HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 16 avril 2002
¿ | 0900 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
M. Abbott |
Le président |
M. Pierre Curzi (président, Union des artistes) |
¿ | 0905 |
M. Marc Ouellette (président, Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec) |
M. Richard Paradis (président, Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films) |
¿ | 0910 |
Mme Annie Piérard (présidente, Société des auteurs de radio, télévision et cinéma) |
¿ | 0915 |
M. Jean-Pierre Lefebvre (président, Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec) |
M. Jacques K. Primeau (président, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo) |
¿ | 0920 |
Mme Claire Samson (présidente-directrice générale, Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ)) |
Le président |
¿ | 0925 |
M. Jim Abbott |
M. Jacques Primeau |
M. Richard Paradis |
¿ | 0930 |
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.) |
M. Richard Paradis |
M. Jim Abbott |
Le président |
M. Jim Abbott |
M. Jacques Primeau |
¿ | 0935 |
Le président |
M. Pierre Curzi |
Le président |
Mme Francine Bertrand Venne (directrice générale, Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec) |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
¿ | 0940 |
Mme Claire Samson |
Le président |
M. Pierre Curzi |
¿ | 0945 |
Mme Christiane Gagnon |
M. Pierre Curzi |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
M. Dennis Mills (Toronto--Danforth, Lib.) |
¿ | 0950 |
M. Jacques Primeau |
¿ | 0955 |
M. Dennis Mills |
Le président |
Mme Anne-Marie Des Roches (directrice des affaires publiques, Union des artistes) |
M. Dennis Mills |
Le président |
M. Richard Paradis |
À | 1000 |
Le président |
Mme Francine Bertrand Venne |
M. Marc Ouellette |
Le président |
Mme Sarmite Bulte (Parkdale--High Park, Lib.) |
M. Pierre Curzi |
À | 1005 |
Le président |
Mme Francine Bertrand Venne |
À | 1010 |
Le président |
Mme Francine Bertrand Venne |
M. Richard Paradis |
Le président |
M. Jacques Primeau |
À | 1015 |
Mme Sarmite Bulte |
Le président |
Mme Wendy Lill |
M. Richard Paradis |
Mme Wendy Lill |
M. Pierre Curzi |
À | 1020 |
Le président |
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.) |
Le président |
M. Jacques Primeau |
À | 1025 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. Richard Paradis |
À | 1030 |
Le président |
M. Jacques Primeau |
À | 1035 |
Mme Francine Bertrand Venne |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Le président |
Mme Sarmite Bulte |
Le président |
M. Pierre Curzi |
Le président |
À | 1040 |
M. Jacques Primeau |
Le président |
À | 1045 |
M. Dennis Mills |
Le président |
Le président |
M. Jean-Paul Perreault (président, Impératif français) |
À | 1055 |
Á | 1100 |
Á | 1105 |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
M. Mills |
Le président |
M. Jean-Paul Perreault |
Á | 1120 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Á | 1125 |
M. Jean-Paul Perreault |
Mme Christiane Gagnon |
Á | 1130 |
M. Jean-Paul Perreault |
Le président |
M. Dennis Mills |
Á | 1135 |
M. Jean-Paul Perreault |
M. Dennis Mills |
Le président |
M. Jean-Paul Perreault |
Le président |
Á | 1140 |
M. Jean-Paul Perreault |
Le président |
M. Jean-Paul Perreault |
Le président |
M. Jean-Paul Perreault |
Á | 1145 |
Le président |
M. Claude Duplain |
M. Jean-Paul Perreault |
Mme Christiane Gagnon |
M. Jean-Paul Perreault |
Á | 1150 |
Le président |
M. Jean-Paul Perreault |
Le président |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 16 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0900)
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Nous n'avons pas de quorum mais nous allons commencer de toute façon car nous n'avons pas besoin du quorum.
[Français]
Le Comité permanent du Patrimoine canadien se réunit aujourd'hui pour continuer son étude de l'état du système de radiodiffusion canadien.
[Traduction]
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay--Columbia, Alliance canadienne): Monsieur le président, malheureusement je ne pourrais pas rester pendant toute la séance. À titre d'information, en ce qui concerne le projet de loi S-7, si nous allons tenir d'autres audiences, mon collègue et moi-même seront malheureusement en déplacement avec le comité ou feront d'autres travaux la semaine prochaine ainsi que la semaine suivante. Nous ne serons pas disponibles pour examiner le projet de loi S-7 ces deux semaines-là. Si on y donne suite cette semaine, très bien, maissi c'est possible, il serait préférable que l'on examine le projet de loi S-7 dans trois semaines.
Le président: Monsieur Abbott, nous avons essayé de prendre des dispositions pour entendre les responsables mercredi...
M. Jim Abbott: C'est demain.
Le président: Oui, demain, et peut-être aussi le président directeur général du CRTC, M. Dalfen. Si cela est impossible, alors nous remettrons cette comparution.
J'ai reçu un avis de motion de Mme Gagnon proposant que l'étude article par article soit remise pour permettre à d'autres témoins—en particulier les représentants de Radio-Canada et CBC et de Patrimoine Canada—de répondre aux questions du comité. Donc, nous devrons nous occuper de la motion. Entre-temps, d'après ce que la greffière et d'autres m'ont dit, nous allons tâcher d'organiser une première rencontre avec les responsables pour connaître leur point de vue sur le projet de loi S-7, et M. Dalfen du CRTC a également fait savoir qu'il serait disponible. Donc, si ces témoins sont disponibles demain, nous tâcherons de les rencontrer. Autrement, je comprends votre point de vue, et nous allons aussi nous occuper de cette motion lorsque nous aurons le quorum.
M. Jim Abbott: Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Abbott.
[Français]
Je voudrais souhaiter la bienvenue à l'Union des artistes, représentée par M. Pierre Curzi, son président et Mme Anne-Marie Des Roches, directrice des affaires publiques; à l'Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec, représentée par M. Jean-Pierre Lefebvre, son président, et Mme Lise Lachapelle, directrice générale; à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec, représentée par M. Marc Ouellette, président et Mme Francine Bertrand Venne, directrice générale; à la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma, représentée par Mme Annie Piérard, présidente et M. Yves Légaré, directeur général; à l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, représentée par M. Jacques Primeau, président, Mme Solange Drouin, Mme Annie Provencher et Mme Martine Corriveau; à l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ), représentée par Mme Claire Samson, présidente-directrice générale et Mme Céline Pelletier, directrice des communications; et à l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films, représentée par M. Richard Paradis, président.
Nous avons pensé vous rassembler pour une période de deux heures pour faire un genre de panel afin que nous puissions avoir un son de cloche intégré de vos différentes positions, à savoir où tout ça se rejoint.
M. Pierre Curzi (président, Union des artistes): Merci, monsieur Lincoln. Bonjour, monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité permanent.
Vous avez littéralement détruit le début de ma présentation en présentant tout le monde, et je vous en remercie. Disons que ça vient de m'enlever une page de texte. C'est excellent. Merci beaucoup.
Ces sept associations professionnelles que vous avez nommées, monsieur le président, regroupent pratiquement tout ceux qui conçoivent, créent, réalisent, interprètent, produisent et distribuent les oeuvres canadiennes qui alimentent le système de radiodiffusion de langue française, et même plus.
En effet, si certaines associations comme l'Union des artistes et l'ADISQ oeuvrent sur une base linguistique, à l'échelle pancanadienne, d'autres comme l'APFTQ, les producteurs de films et de télévision, oeuvrent sur une base québécoise, mais représentent aussi bien des producteurs de langue française qu'anglaise.
Enfin, d'autres, comme l'ACDEF, représentée par M. Paradis, regroupent les plus importants distributeurs pancanadiens, quelle que soit leur localisation ou la langue des films distribués. En pratique, nos membres interviennent à un titre ou à un autre, et sont le plus souvent à la source même de l'immense majorité du contenu canadien qui est présenté à la radio, à la télévision et dans les nouveaux médias.
Nous sommes donc plus que vivement intéressés et très directement concernés par le processus d'examen que vous avez initié. Les positions que nous avons développées reflètent un consensus profond et enthousiaste qui rallie l'ensemble de nos membres autour d'une vision commune et positive de l'avenir du système de la radiodiffusion canadienne.
Dans un rapport qui a été publié en juin 1999 par votre comité, qui s'intitulait «Appartenance et identité», il était souligné que, et je cite:
Sans leur engagement en tant qu'artistes voués à leur talent et à l'expression de leur art, les industries et les institutions culturelles du Canada seraient dominées par une voix et une perspective étrangères. |
C'est là un constat fort juste que nous partageons entièrement. Nous sommes donc persuadés que vous serez attentifs à la voix et à la perspective canadiennes que les artistes créateurs et entrepreneurs présents aujourd'hui ont unanimement développées.
¿ (0905)
M. Marc Ouellette (président, Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec): Dans le processus d'examen en cours, il était très important de distinguer ce qui est de l'ordre des principes, des objectifs et des finalités, de ce qui est de l'ordre des moyens et des modalités. À cet égard, et après un examen attentif, nous sommes persuadés que tous les objectifs énoncés au paragraphe 3(1) de la loi, qui en somme définit la politique canadienne de la radiodiffusion, sont toujours actuels et pertinents.
Par ailleurs, le corpus des définitions comme l'économie générale de la loi lui ont permis de s'adapter aux évolutions technologiques, au développement des nouveaux médias et à la convergence entre radiodiffision et télécommunication. Nous sommes donc d'avis que la finalité que devrait poursuivre votre comité ne devrait pas être de modifier les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion, mais plutôt de suggérer des moyens mieux adaptés à la réalité actuelle et à l'évolution technologique qui permettent d'atteindre ces objectifs avec à la fois plus de souplesse et plus d'efficacité.
Ce sont là deux notions essentielles et, à notre avis, pas du tout incompatibles. Nous sommes convaincus qu'avec de l'audace et de l'imagination, et aussi avec la collaboration des différents acteurs du système pour établir des pratiques d'autorégulation ou de corégulation, il est possible d'alléger et de moderniser l'encadrement réglementaire actuel tout en accroissant son efficacité.
M. Richard Paradis (président, Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films):
Le principe de propriété et de contrôle effectif du système par des Canadiens est la pierre angulaire sur laquelle l'ensemble de l'édifice repose. Sans ce principe de propriété canadienne des entreprises de radiodiffusion, il serait impossible de préserver l'intégrité du système et la mission fondamentale que lui a confiée le législateur, qui est de, et je cite la Loi sur la radiodiffusion:
(i) servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada, |
L'abandon des exigences de propriété canadienne aurait notamment pour effet de compromettre l'existence d'un marché canadien de droits télévisuels qui soit distinct et autonome. Il équivaudrait à faire entrer un cheval de Troie dans l'édifice, car les entreprises sous contrôle étranger, même si elles étaient assujetties à l'obligation de détenir une licence, ne manqueraient sans doute aucune occasion de remettre en cause l'intégrité du système canadien, d'en saper les bases voire de défier les orientations politiques globales du gouvernement canadien en matière culturelle.
L'exemple de Vivendi Universal est particulièrement éloquent à cet égard. Une fois devenue propriétaire d'un des grands studios, cette entreprise s'est empressée de dénoncer la politique de promotion de la diversité culturelle que le gouvernement français partage avec le gouvernement canadien et d'appeler à la mort l'exemption culturelle.
Le principe de propriété canadienne est donc un principe essentiel qui ne peut faire l'objet d'aucun compromis. Il serait inadmissible, comme certains l'ont proposé, qu'on établisse une distinction entre les conduits et les contenus, entre les infrastructures de distribution et de communication, d'une part, et les infrastructures de production et de programmation, d'autre part, dans le but de permettre la propriété étrangère des premières tout en conservant la propriété canadienne des secondes. Une telle proposition repose sur une vision à la fois passéiste et naïve des choses; passéiste puisque les niveaux de convergence, de propriété croisée, de multimédias et d'intégration verticale atteints actuellement ont déjà rendu une telle distinction entre conduits et contenus totalement inopérante dans les faits. Ces deux types d'infrastructures sont déjà inextricablement liés en termes de propriété. Il serait par ailleurs tout à fait naïf de croire que le recours à la séparation structurelle des entreprises de distribution-communication et de programmation-production serait de nature à assurer un contrôle effectif des Canadiens sur les secondes si les premières passent sous contrôle étranger. La séparation structurelle n'est qu'une mesure juridique, administrative et comptable qui n'a jamais empêché l'actionnaire de contrôle d'une maison mère d'exercer de facto le contrôle effectif sur l'ensemble des entreprises liées, qu'elles soient séparées structurellement ou pas.
En terminant, je voudrais souligner la faible crédibilité de l'argument voulant que les entreprises canadiennes aient un besoin pressant de capitalisation étrangère afin d'assurer leur croissance, capitalisation qui ne pourrait être obtenue sans l'abandon des exigences de propriété canadienne. Depuis quelques années, un nombre considérable de transactions de grande envergure sont survenues dans le secteur canadien des communications, de la radiodiffusion et des médias en général. Or, toutes les entreprises canadiennes impliquées dans ces transactions ont réussi à trouver aisément les milliards de dollars nécessaires au financement de celles-ci. De plus, la majorité d'entre elles ont obtenu ce financement entièrement au Canada sans même se prévaloir du niveau de propriété étrangère déjà autorisé, soit de 33,33 p. 100 pour les sociétés mères et de 20 p. 100 pour les titulaires de licences.
¿ (0910)
Mme Annie Piérard (présidente, Société des auteurs de radio, télévision et cinéma): Un principe général de diversité anime la Loi sur la radiodiffusion et la réglementation afférente. Il y a la diversité des voix éditoriales, qui contribuent au dynamisme de la vie démocratique, en assurant que les Canadiens ont accès à une programmation présentant une variété d'opinions divergentes et de points de vues. Il y a la diversité des lieux de création, qui est favorisée par les dispositions de la loi invitant le système à faire appel, de façon notable, aux producteurs indépendants canadiens.
On peut mentionner également la diversité des voies d'accès au système de la radiodiffusion pour les artistes, créateurs, producteurs et distributeurs, qui est favorisée par la pluralité de propriété des entreprises de programmation de radiodiffusion.
Il y a la diversité des composantes privée et publique, qui est l'une des caractéristiques distinctives du système de la radiodiffusion canadienne et qui doit le demeurer.
Enfin, il y a la diversité culturelle globale, une diversité qu'il importe de plus en plus de protéger et de promouvoir dans un contexte de mondialisation. Toutes ces formes de diversité sont importantes. Le comité devrait, à notre avis, s'assurer qu'elles continuent à être concrètement et efficacement encouragées par les politiques et les instruments de régulation.
¿ (0915)
M. Jean-Pierre Lefebvre (président, Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec): Le contenu canadien est la raison d'être même, la finalité ultime de notre système. Les lois, les politiques, les règlements, les ordonnances du gouverneur en conseil, l'activité de surveillance et d'encadrement exercée par le CRTC poursuivent tous un même objectif: assurer que l'ensemble des citoyens canadiens aient un large accès à une programmation enracinée ici, qui reflète leurs réalités, leurs valeurs, leurs perceptions du monde.
Cet objectif, on ne doit jamais le perdre de vue. Dans le processus de révision en cours, il importe que tous les efforts soient faits pour conserver et renforcer les mesures qui favorisent la création, le financement, la présentation et la promotion d'une programmation canadienne de grande qualité qui réponde aux besoins diversifiés des publics canadiens.
On pense à des mesures comme l'obligation de contribution au financement de la programmation canadienne imposée aux distributeurs; comme les pourcentages de contenu canadien à la radio et à la télévision; comme les obligations de contribution au développement des talents canadiens à la radio; comme les obligations de dépenses de programmation canadienne en pourcentage de leurs revenus imposées aux services de télévision spécialisée et payante; comme les obligations de diffusion d'émissions canadiennes prioritaires imposées aux diffuseurs conventionnels; comme la prépondérance que doivent accorder les distributeurs aux services canadiens de télévision.
Il faut aussi que le gouvernement canadien continue d'appuyer ses créateurs, ses artistes et ses industries culturelles grâce à des mesures de soutien financier direct ou fiscal à Radio-Canada, au Fonds canadien de télévision, à Téléfilm Canada, au Fonds canadien de la musique et autres initiatives du même ordre.
Nous vivons dans un univers où le nombre de services de programmation, comme de plates-formes de diffusion, ne cesse de se multiplier. La technologie évolue à un tel rythme que la croissance que nous avons connue depuis 10 ans nous paraîtra bientôt comme un pas de tortue.
Dans cet univers en expansion, il faut être résolument proactif et déterminé à prendre sa place. Des efforts exceptionnels doivent être consentis et conjugués pour assurer une présence soutenue des contenus canadiens sur tous les fronts: de la radio et la télévision hertzienne à l'Internet en passant par la télévision spécialisée, les services sonores payants et la vidéo sur demande.
M. Jacques K. Primeau (président, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo): Nous avons dit plus tôt que la réglementation du système pourrait à la fois être allégée et rendue plus efficace. Comment? À notre avis, en renforçant et en adaptant à l'environnement concurrentiel et technologique qui se dessine, les aspects de la réglementation qui assurent l'atteinte des objectifs essentiels de la loi, en recourant par ailleurs et plus systématiquement à l'auto et à la corégulation, ainsi qu'à l'encadrement des relations contractuelles pour tous les aspects plus administratifs, commerciaux, techniques et sociaux du corpus réglementaire actuel.
Devraient être prioritairement renforcées et modernisées les dispositions qui ont pour objet de favoriser la création, le financement, la protection des droits, ainsi que la présentation et la promotion d'un contenu canadien de qualité sur toutes les plates-formes existantes et à venir qui sont assimilables à de la radiodiffusion, au sens de la loi. À cet égard, une des tâches les plus utiles que pourrait accomplir le comité serait de concentrer sa réflexion à élaborer des modalités concrètes de réglementation de la radiodiffusion sur Internet.
