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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 23 avril 2002




¿ 0915
V         Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.))
V         Mme Marie Cadieux (membre du conseil d'administration, Conférence canadienne des arts)
V         Le président
V         Mme Megan Williams
V         Le président
V         Mme Marie Cadieux

¿ 0920
V         Mme Megan Williams

¿ 0925

¿ 0930
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)
V         Mme Megan Williams

¿ 0935
V         Mme Christiane Gagnon
V         Mme Marie Cadieux
V         Mme Christiane Gagnon
V         Mme Marie Cadieux

¿ 0940
V         Mme Christiane Gagnon
V         Le président
V         Mme Megan Williams
V         Le président
V         Mme Wendy Lill
V         Mme Megan Williams
V         Le président
V         Mme Wendy Lill
V         Mme Megan Williams
V         Mme Wendy Lill
V         Mme Marie Cadieux

¿ 0945
V         Le président
V         M. Tony Tirabassi
V         Mme Megan Williams
V         M. Tony Tirabassi

¿ 0950
V         Mme Megan Williams
V         Mme Marie Cadieux
V         M. Loyola Hearn

¿ 0955
V         Mme Marie Cadieux
V         M. Loyola Hearn
V         Mme Megan Williams
V         Mme Marie Cadieux
V         M. Loyola Hearn
V         Mme Megan Williams

À 1000
V         M. Loyola Hearn
V         Mme Megan Williams
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon
V         Mme Marie Cadieux
V         Mme Christiane Gagnon
V         Mme Megan Williams
V         Mme Marie Cadieux

À 1005
V         Le président
V         Mme Megan Williams
V         Le président
V         Mme Megan Williams
V         Le président
V         Mme Megan Williams
V         Le président

À 1010
V         M. Raj Rasalingam
V         Le président
V         M. Raj Rasalingam

À 1015
V         M. Lionel Lumb (professeur, membre, Communications and Diversity Network)

À 1020
V         M. Reuben Friedman (membre, Communications and Diversity Network)

À 1025
V         Le président
V         M. Patrick Bestall

À 1030
V         M. Don Brooks

À 1035
V         Le président
V         M. Bruce Clemenger

À 1040

À 1045

À 1050
V         Le président
V         Mme Karen Mock (directrice exécutive, Fondation canadienne des relations raciales)
V         

À 1055

Á 1100
V         Le président
V         Mme Karen Mock

Á 1105
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Reuben Friedman

Á 1110
V         M. Raj Rasalingam
V         M. Reuben Friedman
V         Mme Christiane Gagnon
V         Mme Karen Mock
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon

Á 1115
V         M. Don Brooks
V         M. Patrick Bestall
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon
V         Le président
V         M. Bruce Clemenger

Á 1120
V         Mme Christiane Gagnon
V         Mme Karen Mock
V         Le président
V         Mme Wendy Lill
V         M. Raj Rasalingam

Á 1125
V         M. Lionel Lumb
V         Mme Wendy Lill

Á 1130
V         Mme Karen Mock
V         M. Lionel Lumb
V         M. Raj Rasalingam
V         Le président
V         M. Cuzner

Á 1135
V         M. Lionel Lumb
V         M. Rodger Cuzner
V         M. Lionel Lumb

Á 1140
V         M. Rodger Cuzner
V         M. Lionel Lumb
V         M. Rodger Cuzner
V         Mme Karen Mock

Á 1145
V         Le président
V         M. Joe Clark

Á 1150

Á 1155

 1200
V         Le président
V         Paul Fitzgerald

 1205

 1210
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Joe Clark

 1215
V         Le président
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. Joe Clark
V         Mme Wendy Lill

 1220
V         Paul Fitzgerald
V         Mme Wendy Lill
V         M. Joe Clark

 1225
V         Le président
V         M. Loyola Hearn
V         Paul Fitzgerald
V         M. Loyola Hearn

 1230
V         M. Joe Clark
V         Le président
V         M. Joe Clark
V         Le président
V         M. Paul Fiztgerald
V         Le président










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 avril 2002

[Enregistrement électronique]
[Énregistrement électronique]

¿  +(0915)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): J’ouvre la séance du Comité permanent du patrimoine canadien, qui poursuit aujourd’hui son étude de l’état du système de radiodiffusion canadien.

    Nous avons le plaisir d’accueillir les représentantes de la Conférence canadienne des arts: Megan Williams, sa directrice nationale, et Marie Cadieux, membre du conseil d’administration.

[Français]

et Mme Marie Cadieux, membre du conseil d'administration.

+-

    Mme Marie Cadieux (membre du conseil d'administration, Conférence canadienne des arts): Bonjour.

    Merci, monsieur Lincoln.

[Traduction]

+-

    Le président: Je vais donner la parole à Mme Williams, qui fera un exposé, après quoi elle répondra aux questions posées par les membres de notre comité.

    Madame Williams.

+-

    Mme Megan Williams (directrice nationale, Conférence canadienne des arts): Mme Cadieux, qui est membre du conseil d’administration de la CCA, va commencer notre exposé.

+-

    Le président: Très bien.

[Français]

+-

    Mme Marie Cadieux: Je remercie le comité de bien vouloir nous accueillir. Je suis cinéaste indépendante et scénariste. Bien que je ne sois pas née en 1945, comme la Conférence canadienne des arts, je crois néanmoins représenter adéquatement les 250 000 membres de la conférence. Cette dernière regroupe des associations professionnelles, des groupes qui s'intéressent à l'éducation, des artistes professionnels ainsi que des représentants des industries culturelles. Son rôle est de défendre, promouvoir et valoriser la place qu'occupent l'art et la culture dans la vie des Canadiens, tout en favorisant l'accessibilité des oeuvres créées par des Canadiens de toutes origines en matière d'art et de culture, auprès du grand public canadien.

    Comme membre bénévole du conseil d'administration, je crois très bien représenter une certaine partie de nos membres, qui défendent la culture et qui font preuve d'engagement, que ce soit à l'égard d'activités bénévoles dans le domaine du financement ou dans d'autres secteurs.

    La Conférence canadienne des arts a préparé un rapport. Il s'agit de recommandations de principe qui touchent le monde de la radiodiffusion. On parle ici d'un domaine qui est d'une importance cruciale pour les travailleurs de la culture et qui permet à nombre de personnes de gagner leur vie. En plus de toucher les intérêts des professionnels, la radiodiffusion rejoint aussi ceux des citoyens et des consommateurs, plus ou moins avertis, par le biais de la télévision et de la radio. La plupart des artistes créateurs qui travaillent dans le milieu de la télévision et de la radio sont des citoyens très engagés qui apportent à la communauté une contribution substantielle, que ce soit à titre bénévole, auprès de la Conférence canadienne des arts, ou auprès d'autres associations, du domaine de l'éducation ou d'autres domaines.

