bien compris votre message.
Avant de passer aux questions que vont vous poser mes collègues, j'aimerais vous renvoyer, pour les besoins de notre équipe de recherche, au titre «Rôle essentiel de la publicité dans le Système de radiodiffusion canadien», qui figure à la page 4 du document. Il s'agit du mémoire présenté par les représentants de l'industrie canadienne de la publicité. En haut de la page 5, vous mentionnez un certain nombre de statistiques et de pourcentages et vous nous renvoyez aux notes vii et viii qui se trouvent à la fin du document, la deuxième d'entre elles se rapportant au Bureau de la télévision du Canada, à la SRC, au CRTC et à Statistique Canada. J'imagine que ces statistiques proviennent de quatre ou cinq sources différentes, et notre équipe de recherche aurait une bien meilleure idée de ce qui se passe si vous pouviez lui préciser certaines données et lui fournir une ventilation de tous ces chiffres.
M. Robert Reaume: Nous nous ferons un plaisir de communiquer ces données au comité.
Le président: Si vous pouviez les faire parvenir à notre greffière... je vous remercie.
[Français]
Ce sont des pourcentages et des chiffres que l'on voudrait avoir.
[Traduction]
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay--Columbia, Alliance canadienne): Bien, je vous remercie. Comme l'a indiqué notre président, vous venez de faire un exposé très concis. Je pense que je vais laisser à d'autres le soin de vous poser des questions sur la publicité à la radio de Radio-Canada. Je ne vais pas traiter de ce sujet. Je dois vous avouer que la question m'a traversé l'esprit l'espace d'une milliseconde avant que je ne l'en écarte.
Laissez-moi vous dire—sans vouloir être agressif ni rechercher la polémique...
Des voix: Oh, Oh!
M. Jim Abbott: Il me semble que la question de la publicité renvoie à un grave problème que nous avons au Canada en matière d'accès local. Lorsque nous sommes allés voir le canal A à Edmonton, par exemple, nous avons tous été très impressionnés, je pense, par le fait que cette chaîne de télévision donnait véritablement la possibilité à la population d'Edmonton de se voir à l'écran. Le contenu local est énorme, il y a de nombreuses émissions de nature locale. Cette chaîne en fait plus que la CBC et, bien évidemment, que CTV et Global, dans ce domaine.
Lorsque j'ai posé la question suivante: «Puisque vous faites un si bon travail sur le plan local et que vous avez de si nombreuses émissions de nature locale, vous devez bénéficier de la publicité locale», on m'a répondu: «Oui, peut-être, mais les achats de publicité se font en fait à Toronto». C'est la façon dont opère le canal A à Edmonton—ainsi qu'à Calgary et dans d'autres villes—tout en cherchant à refléter le milieu local... En réalité, ces entreprises ont les mains liées. Autrement dit, ne serait-il pas normal qu'elles puissent s'appuyer sur le marché local?
Il y a en fait une question sur laquelle j'interroge depuis longtemps l'Association canadienne des annonceurs, à savoir qu'il y a une concentration de la propriété, notamment pour ce qui est des stations de radio des régions rurales, qui provient directement du fait que les agences de publicité, lors des regroupements, s'efforcent de trouver le meilleur auditoire possible pour négocier des plages de publicité à la radio. Si l'on disait aux entreprises qui font de la publicité que pour tant de dollars la minute—quelle que soit la façon dont on calcule le montant—la publicité pourrait passer sur une station de radio de Revelstoke, ou de Sydney, en Nouvelle-Écosse, mais ils vont tout prendre en bloc... La concentration dans le domaine de la radio découle en fait des exigences et des pressions exercées par les publicitaires au Canada.
Je considère par conséquent que c'est le monde de la publicité au Canada qui exige ces achats groupés à la radio et à la télévision, que vous êtes en grande partie la cause de cette concentration et que les radiodiffuseurs ne font que répondre aux pressions que vous exercez, au détriment de l'accès local à la radio et à la télévision au Canada.
¿ (0930)
Le président: C'est une affirmation ou une question?
M. Jim Abbott: J'aimerais avoir le point de vue des témoins.
M. Robert Reaume: Monsieur Abbott, nous parlons ici de ventes. J'imagine que les radiodiffuseurs vont vous dire que les pressions exercées par ces grandes agences publicitaires de Toronto les ont obligés à se regrouper pour offrir un seul point de vente, rentabiliser les achats, etc. Bien entendu, nous sommes très favorables à cette évolution, mais cela n'empêche aucunement une station de Revelstoke, de Sydney ou d'une autre région du pays d'aller démarcher les pizzerias de la rue Principale pour leur demander si elles veulent passer une annonce publicitaire. À mon avis, c'est un faux problème. Rien n'empêche ces stations de développer leur marché local.
M. David Harrison: Puis-je ajouter un mot?
Je vous répondrais en disant que cela signifie à mon avis que nous faisons bien notre travail, parce qu'il s'agit de rentabiliser au maximum les dépenses de nos clients. C'est notre travail. C'est la tâche qui nous a été confiée. Si nous avons regroupé des achats et constitué de plus gros groupes, c'est en réalité pour nous adapter au fait que les médias se sont regroupés. C'est une évidence.
Il y a 10 ans, nous aurions eu affaire ici à une trentaine de groupes de médias. Aujourd'hui, il y en a peut-être 10. Nous n'avons donc pas d'autre choix que d'essayer de regrouper nos forces sur le marché pour effectuer des achats raisonnables et efficaces.
M. Jim Abbott: Dans la ville de Cranbrook, dont je suis originaire, je me demande ce que peuvent faire les petits marchands contre Wal-Mart. Autrement dit, nous parlons ici de la possibilité d'attirer... Je vous ferai respectueusement remarquer que l'essentiel, la majeure partie des revenus d'une station de télévision, provient de ces achats massifs dans les médias. Au bout du compte, d'après moi, on va à l'encontre des intérêts des petites villes.
L'exemple que je donne au sujet de Wal-Mart illustre bien la chose. La population qui va chez Wal-Mart à Cranbrook ou dans tout autre petit centre urbain—cette ville compte 25 000 habitants—le fait effectivement au détriment des petits marchands. Ces derniers doivent donc trouver le moyen de commercialiser leurs produits ou leurs services de manière à garder leurs clients. C'est la loi du marché. Je ne m'oppose pas à Wal-Mart; je dis que c'est la loi du marché. Sur le plan des politiques publiques, toutefois—c'est la tâche qui a été confiée à notre comité—j'affirme que le monde de la publicité a délibérément contribué à cette évolution. C'est l'histoire de la poule et de l'oeuf, et il s'agit de savoir si la concentration des médias s'explique par la publicité ou si les publicitaires vendent aux médias parce qu'ils sont en mesure de se regrouper.
M. Robert Reaume: Puis-je ajouter rapidement deux mots? Sans vouloir jeter le discrédit sur un groupe en particulier, je considère cependant qu'il est plus facile pour les groupes de radiodiffuseurs de faire leurs achats auprès d'une grosse agence de publicité de Toronto que de développer le marché de la publicité au niveau local. Ils sont donc en partie responsables. Lorsqu'on réussit à obtenir 350 000 $ d'une agence de Toronto, c'est de l'argent vite gagné, qui évite d'avoir à faire 50 appels locaux pour trouver cette somme. Nous n'allons donc pas nous excuser de rentabiliser notre exploitation.
¿ (0935)
M. Jim Abbott: Une question, rapidement. Vous nous parlez de contenu canadien. J'aimerais comprendre un peu mieux le sens de votre intervention. Il me semble que la publicité est l'expression ultime de la liberté de choix, de l'esprit d'entreprise, du capitalisme au Canada, de la présence de certains débouchés, des choix effectués à l'échelle du monde, etc. Pourtant, vous nous parlez de contenu canadien. Considérez-vous dans votre intervention que nous devrions imposer un certain contenu canadien à la publicité? Il me semble que la publicité devrait être la première à faire la distinction entre Arby's, Wendy's et McDonald's. C'est un choix que l'on fait ici et l'on vend en tablant sur ses compétences, qui permettent de faire la distinction entre ces trois chaînes d'alimentation rapide.
Proposez-vous que nous recommandions éventuellement que l'on impose un certain contenu canadien à la publicité?
M. Ronald Lund: Absolument pas.
M. Jim Abbott: Bien, je vous remercie.
Mme Sunni Boot: J'aimerais ajouter deux mots. Nous considérons que les Canadiens ont très bien réussi au cours de leur histoire à faire passer un certain contenu sur le marché international, mais ce n'est pas quelque chose que l'on peut dicter en termes d'heures. Nous recherchons plutôt des incitations. Nous avons d'excellentes réalisations à notre crédit, qu'il s'agisse d'émissions pour enfants, de documentaires ou d'autres types de programmes. Nous aimerions qu'il y ait des incitations dans ce domaine pour que nous puissions exercer notre concurrence à l'échelle mondiale étant donné que le moment est bien choisi pour le faire.
M. Jim Abbott: Puis-je vous demander rapidement ce que vous entendez par «incitations»? Est-ce sous la forme d'allégements fiscaux, de crédits d'impôt? Qu'entendez-vous par incitations?
Une voix: Tout cela en même temps.
Mme Sunni Boot: Oui, en effet. Ce sont tous les moyens à votre disposition pour encourager ce genre de chose. Nous ne sommes pas en faveur, toutefois, d'une réglementation du nombre d'heures ou des montants consacrés au contenu canadien.
[Français]
Le président: Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): [Note de la rédaction: Inaudible]...la publicité véhicule des valeurs culturelles et il faudrait qu'elle soit considérée comme du contenu canadien. Si la publicité était considérée comme du contenu canadien, à ce moment-là, elle ferait partie du pourcentage du contenu canadien exigé en vertu de la Loi sur la radiodiffusion par le CRTC.
En même temps, j'aimerais vous entendre là-dessus. Le consommateur voudrait de moins en moins de publicité. Il se sent agacé par la publicité. C'est irritant d'écouter un film quand on nous passe des annonces publicitaires sur des produits qui n'ont peut-être rien avoir avec l'émotion qu'on a en regardant une émission. Comment pouvez-vous joindre ces deux tendances?
[Traduction]
M. Robert Reaume: Ce film, vous n'auriez pas pu le voir en l'absence de la publicité. C'est un pacte—un contrat, un échange—qui vous permet de suivre une émission d'une heure en contrepartie de la nécessité d'écouter un certain nombre de publicités.
J'imagine que l'on pourrait distribuer ces films à la population à la télévision payante—et nous avons dans notre pays des chaînes de télévision qui le font—mais le taux de pénétration reste très limité. Depuis les débuts de la télévision en 1952, notre population s'intéresse aux émissions diffusées gratuitement.
M. David Harrison: Hier soir, nous avons essayé en fait d'apprécier la valeur financière de la publicité pour chaque foyer. En gros, la publicité permet à chaque foyer canadien de disposer d'une valeur de 1 000 $ de télévision. Lorsqu'on divise les montants consacrés par la publicité à la télévision par le nombre de foyers, on arrive à une valeur d'à peu près 1 000 $ par foyer.
Si l'on retirait donc 1 000 $ à notre système, chaque foyer canadien devrait trouver 1 000 $ pour suivre ses émissions préférées.
¿ (0940)
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je suis bien consciente de l'impact que ça aurait. Je sais que la publicité sert à payer la programmation, mais en même temps, en avoir trop... Comme consommatrice je trouve que cela a souvent l'effet inverse et que finalement, on se sent harcelé parce qu'il y a trop de publicité. On finit même parfois par se dire: «Ah, non! Pas ce produit-là encore.» C'est l'observation d'une consommatrice de programmation télévisuelle ou radiophonique.
Vous pourrez répondre, mais j'aimerais poser une deuxième question.
La télévision interactive peut-elle avantager la publicité? Est-ce que dans les messages publicitaires sur un produit, par exemple, la télévision interactive pourrait...? On sait comment est faite la publicité. On nous lance le message qu'on veut bien nous passer, mais parfois, on aimerait savoir, par exemple, quels sont les effets négatifs d'une telle publicité sur un produit. Mais avec l'avènement de la télévision interactive, est-ce qu'on pourrait aller jusque-là dans une publicité? Est-ce qu'on pourrait savoir, par exemple, l'impact d'un tel produit, les conséquences? On a parfois besoin d'en savoir un petit peu plus que ce que l'on voudrait nous dire. La publicité est quand même commerciale. On la fait pour vendre un produit, pour avoir plus d'adeptes d'un produit.
[Traduction]
M. Ronald Lund: Votre question comporte deux volets. Tout d'abord, au sujet de l'omniprésence de la publicité, nous considérons effectivement qu'il y a trop de battage publicitaire à la télévision. À notre avis, le seuil de 12 minutes qui a été retenu, avec toutes les exceptions accordées aux radiodiffuseurs, n'est en fait pas assez strict. Nous effectuons en permanence un suivi pour démontrer que trop de publicité fait baisser pour nous l'intérêt du support. Nous n'allons pas vraiment vous contredire sur la question.
Pour ce qui est de la télévision interactive, on ne peut pas encore conclure dans un sens ou dans l'autre. Je ne connais pas beaucoup de foyers qui en soient équipés. Ce support offre un bon potentiel en raison d'une meilleure participation de l'auditoire et des possibilités de dialoguer avec les consommateurs. L'intérêt serait encore plus grand.
Sunni, savez-vous si l'on a déjà fait des essais dans le monde? Il est encore tôt pour la télévision interactive.
Mme Sunni Boot: Oui, certains essais ont été faits dans le monde, et il s'en fait même au Canada à l'heure actuelle. Je crois que le groupe CHUM fait des essais d'émissions interactives, ainsi qu'une des stations du groupe Rogers, il me semble.
Rien n'est encore décidé, parce que ce médium est relativement nouveau. On peut toutefois se montrer optimiste et penser que le consommateur comme le publicitaire pourraient en bénéficier. Le principe, c'est que les consommateurs qui s'intéressent vraiment à quelque chose—prenons, par exemple, des propriétaires de chats ou de chiens—pourront interagir au sein du système pour connaître les nouveaux produits s'adressant à leurs animaux familiers. Une publicité qui ne serait qu'un désagrément pour un foyer sans animaux les intéresserait bien davantage. C'est donc prometteur, mais il est encore trop tôt pour se prononcer.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Mills.
M. Dennis Mills (Toronto--Danforth, Lib.): Merci, monsieur le président.
Est-ce que vous vous inquiétez de la rapidité avec laquelle des intérêts étrangers prennent le contrôle de nos grandes agences de publicité canadiennes? Cela ne vous inquiète pas?