Le comité dispose d'une occasion exceptionnelle de reconnaître clairement que la décision de ne pas réglementer Internet prise par le CRTC en 1999 doit impérativement être revue à la lumière des développements technologiques survenus depuis.
Aujourd'hui, alors que 15 p. 100 des Canadiens écoutent déjà la radio sur le Net, que les majors hollywoodiens se regroupent pour y offrir leurs films à la carte, que les majors de la musique ont pris le contrôle de Napster, que des entreprises de WebTV tentent de pirater et redistribuer des signaux de télévision canadienne, il est d'ores et déjà impossible de prétendre que la radiodiffusion sur le Net n'a pas d'incidence sur l'atteinte des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Imaginons maintenant ce qu'il en sera dans 3, 5 ou 10 ans.
Par ailleurs, le discours éthéré voulant qu'il soit impossible d'encadrer ou de réguler de quelque façon que ce soit l'Internet a fait long feu. Nous savons maintenant que l'accès des citoyens à l'Internet est contrôlé essentiellement par quelques grandes entreprises canadiennes fort connues et habituées d'évoluer dans un environnement réglementé.
Nous savons que les multinationales du divertissement tentent de contrôler ces pratiques, qui sont incompatibles avec leurs intérêts économiques, et à encadrer la circulation de leurs produits sur le Net.
Nous savons aussi que les États disposent collectivement de moyens non négligeables pour contrôler et endiguer des activités jugées criminelles ou socialement répréhensibles sur le Net, par exemple le porno. Non seulement le gouvernement canadien peut, mais il doit réglementer les activités de radiodiffusion sur le Net. Il en va de la bonne santé financière des entreprises qui composent le système, de la protection et de la juste rétribution des titulaires de droit comme du maintien de l'accès des Canadiens à des contenus culturels canadiens variés de qualité et attrayants.
Toutes les entreprises de radiodiffusion, quelle que soit la plate-forme qu'elles utilisent, doivent être traitées équitablement et astreintes aux mêmes obligations, que ce soit en termes de contribution financière à la création ou d'obligations minimales de présentation d'une programmation canadienne.
¿ (0920)
Mme Claire Samson (présidente-directrice générale, Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ)): Pour conclure, monsieur le président, je voudrais rappeler que le système canadien de la radiodiffusion est une réussite assez exceptionnelle; il fait d'ailleurs l'envie de plusieurs pays. Si l'on compare la place qu'occupent les émissions canadiennes à la radio et à la télévision à celle qu'occupent d'autres produits culturels canadiens dans des secteurs non réglementés, comme les salles de cinéma, par exemple, les vidéoclubs ou les disquaires, on mesure encore mieux les effets positifs du type d'encadrement qui prévaut dans le secteur de la radiodiffusion.
Bien sûr, l'encadrement n'est pas tout. Il faut aussi des créateurs, des interprètes de talent, des producteurs innovateurs, des moyens financiers à la mesure des attentes élevées des publics, mais lorsque toutes ces conditions sont réunies, le succès est assuré. À preuve, règle générale, en saison régulière, 27 ou 29 des 30 émissions les plus regardées à la télévision de langue française sont des émissions canadiennes créées et produites chez nous. Nous pouvons donc compter sur des acquis fort précieux qu'il ne faut perdre ou compromettre.
Cependant, la mondialisation, la convergence, les développements technologiques nous forcent à revoir de plus en plus fréquemment la nature, l'étendue et l'efficacité des politiques de l'encadrement réglementaire et des mesures de soutien financier qui nous permettent de maintenir ce niveau de succès et de l'étendre à d'autres parties du pays ou à d'autres médias. C'est la tâche à laquelle vous avez décidé de vous atteler; c'est une page importante dont les résultats peuvent faire toute la différence entre poursuivre sur notre lancée et évoluer avec le nouvel environnement ou régresser.
Nous espérons donc que vous y accorderez toute l'attention et le temps nécessaires et que vous aurez à coeur de vous assurer que les changements proposés auront des effets positifs et structurants pour les créateurs, artistes et entrepreneurs qui oeuvrent pour promouvoir et développer l'expression culturelle canadienne.
Nous serons, bien sûr, maintenant heureux de répondre à toutes vos questions.
Le président: Monsieur Curzi et vos collègues, avant de passer aux questions, je dois vous dire que nous rencontrons pas mal de groupes ici, deux fois, parfois trois fois par semaine. Alors, c'est un travail de longue haleine, mais je dois dire que c'est assez remarquable de constater que sept associations et regroupements de création, de production, de distribution, soit certainement le groupe le plus influent de langue française, c'est clair, mais dont l'influence est aussi très importante dans l'ensemble du Canada, puissent aujourd'hui nous offrir une présentation qui constitue un consensus. C'est assez remarquable. Je pense que cela a autant de poids chez nous parce que vous touchez à toutes les questions fondamentales qui sont devant nous: la propriété étrangère, le projet de diversité culturelle, toute la question du contenu canadien, qui est le fond de tout cela, la réglementation ou non de l'Internet. Je pense que ce sont des questions de grande importance pour nous tous, et c'est vraiment le coeur même de notre étude ici.
Alors, je vous remercie beaucoup de cette présentation qui va certainement beaucoup nous aider dans nos réflexions.
Je vais passer la parole à M. Abbott pour les questions.
¿ (0925)
[Traduction]
M. Jim Abbott: Merci.
Je tiens à nouveau à vous remercier de votre exposé très concis qui nous laisse amplement de temps pour vous poser des questions et obtenir des précisions.
J'ai trouvé intéressante l'affirmation faite à propos de l'Internet. Il se trouve que j'ai dîné hier soir avec un monsieur qui a travaillé au sein de nombreuses organisations de secours un peu partout dans le monde. Il a travaillé en Corée du Nord, en Afghanistan et en Palestine. À l'exception de la Corée du Nord, qui est bien entendu une société totalement fermée, la population de Palestine, la population d'Afghanistan, en fait tous les gens qu'il a rencontrés dans le cadre de son travail un peu partout dans le monde, même ceux qui vivent dans des huttes de boue dévastées par des bombes, semblent avoir accès à l'Internet.
Je trouve bizarre ce que vous avez dit à propos du contrôle de l'Internet. J'ai peut-être mal compris, et c'est pourquoi je vous demanderais de bien vouloir m'apporter des précisions à ce sujet. D'après ce que je crois comprendre, l'accès à l'Internet est pratiquement universel. Il est possible qu'un régime comme celui de Khadafi et d'autres régimes trouvent des moyens d'empêcher l'accès à l'Internet; comme je l'ai dit, la République démocratique populaire de Corée a certainement réussi à le faire. Mais j'aimerais savoir pourquoi vous avez fait cette déclaration, si je l'ai bien comprise, parce que cela ne me semble pas correspondre à ce que je crois savoir de l'accès à l'Internet.
[Français]
M. Jacques Primeau: Évidemment, on ne peut pas fermer l'accès à l'Internet à tous les Canadiens. Par définition, l'Internet est effectivement une ouverture sur le monde. Il est loin d'être question de fermer cette ouverture sur le monde, mais qui dit ouverture sur le monde dit aussi place dans le monde. Aura-t-on notre place dans le monde?
Pour la réglementation de l'Internet, c'est sûr, il va falloir trouver des moyens différents de ceux qu'on a connus dans le passé. Il va falloir être créatif dans la réglementation sur Internet pour s'assurer de deux choses. Premièrement, est-ce que les gens qui distribuent les services d'Internet sont traités sur un même pied que les gens qui distribuent la télé par câble ou qui distribuent la télé par lien hertzien ou autrement?
La question est qu'on a décidé, au CRTC, qu'on ne pouvait pas avoir d'impact sur le contenu de ce qui se passe sur Internet. C'est là qu'on dit que la réflexion doit aller plus loin, c'est-à-dire que, évidemment, les gens pourront avoir accès à ce qui se passe dans le monde. Mais la question est la suivante: est-ce que les gens qui exploitent ces services-là aujourd'hui et surtout dans le futur auront des devoirs à faire envers les Canadiens? Ce peut être sous forme de contribution à la création ou au développement du talent canadien, comme cela se fait dans d'autres secteurs. C'est tout simplement cela.
Je pense que de vouloir comparer un contrôle sur la programmation à Khadafi, si je vous ai bien compris, est une chose... Je ne sais pas si je vous comprends bien, mais je ne pense pas qu'on ait l'habitude de défendre une société fermée sur elle-même et une société qui va empêcher l'accès à la culture mondiale, loin de là, mais la question est de savoir où on va être présents sur la toile, dans le monde entier. Il va falloir s'assurer qu'on a les moyens de développer cette expertise, et c'est là qu'il faut intervenir, sur la création et sur le développement de notre expertise dans ce domaine.
[Traduction]
M. Richard Paradis: Il y a deux aspects concernant l'Internet que j'aimerais soulever. L'un, c'est qu'un changement structurel est en train de se faire sur Internet à savoir que les propriétaires d'accès aux portails sont en train de vendre leur positionnement sur les sites Web. En fonction de la force économique de votre entreprise dans le système, vous pourrez acheter votre place au sommet de la liste de sorte que lorsque quelque'un fera une recherche sur Internet votre site sera toujours le premier qui paraîtra.
Vous aurez aussi peut-être constaté que l'on fait de plus en plus d'étude sur les habitudes d'utilisation de l'Internet. Des études récentes indiquent que 65 p. 100 des Canadiens qui utilisent l'Internet arrêtent, lorsqu'ils font une recherche, à la première page. Vous pouvez chercher quelque chose et obtenir dix pages d'information, mais 65 p. 100 des gens arrêtent à la première page, et 25 p. 100 à la deuxième page et ne visitent alors aucun autre site. Si votre site ne se trouve pas à la première page, ces gens ignoreront votre existence.
¿ (0930)
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Oui.
M. Richard Paradis: Le fait que les entreprises essaient maintenant lentement d'avoir accès à la commercialisation risque de poser de graves problèmes, non seulement pour les Canadiens, mais pour d'autres.
Lorsque nous parlons de diversité culturelle, à quoi cela ressemblera-t-il? Lorsqu'on fera une recherche sur Internet, les seuls produits auxquels on aura accès seront-ils ceux provenant d'AOL?
Nous commençons à voir émerger des problèmes.
M. Jim Abbott: Même si nous compatissons entièrement avec ce que vous nous dites ici, ne s'agit-il pas d'une question de choix?
Une personne navigue sur Internet. Je dois avouer que je commence à peine à en apprendre les rudiments. Je suis loin d'être un spécialiste. Il me semble que je peux choisir d'utiliser n'importe quel moteur de recherche. En choisissant un moteur de recherche en particulier, je suis astreint au type de sélection dont nous avons parler.
Il serait peut-être des plus utile pour moi et pour mes collègues que nous acceptions toutes les hypothèses que vous avez présentées. Quoi qu'il en soit, est-ce possible? Autrement dit, je peux choisir d'utiliser Yahoo. Je peux choisir d'utiliser un autre moteur de recherche et de contourner complètement l'orientation que vous proposez. En fait, je suis en train de demander des idées pratiques. Existe-t-il des idées pratiques qui permettront de faire ce que vous êtes en train de proposer au comité?
Le président: Êtes-vous en train de demander si cela est possible?
M. Jim Abbott: Oui. Ce que je suis en train de dire aux témoins, c'est que si cela n'est absolument pas possible, alors nous pourrons avoir une conversation intellectuelle très agréable. Si c'est possible, j'aimerais que vous proposiez au comité des moyens pratiques et possibles de le faire afin que le comité puisse les étudier.
[Français]
M. Jacques Primeau: Je ne sais pas. Je vais vous donner un exemple concret. Une radio au Québec a fait sa promotion sur son site Internet en disant: «Voici le genre de radio que vous pourriez écouter s'il n'y avait pas de CRTC». Alors, vous pouvez écouter la radio sur FM et quand vous écoutez le pendant Internet de cette radio, évidemment, il n'y a aucun contrôle sur les quotas, rien.
Cela illustre, je trouve, le genre de situation qui peut, dans l'avenir, rendre caducs tous les règlements. Le moyen concret, je pense, c'est d'accepter au départ que, effectivement, il y a de nouvelles solutions à apprendre et qu'on n'interviendra peut-être pas sur l'ensemble. On ne pourra pas tout empêcher, c'est-à-dire que même si les règlements font en sorte qu'en général les gens devraient être abonnés au câble ou avoir une soucoupe pour capter les canaux américains, quand on était jeune, il y avait toujours un oncle qui réussissait à trouver une antenne qui captait un canal aux États-Unis et qui nous permettait d'écouter le hockey «illégalement».
Il y a aura toujours de l'espace pour contourner le système, mais je pense qu'il est temps de trouver des moyens concrets d'intervenir là-dessus. Je pense qu'à partir du moment où on a décidé qu'on n'intervenait pas, on a arrêté la réflexion. Je pense qu'il est maintenant temps d'en discuter. On n'a pas de solution miracle en ce moment.
Je vais donner l'exemple, dans le domaine de la musique, d'un phénomène qui est juste le début de ce qui s'annonce dans le cinéma, de ce qui s'annonce dans la télévision. C'est le phénomène des chansons copiées illégalement sur le système. On évalue à deux milliards le nombre de téléchargements qui sont faits par mois illégalement ou légalement, on ne le sait pas; cela dépend des pays. Mais deux milliards de téléchargements de chansons sont faits dans le monde à tous les mois, sans payer de droits à qui que ce soit. On peut dire qu'on n'a pas trouver le moyen de solutionner le problème ou on peut dire qu'il faut trouver le moyen de trouver de nouvelles solutions.
C'est là où on en est rendu dans le domaine de la copie de la musique, mais dans le domaine de la réglementation de la radiodiffusion, je pense effectivement qu'il va falloir trouver des moyens originaux et tenir compte de ce qui se passe sur la scène mondiale aussi; on n'est pas seuls.
¿ (0935)
Le président: Monsieur Curzi et madame Bertrand.
M. Pierre Curzi: Je veux juste ajouter que je pense qu'il y a des moyens d'intervention sur les fournisseurs de services Internet. Il y a donc moyen d'imaginer des moyens d'intervenir pour contrer certaines pratiques, d'une part. L'autre aspect consiste à développer, quant à nous, une offre particulièrement canadienne. Par exemple, si on pense à la musique, comment peut-on s'assurer que le contenu musical que nous produisons soit accessible d'une façon réelle, importante afin que nos citoyens aient accès à ce que nous produisons? Si on ne fait pas cela, on ne sera plus en mesure d'en produire d'autres, d'être présents dans cette offre globale.
Alors, il y a deux aspects: un aspect de contrôle visant à empêcher certaines choses, comme on empêche la violence, la pornographie et comme on empêche la destruction d'un système de droit d'auteur et, d'un autre côté, un aspect favorisant la construction de créneaux qui sont largement accessibles à tous les citoyens.
Le président: Avant de passer à madame Venne, je voudrais souligner que j'ai vu certains de vos associés, dont Mme Des Roches, qui voulaient peut-être intervenir. Il y a un micro libre ici. Si vous voulez intervenir, sentez-vous libre de le faire, car l'idée est d'avoir une discussion la plus ouverte possible.
Madame Bertrand Venne.
[Traduction]
Mme Francine Bertrand Venne (directrice générale, Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec): Pour répondre à M. Abbott, à Montréal le 1er mars, nous avons tenu un très important colloque sur les médias d'information. Il portait sur le thème de la propriété des médias et s'il fallait autoriser la propriété étrangère. Ce colloque était très intéressant parce que l'orateur principal était M. Casey Anderson, vice-président de la politique publique internationale, AOL-Time Warner, de Washington, D.C. Il a prononcé son discours après que nous ayons discuté des politiques en vigueur au Canada et du CRTC.
Je lui ai dit que je représente les auteurs et les compositeurs de chanson française au Canada et les créateurs d'oeuvres musicales originales pour toutes les productions audio-visuelles. Je lui ai demandé: «Dans un tout petit marché comme le marché canadien français, seriez-vous prêt, comme le font mes entreprises canadiennes, à investir dans la production si une analyse vous indiquait que cela nuirait à votre compagnie ou si vous n'envisageriez même pas la chose, compte tenu de la petitesse du marché?» Il n'a pas répondu à la question. Ce colloque se tenait à l' ÉHEC de l'Université de Montréal et tous les professeurs de l'université ont dit: «Il ne vous a pas répondu. En ne vous répondant pas, il se trouve en fait à avoir répondu: il n'investirait pas.»
Pourquoi sommes-nous aussi inflexibles à propos de la propriété de nos entreprises au Canada? Parce qu'il a été établi que cela en vaut vraiment la peine.
[Français]
C'est important que vous compreniez que ce qu'on vous demande comme législateurs, comme hommes publics et comme politiciens, c'est de nous assurer qu'on puisse continuer à évoluer avec la technologie.
[Traduction]
Ce n'est pas une question d'accès, c'est une question de présence du contenu. Que se passe-t-il en ce qui concerne le contenu canadien? Comment allons-nous exister sur Internet en tant que peuple? C'est la question qui se pose.
[Français]
Ce qu'on vous demande, c'est de nous permettre, avec les lois que nous avons--la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur le droit d'auteur et maintenant la Loi sur le statut de l'artiste, au niveau fédéral--de négocier nos contrats d'utilisation de nos oeuvres. Laissez la Commission du droit d'auteur débattre des tarifs d'utilisation de nos oeuvres, mais que le CRTC continue à appuyer les règles de contenu. Quand les radiodiffuseurs viennent se plaindre du droit d'auteur, c'est sûr qu'il doit y avoir une utilisation minimale de contenu canadien pour que les créateurs d'ici puissent en vivre.
Il y a une dernière lueur d'espoir pour M. Abbott. Les sociétés d'auteurs, bien avant les hommes d'affaires, ont déjà été dans une réflexion mondiale. Pour que les droits d'auteur des auteurs-compositeurs de musique puissent être efficaces, ils sont dans des mécanismes internationaux et il existe une Confédération internationale des sociétés d'auteurs. Il y a eu un accord de Santiago qui a été signé l'année dernière à l'effet que dans l'Internet, les sociétés d'auteurs à travers le monde allaient travailler à organiser la façon dont elles allaient administrer leurs droits d'auteurs.