    Je suis ici aujourd'hui à la fois comme créatrice professionnelle et comme bénévole à la Conférence canadienne des arts. D'autre part, pour vous présenter un résumé de nos commentaires et de nos réflexions, j'aimerais vous présenter Megan Williams, notre directrice générale.

¿  +-(0920)  

[Traduction]

+-

    Mme Megan Williams: Merci. Je suis très heureuse d’être venue ce matin vous parler au nom des membres de la Conférence canadienne des arts.

    Je tiens à vous signaler qu’il y a eu une certaine confusion au sujet de notre mémoire. Ce n’est pas du mémoire daté de septembre 2001, mais de celui qui est en date de décembre 2001 dont je vais vous parler. Je pense qu’il a été distribué aux membres du comité après avoir été traduit. Il y a certainement eu un quiproquo lorsque nous l’avons envoyé.

    Je considère qu’il est tout à fait indiqué aujourd’hui de parler des auteurs et des éditeurs étant donné que c’est la Journée canadienne du livre. Il convient au minimum de rappeler ce matin que Carol Shields vient d’obtenir le prix Charles Taylor pour les ouvrages autres que les romans et que Michael Ondaatje a gagné le concours canadien de la lecture organisé par CBC avec l’ouvrage In the Skin of a Lion. Nous célébrons ces deux auteurs aujourd’hui.

    L’industrie de la radiodiffusion revêt une énorme importance pour la CCA. Un nombre significatif d’artistes canadiens figure parmi les 30 000 personnes directement employées par ce secteur, sans compter un grand nombre d’autres travailleurs indépendants. Que leur participation soit directe ou indirecte, les artistes canadiens sont au coeur du secteur de la radiodiffusion, qu’il s’agisse des auteurs, des acteurs, des metteurs en scène ou des concepteurs. Les artistes sont présents à tous les stades de la production. En tant que principale organisation de défense du secteur, la CCA s’efforce de parler au nom des artistes au sein de la profession et de promouvoir leurs intérêts dans le cadre des dispositions législatives établies et de l’étude à laquelle procède votre comité permanent.

    Comme l’a dit tout à l’heure Marie Cadieux, nous sommes ici pour parler des grands principes. Notre organisation regroupe des organisations syndicales ainsi que des producteurs, des acteurs, etc. Nous représentons des intérêts très variés. Nous défendons les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion et les buts élevés qu’elle s’est fixée, ce que rappelle bien le titre de notre mémoire: «Sauvegarder, enrichir et renforcer». Nous n’avons pas retenu dans notre titre la suite de la formule, qui se présente ainsi: «le tissu culturel, politique, social et économique du Canada». Nous considérons que la trame culturelle fait partie intégrante de ce tissu, si vous me permettez de filer la métaphore.

    La loi tombe sous le sens. Elle est précise et elle a des objectifs très clairs. Nous considérons qu’avec quelques modifications, elle pourrait être le principal outil de la mise en oeuvre des politiques publiques dans le domaine de la radiodiffusion. Après tout, il y a 10 ans seulement qu’elle a été reformulée. Pour reprendre les termes de la loi, «elle peut contribuer activement à l’expression culturelle et à l’échange des diverses formes qu’elle peut prendre». Nous considérons qu’il s’agit là en fait de l’élément essentiel de la loi.

    À notre avis, l’annonce de la révision du contenu canadien tombe à point. J’estime que les données recueillies et mises en forme par votre comité devraient bien s’intégrer à cette révision et lui donner toute sa valeur.

    Les trois volets de la politique culturelle renvoient au contenu, à la propriété et aux subventions. Pour que le système puisse fonctionner, il faut que ces trois volets conservent un équilibre dynamique. En vous appuyant sur des intervenants tels que nous, il vous appartient de déterminer ce que représente cet équilibre. Ce serait une erreur de céder aux pressions visant à éroder l’un de ces trois piliers.

    Je vais passer rapidement en revue notre liste de recommandations. J’espère que nous aurons le temps de discuter de certaines d’entre elles avec vous.

    Nous considérons que le CRTC doit continuer de jouer un rôle important dans la réglementation et la surveillance des activités des participants au système de radiodiffusion et dans l’application de la Loi sur la radiodiffusion. Lors d’études précédentes dans le cadre de nos interventions devant le CRTC, nous avons constaté à maintes reprises que le Conseil ne faisait respecter que des règles minimums en matière de contenu et qu’il hésitait à faire appliquer les conditions s’attachant aux licences des grands radiodiffuseurs.

    Nous avons relevé que les dépenses consacrées au contenu canadien avaient baissé de 5 p. 100 alors que celles qui s’appliquaient au contenu étranger, celui des États-Unis dans la plupart des cas, avaient augmenté de 56 p. 100. Nous considérons que ces chiffres sont le reflet d’une tendance et qu’il faut que le CRTC fasse véritablement appel au pouvoir législatif dont il dispose pour faire appliquer les conditions qu’il attache lui-même aux licences.

    Nous estimons aussi qu’on pourrait modifier la loi afin de prévoir une participation des organisations nationales à but non lucratif aux audiences du CRTC en les finançant pour qu’elles puissent présenter des mémoires sur des questions qui intéressent leurs membres.

    Nous estimons que les audiences du CRTC relèvent d’une procédure très coûteuse et complexe et que les radiodiffuseurs commerciaux qui interviennent devant le Conseil sont clairement avantagés par rapport à des groupes comme le nôtre ou d’autres intervenants qui se sont présentés ce matin, qui ont beaucoup de choses à dire pour faire avancer les politiques publiques mais qui en sont souvent empêchés pour des raisons financières.

    Le CRTC doit effectivement veiller à ce qu’il n’y ait pas d’érosion des niveaux de contenu canadien sur les chaînes de radio et de télévision canadiennes et à ce que le montant des dépenses et le nombre d’émissions progressent régulièrement sur une période de cinq ans. Nous estimons aussi qu’il serait utile d’effectuer et de publier des recherches afin d’évaluer les formes d’accès et de diversité disponibles au sein du réseau de radiodiffusion.

¿  +-(0925)  

    Nous sommes aussi venus ici appuyer la SRC, le radiodiffuseur public canadien, et toutes les émissions publiques. Nous considérons que la radiodiffusion publique est essentielle au sein du réseau. Nous préconisons un financement stable et permanent de la SRC par le Parlement sur un certain nombre d’années. Nous aimerions par ailleurs que la Loi sur la radiodiffusion soit modifiée pour que le conseil d’administration de la SRC soit en mesure de choisir lui-même son président. Nous estimons que la position du conseil d’administration est parfois compromise par le fait qu’il ne peut pas choisir lui-même son président.