Mme Sunni Boot: C'est une évolution mondiale. C'est la réalité d'aujourd'hui. Les donneurs de publicité ont pris une envergure mondiale. Ils veulent rationaliser leur exploitation dans le monde et, par conséquent, les agences de publicité—parce que nous sommes essentiellement dans le secteur des services—s'adaptent aux besoins de leurs clients. Le client nous dit qu'il possède une marque qui doit avoir la même personnalité et la même audience au niveau mondial.
¿ (0945)
M. Dennis Mills: Je vais donc vous poser la question qui fait suite à celle-là et qui porte sur l'élaboration des publicités au Canada, qui est elle aussi en baisse depuis un certain temps. Est-ce que cela ne vous préoccupe pas?
M. David Harrison: Oui, effectivement, et un peu plus tard au cours de la matinée, je vais siéger au sein d'un groupe chargé de se pencher sur la question. Oui, effectivement, c'est un sujet de préoccupation.
M. Dennis Mills: Comment réagissez-vous?
M. David Harrison: Je dois vous avouer, monsieur Mills, que nous ne savons pas vraiment quoi faire.
M. Dennis Mills: Je trouve cela bien inquiétant, parce que je constate que vous perdez de votre importance en tant qu'instrument de notre souveraineté. Je vois ces énormes montants que vous nous citez aujourd'hui, mais j'ai l'impression qu'on a affaire à un cheval de Troie. Dans les milieux de la publicité, qui étaient florissants à l'époque, nous pouvions compter sur des femmes et sur des hommes compétents qui créaient des annonces publicitaires au Canada. À l'heure actuelle, nous ne sommes qu'une courroie de transmission de la publicité au Canada.
J'aurais aimé que vous abordiez plus franchement la question dans votre mémoire car, même si la plupart des membres de votre secteur sont possédés par des intérêts étrangers, je crois que notre comité veut quand même vous apporter son appui. Nous devrions mettre cartes sur table et voir s'il y a un moyen, en faisant appel au pouvoir dont dispose notre gouvernement, de faire des recommandations devant permettre à votre secteur de reprendre une partie du terrain perdu ces dix dernières années. C'est une question qui me préoccupe beaucoup.
Sur un autre point...
M. Ronald Lund: Monsieur Mills, si vous me permettez d'intervenir. Nous partageons vos préoccupations. Là encore...
M. Dennis Mills: Pourquoi ne l'avez-vous pas mentionné dans votre mémoire?
M. Ronald Lund: Parce que c'est un autre groupe qui est chargé d'aborder cette question en particulier.
À ce sujet, cependant, il y a une chose dont nous devrions être fiers. Nous disposons effectivement au Canada d'une excellente infrastructure publicitaire; en dépit du problème des agences, nous avons chez nous d'excellents créateurs qui réalisent de magnifiques prestations. Nous avons des installations de postproduction de très grande qualité. Lors des négociations menées récemment avec le syndicat des créateurs, les deux parties ont cherché des moyens de réduire les coûts pour que le secteur devienne plus compétitif. Nous constatons entre autres aujourd'hui que si nous réussissons à être plus compétitifs—et là encore, le groupe suivant va s'efforcer d'étudier les moyens d'y parvenir—nous serons tout à fait en mesure d'exporter certaines de nos publicités. Le potentiel est là.
M. Dennis Mills: Je suis bien d'accord. Je connais bien votre secteur. J'y ai travaillé pendant longtemps, comme vous êtes quelques-uns à le savoir... c'est ce qui m'a amené à Ottawa. Lorsque je suis arrivé dans cette ville en 1980, nous avions l'habitude d'accorder quelque 90 millions de dollars de publicité par an aux publicitaires canadiens. Nous tenions largement compte de la propriété canadienne de ces entreprises. Bien évidemment, le libre-échange est passé par là et nous ne pouvons plus le faire à ce point. Nous nous assurions que ces publicités étaient produites au Canada. Nous avons bien pris soin de faire en sorte que cette infrastructure soit mise en place au Canada—elle est de classe internationale, ce qui m'amène à la question suivante.
Madame Boot, vous avez parlé de mandat à l'échelle mondiale, ce que nous souhaitons tous. Avons-nous à l'heure actuelle des exemples concrets d'organisations implantées au Canada—à propriété étrangère, bien entendu—ayant reçu un mandat à l'échelle mondiale pour créer des publicités destinées à une multinationale? Pouvez-vous me citer trois ou quatre exemples de publicités faites au Canada dont l'audience doit s'étendre au monde entier?
M. Robert Reaume: L'exemple de l'agence Geoffrey Roche de Toronto, qui a obtenu la clientèle d'IKEA en Allemagne, vient immédiatement à l'esprit. Elle a servi son client à partir de Toronto via Internet, elle a produit ses publicités télévisées dans un décor du lac Ontario qui était censé représenter une scène allemande, et tout ce marché a profité au Canada.
M. Dennis Mills: Pouvez-vous me donner un ou deux autres exemples?
M. Robert Reaume: Nous pourrions vous les communiquer plus tard.
Mme Sunni Boot: Leo Burnett, de Toronto, s'est vu attribuer la publicité du détergent Cheer, de Proctor & Gamble, à l'échelle de toute une zone, ce qui est vraiment une belle réussite pour une entreprise de l'envergure de Proctor & Gamble. Nous pourrions évidemment vous donner d'autres exemples.
¿ (0950)
M. Dennis Mills: Ce serait utile.
Merci, monsieur le président.
Le président: Posez vos questions, madame Bulte, et nous suspendrons ensuite la séance.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale--High Park, Lib.): Je vous remercie.
Merci d'être venus. Contrairement à M. Mills, je ne connais pas beaucoup votre secteur d'activité et je vous suis donc très reconnaissante d'être venus m'en apprendre davantage.
Je vais aborder deux sujets en particulier. J'aimerais enchaîner sur la question du mandat mondial. En répondant à M. Abbott, vous avez évoqué les incitations fiscales. Vous n'avez pas parlé... Je pense que c'est le paragraphe 19(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui s'attache aux frais de publicité pouvant être déduits ou non.
J'aimerais aussi enchaîner sur la position que vous avez adoptée au sujet du GATT. Lorsque vous nous parlez de mondialisation, est-ce que vous avez le sentiment dans votre secteur qu'il s'agit là d'une obligation? Dans le cas des revues, nous avions prétendu que nous n'étions pas tenus d'accepter les publicités aux termes du GATT, mais les États-Unis n'en ont pas moins gagné en se réclamant de l'ALENA. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
Je relève aussi qu'il y a un sujet que vous n'avez pas abordé selon M. Mills et je constate que ça ne figurait ni dans votre mémoire, ni dans votre exposé. Vous savez que l'ACR est venue nous demander que nous levions l'interdiction de la publicité sur les médicaments. Bien entendu, nous rigolons tous en voyant la publicité télévisée sur le Viagra. Nous savons, en lisant les médias, qu'il y a une bataille sur le sujet à Santé Canada. On prétend—mes chiffres sont peut-être faux—qu'en levant cette interdiction, on permettrait aux publicitaires de faire entre 240 et 245 millions de dollars de ventes supplémentaires. Qu'en pensez-vous? Êtes-vous d'accord avec cette analyse?
Dernière chose, et ce n'est pas la moindre, vous revenez sur la nécessité de favoriser le contenu canadien. Je n'ai pas connaissance... est-ce qu'il se fait quelque chose dans votre secteur pour aider ou promouvoir précisément le contenu canadien au niveau des objectifs culturels établis? Je veux dire par là que les câblodiffuseurs, dans le cadre de leurs émissions, contribuent par exemple à financer le Fonds canadien de télévision.
Je vous remercie.
Mme Sunni Boot: Il y a là un certain nombre de questions. Pourquoi, par conséquent...
M. Ronald Lund: Je vais répondre à la première.
Il y a eu bien entendu le projet de loi C-55. Vous vous en souvenez peut-être—vous étiez là; Mme Lill y était—nous avons effectivement appuyé les dispositions qui ont été retirées du projet de loi C-55 à l'origine. Nous sommes en fait partisans de l'ouverture des marchés. Je crois que toutes nos prédictions—que tout n'allait pas s'écrouler, que ce ne serait pas la fin du monde—se sont en fait avérées dans le secteur des revues. Les publications étrangères, notamment américaines, n'ont pas fait de razzias en écrémant la publicité dans les revues canadiennes. Nous ne sommes donc certainement pas protectionnistes de ce point de vue.
En ce qui concerne votre première question, qui porte sur l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, nous considérons qu'effectivement—et nous n'avons pas encore fait valoir cette position—que les stations à cheval sur les frontières devraient pouvoir déduire leurs frais de publicité. C'est impossible actuellement, ce qui représente une véritable anomalie étant donné que nous pouvons déduire aujourd'hui jusqu'à 50 p. 100 des frais si le contenu canadien est de zéro dans les revues étrangères. C'est une anomalie que présente la publicité et nous considérons qu'il convient en fait d'y remédier étant donné que cela écarte la concurrence.
Voilà pour ce qui est de ces deux questions. Si vous voulez—oh, excusez-moi, il y a aussi les médicaments.
Nous appuyons pleinement cette position au sujet des médicaments. Je ne sais pas si les chiffres cités sont bien les bons. Toutefois, ce ne sont pas seulement les chiffres d'affaires qui sont importants. Les études ont révélé que les coûts de l'ensemble du système baissaient lorsqu'on faisait de la publicité. Les gens font leur propre diagnostic. Est-ce que cela signifie pour autant qu'ils vont rédiger leurs propres prescriptions? Non, il n'en est rien. Il leur faudra quand même s'adresser au médecin pour avoir une prescription, mais ils sont davantage conscients des réalités.
L'autre grand avantage, là encore, en plus du nombre de publicités dont pourra bénéficier le secteur, c'est que l'on respectera bien davantage les prescriptions en prenant les médicaments jusqu'à la fin du traitement ou indéfiniment. Par conséquent, si les frais de prescription vont augmenter dans l'immédiat, et c'est bien évidemment ce que vise cette stratégie de communication puisque, à partir du moment où l'on autorise la publicité sur les médicaments prescrits les gens, en sachant mieux ce qui se passe, vont aller voir leur médecin—celui-ci devant leur répondre éventuellement: «Non, vous n'avez rien»—les frais de santé vont considérablement baisser à l'échelle de l'ensemble du système. Je pense qu'il nous faut en tenir compte.
Mme Sarmite Bulte: J'ai une dernière question concernant...
¿ (0955)
Le président: Excusez-moi, madame Bulte, mais nous devons maintenant suspendre la séance. Nous reprendrons juste après la déclaration du premier ministre. Ça ne sera pas long.
¿ (0955)
À (1026)
Le président: Nous reprenons la séance là où nous l'avons laissé et je vais maintenant donner la parole à Mme Lill.
M. Ronald Lund: Monsieur Lincoln, il nous fallait répondre à une dernière...
Le président: Je sais, à une dernière question posée par Mme Bulte. Nous attendrons son retour.
Mme Sunni Boot: Très bien.
Le président: Je vous remercie.
Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci. Excusez-nous de cette interruption, mais je crois qu'elle était importante.
J'ai été très intéressée par ce qu'a déclaré l'un des membres d'en face, qui nous a parlé du contrôle de plus en plus grand qu'exerce sur le monde de la publicité d'autres sociétés canadiennes, et j'aimerais vous poser une question sur le contenu des publicités.
Nous avons entendu à maintes reprises et de sources très différentes que ce que les gens voient à la télévision ne reflète pas la réalité de leur vie. Chez nous, une personne handicapée ne se voit pas dans les émissions ou dans la publicité télévisée. Un Autochtone ou un musulman canadien ne s'y voit pas. Les pauvres n'y figurent pas. On ne voit pas de publicité sur les gens qui fréquentent les banques alimentaires. Nombre de caractéristiques et de réalités canadiennes ne se voient pas sur nos écrans de télévision, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter dans le cadre de cette étude sur la radiodiffusion. Comment refléter au Canada la véritable réalité que vit la population canadienne.
Je sais que la question va peut-être vous paraître étrange étant donné que l'on vous demande de vendre des produits et qu'il y a des millions de Canadiens qui n'ont pas les moyens d'acheter les produits que vous êtes payé pour vendre, mais quelles sont les initiatives que vous prenez à l'heure actuelle pour essayer d'harmoniser en quelque sorte les messages transmis à la population dans la publicité et dans les émissions? Comment faites-vous pour essayer de mieux refléter la vie des gens étant donné que vos propriétaires s'éloignent de plus en plus des réalités canadiennes?
M. Ronald Lund: C'est une initiative prise par un groupe mixte du secteur qui s'intitule Les normes canadiennes de la publicité, et elle vise en fait à promouvoir la présence des différentes cultures au Canada, l'égalité des sexes, etc. C'est une exigence dont nous sommes bien conscients. La situation, si vous vous reportez à un certain nombre d'années, s'est nettement améliorée à mon avis, mais je pense que nous serons tous d'accord pour dire autour de cette table qu'il reste encore du chemin à faire. Nous y croyons, et nous ne manquons pas d'inciter nos membres à agir dans ce sens, parce qu'évidemment s'ils parviennent à bien refléter les réalités et les convictions des clients, ils seront bien mieux à même de les persuader d'acheter les produits et autres services proposés.
La situation s'améliore, mais ce n'est pas encore suffisant.
Mme Wendy Lill: On a laissé entendre récemment à notre comité qu'il faudrait que les publireportages diffusés en fin de soirée soient considérés comme des émissions à contenu canadien. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet. Je pense que la question est très controversée, de même que le principe selon lequel on se sert des bulletins d'actualité pour diffuser des séries de messages publicitaires assimilés à un contenu canadien. Est-ce qu'il s'agit, à votre avis, d'un contenu canadien légitime?
À (1030)
M. Ronald Lund: Eh bien oui. Ce qui est moins évident, c'est de savoir quelle est la valeur de ce contenu canadien. Nous pensons qu'il faut lui accorder une certaine valeur. Je ne veux pas vous donner d'exemples, mais lorsqu'on a affaire à un message dont on reconnaît tous la valeur, qui frappe au coeur de l'identité canadienne; il faut que cela ait une certaine valeur. Si c'est autre chose... même si cela a une valeur potentielle, il faudra peut-être accorder une moindre valeur à ce publireportage. Quelle est-elle, je n'en sais rien. Tout a une certaine valeur. Je pense qu'il nous faudra simplement déterminer quelle est la valeur de chacun de ces publireportages, par exemple.
Mme Wendy Lill: À la suite de votre intervention, nous allons entendre les représentants des auteurs et des acteurs de notre pays, et je vais leur poser cette même question. Ils gagnent évidemment leur vie en faisant de la publicité, mais j'aimerais bien savoir s'il y a là en fait un contenu canadien et s'ils souhaitent qu'on en juge ainsi.
Le président: J'imagine que vous pouvez maintenant répondre à Mme Bulte.
Mme Sunni Boot: Oui, je le ferai avec plaisir parce que je pense que c'est à moi qu'elle s'adressait.
