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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 30 mai 2002




¿ 0915
V         Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.))
V         Mme Janet Yale (présidente-directrice générale, Association canadienne de la télévision par câble)
V         M. Gerald Kerr-Wilson (avocat principal, Association canadienne de télévision par câble)
V         Mme Janet Yale

¿ 0920
V         Le président
V         M. Glenn O'Farrell (président-directeur général, Association canadienne des radiodiffuseurs)
V         Le président
V         M. Ben Ivins (avocat principal associé, National Association of Broadcasters (États-Unis))
V         Le président
V         M. Glenn O'Farrell

¿ 0925
V         Mme Erica Redler (avocate générale et première vice-présidente, Politiques et affaires légales, Association canadienne des radiodiffuseurs)

¿ 0930
V         M. Glenn O'Farrell
V         Le président
V         M. Ben Ivins

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président

¿ 0945
V         M. Abbott
V         M. Ben Ivins
V         M. Jim Abbott
V         M. Glenn O'Farrell

¿ 0950
V         Mme Erica Redler
V         M. Gerald Kerr-Wilson
V         Le président
V         M. Ben Ivins

¿ 0955
V         M. Jim Abbott
V         M. Ben Ivins
V         M. Jim Abbott
V         M. Ben Ivins
V         M. Jim Abbott
V         M. Ben Ivins
V         Mme Gagnon (Québec)

À 1000
V         M. Glenn O'Farrell
V         Mme Janet Yale
V         M. Gerald Kerr-Wilson

À 1005
V         Mme Erica Redler
V         M. Jim Abbott
V         Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)

À 1010
V         Mme Janet Yale
V         Mme Sarmite Bulte
V         Mme Janet Yale
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Gerald Kerr-Wilson
V         M. Glenn O'Farrell
V         Mme Erica Redler
V         Mme Sarmite Bulte

À 1015
V         M. Ben Ivins

À 1020
V         M. Glenn O'Farrell
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Ben Ivins
V         M. Glenn O'Farrell
V         Mme Sylvie Courtemanche (vice-présidente exécutive, Politiques et réglementation, Association canadienne des radiodiffuseurs)

À 1025
V         M. Ben Ivins
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte
V         Le président
V         M. David Goldstein (vice-président, Relations avec le gouvernement, Association canadienne des radiodiffuseurs)
V         Le président
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)
V         M. David Goldstein

À 1030
V         Mme Erica Redler
V         Mme Janet Yale
V         Mme Wendy Lill
V         M. Glenn O'Farrell
V         Le président
V         Mme. Janet Yale

À 1035
V         Le président
V         M. Glenn O'Farrell
V         M. David Goldstein
V         M. Jim Abbott
V         M. Glenn O'Farrell

À 1040
V         M. Jim Abbott
V         M. Glenn O'Farrell
V         Mme Janet Yale
V         Mme Erica Redler

À 1045
V         Le président
V         M. Ben Ivins
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte
V         Mme Janet Yale
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Glenn O'Farrell

À 1050
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Glenn O'Farrell
V         Mme Sarmite Bulte
V         Le président
V         M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne)
V         M. Glenn O'Farrell
V         Mme Erica Redler
V         M. Glenn O'Farrell
V         Mme Janet Yale
V         M. Chuck Strahl
V         Le président
V         Le président
V         M. Paul Spurgeon (vice-président, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique)
V         

Á 1105
V         Le président
V         M. Jay Thomson (président, Association canadienne des fournisseurs Internet)

Á 1110
V         M. Jay Thomson

Á 1115
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         M. Paul Spurgeon
V         M. Jim Abbott
V         M. Paul Spurgeon

Á 1120
V         M. Jim Abbott
V         M. Jay Thomson
V         M. Jim Abbott
V         M. Jay Thomson
V         M. Jim Abbott
V         M. Jay Thomson
V         M. Jim Abbott

Á 1125
V         M. Jay Thomson
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Jay Thomson
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Paul Spurgeon
V         M. Paul Spurgeon

Á 1130
V         M. Jay Thomson
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Paul Spurgeon
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Paul Spurgeon
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Paul Spurgeon
V         M. Paul Spurgeon

Á 1135
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Paul Spurgeon
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Paul Spurgeon
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Paul Spurgeon
V         Mme Sarmite Bulte
V         Le président
V         Le président

Á 1140
V         M. Paul Spurgeon
V         Le président
V         M. Paul Spurgeon
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         M. Jay Thomson
V         M. Jim Abbott

Á 1145
V         M. Jay Thomson
V         M. Jim Abbott
V         Le président
V         M. Jim Abbott
V         M. Jay Thomson
V         Le président
V         Mme Sarmite Bulte
V         Mme Sarmite Bulte

Á 1150
V         M. Jay Thomson
V         Mme Sarmite Bulte
V         M. Jay Thomson

Á 1155
V         

 1200
V         Mme Sarmite Bulte
V         Le président










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 069 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 mai 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0915)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent du patrimoine canadien, qui se réunit pour examiner le projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.

    Nous sommes très heureux d'accueillir la présidente-directrice générale de l'Association canadienne de télévision par câble, Mme Janet Yale, et M. Gerald Kerr-Wilson, l'avocat principal.

    Madame Yale, vous avez la parole.

+-

    Mme Janet Yale (présidente-directrice générale, Association canadienne de la télévision par câble): Merci, monsieur le président et bonjour à tous.

    L'ACTC est très heureuse de pouvoir être ici aujourd'hui pour parler de ce sujet. Comme vous le savez, nous représentons plus de 800 systèmes de câblodistribution à travers tout le Canada et ensemble, nos membres fournissent des services de divertissement, d'information et de télécommunication à environ 6,1 millions de foyers canadiens, dont plus de 1,7 million d'abonnés aux services d'accès à l'Internet haute vitesse par câble. La majorité des foyers canadiens bénéficient, entre autres services, de l'accès aux signaux de télévision locaux et à distance que leur fournit un câblodistributeur local.

    Les compagnies de câblodistribution ont pu améliorer la qualité du signal et accroître la portée des services de télévision locale et offrir aux consommateurs un plus grand choix de programmation en offrant l'accès aux signaux distants émanant des réseaux basés au Canada et aux États-Unis. C'est une fonction particulièrement importante dans les régions isolées du pays qui ne sont pas desservies par les radiodiffuseurs locaux.

[Français]

    Aujourd'hui encore, les entreprises de câblodistribution remplissent cette fonction vitale, mais elles fournissent également à leurs clients un large éventail de services canadiens spécialisés, de services de télévision payante dans les deux langues officielles ainsi que de services canadiens à vocation ethnique et des services étrangers autorisés en provenance du monde entier.

    En plus de cette liste croissante de services de programmation vidéo, les entreprises canadiennes de câblodistribution commencent également à offrir des services interactifs évolués, parmi lesquels l'accès à l'Internet haute vitesse, les services améliorés de la télévision interactive, l'accès au web à la télévision et, dans un avenir proche, la vidéo sur demande.

    La plupart de ces services dépendent d'une technologie mise au point en vue d'une utilisation sur Internet. De plus en plus, les services de câble évolués refléteront la convergence de la radiodiffusion, des télécommunications et des technologies informatiques.

[Traduction]

    En tant que principaux fournisseurs de signaux de télévision éloignés et locaux au Canada, et, aussi, que fournisseurs importants de services Internet, numériques et interactifs, les câblodistributeurs ont un intérêt direct et non négligeable dans les modifications au projet de loi C-48 et aux règlements connexes qui sont proposés.

+-

    M. Gerald Kerr-Wilson (avocat principal, Association canadienne de télévision par câble): L'ACTC reconnaît que l'émergence de retransmetteurs web, comme iCraveTV et JumpTV soulève d'importantes questions de politiques qui se répercutent non seulement sur le régime de protection des droits d'auteur du Canada, mais aussi sur les règlements qui visent le système de radiodiffusion en vertu de la Loi concernant la radiodiffusion. Ces questions obligent les gouvernements à trouver le juste équilibre entre les titulaires de droits, les radiodiffuseurs, les consommateurs, les câblodistributeurs et les radiodiffuseurs directs par satellite, et les utilisations potentiellement infinies de la nouvelle technologie dans la prestation de services aux Canadiens.

    Nous reconnaissons les préoccupations des titulaires de droits et des radiodiffuseurs et nous appuyons la nécessité de fournir une protection juridique équitable pour la programmation des signaux locaux et distants. Cependant, nous croyons fermement que toute mesure adoptée par le gouvernement pour régler les problèmes soulevés par la retransmission Web ne devraient aucunement limiter la capacité des entreprises de radiodiffusion de tirer parti des avantages qu'offre l'évolution technologique. Les compagnies canadiennes de communication ne devraient pas être empêchées de développer et de déployer des nouvelles technologies innovatrices, ni d'utiliser l'Internet, pour fournir des services intégrés aux consommateurs.

    L'ACTC est d'avis que le projet de loi C-48 établit un équilibre approprié entre les divers intérêts. Nous appuyons la décision de définir le terme «retransmetteur» à l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur en ce qui concerne le statut réglementaire du retransmetteur en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Ceci permettra aux câblodistributeurs et aux compagnies de transmission par satellite, qui doivent se munir d'une licence obligatoire pour retransmettre des signaux locaux et distants, de continuer à le faire pendant que sont résolus les problèmes que soulève la transmission Web.

    Nous appuyons aussi fermement la décision de demander au CRTC d'examiner la question de savoir si la retransmission de signaux de télévision par le Web devrait être visée par le décret d'exemption des nouveaux médias.

    Tout au long du processus de consultation, l'ACTC s'est inquiétée que toute tentative d'interdire l'adjonction de documents publicitaires se répercute par inadvertance sur la capacité des câblodistributeurs d'offrir des nouveaux services qui font un usage légitime de la technologie interactive ou de l'Internet mais qui ne touchent pas les titulaires de droits. Dans notre mémoire, nous donnons une brève description de deux utilisations possibles de la technologie interactive qui pourraient enfreindre une interdiction généralisée de la publicité.

[Français]

+-

    Mme Janet Yale: Les inquiétudes manifestées par les détenteurs de droits et par les radiodiffuseurs relativement à des modèles de gestion reposant sur les bandeaux publicitaires sont au coeur même de l'expertise que détient le CRTC en tant qu'organisme de réglementation de la radiodiffusion. C'est le conseil qui est seul habilité à déterminer s'il est justifié que l'impact exercé sur les radiodiffuseurs par la retransmission sur le web en fasse une activité qui ne doit pas être exemptée de la supervision réglementaire.

[Traduction]

    Nous vous remercions de cette occasion qui nous a été donnée de témoigner devant vous aujourd'hui. Nous sommes impatients de participer à cet important processus, à la fois lorsque le CRTC entreprendra son examen de la portée du décret d'exemption et lorsque ce comité reprendra ses travaux pour mettre la dernière main aux règlements découlant du projet de loi C-48.

    Nous répondrons maintenant avec plaisir à vos questions.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Yale.

    Je me demande si nous pourrions maintenant inviter la CAB et M. Ivins à se joindre à nous.

    Monsieur O'Farrell.

+-

    M. Glenn O'Farrell (président-directeur général, Association canadienne des radiodiffuseurs): Merci, monsieur le président, et nous nous excusons de notre léger retard, ce matin.

+-

    Le président: Excusez-moi un petit moment, monsieur O'Farrell.

    Est-ce que M. Ivins est ici?

+-

    M. Ben Ivins (avocat principal associé, National Association of Broadcasters (États-Unis)): Oui, monsieur.

+-

    Le président: Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Ivins.

    M. Ben Ivins: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Le président: Nous souhaitons aussi la bienvenue à M. Glenn O'Farrell, président et directeur-général de l'Association canadienne des radiodiffuseurs; à Mme Sylvie Courtemanche, vice-présidente exécutive des politiques et de la réglementation; à Mme Erica Redler, avocate générale et première vice-présidente, politiques et affaires légales; et aussi, de la National Association of Broadcasters aux États-Unis, à M.  Ben Ivins, codirecteur du contentieux.

    D'accord, monsieur O'Farrell, vous avez la parole.

+-

    M. Glenn O'Farrell: Merci. Nous sommes aussi accompagnés, ce matin, de David Goldstein.

    À titre de porte-parole national des radiodiffuseurs privés du Canada, c'est avec plaisir que l'Association canadienne des radiodiffuseurs contribue à votre examen du projet de loi C-48, une loi pour modifier la Loi sur le droit d'auteur.

    Même si ce dossier touche plusieurs groupes, le projet de loi C-48 traite principalement de l'utilisation des signaux de télévision en direct sur Internet, ce qui fait que nos membres, la CRC et les radiodiffuseurs américains frontaliers sont les intervenants les plus directement touchés.

¿  +-(0925)  

    Quels sont les enjeux? Si la législation et la réglementation ne sont pas clarifiées, cela risquerait de détruire notre industrie de télévision directe, qui est l'une des principales plates-formes de l'expression canadienne, et qui est l'assise du système de radiodiffusion canadien.

[Français]

    En termes simples, si le contenu canadien télévisé général est retransmis librement sur Internet, les producteurs canadiens et étrangers d'émissions comme Blue Murder, Histoires de filles, La Soirée du hockey, West Wing ou Friends refuseront aux télédiffuseurs canadiens l'accès à leurs produits, ce qui nuira à leur viabilité économique.

    L'histoire débute au mois de décembre 1999 par le lancement de IcraveTV.com. Cette compagnie s'est armée d'un côté de la nouvelle ordonnance d'exemption de média du CRTC, qui accorde aux nouveaux opérateurs de médias la liberté sur le plan de la réglementation, et, de l'autre côté, de l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur, vague sur le plan de la technologie, qui a été adopté avant l'émergence d'Internet. Bref, elle voulait avoir le meilleur des deux mondes, à savoir un contenu subventionné sans le fardeau de la réglementation.

    Depuis le lancement avorté de IcraveTV.com en 1999, notre cas s'est toujours avéré cohérent et fort simple. D'une part, nous ne sommes pas opposés aux nouvelles formes de distribution légitime, au contraire. Les nouveaux projets de distribution légitime sont nécessaires à la croissance de notre industrie, mais ce qui nous préoccupe, c'est l'élargissement du régime de licence obligatoire aux entreprises non autorisées et non réglementaires qui ne contribuent pas au système canadien de radiodiffusion et dont les activités menacent ce système.

    Quand il a adopté l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur, le Parlement n'avait pas l'intention d'instaurer un régime de licence obligatoire pour la retransmission sur Internet des émissions télévisées.

    Le contenu est la clé de l'innovation future. On ne peut favoriser ce contenu qu'en mettant en place un régime qui permet une relation de consensus entre les titulaires de droits exclusifs et les distributeurs.

    Le Canada n'est pas dans la course avec les autres partenaires commerciaux importants des États-Unis dans ce domaine. L'Australie, la Communauté européenne et les États-Unis ont tous des législations qui évitent les risques de retransmission sur Internet des signaux télévisés.

    Pendant notre combat initial contre le lancement des renégats comme IcraveTV.com, nous avons proposé un amendement cible à l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur, qui aurait prévu une exclusion de l'Internet similaire à celle du modèle australien. Ceci signifie que le régime de licence obligatoire ne pourrait pas s'appliquer à la retransmission des signaux télévisés radiodiffusés sur Internet. Le motif de cette exclusion est évident: il s'agit du contrôle. On ne peut plus contrôler efficacement l'utilisation et la diffusion des signaux « téléradiodiffusés » une fois que ces signaux sont disponibles sur Internet.

[Traduction]

    Toute solution viable doit envoyer un message clair aux intervenants du marché et à la Commission du droit d'auteur. Ce message doit être que le Canada, à l'instar de ses principaux partenaires commerciaux, protégera sans équivoque les droits d'émissions exclusives acquis par les services de programmation de télévision générale. Il n'y a pas d'autre moyen, et ce n'est pas un débat de sémantique.

    Nous devons créer une exclusion spécifique au moyen, soit d'une loi, soit de règlements connexes, pour protéger les radiodiffuseurs contre les services de retransmission sur Internet non autorisés et non réglementés qui diffusent librement leurs signaux.

+-

    Mme Erica Redler (avocate générale et première vice-présidente, Politiques et affaires légales, Association canadienne des radiodiffuseurs): Nous sommes bien convaincus que c'est au Parlement qu'il incombe d'élaborer les politique publiques et non aux tribunaux ou à la Commission du droit d'auteur. Le principe fondamental est que les licences obligatoires sont une abrogation des droits des créateurs, et devraient être utilisées avec parcimonie, dans l'unique but d'atteindre les grands objectifs de politique publique.

    En passant, lorsque nous parlons de créateurs, nous parlons de la chaîne entière de la création, à savoir les radiodiffuseurs, les producteurs, les scénaristes, les compositeurs, les interprètes et autres.

    Historiquement, le régime de licence obligatoire pour la retransmission des signaux de radiodiffusion a été adopté, à l'origine, dans le cadre de l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. L'objectif de politique publique, alors, était de légaliser la diffusion des signaux de radiodiffusion, émanant surtout des États-Unis, devant les allégations américaines de violation des droits d'auteur.

    La loi donnait aux câblodiffuseurs un accès constant au contenu de façon pratique et très économique, ce qui a permis à l'industrie de la câblodistribution de croître et de s'épanouir. Cela a aussi permis aux auditoires canadiens de continuer de recevoir les signaux de télévision auxquels ils étaient habitués.

    Il convient de souligner que beaucoup de choses ont changé depuis les premiers pas de la câblodistribution. Le gros des services maintenant offerts par les câblodiffuseurs et les diffuseurs par satellite ne sont plus les services conventionnels de télévision en direct, mais les services spécialisés et par abonnement qui ne sont plus assujettis aux licences obligatoires. L'octroi de licence à ces services suit le modèle commercial plus habituel des contrats d'affaires librement négociés. Ce modèle est un modèle différent et plus adapté pour la distribution du contenu par l'entremise de l'Internet.

    JumpTV diffuse actuellement du contenu acquis au moyen de ce régime normal de délivrance licence. Ceci démontre que la technologie fonctionne tout aussi bien avec des contacts acquis par contrat qu'avec un contenu diffusé en vertu d'une licence obligatoire. Nous ne croyons pas qu'il y ait un dossier de politique publique suffisamment solide pour appuyer l'élargissement de la licence obligatoire à l'Internet—tout au contraire; nous pensons que cela irait à l'encontre des objectifs de politique publique.

    D'aucuns ont soutenu que l'élargissement de la licence obligatoire à l'Internet stimulerait l'innovation. Nous ne sommes pas d'accord. La clef de l'innovation, dans notre milieu, est le contenu. On dit souvent que le contenu est roi. La clef de la valeur du contenu audiovisuel, en télévision, est l'exclusivité du marché. L'Internet détruit l'exclusivité du marché dans une mesure absolue. En érodant l'exclusivité du marché, vous érodez la valeur du contenu et dévaluez la télévision conventionnelle canadienne comme plate-forme du contenu.