    Nous nous félicitons des succès du Fonds canadien de télévision et de Téléfilm Canada, qui ont réussi à faire augmenter le nombre et la qualité des émissions et des films canadiens à notre disposition, et nous sommes en faveur d’un financement stable et permanent pour ces deux organisations. FACTOR et Musique action ont eux aussi exercé une grande influence sur le développement du secteur canadien de la musique, et nous sommes en faveur d’un financement stable et permanent les concernant.

    Nous estimons que la décision prise par le CRTC de renoncer à son étude d’Internet était prématurée. Nous pensons qu’il lui faut continuer à surveiller ce secteur en s’assurant que le contenu canadien sur Internet est suffisant. Nous ne voulons pas dire par là que le CRTC peut réglementer Internet, mais nous considérons qu’il peut trouver les moyens de s’assurer que le contenu canadien y figure bien, dans les deux langues officielles.

    Nous sommes favorables à la modernisation de la Loi sur le droit d’auteur. Nous sommes intervenus dans l’étude du droit d’auteur sur les supports numériques effectuée par Industrie Canada et Patrimoine Canada. Nous souscrivons au point de vue de SarTec et d’UDA, qui se sont présentés devant votre comité il y a quelques semaines pour souligner l’importance du droit d’auteur dans les médias numériques. Les droits d’auteur représentent une part essentielle des revenus des artistes et nous devons nous assurer que cet argent revient aux artistes.

    Il faut, à notre avis, que la voix des petits indépendants, y compris celle des producteurs indépendants non affiliés, puissent continuer à se faire entendre dans le réseau canadien de radiodiffusion. Cela nous ramène à ce que je viens de dire sur la nécessité d’examiner et d’étudier les possibilités d’accès des producteurs indépendants au système de radiodiffusion.

    J’ai indiqué, au sujet des trois volets de la politique culturelle, que la propriété était l’un des éléments fondamentaux. Nous estimons qu’il y a une forte polémique concernant la propriété étrangère des médias canadiens, notamment au niveau des radiodiffuseurs, et nous adjurons votre comité de prendre position de manière résolue sur les règles de propriété qui sont aujourd’hui en place.

    Enfin, nous considérons qu’il convient de protéger les priorités culturelles canadiennes dans le cadre des négociations commerciales internationales. Nous savons que des pressions s’exercent constamment sur le Canada pour qu’il fasse des compromis au sujet de sa politique culturelle nationale.

    La Conférence canadienne des arts a consacré beaucoup de temps ces deux dernières années à la mise en place d’un réseau international sur la diversité culturelle. Ce groupe a désormais préparé une convention sur la diversité culturelle, qu’il va présenter lors d’un colloque international qui aura lieu en Afrique du Sud cet automne. Nous invitons les membres de votre comité à se tenir au courant de cette initiative. Elle émane en partie de notre ministre du Patrimoine, Sheila Copps, qui oeuvre au sein d’un réseau ministériel parallèle au réseau de nos ONG. Nous espérons avoir fait des progrès cet automne en ce qui a trait à cette convention.

¿  +-(0930)  

    Il sera très important, pour maintenir l’intégrité de notre Loi sur la radiodiffusion, de veiller sur ce que va faire le Canada lors des négociations commerciales internationales.

    Ce sont là les recommandations de la Conférence canadienne des arts. Je m’arrête là.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Madame Williams, vous avez parfaitement réussi, en quelques minutes, à nous exposer les grands enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous avons particulièrement apprécié la façon dont vous vous êtes exprimée. Votre exposé était concis tout en étant très clair. Toutes ces questions fondamentales ayant trait au contenu canadien, au rôle joué par le CRTC, à la radiodiffusion publique, à la propriété étrangère et au rapport entre la culture et le commerce à l’échelle internationale sont bien celles auxquelles nous sommes confrontés et qu’évoquent nombre de témoins. Vos recommandations revêtent bien sûr une extrême importance et vous pouvez être sûre que nous les examinerons de très près.

    Nous allons maintenant passer aux questions. Madame Gagnon.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci beaucoup.

    Vous avez parlé d'assumer les frais des organismes qui viendraient se faire entendre auprès du CRTC. Présentement, on est en train d'étudier le projet de loi S-7, qui nous vient du Sénat et qui est présenté par un député libéral. On hésite à donner notre accord final parce que les critères ne sont pas établis et que c'est le CRTC qui serait chargé de les établir. Quels seraient les frais pour les petits radiodiffuseurs? Et quel serait l'encadrement de cette loi-là? C'est un grand principe que de vouloir assumer les frais. Nous sommes d'accord sur ce principe, mais est-ce que ce serait les bons organismes qui seraient sélectionnés? On semble vouloir prendre ce qui est écrit dans la Loi sur les télécommunications et donc on transposerait... Auriez-vous des directives à nous donner concernant certains critères qui pourraient être inclus? Ceci permettrait peut-être au comité d'apporter des amendements à ce projet de loi avant qu'il soit voté en Chambre.

[Traduction]

+-

    Mme Megan Williams: Je sais bien qu’il serait difficile de déterminer quelles sont les organisations pouvant légitimement bénéficier de ces crédits lorsqu’elles se présentent devant le CRTC. Les organisations du secteur des arts comme la nôtre sont spécialement classées par le ministère du Patrimoine canadien. Nous sommes une organisation nationale au service des arts et, à ce titre, nous sommes assimilés à un organisme de bienfaisance aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il y a quelque 14 organisations ainsi classées par le ministère du Patrimoine canadien. Ce n’est pas un grand groupe, et les critères sont assez stricts.

    On pourrait peut-être se servir de ce modèle pour désigner un groupe d’organisations nationales qui agissent vraiment dans l’intérêt public, qui sont en mesure d’avancer certains critères concernant leurs membres, la structure de leur conseil d’administration, etc., et qui sont à même d’établir qu’elles constituent en fait des organismes de bienfaisance, ou du moins qu’elles peuvent prétendre à ce statut. On pourrait éventuellement retenir ce modèle et l’étendre à d’autres organisations pour qu’elles puissent prétendre à bénéficier des crédits accordés par le CRTC.

¿  +-(0935)  

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Merci. Dans un autre ordre d'idées, la Loi sur la radiodiffusion nous amène à nous pencher sur le contenu canadien. Nous savons que la ministre fait un travail parallèle au comité et qu'elle est en consultation, à l'heure actuelle, sur le contenu canadien. Vous a-t-on demandé de faire des recommandations à ce comité? Que pensez-vous, par exemple, des propos du président de Téléfilm Canada quant aux différentes orientations envisagées pour appuyer des films qui seraient davantage de type hollywoodien? Pensez-vous que ce serait néfaste pour la production canadienne dans son ensemble, y compris pour la partie francophone au Québec et hors Québec?