Ce dont nous parlons, et cela renvoie aussi un peu à votre question, c'est d'émissions à contenu canadien. À la base, un très bon contenu canadien va attirer un large auditoire et les publicitaires vont suivre. Nous suivons essentiellement les auditoires et les cotes d'écoute. Nous pensons qu'il y a là une possibilité qui s'offre. La Loi sur la radiodiffusion a toujours prévu une certaine forme de contenu canadien, mais nous recherchons en fait la possibilité de fournir des incitations ou des appuis favorisant le contenu canadien. Lorsqu'on fait bien les choses, on obtient de grandes réussites commerciales, que ce soit au cinéma, à la télévision et, bien évidemment, à la radio. Voilà donc en fait ce qui fonde notre analyse.
Le président: Monsieur Duplain.
[Français]
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): J'ai quelques questions. Dans la loi que nous allons réviser, nous allons toucher à la question des radios et des télévisions communautaires. Quel impact voyez-vous sur les télévisions communautaires? Que pensez-vous que sera l'impact régional par rapport à votre publicité? J'aimerais prendre l'exemple concret des télévisions autonomes communautaires qui n'ont pas le droit de faire et de recevoir des subsides de la publicité. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
[Traduction]
M. Robert Reaume: Pouvez-vous nous donner un exemple? Je ne sais pas ce que vous voulez dire lorsque vous nous parlez des télévisions autonomes communautaires qui n'ont pas le droit de faire de la publicité.
[Français]
M. Claude Duplain: Dans ma région, nous avons plusieurs petites télévisions communautaires qui dépendent des câblodistributeurs, mais qui ne peuvent faire d'annonces pour réussir à aller chercher quelques gains pour justement offrir le service local qu'elles offrent.
[Traduction]
M. David Harrison: Je pense que vous nous renvoyez à un modèle semblable à celui du canal 10 à Toronto. À notre avis, toutes les émissions radiodiffusées devraient pouvoir servir d'appui à la publicité. C'est notre point de vue. Ce qui nous inquiète, c'est qu'il y a de plus en plus d'émissions télévisées dans notre pays auxquelles nous ne pouvons pas accéder et sur lesquelles nous ne pouvons pas faire de publicité. En fait, environ 30 p. 100 des émissions télévisées vues au Canada ne peuvent pas faire l'objet de publicité. Il s'agit des émissions télévisées sur les chaînes classiques de télévision américaine, sur les chaînes thématiques ou dans le cadre des émissions payables à la carte. Si nous voulons que la télévision ait du succès, il nous faut absolument pouvoir accéder à l'ensemble des téléspectateurs. Nous n'avons pas les moyens de les acheter tout le temps, mais nous devons pouvoir accéder à cet auditoire pour que le marché soit le plus rentable possible.
Je dois ajouter à cet égard que l'on envisage peut-être autour de cette table d'écarter la publicité de la SRC. On rajouterait encore sept pour cent à ce pourcentage. Il y aurait alors près de 40 p. 100 des émissions télévisées qui sont diffusées dans notre pays sur lesquelles on ne pourrait pas faire de publicité commerciale.
Voilà une longue digression pour répondre à votre question, mais sur le plan des principes nous estimons que les services locaux de télévision communautaire devraient pouvoir faire de la publicité.
À (1035)
Le président: Est-ce que l'on a d'autres questions à poser aux témoins avant que nous passions au second groupe?
Dans la négative, je remercie tous les intervenants. Nous avons apprécié votre présence et vos réponses.
M. Ronald Lund: Merci.
Le président: Monsieur Reaume, vous ferez parvenir ces renseignements à notre greffière?
M. Robert Reaume: Oui, je n'y manquerai pas.
Le président: Je vous remercie.
Je pense que nous allons maintenant donner la parole aux Annonceurs responsables en publicité pour enfants. Je crois, madame Boot, que vous allez rester pour la deuxième partie?
Mme Sunni Boot: Oui, je vais rester, monsieur Lincoln.
Le président: Nous accueillons par ailleurs Mme Cathy Loblaw, présidente-directeur général, ainsi que Mme Linda Millar et Patti Manna.
J'appelle aussi à la table les représentants du Réseau Éducation-Médias—soit Alan Mirabelli, son vice-président et directeur général préposé à l'administration, aux communications et à l'information, Vanier Institute of the Family, ainsi que Jan D'Arcy, son codirecteur.
M. Al MacKay, du Réseau Éducation-Médias, ne sera pas parmi nous.
Je souhaite la bienvenue aux représentantes des Annonceurs responsables en publicité pour enfants; Mme Cathy Loblaw, la présidente-directeur général; Mme Sunni Boot, la vice-présidente, média; Mme Linda Millar, la directrice, éducation; enfin, Mme Patti Manna, directrice, children's media.
Madame Loblaw, vous avez la parole. Je crois comprendre que vous allez nous faire une présentation télévisée.
Mme Cathy Loblaw (présidente-directeur général, Annonceurs responsables en publicité pour enfants): Nous avons prévu de faire aujourd'hui un court exposé devant votre groupe et nous allons présenter ensuite une bande de quatre minutes faisant état de commentaires émanant de parents, d'éducateurs et d'enfants qui, nous l'espérons, ajouteront un certain intérêt à la discussion d'aujourd'hui.
Merci de nous avoir donné la possibilité de comparaître devant vous. Nous espérons que notre intervention vous sera utile et que nous serons en mesure de répondre à vos questions.
Je vais prendre une minute pour vous dire en quelques mots qui nous sommes. Ensuite, Sunni vous parlera des enfants et des médias. Nous évoquerons la question de l'éducation sur les médias et nous terminerons en soumettant à votre attention un certain nombre d'idées s'appliquant au système de radiodiffusion canadien, qui vous aideront dans vos délibérations et lors de votre étude.
Je commencerai en disant que les Annonceurs responsables en publicité pour enfants est un consortium à but non lucratif composé de 26 entreprises canadiennes soutenu par plus de 40 entreprises partenaires qui collaborent dans différents dossiers liés aux médias et à la qualité de vie qui touchent des enfants. Notre organisme a été créé en 1990 pour mener une action collective, responsable, crédible et empreinte de compassion en faveur des engagements suivants: 1) établir des règles d'éthique et de pratique responsables en ce qui a trait aux émissions destinées aux enfants; 2) maintenir et développer une programmation canadienne pour enfants qui soit variée, viable et dynamique, de sorte que le temps passé devant le petit écran fasse vivre à l'enfant une expérience aussi sûre, enrichissante, divertissante et adaptée à son âge que possible. Bien sûr, et c'est le plus important, nous voulons assumer notre responsabilité collective et sociale à l'égard des enfants par l'élaboration et la présentation d'une programmation à caractère social, à la télévision, à l'école et à la maison, abordant des sujets tels que la prévention de la toxicomanie, l'intimidation, l'estime de soi, les mauvais traitements infligés aux enfants, etc. Tous les ans, nous abordons de nouveaux sujets qui intéressent et préoccupent les enfants canadiens.
Ces 12 dernières années, nous avons fait de notre mieux pour honorer ces engagements et nous mettre au service des enfants canadiens.
Je vais consacrer quelques instants à notre définition de l'éthique et de la responsabilité dans les publicités et les émissions qui s'adressent aux enfants. Le système canadien, qui est en place depuis 1972, fait appel à des méthodes responsables et efficaces très prisées dans le monde. Le Canada a mis en place un système qui protège et respecte en même temps les enfants et les spectateurs. Aujourd'hui, ce mécanisme de protection s'appuie sur un code de déontologie interne et sur une éducation des médias qui fera l'envie du monde entier.
Vous savez que le Code de la publicité radiotélévisée destiné aux enfants est à la base de la publicité responsable destinée aux enfants du Canada. Ce code part du principe que les enfants téléspectateurs sont encore en développement et peuvent parfois être vulnérables.
C'est un ensemble de normes très précises qui nous dictent ce que l'on peut dire ou non aux enfants. On y indique que les prix et les conditions d'achat doivent être précisés clairement pour être bien compris des enfants. On ne peut pas dire à un enfant d'acheter un produit ou de demander à ses parents de l'acheter. Des personnages bien connus des enfants ne peuvent pas manipuler, consommer, mentionner ou vanter d'une façon quelconque le produit dont on fait la publicité. Aucune comparaison ne peut être faite entre les produits, même si elle est vraie, pour éviter que l'enfant ait l'impression que les produits de l'année dernière ne sont pas aussi bons que ceux de cette année. Les produits ne peuvent jamais être présentés dans des circonstances peu propices ou dangereuses, et les caractéristiques des produits dont on fait la publicité doivent pouvoir être mis à profit par la moyenne des enfants.
Bien entendu, il faut que les valeurs sociales canadiennes soient respectées. La publicité s'adressant aux enfants doit respecter un ensemble de valeurs conformes aux normes morales, éthiques et juridiques de la société canadienne contemporaine.
Il convient de relever la grande importance, non seulement du texte du code, qui est très précis et tout à fait adapté aux enfants, mais aussi de la réglementation et de l'application de ce code. Outre ces dispositions précises, le code réglemente par ailleurs la quantité et les horaires des publicités s'adressant aux enfants. Dans les émissions pour enfants, les radiodiffuseurs ne peuvent passer que quatre minutes de publicité par demi-heure, soit un maximum de huit minutes par heure, contre douze minutes pour les émissions pour adultes.
De plus, la publicité n'est pas autorisée dans les émissions préscolaires et il y a même des heures dans la journée, par exemple pendant les heures d'école, en matinée, où aucune publicité n'est autorisée pour les enfants.
À (1040)
On a créé un comité pour les enfants administré par «Les normes canadiennes de la publicité», qui regroupe les parents, les enseignants, les décideurs, les radiodiffuseurs et les publicitaires et qui se réunit tous les lundis matins pour passer en revue toutes les publicités s'adressant aux enfants au Canada et s'assurer qu'elles respectent les normes établies par le code. Les publicités qui répondent aux normes reçoivent un numéro d'immatriculation et peuvent être diffusées sur les ondes canadiennes pendant un an. Si elles ne respectent pas le code, ces publicités ne peuvent pas être diffusées au Canada sur des ondes canadiennes.
Outre le Code de la publicité radiotélévisée destiné aux enfants, le monde de la publicité a mis en place le Code canadien des normes de publicité dont deux clauses—clauses 12 et 13—portent précisément sur la publicité s'adressant aux enfants. Ces clauses indiquent expressément que la publicité s'adressant aux enfants ne doit pas exploiter leur crédulité, leur manque d'expérience ou leur sens de la loyauté et ne doit pas comporter des textes ou des images susceptibles de leur porter un préjudice physique, émotif ou moral.
Il est important par ailleurs de relever qu'il suffit d'une plainte pour déclencher un réexamen en profondeur d'une publicité donnée.
Grâce à la mise en place de ce système canadien obligeant les responsables à rendre des comptes, nous avons réussi à instaurer des pratiques publicitaires responsables qui protègent les enfants au Canada et tiennent compte de leurs intérêts. C'est l'une des grandes réussites du Canada.
Je vais maintenant donner rapidement la parole à Sunni, qui va vous parler des enfants et de la télévision.
Mme Sunni Boot (vice-présidente, Médias, Annonceurs responsables en publicité pour enfants): Merci, Cathy.
J'irai dans le même sens que Cathy en félicitant chaleureusement le gouvernement canadien et les responsables du secteur d'avoir conjugué leurs efforts pour nous donner un marché de la publicité pour enfants aussi efficace, respectueux et responsable. En réfléchissant à ce que nous avons accompli, je pense que l'on se rend bien compte que nous avons un modèle très respecté, qui sert en fait de référence dans le monde entier. C'est une très belle réalisation canadienne.
Parlons maintenant des enfants et de la télévision. Je pense que personne ne peut nier aujourd'hui que la télévision fait désormais partie intégrante de la vie quotidienne des enfants depuis que la première émission pour enfants a été diffusée au Canada, et j'ai appris récemment qu'il s'agissait d'une émission intitulée Pépinot et Capucine. Elle a été diffusée à Montréal en septembre 1952. Elle a été rapidement suivie de la première émission télévisée en anglais, intitulée Uncle Chichimus, produite d'ailleurs à l'origine par le célèbre Norman Jewison. Donc, une fois de plus, nous nous appuyons ici sur toute une tradition.
On ne proposait à l'époque qu'une seule émission aux jeunes téléspectateurs, mais c'était il y a 50 ans. Depuis lors, les émissions pour enfants se sont multipliées. On diffusait neuf heures d'émissions pour enfants par semaine dans les années 1950, 163 heures en 1980, et nous en diffusons plus de 455 heures aujourd'hui. Le paysage télévisé canadien des enfants d'aujourd'hui est là encore une grande réussite en raison de la qualité et de la quantité des émissions offertes et du fait qu'elles s'adaptent aux enfants de tout âge.
La programmation s'est élargie et, parallèlement, les enfants regardent davantage d'émissions. D'ailleurs, depuis un certain nombre d'années, les enfants regardent régulièrement environ seize heures de télévision par semaine. Ce qui importe surtout, ce n'est pas tant le nombre d'heures de télévision que ce qu'ils regardent, parce qu'il y a eu une évolution. Comme pour les adultes, les choix se sont multipliés.
Plus du tiers des foyers canadiens possèdent au moins trois appareils de télévision et 57 p. 100 des enfants âgés de huit à seize ans ont leur propre poste de télévision dans leur chambre; 36 p. 100 d'entre eux ont aussi un équipement de jeu vidéo; 32 p. 100 le téléphone, 30 p. 100 un magnétoscope; 20 p. 100 un ordinateur; enfin, 11 p. 100 ont accès à l'Internet, dans leur chambre et en privé.
Les enfants d'aujourd'hui ont donc une grande maturité; c'est un auditoire qui sait ce qu'il veut. Nous savons qu'ils deviennent responsables très jeunes. Ils deviennent très vite adultes et ils influent sur les décisions dans bien des familles. Pour la première fois, si nous réfléchissons un instant à la question, les enfants ont le pouvoir dans ce nouveau monde influencé par les médias. Ils sont davantage en position de force parce que la technologie leur donne du pouvoir.
La conclusion est évidente: de nos jours, les enfants sont branchés et câblés. Ils vivent dans un monde multimédias où il n'est pas rare de s'adonner à plusieurs activités à la fois et où le traditionnel téléspectateur passif a cédé la place au téléspectateur actif pour qui regarder la télévision, naviguer sur Internet et parler au téléphone tout à la fois est une seconde nature.
La richesse de l'environnement médiatique dans lequel sont plongés aujourd'hui les enfants nous amène à souligner toute l'importance d'un sujet que nous soumettons aujourd'hui à la discussion: l'intérêt fondamental de l'éducation des enfants concernant l'utilisation des médias. Nous devons donner aux enfants des outils de réflexion et mettre à leur disposition des stratégies leur permettant de gérer ce monde des médias dans lequel ils se sentent si à l'aise.