Ce que je veux vous dire par là, c'est qu'il y a déjà des gens qui s'occupent de cela. Laissez-nous tout simplement la possibilité de le faire.
Le président: Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci, monsieur le président.
On sait que la nouvelle technologie permet de multiples activités de radiodiffusion. C'est pourquoi il faut l'encadrer.
Vous dites dans votre mémoire:
On ne peut laisser s'implanter des entreprises de programmation ou de distribution qui ne seraient pas en mesure de contribuer à la production canadienne. |
Vous dites aussi qu'il faut répondre aux objectifs de la loi et assurer une place à la production canadienne. Vous soulignez, entre autres, des approches modulées selon les situations fort différentes, tant du côté anglais que du côté français. Pourtant, dans votre mémoire, vous ne faites aucune allusion à des situations qui seraient vécues plus spécifiquement au Québec. Nous formons une communauté qui est majoritairement francophone. Vous passez cela sous silence. Vous parlez beaucoup de programmation canadienne, d'identité canadienne, de culture canadienne. Pourtant, quand on est allés dans l'Ouest, les francophones hors Québec nous ont parlé de leur réalité. J'aurais bien de la misère, ce matin, à dire ce qu'est la réalité au Québec. Par exemple, est-ce que Téléfilm Canada, avec ses critères... Ça, vous n'en parlez pas. Vous faites complètement abstraction de cela, ce matin, dans votre mémoire.
Une critique du cinéma disait qu'en matière de septième art, le Québec était une société distincte parce que son spectre est plus diversifié et qu'elle a une tradition. J'aurais aimé entendre parler les gens du Québec, qu'on soit un peu plus pointus par rapport à toute cette réalité. Faut-il changer, par exemple, les points qui sont accordés à Téléfilm Canada sur la base du Fonds de télévision?
On vit des spécificités. Dans l'Ouest, ils nous ont dit qu'ils aimaient bien la production du Québec, mais qu'ils aimeraient aussi faire leur propre production afin de refléter leurs valeurs et leurs préoccupations. Le Québec devrait, lui aussi, nous dire quelles sont les préoccupations qu'il a par rapport aux grandes politiques, aux programmes.
Merci.
¿ (0940)
Mme Claire Samson: Évidemment, on sera unanimes à dire qu'il n'y a aucun système de parfait. Il y a toujours matière à amélioration. Il faut dire que le Québec a toujours joui d'une situation un peu particulière. Le Québec a pu, au fil des ans, créer un star system qui n'a pas d'égal ailleurs au Canada. C'est un fait.
On voit les effets des décisions prises par le CRTC. Par exemple, l'impact qu'aurait la décision du CRTC d'éliminer les émissions dramatiques de la liste des émissions prioritaires serait probablement plus grand au Canada anglais qu'au Québec. Au Québec, les diffuseurs n'auraient pas le réflexe de réduire le nombre d'émissions dramatiques originales canadiennes ou québécoises parce que c'est le type d'émissions qui accaparent la plus grande part de l'auditoire. C'est une réalité qui est très québécoise, mais qui n'est pas canadienne. Des diffuseurs canadiens anglais auraient peut-être le réflexe, à l'annonce d'un tel changement par le CRTC, de réduire le nombre d'émissions dramatiques canadiennes et de les remplacer par un autre type de programmation possiblement moins coûteux par rapport au coût d'acquisition d'une émission dramatique américaine. Pour le marché anglophone, c'est beaucoup moins coûteux d'acquérir une émission dramatique américaine que d'en produire une. C'est donc évident que les décisions ou les différentes politiques du CRTC peuvent avoir un impact différent selon qu'il s'agit du marché francophone ou du marché anglophone. Je peux vous dire, qu'il s'agisse des politiques ou des programmes de financement, qu'il s'agisse de Téléfilm Canada ou du Fonds canadien de télévision...
Il y a d'ailleurs une grande étude sur le contenu canadien qui est menée présentement par Patrimoine Canada. Encore là, on aura la chance d'échanger des idées avec les décideurs sur les critères d'admissibilité, les pourcentages et les pointages qui se font de façon à toujours tenter de refléter la spécificité des marchés au Canada, qu'ils soient francophones ou anglophones. C'est indéniable: il y a des différences marquées entre les deux industries, tant du côté de la radiodiffusion que du côté de la production.
Le président: Monsieur Curzi.
M. Pierre Curzi: Je veux juste compléter ce que disait Claire en vous donnant quelques exemples.
Quand c'est la période des cotes d'écoute, des sondages. Les radiodiffuseurs chez nous en profitent pour lancer les émissions dramatiques les plus coûteuses, celles dans lesquelles ils ont investi le maximum d'argent.
Quand on regarde, par exemple, la politique cinématographique canadienne, édictée par Mme Copps et dont l'objectif est d'atteindre 5 p. 100 de l'auditoire, ce qui est un objectif à tout le moins louable, on voit bien que, du côté du Canada anglais, l'an dernier, on a atteint 0,2 p. 100 de l'auditoire au niveau du cinéma alors qu'au Québec, ce fut une très bonne année. Ce fut, je crois, 8 et une décimale. Partout, on est conscient du fait--et on le répète constamment--qu'il faut essayer de s'ajuster aux différentes réalités. Ça peut aller assez loin. Ça peut même aller jusqu'à l'adaptation radicale de certains programmes à la réalité. Ça devrait être le cas.
¿ (0945)
Mme Christiane Gagnon: On nous dit souvent que nous sommes protégés par le rempart de la langue. C'est pourquoi nos subventions sont moindres, du moins dans le cas de Téléfilm Canada, pour certaines émissions ou certains films faits au Québec. On est plus audacieux puisqu'on a décidé de faire du film et de continuer dans cette voie.
Souvent, selon les critiques qu'on a pu entendre ici et là, on serait plus ou moins adaptés à notre réalité. C'est que, du côté anglophone, on cherche à adopter une dynamique américaine pour pouvoir, sur le marché, faire contrepoids aux émissions américaines. On nous dit qu'étant donné que nous profitons du rempart de la langue, cela nous coûte peut-être moins cher pour produire nos émissions. Par conséquent, on nous accorde des subventions qui représentent une moins grande part d'un budget de production.
On s'appuie aussi sur le fait que la population francophone est moins nombreuse.
Êtes-vous d'accord sur cela, ou si vous considérez que nous avons à faire face à d'autres marchés, à percer sur d'autres marchés que le marché américain et qui sont peut-être aussi difficiles à aller chercher? Il y a d'autres dynamiques qui jouent au Québec comme partout.
M. Pierre Curzi: On ne veut pas entrer dans un débat politique. C'est sûr que la langue nous a été utile et que certaines mesures liées à la langue ont permis le développement, par exemple, d'une télévision francophone au Québec nettement différente de ce qui s'est passé au Canada anglais. Cela a été vrai aussi dans le domaine du cinéma.
À la base, actuellement, on tient pour acquis que, dans n'importe quelle partie du Canada, qu'on soit francophone ou anglophone, la question qui se pose, c'est de savoir comment notre culture et ses particularités pourront résister à ce qui est en train de se passer dans le reste du monde, aux synergies de la mondialisation et de ces divers phénomènes. On tient pour acquis que tout le monde, qui que ce soit, a intérêt à se donner des structures très fortes afin, non seulement de se protéger, mais surtout d'assurer un équilibre entre la présence d'une culture qui s'appelle canadienne, ce qui est tout à fait le cas politiquement et ce sur quoi on pourrait tenir plusieurs débats qui ne seraient, je crois, pas très utiles, et la présence des cultures dominantes. Les moyens de ces autres cultures sont tellement faramineux que si on n'agit pas et si on ne maintient pas très fortement en place l'ensemble des politiques culturelles canadiennes, d'une façon assez rigide, on risque de ne pas pouvoir assurer la coexistence de cette culture et de celle des grandes cultures dominantes.
C'est là l'enjeu. Et c'est aussi l'enjeu en ce qui concerne la Loi sur la radiodiffusion. La propriété étrangère, les quotas, les systèmes de réinvestissement sont essentiels pour s'assurer que la culture canadienne, francophone ou anglophone, continue à exister.
Mme Christiane Gagnon: J'ai seulement une autre petite question.
Le président: Madame Gagnon, nous reviendrons à vous avec plaisir.
Mme Christiane Gagnon: C'est très gentil. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mills.
[Français]
M. Dennis Mills (Toronto--Danforth, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président
. J'apprécie l'effort que vous faites ce matin et la vision que vous avez du système de radiodiffusion du Canada. La mienne est la même.
[Traduction]
En fait, monsieur le président, après avoir écouté les témoins au cours des nombreux derniers mois, s'il y a un thème ou un sentiment qui se dégage et dont devrait rendre compte notre rapport, et je crois que l'exposé que nous avons entendu aujourd'hui l'illustre. Cela correspond à mon opinion, car comme je l'ai répété à plusieurs reprises au sein de ce comité, je suis très préoccupé par la façon dont notre souveraineté est en train de s'évanouir sous nos yeux. Nous devrions prendre exemple sur le courage manifesté par les radiodiffuseurs du Québec.
Monsieur Primeau, vous avez parlé de la créativité dans la façon dont nous réglementons l'univers de l'Internet. Est-ce un aspect auquel vous avez beaucoup réfléchi? Je sais que vous avez parler des fournisseurs de services comme étant peut-être l'instrument ou le mécanisme. Mais avez-vous laissé entendre que si nous formulions ce genre de recommandation aux fournisseurs de services, cela pourrait nous aider à protéger nos créateurs? Avez-vous songé à des mesures un peu plus concrètes à cet égard?
¿ (0950)
[Français]
M. Jacques Primeau: Entre autres, nous avons tenu un colloque réunissant l'ensemble des intervenants. M. Curzi était là d'ailleurs, ainsi que Mme Venne et plusieurs intervenants spécifiquement du domaine musical. Nous avons surtout parlé de l'influence d'Internet sur la modification de la consommation dans le domaine musical.
On a pris note, si on veut, de la situation actuelle, entre autres des habitudes de consommation des jeunes en particulier, mais aussi de l'ensemble de la population. On s'est aperçu que 88 p. 100 des abonnés à Internet copiaient des chansons et qu'il se produisait graduellement chez eux un changement de perception à l'effet que la musique, c'est gratuit. Pourquoi acheter un album si...?
Concrètement, cela veut dire que la pratique de la copie a eu pour effet--je prends un chiffre parmi tant d'autres--de faire augmenter la vente des CD vierges de 143 p. 100 l'an dernier. On sait que le graveur devient de moins en moins onéreux. On le voit dans les message publicitaires télévisés: tout est compris, ordinateur et graveur; vous n'avez qu'à presser le bouton. Donc, on se rend compte que c'est passé dans les moeurs.
Devant ce problème, on a invité des experts d'Angleterre, de France, des États-Unis pour constater que tout le monde occidental est à la recherche de solutions, y compris les grands noms des États-Unis. Au Québec, la situation diffère un peu de celle du reste du Canada. Au Québec 90 p. 100 de la production musicale locale est réalisée par des indépendants. Donc, la solution à trouver passe peut-être par des entreprises à très petite capitalisation, des entreprises qui n'ont pas nécessairement un réseau de distribution aussi important que les grandes marques, comme Sony ou d'autres. Donc, il faut trouver des solutions adaptées à notre marché.
À ce point de notre réflexion, nous en sommes arrivés à des pistes multiples de solution. Je ne pense pas qu'il existe de solution miracle, mais une chose est sûre, c'est qu'on doit intervenir d'abord, je pense, pour conscientiser les Canadiens, les Québécois, les Français, les Américains ou qui que ce soit d'autre. On doit sensibiliser le public à ce qui est en train de se faire. Si on ne paie pas pour la musique, si personne ne paie, à un moment donné il n'y aura plus de renouvellement ou de créateurs. Par définition, ces créateurs ne pourront pas vivre. C'est là un premier point.
M. Dennis Mills: Je comprends.
M. Jacques Primeau:Deuxièmement, qu'est-ce qu'on va écouter sur Internet? En ce moment, au Québec, sur cinq disques qui se consomment, il y en a environ un qui est produit au Québec. La population du Canada en consomme un sur 10. Si on continue à avoir accès... Je répète ce que je disais tout à l'heure: il y a un aspect positif dans le fait d'avoir accès à l'ensemble de la production du monde entier. Les Canadiens se retrouvent, comme n'importe quel autre citoyen du monde, devant un plus grand choix. Est-ce qu'ils vont choisir le produit canadien? C'est la question qu'il faut se poser. C'est la même chose pour la télévision parce qu'on y aura de plus en plus accès par Internet.
Alors, je pense qu'il faut intervenir de deux façons. Premièrement, il faut s'assurer que les milliards de dollars qui circulent... C'est que les gens paient pour Internet, jusqu'à nouvel ordre. Les gens paient pour différents services. Qui reçoit de l'argent? Qui paie? Il faut que tout ce monde contribue au développement du talent canadien. C'est la première des choses.
Il faut, deuxièmement, non pas simplement punir mais plutôt encourager les initiatives d'entreprises canadiennes qui mettent en valeur le talent canadien sur Internet. C'est en ce sens qu'on pourrait réglementer. Quand on dit souhaiter qu'Internet soit réglementé, on ne pense pas simplement à une réglementation punitive, mais aussi à une réglementation positive.
¿ (0955)
[Traduction]
M. Dennis Mills: Monsieur le président, M. Primeau...
Le président: Pardonnez-moi, monsieur Mills.
[Français]
Je crois que Mme Des Roches voulait dire quelque chose.
Mme Anne-Marie Des Roches (directrice des affaires publiques, Union des artistes): Je crois que la question de M. Mills se rapportait également à la réflexion qu'on aurait pu faire sur la réglementation possible par rapport aux fournisseurs de services. La réflexion à ce sujet n'a pas été poussée. On parle quand même, aux pages 42, 43, 44, de l'autoréglementation, de l'autorégulation et autres.
L'hypothèse de base qu'on a prise pour commencer à parler des fournisseurs de services--ça peut se faire, par exemple, dans le cadre des discussions sur la Commission du droit d'auteur, sur qui est responsable de paiement de droit sur l'Internet--est qu'on a affaire de plus en plus, sur l'Internet, à des responsabilités partagées. En ce sens-là, ce sera différent de la réglementation traditionnelle qu'on voit au CRTC. Par contre, on a déjà vu au CRTC, dans la mesure où il y a le Code canadien des normes de la publicité et différentes normes de publicité qui viennent de l'industrie et qui sont acceptées par le CRTC... Ce sont peut-être, dans certains cas, certains types de réglementation qui seraient favorables pour faire de l'incitation. Après ça, il y a toutes les incitations de programmes financiers.
En termes de réglementation, je crois qu'avant de rejeter du revers de la main toute forme de réglementation incitative et surtout de responsabilisation--c'est une question de responsabilité--, il faut vraiment regarder les coréglementations, les réglementations par contrat, et comment on peut en arriver à un consensus au lieu de toujours dire que c'est la responsabilité de quelqu'un d'autre, que ce n'est pas moi qui suis responsable.
Je pense qu'il faut se prendre en main, comme société, et responsabiliser tous les niveaux d'acteurs en termes de réglementation sur l'Internet.
[Traduction]
M. Dennis Mills: Monsieur le président, j'ai une brève question.
J'appuie l'orientation que vous prenez; je n'ai simplement pas encore entendu parler de ce que l'on entend par la réglementation créative. Autrement dit, j'ignore comment vous pourriez concevoir une règle ou un règlement qui permettrait en fait d'obtenir le résultat escompté. J'aimerais beaucoup que vous nous en parliez. Cela permettrait de combler le vide.
Je ne veux pas que l'on croie que je prends cette question à la légère. J'ai des filles et je leur ai dit: «Vous rendez-vous compte que vous commettez un vol lorsque vous téléchargez les oeuvres de ces artistes?» On peut en attraper certains mais on ne peut pas les attraper... C'est un grave problème. Vous y avez sans doute beaucoup plus réfléchi que moi. J'aimerais savoir ce que vous entendez par ces règlements créatifs—je reprends ici encore l'expression que vous avez utilisée.
Nous aimerions beaucoup préparer un rapport qui déboucherait sur l'adoption de règlements créatifs sur Internet. Cela nous permettrait alors non seulement de préserver l'intégrité des artistes canadiens, mais aussi leur droit à une rémunération appropriée. Si vous pouviez formuler cela en ces termes, je crois qu'aucun membre du comité n'y verrait d'objection.
Le président: J'en ai vu beaucoup qui ont levé la main.
[Français]
Il y a M. Paradis, et ensuite, je pense qu'il y avait Mme Bertrand Venne et M. Ouellette. Puisqu'il y a plusieurs intervenants, pourrait-on donner des réponses concises, s'il vous plaît?
[Traduction]
M. Richard Paradis: Vous avez soulevé plusieurs questions.
Le comité pourrait envisager deux possibilités. Le ministre a demandé aux Canadiens de dire comment ils concevaient le contenu canadien et d'en donner une définition dans le nouveau contexte actuel, et nous allons tous participer à cet exercice. Je crois que le gouvernement ou le ministre pourrait effectivement poser des questions à la population canadienne. Pensez-vous qu'il faille réglementer l'Internet? Quelle est votre opinion à ce sujet? On pourrait ainsi stimuler la créativité et recueillir de bonnes idées.
En deuxième lieu, je pense que la plupart des membres de ce secteur reconnaissent aujourd'hui l'autorité du conseil, et lorsqu'il a écarté la réglementation de l'Internet, il l'a fait à titre temporaire. Nous pensons qu'il est temps de rouvrir le dossier, de tenir des audiences publiques et d'envisager ce qui pourrait être fait en matière de réglementation. Nous devrions pouvoir proposer des idées originales dans ce domaine.