+-

    Mme Marie Cadieux: Je peux essayer de répondre. Je pense que ces remarques du président de Téléfilm ont quand même été ensuite un peu temporisées. J'ai l'impression que c'est arrivé dans la foulée d'une nomination et d'un enthousiasme. Il y a quand même un comité qui se penche en ce moment sur l'avenir du cinéma. C'est un comité consultatif où on retrouve des gens de l'UDA, des scénaristes, etc. Ils sont justement en train, dans la mesure du possible, de faire des représentations pour protéger le cinéma canadien de ce genre d'érosion.

    Il est certain que ce sont des notions fragiles auxquelles il faut faire très attention. Je pense à toute cette notion, par exemple, selon laquelle le vedettariat américain va faire vendre des films. Ce n'est pas nécessairement le cas, dans la mesure où on est très conscients que les vedettes qui vont nécessairement faire le box office coûtent en fait le budget total d'une production canadienne. Ce qui est important, c'est surtout d'avoir des budgets adéquats au niveau de la mise en marché.

    On a bien vu, au Québec et au Canada anglais, que la télévision sert souvent à bâtir du vedettariat. Quand a de bons téléromans et de bons téléfilms, que ce soit des productions présentées à CBC ou des productions indépendantes, où des acteurs canadiens-anglais et canadiens-français sont vus au petit écran, les gens veulent ensuite les voir au grand écran. Mais il faut qu'il y ait des sous pour la campagne de mise en marché. La question est beaucoup plus de mousser les gens que nous avons, les talents que nous avons. Au plan économiquement, c'est de l'argent beaucoup mieux investi et qui reste au pays.

+-

    Mme Christiane Gagnon: J'aimerais faire un commentaire, monsieur le président. On le voit au Québec avec les productions et avec les téléromans. On a quand même une production intéressante, des artistes qui ont su se faire connaître et qui sont reconnus. Un des arguments qu'on soulève souvent du côté de la production canadienne-anglaise, c'est que ça coûte plus cher parce que le défi est d'avoir une production qui ressemble à ce qui se fait aux États-Unis. Ils sont à la recherche de leur originalité en termes de production. Cela vient peut-être rejoindre ce que vous dites. À ce moment-là, ils auraient à bâtir leur propre vedettariat, comme cela s'est fait au Québec. On a quand même des marchés différents de par les efforts qu'on a mis et la façon de faire de la production.

+-

    Mme Marie Cadieux: Je crois que c'est en train de se faire du côté du Canada anglais. Si on pense au succès d'émissions comme Road to Avonlea, Due South, etc., la problématique est plutôt celle de rejoindre le public canadien-anglais et de l'inciter à regarder ces choses. Je pense que tous les Canadiens sont très fiers du succès, par exemple, de Anne of Green Gables, de Road to Avonlea et de toutes ces choses qui ont fait le tour des marchés internationaux. Mais il en faut plus, et ce sont souvent des choses qui ont démarré avec des fonds publics. En fait, elles ont toutes démarré avec des fonds publics et avec l'aide et l'expertise de CBC. C'est pourquoi il est si important d'avoir des diffuseurs publics qui sont véritablement engagés dans un développement culturel.

¿  +-(0940)  

+-

    Mme Christiane Gagnon: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Williams.

+-

    Mme Megan Williams: J’aimerais répondre à la première partie de votre question. Nous sommes bien sûr en contact avec le comité d’examen du contenu canadien et nous allons présenter un exposé détaillé devant ce comité.

+-

    Le président: Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill (Datmouth, NPD): Merci d’être venus aujourd’hui. J’ai lu votre premier mémoire et je dois vous dire que je l’ai particulièrement apprécié. Je l’avais trouvé particulièrement clair, et c’est aussi le cas de celui-ci.

    Je relève avec intérêt que dans ces deux documents vous vous montrez particulièrement déçue par le responsable de la réglementation–le CRTC–et par la façon dont il administre la loi. Pourriez-vous nous donner des exemples nous indiquant pour quelles raisons vous en arrivez à une conclusion aussi sévère, à savoir que le CRTC n’a pas vraiment maintenu l’esprit de la Loi sur la radiodiffusion, soit de sauvegarder, d’enrichir et de renforcer la culture et le contenu canadien.

+-

    Mme Megan Williams: Nous avons fait de nombreuses recherches dans les dossiers du CRTC, notamment lorsque nous sommes intervenus lors du renouvellement des licences de Global et de CTV. Je suis disposée à consacrer à nouveau un certain temps à la question et je vous ferai parvenir des exemples.

    Il est facile de savoir ce qui s’est passé en prenant les statistiques. Il est vrai que les dépenses consacrées au contenu canadien ont baissé de 5 p. 100 depuis que les statistiques sont disponibles. Il est vrai aussi que les dépenses consacrées au contenu étranger ont considérablement augmenté.

    J’aimerais bien prendre un peu de temps pour vous donner des exemples précis. C’est une chose à faire, surtout lorsque l’on sait que l’on doit prochainement revoir la question du contenu canadien.

+-

    Le président: Pourriez-vous faire parvenir ces renseignements à la greffière pour que tous les membres du comité puissent en prendre connaissance? Je vous remercie.

+-

    Mme Wendy Lill: Je dois dire que l’on a relevé entre autres le fait que le CRTC ne possède pas son propre service de recherche pour effectuer le travail nécessaire. C’est ce que nous ont dit des groupes de tout le pays, qu’il était impossible de recueillir des données de manière indépendante et que l’on ne voyait pas, par conséquent, comment on pourrait se prononcer sur l’administration de la loi.

+-

    Mme Megan Williams: Nous avons effectué une recherche très onéreuse concernant le CRTC. Simplement pour retirer les dossiers des archives, il faut planifier à l’avance et faire des recherches très précises. Nous avons découvert que l’on avait passé au déchiqueteur tous les dossiers vieux de plus de 15 ans. Des tendances étaient apparues depuis la création du CRTC, et l’accès à cette information est désormais impossible. C’est pourquoi, lors de l’une de nos interventions devant le CRTC, nous avons recommandé que l’on s’efforce de rendre l’information plus accessible et que l’on arrête de déchiqueter les dossiers.