Qu'est-ce que tout cela signifie pour le système canadien de radiodiffusion? Cela signifie que nous avons un public d'enfants pour lequel, nous l'avons dit, la télévision est une composante influente de la réalité quotidienne. Ce public a ses attentes, et exige de plus en plus que l'on présente des émissions de télévision de qualité, convenant à leur groupe d'âge, portant sur une variété de sujets et diffusées pendant leurs heures de grande écoute. C'est un public que nous avons la très grande responsabilité de servir dans le système canadien de radiodiffusion.
À (1045)
Pour bien servir ce public à l'avenir, comme il l'a été par le passé, il convient de maintenir un bon équilibre entre les initiatives privées et les politiques publiques.
Dans le monde actuel, les enfants regardent tous les jours la télévision. Ils le font de plus en plus jeunes et le plus souvent seuls, sans supervision. Ils ont accès à un nombre croissant d'émissions—tant nationales qu'internationales—et ils sont souvent exposés par ailleurs à ce que regardent les autres membres de leur famille ou leurs amis.
Ensemble, tant le gouvernement que l'industrie, il nous appartient de faire en sorte que la Loi de 1991 sur la radiodiffusion continue à répondre à ses engagements et que le système canadien de radiodiffusion soit varié, aussi large que possible et offre aux Canadiens de tout âge une programmation équilibrée qui renseigne, éclaire et divertit. Cela englobe les enfants, et nous devons tenir compte de leurs intérêts et de leurs goûts.
Dans cette optique, et compte tenu de l'examen du système canadien de télévision que nous avons effectué en partant du point de vue des enfants, nous aimerions soumettre à votre attention un certain nombre d'observations et de recommandations.
Nous considérons tout d'abord qu'il convient de conserver le principe d'autoréglementation de la publicité et des émissions pour enfants canadiens, qui doit rester à la base d'une politique responsable de la publicité s'adressant aux enfants au Canada, en maintenant l'application du Code de la publicité radiotélévisée destiné aux enfants qu'a évoqué Cathy.
Nous devons continuer à maintenir l'application de ce code par l'entremise du comité sur les enfants institué par «Les normes canadiennes de la publicité»—déjà évoquées, là encore par Cathy—qui représente les parents, les enseignants, les décideurs, les radiodiffuseurs et les publicitaires. La mise en application de ce code permet d'instaurer un système efficace et responsable qui respecte, protège et sert les intérêts des jeunes téléspectateurs.
En second lieu, dans la nouvelle politique établie en 1999 par le CRTC en matière de télévision on s'est félicité de la qualité du paysage télévisuel canadien s'adressant aux enfants en soulignant l'excellence des émissions pour enfants au Canada. Nous ne pouvons que confirmer cette analyse.
Compte tenu de cette situation et étant donné le dynamisme actuel de la télévision canadienne s'adressant aux enfants, le CRTC a décidé de ne plus faire des émissions pour enfants une priorité, de supprimer les exigences de contenu canadien dans les séries dramatiques s'adressant aux enfants et de ne plus distinguer les heures de grande écoute pour enfants de celles des adultes.
Certes, nous convenons avec le CRTC que les émissions télévisées pour enfants se portent très bien à l'heure actuelle, mais nous craignons quand même en nous présentant aujourd'hui devant vous qu'une grande partie de ce que nous avons su créer, ces émissions d'une grande richesse, peut être remise en cause à l'avenir.
En l'absence de ces politiques, nous pouvons voir que la réglementation n'incitera plus à accorder la priorité aux émissions pour enfants et n'accordera plus un traitement privilégié aux heures de grande écoute pour enfants. Cela risque, à terme, de remettre en cause nos succès. Nous invitons votre comité à trouver les moyens de promouvoir et d'établir des politiques et des incitations visant à renforcer la Loi de 1991 sur la radiodiffusion et à appuyer les radiodiffuseurs en contribuant à maintenir la viabilité des émissions pour enfants.
Il convient d'examiner une troisième question qui concerne précisément le Québec. À l'heure actuelle, le Code de la publicité radiotélévisée destiné aux enfants n'existe pas ou ne s'applique pas au Québec. Nous nous ferions un plaisir de collaborer à l'élaboration de règles de déontologie et de mécanismes responsables susceptibles de mieux servir et protéger les enfants québécois.
Vous savez certainement que le Québec a interdit la publicité s'adressant aux enfants, et cela depuis maintenant 25 ans. Ce qui est intéressant à relever—et éventuellement inquiétant—c'est que si l'on a prononcé cette interdiction dans l'intention de protéger les enfants québécois—ce que nous applaudissons—en réalité, dans l'environnement des médias d'aujourd'hui, les enfants québécois sont davantage encore exposés à la publicité que les enfants du reste du pays, parce qu'elle n'est ni réglementée, ni contrôlée.
À l'heure actuelle, les enfants québécois regardent 17 heures de télévision par semaine, soit un peu plus d'une heure de plus que leurs homologues du reste du Canada. Il est intéressant de relever qu'ils voient davantage d'émissions pour adultes que d'émissions pour enfants. Cela les expose à un plus grand nombre d'annonces publicitaires par heure de télévision car, vous le savez, il y a moins d'annonces publicitaires dans les émissions pour enfants.
À (1050)
Par conséquent, les enfants québécois voient de la publicité, mais ce n'est pas dans un milieu contrôlé qui tient compte de leur langue, de leur culture et de leurs valeurs.
Compte tenu de la quantité d'émissions télévisées que voient les enfants québécois et du fait que ces émissions sont destinées à des adultes, nous sommes fermement convaincus qu'il est important et indispensable de mettre en place un mécanisme de contrôle et de réglementation d'une publicité responsable s'adressant aux enfants québécois associé à des programmes d'éducation et de compréhension des médias et à un plus grand nombre d'émissions s'adressant aux enfants.
Je vais maintenant passer la parole à Cathy, qui va vous parler de l'éducation sur les médias.
Le président: Excusez-moi, madame Loblaw, je voulais simplement savoir si vous en avez encore pour longtemps afin que nous puissions répartir équitablement notre temps entre les différents témoins et les membres du comité.
Mme Cathy Loblaw: Je vais terminer en une soixantaine de secondes et nous avons pensé ensuite vous passer une bande faisant état du point de vue des parents, des enfants et des enseignants au Canada.
Le président: Et cette bande doit durer à peu près cinq minutes.
Mme Cathy Loblaw: Elle est de quatre minutes.
Le président: Bon, très bien.
Mme Cathy Loblaw: Dans notre dernière série de recommandations, nous faisons état de l'importance fondamentale de l'éducation sur les médias pour les enfants canadiens.
Certes, l'industrie et le gouvernement ont uni leurs efforts pour mettre en place un solide réseau de pratiques responsables—des émissions pour enfants de qualité, des codes de déontologie ainsi que des normes régissant la publicité, la violence, la représentation des rôles sexuels, etc.—et pour mettre à notre disposition des outils et des techniques de filtrage tels que les puces antiviolence, mais le dernier élément de protection des enfants canadiens, peut-être le plus important, consiste à les éduquer et à les aider à faire l'apprentissage des médias.
Alors que les marchés sont aujourd'hui mondialisés et que les enfants interagissent souvent individuellement avec les médias et sont exposés aux médias du monde entier, nous devons leur apprendre à regarder intelligemment, à penser de façon critique et à naviguer en toute sécurité. Nous devons les doter d'une pensée critique leur permettant de faire des choix intelligents, sains et en toute connaissance de cause concernant les médias et la publicité qui leur est proposée.
Il faut que les enfants apprennent que tous les médias répondent à un certain schéma; ils doivent apprendre à déconstruire les nouvelles, la publicité et les émissions pour développer leur esprit critique lorsqu'ils consomment de l'information. Ils doivent faire l'apprentissage des médias pour être protégés et informés.
Il nous faut donc, à notre tour, éduquer les parents et les enseignants qui, pour une bonne part, ont la grande et difficile responsabilité d'apprendre à toute une génération d'enfants à être des consommateurs critiques et sains de l'information dans le monde des médias au sein duquel ils se plongent si facilement.
Arrêtons-nous un instant pour visionner la bande que nous avons préparée et écouter ce qu'ont à nous dire les enfants, les parents et les enseignants. Vous pouvez par la même occasion voir ce qui se fait dans notre secteur en matière d'éducation sur les médias grâce à l'émission «La télévision et moi», que nous avons créée.
[Note de la rédaction: Présentation audiovisuelle]
Á (1100)
Mme Cathy Loblaw: Merci. Voilà qui met fin à notre exposé. Nous espérons avoir la possibilité, en répondant à vos questions, d'instaurer un dialogue renforçant l'importance fondamentale, pour chacun d'entre nous, d'une collaboration en matière d'éducation sur les médias dans le Canada d'aujourd'hui.
Je vous remercie.
Le président: On doit être appelé à voter. Je vais vérifier combien de temps il nous reste; il y a peut-être aussi une question de quorum.
Dans l'intervalle, nous allons donner la parole à Jan D'Arcy et à M. Mirabelli.
M. Alan Mirabelli (vice-président, Réseau Éducation-Médias; directeur général, administration, Communications et information, Vanier Institute of the Family): Merci, monsieur le président.
Notre président, Al MacKay, a dû malheureusement partir un peu plus tôt et je parlerai en son nom. Laissez-moi vous présenter notre codirecteur et cofondateur, Jan D'Arcy ainsi que Bill Allen, notre principal collaborateur.
C'est un honneur, pour le Réseau Éducation-Médias, de comparaître devant vous ce matin et d'avoir la possibilité de participer à l'étude du système de radiodiffusion canadien à laquelle procède votre comité. Nous considérons qu'il s'agit là d'une opération importante en raison de l'évolution profonde des médias enregistrée au Canada et dans le monde. Les jeunes, en particulier, sont entrés sans hésitation dans l'ère numérique. Ils ont intégré l'ensemble des médias dans leur vie quotidienne, passant sans heurts d'une plate-forme à l'autre, de la musique à la télévision et des jeux vidéo aux films en passant par l'Internet.
Alors que d'autres s'efforcent de saisir toutes les implications de la convergence des médias, la génération numérique en a fait une réalité, ce qui amène tout le monde à se poser des questions: les médias, les parlements, les décideurs, etc., ainsi que des organisations comme la nôtre, le Réseau Éducation-Médias, qui doivent adapter leur façon d'aborder les médias et les problèmes posés par ceux-ci. Nous considérons que l'éducation sur les médias peut et doit servir de moteur pour répondre à ce défi.
Quelle est donc l'origine du Réseau Éducation-Médias? Il a vu le jour à la suite du projet sur la violence à la télévision lancé par le CRTC au début des années 1990, mais d'une façon tout à fait particulière et bien différente de la démarche généralement entreprise par nos voisins américains. Ce qui différencie le REM, c'est entre autres que nous cherchons à éduquer. Nous entendons, par éducation sur les médias, le fait d'aider les gens à s'informer et à avoir un esprit critique concernant la nature des médias, les techniques employées par ceux-ci ainsi que leur rôle et leur influence au sein de la société. Le REM met l'accent sur les jeunes afin d'en faire des usagers intelligents, efficaces et responsables des médias.
À mesure que la nouvelle génération du numérique s'adapte à la convergence des médias et les intègre à leur travail, à leurs études et à leur vie personnelle, les décideurs ainsi que les spécialistes des médias se doivent d'examiner quelles seront les répercussions de cette évolution sur notre définition d'une personne instruite. Il faut bien voir que les émissions télévisées, les jeux vidéos et les sites Internet sont désormais considérés comme des supports d'information méritant d'être étudiés tout comme les livres. Cela signifie que nous pourrons et que nous devons nous éduquer au sujet de ces médias, comme nous l'avons fait traditionnellement pour les livres, afin de comprendre de quoi ils sont faits, comment ils transmettent l'information, les idées et les opinions, et quelles sont les répercussions sur notre façon de comprendre le monde qui nous entoure et les opinions qui sont les nôtres.
Le REM a adopté dès le départ cette approche globale en matière d'éducation sur les médias, et c'est ce qui a déterminé son succès et en a fait un chef de file jouissant d'une grande réputation ici et à l'étranger en raison de son travail de pionnier, notamment dans le domaine de l'apprentissage d'Internet. C'est ainsi que REM a récemment été contacté par un groupe de pays nordiques pour servir de modèle dans l'élaboration d'une politique s'appliquant à l'Internet.
Le réseau du REM s'appuie aussi sur un modèle de partenariat au sein de son conseil d'administration et dans la fourniture des programmes aux utilisateurs. C'est ainsi que siègent au sein de son conseil d'administration des représentants d'organisations clés, tels que les présidents de l'Association canadienne des bibliothèques, de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et de l'Association canadienne des directeurs d'école.
Á (1105)
On retrouve aussi au sein du conseil d'administration du REM un grand nombre de représentants dévoués des grandes sociétés du monde des communications telles que Bell Canada, Rogers Communications, CanWest Global, CTV, CHUM, Shaw Communications, Telus, AOL et A&E television networks.
Je vais maintenant demander à Jan D'Arcy de vous parler du programme d'éducation sur les médias du REM, de vous exposer dans ses grandes lignes notre projet pilote d'utilisation et de recherche sur Internet, et d'évoquer les principales tendances ainsi que les grands défis qui se profilent à l'horizon.
Mme Jan D'Arcy (codirectrice, Réseau Éducation-Médias): Merci, Al.
Nous administrons l'un des plus grands réseaux d'éducation sur les médias en direct dans le monde, qui est mis au service des parents, des organisations communautaires et des enseignants au Canada. Pour vous donner une petite idée de ce que l'on peut trouver sur notre site, nous avons un outil d'enseignement intitulé «Comment analyser les nouvelles», qui offre aux étudiants un cadre d'interprétation de la composition des nouvelles.
«White Screen: Absent Voices in the Media» étudie la sous-représentation des Premières nations et des minorités visibles dans les médias. «Gender Stereotypes and Body Image» nous montre de quelle façon les stéréotypes peuvent constituer des éléments réducteurs. Les étudiants peuvent se servir des programmes «acting like a man» et «being ladylike» pour vérifier dans quelle mesure ces stéréotypes peuvent influer sur leur propre image, parfois de manière malsaine.
Voici quelques ressources mises à la disposition des parents: «How to Limit the Effect of Advertising on Your Children», «A Practical Guide For Parents: Advertising, Nutrition and Kids» et «Rules for Advertising To Kids - How to Limit the Effect of Advertising on your Children», une adaptation du code d'application volontaire de l'ACR.