    La télévision conventionnelle canadienne est une industrie d'un milliard de dollars qui représente directement et indirectement 100 000 emplois. C'est l'un des secteurs qui connaît la croissance la plus rapide de l'économie du savoir. Le fait d'autoriser l'arrivée de participants non-réglementés, qui contribuent peu ou pas à l'économie canadienne, va l'encontre des objectifs de politique publique.

    Les principaux partenaires commerciaux du Canada, dont les États-Unis, l'Union européenne et l'Australie, ont des régimes législatifs qui ne permettent pas la retransmission par Internet des signaux de radiodiffusion en vertu d'une licence obligatoire. L'élargissement de la licence obligatoire pour couvrir l'Internet peut avoir des répercussions à l'échelle internationale.

    Le gouvernement canadien devrait se dépêcher de résoudre ce problème. Le temps ne joue pas en notre faveur. Si nous n'agissons pas vite, de nouveaux intervenants apparaîtront et voudront tirer partie de cette zone grise de la loi. De fait, un nouvel intervenant, iCraveTV.biz, est censé entré entrer en ondes le 1er juin.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Glenn O'Farrell: Monsieur le président et membres du comité, comme je l'ai dit plutôt, à notre avis, il est clair que la solution la plus efficace et la plus élégante, pour éclaircir la situation et harmoniser la loi sur le droit d'auteur du Canada avec les pratiques en vigueur dans le reste du monde industriel serait de modifier l'article 31 de la loi. Le Parlement exclurait explicitement les retransmetteurs par Internet ou par les nouveaux médias pour les déclarer inadmissibles aux fins de l'accès de licence obligatoire.

    La deuxième solution, bien que moins aisée selon nous, nécessiterait la création d'un langage réglementaire clair qui assurerait l'exclusion spécifique voulue. Cette solution pourrait être viable si trois conditions étaient respectées.

    Tout d'abord, il faudrait un amendement à la clause d'entrée en vigueur du projet de loi et un moratoire clair pour empêcher les retransmetteurs nouveaux médias d'être créés, jusqu'à l'entrée en vigueur du projet de loi.

    Deuxièmement, le Parlement, par l'entremise du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, recevra le mandat de définir le langage réglementaire, avec l'assurance que le cabinet accepterait ses recommandations.

    Troisièmement, le gouvernement devrait demander au CRTC, en vertu de l'article 15 de la loi sur la radiodiffusion, de revoir sa politique sur les nouveaux médias afin de créer une nouvelle catégorie réglementée, celle des entreprises de distribution de radiodiffusion, pour les retransmetteurs nouveaux médias qui seraient assujettis aux mêmes obligations réglementaires que les services licenciés existants de diffusion par câble et par satellite.

    Pour terminer, je dirai que personne ne devrait confondre piraterie et vol avec progrès ou innovation. Le Canada doit défendre sa place dans le monde en tant que pays innovateur, et non comme havre international de politiques. Puisque le comité sera bombardé, sans aucun doute, de pages d'arguments sur la manière de régler ce problème, nous pensons que votre tout premier principe directeur devrait être la clarté. Nous sommes donc ici aujourd'hui parce que l'article 31 manque effectivement de clarté.

    Nous vous remercions de cette occasion, et nous serons heureux de répondre à vos questions, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci beaucoup, M. O'Farrell.

    Monsieur Ivins.

+-

    M. Ben Ivins: Merci, monsieur le président et membres du comité permanent.

    Le NAB est un regroupement de chaînes de télévision et de radio et de réseaux de radiodiffusion qui dessert et représente l'industrie de la radiodiffusion américaine. Plus d'un millier de chaînes de télévision sont membres du NAB.

    Permettez-moi de dire tout d'abord que je considère que c'est un honneur et un privilège que de pouvoir m'adresser à votre éminent comité. Comme vous le savez probablement, le sujet de l'autorisation, par le Canada, de la retransmission des émissions télévisées par l'entremise de l'Internet, au moyen du régime de licence obligatoire, a été l'objet d'un débat animé et a été très contesté pendant plusieurs années. Le NAB porte un immense intérêt au sujet et je tiens à dire, aux fins du compte rendu, que tout au long du débat, le Canada s'est montré très courtois en permettant au NAB de participer aux délibérations et d'exprimer ses points de vue.

    Plus précisément, nous avons été autorisés à intervenir dans les délibérations sur JumpTV devant la Commission des droits d'auteur; à déposer au dossier nos observations dans le cadre du processus mixte de cueillette d'informations des ministères de l'Industrie et du Patrimoine, l'automne dernier; et, maintenant, de témoigner devant votre éminent comité. Vous et vos compatriotes méritez des éloges pour si généreusement et si équitablement ouvrir vos processus démocratiques de participation en examinant nos intérêts et nos préoccupations.

    Très succinctement, le NAB est irrémédiablement opposé à la retransmission non-consensuelle de signaux de radiodiffusion télévisée par l'entremise de l'Internet, au moyen d'un régime de licence obligatoire. La retransmission par l'Internet des signaux de radiodiffusion américains par des entités canadiennes, en vertu de l'article 31 de votre Loi sur le droit d'auteur, pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur le système américain de radiodiffusion gratuite et en direct et pourrait enfreindre les obligations du Canada en vertu de l'accord ADPIC et de la convention de Berne.

    À notre avis, il n'existe actuellement aucune mesure technologique pour nous assurer que les restrictions territoriales que le Canada pourrait vouloir imposer sur papier seraient appliquées. De fait, la nature même de l'Internet—c'est-à-dire globale, interconnectée et non-hiérarchique—contrarie directement toute tentative d'imposer des restrictions d'ordre géographique. C'est cette différence marquée entre l'Internet et d'autres médias qui a amené les États-Unis et d'autres pays à refuser d'élargir le régime de licence obligatoire aux retransmissions par l'Internet.

    Par conséquent, le NAB incite vivement le Canada a clarifier sa loi pour expressément exclure de son régime de licence la retransmission d'émissions télévisées par les retransmetteurs Internet.

    Le succès et la pérennité du système de télévision américain est attribuable au partenariat entre les réseaux nationaux, les agences de syndicalisation des émissions et les chaînes de télévision locales. En vertu de ce système, les chaînes de télévision locales des petits et des grands marchés diffusent une combinaison d'émissions de la télévision nationale, d'émissions vendues sous licence et de bulletins d'actualité locale, de bulletins météo et d'émissions d'intérêt public. La viabilité de ce système repose sur la capacité des chaînes locales de négocier et de faire respecter l'exclusivité en diffusant des émissions de réseau et des émissions sous licence aux téléspectateurs locaux.

    Les chaînes locales tirent le plus gros de leurs recettes de la vente de plages publicitaires pendant les émissions de réseaux et les émissions sous licence qui sont populaires. Pendant la diffusion de ces émissions, les chaînes locales diffusent aussi des messages publicitaires pour attirer les spectateurs vers les émissions d'actualité locale. Ces spots publicitaires sont un élément essentiel qui permet aux chaînes de télévision d'augmenter l'auditoire de leurs émissions d'actualité.

    La protection des chaînes contre l'importation d'émissions copiées sur leur marché est profondément ancrée dans le tissu de notre système juridique. Par l'entremise des lois et des règlements, les fournisseurs de services par câble et par satellite sont empêchés d'importer des signaux distants qui comportent des émissions dont les chaînes locales se sont assuré les droits exclusifs. Le fait de permettre à des retransmetteurs par Internet de diffuser les émissions américaines sur le Net pourrait entraîner des pertes incalculables pour ces chaînes et mettre en grand péril leur viabilité économique.

    La raison en est simple, si les téléspectateurs peuvent regarder des émissions de réseau et des émissions sous licence qui sont importées par le biais de l'Internet de chaînes distantes, la valeur, pour les chaînes locales, d'être le fournisseur exclusif de ces émissions sur le marché sera perdue. Les publicitaires paieront beaucoup moins pour promouvoir une émission sur une chaîne locale si cette émission est aussi disponible nuit et jour sur d'autres chaînes de télévision américaines et étrangères qui sont importées par l'entremise de l'Internet du monde entier. De plus, les décalages horaires signifieront que les téléspectateurs des fuseaux horaires occidentaux pourraient voir des émissions venant d'une chaîne de Buffalo, New York, par exemple, plus tôt, sans jamais avoir à syntoniser leur poste sur leurs chaînes locales.

¿  +-(0935)  

    La réduction inévitable des revenus de publicité découlant de la diffusion continue des signaux de programmation à distance sur les marchés locaux aura de multiples conséquences néfastes. Les stations émettrices seront forcées de limiter leurs dépenses, tant pour la programmation souscrite à l'échelle nationale que pour la programmation régionale, y compris pour les émissions de nouvelles et d'informations locales. Cela nuira également aux fournisseurs de programmes, puisque ces derniers devront s'adapter en réduisant le nombre et la qualité des programmes qu'ils offrent. On peut s'attendre aussi à ce qu'il y ait une compression des dépenses discrétionnaires des stations émettrices locales au chapitre des services communautaires et des programmes de sensibilisation du public.

    Au bout du compte, monsieur le président, les vrais perdants sont les téléspectateurs, particulièrement ceux qui ne peuvent s'abonner à des services de vidéo multi-chaînes. C'est un problème de taille. Aux États-Unis, seuls 110 millions d'Américains ont accès à Internet, alors qu'il y a des centaines de millions d'internautes partout dans le monde.

    Bien sûr, ces chiffres augmentent chaque jour, tout comme l'accès aux bandes larges, ce qui rend l'offre de vidéos sur Internet encore plus attrayante pour les consommateurs.

    Les stations locales devront faire face aux sociétés Internet qui offrent des émissions—le même type d'émissions pour lesquels elles ont obtenu des droits exclusifs locaux—aux téléspectateurs sur leurs marchés, et plus particulièrement aux ménages les mieux nantis qui sont dans la mire des publicitaires.

    Ce n'est pas seulement un problème national. La diffusion d'émissions de télévision partout sur Internet, rendue possible grâce à une licence obligatoire non contrôlée, saboterait la capacité des diffuseurs canadiens et américains, ainsi que d'autres détenteurs de droits d'auteur, à vendre leurs programmes sur les marchés étrangers. Ainsi, tous les propriétaires de programmes télévisuels se verraient devancés, dans la vente de leurs propres émissions, par des tierces parties qui pourraient tout simplement s'approprier complètement ces programmes télévisuels et les offrir instantanément aux quatre coins du monde.

    Dans ses délibérations sur le règlement qui doit accompagner le projet de loi C-48, le gouvernement semble s'être opposé, à juste titre, aux licences de retransmission obligatoires qui permettraient la retransmission sans aucune restriction des signaux de télévision sur Internet, mais semble également séduit par le fait que de telles licences peuvent être acceptables si elles sont soumises à des «restrictions territoriales appropriées».

    Avec tout le respect que je vous dois, je vous informe qu'une telle technologie n'existe pas. L'échec probable des dispositifs techniques visant à limiter l'accès aux utilisateurs non canadiens tient à la fois des déficiences inhérentes aux outils d'analyse géographique qui empêchent la détection précise des utilisateurs locaux et à la disponibilité immédiate de moyens multiples permettant de déjouer tous ces contrôles d'accès.

    D'une certaine manière, les caractéristiques essentielles d'Internet—réseau mondial et utilisation d'un système de transmission en paquets multi-trajets—vont véritablement à l'encontre des tentatives destinées à limiter l'accès à un contenu particulier dans une zone géographique déterminée.

    Ni la structure ni la technologie d'Internet ne favorisent les limitations d'accès géographique. Le problème commence par l'absence d'un registre local d'adresses IP. Les sociétés de contrôle d'accès doivent s'en remettre à leurs propres bases de données ou à des informations indirectes—comme le trajet suivi par l'internaute jusqu'au site—, ou encore à des éléments de réseau pouvant être associés à l'adresse IP de l'utilisateur.

    Ces méthodes de localisation ne sont pas fiables. Il est important de savoir que ce manque de fiabilité sera encore plus manifeste lorsqu'on tentera de distinguer les utilisateurs canadiens des utilisateurs américains, étant donné la nature particulière et la portée des opérations canado-américaines menées par des sociétés multinationales et des fournisseurs de services Internet. Même si les instruments d'analyse géographique disponibles actuellement étaient plus performants, ceux qui le souhaitent pourraient toujours trouver un chemin en contournant le système de contrôle lui-même. Désormais, de nombreux utilisateurs peuvent accéder à ce moyen de contournement mis au point pour d'autres buts tout à fait légitimes. Il est d'ailleurs de plus en plus facile de se le procurer.

    Comme l'a dit le représentant du registre des droits d'auteur américain devant le Congrès:

Certaines sociétés travaillent sur du matériel et des logiciels permettant de limiter la diffusion d'informations, dont la retransmission d'émissions, à certains internautes ou consommateurs dans des zones géographiques particulières. Mais personne n'a encore mis au point un système infaillible, et si nous avons retenu quelque chose de l'expérience que nous avons acquise en matière de contrôle technologique par rapport aux droits d'auteur, c'est qu'il ne faut pas beaucoup de temps avant que les règles ne soient enfreintes ou contournées.

¿  +-(0940)  

    Compte tenu de la taille des enjeux, monsieur le président, le NAB vous demande respectueusement que les industries de radiodiffusion américaine et canadienne ne servent pas de cobayes pour tester des mécanismes de blocage géographique n'ayant pratiquement pas été éprouvés. Il est probable que certains utilisateurs trouvent le moyen de déjouer les systèmes de contrôle d'authentification aux frontières à un coût relativement minime et que l'accès devienne rapidement possible grâce à plusieurs techniques.

    Monsieur le président, comme vous le savez, les États-Unis et le Canada sont tous deux signataires de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques et de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, un accord de l'OMC. À notre avis—et je pense que cet avis sera partagé par le gouvernement américain—, l'adoption du projet de loi C-48, en l'absence de toute technologie viable permettant de limiter la retransmission des signaux au Canada, compromettrait sérieusement le respect des engagements du Canada en vertu de la Convention de Berne et de l'Accord sur les ADPIC.

    Une fois encore, le représentant du Registre des droits d'auteur a déclaré ce qui suit devant le Congrès:

    D'après les discussions que nous avons eues avec l'industrie, il n'existe actuellement aucune technologie efficace à 100 p. 100 pour empêcher la réception de signaux provenant de l'extérieur des frontières d'un pays. Compte tenu de l'état actuel de la technologie, il est peu probable que nous puissions mettre en oeuvre un régime de licences obligatoires qui soit conforme aux termes de la Convention de Berne et permette la retransmission non chiffrée de signaux télévisés sur Internet.

    Je crois que notre gouvernement a fait part de ses préoccupations au vôtre, sous la pression des diffuseurs américains, des fournisseurs de programmes de divertissement et d'émissions sportives, des metteurs en scène, des acteurs, des guildes d'écrivains et des sociétés de gestion des droits d'auteurs, entre autres.

    Monsieur le président, je suis prêt à vous fournir des commentaires par écrit pour étayer mes remarques. Je comprends que, selon vos règles, ces observations doivent être livrées en français et en anglais, mais comme cela fait seulement 48 heures que j'ai obtenu confirmation de ma comparution devant vous aujourd'hui, je n'ai pas pu me conformer à ces règles, ce dont je vous prie de m'excuser.

    Je vous remercie énormément de m'avoir accordé autant de temps pour exprimer nos vues et nos préoccupations, et je serais maintenant heureux de répondre à toutes vos questions.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Ivins, pour cet important témoignage. Nous apprécions grandement votre présence parmi nous.

    Je tiens à dire que les documents que vous nous avez fournis seront traduits par la Chambre des communes et remis aux membres du comité. Si vous souhaitez présenter des documents additionnels, vous pouvez les envoyer en anglais à notre greffier; celui-ci se chargera de les faire traduire et d'en distribuer des copies également. Vous pourrez nous faire parvenir ces documents quand bon vous semblera.

    M. Ben Ivins: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

    Le président: Merci à vous.

    Nous allons donc passer à la période de questions. Avant de commencer, je dois dire qu'il semblerait y avoir absence de consensus puisque nous n'arrivons pas à nous décider entre recourir à l'exclusion ou opter pour la réglementation. En revanche, nous avons obtenu un large consensus pour modifier l'article 31 de la loi. En fait, le ministre nous a demandés de faire avancer le projet de loi C-48 le plus rapidement possible et de donner la dernière main au règlement.

    Nous commencerons par vous, monsieur Abbott.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Ce fut une matinée fascinante. J'ai entendu plusieurs témoignages en ordre ascendant, c'est exactement ce qui m'a frappé, qu'ils étaient en ordre ascendant. Je commencerai par M. Ivins.

    Si j'ai bien compris, vous avez dit que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-48 serait inadéquat aux yeux du NAB et qu'il ne se conformerait pas aux différents accords commerciaux conclus entre nos deux pays, n'est-ce pas?

+-

    M. Ben Ivins: C'est exact. Si vous me permettez de m'expliquer un instant, notre problème, très franchement, est que le contenu législatif du projet de loi C-48 dépend totalement de la réglementation qui sera adoptée en bout de ligne. Donc, même si à la face même du projet de loi C-48 il n'y a rien, la question de savoir si les engagements seraient respectés reste entière.

    Nous avons vu différentes variantes d'ébauches de règlement et dans toutes, on présupposait qu'il existe une technologie, comme je l'ai dit, pouvant limiter la retransmission de ces signaux au Canada. Sans cette certitude, vous pouvez mettre sur papier que: «Vous limiterez absolument la transmission des signaux au Canada», mais cela me paraîtrait irresponsable, puisque beaucoup pourraient dire: «Oh oui, nous pensons que notre système peut efficacement limiter la transmission des signaux au Canada». En outre, cela créerait un dilemme pour les titulaires de droits d'auteur et les diffuseurs, les diffuseurs américains, car ils auraient du mal à trouver une solution en cas de défaillance de ces systèmes.

    Imaginons, tout à fait hypothétiquement, que vous êtes un diffuseur de Keokuk, en Iowa—il y a vraiment un Keokuk en Iowa, croyez-le ou pas—ou de Waco, au Texas, et qu'un aspirant étudiant de collège se connecte avec quelqu'un de l'Université McGill, de l'Université de Toronto ou de l'Université Queen's et qu'il crée un site miroir. Donc, depuis le site qui se trouve au Canada, tout à fait légitimement, on commence à envoyer des informations vers ces marchés.

    Maintenant, que peut faire le diffuseur de Waco, au Texas, dans une situation pareille? Imaginez que...

    Pardon, allez-y.