+-

    Mme Wendy Lill: J’ai une question à vous poser au sujet du contenu canadien, Marie, puisque vous êtes vous-même cinéaste. Je suis par ailleurs très heureuse de vous voir ici puisque vous représentez, vous nous l’avez dit, les auteurs, les créateurs et tous les gens concernés par cette question de contenu canadien.

    Nous sommes allés sur différents sites de production et nous avons parlé à différents radiodiffuseurs et producteurs du pays, qui nous rappellent constamment que le contenu canadien au sein de l’industrie évolue à l’heure actuelle en fonction des exigences du marché et qu’à mesure que nous nous efforçons de nous internationaliser, le contenu canadien diminue et nos oeuvres ont une vocation plus générale. Je me demande ce qu’en pensent les auteurs et les créateurs. Dans quelle mesure pouvez-vous encore faire aller votre imagination sur des questions qui touchent votre pays, votre quartier ou vos voisins compte tenu des exigences d’un contenu industriel mondialisé?

+-

    Mme Marie Cadieux: Je suis peut-être un peu naïve, mais il me semble que nous ne pourrons jamais exercer notre concurrence au niveau des effets spéciaux. Nos effets spéciaux, ce sont les scénarios. Prenez l’industrie cinématographique dans le monde entier, si l’on excepte l’industrie américaine, lorsque les films ont du succès, lorsqu’ils sont largement diffusés, c’est parce qu’ils racontent une histoire et qu’ils sont bien faits, pas nécessairement parce qu’ils ont un gros budget, et parce qu’il y a alors des responsables de programmes et des distributeurs enthousiastes qui prennent des risques, appuyés par les gouvernements. Nous voyons alors ces films. Toutes sortes d’histoires de ce type sont représentées dans le monde entier. Ces films ne font peut-être pas les manchettes de nos journaux, mais ils sont bien vivants.

    L’une des choses qui nous préoccupent—et je fais ici une parenthèse—au sujet du contenu canadien, au niveau de la critique d’art dans nos journaux actuels étant donné la concentration de la presse et les regroupements que l’on constate aujourd’hui, c'est qu'il y a de moins en moins de journalistes qui se consacrent à plein temps aux questions culturelles dans la presse d’aujourd’hui, alors que parallèlement il y a de plus en plus de sujets à traiter dans ce domaine.

    Pour en revenir maintenant à l’industrie du film en tant que telle, je pense que si nous donnons aux créateurs les moyens de raconter des histoires de chez nous, de manière intéressante, il y aura un auditoire. On y parvient effectivement. Nous sommes nombreux à en vivre. Nos noms ne vous sont peut-être pas familiers étant donné la structure du vedettariat qui est la nôtre à l’heure actuelle, mais nous existons et nous vivons de notre métier.

    Je pense que la culture mondialisée se développera jusqu’à un certain point et que les gens chercheront ensuite autre chose. Pourquoi croyez-vous que tant de gens se tournent vers Internet et vers d’autres possibilités de divertissement et d’accès multimédia? C’est parce qu’ils veulent voir autre chose.

    Il y a donc là une certaine difficulté, mais ce n’est pas si grave. À mon avis, les artistes canadiens nous disent: «Laissez-nous raconter des histoires. Ce ne sera peut-être pas un sujet spécifiquement canadien. Il est possible que la scène se passe en partie en France, mais c’est mon histoire et je suis un artiste canadien».

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Monsieur Tirabassi.

+-

    M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Je souhaite moi aussi la bienvenue aux témoins, qui ont pris le temps de comparaître aujourd’hui alors que nous nous efforçons de rassembler toute cette information.

    Notre comité a entendu de nombreux témoins dans le cadre de son étude de la Loi sur la radiodiffusion. Parmi les groupes et les particuliers que nous avons entendus, il y a eu les représentants du Fonds canadien de télévision. J’aimerais que vous m’aidiez ici, car il y a une question que je me pose. À votre avis, est-ce que le mandat de ce groupe de financement et les règles qui s’appliquent aux subventions répondent bien aux besoins des producteurs? Comme corollaire, est-ce qu’il faut que ces règles soient plus strictes ou plus souples?

+-

    Mme Megan Williams: Comme nous l’avons dit dans nos recommandations, nous sommes tout à fait en faveur du fonds et des grands principes qui s’y appliquent. La quantité d’argent dont il dispose a eu de toute évidence un effet salutaire sur la production de films et d’émissions télévisées. Je ne suis pas de très près l’évolution du fonds et ce sont les gens qui présentent des demandes de subvention qui pourront vous en parler plus en détail. Je pense que les responsables du fonds continuent à rechercher le bon équilibre et le bon moyen d’évaluer les demandes. Lors de la dernière ronde de subventions, il y a eu quelques frictions parce que la réglementation a changé pendant que l’on présentait les demandes et nombre de producteurs marginaux, si je peux les appeler ainsi, n’ont pas pu obtenir de subvention.

    Tout le monde a probablement lu les articles sur Niv Fichman et Atom Egoyan dans le National Post de la fin de semaine dernière et sait que l’on a refusé de subventionner des oeuvres très importantes. Je sais aussi que l’APTN, le Réseau de télévision des peuples autochtones, a eu des difficultés à accéder au fonds.

    Nous savons que la diversité est la réponse à bien des maux dans le monde d’aujourd’hui, et il est très important de s’assurer que des voix provenant d’origines diverses ont la possibilité d’accéder à ce fonds. Je considère donc en effet que cette réglementation a besoin d’être peaufinée.

+-

    M. Tony Tirabassi: Je m’interroge simplement au sujet du contenu canadien, dont on a évidemment beaucoup entendu parler. Il semble que ce soit ici l’alpha et l’oméga. Quels doivent être les critères, à votre avis? Je suis un nouveau venu au sein de ce comité, et je me demande ce que vous en pensez. Faut-il que les bailleurs de fonds fournissent davantage de directives au sujet du contenu canadien ou doit-on laisser aux producteurs le soin de le définir?

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Megan Williams: Il faut que l’on réglemente ce qui constitue le contenu canadien. Sinon, cette notion va tout simplement disparaître. Mais bien évidemment, il y a des anomalies. Niv Fichman s’efforce d’obtenir des fonds pour Elizabeth Rex, une pièce écrite par un Canadien et jouée par des Canadiens mais qui ne répond pas aux exigences du contenu canadien parce qu’elle met en scène une reine d’Angleterre. Il y a quelque chose qui ne va pas ici. C’est une notion qu’il faut constamment préciser et qu’il faut toujours chercher à bien comprendre.