Lorsque nous avons commencé à utiliser l'Internet en 1995, nous nous sommes rendu compte presque immédiatement qu'il nous fallait intégrer un volet d'éducation sur l'Internet à l'ensemble de nos programmes. Nous avons lancé en conséquence, il y a plus de deux ans, notre programme Web Awareness Canada, La toile et les jeunes, de réputation mondiale. Il a obtenu une large audience chez les enseignants et les administrateurs des bibliothèques publiques, qui étaient préoccupés par les liaisons Internet et mal préparés à la rapidité de l'adaptation des enfants à ce nouvel environnement. Ce programme s'est appuyé sur un grand projet de recherche «Les jeunes Canadiens dans un monde câblé», lancé par notre organisation. Il s'agit d'une enquête entreprise à l'échelle du pays sur la façon dont les jeunes Canadiens utilisent l'Internet.
Lors de la dernière étape de ce projet, on a enquêté dans les écoles auprès d'un échantillon représentatif de près de 6 000 élèves au Canada. Des élèves âgés de 9 à 17 ans ont répondu en classe à 100 questions. Nous avons fait figurer dans le mémoire remis à votre comité les principales constatations résultant de cette enquête. Nous avons remis aujourd'hui à la greffière des copies du rapport définitif.
Nous vous ferons avec plaisir le compte rendu complet de cette recherche à une date ultérieure. Je me contenterai aujourd'hui de vous en donner les grandes lignes.
Cela ne surprendra personne, nous avons constaté que les jeunes Canadiens sont de gros consommateurs des médias. Plus de 80 p. 100 des jeunes écoutent de la musique et regardent la télévision tous les jours; 43 p. 100 se branchent en direct quotidiennement; 8 élèves canadiens sur 10 ont accès à Internet chez eux. Les trois principales activités effectuées en direct par les jeunes consistent à télécharger de la musique, à échanger du courrier électronique et à naviguer sur Internet pour le plaisir. La principale activité des jeunes de 9 et de 10 ans consiste à aller sur les sites Internet correspondant à leurs émissions télévisées favorites. Les trois quarts des élèves de notre enquête ont un ou plusieurs comptes de courriel que, dans bien des cas, les parents ne connaissent pas.
Plus de 50 p. 100 des enfants déclarent être prêts à indiquer leur sexe, leur âge, leur nom et leur adresse de courriel pour pouvoir gagner un concours sur Internet. Un quart de ces enfants ont reçu une demande de rencontre en personne avec quelqu'un qu'ils auraient contacté uniquement par Internet, et 15 p. 100 d'entre eux l'ont fait effectivement.
À la suite de cette recherche, nous avons décelé un certain nombre de tendances qui se profilent à l'horizon. Je n'en mentionnerai que quelques-unes aujourd'hui.
Nombre d'enfants, de plus en plus jeunes, consomment aujourd'hui de l'information sur les médias, en direct ou non, dont les valeurs et les goûts vont bien au-delà de ce qui a été établi par les règlements et les codes qui s'appliquent traditionnellement aux médias. Il nous faudra donc modifier nos idées préconçues de ce que l'on doit dire aux enfants, et à quel âge.
Á (1110)
S'appuyant sur un humour agressif que l'on retrouve depuis 10 ans dans les feuilletons télévisés, les bandes dessinées et les sites Internet avec des titres comme «Who do you want to kill today?» ou «Die, you evil teacher», la haine est aujourd'hui normalisée dans l'environnement culturel de bien des jeunes. Plus de 20 p. 100 des élèves de notre enquête ont déclaré avoir visité des sites véritablement haineux, surtout vis-à-vis de vedettes de la culture populaire ou de minorités religieuses ou ethniques. Seize pour cent d'entre eux déclarent avoir fait eux-mêmes en direct des commentaires haineux vis-à-vis d'une personne ou d'un groupe. L'éducation antiraciste n'a jamais eu autant d'importance qu'aujourd'hui.
Les produits de marque s'adressant aux jeunes sont de plus en plus courants dans le monde virtuel et se rattachent souvent à des publicités traditionnelles qui passent à la télévision ou dans d'autres médias et qui ciblent les jeunes. Nous n'avons pratiquement aucun contrôle sur le potentiel de commercialisation des médias numériques.
Pour conclure, je vais vous conter une petite anecdote tirée d'une enquête que nous avons effectuée il y a quelque temps auprès d'un groupe cible de jeunes. Nous cherchions à savoir jusqu'à quel point les enfants savaient protéger leur vie privée lorsqu'ils étaient branchés en direct sur des sites commerciaux. Ils savaient tous qu'il ne fallait pas donner de renseignements pour gagner un prix ou pour participer à un concours dans un cadre commercial. Finalement, après les avoir bien interrogés, l'animateur, qui était sur le point de passer à un autre sujet, a entendu une fille de 13 ans lui dire: «À moins, bien sûr, que ce soit une marque qu'on connaît».
[Français]
M. Alan Mirabelli: En conclusion, l'éducation aux médias est sans aucun doute un des éléments essentiels qui permettra au Canada de demeurer le chef de file dans le milieu convergent des communications. Ce sont des points de vue culturels, sociaux et économiques. Toutes les personnes présentes aujourd'hui ont un intérêt direct à faire en sorte que les familles canadiennes, tout particulièrement les jeunes citoyens, soient en mesure de bien lire, de comprendre les médias et leurs messages, et dans l'univers numérique, cela signifie bien plus que les aptitudes de base d'écriture et de lecture.
Je crois qu'au Canada, il nous faut prendre des dispositions nécessaires pour que l'éducation aux médias s'intègre dans tous les sujets des programmes d'étude comme étant un apprentissage indispensable au même titre que la lecture, car l'insertion de l'éducation aux médias transforme la manière dont nous les concevons et le rôle qu'ils jouent au sein de la société.
Pour ce faire, il nous faudra diriger un programme de partenariat à l'échelle du pays. Des représentants du Réseau Éducation-Médias ont rencontré récemment cinq des meilleurs éducateurs canadiens dans le domaine des connaissances médiatiques.
Comme on l'a dit précédemment, nous croyons qu'il est essentiel qu'un débat ait lieu au Canada sur la nécessaire refonte des politiques et approches de l'éducation aux médias à la lumière des changements énormes de leur influence dans la société et de l'utilisation que les jeunes en font. Entamer un tel dialogue national et mener à terme des actions ou les actions qui en découleront nécessitera une implication de la part des gouvernements, des institutions culturelles, des enseignants en éducation aux médias, ainsi que tout l'appui possible et l'influence de l'industrie et des médias.
La recommandation principale que nous vous faisons aujourd'hui est en effet très simple. Elle découle de l'oeuvre de pionnier que fait le Réseau Éducation-Médias au chapitre de l'éducation aux médias dans l'univers numérique. Cette recommandation a pour but de positionner le Canada et sa politique gouvernementale à l'avant-garde des développements mondiaux dans ce domaine. Simplement dit, nous recommandons au comité qu'il reconnaisse, dans le rapport et les recommandations qu'il présentera au gouvernement, l'importance que revêt l'éducation aux médias et l'enseignement des connaissances médiatiques pour l'existence d'un système de radiotélévision en bonne santé et, en effet, pour l'ensemble de la société canadienne.
Pour ce qui est du meilleur moyen de réaliser cet objectif, qu'il s'agisse de faire référence à l'éducation aux médias dans le contexte de la politique canadienne de la radiodiffusion, soit dans le préambule de la Loi sur la radiodiffusion ou même séparément, dans le cadre d'une annonce politique élaborée par le gouvernement. Nous nous en remettons au jugement et à l'expertise du comité. Cependant, nous demandons respectueusement qu'au minimum, vous exhortiez le gouvernement à continuer d'épauler l'éducation aux médias, tant financièrement que sur le plan de sa politique.
Merci, mesdames et messieurs.
Á (1115)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mirabelli.
Les représentants de vos groupes ont soulevé des questions très importantes touchant les enfants et la jeune génération qui sont, bien entendu, la clé de l'avenir. Je pense que le sujet mérite qu'on l'approfondisse en vous posant toutes les questions nécessaires. Malheureusement, comme cela arrive souvent ici, nous avons été appelés à voter. Je crois que nous devrons aller voter à 11 h 25 ou à 11 h 30, et il nous faudra donc suspendre la séance pour que nos membres puissent aller voter. Je ne sais pas combien de temps ça va durer. S'il n'y a qu'un vote, ça prend généralement une vingtaine de minutes. Nous tenons aussi à entendre les représentants du Regroupement pour la création de crédits d'impôt pour les publicités canadiennes ainsi que l'ACTRA, qui doivent se présenter ensuite, et l'on devrait peut-être saisir cette occasion pour manger un morceau et revenir immédiatement. C'est à vous de décider, mais j'imagine que nous devrions être revenus à midi, ou peut-être un peu plus tôt. Nous reviendrons dès que nous aurons voté, et ce sera probablement un peu avant midi.
[Français]
Si vous voulez, on a peut-être le temps pour une question. Allez-y, madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Vous avez fait un constat très intéressant. Comme parents, je pense qu'on peut voir l'évolution de la télévision et son impact sur les habitudes de vie de nos enfants. Puisque l'enfant se retrouve isolé dans une chambre, je pense qu'il faut aussi être capable d'évaluer et d'avoir une bonne idée de ce qu'on lui passe, que ce soit sous forme d'émissions ou de publicité. Vous avez fait une évaluation et des commentaires importants pour nous.
Je voudrais en connaître un peu plus sur le processus de plaintes. Ce processus ne semble pas, d'après ce que vous nous avez dit, répondre à vos inquiétudes. Vous trouvez que c'est un processus qui est trop lent.
J'aimerais connaître l'ampleur des demandes qui arrivent au CRTC sur la réglementation ou sur un manque de respect au code d'éthique pour que vous en veniez à un tel constat. Vous ne nous faites pas part de l'ampleur du processus. Comment se fait-il que vous soyez aussi insatisfaits du processus?
[Traduction]
Mme Cathy Loblaw: Nous sommes en fait très satisfaits de l'organisation «Les normes canadiennes de la publicité», qui administre le Code de la publicité radiotélévisée destiné aux enfants et répond à toutes les plaintes transmises par l'intermédiaire du CRTC. Nous considérons que le système est très responsable et très efficace et qu'il répond tout à fait aux besoins des parents canadiens agissant au nom de leurs enfants.
En revenant de la pause, je vous donnerai les chiffres exacts tels qu'ils ont été comptabilisés par Les normes canadiennes de publicité, mais je crois savoir que ces deux dernières années, il n'y a eu aucune plainte. Je crois qu'il y a trois ans environ, trois ou quatre plaintes ont été déposées et, par la suite, on a réexaminé les publicités et pris les décisions qui s'imposaient.
Je crois en fait que le système en place est solide pour deux raisons. Tout d'abord, parce qu'il suffit d'une plainte pour entraîner une révision. Il n'est pas nécessaire que toute une organisation s'en mêle pour réexaminer une publicité; il suffit d'une plainte, ce qui est une bonne chose. En second lieu, grâce au système d'autorisation préalable qui existe au Canada, on ne peut rien diffuser sur les ondes si on n'a pas respecté les règles du code. Nous ne plaçons pas la population canadienne dans l'obligation de rattraper les erreurs ou les failles du système. Le code de la radiodiffusion précise très clairement ce que l'on peut dire ou ne pas dire, et toutes les publicités sont visionnées au préalable avant de passer sur les ondes. Je pense que c'est en grande partie la raison pour laquelle on ne voit pas un grand nombre de plaintes.
En troisième lieu, le comité chargé d'autoriser au préalable les publicités est très représentatif car il comprend des parents, des enseignants, des décideurs et des responsables de l'industrie qui travaillent de concert. Je siège au sein de ce comité et nous analysons et discutons toutes les publicités avant qu'elles ne puissent passer au Canada.
Je vous fais d'ailleurs remarquer que même lorsque la publicité est autorisée par le comité, elle ne l'est que pour un an parce que les normes, les valeurs et les enjeux sociaux peuvent évoluer, même dans le domaine de la sécurité. Elle ne peut être diffusée que pendant un an et doit ensuite obtenir une nouvelle autorisation.
Nous sommes résolument convaincus qu'il convient de recommander que le système actuel reste en place et serve de cadre à une démarche responsable de préautorisation des émissions diffusées aux enfants afin qu'ils soient respectés et protégés et qu'il incombe à l'industrie et au gouvernement de faire les choses comme il se doit au départ, sans que les Canadiens soient obligés de se gendarmer.
Á (1120)
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je vais céder mon tour parce que je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps. Peut-être un autre député voudrait-il poser une question. On reviendra ensuite.
[Traduction]
Le président: Je crois que les votes seront espacés de cinq minutes. Nous reprendrons après.
Nous faisons donc une suspension de séance et nous reviendrons après le vote.
Á (1122)
Á (1156)
Le président: La séance reprend. Je vous signale, vous avez d'ailleurs entendu les cloches, qu'il va nous falloir à nouveau aller voter, sur une question de procédure. Nous devrons donc partir et aller voter dans 25 minutes.
Vous voyez malheureusement à quel point ces votes traînent en longueur et je pense donc que nous allons en finir avec les questions posées à ce groupe aujourd'hui. Je suis quelque peu gêné en constatant la chose, mais je crois que l'audition d'un des derniers groupes a déjà été reportée précédemment en raison d'un vote. Je crois qu'il s'agissait d'ACTRA.
Une voix: Oui.
Le président: Je suis tout à fait désolé, mais c'est ainsi que les choses fonctionnent ici. On ne peut tout simplement pas prévoir ce genre de chose; c'est une question de procédure. Je pense que l'un des partis a demandé que l'on vote sur une question de procédure, et nous ne pouvons pas l'éviter.
Notre secrétaire parlementaire me dit que l'on va être appelé à voter à d'autres reprises aujourd'hui. Je pense donc que nous vous ferions perdre votre temps en vous disant de rester.
Je propose donc que nous finissions maintenant ce que nous avons commencé et, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous ferons appel à votre indulgence et à votre patience pour vous demander de revenir plus tard. Nous sommes tout à fait désolés.
Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Je remercie tous les intervenants d'être venus. Tous les membres de votre groupe nous disent que des projets canadiens très importants sont en cours en matière d'éducation sur les médias et de protection des enfants canadiens face aux médias auxquels ils ont affaire.
Jan D'Arcy nous dit cependant des choses très inquiétantes et je suis abasourdie d'apprendre que la haine est en train d'être normalisée. On a l'impression que nos enfants consomment des médias en direct, en majeure partie en dehors de tout cadre réglementaire. Nous menons donc une dure bataille face à une information contre laquelle nous ne sommes absolument pas protégés.