N'oublions pas qu'il existe des organismes internationaux, comme l'Union internationale des télécommunications, qui fixent les normes de communication et attribuent les fréquences. À l'échelle mondiale, les télécommunications ne sont pas une foire d'empoigne. Le Canada obtient sa part en matière du nombre de satellites à mettre en orbite, de l'utilisation de fréquences et de bandes. Chacun doit observer des règles. Les ondes émises à Montréal en modulation de fréquence ne doivent pas provoquer d'interférence aux États-Unis, et les stations américaines ne doivent pas en provoquer au Canada.
Il ne faut pas renoncer en disant qu'il n'y a rien à faire au plan international. On constate aujourd'hui qu'au niveau international, une poignée de compagnies contrôlent l'accès à l'Internet, aussi bien au Pakistan et en Afghanistan qu'ailleurs. Pourtant, on décide de façon organisée de ce qui va être offert au public.
Tôt ou tard, il faut que les gouvernements interviennent. C'est un secteur en croissance, d'une importance économique capitale pour la culture et pour les individus. L'État ne peut pas prétendre que ce secteur est trop gros pour lui et qu'il ne peut rien y faire.
Depuis des années, nous empêchons la diffusion par satellite de signaux américains au Canada. Les signaux existent, mais les Canadiens ne peuvent les recevoir.
Nous n'avons pas de solution miracle. Nous disons que si le gouvernement établit un mécanisme pour étudier le problème, nous pourrons lui proposer des idées intéressantes.
À (1000)
Le président: Madame Bertrand Venne.
[Français]
Mme Francine Bertrand Venne: Je voudrais tout simplement vous donner quelques exemples où le gouvernement, les réglementations et les lois pourraient nous servir de modèles. Je pense aux câblodistributeurs qui, pendant des années, disaient qu'ils n'étaient que des carriers, comme les fournisseurs d'accès à l'Internet. Avec le temps, avec la revendication du droit d'auteur, on a démontré qu'ils étaient des usagers de droits d'auteur et on a réparti la facture entre les câblodistributeurs et les stations spécialisées.
Modelons-nous sur un exemple comme celui-là pour nous dire qu'avec l'Internet, on pourrait aussi rétablir certains ponts. C'est cela qu'on essaie de vous dire: laissez-nous la possibilité d'évoluer dans la technologie. Je souscris à ce que Richard dit. Créez-nous des comités où on viendra s'asseoir avec les industries pour débattre de façons de faire, parce qu'il y en a, des solutions. Ce qu'on vous demande, c'est de garder courage et de continuer avec votre belle initiative de la Loi sur la radiodiffusion.
M. Marc Ouellette: Ça va. Mme Venne a très bien résumé ce que je voulais dire et M. Paradis aussi.
Le président: Il y a une question qui est un peu intéressante. Nous avons vu, au cours de notre voyage, la fusion de l'Internet avec la radio, tant à Vancouver qu'à Radio-Canada, avec Bande à part, et aussi la fusion de l'Internet avec la télévision, le programme ZeD à Vancouver. C'est une autre dimension: un côté est réglementé et l'autre ne l'est pas.
[Traduction]
Mme Sarmite Bulte (Parkdale--High Park, Lib.): Merci à tous de votre présence. En vous écoutant, je ne trouve aucun point de désaccord. Votre point de vue me plaît. Je vois aussi que la question de l'Internet est très complexe.
J'aimerais parler des organismes internationaux. Quelle est la tribune à laquelle on devrait s'adresser à propos de ce sujet? Il existe différentes tribunes et organismes internationaux. À quelle porte faut-il frapper? Devant quelle tribune faudrait-il parler de tout cela?
J'aimerais revenir à la question de la diversité culturelle dont on parlait tout à l'heure. Comme vous le savez, le ministre fait la promotion d'un nouvel instrument international consacré à la diversité culturelle. Devant quelle tribune faudrait-il le présenter? L'UNESCO, l'Organisation mondiale du commerce? Il en existe déjà une ébauche. Je sais que le ministre espère nous en faire part à notre prochaine réunion. Pouvez-vous aborder la question de la diversité culturelle?
Par ailleurs, devant quelle tribune internationale faudrait-il s'adresser aux fournisseurs de services Internet? Est-ce que ce ne sont pas des fournisseurs de services au niveau international? Ils ne visent pas le Canada. Ils ont une perspective mondiale. Où peut-on agir dans ce domaine au niveau international? Par où faut-il commencer?
[Français]
M. Pierre Curzi: Eh bien, je ne peux pas répondre à vos deux questions, mais je peux répondre adéquatement à la première, c'est-à-dire celle sur la question de la diversité culturelle.
Les sept associations qui sont ici font partie des 32 associations francophones et anglophones de créateurs et de producteurs qui se sont réunies dans ce qui s'appelle la Coalition pour la diversité culturelle. Cette Coalition pour la diversité culturelle représente l'ensemble du milieu des associations professionnelles du Canada. J'en suis le coprésident, l'autre coprésident étant Jack Stoddart, l'éditeur.
La Coalition pour la diversité culturelle a donc reçu l'accord du gouvernement du Canada, de Mme Copps, et aussi du gouvernement du Québec pour défendre le principe suivant: permettre que tout État, toute nation puisse maintenir, soutenir, créer et améliorer l'ensemble des politiques culturelles. Autrement dit, la position première de la Coalition pour la diversité culturelle, c'est de dire qu'il faut conserver aux États leur pouvoir de légiférer, quelle que soit la situation du pays. Ça, c'est notre objectif fondamental.
Pour y parvenir, on a établi deux principes. Le premier, c'est l'exception culturelle. Retirons la culture de tous les traités de commerce, qu'ils soient bilatéraux, régionaux, comme la Zone de libre-échange des Amériques, ou internationaux, c'est-à-dire le GATT, le GATS et l'Organisation mondiale du commerce. C'est la première partie. Commençons par exclure complètement les produits, les biens et les services culturels de toute entente, de tout traité de commerce international. Retirons la culture de la libéralisation du commerce, parce que les lois qui s'appliquent à la libéralisation du commerce vont totalement à l'encontre de toute la structure culturelle d'un pays comme le Canada et de la majorité des pays du monde, d'une part, mais il faut cependant, d'autre part, gérer les échanges entre les différentes cultures.
Comment allons-nous y parvenir? C'est l'autre partie du travail de la coalition. Créons une convention internationale, un organisme international qui gérerait l'ensemble de ces échanges entre les différentes cultures du monde. Ce qui n'est pas défini, c'est quelle forme prendrait cette convention internationale. Quel en serait le contenu? Comment s'assurer que ses principes iraient au-delà des principes ou d'organisations, comme l'Organisation mondiale du commerce; c'est-à-dire qu'on n'aurait pas a retaliation quelque part, des représailles quelconques. Comment s'assurer que cet organisme-là aurait préséance sur les autres ententes de commerce? Et l'autre question qui se pose est la suivante: sous quel chapeau serait-il? Est-ce que ce serait les Nations Unies? Est-ce que ce serait un traité comme celui de Kyoto sur l'environnement? Est-ce que d'autres organismes internationaux devraient chapeauter cette convention? Là, il n'y a pas de consensus, il n'y a pas d'accord. Même Mme Copps, qui est d'accord sur les principes qu'on énonce, n'a pas pris une position claire sur qui devrait gérer cette organisation mondiale.
Le but de cette coalition, dans notre cas, est de vous informer, vous qui décidez et négociez des enjeux qui sont dans cette exception culturelle ou dans cette convention culturelle. Notre but est aussi d'essayer de créer partout, dans tous les autres pays, des coalitions de diversité culturelle qui soient en mesure de faire la même chose chez eux.
On sait que le contexte de chacun des pays est différent, mais on sait aussi que si on veut avoir une diversité culturelle, il va falloir que chacune des cultures continue d'exister. Le but n'est pas d'éliminer des cultures dominantes, mais bien de permettre, au contraire, de meilleurs échanges dans l'offre de notre culture à nos citoyens et dans l'offre de diverses cultures à nos citoyens. Ce que nous combattons, en quelque sorte, c'est l'homogénéisation de ce qui est offert, quel que soit le pays d'origine.
À (1005)
Tout ce que nous disons, c'est qu'il faut maintenir des équilibres dans ce marché qui permettent à tout citoyen de chacun des pays d'avoir accès à une offre diversifiée provenant de cultures différentes.
Le président: Qui va répondre à la deuxième question de madame Bulte?
Madame Bertrand Venne.
Mme Francine Bertrand Venne: L'action du législateur canadien peut s'organiser autour de trois pôles: le financement des sociétés, la réglementation et les lois. Ça peut commencer par le financement qu'on octroie aux sociétés canadiennes de multimédias. Il faudrait encourager l'utilisation du contenu canadien grâce à ce pouvoir de donner des sous à cette industrie. C'est aussi de s'assurer que les contrats passés avec des artistes soient adéquats. Je pense que dans ces secteurs aussi vous avez le droit de vérifier comment ça se passe.
Deuxièmement, la Loi sur le droit d'auteur ne doit contenir aucune exception qui empêche un créateur de gagner sa vie éventuellement sur Internet. Il faut savoir que la Loi sur le droit d'auteur a une influence sur l'Internet. Il s'agit de savoir comment on va y arriver et par quelle tarification. Il y a la Loi sur le droit d'auteur et, au fond, il s'agit de déterminer qui en est responsable.
Mais ce serait déjà un point de départ pour vous, législateurs, de penser que vous agissez sur l'Internet quand vous vous assurez que les gens qui sont ici ont la possibilité de tirer le revenu de leur propriété intellectuelle, donc que la Loi du droit d'auteur soit modifiée dans un sens qui nous permette de conserver nos assises juridiques et de gagner notre vie sur l'Internet.
Ce sont des pôles importants qui vous permettent d'avoir l'impression que vous vous occupez de l'Internet. Je vous assure que les collectifs de droits d'auteurs, tous tant que nous sommes autour de cette table, trouveront le moyen de mieux trouver leur équité sur Internet. Déjà, pour vous, il y a des pistes pour commencer à agir.
À (1010)
Le président: J'avais compris aussi que Mme Bulte voulait savoir quelles étaient les organisations internationales.
Mme Francine Bertrand Venne: Il y a l'OMPI, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Il y a la CISAC, la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et de compositeurs.
[Traduction]
M. Richard Paradis: J'entends beaucoup parler des droits des groupes représentatifs au niveau international. Ils veilleront évidemment à leurs intérêts et s'efforceront de faire reconnaître leurs droits. En ce qui concerne le gouvernement, nous demandons avant tout à l'autorité réglementante, c'est-à-dire au CRTC, de rouvrir son dossier sur les mesures à prendre à l'égard de l'Internet.
Les organismes de réglementation se rencontrent tous les ans grâce à diverses tribunes. Il existe un Institut international des communications, où les dirigeants des organismes de réglementation, comme le FCC aux États-Unis et les équivalents français et britannique du CRTC, se réunissent chaque année. Ils y parlent de la nouvelle économie et du nouvel environnement des communications. Les responsables de la réglementation pourraient commencer à y évoquer ce qu'ils entendent faire dans le cadre de leur mandat pour s'occuper de l'Internet.
Il va falloir intervenir, car l'avenir s'oriente résolument vers l'Internet. Il vaut mieux commencer dès maintenant à se pencher sur la question pour essayer d'en venir à bout, plutôt que de risquer d'en perdre totalement le contrôle. Au plan international, il y a à Genève des milliers de spécialistes qui étudient les questions de télécommunications et qui décident de l'attribution des fréquences et des tarifs. Leur organisme relève des Nations Unies. Pourquoi est-ce que le gouvernement canadien n'envoie pas de représentant qui pourrait poser des questions, pourquoi est-ce qu'on ne commence pas à se pencher sérieusement sur la question de l'Internet?
Même s'il est possible de créer un site Internet dans n'importe quel pays, il faut voir qui possède actuellement les infrastructures et qui peut rejoindre des millions d'utilisateurs canadiens et étrangers grâce à l'Internet. Les propriétaires des infrastructures ont presque tous leur siège social aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Ils forment un secteur d'une vigueur économique considérable. Il devrait donc être possible de les réglementer, même si leur base opérationnelle se trouve ailleurs.
[Français]
Le président: Vous savez, en tant que praticiens du domaine des arts, vous avez la parole très facile et c'est beau de vous écouter. Malheureusement, on joue un peu contre la montre ici. Alors là, nous avons Mme Lill, M. Duplain, Mme Hinton et Mme Gagnon qui voudraient... Il faudrait donc accélérer un peu les choses.
Alors, monsieur Curzi, allez-y brièvement. Je pense que Mme Bulte a une autre question.
M. Jacques Primeau: Je vais essayer d'être bref, comme si nous étions à la radio: « En 15 secondes, votre point de vue sur l'Internet, monsieur Primeau ». Je dirais que le message essentiel est que le CRTC doit revoir la réglementation qui s'applique à l'Internet et je pense qu'on compte sur vous pour leur transmettre le message qu'il faut, effectivement, lancer une grande période de consultations sur le sujet.
Le Canada a été régulièrement perçu comme un leader mondial en ce qui concerne la réglementation de l'Internet. Le Québec aussi, dans certains dossiers, mais plus particulièrement le Canada. Le CRTC est respecté partout dans le monde. Donc, je pense que le Canada a une responsabilité, tant en ce qui concerne la diversité culturelle que la mise au point de solutions originales en matière d'Internet.
Cela fait plus que 15 secondes, mais quand même, c'est mieux que rien.
À (1015)
[Traduction]
Mme Sarmite Bulte: Je suis assez d'accord avec vous, mais d'après ce que j'entends ici aujourd'hui, nous ne pourrions pas agir seuls; il faut bénéficier de la collaboration internationale. Et je ne pense pas que le ministère ou que le gouvernement soit véritablement conscient de la nécessité de résoudre le problème grâce à la collaboration internationale; il faudrait trouver la bonne formule et commencer à en parler partout où nous allons.
Voilà ce que je voulais dire ultimement.
Le président: C'est un excellent message.
Madame Lill, c'est à vous.
Mme Wendy Lill: Merci beaucoup.
Vous m'excuserez de ne pas avoir assisté à votre exposé. Je me promets bien de le lire. Mon avion a dû affronter le brouillard.
J'aimerais que M. Paradis continue de nous parler de ces énormes sociétés qui contrôlent l'accès à l'Internet et qui décident des services à offrir au public, car personne n'en parle. Ce qu'on entend dire, c'est que pour nous tous, le choix est infini et que l'on peut obtenir tout ce que l'on veut sur l'Internet et sur nos écrans de télévision. Personnellement, je n'y crois pas. Je pense qu'il existe toutes sortes de critères de sélection qui n'ont rien à voir avec le contenu canadien ni avec la rétribution des créateurs de ce pays. Aidez-nous à comprendre les méthodes qui s'appliquent et les décisions qui peuvent limiter nos choix quant au contenu canadien de ce que l'on peut voir.
M. Richard Paradis: Pour être bref, à la demande de la présidence, nous pouvons prendre deux exemples canadiens: le premier est Québécor Média,
[Français]
qui est propriétaire de la station de télévision la plus importante au Québec et de beaucoup de revues, magazines et journaux.
Si vous allez sur le site de Quebecor, qui est aussi propriétaire d'Archambault Musique, et si vous faites appel au portail de Quebecor, il est fort probable que vous obtiendrez les produits attachés à la propriété de Quebecor en premier lieu quand vous ferez votre recherche. De la même façon, si vous faites appel à Sympatico avec Bell Canada, au Canada anglais, quand vous allez faire appel à certains types de services ou de produits, selon les mots clés employés, vous allez obtenir en premier lieu les produits de cette entreprise. Les entreprises sont dans la situation où elles peuvent contrôler la réponse qui va vous être fournie quand vous demandez quelque chose.
On voit, depuis à peu près six mois ou un an, que ces entreprises se tournent vers des fournisseurs de contenu et leur disent que s'ils sont disposés à payer, leur produit apparaîtra en premier lieu quand des recherches seront faites.
Donc, on voit tout le système qu'on est en train d'installer pour mettre sur le marché l'accès à l'Internet. Le consommateur qui s'adresse au système pour faire une recherche pense, tout bonnement, que l'univers cherche à sa place et qu'il va obtenir le renseignement idéal, la meilleure réponse. Mais derrière tout ça, les entreprises s'organisent pour structurer le logiciel et lui faire générer des revenus. Et c'est là le danger. Mais comme nous en sommes encore au début de ce genre d'opération et comme nous voyons les dangers que cela représente, il faut que les gouvernements se saisissent de cette question et s'en occupent.
[Traduction]
Mme Wendy Lill: Après ce que vous nous avez appris, il faut maintenant décider de l'orientation à prendre, mais vous nous dites qu'il est temps de procéder à des consultations. Il faut que le CRTC rouvre ce dossier et se renseigne auprès de ceux qui connaissent ces questions.
[Français]
M. Pierre Curzi: On découvre certaines choses. Je ne savais pas que certaines compagnies étaient en train de faire ça.
Moi, je dis qu'il faut tenir compte de cinq aspects. Il faut, en premier lieu, qu'on puisse identifier ce qui est mis sur le Net, donc il faut trouver un mode d'identification des produits culturels accessibles sur le Net. Je sais qu'au Canada, on travaille là-dessus.
Deuxièmement, il faut pouvoir intervenir sur ceux qu'on appelle les fournisseurs de services Internet. Je ne sais pas comment on peut le faire mais je sais qu'il y a moyen, semble-t-il, d'intervenir là.
Troisièmement, il faut qu'on ait les ressources pour créer des portails importants afin que les gens sachent et puissent identifier qui on est.
Quatrièmement, il faut pouvoir éduquer les gens au fait que, pour avoir accès à la culture canadienne, il y a un prix à payer pour la garder vivante.