    À mon avis, ce qui importe vraiment en matière de contenu canadien, c’est qu’il doit émaner de Canadiens. C’est la première chose. Il ne s’agit pas de savoir si un certain nombre de grands clichés canadiens apparaissent bien dans le film ou si la scène se passe au Canada. L’oeuvre de Michael Ignatieff sur la guerre dans l’ex-Yougoslavie avait une très grande importance pour les Canadiens. Nous pouvions voir quelque chose à travers son regard. C’est cela, le contenu canadien; c’est quelque chose qui est fait pour nous. Par conséquent, ce qui est fondamental, à mon avis, c’est que l’oeuvre soit au service des Canadiens sur le plan de la création et de la production.

+-

    Mme Marie Cadieux: J’ai quelque chose à ajouter à ce sujet.

[Français]

Les grands principes du contenu canadien et de la propriété canadienne doivent être enchâssés dans les directives.

    Le Fonds canadien de télévision a tout de même fait du bon travail pour ce qui est de permettre à de petits producteurs de prendre de la force et de produire. Il y a beaucoup plus de productions indépendantes qu'il y en avait il y a 10 ans. Nous sommes très, très heureux de cela, et les créateurs en profitent énormément. Mais il faut savoir que les producteurs sont des gens d'affaires qui fonctionnent avec des fonds publics. Or, c'est dans la nature même du commerce, évidemment, que de vouloir faire plus de profits et d'aller chercher le maximum.

    Il me semble que le principe intrinsèque de la société canadienne est que les fonds publics doivent servir au bien-être de la population canadienne, et non pas nécessairement à financer des entreprises essentiellement privées. C'est pourquoi, au niveau du Fonds canadien de télévision, de Téléfilm Canada et du CRTC, il est extrêmement important que les grands principes de l'appartenance canadienne et du contenu canadien ne soient jamais érodés.

    Évidemment, tout comme Megan l'a dit, du contenu canadien, ce n'est pas nécessairement une histoire qui se passe sous le chapiteau du Parlement canadien; c'est une histoire racontée par des Canadiens pour des Canadiens.

    Le président: Monsieur Hearn.

[Traduction]

+-

    M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Merci, monsieur le président.

    Je tiens moi aussi à souhaiter la bienvenue à nos invités ce matin et à les remercier de nous avoir présenté un exposé clair et concis.

    Pour enchaîner sur certaines des questions que l’on vient de vous poser, lorsqu’on parle de contenu canadien, je suis d’accord pour dire que les règles manquent peut-être totalement de clarté parce qu’il y a bien des façons, j’imagine, de déterminer ce qu’est un véritable contenu canadien. Toutefois, si l’oeuvre est produite au Canada, conçue au Canada et jouée par des Canadiens, même si la scène se passe dans une autre partie du monde, elle est canadienne à mon avis. Les Canadiens sont ici les principaux bénéficiaires. Je crois que c’est finalement le critère de référence—qui seront les véritables bénéficiaires de l’oeuvre.

    Il y a cette vieille émission canadienne, bien entendu, que nous connaissons tous, Front Page Challenge, mettant en scène Pierre Berton et Betty Davis, et je vais vous poser une question à la Gordon Sinclair. Si nous voulons avoir un bon contenu canadien, de qualité, il faut que les créateurs de ce contenu—l'écrivain, l'artiste—puissent gagner leur vie en donnant naissance à ce contenu. Sinon, on ne pourra pas avoir de bonnes créations de ce type. Étant donné le nombre d’étapes qui séparent l’écriture de l’oeuvre de l’écran ou de la scène ou encore du passage à la radio ou à la télévision, est-ce qu'à la base nos artistes sont en mesure de gagner suffisamment d’argent, compte tenu des formalités, de la réglementation et des tracasseries administratives actuelles, pour que ça vaille la peine de travailler au Canada?

¿  +-(0955)  

+-

    Mme Marie Cadieux: Sans vouloir être trop simpliste, j’ai quand même une voiture et une maison.

    Oui, c’est possible. Le problème tient davantage à la sécurité. Nous n’avons pas de retraite, nos soins dentaires ne sont pas remboursés, etc. Pour ceux qui entrent dans le métier ou qui sont à un échelon moyen, ça peut être très difficile. C’est pourquoi en tant que créateurs nous disons souvent que les artistes canadiens sont les plus grands bailleurs de fonds de notre culture parce qu’avec la même quantité d’argent on assure effectivement la sécurité financière de notre famille et notre retraite éventuelle.

    Mais effectivement, c’est possible. Il y a peut-être certaines dispositions de la loi, mais ce n’est pas ici qu’il faut en débattre, que nous aimerions voir changer. Toutefois, ce ne sont pas ces lois qui nous préoccupent pour l’instant. La Conférence canadienne des arts abordera certaines de ces questions devant des instances différentes. C’est possible, toutefois. La situation est peut-être un peu plus inquiétante pour les jeunes qui entrent actuellement dans le métier. Un bon et solide contenu canadien avec des producteurs divers, et non pas simplement deux ou trois... Car à partir du moment où il n’y a que deux ou trois radiodiffuseurs, la pression s’accentue, comme vous nous l’avez signalé, madame Lill, en faveur des productions à vocation générale. Toutefois, plus il y a de niveaux de production différents, plus on a de gens qui peuvent gagner leur vie.

    Je vous remercie d’avoir posé cette question; elle est très importante.

+-

    M. Loyola Hearn: Merci.

    On nous a signalé entre autres que les dépenses consacrées au contenu canadien avaient baissé de 5 p. 100. Ce n’est pas suffisamment clair pour moi. Est-ce que vous nous signifiez par là que nous dépensons 5 p. 100 de moins qu’auparavant ou est-ce qu’il s’agit d’une différence relative? Si je vous pose la question, c’est parce que vous nous dites que les dépenses consacrées au contenu étranger ont fortement augmenté. S’il n’y a qu’une différence de 5 p. 100, cela veut dire bien entendu que les dépenses étrangères n’ont progressé que de 5 p. 100. Je pense toutefois que vous nous dites que nous dépensons 5 p. 100 de moins qu’auparavant. C’est bien ça?

+-

    Mme Megan Williams: Effectivement.

+-

    Mme Marie Cadieux: Oui.

+-

    M. Loyola Hearn: S’il en est ainsi, cela reflète en chiffres absolus la triste situation dans laquelle se trouve notre industrie.

    Avez-vous un commentaire à faire?

+-

    Mme Megan Williams: Oui. Je pense que la question mérite que l’on s’y attarde pour que l’on comprenne bien ce que cela signifie en chiffres absolus pour les producteurs.