J'aimerais donc que l'on aborde cette question. Pourriez-vous nous laisser entrevoir ce que nous réserve l'avenir, parce que nous nous efforçons de mettre en place une politique pour l'avenir. Ce que nous voyons déjà, la pointe de l'iceberg, est terrifiant. On n'engage pas nos enfants dans la voie que nous souhaiterions qu'ils empruntent. C'est de nos enfants dont on parle ici—la culture de l'avenir, la culture du peuple qui va nous succéder. Je m'inquiète, surtout compte tenu du fait que l'auditoire dont nous parlons revêt une importance fondamentale pour l'avenir et que votre témoignage n'est qu'une goutte d'eau dans l'ensemble de nos audiences.
J'aimerais donc connaître votre point de vue et savoir comment il est possible de maintenir l'équilibre entre les besoins de notre auditoire et la nécessité de faire en sorte que ce que vous avez à nous dire au sujet des enfants figure en bonne place dans les transcriptions de ces audiences.
Mme Jan D'Arcy: Je vais commencer.
Merci, Wendy, de m'avoir posé cette question.
Notre organisation n'a pas manqué de signaler dans tout le pays aux décideurs, au personnel des bibliothèques, aux enseignants et aux parents qu'étant donné que ce nouveau support d'information, l'Internet, s'est imposé à nous si rapidement et que les enfants l'ont intégré à leur vie et savent l'utiliser désormais en associant les médias traditionnels aux nouveaux médias, il nous faut bien nous rendre compte, ce que vous avez indiqué dans vos délibérations, qu'il nous fallait penser à l'avenir. C'est très important. Je me félicite que vous ayez si bien exprimé la chose.
Nous avons commencé nos recherches en faisant un sondage auprès des parents canadiens. Nous avons contacté au téléphone pendant une demi-heure un peu plus de 1 000 parents canadiens pour savoir ce qu'ils pensaient de ce que faisaient leurs enfants lorsqu'ils étaient branchés sur Internet et quelle était l'importance de cette technologie. Bien entendu, l'éducation figurait tout en haut de la liste des priorités.
Nous avons ensuite étudié des groupes cibles d'enfants de Toronto et de Montréal et nous nous sommes penchés sur tout un ensemble de questions et d'activités. Nous en avons tiré des enseignements très intéressants. Nous en avons clairement déduit que les enfants manquaient de maturité concernant les médias qu'ils utilisent. Nous pensons généralement qu'ils ont de la maturité et nous utilisons cette expression. Sur le plan technique, ils savent faire des choses que bien des adultes de leur entourage ne savent pas faire.
Il suffit cependant de prendre l'exemple des inconnus rencontrés sur Internet et du fait que les enfants estiment être en sécurité lorsqu'ils parlent à des étrangers par ce moyen. Ils connaissent tous les règles et les expriment clairement. Pourtant—et il s'agit là encore de ce groupe de filles de 13 ans—une petite fille nous a dit «Bon, jusqu'à ce que l'on sache que l'on peut faire confiance à cette personne.» Lorsque nous avons demandé combien de temps il fallait, les réponses s'étageaient entre 15 minutes et deux semaines. Cela fait partie de la culture de l'enfance, cette naïveté de la jeunesse, cette confiance. Parallèlement, nous prenons grand soin d'apprendre à nos enfants à se méfier dans la rue. Les parents ne comprennent pas que cela fait aussi partie du monde qui nous entoure.
Lorsqu'on fait le lien entre cette technologie, la radiodiffusion et la câblodiffusion et lorsqu'on voit que les normes, les règlements et les dispositions législatives traditionnelles ne couvrent pas tous ces domaines, la nécessité de l'éducation prend de plus en plus d'importance. Il ne s'agit pas simplement d'éducation au sens strict ou superficiel; il faut qu'elle soit pensée avec soin et parfaitement intégrée pour imposer le plus grand respect à l'intérieur de notre système—pas seulement au niveau de l'école, mais aussi dans tout le cadre social. Voilà à quoi nous nous référons lorsque nous parlons de la nécessité de faire une éducation sur les médias.
 (1200)
Le président: Madame Lill, avez-vous une autre question à poser?
Mme Wendy Lill: Je me demande simplement, sur un plan purement monétaire, quel sera le montant des crédits nécessaires pour que l'on puisse entreprendre l'éducation globale sur les médias que vous entrevoyez à tous les niveaux? D'où doit provenir cet argent? Pourriez-vous nous le préciser, pour que nous sachions bien de quoi nous parlons ici.
Mme Jan D'Arcy: C'est à moi de vous répondre?
Notre organisation est née d'un projet de l'Office national du film du Canada. Nous émanons à l'origine du gouvernement, de la fonction publique. Lors d'une série de tables rondes organisées par le CRTC, il a été établi que l'éducation sur les médias était une initiative nationale devant regrouper tous les projets, y compris ceux des Annonceurs responsables en publicité pour enfants, sous l'égide d'une seule organisation, ce qui correspond à notre mandat. C'est une organisation très vaste.
Nous avons été constitués lorsqu'on a réduit les effectifs de l'Office national du film; nous sommes devenus une organisation à but non lucratif. Au départ, nous n'avions aucun financement de base. Notre organisation ne bénéficie toujours pas de ce financement et elle doit se démener pour maintenir et renforcer des activités dont notre pays a désespérément besoin.
Nous espérons que l'on incorporera à la loi la nécessité de faire une éducation sur les médias pour avoir un bon système de radiodiffusion. Cela ne peut que nous aider à défendre notre dossier lorsque nous nous présenterons devant les bailleurs de fonds et les gouvernements pour développer notre organisation—et pour agir de concert avec les organisations qui sont nos partenaires, les organisations d'enseignants, les ministères et les milieux communautaires.
 (1205)
Mme Cathy Loblaw: Pour enchaîner sur ce que vient de dire Jan, je vous signale que notre financement vient du secteur privé et des radiodiffuseurs, qui ont pris des engagements de crédit significatifs. Il y a quelque temps, on a établi dans le cadre de la politique du CRTC que le financement des projets d'éducation sur les médias serait considéré comme un atout au moment des cessions de propriété prévoyant une compensation sociale. C'est à la suite de ces compensations sociales qu'existe le programme, la télévision et moi. Les crédits de Corus Entertainment, qui se sont montés à un peu plus de 1 million de dollars pour nous permettre d'administrer ce programme sur les deux dernières années et au cours de deux années à venir, résultent directement d'une politique de compensation sociale mise au service de nombre d'organisations. Le Réseau Éducation-Médias en a largement profité, de même que les Annonceurs responsables en publicité pour enfants.
Je considère par ailleurs que c'est une responsabilité qui doit être partagée. Il doit y avoir l'appui de l'industrie, l'appui du gouvernement et un financement accompagnant les politiques. L'une des difficultés, lorsqu'on parle d'éducation sur les médias au Canada, c'est que lorsqu'on contacte nombre de ministères et de groupes gouvernementaux—et je suis sûre qu'avec Jan nous les avons tous rencontrés—on se montre très positif, on y croit, on est très en faveur de ce projet, mais il n'y a aucune affectation de crédits correspondante. On nous donne une demi-année-personne dans tel ministère et l'on fait étalage de belles intentions et de grands objectifs politiques dans un autre, mais il est bien difficile de mettre effectivement la main sur des dollars affectés précisément par le gouvernement à ce projet. Nous avons eu la chance de collaborer au départ avec le ministère du Patrimoine canadien en ce qui a trait à ce projet d'éducation sur les médias, et nous avons pu bénéficier de crédits de démarrage pour le lancer et en développer les activités.
En matière de financement, vous avez bien raison de vous demander quel est le montant des crédits nécessaires. Il faut énormément d'argent pour se déplacer d'une province à l'autre du pays et faire de l'éducation sur les médias à l'école élémentaire, à l'école secondaire et devant les parents et les enseignants. L'éducation sur les médias fait désormais partie des programmes d'enseignement obligatoires dans la plupart des provinces de notre pays. La difficulté, pour les enseignants canadiens, c'est qu'ils ne disposent pas de ressources et d'outils canadiens pour s'en charger. Ils ne sont pas toujours bien familiarisés avec la question.
Le président: Excusez-moi, mais le temps presse. On vient de nous appeler là-bas. Nous avons juste le temps de demander à Mme Bulte de poser une dernière question avant de partir.
Mme Sarmite Bulte: J'ai en fait plusieurs questions à vous poser, mais laissez-moi tout d'abord vous remercier pour votre travail.
J'ai trois enfants, dont un de 12 ans qui est toujours à la maison. Je dois vous avouer, Mme D'Arcy, qu'en vous écoutant on est très inquiet. Nous avons réussi à faire sortir la télévision de la chambre d'Alex, mais bien évidemment l'Internet y est toujours. Il est assez affolant de penser... alors qu'on n'a pas la chance d'être à la maison et de vérifier chaque soir ce qui se passe et ce qui est envoyé par courriel, je pense que la question est vraiment importante, tout particulièrement pour ceux d'entre nous qui travaillent à l'extérieur. Dans ce cas, le défi à relever est encore plus grand.
En matière d'éducation sur les médias, je relève avec plaisir, monsieur Mirabel, les observations que vous avez faites dans le préambule. À votre avis, est-ce qu'il suffit vraiment que la profession soit autoréglementée?
Il y a aussi une question que je tenais à poser à Sunni au sujet des publicitaires. On a vu apparaître des formules comme iCrave TV et Jump TV, qui font pousser les hauts cris aux radiodiffuseurs étant donné la possibilité de faire de la publicité sur Internet. En supposant même qu'elles ne permettent pas de naviguer sur le net—ce qui est pourtant le cas—est-ce que votre groupe a pensé à la façon de contrôler ce genre de chose une fois qu'entreront en vigueur les licences de retransmission obligatoires, dont nous étudions en ce moment la possibilité? Allez-vous pouvoir au moins réglementer cette partie de l'Internet, si ce n'est la totalité?
Je crois vous avoir entendu dire que l'éducation contre le racisme est plus importante que jamais. Je vous en félicite. Il y a des députés à la Chambre qui estiment que toute cette question du multiculturalisme est dépassée et que nous n'avons plus besoin d'agir dans ce domaine. Là encore, je vous invite à faire passer ce message.
J'ai vu dans votre vidéo, madame Loblaw, un petit avertissement dont Patrimoine Canada devrait tirer les enseignements.
Sur un autre point, j'aurais aimé que vous analysiez les raisons pour lesquelles il n'y a plus de financement de base. En partie, s'il n'y a plus de financement de base, c'est parce que les députés de l'opposition officielle n'arrêtent pas de se plaindre du fait que l'on gaspille de l'argent dans ces portefeuilles, que l'on ne rend pas de comptes et que l'on va de projet en projet. Il m'apparaît que l'on en est arrivé, au détriment de nos enfants, à trop nous préoccuper de la comptabilité étant donné qu'on ne sait pas combien d'enfants vont être touchés par ces mesures. Il est temps de revoir toute cette politique, les questions liées à la justice ainsi que les programmes de prévention de la criminalité sur lesquels il convient de se pencher lorsqu'on entre dans cette polémique. Je vous demande par conséquent de nous aider et de faire passer ce message.
Je pense qu'il ne faut pas attendre la sortie de notre rapport. Il nous faut faire quelque chose immédiatement, et je m'efforcerai d'agir au sein de notre caucus et auprès de notre ministre.
 (1210)
Le président: Excusez-moi, madame Bulte. Mme Lill propose, si vous le voulez, et Mme Gagnon nous dit qu'elle est prête à revenir, et si les témoins sont d'accord, nous allons voir combien de temps va durer le vote... Essayons de donner satisfaction à tout le monde et, si c'est impossible, nous verrons bien. Il semble qu'il y aura plusieurs votes les uns à la suite des autres; nous allons donc essayer.
Mme Sarmite Bulte: Essayez de réfléchir à votre réponse.
Le président: Nous allons faire maintenant une suspension de séance et nous reviendrons après le vote.
 (1211)
 (1229)
Le président: Les autres membres du comité vont nous rejoindre très rapidement et nous allons donc reprendre la séance. Aussi bien tirer parti de tout le temps dont nous disposons.
Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: [Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Sunni Boot: Vous nous avez interrogés au sujet du code. Je vais laisser Cathy Loblaw vous répondre car c'est elle qui connaît le mieux la question.
Nous allons peut-être aussi essayer de vous faire un peu mieux comprendre la question du financement, pour savoir où nous en sommes.
Cathy, vous pourriez peut-être nous parler du code indépendamment des émissions télévisées.
 (1230)
Mme Sarmite Bulte: Chacune d'entre vous pourrait peut-être évoquer le problème dans sa réponse, et je pense que Mme Lill a posé la question tout à l'heure... C'est très important. Il y a toujours des éléments très importants que l'on relève, et je pense qu'il faut faire passer le message à tout le monde—à tous les parlementaires—pour en faire comprendre toute l'importance, parce que même si nous ne relevons pas éventuellement...
Le président: Vous pourriez peut-être attendre, pour faire cette analyse, que les autres reviennent. Nous ne siégeons pas selon les règles en ce moment.
Mme Sarmite Bulte: Excusez-moi.
Il y a une dernière question que j'aimerais que vous abordiez dans votre réponse, en dépit du fait que sur le plan du financement à l'heure actuelle—aucun financement de base n'est prévu à l'intérieur de certaines enveloppes. Si certaines démarches revêtent une importance nationale—et je suis tout à fait persuadée que c'est le cas de l'éducation sur les médias, qu'il est important que tous les parlementaires le sachent et que ce n'est pas une question dépassée—pourriez-vous nous dire quel est le montant d'argent qui devra y être consacré?
Mme Sunni Boot: Heureusement, certaines lignes de conduite ont déjà été établies.
Mme Cathy Loblaw: Je pourrais peut-être commencer par vous répondre sur deux points.
L'un des principaux points à signaler, à mon avis, c'est que nombre des caractéristiques relevées par l'étude traitant de l'éducation sur les médias, qui nous ont fait frémir et nous amènent en fait à nous inquiéter... Il nous faut reconnaître que ce sont là des symptômes. Il nous incombe de revenir en arrière et d'en examiner les causes de manière à pouvoir apporter les changements qui s'imposent et protéger les enfants dans ce domaine. C'est à mon avis ce qu'il faut faire en matière d'éducation sur les médias, en revenant à la base et en dialoguant directement sur place avec les parents, les enseignants et les enfants.
Lorsque vous parlez de financement, il est difficile de donner un chiffre parce qu'il s'agit ici d'éduquer tous les enfants canadiens en leur donnant toutes les connaissances nécessaires pour qu'ils puissent regarder la télévision d'un oeil critique et en toute connaissance de cause.
Je vais vous donner un exemple tiré de l'expérience de notre organisation, que l'on pourrait éventuellement «extrapoler», si je peux m'exprimer ainsi. Nous avons un programme intitulé La télévision et moi. Linda Miller, notre directrice des services d'éducation détachée auprès du Conseil scolaire d'Ottawa-Carleton, se déplace dans tout le pays pour faire de l'éducation sur les médias auprès des parents et des enseignants à longueur d'année, et elle touche 2 000 enseignants par an. Cinq cents parents assistent chaque année à ses ateliers qui, en compagnie des enseignants, influent ensuite sur nos enfants.