+-

    M. Jim Abbott: Je comprends, et je pense que vous êtes très clair sur ce point.

    Pour être plus précis, dans le témoignage qu'ils ont livré hier, nos fonctionnaires ont dit que si nous adoptions le projet de loi C-48 sans le règlement, cela permettrait d'instaurer de facto un moratoire sur les nouveaux services de média et d'accorder une protection temporaire, comme le souhaite le NAB.

    Je pose cette question aux trois représentants ici présents, approuvez-vous cette intervention?

+-

    M. Glenn O'Farrell: Monsieur Abbott, nous ne pensons pas que les diffuseurs bénéficient d'une telle protection. Il n'existe pas de moratoire spécifique, clairement établi, qui exigerait une modification du projet de loi C-48 actuel. Nous ne pensons pas du tout que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-48 offre ce type de protection.

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Erica Redler: Nous sommes totalement d'accord.

    Le concept du moratoire nous rassure beaucoup, mais il doit être clairement établi dans la loi elle-même et pas être indirectement insinué. On aimerait croire que tout le monde a la même interprétation, mais il semblerait que ce ne soit pas le cas.

    Tout cet exercice vise à donner une certaine assurance. Nous devons avoir la certitude qu'il y aura un moratoire.

+-

    M. Gerald Kerr-Wilson: À l'ACTC, nous approuvons l'évaluation faite par le ministère hier selon laquelle le projet de loi C-48, dans sa forme actuelle et sans règlement, n'ouvre pas la porte aux retransmetteurs de nouveaux médias. Par conséquent, c'est en effet un moratoire. Il dit que vous pouvez retransmettre si vous possédez une licence d'une entreprise de distribution de radiodiffusion, comme une entreprise de câblodistribution ou de transmission par satellite, ou que vous bénéficiez d'une décret d'exemption en vertu des règlements de radiodiffusion pour les petits systèmes de diffusion par câble; vous relevez donc du CRTC. Ce sont ces gens qui, aujourd'hui, d'après la législation actuelle, peuvent obtenir une licence obligatoire.

    Cela continue depuis un an, sans interruption. Les retransmetteurs de nouveaux médias ne peuvent fonctionner que s'ils respectent ces conditions, et ces conditions n'existent toujours pas. Par conséquent, ils ne peuvent satisfaire à l'exigence fondamentale permettant d'obtenir une licence. Peu importe qu'ils contreviennent ou non à la loi, ils peuvent le faire. Quelle que soit la loi qu'adopte le Parlement, il y aura toujours des gens pour la contourner.

    Nous sommes donc d'accord avec le ministère pour dire que le projet de loi C-48, tel que formulé, sans règlement, crée un moratoire sur les retransmetteurs de nouveaux médias et respecte totalement les engagements du Canada en vertu de la Convention de Berne.

    J'aimerais également ajouter un point sur la possibilité ou non que le règlement proposé présente certains problèmes en vertu de la Convention de Berne. Cette convention permet clairement à un pays de fonctionner sous un régime de licence obligatoire. La Loi sur le droit d'auteur en vigueur au Canada est... Nous sommes signataires de la Convention de Berne et rien ne dit que ce que nous faisons maintenant, avec l'article 31, n'est pas conforme à la convention. La question qui se pose, si j'ai bien compris, est de savoir si nous risquons de manquer à nos obligations en vertu de cette convention en essayant de créer un système qui permette la retransmission à l'extérieur du pays. Je pense que les ministères diront que le règlement qu'ils ont proposé empêche de manière explicite la retransmission à l'extérieur du pays et que, par conséquent, la Convention de Berne est pleinement respectée.

    D'après M. Ivins, s'il n'y a pas de technologie pour appuyer cette interdiction, il se pourrait que nous incitions les gens à enfreindre les droits d'auteur et que nous trahissions nos engagements en vertu de la Convention de Berne. Eh bien je dirais que le Canada a la responsabilité, en vertu de la Convention de Berne, d'avoir une Loi sur le droit d'auteur qui respecte les droits nationaux et les droits d'autres pays. Le projet de loi C-48 et le règlement proposé vont dans ce sens. Nous ne renonçons pas à nos obligations en vertu de la Convention de Berne parce que certains enfreignent les règles, sinon chaque État irait à l'encontre de ses engagements internationaux à chaque fois qu'il aurait une infraction.

    La question est donc de savoir si vous avez dicté une loi qui, si elle est suivie, respecte les engagements internationaux du Canada. Je pense que l'on peut prétendre assez fortement que le projet de loi C-48 et le règlement que vous avez devant vous respectent ces engagements.

+-

    Le président: Monsieur Ivins.

+-

    M. Ben Ivins: Encore une fois, je dirais qu'il est bien de mettre sur papier qu'on ne doit pas retransmettre à l'extérieur du Canada, mais vous ne pouvez pas échapper à la réalité. Vous pouvez adopter une loi qui dit que le soleil se couche à l'Est et le gouvernement canadien promulguera le règlement permettant d'appliquer cette loi d'ici un an. Mais si c'est totalement irréaliste, s'il n'y a actuellement aucune technologie ou perspective permettant de promulguer des règlements qui rendraient cela possible, je crois que cela soulève de sérieuses inquiétudes. Simplement parce que vous avez mis sur papier quelque chose qui se conforme avec... Nous vous implorons d'examiner les conséquences pratiques.

    Imaginons que nous sommes encore dans cette situation dans un an, qu'il n'existe aucune technologie adaptée et que vous vous retrouviez avec 20 ou 30  jeunes entreprises Internet désireuses de percer qui vous disent: «Oh oui, nous avons la technologie. Nous pouvons nous conformer au règlement. Nous garderons les signaux au Canada, nous pouvons vous l'assurer.» Imaginez, à toutes fins pratiques, que ce ne soit pas le cas. Et c'est justement la question...

    Si nos stations doivent être bombardées par des compagnies que nous devrons continuellement repousser... Je ne sais pas jusqu'où. Vous vous retrouvez avec des problèmes de conflits de loi. C'est la technologie qui nous permettra d'appliquer ce règlement et la loi que nous remettons en question et qui nous laisse également supposer que la Convention de Berne et l'accord sur les ADPIC pourraient être violés.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Jim Abbott: Je ne prendrais pas...et je vais vous poser une question. Si quelqu'un voulait être malveillant à votre égard, il prendrait votre réponse éventuelle comme une menace. Je veux que ce soit clair dès le départ. En d'autres termes, je ne pose pas cette question et je ne crois pas non plus que nous devrions interpréter la réponse de cette façon.

    Ce que je veux savoir c'est ceci: Quelles sont les conséquences? Quelles sont les conséquences, vues par la NAB, si le Canada va de l'avant avec le projet de loi C-48, si effectivement nous n'appliquons pas d'exclusion pour l'Internet et si nous n'offrons pas de protection? Quelles sont les conséquences réelles, en termes de ce que les Canadiens seront en mesure de voir sur leurs écrans de télévision, du point de vue de la NAB?

+-

    M. Ben Ivins: Eh bien, je suis ici parce que j'espère que cette question pourra être résolue ici, maintenant et à notre niveau. Sinon, je dirais qu'il faudra attendre pour voir ce qui arrivera.

+-

    M. Jim Abbott: En termes pratiques, est-ce que CTV perdra l'émission The West Wing, est-ce que nous perdrons Friends? C'est la véritable question que je pose...à votre avis.

+-

    M. Ben Ivins: Vous voulez dire s'il y avait ce...?

+-

    M. Jim Abbott: Si je comprends bien la position de la NAB, vous dites fondamentalement que le projet de loi C-48 ne convient pas, qu'il n'est pas conforme aux exigences. Alors, si nous allons quand même de l'avant et adoptons ce projet de loi, quelle sera la réaction de la NAB?

    J'ai eu recours au préambule que venez d'entendre, parce que c'est à vous que je pose la question. Vous ne siégez pas là...Si vous nous donnez une réponse du genre: «Eh bien, telle ou telle émission sera retirée de l'horaire», on ne pourra pas considérer votre réponse comme une menace puisque c'est moi qui aurai posé la question.

+-

    M. Ben Ivins: Eh bien, il est difficile de dire comment le marché tentera de s'adapter à cette situation. Je dirais qu'évidemment, un des choix envisagés par les producteurs de l'émission The West Wing serait probablement de retirer cette émission des offres d'émissions pour diffusion gratuite en direct, parce qu'elle n'est pas protégée, parce qu'elle devient soudainement disponible dans le monde entier. Ils pourraient décider de proposer l'émission aux services de distribution de M. Kerr-Wilson, et à des services par abonnement, ou à des services de télévision payante, ce qui, je crois, serait malheureux pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s'abonner à ces services de télévision par abonnement.

    Je crois qu'à long terme, vous allez perdre The West Wing et d'autres émissions de qualité. Pour toute la durée du cycle économique que j'ai décrit, si les fondements—marché intérieur et exclusivité—sur lesquels reposent le financement de ces émissions commencent à s'effriter, on pourra alors dire que c'est toute la structure financière qui sous-tend la création de The West Wing et qui permet la diffusion d'émissions extraordinaires comme les Jeux olympiques, la Coupe du monde, les Séries mondiales et d'autres encore, qui commence à s'effondrer.

    Ceux qui sont en faveur de ce type de projet de loi diront que c'est bien, qu'il faut s'adapter, sortir de la préhistoire et allez de l'avant avec l'émission en trouvant une nouvelle façon de faire. Eh bien, c'est facile à dire quand on n'a rien investi dans l'émission, rien investi dans le matériel et investi juste un peu dans la capacité de transmission à large bande. Je crois qu'il s'agit d'une réponse plutôt irresponsable à donner aux titulaires des droits d'auteur, aux fournisseurs et aux distributeurs qui ont fait des investissements considérables de l'ordre de plusieurs milliards de dollars.

    M. Jim Abbott: Merci.

    Le président: Madame Gagnon.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci, monsieur le président.

    On nous a laissé du pain sur la planche. Hier, les fonctionnaires nous ont expliqué l'envergure du mandat qui nous est attribué.

    J'ai posé une question hier aux fonctionnaires de Patrimoine canadien sur d'autres pays qui ont adopté une législation. Vous avez fait allusion, monsieur O' Farrell, au modèle australien qui fait exclusion de l'Internet. Vous dites que pour éclaircir la situation, ce serait un de vos choix. La question que j'ai posée hier au responsable de Patrimoine canadien était de savoir pourquoi il ne prenait pas acte de ce qui se passait ailleurs. On m'a répondu qu'il y avait des points négatifs et qu'on allait prendre le meilleur de ce qui se passe ailleurs et voir comment on pourrait adopter une solution qui serait plus conforme à notre réalité.

    Pouvez-vous m'expliquer ce qu'il voulait dire lorsqu'il parlait, par exemple, des points négatifs à la solution de l'Australie? Il n'a pas mentionné l'Australie spécifiquement, mais il a dit que d'autres pays avaient adopté des lois, qu'il y avait des points négatifs et que nous voulions adopter une solution qui soit plus conforme à notre contexte. 

À  +-(1000)  

+-

    M. Glenn O'Farrell: Merci, madame Gagnon.

    Je pense que je peux essayer d'éclairer la situation en vous disant qu'il n'y a aucun doute que notre préférence serait d'interdire la retransmission des signaux sur Internet.

    M. Ivins a parlé de la technologie; on en a parlé aussi. On parle de la situation qui existe actuellement ailleurs. Aux États-Unis, il y a une interdiction de facto, si vous voulez, alors qu'en Australie, on a adopté une interdiction législative.

    Il n'y a aucun doute que pour nous, c'est la solution idéale. Quant aux positions qui ont été invoquées par les représentants qui vous ont parlé hier, on a beaucoup de difficulté, en toute candeur, à vous éclairer davantage sur les points négatifs d'une interdiction. Ce qu'on vous a dit ce matin--et on voudrait peut-être revenir là-dessus un instant--, c'est que ce qui n'est pas clair présentement dans l'article 31, c'est justement qu'il est possible d'interpréter l'article de manière à permettre ce genre d'activité.

    Malgré tout le respect que j'ai pour M. Wilson, en l'absence d'un moratoire clairement stipulé, pourquoi laisser la chose ouverte à l'interprétation quant au moratoire? Alors, parlons de choses claires. Parlons de solutions claires, légitimes et sans équivoque. Un carve-out serait nécessairement la meilleure option pour nous.

    Les représentants du gouvernement ont mis devant vous une possibilité différente. En l'absence, premièrement, du moratoire et, deuxièmement, du renvoi au CRTC en vertu de l'article 15 et, troisièmement, du fait que la réglementation va vraiment soutenir la réalité qu'un retransmetteur sur Internet aurait les mêmes obligations qu'un retransmetteur licencié par le CRTC, nous disons que c'est une solution qui a un certain mérite. Mais notre préférence, sans aucun doute, serait un carve-out.

+-

    Mme Janet Yale: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose au sujet d'un carve-out parce que c'est sur nous, comme câblodistributeurs, que reposerait l'impact négatif d'un carve-out comme tel. Je vais laisser la parole à Jay pour qu'il vous en explique les aspects négatifs.

[Traduction]

+-

    M. Gerald Kerr-Wilson: Une partie du problème est en fait un problème de langue fondamental, à savoir qu'entend-on par Internet? Est-ce que l'Internet se résume au seul World Wide Web? Nous soutenons que l'Internet n'est qu'un simple système de communication. C'est un réseau d'ordinateurs interconnectés. Un des services offerts sur Internet est le World Wide Web que nous connaissons tous par le biais des pages Web. Le courrier électronique en est un autre, de même que le transfert de fichiers de point à point.

    Lorsque vous parlez d'exclusion de l'Internet, la plupart des plaintes relatives à la retransmission sur Internet concernent en réalité la retransmission sur le Web—une page Web par laquelle n'importe qui dans le monde a accès à un signal retransmis. Et nous n'essayons pas de promouvoir la retransmission sur le Web. Nous comprenons les graves problèmes qui touchent le confinement des signaux et les modèles économiques. Nous estimons que les préoccupations des titulaires de droit d'auteur et des télédiffuseurs à l'égard de ce modèle particulier sont tout à fait légitimes et qu'il faut leur trouver une solution. Mais lorsque vous ciblez votre attaque sur la nécessité d'une exclusion de l'Internet, vous vous trouvez, dans les faits, à rejeter un ensemble de technologies extrêmement utiles et légitimes qui n'ont absolument aucune conséquence pour les titulaires de droit d'auteur.

    Je vais vous donner quelques exemples. Les entreprises de câblodistribution utilisent en ce moment même la technologie de l'Internet. Nous avons divers dispositifs dans nos réseaux et chaque dispositif reçoit une adresse IP et nous avons des routeurs qui acheminent les données, vidéos ou autres, aux différents dispositifs, au moyen de l'adresse IP. Cela n'a rien à voir avec le Web. Vous ne pouvez pas utiliser un navigateur pour avoir accès à ce système. Il s'agit d'un mécanisme interne. Nous prenons le meilleur système de communication connu, le plus efficace, qui est l'Internet, et nous l'utilisons dans nos propres réseaux. Il existe plusieurs applications pratiques.

    Je suis sûr que le comité sait très bien qu'une des questions auxquelles doivent faire face les entreprises de câblodistribution est la capacité—combien de canaux nous pouvons offrir, combien nous en réservons pour les services dans les deux langues officielles, au niveau local, et en direct. Voici une des façons de contourner le problème de capacité: au lieu d'envoyer 60 canaux en tout temps dans tous les foyers, nous pourrions en réalité avoir 500 canaux dans ce que nous appelons la tête de ligne, qui est comme un bureau central. L'abonné à la maison dispose d'un décodeur et peut demander le canal 32. Il suffit alors de lui transmettre le canal 32. Les abonnés n'ont pas besoin de recevoir tous les canaux en même temps. Cela signifie que nous pouvons disposer d'un nombre pratiquement illimité de canaux, et ne distribuer que les canaux que les abonnés veulent. C'est cela utiliser l'Internet. Ce n'est pas le Web. Personne ne pourra jamais accéder à ce signal sur son ordinateur à la maison. Nous ne distribuons ce signal qu'à nos abonnés dans notre réseau fermé.

    Entendre dire que vous ne pouvons pas utiliser l'Internet dans le cadre de la retransmission nous rend un peu nerveux, parce qu'il est possible que nous utilisions l'Internet dans ce cas. Mais lorsque nous le ferons, le signal sera protégé à 100 p. 100. Et il n'y a absolument aucune fuite à l'extérieur du Canada ni en dehors de notre zone locale. Le processus est complètement invisible pour l'abonné et pour les titulaires de droit d'auteur. Notre industrie continue de payer 50 millions de dollars par année pour avoir les droits d'utilisation des signaux retransmis, alors ce n'est pas comme si nous nous rendions coupables de parasitisme.

    Cette technologie pourrait toucher directement le consommateur d'une deuxième manière, à savoir la télévision interactive. Encore une fois, vous avez un décodeur et vous regardez une émission de télévision et vous décidez de regarder la page Web qui porte sur l'émission en question. Vous appuyez sur un bouton, l'écran se divise et une page Web apparaît. Vous lisez l'information sur l'émission et vous pensez qu'il serait bien que votre cousin la lise lui aussi. Vous faites apparaître une fenêtre de courrier électronique et vous envoyez un courriel. C'est quelque chose que l'on ne peut pas encore faire aujourd'hui, mais ce sera pour très bientôt. La technologie s'en vient et nous travaillons à déterminer quels seront les modèles économiques.

    C'est une utilisation de l'Internet. Maintenant, si vous regardez une émission à partir d'un signal retransmis et que vous voulez en même temps regarder une page Web, nous sommes tout à coup devant une situation de violation du droit d'auteur. À nos yeux, ce n'est pas un résultat souhaitable. Les consommateurs vont finir par exiger ce genre de choses et certaines applications aideront les télédiffuseurs s'ils ont des projets en matière d'interactivité.

    Nous voulons juste être prudents et dire que si vous voulez cibler les problèmes liés au Web, de grâce prenez la peine de trouver un libellé approprié. Je crois avoir entendu des fonctionnaires dire hier que l'article 4 était fondamentalement censé être une exclusion du Web. Mais ne rejetez pas l'ensemble des technologies de l'Internet parce qu'un élément relativement mineur cause un problème.

À  +-(1005)  

+-

    Mme Erica Redler: Peut-être puis-je répondre rapidement à M. Kerr-Wilson.

    Les entreprises de télédiffusion reconnaissent que les entreprises de câblodistribution et, fort probablement, les entreprises de communication par satellite, utilisent l'Internet de plusieurs façons pour acheminer le signal. Ce n'est pas cela que nous essayons d'empêcher. Le problème pour les télédiffuseurs, c'est lorsque le consommateur a accès au signal sur le World Wide Web lorsque le signal est transmis sur ce réseau libre. Si le câblodistributeur décide d'adopter ce moyen comme un mécanisme de transmission du signal avant que le signal se rende au foyer de l'abonné, qui regarde ce signal sur la télévision, cela ne pose pas de problème. Il faudra peut-être une discussion pour définir ce qu'est l'Internet, discussion qui pourrait être compliquée, mais cela peut se faire, parce que fondamentalement, nous ne sommes pas opposés aux types d'activités que M. Kerr-Wilson vient tout juste de décrire.