    Laissez-moi en revenir un instant à votre question touchant le rôle des artistes appartenant à ces professions et leur possibilité de gagner de l’argent. Si vous considérez, par exemple, la communauté des artistes de Terre-Neuve, vous verrez qu’il y a de magnifiques réussites. Tout le monde au Canada connaît les oeuvres des artistes de Terre-Neuve à la scène, au cinéma et à la télévision. Ces artistes s’en sortent. Ils se retrouvent tous au plus bas échelon des salaires et ils ne jouissent d’aucune sécurité, mais ils sont là, ils travaillent et ils mènent une vie qui leur convient.

    Nous avons signalé entre autres dans nos recommandations l’importance des droits d’auteur pour ces gens. Considérez l’industrie de la musique... Dans l’industrie cinématographique, on peut gagner beaucoup d’argent si l’un des films... Si Rare Birds passe à l’écran, Ed Rich pourrait bien devenir riche — pas vraiment riche, mais... Toutefois, dans l’industrie du disque, les artistes n’ont pas grand-chose à gagner de la vente de chaque CD. Lorsque les CD sont télédéchargés sans payer à partir d’Internet, et lorsque les gens... Nos enfants ne comprennent pas pourquoi nous nous refusons à les laisser télédécharger sans payer, pour être sûrs que quelques sous vont être versés à l’artiste sur chaque enregistrement. Il est terriblement important de régler cette question et de faire en sorte que tout le monde comprenne bien ce que signifie le fait de télédécharger sans payer des oeuvres sur Internet et qu’il convient de faire vivre les artistes qui travaillent et dont les oeuvres sont copiées sur Internet.

À  +-(1000)  

+-

    M. Loyola Hearn: Une dernière petite intervention, monsieur le président.

    Laissez-moi vous dire tout d’abord que vous avez raison au sujet des artistes de Terre-Neuve. Dans une vie antérieure, j’ai eu l’occasion de travailler à leurs côtés et, je l’espère, de les avoir aidés quelque peu.

    Vous nous avez indiqué qu’il faudrait peut-être que le président de Radio-Canada soit élu–ou choisi–par le conseil d’administration et non pas nommé par le gouvernement. Je considère que pour ma part que c’est une idée à envisager. Il y a peut-être des raisons qui justifient le contraire mais, pour pouvoir bien faire ce travail, il faut certainement pouvoir compter sur quelqu’un qui connaît l’ensemble de l’industrie et toutes les complications que cela entraîne.

    J’aimerais savoir, rapidement, pour quelle raison vous faites cette recommandation.

+-

    Mme Megan Williams: Soyons bien clairs. Le président du conseil d’administration de Radio-Canada, comme son président-directeur général, sont nommés par le premier ministre. C’est le président-directeur général dont je parle, et non du président du conseil d’administration, parce que je considère que le radiodiffuseur public a un rôle important à jouer et doit être suffisamment indépendant du gouvernement. Les personnes nommées au sein du conseil d’administration sont toujours des représentants éminents de la profession qui ont d’énormes connaissances, et si j’étais membre de ce conseil, je souhaiterais nommer moi-même le président-directeur général qui répond à nos besoins.

    Ce conseil d’administration est tout aussi à même de nommer un président-directeur général qualifié que ne l’est le Cabinet du premier ministre et cette nomination serait moins soumise à des pressions politiques qu’elle ne l’est à l’heure actuelle. Je considère qu’il serait très important pour notre radiodiffuseur public de pouvoir compter sur un président-directeur général indépendant des partis politiques.

+-

    Le président: Quelqu’un veut poser d’autres questions?

[Français]

    Madame Gagnon, brièvement.

+-

    Mme Christiane Gagnon: J'aimerais revenir sur le Fonds canadien de télévision. Une des remarques qui nous ont été faites est que la flexibilité quant aux types de... Pour des cinéastes qui produisent des documentaires, il y a la vision canadienne, mais souvent ils veulent refléter une partie du monde à l'extérieur du Canada. C'est à ce moment-là qu'ils perdent des points, parce que ce n'est pas produit et réalisé au Canada. Il y a aussi une question d'embauche de personnel provenant du Canada. C'est un des irritants, car ils se disent qu'un documentaire demande plus de flexibilité.

    Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus?

+-

    Mme Marie Cadieux: La situation du documentaire est particulière. Le documentaire canadien a une haute réputation, mais en même temps, il est très fragile. Il est fragilisé en particulier par la télévision, qui accepte peu de documentaires et qui les accepte dans un format très précis. Par ailleurs, on fait encore beaucoup de documentaires, Dieu merci, et je crois que tous les travailleurs de la culture, créateurs, artistes, techniciens, vont vouloir que la main-d'oeuvre soit essentiellement canadienne sur toute production.

    Par rapport aux sujets couverts--je pense qu'on en a parlé aussi pour la fiction--, les Canadiens sont des gardiens de la paix partout dans le monde. Je ne vois pas pourquoi on ne serait pas aussi des cinéastes partout dans le monde. Ce n'est pas parce qu'un Canadien part en Bosnie avec une caméra qu'il n'est plus un Canadien. Il est important qu'on raconte ces histoires-là aussi.

+-

    Mme Christiane Gagnon: J'ai une question sur l'Internet. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais vous avez dit qu'il ne faudrait pas réglementer l'Internet ou que ce serait difficile de le faire. Certains nous disent qu'il faudrait une certaine réglementation; d'autres nous disent que c'est impossible à réglementer. J'aimerais que vous nous expliquiez votre point de vue. J'ai eu l'impression que vous disiez que c'était difficile de réglementer l'Internet.

[Traduction]

+-

    Mme Megan Williams: Je pense qu’il est impossible de réglementer Internet, qui échappe au contrôle canadien, mais que le Canada peut instaurer des mesures incitatives visant à promouvoir le contenu canadien sur Internet en s’assurant qu’il y a de bons moteurs de recherche canadiens et qu’une quantité d’informations soit mise à la disposition de notre population au sujet d’Internet. Je pense qu’avec le nouveau projet sur le contenu canadien en ligne, qui a été annoncé par le ministère du Patrimoine canadien, nous allons voir bien davantage de contenu canadien de qualité.

+-

    Mme Marie Cadieux: Nous avons effectivement recommandé que le CRTC revoit sa politique de 1999 en ce qui a trait à Internet. Même si c’est difficile, je pense que nous pouvons régler cette question. De quelle façon exactement, c’est là toute la difficulté, bien évidemment.

À  +-(1005)  

[Français]

En fait, on est en train de dire que c'est très compliqué, mais qu'il faut le faire.