Le cinquième point porte sur ce qui s'appelle la copie privée, c'est-à-dire que le fait qu'on achète des disques à graver pour reproduire. Tout cet aspect-là devrait être examiné, de même qu'on devrait imposer à ceux qui bénéficient des services Internet et en tirent des profits qu'ils réinvestissent une partie de ces profits.
Ce sont les cinq points sur lesquels on peut actuellement intervenir.
À (1020)
Le président: Monsieur Duplain. Souriez, monsieur Duplain, c'est à vous.
M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): Ce n'est pas parce que je n'ai plus rien à dire. C'est que M. Curzi vient d'affirmer ce que je voulais dire. Je trouve bizarre qu'on jase de réglementation, alors que ce n'est pas la réglementation qui fait que je consomme de la culture au Québec ou au Canada. C'est parce que j'aime ce que vous faites. D'après moi, on doit parler des moyens que l'on doit donner pour que la production soit bonne afin d'intéresser les gens à écouter la culture française, québécoise et canadienne. Par exemple, vous parliez du gravage de disques, pour lequel des règlements sont faits.
Avant d'être député, j'étais en affaires. Quand je voulais régler un problème, je m'attaquais aux sources, aux dépenses et aux fuites d'argent. Pas plus tard que la semaine dernière, je suis allé voir mon ami à son bureau, un bureau où travaillent plusieurs fonctionnaires. J'ai vu une petite affiche collée sur un séparateur: on pouvait graver des CD pour 5 $. Voilà ce qu'on annonçait dans un bureau. On a une réglementation là-dessus et cela se fait ouvertement. Quand j'en ai parlé à mon ami, il m'a dit que ça coûtait 5 $, que tout le monde le faisait, que ça se disait ouvertement. Il me semble qu'on doit commencer par la base. L'argent qu'on va y récupérer pourra servir à promouvoir la culture, comme vous dites.
Vous êtes-vous déjà demandé ce que voulaient les Canadiens? Je me demande ce qu'ils veulent. Je ne pense pas que les Canadiens veuillent consommer de la culture américaine. Ils veulent de la culture canadienne, d'après moi. On est peut-être un peu plus chanceux au Québec parce que la différence de la langue nous protège peut-être de la culture américaine. Ce n'est pas tout le monde au Québec qui parle anglais. Les gens ne peuvent pas toujours comprendre ce qui se fait aux États-Unis, mais avec la traduction, on y a accès.
Je me pose beaucoup de questions sur la différence entre la réglementation qu'on veut faire et les moyens qu'on a. Si on fait plus d'éducation et qu'on donne plus de moyens, la réglementation sera peut-être moins importante qu'on le pense.
Le président: Monsieur Primeau.
M. Jacques Primeau: Souvent, l'un ne va pas sans l'autre. Par exemple, le règlement sur les quotas de chansons françaises au Québec a eu un impact important: la consommation était dramatiquement basse au début des années 1980, et on est monté jusqu'à 30 parts de marché à partir du moment où on a augmenté ces quotas.
On a vu le même phénomène en France dernièrement, où on a augmenté les quotas de chansons françaises. La France a suivi l'exemple du Québec et du Canada, et cela a fait augmenter considérablement les parts de marché en France. C'est la meilleure performance en Occident: on dépasse 50 p. 100 de consommation de productions locales. On peut identifier clairement deux impacts. L'impact des quotas a fait en sorte que les majors, entre autres en France, ont doublé ou triplé, je crois, l'investissement dans la production de talent, et on a donc créé des produits que le consommateur aimait mieux.
Donc, il arrive souvent que la réglementation favorise ou augmente les investissements dans la production de talent local et, à ce moment-là, les gens aiment la production. Vous ne pouvez pas aimer ce que vous ne connaissez pas. Si vous ne contribuez pas à ce qu'il y ait une masse de talent suffisante pour correspondre à la réalité d'aujourd'hui, qui est celle d'un public de plus en plus segmenté et de plus en plus spécialisé, si vous ne produisez pas partout, vous ne savez pas ce que vous manquez. Les gens vont aller trouver ce qu'ils veulent ailleurs.
Donc, je pense que la réglementation et la contribution à une production de qualité sont souvent intimement liées.
À (1025)
Le président: Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: On veut aussi écouter et regarder de la musique et des films américains. Je pense qu'il y a de la bonne production américaine. Je m'ennuierais si je ne pouvais pas voir Woody Allen et Robert Altman. Il ne faut pas non plus partir en guerre contre les Américains. Je pense qu'on en a plutôt contre le dumping de la violence et des émissions à petit budget qui envahissent nos écrans, surtout les écrans du Canada anglais. Mais il y a de la bonne production américaine et de beaux talents américains. On a de beaux talents au Québec et au Canada, mais en même temps... Je pense qu'on se comprend là-dessus.
J'aimerais parler de deux types de propriété. En ce qui concerne la propriété étrangère, et vous avez été clair là-dessus, il n'est pas évident que le combat est gagné. On sait qu'Industrie Canada aimerait bien élever le plafond parce que, dit-il, les entreprises de télécommunications pourraient progresser et on pourrait développer l'industrie des télécommunications. Mme Copps disait que d'abord que le contenu était là... Eh bien, il n'est pas évident de préserver le contenu, qu'il soit québécois ou canadien. J'aimerais vous entendre encore une fois là-dessus.
En ce qui concerne la propriété croisée, le danger d'exclure des artistes et des oeuvres d'entreprises qui ne font pas partie du groupe est une autre réalité. Je comprends que cela peut exister. On a maintenant des cas de propriété croisée. On a des groupes. Avez-vous déjà subi cela? Pouvez-vous nous donner des exemples de propriété croisée qui auraient été néfastes pour l'industrie ou pour les artistes? Donc, j'aimerais vous entendre sur ces deux aspects.
J'ai une dernière question, et j'aurais aimé que M. Abbott soit ici pour l'entendre. Je pose tout de suite cette question parce que M. le président ne me redonnera plus la parole. Cet après-midi, on aura à se prononcer sur une motion des alliancistes portant sur le transfert des cassettes aux CD, dont le contenu est ensuite transféré sur disque dur en vue de la diffusion. On a déjà un premier coût. Quand on se sert de la cassette pour la diffusion, on a un droit à payer. Le parti de l'Alliance canadienne veut que le droit de transfert soit annulé quand ce transfert ne se fait pas en vue d'une diffusion. À ce moment-là, il y aurait deux droits à payer: le droit du transfert et celui de la diffusion quand le contenu est rendu sur le disque dur, avec la nouvelle technologie. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
J'ai posé trois questions et je n'en poserai plus d'autres. Merci.
M. Richard Paradis: Je vais répondre aux deux premières et laisser mes collègues répondre aux deux premières et à la troisième. Pour ma part, je ne toucherai pas à la troisième.
Sur la propriété et la hausse du pourcentage alloué pour les télécommunications ou la radiodiffusion, pendant longtemps, la réglementation faisait une distinction entre les télécommunications et la radiodiffusion. On disait que les gens des télécommunications distribuaient de la voix ou des données, mais n'avaient aucun contrôle sur le contenu qu'ils véhiculaient. Alors, on les réglementait d'une certaine façon. Dans le cas de la radiodiffusion, on a toujours été conscient que c'étaient des contenus que les gens consommaient, et on voulait s'en occuper.
Le problème, c'est qu'avec les changements de propriété, les entreprises de télécommunications sont maintenant propriétaires d'entreprises de radiodiffusion. Dans la discussion qu'on aura sur la propriété... Les entreprises de télécommunications sont toujours les premières à rehausser le pourcentage, et ensuite on s'adapte tranquillement du côté de la radiodiffusion. On se dit qu'on l'a fait en télécommunications, que ce n'est pas si grave, qu'on peut donc le faire en radiodiffusion, et que si on ne dépasse pas 49 p. 100 sur l'ensemble, c'est correct.
Le entreprises de télécommunications recommencent à dire que les télécommunications devraient être différentes de la radiodiffusion parce que c'est une autre dimension, mais on est dans un nouvel environnement où elles sont un joueur dans le domaine des contenus. Donc, il va falloir faire très attention.
Par exemple, on pourrait envisager d'ouvrir la question de la propriété, mais à la condition que les entreprises de télécommunications se débarrassent de toutes les entreprises reliées au contenu dont elles sont propriétaires. Si elles reviennent à ce qu'elles étaient auparavant, c'est-à-dire des conduits, cela pourrait être envisageable.
Voilà qui nous amène à votre deuxième question sur la propriété mixte. Ces entreprises sont toutes en propriété mixte. J'aime beaucoup écouter M. Monty, qu'on va probablement entendre de plus en plus ces jours-ci, étant donné ce qui se passe chez BCE. M. Monty est un des premiers à dire qu'il n'est pas capable de nous dire ce que la propriété mixte doit avoir comme résultat. On va probablement voir dans les prochains jours que ça devient pour lui une grosse préoccupation, parce qu'il a acheté un paquet de choses qui ne rapportent pas très rapidement comparativement à ce qu'il avait auparavant: tout le monde avait un téléphone et tout le monde payait son tarif à tous les mois.
On sait aussi qu'il y a des problèmes assez importants chez Quebecor, l'autre propriété mixte, où, à chaque semaine, on déclare qu'on a payé beaucoup trop cher certains intérêts qu'on a achetés dans le domaine du contenu.
Donc, pour ce qui est de la propriété mixte, ce qui est préoccupant, c'est que de grosses entreprises dans d'autres secteurs ont pris possession d'entreprises de contenu. Est-ce qu'elles sont prêtes à faire le sacrifice qu'il faut faire dans ces entreprises de contenu pour s'assurer qu'on continue à en développer, ou si elles vont avoir une mentalité du retour sur l'investissement et commencer à tenir moins compte de l'importance du contenu?
Je vais vous donner un exemple. Vous parliez du cinéma américain que tout le monde aime. Savez-vous qu'on fait moins de films aux États-Unis maintenant qu'on en faisait il y a 10 ans? C'est parce que les studios sont contrôlés par des mégagroupes et que ces groupes prennent maintenant des décisions sur les films qui vont se faire en fonction de leur rentabilité. On ne fait plus de films comme dans le temps des studios, alors qu'un monsieur assis avec son cigare disait qu'il allait faire 12 films dans l'année: deux parce qu'ils allaient rapporter des dizaines de millions de dollars et les autres parce qu'il les aimait. On ne fait plus ça à Hollywood. À Hollywood, on se demande combien ça va rapporter. Si c'est pas assez, on ne le fait pas.
À (1030)
[Traduction]
Le président: Monsieur Primeau.
[Français]
M. Jacques Primeau: Je vais intervenir particulièrement sur la dernière question, plus précisément sur la proposition dont on débattra cet après-midi. Je vais ensuite laisser Mme Venne intervenir spécifiquement sur la question du droit d'auteur.
Je dois dire que le discours général de l'ACR sur la situation de la radiodiffusion... On n'a pas beaucoup parlé de radio ce matin, mais je vais en parler un peu. Sur la situation de la fabrication des grands groupes, je vais donner des exemples québécois parce que ce sont ceux que je connais le plus, mais je pense que, grosso modo, la situation est la même dans le reste du Canada. On est effectivement arrivé à de nombreuses transactions. Je vais donner des chiffres. En trois ans, d'octobre 1998 au 27 novembre 2001, il y a eu au Canada 37 transactions qui ont mobilisé 861 millions de dollars d'investissements. Donc, il y a eu un mouvement assez important.
Pour ce qui est des résultats, je vais donner encore là des exemples québécois. Je me souviens d'avoir entendu des discours alarmistes à la radio, entre autres quand on voulait augmenter les quotas de chansons françaises à 65 p. 100. On a entendu certains propriétaires de stations ou de réseaux québécois dire qu'on allait les acculer à la faillite. Résultat: il y a un an ou deux, les propriétaires des deux groupes les plus importants au Québec ou à Montréal--on parle de CKOI, la station la plus écoutée au Canada, et de CKMF, la station du réseau Radiomutuel à Montréal--se sont partagé 80 millions de dollars dans un cas et 40 millions de dollars dans un autre cas. Ça ne va pas si mal que cela.
Dernièrement, Astral, qui a acheté Radiomutuel pour quelques centaines de millions de dollars, révélait à tout le monde que le groupe Astral était très confiant et espérait une réponse positive pour l'achat de Télémédia. On sait que c'est une transaction de 250 millions de dollars qui est en suspens parce que le Bureau de la concurrence a émis ses réserves là-dessus. Mais Astral révélait devant ses actionnaires, il y a à peine un mois, qu'elle n'avait aucune dette et qu'elle attendait la réponse avec impatience, parce que si elle ne plaçait pas les 250 millions de dollars dans Télémédia, elle allait les placer ailleurs.
Ça ne va pas si mal que cela dans le domaine de la radio. On parle de performances assez extraordinaires. En ce moment, il y a 814 millions de dollars d'investissements qui sont en suspens et qui attendent des réponses du CRTC, du Bureau de la concurrence, etc.
On entend dire que c'est épouvantable parce qu'on paye une taxe de plus, une taxe supplémentaire. Je laisse aux experts le soin de commenter sur les raisons pour lesquelles il y a effectivement une contribution quand on fait une copie de quelque chose. Je pense que c'est au Bureau du droit d'auteur de déterminer combien ça vaut. Ça, je ne le sais pas. Je pense qu'il y a des instances pour cela.
Mais il faut expliquer une chose. En radio, il y a évidemment les animateurs à payer, et j'en conviens, mais la majorité du contenu est quand même constitué de musique. Quand on exige 5 ou 6 p. 100 de l'ensemble des revenus, on n'étrangle personne. C'est cela qu'il faut retenir.
À (1035)
Mme Francine Bertrand Venne: Jamais je n'ai été aussi heureuse que le Parti libéral soit majoritaire. J'espère que le Bloc québécois va voter avec le Parti libéral pour rejeter cette motion.
Je disais tout à l'heure à Mme Bulte qu'il y avait ici un système qui s'entrecroisait. Ça, c'est la question fondamentale. Si vous voulez que la culture canadienne perdure, il ne faut pas qu'il y ait d'exceptions dans les droits reconnus aux créateurs du contenu culturel.
Une licence obtenue par un collectif autorise une compagnie de radio ou de télévision à faire toutes les reproductions dont elle a besoin pour faire son travail. Il n'est pas question ici de limiter cela à la technologie, à une technologie particulière. Il s'agit de comprendre que, quand on demande au législateur de ne pas faire d'exceptions dans des lois et de s'en tenir à un principe de droit d'auteur immuable, cela veut dire que cela permet une évolution technologique beaucoup plus souple que si on a une loi dans laquelle il y a toutes sortes d'exceptions. Là, l'avenir des créateurs sur Internet est mis en péril par des trucs comme ceux-là.
L'ACR est venue vous dire qu'elle avait besoin de modifications à la Loi sur le droit d'auteur pour survivre. Je vais vous donner un exemple. Le tarif radio de la reproduction était, à la Commission du droit d'auteur, de 1,96 p. 100 des revenus bruts des stations de radio. Quand les radiodiffuseurs déposent un tarif à la Commission du droit d'auteur pour obtenir, sur leur propriété intellectuelle, une tarification pour les moniteurs médiatiques--ce sont des gens qui offrent des services de coupures de journaux--, ils demandent 25 p. 100 de la valeur des revenus de ces compagnies. Je veux tout simplement vous dire que
[Traduction]
ce qui est bon pour l'un est bon aussi pour l'autre.
[Français]
Les créateurs du Canada ont autant besoin de gagner leur vie dans l'évolution normale de la technologie que les gens d'affaires. C'est pour ça qu'on veut que les radiodiffuseurs restent de propriété canadienne, malgré leurs revendications quant à la modification de la Loi sur le droit d'auteur.
La motion de M. Abbott est directement reliée à ce que je disais à Mme Bulte. Cela fait partie d'une économie de loi qui assure un contenu culturel canadien fort. Il faut assurer aux créateurs un revenu décent. Une motion comme celle-là viendrait enrayer une grande partie du droit de reproduction des auteurs-compositeurs canadiens et, par le fait même, empêcherait l'évolution normale des nouvelles technologies. C'est pour ça qu'on vous demande de tout notre coeur de bloquer cette motion.
J'espère que vous ne serez pas malades et que vous serez tous présents au vote.
Le président: Madame Bertrand Venne, on ne fait pas de politique ici.
Des voix: Ah, ah!
Mme Christiane Gagnon: D'une certaine façon, surtout avec les témoins de ce matin, on n'en fait pas.
[Traduction]
Le président: Pardon?
Mme Sarmite Bulte: Je tiens à signaler qu'il n'y a pas de vote ce soir. On est en train de discuter de la motion mais il n'y a pas de vote. Il s'agit seulement d'un débat.
[Français]
Le président: S'il n'y a pas d'autres députés qui veulent vous poser des questions, je vais vous en poser deux.
Par rapport à la propriété étrangère, votre présentation a été très claire. Vous ne croyez pas dans la séparation de l'infrastructure et du contenu, concept qui nous a été présenté par d'autres parties. Souhaitez-vous qu'on maintienne les pourcentages à 33 1/3 p. 100 et 20 p. 100, ou si vous accepteriez que le 33 1/3 p. 100 devienne 49 p. 100? C'est une question qui est devant nous d'une façon ou d'une autre. Il serait donc bon que vous nous disiez où vous vous situez à cet égard.
M. Pierre Curzi: Je vais répondre. Il semble que, de notre part, il y a consensus pour qu'il y ait un statu quo pour ces proportions-là.
Le président: Ça, c'est clair.
Deuxièmement, il y a une question qui nous a été soumise presque partout au Canada. C'est la même chose à Vancouver qu'en Alberta, en Saskatchewan et au Québec. C'est la question de la radio et de la diffusion de la télévision locale et communautaire. Cette question est revenue constamment. Il y a une espèce de crainte dans toutes les communautés dont nous avons entendu les représentants, incluant certainement celles du Québec. On craint qu'avec toutes ces grosses fusions et le contrôle de grosses sociétés, l'autonomie des mouvements communautaires et locaux se perde de plus en plus et que nous perdions quelque chose de très précieux. Les citoyens demandent à tout prix qu'on revienne au local et au communautaire. Est-ce que vous avez des vues particulières là-dessus?