+-

    M. Jim Abbott: Madame Bulte.

+-

    Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Kerr-Wilson, j'aimerais poursuivre dans la même veine. Je ne comprends pas, dans votre second exemple, comment le fait d'envoyer un courriel à ma soeur pour l'inviter à regarder l'émission constituerait une violation du droit d'auteur. Corrigez-moi si je me trompe, mais j'ai cru comprendre que la licence obligatoire de retransmission s'applique à la retransmission de segments déjà diffusés sur les ondes.

    M. Gerald Kerr-Wilson: Oui, c'est exact.

    Mme Sarmite Bulte: Alors, dites-moi pourquoi, d'après ce que vous avez dit dans votre introduction, ce que vous faites avec l'Internet constitue de la retransmission d'un signal en direct? Ne s'agit-il pas simplement d'une transmission du signal? Il n'y a pas de différence avec le cas du New York Times qui mettrait le New York Times sur son site Web. Ces gens font alors de la transmission et non de la retransmission.

À  +-(1010)  

+-

    Mme Janet Yale: Le problème, c'est la possibilité de voir simultanément des signaux de télévision retransmis pendant qu'on utilise le Web et le problème, c'est la façon dont est défini l'exclusion de l'Internet. Cela revient à ce qu'Erica vient juste de dire. Il faut être prudent lorsqu'on définit l'exclusion de l'Internet de manière à ne pas exclure, par inadvertance, des activités au sujets desquelles personne ne prétend qu'elles constituent une violation du droit d'auteur. Parce que c'est dans ce sens que tend à évoluer notre technologie; elle vous permettra de faire des choses qui pourraient faire intervenir le Web en même temps que vous regardez une émission de télévision retransmise. La préoccupation, c'est que l'utilisation simultanée de ces deux types d'activité ne devrait pas constituer soudainement une infraction à l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Et je pense que personne ne veut une chose pareille.

+-

    Mme Janet Yale: D'accord, mais encore faut-il trouver le libellé approprié? Le point que nous voulons faire valoir, c'est que le simple fait de dire «exclure l'Internet» crée un grave problème.

    Alors, si nous voulons régler le problème des signaux retransmis sur le World Wide Web, c'est bien, nous n'avons pas la moindre objection. Mais il faut que la définition soit telle qu'elle n'exclut pas, par inadvertance, des possibilité réelles comme la combinaison consistant à pouvoir regarder la télévision tout en utilisant un service d'Internet haute vitesse par câble.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Avez-vous une bonne connaissance de l'exemption australienne? Moi, non. Peut-être faudrait-il confier la question à nos attachés de recherche.

    Sauf votre respect, je ne crois pas que nous puissions utiliser le modèle américain, parce que le système de réglementation de la FCC est très différent du nôtre. Encore une fois, nous ne voulons pas comparer des pommes et des oranges, alors allons plutôt voir du côté de l'Australie ou de l'Union européenne. Comment fait-on les choses là-bas?

+-

    M. Gerald Kerr-Wilson: Et bien, pour ce qui est de l'exemption australienne—et c'est vrai, il s'agit d'une exclusion relativement simple de l'Internet—la différence étant que l'industrie de câblodistribution de ce pays est très différente de la nôtre. C'est une industrie naissante dont le développement n'a pas été axé principalement sur la retransmission des signaux. Elle n'a pris véritablement son envol qu'au cours de la dernière décennie et offre principalement des canaux de télévision payante.

    Les Australiens ne connaissent pas les mêmes difficultés que nous parce que leur système de transmission est différent du nôtre. Alors les répercussions ne sont pas les mêmes.

+-

    M. Glenn O'Farrell: Puis-je faire une observation? Je sais qu'Erica aussi aurait des choses à dire.

    Encore une fois, avec tout le respect que je dois à M. Kerr-Wilson, ce sont des oeuvres protégées par le droit d'auteur qui sont retransmises en Australie, et c'est de cela dont nous parlons ici, d'oeuvres protégées par le droit d'auteur et de retransmission de telles oeuvres par un système de distribution.

    Je crois que pour suggérer que le modèle australien ne convient pas, il faut vraiment avoir l'esprit tordu. Ce modèle est tout à fait pertinent puisqu'il s'agit d'oeuvres protégées par le droit d'auteur.

    Si le Canada veut se distinguer comme le seul pays du monde développé qui ne voit pas la nécessité de trouver une solution à la retransmission sur Internet par le biais d'une exclusion liée aux signaux en direct, nous devrons trouver la lumière dans cette autre solution. Nous faisons nôtre les préoccupations exprimées plus tôt par Janet Yale et dont Erica a parlé.

    Nous disons—et continuerons de le dire—que l'article 31 donne actuellement lieu à trop d'interprétation. Le projet de loi C-48 lui-même, dans son libellé actuel et sans moratoire clair, peut recevoir plusieurs interprétations. Ce n'est pas une solution. Et la réalité veut que dans deux jours, iCraveTV.biz sera lancé. Les oeuvres protégées par le droit d'auteur que nos membres ont acquis sur un marché concurrentiel, en payant des droits d'exclusivité, seront retransmis en violation du droit d'auteur et nous devons faire quelque chose.

    Erica.

+-

    Mme Erica Redler: Pour en revenir à l'Australie, vous trouverez dans la documentation que nous avons remise aux membres du comité, certains détails sur le régime en vigueur dans ce pays. Nous nous sommes intéressés à ce dernier parce que c'est un pays qui a une licence de retransmission technologiquement neutre en première instance. Comme vous l'avez sans doute entendu, notre système aussi est technologiquement neutre et, dans la mesure du possible, nous aimerions qu'il le reste.

    Ainsi, nous avons montré l'exemple d'un pays qui a une licence obligatoire, technologiquement neutre, très semblable à la nôtre, qui a adopté l'exclusion sans compromettre l'aspect de neutralité technologique.

+-

    Mme Sarmite Bulte: J'aurais une courte question pour M. Ivins. Au cours de votre exposé, vous avez dit que la retransmission par Internet pourrait nous permettre de voir les nouvelles plus tôt. Il y a un décalage dans le temps. Eh bien, je peux déjà le faire à l'heure actuelle avec mon satellite. Je n'ai pas besoin de regarder l'Internet; il y a un décalage dans le temps. Si je veux voir les nouvelles de l'Atlantique plus tôt...je peux le faire dès maintenant. Alors, je ne vois pas en quoi cela est pertinent. On peut le faire déjà par satellite. Lorsque vous parlez de délai, je n'en vois pas la pertinence.

    Mais vous avez réussi à piquer mon intérêt lorsque vous avez parlé de piratage et de pirates. Moi aussi, j'ai beaucoup de problèmes avec les pirates. Mais je vais revenir à la question que M. Abbott vous avait posé, au sujet des conséquences éventuelles de la position américaine. Il voulait une assurance que vous n'allez pas faire de menaces, ni vous ni votre gouvernement.

    M. Abbott s'inquiétait du fait que nous n'aurions pas d'émissions comme The West Wing. Ma préoccupation à moi est beaucoup plus étendue. Si vraiment—et je pense que j'aimerais l'entendre—nous contrevenons à l'Accord sur les ADPIC, comme vous le laissez entendre, alors, cela pourrait donner lieu à une contestation devant l'OMC, ce qui, à son tour, pourrait mener à des mesures de représailles.

    Si je me souviens bien, lorsque nous avons examiné le projet de loi C-55, votre gouvernement a effectivement menacé d'anéantir notre industrie de l'acier, notre industrie des matières plastiques et notre industrie du bois d'oeuvre. Il semble que nous ayons toutes sortes d'irritants commerciaux. Ensuite, il y a la pomme de terre, puis le sirop d'érable. Alors, ce que vous dites en réalité, c'est que s'il y a un problème avec les ADPIC, les conséquences pour nos industries pourraient être énormes. Est-ce bien cela?

À  +-(1015)  

+-

    M. Ben Ivins: Vraiment j'espère, je plaide, je supplie que nous n'empruntions pas cette voie. Je suppose que je devrais vous demander simplement de réfléchir à l'équité et à l'impartialité de cette situation ou de vous mettre à notre place, en quelque sorte.

    Ce qui est proposé ici, c'est qu'un fournisseur de services Internet de votre pays prenne nos signaux et notre produit pour les retransmettre dans notre pays, ce qui nuirait à notre industrie de la radiodiffusion. Je vous demanderai de seulement réfléchir à l'ensemble des conséquences. Les gens peuvent dire, eh bien, votre régime de réglementation est différent du nôtre. Cependant, le fait est que vous avez un profond impact sur notre régime de réglementation lorsque vous prenez nos...

    C'est-à-dire que nous avons notre régime—peu importe qu'il soit bon, mauvais ou quelconque. Ce sont nos petites communautés et nos régions rurales qui en ressentiront l'impact le plus durement, et je sais qu'il y en a beaucoup au Canada. C'est un radiodiffuseur de petit marché. Les chaînes de New York peuvent peut-être absorber ceci, mais les petites chaînes des plus petits marchés qui fonctionnent avec de minces marges de profit ne peuvent pas survivre à l'importation des émissions de Los Angeles et de New York sur leurs marchés.

    En fait, au sujet de l'argument sur les fuseaux horaires, ce que je dis, c'est qu'il n'est pas possible à un téléspectateur de Los Angeles de regarder une version de l'émission The West Wing sur une chaîne de New York, avant d'aller se coucher. Cela n'a rien à voir avec le décalage horaire ou avec la possibilité d'enregistrer quelque chose et le regarder plus tard. Ce sont les retransmissions simultanées dont il est question ici, qui en fait peuvent être vues par quelqu'un d'un fuseau horaire plus avancé, qui alors n'a plus besoin de les regarder sur sa chaîne locale.

    J'aimerais aussi préciser qu'il est vrai que la FCC est différente du CRTC, mais je pense que la question qui se pose, relativement à la proposition sur toute la question, par exemple, de la banière publicitaire, qui était dans la première ébauche de règlements alors qu'il n'en est pas question dans la dernière série que j'ai vue, serait réglée, on peut le supposer, par le CRTC. À ce propos, je dirais avec tout le respect que je vous dois que l'incertitude au sujet de ces bannières pose indiscutablement un problème de droit d'auteur et de propriété intellectuelle.

    Le concept qui veut que vous preniez mon produit pour l'associer à une autre bannière publicitaire, disons de Chrysler, alors que sur ma chaîne locale, il est associé aux produits Ford, soulève toutes sortes de problèmes relatifs aux droits d'auteur. Je pense qu'on pourrait soutenir que c'est une oeuvre dérivée. Vous modifiez toute l'oeuvre. Supposons que vous mettiez une bannière publicitaire qui abaisse le produit annoncé. Je pense qu'il y a des enjeux relatifs aux droits moraux. Je crois que cela sème la confusion sur la source ou l'origine du produit. Le téléspectateur finira par se demander eh bien, mais qui commandite cette émission?

À  +-(1020)  

+-

    M. Glenn O'Farrell: Est-ce que je peux intervenir, madame Bulte, avec un bref commentaire, ou...?

+-

    Mme Sarmite Bulte: Je voudrais seulement revenir aux conditions.

    Tout d'abord, monsieur Ivins, vous ne trouverez pas plus grand protecteur des droits d'auteurs ou de créateurs que moi, alors mettons cela au clair dès maintenant aux fins du compte rendu.

    Deuxièmement, ne pensez-vous pas que la loi, actuellement, règle ces préoccupations? Nos représentants officiels qui étaient ici hier ont dit qu'il faut voir cela comme un moyen de sauter les obstacles à l'obtention de la licence, qu'il y a tellement d'obstacles à franchir avant de finir par obtenir cette licence obligatoire. Alors si, de fait, comme vous le dites, il n'existe pas de technologie qui peut limiter le territoire, c'est un obstacle que les retransmetteurs Internet ne pourront pas franchir. Par conséquent, pas de licence obligatoire.

+-

    M. Ben Ivins: Si ce que vous proposez—et, très franchement, je ne vois rien de cela dans ces règlements—c'est qu'en ce moment, l'engagement qui est pris vise un processus selon lequel le CRTC dirait à un retransmetteur qu'avant d'entrer en ondes, d'aller de l'avant, il faut nous donner la preuve indiscutable que le système fonctionne...et que je peux demander aux plus brillantx technologuex de McGill et de l'Université de Toronto de voir s'ils peuvent passer au travers. Avant d'ouvrir les ondes et de diffuser un tas de choses dans le monde entier...

    C'est ce dont il s'agit ici, et ce n'est pas ce que je vois dans ces documents. Si ce genre de garantie et cette certification préalable spécifique, avant de donner le feu vert se trouvent entre les lignes de ces règlements, je ne l'ai pas vu.

    Le président: Monsieur O'Farrell. 

+-

    M. Glenn O'Farrell: Je vous remercie.

    Je vais demander à ma collègue, Sylvie Courtemanche, de parler des fuseaux horaires, parce qu'elle a acquis une grande expérience en la matière relativement à la radiodiffusion directe à domicile par satellite. Nous avons fait beaucoup de recherche et je crois que nous pouvons jeter un peu de lumière sur le sujet.

    Mais avant de laisser la parole à Sylvie, je crois qu'en fin de compte, ce que nous suggérons—et nous le voyons en termes très simples et clairs—c'est que dans un monde idéal, nous dirions donnez-nous, s'il vous plaît, l'exemption afin qu'il soit absolument clair que la retransmissiondes émissions en direct par l'Internet n'est pas légale. Sans cela, je le répète, si le Canada veut se distinguer par un autre modèle—et ce pourrait être une bonne chose—il faut que ce soit clair. Nous vous suggérons, nous voudrions vous convaincre, qu'il est absolument clair qu'il n'y a pas de place pour l'interprétation. Dites-le clairement. S'il y a un moratoire, disons-le. Stipulons-le, disons-le nettement. Assurons-nous que le décret d'exemption, au sujet des nouveaux médias, soit révisé de manière à donner une directive claire et sans équivoque. Alors si nous empruntons cette voie, et si c'est votre intention, à vous, législateurs, soyons clairs. Ne laissons aucune place à l'interprétation.

    Au sujet de la programmation à distance, Sylvie.

+-

    Mme Sylvie Courtemanche (vice-présidente exécutive, Politiques et réglementation, Association canadienne des radiodiffuseurs): Je voudrais seulement préciser que les règles, en ce qui concerne l'autorisation de l'importation de signaux distants sur les marchés, qu'il y ait ou non décalage horaire, se sont faites sous réserve d'un régime réglementaire qui vise à protéger sans équivoque les droits d'auteur. Il est vrai que dans les règlements qui visent l'importation des signaux par satellite, la suppression des programmes est prévue, ce qui signifie que si un radiodiffuseur local de cette région est titulaire de droits exclusifs sur une émission, il a le droit de demander que l'émission soit supprimée, auquel cas le téléspectateur d'émissions transmises par satellite ne verrait qu'un écran noir.

    Le gouvernement voulait créer un système de diffusion compétitif et c'est pourquoi il a encouragé l'industrie de la radiodiffusion directe par satellite et le radiodiffuseur à conclure un accord commercial selon lequel ils se feraient dédommager s'il y avait violation des droits d'auteur. Nous sommes justement en train de renégocier cet accord, mais je peux vous dire d'ores et déjà que l'impact a été important, comme l'a signalé M. Ivins, plus particulièrement sur les petits marchés. Ils ont particulièrement ressenti l'effet de cette infraction... pas seulement que le fait d'avoir tous ces autres signaux qui pénètrent leurs marchés, et le taux de pénétration de leur marché aussi.

    Ceci étant dit, je tiens à dire aux fins du compte rendu que la protection des droits des auteurs des émissions existe au niveau de la transmission par satellite aussi. Il le faut. Sans cela, vous perdez votre marché local de radiodiffusion.

    Je vous remercie.

À  +-(1025)  

+-

    M. Ben Ivins: J'aimerais faire un autre commentaire sur votre analogie avec les conflits sur les pommes de terre et l'acier.

    À ce propos, je vous dirais que ce serait une autre situation si tous ces gens, ici, affichaient une position et moi une autre. Mais avec tout le respect que je vous dois, ce dont il s'agit maintenant, c'est que nous sommes défendons tous la même chose. Ce n'est pas une situation de «nous contre vous». Toute la communauté du contenu canadien, toute la communauté de la radiodiffusion canadienne, s'unissent sur cette question. Vous nuisez à votre propre industrie, tout autant qu'à la nôtre.

    Je ne vois donc pas que ce soit le même genre de situation. Ils sont tout aussi préoccupés que nous.

+-

    Le président: Madame Bulte.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Monsieur Ivins, vous avez effectivement mentionné les accords commerciaux dans votre présentation. Sauf votre respect, notre expérience, en matière de conflits commerciaux—et, oui, nous sommes vos plus proches voisins et je sais que c'est ce qu'il en coûte de faire des affaires—veut que nous en ayons un de très irritant qui dure depuis 20 ans. Alors, lorsque quelqu'un vient nous parler de conflits commerciaux, dans mon esprit, la question se pose, qu'est-ce que cela veut dire vraiment? Je n'en parle qu'en rapport avec votre présentation.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Monsieur Goldstein.

+-

    M. David Goldstein (vice-président, Relations avec le gouvernement, Association canadienne des radiodiffuseurs): Je n'ai qu'un bref commentaire à faire.

    Au sujet des conflits commerciaux, si vous pensez qu'ils ont un bon groupe de pression du bois débité de résineux américain, vous n'avez encore rien vu de leur industrie du divertissement.

    Vous vous rappelez sûrement que nous avons examiné le projet de loi C-55. Je ne crois pas que nous en soyons au point où nous devrions nécessairement parler de suppression d'une émission. Mais il ne s'agit pas seulement de ce que nos services ne puissent pas acheter The West Wing ou ER. Il s'agit de la déstabilisation de la plate-forme de la télévision conventionnelle comme lieu appropriée de diffusion des oeuvres dont les droits d'auteur sont protégés. Et si les titulaires canadiens de droits d'auteur n'ont pas cette assurance, ils emmèneront leurs émissions sur d'autres plates-formes, aussi, ce qui fait surgir la possibilité réelle—et je suis sûr que vous entendrez les témoignages de ligues sportives—que nous devions un jour décider si cela vaut la peine de déplacer la Soirée du hockey vers des services de télévision à la carte parce que le service conventionnel de la SRC ne défend pas assez les droits d'auteur pour qu'on puisse y diffuser ce type d'émission. Cela change radicalement les données économiques du système.