Quand on pense que Forest Entertainment nous finance à hauteur de 200 000 $ à 300 000 $ par an et que nous réussissons à contacter 2 000 enseignants par an alors qu'il faut bien voir qu'il y a, je pense, 250 000 enseignants au Canada, on voit bien que l'on a affaire ici à des montants d'argent assez faramineux. Je vous donne simplement ces chiffres à titre indicatif, sans être sûre qu'ils représentent vraiment la réalité du coût de l'éducation sur les médias—et Jan en aura peut-être une meilleure idée que moi, mais c'est significatif.
Nous faisons un gros travail et nous estimons qu'à la fin de la période de financement actuelle du programme «La télévision et moi» grâce à la formule des retombées sociales, nous aurons touché environ 900 000 enfants car, selon cette façon de procéder, chaque enseignant touche 30 enfants par an dans le cadre d'un cours qui dure trois ans.
Lorsqu'on considère le nombre d'enfants au Canada, on commence à se rendre compte qu'il s'agit là d'une entreprise onéreuse si on veut la mener à fond et de manière aussi complète qu'on peut le souhaiter.
Est-ce que c'est conforme à votre expérience, Jan, ou est-ce que j'en dis trop ou pas assez?
Mme Jan D'Arcy: Je vais en fait passer la parole à Alan pour voir si nous pouvons donner une réponse plus globale.
M. Alan Mirabelli: Je suis heureux que vous posiez la question des montants en jeu. Je pense que c'est beaucoup d'argent, mais laissez-moi aborder la question sous un autre angle.
Je me rends bien compte qu'il nous a fallu entre 20 et 25 ans simplement pour concevoir la notion d'éducation sur les médias, c'est-à-dire 20 à 25 ans après les débuts de la télévision. Ce que nous vous disons ce matin, c'est qu'à la vitesse où les choses évoluent, nous ne pouvons pas nous permettre de prendre encore 20 à 25 ans de retard. Je pense qu'il nous faut nous rendre compte de l'urgence de la situation. La réaction normale est de se dire: «Oui, mais combien ça va coûter?» Dans le cas du Réseau Éducation-Médias, il faudrait probablement un budget annuel de quelque 2 millions de dollars. Quel devrait être le vôtre, je n'en sais rien, mais nous ne suffirions pas à la tâche.
Je vais donc prendre la question sous un autre angle. Si nous avons conclu, comme nous l'avons fait ce matin, qu'il nous fallait demander à votre comité d'envisager une disposition dans le préambule de la Loi sur la radiodiffusion, c'est avant tout parce que le Canada, dans le cadre de tous ses programmes et toutes ses institutions—et en l'espèce, pour respecter ses engagements en matière de radiodiffusion—doit tenir compte du fait que les enfants ne doivent pas rester passifs ou être protégés après coup contre tout ce qui est susceptible de les agresser dans cet environnement, mais qu'il faut en faire des participants actifs sachant dès le départ se débrouiller au sein du système.
Cela dit, lorsqu'on raisonne en termes de participation active, on ne considère plus les enfants comme de petits êtres qu'il convient de protéger. C'est la nation qui investit en fait dans la prochaine génération de citoyens. Nous sommes tous des parties prenantes dans la socialisation de la prochaine génération—pas simplement les enseignants, les parents ou certains responsables des milieux culturels, mais chacun d'entre nous. Je crois que c'est sur cette base qu'il faut s'engager à trouver l'argent, à étudier et à procéder aux recherches nécessaires et à mettre en place les accords de collaboration susceptibles d'être instaurés avec le secteur privé, la fonction publique et les chercheurs.
Pour tout cela, il faut une base. À la base, il ne s'agit pas d'argent; il s'agit de l'engagement, non seulement de protéger et de vacciner, mais de socialiser. C'est une responsabilité que tout le monde doit partager.
Je dirai pour finir, et je m'en félicite, que c'est le ministère du patrimoine qui le premier nous a versé des fonds pour nous permettre de démarrer. L'industrie a tout de suite emboîté le pas, mais tout cela s'étiole au fil du temps s'il n'y a pas d'engagement renouvelé. Nous voulons un ancrage dans la loi. C'est pourquoi nous voulons que l'on prenne un engagement dans le préambule.
 (1235)
Mme Cathy Loblaw: La question des compensations sociales vient s'ajouter à cela. Lorsqu'une politique d'incitation gouvernementale d'une telle ampleur permet d'injecter des fonds au sein de nombreuses organisations pour les besoins de l'éducation sur les médias, le défi est d'en conserver le dynamisme. Ce programme est lié actuellement aux transactions et aux cessions de propriété. Est-ce qu'il y aura autant d'activité dans ce secteur au cours des cinq prochaines années que lors des cinq années précédentes? Nous n'en savons rien. Par conséquent, est-ce que ces prestations sociales continueront à être versées comme elles l'ont été jusqu'à présent? Nous ne connaissons pas la réponse à cette question, mais il est indéniable que c'est ce genre de programme qui à la base a rendu possible la mise en oeuvre de projets comme le nôtre.
Mme Sarmite Bulte: Et en ce qui a trait à l'autoréglementation?
Mme Cathy Loblaw: Oui, en matière d'autoréglementation, il y a actuellement le Code de la publicité radiotélévisée, qui est axé précisément sur la télévision. La profession a délibérément entrepris, par l'intermédiaire de l'Association canadienne du marketing direct, d'élaborer des directives s'appliquant à Internet pour s'assurer que les principes du code de la télévision soient repris sur Internet en tenant compte de la nature particulière des communications en direct, qu'il s'agisse de l'échange d'information, du commerce électronique ou du recueil des données. Ces lignes de conduite ont été établies il y a quatre ans, je pense. Il s'agissait d'une première étape, de portée limitée, à mon avis.
Est-ce que notre profession est en mesure de passer à la prochaine étape dans la situation actuelle? Je le crois. Je pense que le système d'autoréglementation que nous avons mis en place par l'intermédiaire de l'organisation «Les normes canadiennes de la publicité» et du comité sur les enfants a les moyens et les compétences devant lui permettre de faire appliquer ces mêmes principes sur Internet. Comment et de quelle façon, nous sommes encore en train de l'étudier et d'en discuter. La différence, à mon avis, entre le monde de l'Internet et celui de la télévision, c'est qu'il ne sera jamais aussi facile de contrôler le premier. C'est pourquoi nous en revenons toujours à l'éducation sur les médias. Il faut que les deux choses aillent de pair, parce que même si nous pouvons contrôler ce qui se passe chez nous et intervenir, nous ne pouvons pas le faire dans le reste du monde. Les enfants ont maintenant accès à tout.
Mme Sarmite Bulte: Pour ce qui est des licences de retransmission obligatoire, que nous mettons à l'étude dans le projet de loi S-48, et la publicité sur Jump TV et iCrave TV, comment va-t-on procéder au contrôle? Avez-vous abordé la question?
Mme Cathy Loblaw: Je ne suis pas au courant.
Mme Sunni Boot: Si vous me permettez... Excusez-moi, je n'ai pas saisi que vous alliez répondre. Allez-y.
Mme Jan D'Arcy: Lorsqu'il s'est penché sur l'éventualité de réglementer l'Internet, le CRTC a décidé que pour l'instant ce n'était pas son rôle et qu'il n'allait rien faire dans ce domaine. C'est donc en fait un domaine nouveau.
Il n'y a donc pas encore de cadre de réglementation effectif, parce qu'il faut qu'il y ait effectivement un responsable de la réglementation, pour ce qui est de l'Internet. Le principe de l'éducation en prend donc autant plus d'importance.
 (1240)
Mme Sarmite Bulte: Je pense que c'est une question très importante pour notre comité. Le projet de loi C-48 s'applique aux licences de retransmission obligatoire et à toute la question des droits d'auteur face aux nouveaux arrivants comme iCrave TV ou Jump TV en s'assurant que l'on paie les titulaires effectifs des droits.
L'une des grandes préoccupations dont nous ont fait part les radiodiffuseurs, indépendamment du fait qu'il s'agissait potentiellement d'un vol de signal—je ne veux pas débattre de la question quant au fond mais il faut dire, pour qu'il en soit pris acte, qu'il y avait une allégation de vol—c'est qu'en réalité les détenteurs des droits n'étaient pas rémunérés comme il se doit. De plus, il y avait aussi le fait que l'on se servait sur Internet de leur espace réservé à la publicité.
Mme Sunni Boot: Effectivement. C'est le même problème que celui que je viens d'exposer, qu'il est plus difficile de réglementer ce support. Dans le cadre d'une démarche globale faisant appel au code, c'est possible. Le code oblige les publicitaires à agir de manière responsable. Si quelqu'un choisit de ne pas y adhérer ou si une personne décide de consulter un site sur lequel un publicitaire refuse d'avoir une attitude responsable, nous ne pouvons pas y faire grand-chose. La seule solution est d'armer nos enfants grâce à une éducation sur les médias. Tout revient au principe selon lequel il ne s'agit pas tant de les protéger, mais de les armer pour qu'ils puissent se défendre eux-mêmes.
Mme Cathy Loblaw: Il y a aussi le fait que dans le système actuel, avec les normes canadiennes de la publicité, il y a effectivement deux clauses qui s'appliquent à toutes les formes de publicité. Rien n'empêche de déposer une plainte contre la publicité qui se fait sur Internet, de la même façon qu'on peut le faire pour tous les autres médias, et il en résultera un réexamen et une discussion des moyens d'y remédier.
C'est évidemment un modèle de référence en matière d'autoréglementation. Dans quel sens tout cela doit-il évoluer, je pense que c'est le défi qui nous appartient de relever. Pour ce qui est des intentions, qu'il s'agisse de nos membres ou des annonceurs responsables en publicité pour enfants, je sais pertinemment que nous avons l'intention et le désir d'être aussi responsables sur Internet que nous le sommes à la télévision. C'est la façon de faire état de cette responsabilité dans ce cadre que nous nous efforçons de déterminer. Nous avons déterminé qu'une éducation sur les médias était un élément fondamental et incontournable en la matière.
Nous estimons en outre que nous devons mettre des outils et des techniques à la disposition des parents, tels que Net nannies et autres outils de filtrage. C'est aussi une possibilité. Il faut que la profession ait des normes et qu'elle s'autoréglemente. Je pense que tous les éléments sont déjà en place et, à mesure que ce support va prendre de l'ampleur, ils vont s'affiner.
Nous avons un bon système et une bonne infrastructure, à mon avis. Simplement, lorsqu'on considère Internet, ça dépasse largement tout ce que nous pouvons faire au Canada. C'est pourquoi nous en revenons toujours à l'éducation sur les médias.
Mme Jan D'Arcy: J'ai une offre à faire au comité et à tous les gens présents dans cette salle. Nous avons produit une émission de 45 minutes qui s'intitule en anglais Kids for Sale: Online Marketing to Kids and Privacy Issues, qui traite précisément de toutes ces questions. Je me ferai un plaisir de revenir devant votre comité pour lui présenter ce document.
Le président: On nous a de nouveau appelé à voter à la Chambre entre 13 h 10 et 13 h 15. J'avais demandé aux deux autres groupes de rester car, s'il n'y avait pas eu ce vote, nous aurions pu les entendre. Toutefois, si cela paraît possible, il serait injuste de les faire attendre. Je vous propose, à mon grand regret, de vous faire revenir à une date ultérieure. Nous prendrons bien soin cette fois de vous convoquer à 9 heures du matin pour que vous ne soyez pas dérangés par les votes. Je vous fais encore mes excuses.
Il nous reste maintenant suffisamment de temps pour en finir avec les questions. Je vais donner la parole à M. Harvard mais, au préalable, et avant que nous changions de sujet, je vais demander à M. Mirabelli de ne pas hésiter à faire parvenir au comité une formulation éventuelle du préambule s'il a des propositions à nous faire. Nous aurons ainsi une meilleure idée de votre point de vue et de la formulation précise que vous souhaitez.
M. Alan Mirabelli: Avec plaisir.
Le président: Monsieur Harvard.
M. John Harvard (Charleswood St. James--Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai juste une ou deux questions à vous poser au sujet de la publicité sur les médicaments prescrits. Je sais que les radiodiffuseurs de notre pays aimeraient que ce soit légalisé, et je me demande quelles seraient vos réactions.
Laissez-moi dire une chose pour commencer. Je considère que la publicité fait partie intégrante du marché libre, du système de libre entreprise qui est le nôtre. Je suis un fervent partisan de la publicité mais, lorsqu'on en arrive à cette proposition de légaliser la publicité sur les médicaments prescrits, je ferai une ou deux réserves. Même s'il s'agit là d'un terrain glissant, je crois que je pourrais en admettre le principe si on se limitait à la concurrence sur les prix, si la publicité servait strictement à promouvoir ou à encourager la baisse du prix des médicaments prescrits. Je suis toutefois contre toute publicité sur les médicaments prescrits qui reviendrait tout simplement à promouvoir une plus large utilisation des médicaments. Je considère que nous avons déjà suffisamment de médicaments dans notre société actuelle, qu'ils soient prescrits ou non.
Je me demande si l'un de vous a une observation à faire à ce sujet.
 (1245)
Mme Cathy Loblaw: Nous nous plaçons du point de vue des enfants et nous ne prenons pas part à cette discussion. Je ne sais pas ce qui est proposé et, par conséquent, quels sont les enjeux du point de vue de la télévision ou de la publicité pour les enfants.
Nos collègues de l'Association canadienne des annonceurs seraient éventuellement les mieux à même de vous répondre sur les médicaments et les produits pharmaceutiques. Ce n'est pas quelque chose que nous...
Le président: Si l'un des groupes de témoins ou les deux veulent se joindre à nous pour répondre à M. Harvard, n'hésitez pas. On a posé une question sur les médicaments prescrits.
Mme Sunni Boot: C'est une catégorie qui n'entre même pas dans la publicité pour les enfants. C'est une publicité qui doit s'adresser aux gardiens ou aux parents.
Le président: M. Harvard nous disait qu'en matière de médicaments prescrits, il est prêt à accepter une publicité sur les prix, dans le but d'abaisser...
M. John Harvard: J'en accepterais le principe.
Le président: Il en accepterait le principe, mais pour ce qui est de développer la consommation, il considère que nous avons déjà trop de médicaments.
M. David Harrison: Bien, je comprends son point de vue. On se penche sur la question à l'échelle de la profession et je crois qu'il y a des discussions avec le ministère de la Santé. Je sais que le sujet soulève des polémiques, pas seulement à Ottawa mais à l'échelle du pays. Dans le secteur de la publicité, nous jugeons important de pouvoir bénéficier d'une possibilité d'accès. Nous espérons obtenir un meilleur accès que celui que vous décrivez. Je sais, toutefois, que c'est une question complexe.