À (1040)
M. Jacques Primeau: Pendant 15 ans, j'ai été impliqué dans une radio communautaire à Montréal qui s'appelle CIBL. Donc, je connais bien la radio communautaire. Je connais moins la télé communautaire. Je peux vous dire que c'est un phénomène un peu particulier au Québec. On a une quinzaine de radios communautaires dans différentes régions. Je pense qu'il faut se pencher sur cette réalité. Dans certains secteurs géographiques, les radios communautaires, en particulier, correspondent à un besoin, puisque les grands médias ne jugent pas suffisamment «rentable» de faire de l'information locale dans ce secteur. Donc, elles comblent un besoin. Je pense à la Gaspésie ou aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple. Il y a des secteurs où les radios communautaires jouent un rôle essentiel de premier service, comme le CRTC l'appelle.
Dans le milieu urbain, comme à Montréal, il va devenir de plus en plus nécessaire de compléter les services que la radio et la télé d'État offrent, parce qu'on cherche évidemment le plus grand dénominateur commun. L'information très locale dans certains secteurs géographiques et dans certaines réalités urbaines ne sera couverte ni par les médias privés ni par les médias publics. Je pense qu'il faut encourager le développement de ces alternatives qui sont absolument nécessaires, autant dans le domaine de la télé que dans celui de la radio. Il ne faut pas oublier cette dimension.
Cependant, je tiens à réaffirmer une chose qu'on n'a peut-être pas eu le temps d'aborder aujourd'hui et dont on voulait parler dans notre mémoire: c'est l'importance de garder une télévision et une radio d'État très fortes et en très bonne santé. Si la télévision et la radio d'État sont fortes et en bonne santé, on sera en mesure de leur donner des devoirs plus difficiles à effectuer.
La radio d'État a des devoirs à effectuer en matière d'information régionale. Il faut lui donner les moyens dont elle a besoin et, après cela, on va se permettre d'être plus exigeant. Pour la télévision, c'est la même chose. Je ne pense pas que Radio-Canada ou CBC doive devenir une télévision élitiste. Je pense que c'est une télévision au service de tout le monde et que la télé publique doit être motivée à aller plus loin.
Je pense que la radio publique doit aussi viser à rejoindre l'ensemble des auditeurs, mais je ne pense pas que sa mission doive s'arrêter là. Je pense qu'elle a des devoirs spécifiques, particulièrement en termes d'information locale, et il faut lui donner les moyens.
Je donne un exemple. En France, dernièrement, on a jugé bon de créer un réseau pour rejoindre spécifiquement les jeunes qu'on ne réussissait pas à rejoindre avec la radio d'État conventionnelle, un peu comme si Bande à part, qu'on entend à la radio de Radio-Canada, devenait une fréquence FM à part entière. Pourquoi? Parce que les radios publiques ou les radios privées ne diffusaient pas suffisamment de variétés dans le contenu musical. Il y avait beaucoup de production locale et nationale, mais elle était exclue sur les réseaux privés et publics. Ce nouveau réseau, qui s'appelle Moove, a eu un succès instantané qui a fait réagir les radios privées. Je pense qu'il ne faut éliminer aucune hypothèse quant au développement du rôle de Radio-Canada, autant en radio qu'en télévision.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Je voudrais tous vous remercier d'avoir comparu ici aujourd'hui. Je pense que cela a été l'une des séances les plus riches et les plus importantes pour nous, surtout étant donné le consensus qui s'est dégagé de votre groupe. C'est vraiment quelque chose d'assez significatif et même remarquable. On vous remercie beaucoup d'avoir été ici avec nous. Je pense qu'on va garder le contact au fil des mois. Merci beaucoup.
Avant que nous passions au prochain groupe, Impératif français, je voudrais dire aux membres du comité que nous aurons demain une présentation des officiels du ministère sur le projet de loi S-7. Je pense que vous avez donné avis d'une motion pour inviter aussi CBC. On pourra en discuter lorsque les délais...
À (1045)
[Traduction]
M. Dennis Mills: Pourquoi ne convoquons-nous pas ce groupe—Pierre Berton et Margaret Atwood? Ils ont beaucoup réfléchi à la concentration de la propriété des médias. Ils viennent tout juste de former ce groupe le mois dernier. Si nous pouvions les recevoir, cela témoignerait d'une grande souplesse de notre part.
Le président: Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes.
À (1046)
À (1051)
[Français]
Le président: Nous allons continuer avec le mouvement Impératif français représenté par M. Jean-Paul Perreault, le président; M. Léo La Brie, conseiller; Mme Andrée Caya, adjointe à la présidence; M. Claude Lafrenière, membre du conseil d'administration.
M. Perreault, allez-y.
M. Jean-Paul Perreault (président, Impératif français): Monsieur le président, messieurs et mesdames du Comité permanent du Patrimoine canadien, c'est avec plaisir que nous avons accepté votre invitation et que nous vous ferons part aujourd'hui de commentaires et d'observations sur la radiodiffusion au Canada.
Nous avons préparé un texte à titre de présentation vocale. S'il y a des gens qui veulent en obtenir une copie, nous l'avons ici avec nous et nous nous ferons un plaisir de vous le distribuer.
Depuis plusieurs années, le Québec, seule juridiction majoritairement francophone au Canada, réclame les pleins pouvoirs dans la gestion des médias électroniques transmis par ondes hertziennes terrestres et par câblodistribution à l'intérieur de ses frontières.
Aujourd'hui, nous vous parlerons de décisions, de la réglementation et de la conscience du régulateur des ondes.
D'abord les décisions. En 1996, le CRTC a permis à des télédiffuseurs privés de réémettre leurs signaux à Ottawa. Il s'agissait des décisions du CRTC numéros 96-542 à 96-546. Selon l'article 17(6) du Règlement sur la distribution de radiodiffusion, les câblodistributeurs doivent diffuser les signaux transmis localement de chaque côté de la frontière Québec-Ontario. Cette décision a forcé le câblodistributeur du côté québécois à offrir ses stations dans son service de base, élargissant ainsi la gamme de services de télévision en langue anglaise du côté québécois.
En même temps, ici à Ottawa, Rogers Cablesystems ne s'est pas gêné pour déménager Télé-Québec à la case 70--elle est maintenant à la case 69--en prétextant l'arrivée de ces nouveaux réémetteurs. Les abonnés équipés de synthoniseurs limités à 50 ou 60 canaux se sont donc alors vus privés de Télé-Québec.
Toujours en 1996, en vertu de la décision 1996-120 de septembre 1996, le CRTC a octroyé 23 permis de diffusion à des chaînes spécialisées dont quatre seulement étaient de langue française.
En 1997, la décision 1997-85 a donné le feu vert à une nouvelle station de télévision privée de langue anglaise à Québec, CKMI-UHF-20, affiliée à Global, et ce, malgré le contenu étatsunien élevé de Global et malgré le faible pourcentage d'anglophones à Québec-Lévis, environ 2,3 p. 100. Même si la moitié des stations de la grille Vidéotron à Québec était déjà de langue anglaise, le CRTC a néanmoins jugé que cette pseudo-minorité avait besoin d'un autre service dans sa langue, si on en juge par le texte suivant:
L'autorisation du nouveau service de télévision TVA-CanWest Global se traduira par une programmation régionale améliorée, offrant un service supplémentaire à la communauté anglophone du Québec. |
Avec ces décisions, il y a aujourd'hui au Québec autant de services télévisuels privés en anglais, CFCF et Global, que de services télévisuels privés en français, TVA et TQS. Où était le besoin?
On a appelé cela la programmation régionale améliorée, alors que la proportion de ce volet dans la programmation locale n'était que de 6 p. 100. Le CRTC s'est empressé d'acquiescer à la demande de Global. Global voulait aussi des réémetteurs à Sherbrooke et à Montréal. Bien sûr, à cette demande, le CRTC a dit oui.
En juillet 1997, dans son avis public 1997-96, le régulateur fédéral a approuvé la distribution de 18 nouveaux services étrangers par satellite et par câble au Canada, sans ajouter une seule chaîne étrangère de langue française. Cette décision a ainsi contribué à éliminer MusiquePlus, Réseau des sports et TV5 des marchés anglophones.
Les décrets du CRTC que je viens de mentionner ont accentué le déséquilibre entre l'offre en français et l'offre en anglais sur le câble.
À (1055)
D'ailleurs, en 1997, Impératif français a dénoncé l'anglicisation et l'américanisation des ondes des deux côtés de la rivière des Outaouais, par exemple. Voici pourquoi: Vidéotron venait d'ajouter neuf nouvelles stations à sa grille dont cinq en anglais, mais en même temps, du côté ontarien, Rogers Cablesystems y allait de 12 nouvelles stations sans une seule en français, profitant même de cette occasion pour écarter SuperÉcran de sa grille.
Ce qui était frustrant dans tout cela, c'est que le CRTC prenait encore une fois partie pour Rogers. D'ailleurs, en décembre 1997, l'éditorialiste du journalLe Droit, M. Maltais, n'avait pas raté l'occasion de dénoncer la situation dans son éditorial ayant pour titre Une autre taloche - Les bons offices du CRTC envers Rogers sont inqualifiables. Je vous cite certains extraits de l'éditorial de M. Maltais:
Les francophones de la région d'Ottawa viennent de recevoir une taloche du câblodistributeur Rogers. Ce dernier a choisi, dans les services optionnels qu'il offre, de ne pas diffuser en ondes les quatre nouvelles licences accordées aux chaînes francophones: les Nouvelles continues de TVA, le Canal Vie, MusiMax et le Télétoon francophone. De plus, Rogers ne diffuse pas SuperÉcran. |
Les ondes, c'est un bien éminemment public. Les organisations qui obtiennent la permission de les exploiter, qu'elles appartiennent au domaine privé ou public, jouissent d'un privilège grâce auquel elles peuvent réaliser des profits. |
Or, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications a permis à Rogers, qui dessert la population d'Ottawa, d'offrir ses services optionnels dans la langue prédominante du marché. Au lieu d'aider les francophones à recevoir des services dignes de ce nom dans leur langue, l'organisme régulateur des ondes au Canada contribue directement à leur assimilation, en pleine capitale du pays. C'est aberrant, inacceptable et révoltant. |
Et c'est signé de la main de Murray Maltais, du journal Le Droit.
En dépit des protestations, le CRTC a continué de banaliser le français. Par exemple, en 1999, le CRTC a accordé une licence à Aboriginal Peoples Television Network qui ne diffuse que 12 p. 100 de son contenu en français, et près de la moitié de cette programmation en français est diffusée pendant la nuit, pendant que la plupart des gens dorment.
D'ailleurs, j'ouvre une parenthèse ici sur la radiodiffusion autochtone. Le CRTC a accordé une licence à une station anglaise pour autochtones sur la bande FM, par la décision 2001-627, à Ottawa. Cette station émettra des deux côtés de la rivière, autant pour les autochtones en sol québécois qu'en sol ontarien. Le message aux autochtones du Québec et du Canada est que la langue anglaise les unit.
Du même coup, le CRTC a approuvé quatre autres stations FM pour la région d'Ottawa et de l'Outaouais, dont une en français. Il s'agit d'une station de musique classique, décision 2001-626, mais on lui a enlevé la fréquence qu'elle avait demandée, le 97,9 FM, pour la donner à une autre station. On a donc joué à la chaise musicale ici, laissant au dépourvu la nouvelle station de langue française. Comment exploiter une station de radio sans détenir une fréquence? Résultat: c'est une coquille vide ou, si on veut, zéro station francophone, une multilingue, avec l'anglais comme langue de fond ou langue de transition, et deux de plus en anglais.
Passons maintenant à la réglementation. Dans le Règlement sur la distribution de radiodiffusion qui dicte les règles d'assemblage des chaînes de télé sur le câble, il y a deux observations dont j'aimerais vous faire part.
Les définitions des marchés anglophones et francophones. Pour gérer un espace analogique restreint, l'accès aux stations de télévision spécialisées payantes et à la carte de langue française ou anglaise est soumis à certaines règles qui définissent les ondes francophones et anglophones en câblodistribution. L'appartenance linguistique d'un marché est donc fondamentale.
La réglementation du régulateur fédéral est ici carrément discriminatoire et dissymétrique puisqu'elle définit comme francophone--écoutez bien--les marchés où, et je cite: «...la population dont la langue maternelle est le français compte pour plus de 50 p. 100 de l'ensemble [...] dans la zone de desserte autorisée».
Mais: «le câblodistributeur qui...», et je cite: «...n'exploite pas son entreprise dans un marché francophone est automatiquement considéré comme exploitant son entreprise dans un marché anglophone». Vous trouverez cela au sous-alinéa 18(4) b).
Á (1100)
Cette définition cache un vice dangereux, car elle signifie que tous les non-francophones, sans exception, sont fondus dans la population anglophone. Pour illustrer cela, je vous dirai que si la population de langue maternelle française d'une région donnée était de 48 p. 100 et que les anglophones ne constituaient que 26 p. 100 de la population et les allophones, 26 p. 100, la région serait automatiquement considérée anglophone. Il n'y a pas d'erreur de traduction. Consultez aussi la version anglaise. Elle dit la même chose. Elle confirme à son tour l'intégrisme culturel du Canada et permet ainsi de mieux comprendre les véritables intentions assimilatrices et isolationnistes du fédéralisme canadien par la réglementation de son CRTC.
Les chiffres du recensement de 2001 pourraient bientôt affirmer que l'île de Montréal cessera d'être reconnue comme francophone pour être considérée comme anglophone, selon cette définition. Pourtant, la proportion de francophones dépassera encore largement le pourcentage de citoyens ayant l'anglais comme langue maternelle, l'écart continuant même de s'accroître. Ainsi, les abonnés pourraient être privés de certaines chaînes en français sur le bloc analogique. En passant, c'est une bonne chose que Rogers n'ait pas mis la main sur Vidéotron l'an dernier, quand on regarde le sort qu'il a fait subir aux stations de langue française dans la capitale fédérale.
Il y a un autre vice dans la réglementation. Le règlement demande aux câblodistributeurs de classe 1 de diffuser sur des canaux spécialisés dans la langue de la majorité des marchés desservis. Dans les zones anglophones, les câblos peuvent donner la priorité aux canaux américains, qui sont des canaux étrangers, au profit des canaux canadiens de langue française, parce que le règlement dit ceci, à l'alinéa 18(5)a):
...le titulaire doit, dans la mesure où des canaux sont disponibles, distribuer: |
a) s'il exploite son entreprise dans un marché anglophone: |
(i) tout service spécialisé de langue anglaise que l'exploitant a la permission de fournir dans tout ou partie de la zone de desserte autorisée de l'entreprise, à l'exclusion d'un service spécialisé à caractère religieux à point de vue unique ou limité, |
Or, le CRTC autorise certaines stations étasuniennes pour fins de distribution au Canada, ce qui veut dire que les francophones d'Ottawa, par exemple, se font dire que les stations domestiques de langue française doivent céder leur place aux stations étasuniennes parce qu'elles diffusent dans la langue du marché, qui est défini comme un marché anglophone.
Rogers peut ainsi diffuser CNN, CNN Headlines News et CNBC News, qui sont autorisées pour fins de distribution au Canada, mais ne trouve pas l'espace nécessaire pour Le Canal Nouvelles sur la palette analogique dans la capitale du Canada.
C'est ainsi que les priorités de diffusion sont établies sur les blocs analogiques où l'espace est restreint. On a corrigé le tir l'an passé sur les blocs numériques, mais ce n'est encore qu'une minorité de gens qui ont accès au numérique. On reviendra plus tard au numérique.
La conscience politique du régulateur fédéral. Le CRTC se disait satisfait d'avoir fait son possible pour les francophones en rendant TVA obligatoire sur les gros systèmes partout au Canada. Cependant, il y a encore beaucoup de problèmes d'accès aux services de télé en français, surtout à l'extérieur du Québec.
C'est pourquoi, en l'an 2000, le Cabinet fédéral, sous la pression des francophones, a demandé au CRTC de se lancer dans un examen des services de radiodiffusion de langue française offerts aux minorités, ce que le CRTC a fait à reculons. Le 12 février 2001, le CRTC a publié un rapport timide intitulé: Vers un avenir mieux équilibré, cela après huit avis publics, onze consultations régionales et deux journées d'audiences publiques. Ses recommandations n'ont rien changé à court terme. Elles s'appuient sur une technologie encore peu répandue, le numérique, et même sur Internet pour accroître l'accès à la programmation télévisuelle en français.
Mais l'avenir équilibré est une utopie. Au Québec, la majorité francophone a accès à moins de services télévisuels dans sa langue que la pseudo-minorité anglophone. Par exemple, la minorité anglophone de Québec-Lévis a accès à 70 canaux en anglais, dont 28 en analogique, alors qu'elle ne représente que 2,3 p. 100 de la population locale. Ce sont les chiffres de 1996; nous n'avons pas encore les chiffres de 2001.
En contraste, les francophones d'Edmonton, dont la proportion est légèrement supérieure, soit 3,4 p. 100, n'ont accès qu'à 12 chaînes de télévision dans leur langue, dont quatre seulement dans le service analogique. Il y en a huit dans le nouveau bloc numérique annoncé récemment par Shaw.
Á (1105)
Il y a seulement cinq stations dans le service analogique, dont quatre sont reléguées au-delà de la case 70 et difficilement accessibles dans plusieurs cas.
Une autre comparaison intéressante est celle qu'Impératif français a faite l'automne dernier entre une ville francophone de l'Ontario, Hearst, et une ville majoritairement anglophone en sol québécois, Campbell's Bay. La population anglophone de Hearst, qui est de 16,9 p. 100, a droit à 50 canaux sur un total de 60. Par contre, la population francophone, qui est de 35 p. 100 à Campbell's Bay, au Québec, n'a droit qu'à 7 canaux sur 35.