    Alors il ne s'agit pas seulement de ce que nous soyons en mesure d'accéder à leur émission. Je crois que tous les titulaires de droit y voient un gros problème.

+-

    Le président: Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je vous remercie.

    Ce que vous dites m'intéresse, monsieur Goldstein. La perspective de déstabiliser la plate-forme des créateurs canadiens me préoccupe beaucoup. Je suis, moi-même, membre d'une société de gestion des droits d'auteur. Personnellement, j'ai une toute petite idée de la nature du sujet. Je passe beaucoup de temps à ce comité à essayer de comprendre l'impact que pourront avoir les politiques culturelles sur nos auteurs, nos musiciens, etc.

    Vous êtes certainement ici pour représenter les radiodiffuseurs, et les droits des radiodiffuseurs. J'aimerais savoir si vous pensez que les droits de... Peut-être avez-vous la même attitude à l'égard des musiciens et des dramaturges canadiens selon laquelle « Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l'Amérique »; je ne sais pas. J'aimerais savoir ce que vous en pensez

    Je voudrais savoir quelle formulation l'ACR proposerait pour obtenir l'exclusion de l'Internet. J'aimerais aussi savoir si vous pensez que l'exclusion pourrait profiter autant aux créateurs originaux qu'aux radiodiffuseurs.

+-

    M. David Goldstein: Peut-être vais-je commencer, et je laisserai Erica prendre la relève, au sujet de la notion d'exclusion elle-même.

    Nous sommes dans une situation tout à fait unique. Quasiment l'intégrité de la chaîne de valeurs de la programmation canadienne est du même côté à ce propos. Peut-être mes commentaires pourraient-ils porter préjudice... Mais nous parlons, dans ce processus, des intervenants «légitimes ».

    Si cette plate-forme primaire n'existait pas, toute la chaîne de valeurs s'éroderait, et nous ne pourrions absolument plus diffuser des émissions comme The Associates, Traders, Due South, Fashion Television, ou toute autre émission que les Canadiens sont venus à attendre de leur chaîne de télévision conventionnelle.

    Peut-être pouvez-vous parler de l'exclusion et du langage.

À  +-(1030)  

+-

    Mme Erica Redler: Nous avons travaillé sur le langage, mais nous n'avons rien ici aujourd'hui. C'est quelque chose que nous poursuivrons si nous voyons que le comité souhaite aller en ce sens.

    En ce qui concerne le commentaire de David, je ne parle pas au nom des producteurs, mais je crains que ceci ne soit pas vu simplement comme un problème relatif à l'importation des émissions américaines. Les producteurs canadiens ont vraiment essayé d'exploiter leurs émissions dans le reste du monde aussi. S'ils sont effectivement exclus, ils auront plus de difficulté à tirer des revenus des autres marchés, parce que ces autres marchés verront leurs émissions gratuitement par l'entremise de l'Internet.

    Ce n'est que pour expliquer l'interrelation—comment tout le monde en souffrira. Si les radiodiffuseurs sont pauvres, ils mettront moins d'argent sur leurs productions. Les producteurs peuvent payer moins les scénaristes, les artistes, et les autres. Le problème se répercute donc sur toute la chaîne d'alimentation.

+-

    Mme Janet Yale: Je voudrais ajouter une petite chose.

    Cela semble très simple, de procéder à l'exclusion de l'Internet, parce que nous savons tous ce que nous essayons de viser. En principe, nous n'avons pas d'objection au concept d'exclusion de l'Internet. Cependant, en pratique, nous n'avons jamais vu de langage qui ne touche pas, par inadvertance, les usages légitimes de l'Internet et la technologie du protocole Internet. Ils sont utilisés de façon tout à fait légitime par les câblodistributeurs dans la prestation de nos services, et nous sommes tous d'accord, en principe, pour dire qu'ils ne devraient pas en souffrir.

    Je voudrais vraiment vous mettre en garde qu'il incombe à ceux qui disent que c'est possible de concevoir une telle chose, de s'assurer que, cela ne se répercute pas par inadvertance, sur les utilisations légitimes de l'Internet qui, tout le monde s'entend pour le dire, ne devraient pas être touchées.

+-

    Mme Wendy Lill: J'ai une autre question à poser.

    Quelles sont les implications, s'il y en a, sur la propriété des médias de cette question de retransmission par l'Internet?

+-

    M. Glenn O'Farrell: Si vous songez à la propriété des médias dans le sens de la propriété des radiodiffuseurs, il est clair, étant donné que les implications sont surtout d'ordre économique et touchent au coeur de la rentabilité des entreprises médiatiques, il y aura impact sur la propriété—que ce soit au sein de compagnies cotées en bourse ou privées—rien qu'à cause du fait que leurs investissements n'auront pas le même type de rentabilité que nous pourrions raisonnablement espérer.

    Si vous permettez, cependant, j'aimerais revenir au concept d'exclusion et au langage. En tant qu'industrie, nous avons entrepris de nous attaquer au problème de l'exclusion l'année dernière, mais à un moment donné, le gouvernement nous a demandé d'arrêter notre démarche. Erica peut en parler, parce qu'elle était à l'ACR à l'époque, et pas moi. Je pense qu'un progrès considérable a été réalisé dans le sens de l'obtention d'un espace et d'une place qui satisfassent la plupart. Peut-être n'était-ce cependant pas le produit final.

    Mais au contraire de Janet, je pense qu'il y a moyen de trouver ce langage, et qu'il soit efficace. Il s'agit seulement de s'y mettre. Peut-être n'est-ce pas encore celui-ci. Mais je suis optimiste et je pense que nous pourrions satisfaire aux exigences et répondre aux préoccupations en ce qui concerne les utilisations «légitimes» de l'Internet.

+-

    Le président: Peut-être puis-je vous demander, madame Yale ou madame Redler, une précision.

    Vous avez dit, madame Yale, que l'exclusion pose un problème parce que personne n'a encore trouvé le langage approprié.

    Vous avez mentionné dans votre mémoire, monsieur O'Farrell, que les États-Unis et l'Australie appliquent une méthode d'exclusion.

    Où l'exclusion est-elle appliquée depuis longtemps, y a-t-il un langage relativement à l'exclusion, et quelle solution a-t-elle été trouvée?

    Je suppose, madame Yale, que vous vous fondez sur ce qui est arrivé ailleurs, en matière d'exclusion.

+-

    Mme. Janet Yale: Comme l'a dit Jay, le problème avec le langage utilisé en Australie, c'est qu'il englobe justement l'activité qui, selon nous, ne devrait pas être englobée, parce que c'est un modèle très simple d'exclusion. L'Internet, comme Jay l'a expliqué, ne pose pas de problème à cause de la façon dont ils fournissent les services au moyen de leur infrastructure, en Australie.

    Il n'y a pas de désaccord, en principe. Ce n'est pas un enjeu d'ordre philosophique. Il s'agit, en termes pratiques, d'essayer d'y parvenir de manière à ne pas interdire par inadvertance les utilisations légitimes de la technologie Internet dans la prestation de nos services Internet haute vitesse ou, en fait, de plus en plus, l'utilisation des protocoles IP—les protocoles Internet—dans la prestation des services de télédiffusion eux-mêmes. Tandis que nous avançons de plus en plus dans notre propre infrastructure et utilisons de plus en plus les protocoles IP pour comprimer nos signaux et les transmettre efficacement aux clients, ce qui arrive, c'est que le recours à une exclusion qui mentionne l'Internet ou la technologie IP ferait immanquablement obstacle justement aux utilisations innovatrices de la technologie qui nous permettraient d'offrir plus de services aux clients.

    Au bout du compte, ce que nous voulons faire, c'est accroître notre capacité d'offrir de plus en plus de services, que ce soit en anglais, en français, dans une troisième langue, ou autre chose. Il est absolument essentiel de nous assurer que la formulation... Nous n'avons pas encore vu d'ébauche de règlement qui ne présente pas les problèmes dont nous parlons.

    Ce n'est pas un enjeu d'ordre philosophique. Ce n'est pas une objection de principe. C'est seulement que si vous devez le faire, il faut faire attention.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Êtes-vous en train de dire, monsieur O'Farrell et Mme Redler, que si la façon dont est libellée l'exclusion dans les différents pays qui ont recours à cette méthode était satisfaisante, vous ne chercheriez pas une nouvelle approche, une nouvelle formulation qui soit de bonne foi ou meilleure?

+-

    M. Glenn O'Farrell: David a fait une analogie très intéressante lorsqu'il a parlé d'organiser une meilleure souricière, je vais donc lui laisser la parole dans un instant.

    Franchement, je pense que ce que nous disons—et nous ne sommes pas en désaccord avec la position de l'ACTC—, c'est qu'il existe des utilisations légitimes d'Internet qui ne violent pas les droits d'auteur. Nous croyons qu'il est possible de s'entendre sur une formulation permettant de régler ces problèmes et nous sommes confiants de pouvoir trouver une issue favorable.

    En l'absence de cette solution de rechange, le libellé doit être clair et dire: premièrement, qu'il y a un moratoire; deuxièmement, que l'orientation de l'ACTC est sans équivoque en ce qui concerne le décret d'exemption des nouveaux médias; et troisièmement, que ce comité peut élaborer un règlement permettant de résoudre les problèmes liés aux droits d'auteur.

    David, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. David Goldstein: Oui. Ce matin, nous plaisantions sur le fait qu'hier, vous avez reçu certains des plus grands experts du pays en matière de droits d'auteur et que vous travaillez avec eux depuis une année et demie pour trouver une façon d'organiser la souricière. Alors que nous nous affairons à la tâche, ils vous demandent maintenant de vous engager dans un processus constructif pour essayer d'améliorer la situation tous ensemble. Pendant ce temps, le rat nous observe en mangeant du fromage et il suit l'évolution des projets sur lesquels nous travaillons.

    Je crois qu'avec toute l'expertise dont nous disposons, nous devrions chercher une solution plus simple.

    Le président: Monsieur Abbott.

+-

    M. Jim Abbott: Pour ce qui est du respect d'un moratoire explicite, même si l'idée est très attrayante en apparence, il me semble qu'en grattant un peu, on se retrouve exactement dans la situation dont nous avons parlé. Si vous adoptez un moratoire explicite, comment allez-vous le définir? Sur quoi va-t-il porter?

    Par exemple, nous avons entendu le point de vue de l'ACTC. Comme toutes les personnes présentes dans cette salle, je veux parvenir à une solution. Admettons maintenant que vous vous mettiez d'accord sur un moratoire clair, qui serait l'équivalent de l'exclusion de l'Internet pour une période de 12 mois. Je crois que si vous le faites et que l'ACTC et d'autres utilisateurs disent: «houp, nous ne pouvons plus rien faire au risque d'enfreindre cette exclusion de l'Internet de 12 mois», est-ce que cela résout véritablement le problème?

+-

    M. Glenn O'Farrell: Je vous remercie de soulever ce point car il est très intéressant.

    Je pense que la manière la plus efficace et honnête d'aborder ce problème serait d'identifier spécifiquement: a) la période au cours de laquelle le moratoire serait en vigueur et b) la portée et l'application du moratoire en terme d'activités visées.

    Encore une fois, je pense que nous pouvons adopter une formulation très précise, claire et transparente permettant de dire sans équivoque que le moratoire touche des activités telles que la retransmission de signaux en direct par des retransmetteurs Internet destinés au grand public, sans que les titulaires de droits d'auteur n'aient donné leur consentement. Sans essayer de vous présenter cette formulation ce matin, nous pensons qu'il est possible que cela soit très clairement établi et articulé.

À  +-(1040)  

+-

    M. Jim Abbott: D'accord, mais le point soulevé par M. Goldstein demeure en ce sens que des experts comme vous et d'autres ont travaillé avec des spécialistes des deux ministères au cours des douze ou dix-huit derniers mois.

    Nous disions donc que nous allions maintenir le moratoire pendant encore une année. Durant cette période, vous aurez dépensé temps et argent pour vous préparer à témoigner devant ce comité. Le CRTC passera au travers d'un processus qui nécessitera aussi du temps, de l'énergie et de l'argent pour venir faire ses propres observations. Le CRTC leur accordera la considération qu'elles méritent en les envoyant au ministère de la Justice. La réglementation reviendra ensuite devant ce comité et vous viendrez témoigner à nouveau.

    On appelle cela la sécurité d'emploi, n'est-ce pas? Cela me sidère que...

    M. Glenn O'Farrell: Si c'est la sécurité d'emploi, nous avons tous un problème.

    M. Jim Abbott: Sommes-nous véritablement en train de résoudre quoi que ce soit? À mon humble avis, la seule opinion digne d'intérêt qui ait été émise ici est que si nous devons adopter une certaine forme d'exclusion, il faudrait qu'elle soit assortie d'un processus de certification préalable. C'est une excellente remarque et j'espère que les ministères en tiendront compte.

    Mais devrons-nous encore siéger ici dans douze mois, en juin 2003, alors que quelqu'un aura pris une décision arbitraire parce que... au lieu d'une année et demie, nous aurons passé deux années et demie dans le processus? Comment sortez-vous de ce labyrinthe?

+-

    M. Glenn O'Farrell: Je pense que la façon de sortir de ce dédale est de prendre la première mesure, faute d'exclusion, qui consiste à amender le projet de loi C-48, à créer un moratoire clairement défini et à déterminer la portée et l'étendue des activités visées par ce moratoire.

    Mais vous avez absolument raison, nous n'aimerions pas revenir devant ce comité dans 12 mois pour présenter encore nos observations. Nous préférerions que la situation soit résolue de façon claire et nette, au moyen de l'exclusion; c'est ce que nous pensons.

    Encore une fois—pour en revenir à la réalité—, dans deux jours iCraveTV.biz commencera à émettre. Et les signaux des membres de l'ACR seront retransmis sur ce service si le battage publicitaire qui a précédé le lancement est bien fait. Les oeuvres protégées par des droits d'auteur seront distribuées—en toute illégalité, selon nous—et nous devons faire quelque chose.

    Si nous nous arrêtons un instant pour nous demander ce que cela signifie, nous voyons que le système de radiodiffusion classique est menacé. Les radiodiffuseurs achètent des droits exclusifs pour un territoire et un certain nombre de représentations dans un marché ouvert et concurrentiel. Cette exclusivité et ces privilèges seront directement sapés, et les marges bénéficiaires dégagées sur ces émissions disparaîtront car la programmation perdra de sa valeur. C'est ce qui nous attend.

+-

    Mme Janet Yale: J'aimerais savoir comment vous entendez définir le moratoire. À notre avis, vous avez le même problème pour définir le moratoire que pour définir l'exclusion. Si vous êtes capables de vous entendre sur une formulation pour l'un, vous aurez la solution pour l'autre.

    Selon nous, ce n'est pas seulement une question de durée d'application, mais aussi de savoir quelles activités seront visées par le moratoire et s'il n'y a pas un risque d'inclure sans le vouloir des activités qui ne devraient pas en faire partie.

    Mais là encore, vous ne pouvez tout simplement pas dire qu'il y a un moratoire sur l'utilisation d'Internet pour la retransmission des signaux télévisés, parce que cela se fait. Si ce n'est pas une violation du droit d'auteur pour nous aujourd'hui, cela ne devrait pas l'être non plus demain.

+-

    Mme Erica Redler: Hier, M. Wernick a présenté ce que devrait être le moratoire, selon lui, et je pense qu'il l'a décrit de façon très explicite. Il a dit que nous voulions que le moratoire reflète clairement le fait que les retransmetteurs existants, les retransmetteurs par câble et par satellite, puissent continuer à fonctionner comme ils le font aujourd'hui et que les nouveaux retransmetteurs Internet ne puissent pas obtenir de licence obligatoire durant la période visée par le moratoire. Nous l'approuvons. Il s'est inspiré du libellé du projet de loi, et c'est une interprétation possible du texte législatif, mais nous disons qu'il y en a une autre. Si nous sommes tous d'accord—et je pense que nous le sommes—pour barrer la route aux nouveaux retransmetteurs pendant le moratoire, il suffit de le dire directement et expressément dans le projet de loi.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Je vous rappelle, mesdames et messieurs les membres et les témoins, que deux autres groupes attendent pour comparaître. Comme nous fermons à 12 h, nous devons avancer.

    Monsieur Ivins, nous vous laissons faire vos commentaires, nous passerons ensuite la parole à Mme Bulte pour une courte intervention et ce sera à M. Strahl de conclure.

+-

    M. Ben Ivins: Je vous remercie, monsieur le président.

    J'aimerais ajouter rapidement quelque chose à l'intervention de Mme Redler, dans la mesure où nous avons indirectement pris part aux délibérations entourant le règlement... Il y a véritablement deux questions distinctes, je crois. Il me semble que la plus grande controverse concerne les conditions, les restrictions, etc., qui s'appliquent à la retransmission des signaux auxquels le public a accès sur Internet. Je pense que c'est de là que vient la plus grande controverse. Je ne suis pas sûr d'avoir beaucoup vu...

    Il y a donc tout ce grand micmac, et il y a ensuite les questions soulevées par Mme Yale et M. Wilson, qui sont à mon avis beaucoup plus simples et probablement faciles à résoudre, très franchement. On observe une combinaison de ces deux problèmes, mais je pense que le premier est beaucoup plus profond.

    La question entourant la neutralité technologique est intéressante. M. Wilson a fourni une description tout à fait éloquente des raisons pour lesquelles la neutralité technologique ne devrait pas s'appliquer dans ce cas-ci. Il a décrit avec énormément de précision leur utilisation d'Internet pour les abonnements, les trajets fermés—auxquels le public n'a pas accès—les signaux de liaison terrestre, ce qui est une situation complètement différente de celle dont je parle. Il s'agit de problèmes différents qui exigent des solutions technologiques différentes.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Bulte, je vous en prie.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Je comprends que le délai est une condition essentielle dans ce projet de loi. Je sais aussi que l'ACR a négocié pendant deux ans. Je crois que c'est Mme Lill qui vous avait demandé si vous aviez trouvé une formulation pour définir l'exclusion. Vous lui aviez répondu que non et cela me préoccupe.

    J'aimerais également demander quelque chose au représentant de l'ACTC. Compte tenu des amendements proposés au paragraphe 31(1), cela ne vous permettrait-il pas...? Je veux dire qu'on vous définit comme étant un retransmetteur. Est-ce que le fait que vous soyez défini comme un retransmetteur vous permet d'avoir cette licence obligatoire et de ne pas vous préoccuper si oui ou non...

    Mme Janet Yale: C'est exact. Cela nous convient.

    Mme Sarmite Bulte: Très bien.

+-

    Mme Janet Yale: Il s'agit de se prononcer sur leur solution préférée, qui est l'exclusion. Nous sommes donc tout à fait d'accord avec ce qui est écrit là-dedans.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Ce qui m'inquiète, c'est qu'on peut mettre en question cette exclusion ou les barrières dont a parlé M. Wernick. Vous savez, à moins de franchir tous ces obstacles, que vous n'obtiendrez pas de licence.