Nous nous heurtons aussi au fait qu'il y a une grande quantité d'informations qui nous viennent du sud de la frontière et qui entraînent une confusion dans l'esprit des Canadiens. Cela complique en fait la vie de nos médecins généralistes, qui reçoivent une grande quantité d'informations par la voie des ondes et par Internet au sujet de médicaments qui ont un nom différent au Canada. Je pense que ce n'est pas ici qu'il convient d'en discuter.
Il s'est fait énormément de travail dans le secteur de la publicité. Je ne suis pas moi-même suffisamment familiarisé avec la question pour bien vous en parler aujourd'hui, mais je sais que les membres de notre profession seront tout disposés à le faire.
M. John Harvard: Très bien, je vous remercie.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Je m'inscris en faux sur ce point. Je considère que la question a beaucoup à voir aussi avec les enfants. Je crois savoir que les sociétés pharmaceutiques font de la publicité pour les médicaments contre l'acné dans les émissions pour enfants en disant, par exemple dans des annonces publicitaires: «Demandez à vos parents de vous prendre un rendez-vous avec le médecin». On le voit aujourd'hui à la télévision américaine. Ça arrivera bientôt chez nous. Il y a de toute évidence une relation. Si l'on autorise les sociétés pharmaceutiques à faire de la publicité, on verra des annonces publicitaires pour les médicaments contre l'acné, pour les régimes, le Ritalin, etc. Les enfants vont faire pression sur leurs parents et ces derniers vont se précipiter chez le médecin pour obtenir le dernier médicament, qui conviendra ou non à la situation.
Je pense donc qu'il y a un problème sérieux ici en ce qui concerne les enfants et qu'il faut se poser la question.
Mme Cathy Loblaw: Le Code de la publicité radiotélévisée destiné aux enfants reste toutefois le code de référence en ce qui a trait à la discussion et au dialogue avec les enfants. Ce code ne permet pas que l'on incite directement les enfants à acheter un produit ou à demander à leurs parents de le faire. À mon avis, toute publicité de cette nature ne bénéficierait tout simplement pas d'une autorisation et ne pourrait pas être diffusée sur les ondes canadiennes. Nous n'avons aucun contrôle sur les ondes américaines, mais il est certain que le Code de la publicité radiodiffusée est très clair.
 (1250)
M. John Harvard: Les enfants regardent aussi des émissions pour adultes. On ne peut pas tout écarter d'un revers de main.
Mme Cathy Loblaw: Certainement, et c'est pourquoi nous en revenons à la nécessité de faire une éducation sur les médias, parce qu'on ne peut pas dicter ce que les enfants vont être autorisés à voir dans chaque foyer et à quoi ils vont être exposés. C'est pourquoi il est si important de disposer d'un code s'adressant précisément aux enfants, veillant sur leurs intérêts, qui s'accompagne en outre d'une éducation sur les médias, pour qu'on ne puisse pas les tromper ou profiter d'eux lorsqu'ils voient des émissions pour adultes.
Sur la question précise des produits pharmaceutiques, je regrette de ne pas être davantage au courant et de ne pas avoir pris part aux discussions ou au dialogue jusqu'à présent.
Mme Sunni Boot: Laissez-moi enchaîner sur ce point. Vous avez raison, ils regardent aussi la télévision aux heures de pointe, c'est indéniable. La publicité de certains médicaments ne s'adressera jamais aux enfants étant donné que l'acheteur, la personne responsable, sera vraisemblablement le gardien. Les produits pour l'acné s'adresseront davantage à un public d'adolescents, mais on ne le voit absolument pas aujourd'hui au Canada.
Mme Linda Millar (directrice, éducation, Annonceurs responsables en publicité pour enfants): J'ajouterais simplement que c'est là une raison de plus de faire de l'éducation sur les médias, non seulement auprès des enseignants, mais aussi des parents qui sont aussi des éducateurs. Nous essayons entre autres d'encourager les enseignants et les parents du Canada à regarder la télévision avec les enfants pour pouvoir discuter avec eux de ce qui se passe: De quoi s'agit-il? Est-ce que cela nous concerne? Est-ce que nous avons intérêt à faire cela? Voilà les questions qui les aident à se montrer critiques et à comprendre ce qu'il y a derrière ces publicités. Il est important par ailleurs de faire la différence entre les codes qui s'appliquent au Canada et ceux des autres pays et de comprendre aussi cette réalité. Je considère, là encore, que tout se ramène à l'éducation sur les médias.
Le président: Monsieur Cuzner.
M. Rodger Cuzner (Bras d'Or--Cap-Breton, Lib.): Laissez-moi tout d'abord vous faire une révélation. Notre président, M. Lincoln, était un grand amateur d'Uncle Chichimus et il en conserve encore le disque de décodage.
Quant au travail des Annonceurs responsables en publicité pour enfants, j'ai trois garçons âgés de 9, 11 et 14 ans et j'ai donc regardé une quantité d'émissions de télévision pour enfants ces 12 dernières années. J'ai pu voir l'évolution et les améliorations apportées ces dernières années, et votre action produit donc de toute évidence ses effets. Vous faites passer des messages sur l'intimidation, par exemple, et ces messages sont excellents. Ils produisent un effet, et je vous en félicite. Vous avez fait votre marque dans ce domaine, on vous reconnaît, et je considère que vous faites donc bien votre travail. Vous avez obtenu du succès.
Cela dit, entre le début de votre action en 1990 et aujourd'hui, quels sont les outils de mesure que vous avez employés? Contez-nous un certain nombre de vos réussites. Sur quoi avez-vous obtenu des résultats? Ce sera ma première question.
Sur un deuxième point, lorsque je vois des jeunes qui consacrent 16 heures... Le multimédias, les disques vidéos, l'Internet et le magnétoscope dans la chambre, c'est bien beau. Je pense tout d'abord que bien des gens se servent aujourd'hui de la technologie pour faire du gardiennage. Je vois bien des enfants qui sont mal socialisés. Nous préconisons une vie active mais il est bien difficile aujourd'hui de faire faire des activités à nos jeunes. L'évolution récente de l'obésité chez nos jeunes est catastrophique. Il y a de quoi avoir peur. Nous devons faire lever nos enfants de leur sofa et les éloigner des claviers. C'est mon point de vue.
Votre situation est donc paradoxale parce que vous vous adressez à des gens qui veulent attirer l'attention des jeunes, mais cela pose un problème. On ne peut pas le nier. Ce fardeau ne doit pas reposer entièrement sur vos épaules. Je sais que notre gouvernement, par l'entremise de sa législation sur le sport, par exemple, va certainement faire sa part, et nous sommes prêts à nous atteler à la tâche. Qu'envisagez-vous à long terme...? Je suis sûr que vous êtes conscient du problème. Que va-t-on pouvoir faire? Ce sont là les deux questions que je veux vous poser.
 (1255)
Mme Cathy Loblaw: Oui, c'est un problème.
Je répondrai tout d'abord à votre première question en disant que nous sommes tout à fait d'accord avec vous pour affirmer que les enfants doivent être actifs, qu'ils doivent bouger. Nous avons produit l'année dernière une série de publicités sur la vie active en incitant les enfants à faire de l'exercice. Nous avons le sentiment de servir les intérêts des enfants et non ceux de nos membres. Les enfants ont intérêt à mener une vie saine et équilibrée, et cela peut et doit englober la télévision et l'usage des médias.
Notre série de publicités sur la vie active préconise exactement ce dont vous parlez, soit de faire en sorte que les enfants fassent des choix équilibrés, aient différentes activités dans la journée et restent actifs. Le problème de l'obésité nous préoccupe tout particulièrement et nous venons d'entamer des discussions avec Santé Canada sur le rôle que nous pouvons jouer pour aider les enfants à faire des choix alimentaires sains, de façon modérée et équilibrée.
Nous sommes donc bien conscients de l'importance de ce problème. D'ailleurs, l'émission La télévision et moi se réclame du Guide alimentaire canadien et fait appel à des conseils et à des outils qui font la promotion de la vie active. Nous sommes tout à fait en faveur d'un message préconisant la modération, l'équilibre et le choix sans faire d'exclusive et sans retenir un modèle unidimensionnel qui, à la limite où vous le poussez, peut avoir des répercussions antisociales et être malsain pour les enfants.
M. Rodger Cuzner: N'est-ce pas bien difficile lorsque vous comptez parmi vos principaux publicitaires Coca-Cola, 7-Up, Frito-Lay et autres barres O'Henry? N'y a-t-il pas une contradiction? C'est un dilemme.
Mme Cathy Loblaw: Non, vous savez, il n'en est rien.
Mme Sunni Boot: Ils sont les premiers à évoquer la question et à nous dire qu'il faut trouver un remède, ce que je trouve vraiment formidable. Ils reconnaissent que nous avons une responsabilité envers les enfants.
Mme Cathy Loblaw: C'est vrai. Voilà un an maintenant que je fais partie des Annonceurs responsables en publicité pour enfants, et je suis étonnée par le dévouement des différents publicitaires et par le fait qu'ils ne manquent pas de reconnaître qu'ils mettent des produits et des services à la disposition des enfants et qu'ils veulent que ces enfants aient le choix et conservent un certain équilibre au sein d'un système bien conçu qui les respecte.
Par la même occasion, ils souhaitent—c'est leur responsabilité—contribuer au bien-être des enfants. C'est ce qui motive les Annonceurs et c'est pourquoi nous revenons toujours sur ces questions. Lorsque nous parlons de vie active et d'obésité, notre message ne fait aucun compromis. Ce sont des problèmes fondamentaux, et c'est l'intérêt bien compris des enfants qui doit nous motiver. Nos membres nous appuient résolument sur ce point et sur toutes les autres questions que nous avons abordées.
Pour ce qui est des critères et des outils de mesure ainsi que de notre influence, lorsqu'on influe sur des changements de société ou de comportement sur des questions comme l'intimidation, la vie active, la confiance personnelle, la toxicomanie ou l'éducation sur les médias, l'une des grandes difficultés est de mesurer les progrès accomplis. Il est terriblement onéreux et très difficile de mesurer les changements de société. Il faut si longtemps pour effectuer des changements de société dans le domaine du marketing social, qui est le nôtre, que c'est un grand défi à relever.
Nous employons des outils qui restent ponctuels, en quelque sorte, mais nous espérons qu'ils donnent une bonne indication. Chaque année, les radiodiffuseurs nous font parvenir des déclarations assermentées pour nous dire exactement où sont diffusées nos publicités, quel est le temps de diffusion et combien d'enfants en prennent connaissance, et nous savons donc que notre message passe. Nous faisons par ailleurs des enquêtes auprès de groupes cibles et nous parlons aux enfants pour comprendre leur mode de vie et l'impact de nos messages.
Nous faisons en ce moment des enquêtes sur le terrain pour savoir ce que pensent les enfants. Nous leur demandons: «Lorsque vous avez entendu ces messages, est-ce qu'ils vous ont incités à mener une vie plus active ou à mieux vous entendre avec vos amis»? C'est le genre de chose qu'on fait.
Nous connaissons aussi la réaction des enfants par l'intermédiaire de Linda, qui se retrouve tous les jours dans les salles de classe en compagnie des parents et des enseignants. Lorsque nous demandons aux enfants s'ils ont vu ces publicités, c'est extraordinaire, mais 99 p. 100 des mains se lèvent. Ils n'hésitent pas à nous dire franchement ce qu'ils aiment ou non. Cela nous motive.
Je dirais donc que nous avons une indication, après coup, de l'importance de nos réalisations; nous ne pouvons pas le mesurer de façon aussi concrète que nous le voudrions. Nous espérons faire mieux à l'avenir.
Le président: Nous n'avons plus de temps et je vous demanderais donc de faire vite.
Mme Jan D'Arcy: J'irai très vite.
Notre étude de base porte sur les jeunes Canadiens dans un monde câblé. C'est le point de départ qui doit nous permettre de mesurer en permanence les effets de toute une gamme d'utilisation des médias par les jeunes. C'est notre principal cadre de travail.
Le président: Avant de donner la parole à Mme Bulte, je tiens à enchaîner sur ce que vient de dire M. Cuzner.
Je suis un grand partisan et un grand admirateur de ParticipACTION, qui a changé la vie de bien des Canadiens. Est-ce que vous envisagez pour des organisations comme la vôtre une intervention dans le cadre d'un programme ParticipACTION de ce type pour les enfants? Je sais que c'est purement théorique.
· (1300)
Mme Cathy Loblaw: L'année dernière, nous nous sommes penchés sur ce problème. La difficulté, c'est que nombre des activités qui intéressent aujourd'hui particulièrement les enfants sont sédentaires, que ce soit la télévision, les jeux vidéos ou Internet. Dans notre série de publicités de l'année dernière, nous avons cherché à rappeler aux enfants qu'il y avait d'autres activités tout aussi drôles et tout aussi intéressantes en cherchant à les sortir de leurs habitudes sédentaires.
Il est certain que tout ce qui peut aider les enfants à devenir plus actifs et à faire davantage d'activités nous apparaît très important. C'était le but de notre série de publicités de l'année dernière et c'est ce que nous faisons tous les jours avec l'émission La télévision et moi lorsque nous parlons aux enfants. C'est l'un des grands problèmes que nous évoquons avec eux. Nous leur disons d'être actifs, d'aller dehors, de faire des activités physiques, d'une façon qui est adaptée à la vie de leur foyer et à leur environnement.
Le président: Madame Bulte, nous allons terminer avec vous.
Mme Sarmite Bulte: Je voulais simplement être sûre d'avoir bien compris Mme Loblaw. Je vous ai demandé quelles étaient les principales réalisations dont vous pouviez être fière. Vous m'avez répondu qu'en réalité elles étaient pratiquement intangibles et que vous ne pourriez pas les quantifier. Je vous repose la question. Est-ce que l'une des grandes difficultés que vous éprouvez dans le cadre actuel de financement s'explique par votre impossibilité à quantifier vos résultats?
Mme Cathy Loblaw: Effectivement. Parlez à n'importe quel spécialiste de la prévention de la toxicomanie ou de l'un quelconque des problèmes que l'on rencontre habituellement, et il fera état d'un monceau de recherches pour vous montrer toute l'importance du problème. Dans le domaine de l'éducation sur les médias, il n'y en a pas, et c'est très difficile à quantifier.
Mme Sarmite Bulte: Excusez-moi, mais il nous faut partir.
Le président: Merci d'être venus. Vous nous avez fait part de votre point de vue avec beaucoup de force et de passion. Nous avons particulièrement apprécié votre présence en ces lieux.
La séance est levée.