Je disais plus tôt que le CRTC avait retenu le numérique comme solution au problème de la distribution de chaînes de télé en français, en particulier en milieu minoritaire, mais il y a des inconvénients: les coûts élevés et la nécessité d'un décodeur pour chaque appareil récepteur. L'abonné doit non seulement payer des frais supplémentaires, mais aussi se démêler dans ses fils.
Le bouquet, c'est la suggestion du CRTC, qui affirme qu'Internet est la solution de rechange pour les francophones qui veulent avoir accès à plus de choix télévisuel. Je connais peu de gens qui regardent la télévision en famille sur l'écran Internet.
Conclusion. En somme, le CRTC est à la merci des puissants lobbies de l'industrie. D'ailleurs, vous pourrez toujours regarder les contributions de certains câblodistributeurs aux caisses électorales de certains députés. Mais surtout, c'est un régulateur du gouvernement fédéral qui n'a pas la francophonie à coeur. Il faut constamment se battre pour obtenir justice, en finissant par n'obtenir le plus souvent que des miettes.
Autre situation accablante, les services de câblodistribution de certains villages du Grand Nord du Québec, près de la baie d'Ungava, ne distribuaient aucune station de langue française en 2001. Vous n'avez qu'à consulter l'Annuaire Matthews pour le constater. Cependant, la nouvelle réglementation de septembre dernier devrait forcer les systèmes à diffuser la SRC. C'est ce que nous appelons des miettes. Il reste à savoir si le régulateur fédéral sera assez vigilant pour assurer le respect de son nouveau règlement.
De l'exposé qui précède, il est facile de déduire que le CRTC s'est donné, entre autres missions, celle d'assurer indistinctement la suprématie anglophone sur les ondes de l'ensemble canadien. Il n'est donc pas surprenant que le Québec réclame la compétence exclusive des médias électroniques sur son territoire. C'est que, depuis longtemps, le régulateur fédéral accorde une préférence indue aux médias de langue anglaise ou, si vous préférez, assujettit les médias francophones à un désavantage indu.
Voici nos recommandations.
Impératif français demande au gouvernement du Canada d'adopter les lois, règlements et politiques nécessaires: pour que les Canadiens aient accès prioritairement aux stations publiques et privées de télévision canadienne; pour que les Canadiens du Canada hors Québec aient accès, sur la grille analogique, au plus grand nombre possible de stations publiques et privées de télévision canadienne de langue française; pour que dans la capitale du Canada, Ottawa, la capitale des deux langues officielles, les citoyens canadiens aient accès en priorité, sur la grille analogique, aux signaux de stations de télévision canadienne; pour que la politique et les règlements du CRTC relatifs à l'attribution de licences aux réémetteurs n'aient pas pour effet de priver les Canadiens de stations de télévision à plus fort contenu canadien et d'accroître le déséquilibre entre l'offre en français et en anglais; pour que les câblodistributeurs canadiens réservent les meilleurs signaux numérologiques de base, sur la grille analogique, aux stations de télévision canadienne ayant le plus fort contenu canadien dans l'ensemble de leur programmation et aux heures de grande écoute; pour que le gouvernement canadien et l'industrie de la télévision et l'industrie de la câblodistribution consacrent plus de ressources à la production et à la diffusion d'émissions canadiennes et s'assurent qu'un financement adéquat soit, par conséquent, disponible--je pense qu'avec la prolifération des nouvelles stations de télévision, nous sommes condamnés à l'excellence et qu'il faudra faire encore mieux--; pour que les Canadiens aient accès à un plus grand nombre d'émissions canadiennes produites et diffusées par les stations de télévision canadienne; pour que les téléspectateurs et auditeurs aient accès à une plus grande production télévisuelle et radiophonique locale, régionale et communautaire; pour que disparaissent de la réglementation sur la radiodiffusion toutes les mesures discriminatoires en faveur des marchés anglophones et des stations anglophones étrangères au détriment des stations canadiennes de langue française, que ce soit dans la grille numérique ou dans la grille analogique.
Á (1110)
J'aimerais également faire certaines propositions de modifications à la Loi sur la radiodiffusion. Je vous dis tout de suite que cela n'est pas exhaustif et que les textes de ces amendements ne se trouvent pas dans le document.
À l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, nous aimerions que soit ajouté, après l'alinéa 3(1)c), le sous-alinéa suivant:
(v) le système canadien de radiodiffusion est un outil essentiel au développement de la langue et de la culture françaises au Canada; |
Nous aimerions aussi que soit ajouté à l'alinéa j) le texte suivant:
j) la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois: |
vi) assurer le développement et l'épanouissement de la francophonie canadienne |
L'alinéa k) devrait être amendé de manière à en retirer des éléments devenus désuets. Le nouvel alinéa se lirait comme suit:
k) une gamme complète de services de radiodiffusion en français doit être offerte à tous les Canadiens; |
Ces stations sont aussi des stations canadiennes. Je ne vois pas pour quelle raison on donne la priorité aux stations étatsuniennes partout au Canada plutôt qu'aux stations canadiennes parce qu'elles sont de langue française. Je ne comprends absolument pas. C'est une erreur historique et il faut corriger cela.
L'alinéa m) prévoit le mandat de la Société Radio-Canada. Au sous-alinéa (iv), il est dit ceci:
m) la programmation de la Société devrait à la fois: |
(iv) être offerte en français et en anglais, de manière à refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l'une ou l'autre langue, |
Or, avec les compressions budgétaires, les fonds de Radio-Canada ne lui permettent pas de bien remplir son mandat auprès des francophones des régions.
Dans la même veine, le sous-alinéa (v) prévoit ceci:
m) la programmation de la Société devrait à la fois: |
(v) chercher à être de qualité équivalente en français et en anglais, |
mais le réseau français dispose de beaucoup moins d'argent l'heure pour sa production.
Enfin, l'alinéa t), qui porte sur les systèmes de distribution, devrait d'abord être appliqué. En effet, le sous-alinéa t)(i) se lit comme suit:
t) les entreprises de distribution: |
(i) devraient donner priorité à la fourniture des services de programmation canadienne... |
Je suis entièrement d'accord, mais comment se fait-il alors que bien des câblodistributeurs ne diffusent pas sur l'analogique les stations canadiennes de langue française, donnant priorité aux stations étrangères américaines? Il faudrait peut-être voir à ce que le règlement soit appliqué. Il ne doit pas y avoir deux classes de citoyens.
Il faudrait également ajouter un alinéa afin de prévoir que les entreprises de distribution:
desservent le Québec et les minorités francophones du Canada de manière à participer à l'épanouissement et au développement de la langue et de la culture françaises, |
Ceci aurait au moins pour effet de les responsabiliser à l'endroit d'une des réalités canadiennes: l'existence d'une francophonie au Canada.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions et à écouter vos commentaires s'il y en a, monsieur le président et chers membres du comité.
Á (1115)
[Traduction]
M. Dennis Mills: Fantastique.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Perreault. On a écouté votre présentation avec beaucoup d'intérêt. Nous avons visité plusieurs communautés francophones, dont nous avons entendu les représentants, et nous sommes certainement conscients de la situation. Nous sommes très intéressés à voir à ce que la radiodiffusion se fasse avec beaucoup plus d'impartialité, surtout dans les communautés minoritaires des provinces autres que le Québec. On voudrait qu'une bien meilleure chance soit donnée, surtout aux petites minorités francophones en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, etc. Donc, nous partons avec un préjugé très favorable.
Je dois aussi vous dire bien franchement, parce que je pense qu'il est temps de dire ces choses, que je n'ai jamais cru que les grands mots aidaient les choses: «assimilatrice», «isolationniste», «pseudo-minoritaire au Québec». Je représente beaucoup de ces «pseudo-minorités». En fait, c'est la majorité de mon comté. Je peux vous dire que la plupart des gens sont de bonne volonté et souhaitent qu'il y ait plus de justice sociale partout au pays. En tout cas, cela a toujours été mon modus vivendi. Je n'aime pas les grands mots comme «pseudo-minorité». Je ne les applique pas aux minorités francophones d'ailleurs et je ne vois pas pourquoi on les appliquerait à une minorité qui, après tout, est une minorité officielle au Québec. Je voulais vous dire cela. Je ne pense pas que les grands mots aident beaucoup les choses.
M. Jean-Paul Perreault: Monsieur Lincoln, j'aimerais commenter là-dessus. À Montréal, les câblodistributeurs diffusent deux fois plus de stations de langue anglaise que de stations de langue française. En Outaouais, une région qui est près d'ici, le câblodistributeur diffuse près de trois fois plus de stations de langue anglaise que de langue française.
Si on compare la situation de la communauté anglophone au Québec qui, dans le cadre de la radiodiffusion, bénéficie d'un plus grand nombre de services télévisuels et radiophoniques dans sa langue, pour la promotion de sa culture, et la situation des francophones hors Québec, vous conviendrez avec nous... Cela a été rendu possible par la Loi sur la radiodiffusion et par la réglementation du CRTC.
Dans la réglementation du CRTC, il est dit qu'il doit y avoir au moins une station canadienne pour chaque station étrangère. Si c'est vrai pour l'ensemble canadien, je ne vois pas pour quelle raison on n'a pas appliqué la même logique dans le marché québécois: au minimum une station de langue française pour chaque station de langue anglaise.
La réglementation du CRTC, que je vous ai lue tout à l'heure, a permis l'anglicisation des ondes télévisuelles du Québec en donnant la priorité aux stations de langue anglaise. Donc, les stations canadiennes de langue française n'étaient pas distribuées au Canada hors Québec parce que la réglementation donnait la priorité aux stations de langue anglaise bien qu'elles aient été américaines.
Vous conviendrez avec nous que, dans l'ensemble canadien et dans l'ensemble nord-américain, lorsque nous examinons la situation particulière des anglophones du Québec, qui font partie de la majorité anglophone du Canada et de la majorité anglophone du continent nord-américain, le concept de minorité est plutôt mal reçu. Les anglophones du Québec bénéficient très souvent des avantages de la majorité anglophone du Canada et même des avantages des anglophones des États-Unis, puisque nos câblodistributeurs distribuent en priorité les chaînes américaines.
Je comprends que ce concept puisse être heurtant, mais néanmoins, il faut reconnaître la réalité: les anglophones du Québec font partie de la majorité anglophone du Canada et de la majorité anglophone nord-américaine. La réalité dans le domaine de la câblodistribution et de la radiodiffusion le confirme.
Á (1120)
Le président: Monsieur Perreault, je n'ai pas envie d'entrer dans une polémique. Je pense vous avoir souligné que ce n'est pas du tout le fond de la question que vous exposez qui nous tracasse et qui me tracasse. Nous y sommes tout à fait sympathiques. Nous avons visité des communautés francophones. Nous constatons qu'il y a une disparité sur laquelle il faut se pencher. Tout ce que j'ai dit, c'est que les mots qu'on utilise sont parfois malheureux. C'est ma perception des choses.
Madame Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Merci, monsieur Perreault.
Vous nous avez brossé un tableau des décisions du CRTC. Comme le disait M. Lincoln, nous avons visité l'Ouest canadien, où il y a des communautés minoritaires francophones. Un des aspects qui ont été soulevés est le fait qu'il y a beaucoup d'anglophones qui commencent à apprendre le français. Vous avez parlé de la langue maternelle française et du pourcentage du marché francophone. Les représentants de ces communautés déploraient le fait qu'ils n'avaient pas de radios ou de télévisions dans leur langue. Ils disaient qu'il n'y avait pas un marché francophone assez puissant pour que les anglophones, après avoir suivi un cours de français, puissent entretenir des liens avec la communauté francophone en dehors des réseaux d'éducation. Si ces personnes avaient accès à une radio ou à des productions télévisuelles en français, cela aurait un impact dans la société et les gens pourraient approfondir leurs connaissances du français et participer davantage à la vie culturelle francophone.
Vous avez parlé des pourcentages de choix en langue française qui ont été accordés dans le domaine de la radio ou de la télévision. Cela rejoint une des préoccupations des minorités francophones hors Québec, qui disaient qu'il fallait les aider à obtenir du CRTC des décisions qui soient plus en harmonie avec leurs besoins.
Je pense que c'est en Saskatchewan que les francophones étaient autrefois 50 p. 100, alors qu'ils sont maintenant rendus à 9 p. 100. Ils ont de la misère à rejoindre leurs collectivités parce qu'ils sont éparpillés sur un territoire assez large. Il faut plusieurs radios communautaires ou plus de chaînes de télévision francophones pour rejoindre toutes les communautés, mais étant donné que leur nombre est tellement petit, on ne peut pas penser que la télévision privée pourra combler leurs besoins parce que la télévision privée pense à la rentabilité.
On est en train d'examiner ce qu'on pourrait améliorer dans la Loi sur la radiodiffusion. C'est l'un des aspect qu'on devrait améliorer. On parle de la culture canadienne. Pourquoi pensez-vous que le Québec est si réticent à penser culture canadienne? C'est parce qu'on connaît très bien le sort qu'ont connu les francophones. Au fil des ans, ils ont perdu du terrain à l'extérieur du Québec. On veut demeurer une majorité au moins au Québec, avec des institutions et une voix sur les chaînes de radio et de télévision. On veut que nos institutions restent fortes.
Ce matin, vous avez brossé un bon tableau des décisions du CRTC, qui va nous faire prendre conscience des actions qu'il faudrait entreprendre. Ça, c'est un constat.
Est-ce que vous avez déjà porté plainte à la commissaire aux langues officielles? On voit tous ces contrôles qui ont été faits au niveau du CRTC. Il va falloir que les décisions de cet organisme donnent une voix plus forte aux francophones.
Á (1125)
M. Jean-Paul Perreault: Est-ce que je peux répondre, monsieur le président?
Madame Gagnon, les statistiques du recensement de 2001 de Statistique Canada nous apprennent que 91 p. 100 des Canadiens anglais sont unilingues anglais. Elles nous apprennent également que le taux d'assimilation au Canada hors Québec est de 33 p. 100 et que dans l'ensemble canadien, incluant le Québec, il est de 3,2 p. 100.
Vous conviendrez avec nous que ces taux sont le résultat de politiques et de pratiques canadiennes qui sont très souvent d'inspiration gouvernementale. Si on crée des conditions telles que l'anglophone du Canada hors Québec n'est jamais exposé à la langue française parce qu'on donne la priorité, dans la câblodistribution, aux stations étrangères de langue anglaise plutôt qu'aux stations supposément canadiennes de langue française, on crée une dynamique d'isolement culturel chez les anglophones, qui est confirmée par les statistiques, cela après plusieurs efforts de promotion de la langue française auprès des anglophones, qui demeurent à 91 p. 100 unilingues. On crée aussi une dynamique d'assimilation linguistique--le terme ne plaît peut-être pas, mais il reflète la réalité--et d'érosion culturelle chez les francophones du Canada hors Québec.
Vous conviendrez avec nous que ces résultats sont surtout d'inspiration gouvernementale canadienne. Le gouvernement canadien, entre autres par sa réglementation et sa loi, a favorisé des situations comme celle-ci. C'est carrément inacceptable qu'historiquement, on ait créé des conditions qui n'ont pas permis aisément ou obligatoirement la diffusion des stations canadiennes de langue française sur l'ensemble du territoire canadien, alors que la situation qu'on connaît était vécue au Canada hors Québec. Il y avait une stratégie. Je peux comprendre que ça rend des gens mal à l'aise, mais ce n'est pas nous qui les rendons mal à l'aise. C'est cette situation qui perdure encore aujourd'hui. Je pense qu'en tant que comité permanent, vous avez une responsabilité à cet égard. Nous souhaitons que des situations aussi évidemment discriminatoires et dissymétriques soient corrigées.
Je prends l'exemple de la définition d'un marché anglophone. Dans la loi, on définit un marché francophone comme un marché où 50 p. 100 des gens ont le français comme langue maternelle, alors qu'on définit comme un marché anglophone tout ce qui n'est pas un marché francophone. Vous conviendrez que c'est de l'intégrisme culturel et que c'est avantager une communauté au détriment de l'autre. D'ailleurs, les transferts linguistiques indiquent clairement que cette vision canadienne donne de bons résultats, parce que la population anglophone du Canada a vu son importance augmenter du tiers de la population francophone à cause des transferts linguistiques des allophones. Ce n'est pas étonnant. C'est cette vision qui contribue à ce genre de situation, madame Gagnon, et la câblodistribution et la radiodiffusion ont un rôle important à jouer dans ce domaine.
Mme Christiane Gagnon: Vous avez parlé du rapport du CRTC Vers un avenir mieux équilibré et vous avez dit que des décisions avaient été prises concernant ce déséquilibre entre francophones et anglophones et sur leur rayonnement dans l'univers de la radiodiffusion. Vous avez dit qu'on s'était appuyé sur une technologie non accessible à tous. On pensait que le numérique pouvait être accessible à tous, mais on sait que le numérique ne rejoindra pas l'ensemble de la population avant plusieurs années et aussi qu'il coûte très cher actuellement. Les coûts seront élevés jusqu'à ce qu'il soit accessible dans toutes les régions. On fait appel aux satellites et aux décodeurs. C'est une problématique qu'on nous a signalée. Il faut payer cher pour avoir accès à certaines émissions en langue française à l'extérieur du Québec.
Quel avis pouvez-vous nous donner pour ceux qui n'ont pas accès à des émissions de langue française? Est-ce que le montant qu'ils paient pour y avoir accès pourrait être déductible de l'impôt? Je voudrais avoir quelques idées. Certaines personnes nous ont fait des propositions, notamment celle d'un crédit d'impôt en attendant que le numérique soit accessible pour permettre aux gens d'avoir accès à des émissions francophones.