    Je ne sais pas jusqu'à quel point vous pouvez rendre les choses plus claires. Pour moi, il est évident que les droits d'auteur ne sont pas violés si le retransmetteur respecte les conditions. Tant que ces conditions ne seront pas fixées dans le règlement, que ce soit au moyen d'une exclusion complète ou des barrières dont a parlé M. Wernick, il y aura infraction. Nous pouvons discuter plus tard en quoi consisterait exactement l'exclusion. Vous me dites que dans deux jours, il y aura un nouveau lancement et cela me préoccupe également. Ne devrions-nous pas adopter le projet de loi dès maintenant et ensuite discuter de l'étendue de l'exclusion?

+-

    M. Glenn O'Farrell: Erica peut aussi nous dire ce qu'elle en pense.

    Nous ne serions pas ici si les ministères du Patrimoine et de l'Industrie ne nous avaient pas fait renoncer à notre solution idéale, il y a de cela 12 ou 14 mois, qui consistait à continuer de travailler sur le libellé de l'exclusion. Il est fort probable que nous aurions trouvé une solution et qu'après vous l'avoir soumise pour discussion, elle aurait été adoptée.

    Ceci dit, nous avons le libellé de l'exclusion et nous aimerions vous le présenter le plus rapidement possible, même s'il n'est pas parfait et s'il doit encore être peaufiné. Nous ne voulons pas que vous ayez l'impression que nous n'avons pas travaillé là-dessus, mais nous avons cessé de nous intéresser à cette solution après que ces deux ministères nous aient demandé d'explorer une nouvelle avenue—celle décrite hier par M. Wernick.

    Mais si tous ces tests visent à dresser des obstacles aux retransmetteurs Internet, pourquoi ne pas le dire d'emblée?

À  +-(1050)  

+-

    Mme Sarmite Bulte: Pourquoi ne nous soumettez-vous pas votre libellé de l'exclusion, monsieur O'Farrell?

+-

    M. Glenn O'Farrell: Avec plaisir.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Strahl, à vous de conclure.

+-

    M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Merci.

    Bravo pour vos derniers commentaires, nous devrions en finir avec ce projet dès maintenant plutôt que de nous embarquer dans cette histoire.

    Ceci dit, le projet de règlement a été déposé hier. Avez-vous eu le temps d'y jeter un coup d'oeil? Vous a-t-il convaincu?

+-

    M. Glenn O'Farrell: Nous y avons vu quelques problèmes et pensons que la question du moratoire est sujette à interprétation. Nous n'avons pas vu qu'on ait demandé au CRTC, en vertu de l'article 15 de la Loi sur la radiodiffusion, un examen du décret d'exemption. Cela doit y être, mais comme nous ne l'avons pas vu et que nous ne savons pas jusqu'à quel point c'est précis, nous ne pouvons pas nous prononcer.

    Enfin, nous nous demandons si ce comité, qui va édicter le règlement, recevra tout l'appui nécessaire pour protéger les titulaires de droits d'auteur. Ceci dit, si ces problèmes sont réglés, nous considérons qu'il s'agira de quelque chose de valable...

    Franchement, nous tenons à féliciter les fonctionnaires des ministères de l'Industrie et du Patrimoine qui ont consacré autant de temps à l'élaboration de ce projet de loi. Nous les remercions de leur travail. Mais nous pensons que ce serait faire un saut dans le vide—avec ou sans filet—et nous demeurons un peu sceptiques.

+-

    Mme Erica Redler: Outre les commentaires formulés par Glenn, le règlement qui a été présenté hier ne nous satisfait pas. Nous avons travaillé avec le ministère et je pense que Michael Wernick... je ne pourrais pas vous dire combien de versions il y a eu de ce règlement. Il y avait une première version qui nous plaisait davantage. Un certain nombre de dispositions essentielles que nous voulions voir apparaître dans le règlement, comme le chiffrement des signaux, n'y sont plus. Nous voulions également l'interdiction des bannières publicitaires.

    Ce sont simplement deux des exemples des choses que nous voulions voir apparaître dans le règlement et qui ne sont pas dans la version qui nous a été présentée.

+-

    M. Glenn O'Farrell: Mais nous comprenons que ce règlement pourrait servir de point de départ et que vous seriez prêts à travailler dessus.

+-

    Mme Janet Yale: Si je puis me permettre, nous avons revu le règlement qui a été présenté hier et il nous conforte dans ce que nous avons dit. Nous l'appuyons donc totalement.

+-

    M. Chuck Strahl: Merci. J'imagine que cela vous donnera la possibilité, au CRTC, de l'examiner encore et encore.

    Une voix: Et dans un an.

+-

    Le président: Je remercie beaucoup les trois groupes qui ont comparu devant nous aujourd'hui. Nous avons apprécié leurs témoignages. Ils ont été extrêmement utiles et nous aideront à nous orienter sur la bonne voie.

    Merci beaucoup.

    Une voix: Merci pour le temps que vous nous avez consacré.

À  +-(1054)  


Á  +-(1100)  

+-

    Le président: J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à M. Paul Spurgeon, vice-président des services juridiques et conseiller juridique de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, et à M. Jay Thomson, président de l'Association canadienne des fournisseurs Internet.

    Monsieur Spurgeon, nous vous écoutons.

+-

    M. Paul Spurgeon (vice-président, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique): Merci et bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

    Comme l'a indiqué le président, je suis le vice-président des services juridiques et le conseiller juridique de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou la SOCAN.

    Certains se souviendront que j'ai comparu devant le comité, la semaine dernière, en compagnie de notre président, Gilles Valiquette, et d'un autre membre de la SOCAN, Alexina Louie, qui est compositeur de musique classique, en vue de discuter de votre étude sur la radiodiffusion. Je suis ici, aujourd'hui, pour vous exposer les vues de la SOCAN sur le projet de loi C-48.

    Avant de vous parler du projet de loi, permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de notre organisme. La SOCAN est une association canadienne à but non lucratif qui représente les compositeurs, paroliers, auteurs-compositeurs et éditeurs d'oeuvres musicales de toutes les régions du Canada et de tous les pays du monde.

    Au nom de nos membres canadiens actifs, qui sont au-delà de 20 000, et des membres de nos sociétés internationales affiliées, nous administrons les droits d'exécution liés à la musique et aux paroles de chansons. Le droit d'exécution, qui fait partie du droit d'auteur, accorde aux titulaires d'oeuvres musicales le droit exclusif d'exécuter celles-ci en public ou d'en autoriser la diffusion par d'autres, en contrepartie de paiements de redevances.

    L'objectif premier de la SOCAN est de s'assurer que les membres de l'association sont indemnisés quand leurs oeuvres musicales sont communiquées au public par télécommunication—par voie de diffusion, de câble ou d'Internet—ou exécutées en public lors d'un concert, par exemple.

    Nous accordons, au nom de nos membres, des autorisations générales aux utilisateurs d'oeuvres musicales qui nous versent des redevances de droit d'auteur conformément aux tarifs fixés par la Commission du droit d'auteur du Canada. Nous faisons cela depuis plus de 60 ans. Les tarifs proposés par la SOCAN sont publiés dans la Gazette du Canada. Les utilisateurs éventuels peuvent déposer une opposition auprès de la Commission du droit d'auteur, qui peut alors tenir des audiences publiques, ce qui permet aux utilisateurs d'exprimer leurs vues avant que la Commission ne rende une décision pour ce qui est des redevances à payer.

    Monsieur le président, la SOCAN est assujettie au régime de licence obligatoire depuis plus de 60 ans. Nous ne croyons pas que le régime devrait s'appliquer aux retransmissions par Internet, au motif que cela violerait les droits exclusifs des titulaires de droits d'auteur et découragerait la création d'émissions à contenu canadien.

    Les titulaires de droits d'auteur visés par le projet de loi C-48 devraient continuer d'avoir le droit de décider avec qui ils veulent faire affaire, et dans quelles conditions.

+-

     J'aimerais, pour terminer, vous dire quelques mots au sujet du projet de loi C-48.

    Quand le projet de loi C-48 a franchi l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, il y a plus de trois mois de cela—je pense que c'était le 22 février—les députés ont dit qu'ils avaient l'impression qu'on leur demandait d'adopter une loi habilitante plutôt vague qui donnait carte blanche. Ils ont déclaré que ce projet de loi privait le Parlement d'une participation au processus décisionnel, et indiqué très clairement qu'ils voulaient voir le texte définitif du règlement avant de donner leur appui au projet de loi.

    Trois mois plus tard, on demande au comité d'approuver le projet de loi alors qu'il n'a même pas eu l'occasion de voir le texte définitif du règlement, les parties intéressées n'ayant pas réussi à s'entendre sur son contenu. Aujourd'hui, ce que vous avez devant vous, c'est la dernière ébauche du document de consultation sur le règlement d'application, ébauche qui pourrait faire l'objet de nouvelles modifications. On vous demande cette semaine d'adopter le projet de loi rapidement, sans avoir vu le règlement définitif, le gouvernement s'étant engagé à faire en sorte qu'il entre en vigueur dans un an.

    Avant de vous soumettre le projet de règlement, le CRTC doit tenir une audience en vue de discuter de la demande. Le ministère de la Justice préparera un projet de règlement qui englobera peut-être les recommandations du CRTC. Dès que le CRTC et le ministère de la Justice auront terminé leur travail, le comité tiendra des audiences sur ce qui ne sera encore qu'un simple projet de règlement visant à assurer la mise en oeuvre du projet de loi C-48. Vous serez invité à commenter le projet de règlement.

    Monsieur le président, qu'arrivera-t-il au projet de loi C-48 si le règlement d'application promis par le gouvernement n'entre pas en vigueur dans un an? Avant d'accepter de renvoyer cette mesure législative à la Chambre des communes, le comité devrait savoir ce qu'il adopte.

    Par ailleurs, nous estimons que vous devez, en tant que représentants élus du peuple canadien, examiner soigneusement tout projet de loi avant qu'il ne soit adopté, et non commenter un projet de règlement rétrospectivement, c'est-à-dire après l'entrée en vigueur de la loi. Tous les détails du projet de loi C-48 devraient être exposés dans le texte législatif, afin que nous sachions à quoi nous en tenir. L'exemption est au coeur du projet de loi. Si elle n'est pas bien définie, on se retrouvera avec une mesure législative vague et imprécise.

    Monsieur le président, ne précipitons pas les choses. Il n'y a aucune raison d'adopter ce projet de loi à toute vitesse en fin de session, alors que le Parlement n'a même pas eu l'occasion de voir le règlement. Le faire équivaudrait à acheter quelque chose sans l'avoir examiné.

    Pour terminer, j'aimerais répéter ce que nous avons dit la semaine dernière quand nous avons rencontré le comité pour discuter de l'état du sytème canadien de radiodiffusion. Nous estimons que le CRTC devrait réglementer l'Internet. Il devrait assujettir les retransmetteurs et transmetteurs Internet aux mêmes conditions auxquelles les entreprises de distribution par câble et par satellite et les radiodiffuseurs sont assujettis. Ces conditions visent, entre autres, la distribution prioritaire, l'accès, la substitution aux signaux identiques, le fonds d'aide pour les productions canadiennes, les restrictions territoriales et le contenu canadien, que nous jugeons très importants. Autrement dit, les joueurs devraient tous être assujettis aux mêmes règles du jeu.

    Toutefois, d'après la SOCAN, le CRTC n'a pas le pouvoir, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, de s'attaquer aux questions liées aux droits d'auteur, puisque celles-ci relèvent de la compétence exclusive de la Loi sur le droit d'auteur ou de la Commission sur le droit d'auteur, quand il s'agit de redevances.

    Monsieur le président, la SOCAN se fie au jugement des membres du comité parlementaire. Votre rôle est d'adopter des lois. C'est pour cela que les Canadiens vous ont élus. Si nous sommes obligés de patienter encore quelques semaines, le temps qu'on prépare un projet de loi clair et sans équivoque, eh bien soit. Mais faisons bien les choses du premier coup. N'adoptons pas un projet de loi qui équivaut à une carte blanche et qui risque de revenir nous hanter plus tard.

    Merci beaucoup.

    J'ajouterais que nous avons préparé deux mémoires sur le sujet. Nous vous ferons parvenir la traduction de ceux-ci la semaine prochaine

Á  +-(1105)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Thomson.

+-

    M. Jay Thomson (président, Association canadienne des fournisseurs Internet): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.

    L'Association canadienne des fournisseurs Internet, ou l'ACFI, est une association commerciale installée à Ottawa qui représente les fournisseurs de service Internet, ou FSI. Parmi ceux-ci figurent les entreprises qui fournissent des liens Internet ou autres services Internet, tels que la conception de sites Web, l'hébergement de contenu et les solutions de commerce électronique.

    L'ACFI a participé à toutes les étapes du processus qui ont mené au dépôt du projet de loi C-48, ainsi qu'aux réunions et discussions qui ont suivi sur l'étude du projet de règlement.

    Je tiens à préciser, dès le début, que l'ACFI est consciente de la nécessité de protéger de façon équitable le droit d'auteur des créateurs. Nous ne cherchons ni à voler, ni à exproprier les oeuvres protégées par le droit d'auteur. Les FSI sont des citoyens respectueux des lois qui ont le sens des responsabilités sociales. Ils respectent les droits de propriété.

    Malgré les discours de l'ACR, il est question ici non pas de vol ou de piratage via l'Internet, mais de la mise en place d'un régime qui concilie les droits des créateurs et ceux des utilisateurs, et qui encourage les Canadiens à continuer de faire preuve d'innovation afin que le Canada demeure un leader dans l'économie sur Internet.

    Nous prenons cette question à coeur pour au moins deux raisons. D'abord, en tant qu'industrie, nous tenons à développer le plein potentiel de l'Internet pour qu'un plus grand nombre de Canadiens puissent utiliser ce merveilleux outil dans leurs activités et profiter de tous les avantages, connus et inconnus, qu'il offre. Ensuite, nous croyons à la concurrence juste, mais poussée, dans le domaine des services de communication, lesquels englobent l'accès Internet haute vitesse, où la concurrence, malheureusement, est peu vive, et aussi dans le domaine des services d'information et de divertissement, où la concurrence risque d'être entièrement annihilée si les groupes d'intérêt immobilistes que vous avez entendus ce matin finissent par obtenir ce qu'ils veulent.

    Il n'est pas exagéré de dire qu'il y a très peu de FSI, sinon aucun, qui, pour l'instant, envisagent d'agir à titre de retransmetteurs de signaux de radiodiffusion. Toutefois, si des règles uniformes sont établies et si cela s'avère rentable sur le plan économique, il se peut qu'ils décident de pénétrer ce marché et d'offrir aux Canadiens un plus grand choix de services de divertissement.

    L'Internet pourrait être qualifié de réseau innovateur. Les FSI et leurs collègues ont réussi, en très peu de temps, à faire preuve d'une innovation jusqu'ici inégalée dans le domaine des communications. Ce succès s'explique avant tout par le fait que l'industrie a su donner libre cours à sa créativité, expérimenter avec de nouveaux plans d'affaires et de nouvelles idées, sans avoir à composer avec des règles et des règlements inutiles destinés uniquement à maintenir le statu quo.

    Or, la communauté Internet, qui repose sur des bases larges, craint maintenant que cette ère d'innovation rapide et formidable ne prenne subitement fin, si les gros contrôleurs du contenu tels que les radiodiffuseurs et les compagnies de disques obtiennent ce qu'ils veulent et resserrent leur mainmise. Déjà, le rôle de leader du Canada dans l'économie sur Internet est menacé: le succès remporté par la SOCAN devant la Cour d'appel fédérale dans le dossier du tarif 22 risque d'obliger les FSI à mettre un terme à leurs activités d'antémémorisation, minant du coup la rapidité et l'efficacité du réseau canadien.

    Ces mêmes contrôleurs du contenu cherchent à étouffer l'innovation dans le domaine de la radiodiffusion en empêchant les retransmissions par Internet. Pourquoi? Eh bien, l'ACR est avant tout motivée par le fait qu'elle veut un régime de retransmission à l'américaine qui est axé sur le consentement. Elle veut obtenir un droit de retransmission des signaux, qu'elle ne possède pas. En outre, elle déteste le concept de la licence obligatoire et refuse qu'il s'applique aux entreprises autres que les câblodistributeurs, et ce, malgré le fait—ou, plus exactement, en raison du fait—que la retransmission par Internet ou autre mécanisme ne peut tout simplement pas être assurée sans un régime de licence obligatoire.

    Les ministères ont fait circuler le projet de règlement applicable au C-48 après avoir tenu des consultations suivies sur le sujet avec les parties intéressées. Ces dernières, y compris l'ACR, se sont dites en faveur de l'adoption d'une modification habilitante à la loi, modification qui serait suivie du dépôt du règlement.

    L'ACFI craint que le projet de règlement ne vienne limiter la marge de manoeuvre des retransmetteurs par Internet, au chapitre de l'innovation et de l'expérimentation des modèles d'affaires. Toutefois, nous sommes prêts à appuyer le projet de règlement, qui constitue un compromis raisonnable et valable. Si d'autres avaient accepté de faire la même chose, nous serions maintenant en mesure d'adopter le projet de loi C-48 et d'assister à l'émergence de nouvelles entreprises canadiennes.

Á  +-(1110)  

+-

    M. Jay Thomson: Au lieu de cela, juste au moment où nous sommes sur le point de nous entendre, l'ACR change son fusil d'épaule et réclame une exemption, ce qui va obliger le CRTC à entreprendre un nouveau processus de consultation publique et retarder l'adoption du projet de loi de plusieurs mois.

    Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, nous convenons qu'il appartient au CRTC de régler les questions touchant la politique sur la radiodiffusion qu'ont soulevées les discussions sur le projet de loi C-48. Nous avons dénoncé, dès le début, toute démarche visant à régler ces questions par le biais du règlement sur le droit d'auteur. Pour ces raisons, nous avons appuyé l'idée de soumettre celles-ci à l'examen du CRTC.

    Cela dit, nous nous inquiétons des conséquences qu'entraînerait le fait, pour le comité, de se fonder sur le processus d'audience et les décisions de principe du CRTC pour se prononcer sur le projet de loi C-48. La seule question touchant le droit d'auteur qui doit être réglée, c'est celle concernant la protection de l'intégrité des licences qui sont assorties de restrictions territoriales. Toutes les parties intéressées s'entendent sur l'importance de cet enjeu.

    Or, cette question est abordée de manière précise dans le projet de règlement dont vous êtes saisi. Vous avez en main tous les outils qu'il vous faut pour adopter ce projet de loi.

    Par conséquent, nous recommandons que le comité adopte le projet de loi C-48 et le projet de règlement, point à la ligne.

    Entre-temps, le CRTC peut aller de l'avant avec son examen de la politique sur la radiodiffusion, sans retarder le processus de réforme du droit d'auteur. Pourquoi attendre les décisions du CRTC? Par exemple, pourquoi devrait-on obliger une entreprise qui se dit prête à se conformer aux dispositions relatives aux restrictions territoriales et qui n'a aucunement l'intention d'utiliser des bannières publicitaires à retarder son entrée sur le marché d'un an ou plus, le temps que le CRTC décide si les bannières publicitaires devraient être autorisées ou non?

    Enfin, si vous comptez demander au CRTC de procéder à un nouvel examen de l'ordonnance concernant les nouveaux médias, vous auriez intérêt à lui préciser clairement ce que vous attendez de lui. Les audiences sur les nouveaux médias se sont échelonnées sur de nombreux mois. Le Conseil a entendu plus de 1 000 témoins avant d'arriver à une décision qualifiée de juste.

    Le Canada continue d'être considéré comme un leader à l'échelle mondiale, parce qu'il a eu la clairvoyance de ne pas assujettir l'Internet à des règlements qui conviennent davantage à la radiodiffusion. Ne compromettez pas cette prise de position en obligeant le Conseil à entreprendre un nouvel examen de la politique, lui qui vient tout juste de rendre une décision sans précédent dans son ordonnance sur les nouveaux médias.

    Merci. Je répondrai volontiers à vos questions.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Thomson, pour cet exposé intéressant.

    Monsieur Abbott.

+-

    M. Jim Abbott: Je mets habituellement un peu de temps à réagir, mais j'ai l'impression que nous avons ici deux points de vues divergents.

    Des voix: Oh, oh!

    Une voix: Ce n'est pas la première fois que cela se produit.

    M. Jim Abbott: Eh bien, que devons-nous faire..?

    En ce qui a trait à la SOCAN, il serait bon d'avoir le compte rendu de son témoignage pour que les membres qui, malheureusement, n'ont pu assister à la réunion aujourd'hui puissent le lire ou l'entendre. Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que le projet de loi équivaut à donner carte blanche, malgré ce qu'a dit le ministre.

    Ma question s'adresse à la SOCAN. Je suis un peu surpris. Ne touchez-vous pas de revenus en vertu du régime de licence obligatoire?

+-

    M. Paul Spurgeon: La Loi sur le droit d'auteur prévoit divers régimes. C'est une loi très complexe; elle est probablement plus compliquée que la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous recevons ce que nous appellons des droits de licence des câblodistribueurs, des entreprises de distribution par satellite et d'autres titulaires de droits d'auteurs. Il s'agit, en ce qui nous concerne, d'un montant minime. Cette licence obligatoire est accordée en vertu du régime de retransmission de la Loi sur le droit d'auteur.

    Nous recevons également, comme je l'ai mentionné, des redevances pour d'autres usages. Il s'agit là aussi, dans un sens, d'une licence obligatoire, parce que nous devons nous adresser à la Commission du droit d'auteur, présenter une demande de tarifs et faire approuver ceux-ci avant de pouvoir percevoir de l'argent et intenter des poursuites pour non-versement de redevances.

    Donc, oui, la SOCAN est assujettie en quelque sorte à un régime de licence obligatoire.

+-

    M. Jim Abbott: Alors, quel est le problème?

+-

    M. Paul Spurgeon: D'abord, le régime de licence obligatoire du Canada date de 1936. C'est à lui que l'on doit, essentiellement, la Commission du droit d'auteur. Ce régime empiète de façon flagrante sur les droits de propriété des entrepreneurs, des propriétaires, des 20 000 petites entreprises qui oeuvrent dans ce domaine, des centaines de milliers de compositeurs et d'éditeurs de musique. Ce fait a été reconnu par les tribunaux.

    Or, nous ne voulons pas que cet empiètement se poursuive avec Internet. Compte tenu de la façon dont Internet fonctionne, nous ne savons pas ce qui peut arriver à nos oeuvres. Elles peuvent, ainsi que nous l'avons expliqué plus tôt, être manipulées par d'autres, et c'est ce qui nous inquiète.

    Le régime de licence obligatoire auquel nous sommes assujettis fonctionne assez bien. Il y a certaines décisions qui ne nous plaisent pas, mais nous les acceptons. Parfois, nous interjetons appel. Nous venons tout juste de faire appel d'une décision, et M. Thomson en a parlé, qui concerne l'Association des fournisseurs Internet.

    Les choses fonctionnent assez bien de ce point de vue-là. Toutefois, il faut bien réfléchir avant d'agir. Voilà pourquoi nous proposons l'adoption d'une disposition d'exemption claire et sans équivoque.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Jim Abbott: Merci.

    Monsieur Thomson, vous avez dit que les FSI respectent les droits de propriété. Or, je trouve étonnant, et je me fonde non seulement sur ce qu'ont dit les témoins ce matin, mais également sur les recherches très modestes que j'ai effectuées sur la question, que l'Internet, par définition, ne soit assujetti à aucune barrière géographique. Vous dites que vous voulez assurer l'intégrité des licences qui sont soumises à des restrictions territoriales. La technologie qui vous permettrait de faire une chose pareille n'existe pas, n'est-ce pas?

+-

    M. Jay Thomson: Nous procédons à de nombreuses expériences dans ce domaine pour plusieurs raisons. Certains pays souhaitent fermer leurs frontières. Certaines industries souhaitent trouver des moyens plus efficaces de cerner et de contrôler la publicité qui est diffusée sur l'Internet. La semaine prochaine, vous allez entendre, si je ne m'abuse, les représentants de JumpTV. Ils affirment avoir mis au point la technologie qui leur permettra de respecter les restrictions territoriales.

+-

    M. Jim Abbott: Recommençons depuis le début. Si le fournisseur Internet retransmettait un signal conformément à la loi et qu'il était assujetti à toutes les exigences et conditions qui s'appliquent aux modes conventionnels de redistribution, qu'il s'agisse du câble, du satellite ou autre mode que je ne connais pas, est-ce que le fournisseur Internet accepterait, à votre avis, de se conformer à toutes ces exigences et conditions, sans exception aucune?

+-

    M. Jay Thomson: Il faudrait d'abord savoir s'ils vont être considérés ou non comme des retransmetteurs Internet...

+-

    M. Jim Abbott: S'ils le sont, est-ce que les fournisseurs de services Internet vont accepter de se conformer à toutes les exigences? Est-ce qu'il serait juste de les obliger à le faire?

+-

    M. Jay Thomson: Non. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour eux de se conformer à toutes les règles et à tous les règlements qui s'appliquent actuellement aux entreprises de radiodiffusion autorisées. C'est ce qu'a affirmé le CRTC après avoir examiné la question à fond. Il a dit qu'il n'était pas nécessaire d'assujettir l'Internet aux mêmes règlements auxquels sont assujettis les autres modes de radiodiffusion pour atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. S'il n'est pas nécessaire d'avoir recours à des règlements pour assurer le respect des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion, pourquoi le faire si la Loi sur la radiodiffusion prévoit déjà des mesures en ce sens.

    À mon avis, il n'est pas nécessaire d'adopter des règlements pour atteindre ces objectifs. S'ils se conforment aux restrictions territoriales, cela devrait suffire.

+-

    M. Jim Abbott: Lesquelles faudrait-il supprimer? Je ne suis pas tellement au courant des diverses restrictions et exigences qui sont imposées. Vous pourriez peut-être nous éclairer là-dessus.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Jay Thomson: La réglementation de l'industrie de la câblodistribution a pour but de permettre aux Canadiens d'avoir accès à des signaux canadiens et à une programmation de contenu canadien, selon un système dont le spectre est limité. L'Internet, dont le spectre n'est pas limité, nous permet, lui, d'avoir accès à un plus grand nombre de produits à contenu canadien. Il n'est donc pas nécessaire de l'assujettir aux mêmes règles pour s'assurer que les Canadiens ont accès à des produits à contenu canadien à un prix très abordable, ce qui est déjà le cas à l'heure actuelle.

+-

    Le président: : Vous aurez l'occasion de poser d'autres questions plus tard, monsieur Abbott.

    Madame Gagnon.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Comme on peut le voir avec M. Spurgeon, ce sont deux visions tout à fait à l'opposé quant au processus et quant à la suite des choses aussi.

    J'aimerais revenir, monsieur Thomson, sur une de vos affirmations. Vous dites que vous voulez qu'il y ait une protection équitable, que l'Internet n'est pas un vol de la création et que le potentiel d'Internet doit être utilisé au maximum. Il y a quand même des affirmations contradictoires. Vous dites que l'ARC veut un régime de consentement. Vous semblez dire qu'ils veulent aussi avoir droit aux signaux et que, en ce qui a trait aux licences obligatoires, ils ne semblent pas aller dans votre direction.

    Cependant, ayant dit tout cela, comment percevez-vous cette situation si un de vos membres capte ou qu'il envoie le signal d'une émission qui n'est pas protégée ou qui n'est pas exclue? À ce moment-là, toutes vos belles affirmations ne semblent pas affirmer le contraire. Donc, s'il n'y a pas de protection, si l'Internet peut le faire, si les membres de votre association peuvent faire ce qu'ils veulent avec des émissions et les envoyer à l'extérieur ou même à l'intérieur du Canada, comment voulez-vous que les créateurs, les ayants droit, puissent être protégés? Vous affirmez que ce n'est pas du vol, qu'il faut qu'il y ait une protection équitable. Quant à moi, je ne vois pas de protection équitable pour les ayants droit ou pour les auteurs qui veulent être payés convenablement pour ce qu'ils produisent.

    À ce moment-là, cela voudrait dire que présentement, avec le processus qui nous est demandé, les fournisseurs d'Internet pourraient faire ce qu'ils veulent avec les productions et les détenteurs de droits des productions.

[Traduction]

+-

    M. Jay Thomson: Ce que nous proposons, en fait, c'est que le gouvernement adopte le projet de loi et le projet de règlement dans sa forme actuelle, puisqu'ils imposent des restrictions territoriales aux retransmetteurs par Internet et leur permettent de bénéficier du régime de licence obligatoire. Nous ne disons pas de donner carte blanche aux retransmetteurs par Internet, mais plutôt de leur permettre de participer au régime de licence obligatoire, de verser des redevances aux créateurs et de respecter les restrictions territoriales, tout comme le font les autres. Il n'est pas question de leur donner carte blanche, mais de les assujettir à un régime de droit d'auteur identique à celui qui s'applique aux sociétés de câblodistribution et de diffusion par satellite.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: J'aimerais entendre M. Spurgeon là-dessus. Vous ne semblez pas... Pensez-vous que ce serait une offre équitable des fournisseurs d'Internet? Il semblerait qu'une licence obligatoire réglerait la situation parce que, à ce moment-là, ils auraient à payer des redevances. Cela semble très facile pour eux, mais ce n'est pas ce qu'on entend.

    M. Paul Spurgeon: Il y a trop d'incertitude qui entoure cette question. Rien ne me permet...Je sais que nous avons un texte et que d'autres groupes vont venir vous rencontrer la semaine prochaine pour discuter du sujet. Ils auront peut-être des suggestions à faire. Mais je ressens un certain malaise—je ne sais comment l'exprimer autrement—à cause de la nature débridée de l'Internet, comme l'a expliqué M. Thomson.

    Même le mot «moratoire» m'effraie. Il ne signifie pas que vous êtes mort, mais que vous êtes dans un coma. C'est probablement une meilleure façon de le décrire. Vous pouvez sortir d'un coma, mais comment allez vous vous sentir à ce moment-là? Comme Dracula ou un monstre quelconque? Je me le demande.

    Voilà ce qui m'inquiète. Il y a des choses que l'on ne peut pas faire à moitié. C'est tout ou rien.

    Si nous avions un texte plus clair, une exemption et des exceptions bien définies, si nous savions que la retransmission par Internet des oeuvres protégées ne serait pas autorisée, nous serions satisfaits.

    M. Jay Thomson: Je tiens à ce que les choses soient très claires. Il est question ici d'entreprises qui veulent payer les créateurs. Elles veulent les payer par le biais du régime de licence obligatoire. Or, il y a des groupes d'intérêt qui disent, non, nous ne vous permettrons pas de payer les créateurs.

[Traduction]

+-

    M. Paul Spurgeon: Il y a trop d'incertitude qui entoure cette question. Rien ne me permet...Je sais que nous avons un texte et que d'autres groupes vont venir vous rencontrer la semaine prochaine pour discuter du sujet. Ils auront peut-être des suggestions à faire. Mais je ressens un certain malaise—je ne sais comment l'exprimer autrement—à cause de la nature débridée de l'Internet, comme l'a expliqué M. Thomson.

    Même le mot «moratoire» m'effraie. Il ne signifie pas que vous êtes mort, mais que vous êtes dans un coma. C'est probablement une meilleure façon de le décrire. Vous pouvez sortir d'un coma, mais comment allez vous vous sentir à ce moment-là? Comme Dracula ou un monstre quelconque? Je me le demande.

    Voilà ce qui m'inquiète. Il y a des choses que l'on ne peut pas faire à moitié. C'est tout ou rien.

+-

    M. Paul Spurgeon: Si nous avions un texte plus clair, une exemption et des exceptions bien définies, si nous savions que la retransmission par Internet des oeuvres protégées ne serait pas autorisée, nous serions satisfaits.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Jay Thomson: Je tiens à ce que les choses soient très claires. Il est question ici d'entreprises qui veulent payer les créateurs. Elles veulent les payer par le biais du régime de licence obligatoire. Or, il y a des groupes d'intérêt qui disent, non, nous ne vous permettrons pas de payer les créateurs.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: J'ai une dernière question, monsieur le président.

    Le président: C'est la dernière.

    Mme Christiane Gagnon: Le fait, par exemple, qu'il n'y a pas de dispositions législatives présentement et qu'il n'y a pas d'encadrement quant à l'utilisation de l'Internet cause des préjudices aux ayants droit et à ceux qui sont détenteurs de droits. Si on attend trop longtemps, on risque aussi de créer une situation encore plus difficile que celle qui prévaut présentement.

    Le fait qu'il y a un moratoire ne vous laisse-t-il pas une période de temps où il pourrait y avoir un gel sur tout ce qui est en train de se passer présentement?

[Traduction]

+-

    M. Paul Spurgeon: Vous avez raison de dire cela, et à ma connaissance, il n'existe aucun précédent à l'échelle internationale qui permette de genre de chose. Le seul précédent qui existe à l'échelle internationale, c'est l'exemption. C'est le seul que je connaisse pour l'instant. Donc, oui, il faut agir de toute urgence.

    Toutefois, il ne faut pas agir juste pour le plaisir d'agir. Il faut bien faire les choses. Voilà pourquoi nous avons besoin de garanties.

    Pour revenir à mon exposé, je ne crois pas que l'approche que nous avons adoptée va nous permettre d'obtenir ces garanties que nous recherchons dans les délais qui ont été fixés. Je trouve tout cela inquiétant.

    Si nous pouvions obtenir la garantie que l'exemption...si nous savions que les droits des titulaires ne seraient pas compromis—parce qu'ils vont l'être—bon nombre des parties intéressées ici présentes, y compris l'ACR, se diraient satisfaites.

    Nous sommes tous logés à la même enseigne, et je trouve cela étrange, en partie, parce que ce sont eux qui transmettent le contenu qui leur est si important. Pour nous aussi, il est important, car c'est ce contenu qui fait vivre les membres de notre association.

+-

    Le président: Madame Bulte.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Monsieur Spurgeon, je crois comprendre que vous avez demandé une exemption. Je sais que la SOCAN, au moment de l'étude de l'Accord multilatéral sur l'investissement, a sûrement contribuer à redéfinir la culture. C'était une définition que nous cherchions.

    La SOCAN a -t-elle proposé une définition de l'exemption?

+-

    M. Paul Spurgeon: Encore une fois, à ce sujet, ce n'est pas nous qui avons choisi de nous retrouver dans cette galère. Comme je l'ai dit, il y a une définition; je ne veux pas être le premier à la formuler, mais je pense que d'autres parties feront des suggestions la semaine prochaine. L'énoncé ne sera peut-être pas parfait, mais ce sera un point de départ.

    Je vais m'arrêter là-dessus. Certes, nous allons l'examiner, et nous exprimerons volontiers notre point de vue à son sujet. Si la définition nous convient, nous l'approuverons.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Je crois aussi comprendre, de ce que vous nous avez dit dans votre déclaration, que nous devrions attendre d'avoir le règlement plutôt que d'adopter le projet de loi tout de suite et de préparer le règlement plus tard.

    Vous avez fait une analogie avec la Loi de l'impôt sur le revenu. En fait, la modification du paragraphe 31(2) prévue dans le projet de loi C-48—au sujet de ce qui ne constitue pas une violation du droit d'auteur pour le retransmetteur—vous fait penser à l'article 116 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui traite des dispositions par les personnes non résidentes. Indépendamment de ce que dit l'article 116 de la Loi de l'impôt sur le revenu, nous comprenons ce que cela veut dire.

    Je trouve que c'est très clair. Si vous lisez bien la disposition, on dit qu'il n'y a pas d'infraction si vous êtes un retransmetteur selon la définition du paragraphe 31(1), et si vous respectez les conditions ou les obstacles, comme M. Wernick les appelle. Donc, tant qu'on ne s'est pas conformé à ces obstacles, il ne peut y avoir de licence obligatoire...et cela ne vous convient toujours pas?

+-

    M. Paul Spurgeon: Ce n'est certes pas évident pour moi.

+-

    M. Paul Spurgeon Après tout, de quoi s'agit-il vraiment? Je ne le sais toujours pas, et nous nous interrogeons encore au sujet de toute la notion...

    Ce n'est pas seulement le point de vue de la SOCAN; il y a d'autres titulaires de droits d'auteur, des propriétaires et des créateurs d'autres droits qui vont dire qu'ils ne sont pas visés par le régime de licence obligatoire, comme c'est le cas de la SOCAN depuis 60 ans, et qui ne veulent pas que leurs oeuvres se retrouvent sur Internet. Ou s'ils le sont, ils veulent décider eux-mêmes des conditions et ils refusent d'être assujettis à un régime qui les oblige à présenter leurs oeuvres et précise ce qu'ils vont avoir. Je ne peux pas parler en leur nom, mais c'est en général ce qu'ils disent, je pense.

    Comme je dis, l'exemption serait un précédent dans le monde, et je crois qu'il faudrait adopter cette formule.

Á  +-(1135)  

+-

    Mme Sarmite Bulte: Il y a ceux qui disent qu'en vertu de l'actuel paragraphe 31(1) de la loi, la définition de retransmitteur procède par exclusion, de sorte que JumpTV peut en fait, comme elle l'a fait en décembre, demander à la Commission du droit d'auteur de fixer le tarif. Que pensez-vous de cela?