Á (1130)
M. Jean-Paul Perreault: Si vous le permettez, je dois vous dire là-dessus que la technologie la plus répandue est la technologie analogique, et dans la technologie analogique, si on veut favoriser l'accès aux stations de télévision de langue, et j'insiste, canadienne, je pense que c'est là que le gouvernement, dans sa réglementation du CRTC ou dans la loi qu'il adoptera, doit rendre obligatoire, en toute priorité, la diffusion de stations de télévision canadiennes. Là-dedans, on devrait retrouver dans la grille analogique sept ou huit canaux de langue française, au minimum. Ils sont canadiens également. Si on les retrouve au Québec, je ne vois pas pour quelle raison cette situation-là n'existe pas hors Québec. On doit créer des situations pour que ce qui est canadien ait priorité dans la consommation des ondes qui nous appartiennent, qui sont les ondes canadiennes.
Je continuerais en vous disant que si vraiment le gouvernement canadien est honnête dans sa démarche, il devra accorder aux stations canadiennes ayant le plus fort contenu canadien les meilleurs emplacements sur le spectre, le choix sur la roulette, si vous voulez. Actuellement, ce n'est pas cela. Très souvent, les stations avec le meilleur contenu canadien sont repoussées à une numérologie tellement élevée que bien des gens n'ont pas la possibilité d'y accéder par câblosélecteur. Si vraiment on veut faire la promotion de ce qui est canadien, les stations de télévision à fort contenu canadien devraient bénéficier des meilleurs emplacements sur le spectre et devraient bénéficier d'une priorité, avant toute station étrangère, dans le service de base analogique. Mais cela demanderait du courage au gouvernement canadien parce qu'il devrait reconnaître l'erreur historique qui lui a permis de remplir la grille analogique de stations étatsuniennes.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mills.
M. Dennis Mills: Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Perreault, j'ai été estomaqué par les pourcentages que vous nous avez présentés dans votre mémoire aujourd'hui. Nous avons tendance à prendre pour acquis le fait que le CRTC traite et met en oeuvre la Loi sur la radiodiffusion de façon équitable. J'ai trouvé cela pénible à entendre. En fait, je me suis demandé comment nous pourrions remédier à la situation. Ma réaction immédiate a été que nous devrions vous nommer président du CRTC. Ce serait probablement la façon la plus rapide de rentrer dans la bonne voie.
J'ai également besoin d'un moment de réflexion car j'ai eu le privilège, le plaisir, de faire partie du personnel particulier de Pierre Trudeau de 1980 à 1984. Je préfère ne pas songer à la situation dans laquelle se trouverait notre pays sans le courage dont il a fait preuve pour aller à contre-courant et faire de son mieux pour s'assurer que la communauté française du Canada se sente à l'aise d'un bout à l'autre du pays. De toute évidence, s'il était ici aujourd'hui, il serait très déçu de constater la négligence dont nous avons fait preuve ces dernières années.
Je n'ai pas vraiment de questions précises à vous poser aujourd'hui, mais j'ai l'intention de faire de mon mieux pour encourager tous les membres du comité ici présents à s'assurer que dans cette zone jusqu'à 25, 35, 40, la présence francophone est renforcée d'une certaine façon. Il est honteux d'accorder une telle priorité en tant que pays aux chaînes américaines et d'exclure notre présence francophone.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Á (1135)
[Français]
M. Jean-Paul Perreault: Merci infiniment de vos commentaires. C'est très encourageant et il faudra un certain courage politique parce qu'il y a, comme je le mentionnais, des erreurs historiques qui ont probablement été voulues, qui ont réussi à donner, sur bande analogique, priorité à des stations étrangères avant des stations canadiennes de langue française. C'est probablement les raisons pour lesquelles on se retrouve à ce que je mentionnais tout à l'heure. On a privé des collègues, des compatriotes de langue anglaise unilingues à 91 p. 100, de la possibilité de cohabiter avec l'autre culture sur leur écran de télé, et on se retrouve avec des statistiques d'assimilation de 33 p. 100 au Canada hors Québec parce qu'on a privé les francophones de la possibilité d'avoir accès à leur station canadienne de langue française parce que les emplacements sur le spectre sont occupés par des stations étrangères, sans mentionner que très souvent, les stations canadiennes de langue anglaise sont malheureusement à faible contenu canadien, retransmettant elles aussi le plus souvent des émissions que l'on retrouve sur les stations étatsuniennes. Vous conviendrez avec nous...
[Traduction]
M. Dennis Mills: Vous savez, monsieur le président et chers collègues, je suis député depuis 14 ans, et pendant 12 ans j'ai essayé de persuader les stations de radio anglophones au Canada, et ailleurs au pays, de diffuser les chansons de mon copain Richard Séguin. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le CRTC refuse d'accorder aux artistes francophones du disque une ou deux places dans chaque programmation musicale. Nous parlons de contenu canadien. Il y a 12 ans que j'en fais la demande au CRTC et à l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Ces stations de radio anglophones ne perdront pas d'argent si elles diffusent huit, dix, douze ou quinze fois par jour des artistes du disque canadiens français. Nous finirons ainsi par éliminer la nécessité d'avoir un parti séparatiste à la Chambre des communes.
(Rires)
[Français]
Le président: Est-ce que vous avez d'autres questions M. Duplain?
Monsieur Perreault.
M. Jean-Paul Perreault: En fait, ce que le député soulève est intéressant. La question demeure entière. Quelle est la cause? Quel est l'effet? Comment se fait-il qu'aux stations de télévision de langue anglaise et aux stations de radio canadienne de langue anglaise, il y ait si peu de contenu en provenance d'une culture qui est en elle-même très productrice, culturellement parlant, et qui exporte énormément? On réussit à exporter notre culture à l'international et on ne réussit pas à la faire apprécier et aimer de nos compatriotes de langue anglaise. Il a tout à fait raison. Comment se fait-il qu'aux stations de radio, des gens comme Jean Leloup, des gens comme Paul Piché, des gens comme Richard Séguin ne soient pas entendus fréquemment. Ce que l'on veut entendre, ce sont les Québécois qui chantent en anglais, comme Céline Dion quand elle chante en anglais. Mais pour les contenus français de ses chansons, soudainement, il y a comme une volonté d'exclusion, et je vous mentionnerai que dans la loi et la réglementation, cette volonté d'exclusion se trouve exprimée également et encouragée par la vision du gouvernement canadien, la vision canadienne.
Qu'est-ce qui vient avant? Est-ce que c'est la vision canadienne ou la vision du gouvernement? Entre vous et moi, les deux se nourrissent très bien, et là, vous créez donc des tensions entre les deux, vous contribuez donc à l'existence des tensions entre les deux communautés. Il y en a une qui semble être supérieure à l'autre dans la philosophie et la réalité canadiennes. C'est à vous de briser le cercle.
Le président: On voudrait briser beaucoup de choses, monsieur Perreault, mais moi, j'espère briser les choses de façon beaucoup plus constructive que de revenir à tous ces slogans qui sont aigris, qui reviennent toujours à des visions assimilatrices, à des visions conquérantes, etc.
Je trouve que tout cela est très malheureux aujourd'hui parce que dans mon comté, les jeunes anglophones ont le taux de bilinguisme le plus fort au Québec. J'espère faire bâtir des ponts entre les gens; pas toujours trouver des expressions qui sont malheureuses, qui sont aigries, qui cherchent toujours la puce.
Par exemple, vous avez félicité Vidéotron d'avoir acheté tout au Québec plutôt que Rogers. D'accord, mais qu'est-ce que Vidéotron a fait pour faire activer la licence qu'il a donnée à TVA dans tout le pays en dehors du Québec? Combien de programmes francophones TVA a-t-elle installé à Vancouver, à Edmonton, dans les communautés francophones? Gros zéro!
Alors, ne venez pas nous dire que c'est le CRTC [Note de la rédaction: inaudible]. On lui a donné une licence. Qu'est-ce que TVA a fait avec? Et qu'est-ce que vous faites, vous, pour pousser TVA dans le dos afin d'avoir des programmes en français à Vancouver, à Edmonton, en Saskatchewan? Depuis un an ou deux ans qu'ils ont une licence, c'est un gros zéro. Et ça, c'est Vidéotron, c'est une compagnie du Québec.
Á (1140)
M. Jean-Paul Perreault: Monsieur Lincoln, ne transférez pas à un organisme sans but lucratif les responsabilités qui appartiennent au gouvernement canadien. Nous sommes ici pour vous rappeler vos responsabilités comme gouvernement. Vous avez créé le CRTC. C'est lui qui a comme mandat de réguler les ondes canadiennes. Ne demandez pas à un organisme sans but lucratif de s'y substituer. Si oui, donnez-nous les ressources qui vont avec et le mandat, et nous agirons. Si Vidéotron ne remplit pas son mandat au Canada hors Québec, c'est à vous d'intervenir et de les rappeler à l'ordre. Faites-le, monsieur.
Le président: Tout ce que je voulais souligner, c'est que vos critiques vont beaucoup dans un sens, mais pas dans l'autre. Par exemple, vous ne voulez pas de Rogers au Québec. C'est Vidéotron qui est arrivé, mais Vidéotron n'a rien fait pour mettre en pratique une licence qu'il a donnée pour propager le français au Canada. Donc, peut-être qu'il aurait été bon aussi de faire une petite critique dans ce sens-là. Comme ça, on aurait pu croire que vous étiez un petit peu impartial, mais toute votre vision porte toujours sur toute la question de l'assimilation, du gouvernement du Canada qui fait du mal aux francophones par exprès, etc.
Moi, je suis tout à fait contre ce genre de politique à un sens. Il faudrait que l'on bâtisse des ponts entre les gens, que l'on trouve des bonnes paroles, que l'on trouve des paroles encourageantes, constructives, plutôt que ces petites pointes qui reviennent toujours dans le décor, sans jamais une critique de l'autre bord.
M. Jean-Paul Perreault: Monsieur Lincoln, je ne pense pas que c'est en évacuant du vocabulaire une réalité existante qu'on va faire disparaître la réalité. La meilleure chose à faire pour qu'elle disparaisse, c'est d'en parler. Vous n'aimez peut-être pas que nous parlions de l'assimilation linguistique et de l'érosion culturelle, mais cette réalité existe, même dans des régions comme Montréal et dans des régions comme l'Outaouais. Alors, imaginez: le taux de persévérance linguistique chez les francophones en Colombie-Britannique est d'à peu près 30 p. 100. Vous avez beau me dire que vous n'aimez pas que l'on parle de cela, mais je pense que vous devriez plutôt vous soucier de créer des conditions pour faire disparaître ou amenuiser ces situations-là. Peut-être que dans le vocabulaire, nous entendrons moins souvent le terme qui vous déplaît, mais nous, c'est la réalité qui nous déplaît et nous vous demandons d'agir sur la réalité et de ne pas tenter de tomber dans un courant d'angélisme qui ferait disparaître l'existence d'une réalité par la négation de la possibilité d'utiliser un terme qui vous déplaît, si vous me permettez, monsieur Lincoln.
Le président: Je n'ai jamais dit une seule fois, monsieur Perreault, que vous ne devriez pas avoir le droit de démontrer tout ce que vous pensez et d'exprimer votre réalité. Tout ce que j'ai dit, c'est que la façon de le faire et les mots choisis sont parfois très malheureux, et je le constate aussi: les mots sont très malheureux. Il y a des façons de se servir des mots qui ne heurtent pas et qui sont constructifs. Par exemple, parler de la pseudo-minorité au Québec, que je représente en partie, je trouve cela très malheureux. C'est ce genre de choses qui, au lieu d'aider à apporter de la sympathie à votre courant, amène toujours des frictions, parce que vous vous servez délibérément de mots pour heurter les gens, et moi, je ne suis pas d'accord là-dessus. C'est tout.
M. Jean-Paul Perreault: Monsieur Lincoln, je vous dirai là-dessus que vous aurez beau insister pour que l'on évacue du vocabulaire des mots qui vous déplaisent, dans l'ensemble du Québec, encore aujourd'hui--et je sais que vous n'aimerez pas ça, mais c'est une réalité statistique fournie par une agence fédérale qui s'appelle Statistique Canada--, 62 ou 63 p. 100 des transferts linguistiques avantagent la langue anglaise. Ce n'est pas un comportement de minoritaire, ça. À Montréal, 75 p. 100 des transferts linguistiques en provenance des allophones avantagent la langue anglaise. En Outaouais, c'est 100 p. 100. Vous n'aimez peut-être pas que nous le disions, mais je pense que vous êtes mieux d'agir sur la réalité. En agissant sur la réalité, la redondance que vous déplorez dans notre façon de faire connaître, de multiplier la connaissance de situations aussi déplorables que celles-ci n'existerait pas et on n'en parlerait pas aujourd'hui, si la réalité n'existait pas. Moi, j'aime mieux vous voir agir sur la réalité.
Á (1145)
Le président: Monsieur Duplain et Mme Gagnon. Ensuite, on va finir.
M. Claude Duplain: Votre message porte et j'y crois, et on y travaille, mais je dois vous dire que j'abonde exactement dans le sens des propos de M. Lincoln. Ce sont des mots que moi, en tant que francophone du Québec, je n'accepte pas non plus, que je n'utilise pas quand je négocie ou quand je discute avec mes confrères. Je ne les utilise pas parce que je sais qu'ils provoquent plutôt que de résoudre des problèmes. On ne parle que des mots et cela n'a rien à voir avec la réponse que vous donnez à M. Lincoln. On est conscient et on l'adopte, et c'est vrai ce que vous dites. On parle seulement de la manière de le dire.
M. Jean-Paul Perreault: On vous jugera aux résultats.
Mme Christiane Gagnon: Monsieur Perreault, je voudrais juste comprendre. Quand vous avez parlé des pseudo-minorités, qu'est-ce que vous vouliez dire par là? Une minorité, ce n'est pas une pseudo-minorité, c'est une minorité. En tout cas, si j'étais dans la peau de M. Lincoln ce matin, je me considérerais comme une pseudo-minorité culturelle qui est venue, qui a choisi de vivre au Québec. C'est peut-être cela. Il y aurait peut-être une explication à donner. Dans quel contexte l'avez-vous dit? Quand on parle, on dit toujours des choses dans un certain contexte. C'est ce que je voudrais entendre.
M. Jean-Paul Perreault: Je vais reprendre une partie de ce que j'ai dit. Quand on parle de minorités, il y a le concept sociologique et le concept numérique. Dans le cadre du concept numérique, quand on regarde sur le territoire québécois, du point de vue numérique, on va parler d'une minorité numérique anglophone. Mais quand on regarde cela dans l'ensemble canadien et quand on regarde cela dans l'ensemble nord-américain, je pense que si minorité il y a, puisque dans le radiodiffusion, les frontières existent de moins en moins et que l'on regarde cela dans le sens de la radiodiffusion et de la réalité telle qu'elle existe... Par exemple, à Montréal, les abonnés au câble peuvent capter deux fois plus de stations de télévision de langue anglaise que de langue française. Dans la région de l'Outaouais, c'est trois fois; au Saguenay--Lac-Saint-Jean, c'est près de deux fois aussi; à Rimouski, c'est près de deux fois aussi; en Gaspésie, c'est le même phénomène et à Sherbrooke, c'est le même phénomène. Vous conviendrez avec nous, qu'on n'a pas à s'attarder au concept de minorité numérique quand il s'agit d'une réalité anglophone nord-américaine encouragée par une législation qui donne même priorité, au Canada, aux stations de télévision étrangères. C'est à un point tel qu'au Québec même, les gens vont capter sur leur écran plus de stations. Vous conviendrez avec nous qu'on ne peut pas parler...
Également, quand Patrimoine canadien verse au-delà de deux millions de dollars de subventions par année à certains groupes anglophones pour faire la promotion de la culture nord-américaine au Québec, de la culture anglo-saxonne au Québec, vous conviendrez avec nous qu'il y a quelque chose de particulièrement indécent là-dedans, surtout quand on sait que la culture qui est en difficulté en Amérique du Nord et au Canada, et encore plus au Canada hors Québec, c'est la culture de langue française. Or, on voit le gouvernement canadien utilisant sa législation sur les deux langues officielles pour verser des subventions à un groupe qui fait partie de la majorité canadienne. On voit cela dans le domaine de la télévision, dans le domaine des subventions. Vous conviendrez avec nous, qu'on regarde d'un côté la disproportion de traitements accordés à la minorité numérique du Québec versus ce que les francophones hors Québec n'obtiennent pas, parce qu'ils obtiennent très peu, que l'équation entre deux minorités... À mon avis, s'il y a une minorité au Canada, c'est une minorité de langue française. Elle représente de 23 p. 100 à 24 p. 100 de l'ensemble de la population, et les anglophones du Québec ne constituent pas, à mon avis, une minorité.
Á (1150)
Le président: Pour terminer, d'après ce que vous avez dit, je suppose que vous auriez appuyé, vous, la décision du CRTC de refuser une licence à TFO pour aller au Québec. Est-ce que vous auriez appuyé la venue de TFO au Saguenay--Lac-Saint-Jean et ailleurs?
M. Jean-Paul Perreault: Monsieur Lincoln, nous l'avons fait. La position officielle d'Impératif français, et vous pouvez la retrouver par communiqué sur le Canada NewsWire, a été celle-ci: nous voulons que TFO soit diffusée sur le service de base au Québec, à un point tel qu'on a demandé un service analogique de base gratuit accessible à tous. C'est ce que l'on a proposé, c'est ce que l'on a demandé. Cela a été la position officielle d'Impératif français dans ce domaine-là et cela continue à être sa position officielle: TFO, service de base gratuit à tous les abonnés.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Perreault, et merci à vos collègues.
Je rappelle aux membres du comité qu'il y a une motion devant nous qui va être débattue.
[Traduction]
Nous débattrons de la motion de Mme Gagnon dès la fin du délai prévu. Il est de 48 heures, et nous en discuterons alors à ce moment-là.
Chers collègues, je tiens à vous rappeler que demain des représentants du ministère comparaîtront à 15 h 30 pour parler du projet de loi S-7.
La séance est levée.