+-

    M. Paul Spurgeon: C'est juste. Je crois qu'elle a retiré sa demande. On peut en saisir les tribunaux, mais je ne sais pas si cette société pourrait réussir à faire valoir en droit qu'elle peut bénéficier d'une licence obligatoire. Je crois bien sûr que les titulaires de droits d'auteur pourraient intenter des poursuites—vu que la disposition est incertaine peut-être—et affirmer qu'elle n'a pas le droit d'agir ainsi. Elle le peut seulement s'il est tout à fait clair que ce nouveau média a été prévu par le Parlement quand il a adopté le projet de loi C-2 en 1989 à la suite de l'accord de libre-échange, qui a forcé les câblodistributeurs à verser des redevances pour la retransmission de tous les droits d'auteur aux abonnés.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Puisque vous soulevez la question des accords de libre-échange, et vous avez entendu M. Ivins de la National Association of Broadcasters déclarer craindre que, dans sa forme actuelle, le projet de loi risque de ne pas respecter nos obligations à propos des ADPIC, qu'en pensez-vous?

+-

    M. Paul Spurgeon: C'est possible, ainsi que la convention de Berne. L'alinéa 11bis(2) de la convention traite de cet aspect particulier des licences obligatoires—et des ADPIC, à propos desquels il est toujours possible que le Bureau du représentant américain au Commerce aille se plaindre à l'OMC, comme vous l'avez signalé, je pense, au sujet des magazines à tirage dédoublé. L'OMC pourrait produire une ordonnance à laquelle il faudrait se conformer. Si nous ne le faisions pas, il pourrait y avoir des représailles, comme quelqu'un l'a dit, dans d'autres secteurs d'activité, comme l'acier ou le sirop d'érable.

    Donc, oui, c'est une possibilité. Je sais que c'est sur la liste de l'article spécial 301, avec d'autres sujets comme les copies privées et les droits voisins.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Pourriez-vous expliquer au comité ce qu'est la liste de l'article spécial 301?

+-

    M. Paul Spurgeon: J'imagine que c'est simplement une liste de doléances—je ne sais trop comment dire—que le représentant américain au Commerce dresse. Elle ne vise pas seulement le Canada, mais des pays du monde entier qui ont des mesures commerciales et législatives qui ne leur plaisent pas et qui traitent de droits que les États-Unis estiment contraires à leurs intérêts, si je résume bien la chose.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Merci. Je vais attendre le deuxième tour de table.

+-

    Le président: Bon, d'accord.

    Je vais revenir à vous, monsieur Abbott.

    Il me semble qu'il y a presque un renversement des rôles, comme vous l'avez laissé entendre vous-même, de la façon dont vous et l'ACR vous entendez, et compte tenu de ce que M. Thomson a dit. Les fournisseurs Internet trouvent que le projet de règlement est valable, ainsi que le projet de loi, et ils les approuvent, et vous dites le contraire. Normalement, on aurait pensé que vous auriez appuyé la loi sur le droit d'auteur et que M. Thomson s'y serait opposé. Cela nous amène à nous demander si vous trouvez le règlement trop modéré puisque M. Thomson l'appuie si volontiers?

+-

    Le président: Il est vrai que le règlement est à l'état d'ébauche et qu'il n'a pas été rédigé en langage juridique par le ministère de la Justice, mais si c'était le règlement sur lequel nous devions nous fonder pour adopter la loi, vous satisferait-il?

    M. Paul Spurgeon: Non.

    Le président: Quelles en sont les lacunes et que feriez-vous pour les corriger? Est-ce que vous rejetteriez complètement le règlement parce qu'il n'est pas valable pour demander une exemption?

Á  +-(1140)  

+-

    M. Paul Spurgeon: Oui, l'exemption est évidemment ce que nous demandons, mais il reste à savoir si elle doit être prévue dans la loi ou le règlement. Il faut se demander si l'article 31 devrait indiquer que les retransmetteurs de nouveaux médias ne peuvent bénéficier du régime de licence obligatoire comme ceux par câble et satellite le peuvent et comme le Parlement l'avait prévu en 1989. Il est possible de prévoir une exemption claire dans la loi ou peut-être dans le règlement. Encore une fois, ce serait conforme au précédent international.

    Actuellement, je ne sais pas si on peut dire que c'est clair. C'est peut-être clair pour certains que c'est prévu dans le règlement, mais je ne trouve pas que ça l'est, et je ne suis pas le seul à le dire. D'autres ont dit ici que le règlement, dans sa forme actuelle, ne les rassure pas à ce sujet.

+-

    Le président: J'ai entendu d'autres témoins dire—et vous étiez là—que même l'exemption n'est pas toujours sans faille ni si bien énoncée dans certains pays, au point de ne pas poser de problèmes.

    L'ACR nous a dit dans son témoignage que nous devions chercher de meilleures solutions à ce sujet parce qu'un piège à souris a encore besoin d'améliorations. L'exemption n'est pas une fin en soi. L'Australie a des problèmes, d'après ce que nous avons entendu dire; qu'en pensez-vous?

+-

    M. Paul Spurgeon: Je crois que c'est le noeud du problème. Ces questions vont tenir le comité occupé au cours du prochain millénaire.

    Des voix:Oh, oh!

    M. Paul Spurgeon:Comme vous le savez, vous êtes chargés, en vertu de l'article 92, d'examiner la Loi sur le droit d'auteur. Ce n'est pas seulement que vous devez le faire ou qu'on vous a demandé de le faire, mais il faut que ce soit fait. J'estime que la Loi sur le droit d'auteur—d'après ce que vous avez dit—est très complexe. Elle évolue et se transforme, et elle doit être modifiée légèrement, améliorée ou quel que soit le mot que vous voulez utiliser, et cela va poser un problème.

    Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il se pourrait très bien que dans un an et demi nous rediscutions de cette question et d'une autre à laquelle nous ne pensons même pas aujourd'hui.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Cela nous rassure.

    Des voix:Oh, oh!

    Le président:Monsieur Abbott.

+-

    M. Jim Abbott: Monsieur Thomsom, il y a deux problèmes. D'abord, il y a toute la question du respect des droits de propriété et de la protection de l'intégrité de la licence géographique. Si je vous ai bien compris—et je veux être bien clair—les nombreux essais en cours sont en fait la seule assurance que vous ayez pu nous donner à ce sujet. Je ne me rappelle plus, et je ne veux pas vous critiquer. Je veux simplement être très clair.

    Je suis surpris que vous conveniez qu'il n'existe actuellement sur Internet aucun moyen, aucune technologie permettant à un fournisseur de services Internet de protéger l'intégrité de la licence géographique. Comme je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, vous pourriez peut-être nous donner plus de détails là-dessus.

+-

    M. Jay Thomson: Je ne connais aucune technologie actuellement disponible. Cependant, les représentants de JumpTV nous ont dit à tous, y compris les fonctionnaires du ministère, qu'ils possédaient cette technologie. Je crois comprendre qu'elle est privée, et qu'ils ne sont pas disposés à la partager avec la population dans son ensemble. Ils vont venir vous rencontrer la semaine prochaine et il est à espérer qu'ils pourront fournir un peu plus de précisions.

+-

    M. Jim Abbott: À première vue, diriez-vous que, pour protéger l'intégrité de la licence géographique, le fournisseur de services Internet qui voudrait faire des retransmissions devrait être accrédité au préalable par un organisme de réglementation avant de diffuser et qu'il devrait y avoir une période d'essai afin qu'il prouve qu'il n'y aura pas de fuite et qu'il ne sera pas victime de piratage? Diriez-vous que c'est en bonne partie ce que devrait prévoir le règlement pour assurer la protection de la licence géographique?

Á  +-(1145)  

+-

    M. Jay Thomson: Je ne pense pas qu'une accréditation préalable est nécessaire. Elle n'a pas été exigée pour les fournisseurs de service de diffusion directe par satellite, quand ils ont demandé de bénéficier du régime de licence obligatoire.

    Vous allez vous retrouver avec un mécanisme quasi-juridique interminable au cours duquel des experts vont en confronter d'autres au sujet des possibilités ou des limites d'une technologie en particulier. Je pense que la meilleure formule consiste à permettre aux entreprises de diffuser, en partant du principe qu'elles respectent la loi et qu'elles ont l'intention de la respecter. Si quelqu'un détermine qu'elles ne la respecte pas, elles sont exclues du régime de licence obligatoire, et elles prennent des mesures pour corriger le problème.

    M. Jim Abbott:Et si elles ne font rien?

    M. Jay Thomson:Dans ce cas, elles contreviennent à la Loi sur le droit d'auteur. Elles sont passibles d'injonctions, de poursuites judiciaires et de toute action en justice que les titulaires de droits d'auteur peuvent intenter.

+-

    M. Jim Abbott: Bon, d'accord, vous et moi ne sommes pas du même avis là-dessus.

+-

    Le président: Une dernière question, monsieur Abbott.

+-

    M. Jim Abbott: Au sujet des licences pour la diffusion directe par satellite ou par câble, nous avons demandé il y a quelques minutes si un fournisseur de services Internet devrait être assujetti aux mêmes règles. Si ces fournisseurs transmettent essentiellement le même genre de divertissement, sous une forme ou une autre, sur un écran de télévision dans un foyer, pourquoi ne seraient-ils pas soumis aux mêmes règles?

    Autrement dit, c'est le mandat du comité, si je comprends bien, de se préoccuper de questions comme le contenu canadien et le reste. Ce sont des conditions auxquelles les distributeurs par satellite et par câble doivent se conformer. Si les fournisseurs de services Internet veulent avoir le même accès aux mêmes foyers canadiens, pourquoi n'auraient-ils pas à se conformer aux mêmes conditions?

+-

    M. Jay Thomson: Ces conditions, qui sont fixées par voie de réglementation, existent pour une raison précise. Elles sont prévues pour que les entreprises de câblodistribution et les exploitants de service de diffusion directe par satellite respectent la Loi sur la radiodiffusion et contribuent à la politique sur la radiodiffusion. Elles existent pas seulement pour le plaisir, mais dans un but précis. Si on peut atteindre cet objectif sans imposer de règles du genre, cela devrait suffire.

    Même au sein de l'industrie de la distribution de radiodiffusion, les règles ne sont pas les mêmes pour tous. Les règles pour le câble sont un peu différentes de celles qui s'appliquent au service de diffusion directe par satellite. Même au sein de l'industrie de la câbledistribution, les règles ne sont pas les mêmes pour les grandes et les petites entreprises. Elles sont beaucoup plus souples pour les plus petites entreprises, compte tenu de la taille de leur marché et de leur impact sur le réseau de radiodiffusion.

    C'est en bout de ligne des considérations semblables qui devraient être examinées dans le cas des retransmetteurs sur Internet. Est-ce différent du point de vue que le Conseil a exprimé au départ, à savoir qu'il n'est pas nécessaire de réglementer? Ce serait au Conseil d'étudier la question qui lui serait renvoyée, mais il pourrait bien déterminer que l'impact des retransmetteurs sur Internet est comparable ou moindre que celui des petits câblodistributeurs, et choisir d'appliquer des règles différentes.

    Donc, en conclusion, il n'est pas nécessaire ni obligatoire d'imposer les mêmes règles à tous les intervenants pour le simple plaisir d'imposer des règles.

+-

    Le président: Madame Bulte.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Merci, monsieur le président.

    Je veux poser quelques questions à M. Thomson.

    Dans votre déclaration, vous avez dit que vous n'étiez pas comme les radiodiffuseurs autorisés, surtout pour ce qui est du contenu canadien, parce qu'il y avait tellement de contenu canadien sur Internet qu'il n'était pas nécessaire de réglementer à ce sujet.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Monsieur Thomson, sans vouloir vous contredire, les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion vont bien au delà de l'accès au contenu. Ils visent entre autres à nous permettre d'affirmer notre identité, d'exprimer nos perspectives régionales et nationales. Notre comité a discuté pour savoir si la loi devrait être modifiée pour tenir compte des aspects locaux par rapport aux aspects nationaux.

    La loi vise à favoriser la création au Canada, le contenu canadien et la programmation canadienne, pour que nous puissions nous identifier à ce qui est diffusé. C'est possible d'y parvenir quand le CRTC tient des audiences quasi-judiciaires qui ressembleraient probablement aux mesures d'accréditation dont M. Abbott a parlé. En fait, les radiodiffuseurs ne passent-ils pas par un processus quasi-judiciaire non seulement pour l'obtention d'une licence, mais pour son renouvellevement? Ils doivent passer par là. Ils contribuent au Fonds canadien de télévision, une des plus remarquables initiatives du Canada. Nous reprochons toujours aux diffuseurs privés de ne pas montrer assez de contenu canadien, à notre avis.

    À part le Fonds canadien de télévision, ils paient d'énormes droits de licence. Certains prétendent qu'ils sont trop élevés. M. Abbott a soulevé la question, qu'il y a trop de droits de licence, mais c'est ainsi. Nous avons été saisis du projet de loi S-7, qui visait à accorder le statut d'intervenant, encore pour les radiodiffuseurs. Cela fait partie du régime.

    Veuillez m'expliquer, monsieur Thomson, pourquoi les membres de votre association devraient être exemptés, comme les radiodiffuseurs le sont, et pourquoi ils ne devraient pas contribuer à tous les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Je crois comprendre, d'après ce que nos fonctionnaires nous ont dit, que vous retransmettez en fait des signaux radiodiffusés, qui sont visés par les règles sur la radiodiffusion.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Jay Thomson: Merci de votre question. C'est un sujet dont nous avons parlé à votre comité à propos de l'étude de la Loi sur la radiodiffusion dont vous êtes saisis présentement.

    Si j'avais la Loi sur la radiodiffusion devant moi—mais hélas je ne l'ai pas apportée—je pourrais me reporter au paragraphe 3(1) et vous indiquer comment Internet contribue à à peu près tous les objectifs qui sont énoncés.

    Internet fonctionne différemment et offre un autre service que celui fourni par les diffuseurs conventionnels. Son service permet toutefois aux Canadiens de communiquer entre eux, de présenter leur oeuvres de création au Canada et à l'étranger. Il donne aux Canadiens accès à du contenu du monde entier. Il assure la transmission d'émissions de façon abordable et efficace. Il offre aux particuliers—pas aux grosses sociétés, mais aux particuliers—un moyen de présenter ce qu'ils ont eu l'occasion de créer pour que les gens puissent en profiter. C'est différent du réseau de radiodiffusion conventionnel, mais c'est aussi valable, et cela contribue autant aux objectifs de politique énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion.

+-

    Mme Sarmite Bulte: Mais, monsieur Thomson, nous ne parlons pas de ce que vous transmettez, mais de retransmission. Il y a une grosse différence entre la transmission et la retransmission.

    Vous avez entendu M. Ivins de la National Association of Broadcasters parler des problèmes commerciaux possibles. Comme M. Goldstein de l'ACR l'a dit, si vous pensez que le lobby américain du bois d'oeuvre est redoutable, attendez de voir agir celui du divertissement. Comment réagissez-vous à cela? Les répercussions ne touchent pas seulement la diffusion de The West Wing ou non, ou les droits à ce sujet. Nous parlons du secteur de l'acier et du plastique, de nos grosses industries, celle de l'automobile, pas seulement...

    Les risques sont énormes. Il ne s'agit pas seulement de la diffusion d'une émission ou non. Tout le monde aime The West Wing, mais je pense qu'en tant que dirigeants nous devons nous inquiéter un peu plus de la situation dans son ensemble. Vous dites qu'il faut laisser les particuliers juger, qu'ils vont se comporter en bons citoyens et qu'ils vont agir de façon appropriée et le reste, et que nous pouvons nous contenter de demander des injonctions. Ce n'est pas facile d'obtenir des injonctions. Cela coûte très cher. Ordonner l'arrêt de quelque chose est terrible, et la barre est incroyablement haute à ce sujet.

    Donc, que répondez-vous à la National Association of Broadcasters?

+-

    M. Jay Thomson: Je vais d'abord répondre à la première partie de votre question avant de réagir aux propos de la NAB, si cela ne vous dérange pas.

    Vous avez d'abord demandé pourquoi les retransmetteurs sur Internet ne devraient-ils pas être assujettis aux mêmes obligations que les diffuseurs conventionnels. À notre avis, il n'est pas nécessaire qu'ils le soient. Cependant, selon la recommandation des ministres, ou la lettre qu'ils vous ont envoyée, cette question devrait être soumise à l'examen du Conseil.

    Comme je l'ai dit, nous n'avons pas d'objection à ce que le Conseil examine les questions liées à la politique de la radiodiffusion. Si c'est une question qui doit être étudiée dans le cadre de cette politique, soit. Par contre, nous sommes d'avis que cet examen ne devrait pas vous empêcher de vous prononcer sur la question du droit d'auteur dont nous discutons actuellement, c'est-à-dire les limitations d'accès géographique.

Á  +-(1155)  

+-

     Maintenant, pour ce qui est de la position de la NAB, elle se concentre surtout sur ce qui se passerait s'il y avait des fuites aux États-Unis. Ce n'est pas notre propos. Nous parlons d'un réseau qui prévoit des limitations d'accès géographiques pour nous. Si les choses fonctionnent—et je propose de laisser l'industrie s'en occuper et la technologie se développer pour que les choses fonctionnent—la NAB ne devrait pas avoir de problèmes. Il ne devrait pas y avoir de problèmes commerciaux. Il y en aura seulement s'il y a infraction à la loi. Si on craint toujours d'adopter une loi parce que quelqu'un pourrait l'enfreindre, on risque de s'attirer de gros ennuis. Nous ne voudrions pas agir de la sorte dans le cas du Code criminel.

    On n'a jamais demandé à la NAB quel impact aurait sur elle le fait que les limitations d'accès géographique fonctionnent. On ne lui a jamais posé la question.

  -(1200)  

+-

    Mme Sarmite Bulte: Oui, on le lui a demandé. M. Abbott a posé une question sur le processus d'accréditation et tous les obstacles.

    Je ne sais pas; je suis déroutée. Vous parlez des limitations d'accès géographique maintenant. Vous avez répondu à M. Abbott qu'il n'y en avait pas. M. Ivins a dit qu'il ne savait pas si la technologie...

    En fait, quand M. Abbott a demandé à M. Ivins s'il se sentirait rassuré si le processus d'accréditation établissait une limitation d'accès géographique, je pensais qu'il avait répondu de façon très positive.

    N'est-ce pas, monsieur Abbott?

    De toute façon, merci beaucoup.

-

    Le président: Notre réunion a été très intéressante. Nous avons tous beaucoup appris aujourd'hui. Nous avons certes appris qu'il y a des divergences et qu'on peut s'entendre pour ne pas être d'accord.

    Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Merci beaucoup de votre témoignage.

    La séance est levée.