[Traduction]

+-

    Le président: Avant d’en finir avec ce groupe de témoins, je voudrais revenir sur votre recommandation touchant la nomination du président-directeur général de Radio-Canada par le conseil d’administration. Plusieurs intervenants ont évoqué la question de la nomination des membres du conseil d’administration de Radio-Canada et du CRTC. Vous proposez pour votre part que le président-directeur général de Radio-Canada soit nommé par le conseil d’administration de cette société, qui lui-même est nommé. Est-ce que cela ne revient pas à procéder de toute façon à des nominations en cascade? Si le conseil d’administration est lui-même nommé et nomme ensuite l’un de ses membres, ce sont toujours des représentants nommés.

+-

    Mme Megan Williams: Je n’ai peut-être pas été assez claire. Je voulais dire par là que le conseil d’administration engage le président-directeur général, pas qu’il le nomme. Il passerait en revue les différentes candidatures et engagerait un président-directeur général.

+-

    Le président: Ah, je comprends, une personne venant de l’extérieur.

+-

    Mme Megan Williams: De cette façon, on s'éloignerait de la procédure de nomination.

+-

    Le président: Je comprends.

    Certaines personnes ont proposé que nous nous penchions sur la méthode retenue par la SRC. Le mécanisme de sélection a une portée très large. Il s’étend jusqu’à la base et touche toutes les couches de la société. C’est en quelque sorte du bouche à oreille qui amène éventuellement à recommander un groupe de personnes. Ces dernières nomment alors un président en leur sein.

    D’autres ont proposé que le mécanisme de sélection soit différent pour le CRTC et que ses membres ne soient plus nommés mais choisis selon une procédure différente de celle qui a cours à l’heure actuelle et qui s’apparenterait davantage à celle de la SRC. Qu’en pensez-vous?

+-

    Mme Megan Williams: Je n’étais pas au courant du mécanisme permettant de sélectionner le président de la SRC, mais cela s’apparente de celui que nous serions disposés à appuyer, dans le cadre d’une procédure faisant appel très largement à tous les candidats susceptibles d’occuper ce poste.

    Nous ne sommes pas allés jusqu’à faire ce même type de recommandation dans notre mémoire au sujet du CRTC. Nous avons simplement pensé qu’il y aurait bien trop d’obstacles à surmonter. Je considère toutefois que de manière générale il est préférable de chercher des candidats dans l’ensemble de la population canadienne pour trouver des commissaires dynamiques et ouverts dont on veut doter le CRTC plutôt que de recourir à des nominations qui, nous le savons tous, sont sujettes au clientélisme. Je serais donc certainement en faveur d’une telle procédure lorsqu’il s’agit d’engager les commissaires du CRTC.

+-

    Le président: Je suis vraiment surpris que la Conférence canadienne des arts considère qu’il y a là trop d’obstacles à surmonter. Vous arrivez généralement à franchir des montagnes. Quoi qu’il en soit, nous avons réellement apprécié votre présence aujourd’hui. Merci de nous avoir fait part de vos réflexions et de vos recommandations.

[Français]

Merci beaucoup d'avoir été parmi nous aujourd'hui.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre le deuxième groupe de témoins. Nous allons consacrer l’heure et demie qui vient à un seul groupe de témoins qui comprend Communications and Diversity Network, Christian Communications Consultants, l’Alliance évangélique du Canada et la Fondation canadienne des relations raciales.

    Nous allons donner aux membres de ce groupe le temps de s’asseoir à la table.

    Le Communications and Diversity Network est représenté par Raj Rasalingam, son président, ainsi que par le professeur Lionel Lumb et M. Reuben Friedman, membres de son conseil d’administration. Christian Communications Consultants est représenté par M. Patrick Bestall, son président et par M. Don Brooks, de Woodham Communications Inc., qui en est le secrétaire. L’Alliance évangélique du Canada est représentée par M. Bruce Clemenger, le directeur du Centre for Faith and Public Life. Enfin, la Fondation canadienne des relations raciales est représentée par Mme Karen Mock, sa directrice exécutive.

    Nous allons commencer par Raj Rasalingam, de Communications and Diversity Network.

À  +-(1010)  

+-

    M. Raj Rasalingam (président, Communications and Diversity Network): Je remercie les membres de votre comité de me donner l’occasion de me présenter devant vous. Je m’appelle Raj Rasalingam. Je viens témoigner aujourd’hui en ma qualité de président de l’Institut Pearson-Shoyama, un groupe de réflexion sur les politiques publiques.

    Le Communications and Diversity Network, qui dépend de l’institut, est le chef de file à l’échelle nationale sur les questions qui ont trait à la diversité dans les médias. J’ai à mes côtés deux membres de ce réseau, le professeur Lionel Lumb, qui est professeur de communication à l’Université Carleton, et Reuben Friedman, qui jusqu’à une date récente était directeur national des communications du Congrès juif canadien.

    Le Communications and Diversity Network cherche à moderniser la représentation des minorités ethniques dans les émissions à vocation générale. Dans le cadre de sa mission, ce réseau met ses compétences, ses ressources et ses modèles de déontologie à la disposition des radiodiffuseurs pour qu’ils puissent s’adapter à l’évolution de la démographie et des marchés de la consommation en ce qui a trait à la programmation des émissions et aux politiques d’emploi.

    Notre réseau a comparu à maintes reprises devant le CRTC. En l’an 2000, il s’est doté d’un projet bien particulier visant à refléter les réalités du Canada. Ce projet comprend neuf orientations fondamentales devant permettre de faire un grand pas pour atteindre l’objectif, qui est de raconter une histoire canadienne traduisant effectivement les réalités du Canada d’aujourd’hui et de demain.

    Les grandes orientations de ce projet ont bénéficié de l’appui et du financement de Bell Globalmedia, de Rogers Broadcasting, de CHUM Limited et de Standard Broadcasting. Dans le cadre de ce projet, Bell Globalmedia a financé l’organisation de tables rondes sur des points essentiels relevés lors de recherches effectuées précédemment par le CDN.

    La dernière table ronde, qui s’est tenue à Toronto, a mis l’accent sur les répercussions des nouvelles internationales sur les communautés ethniques du Canada et a soulevé un grand intérêt, amenant la participation de journalistes chevronnés de CTV, du Globe and Mail et de TVO ainsi que celle du correspondant du Washington Post au Canada.

+-

    Le président: Pourriez-vous ralentir un peu pour nos interprètes?

    M. Raj Rasalingam: Oui, excusez-moi.

    Le président: Il faut qu’ils puissent vous suivre.

+-

    M. Raj Rasalingam: Bien, je vais faire attention.

    En collaboration avec Rogers, le CDN produit 20 demi-heures de débats télévisés aux heures de grande écoute sur des questions de politique nationale intéressant les communautés ethniques du Canada. C’est actuellement le seul programme de ce type au Canada. On y évoque par exemple sur les ondes l’établissement de profils raciaux, le débat sur le multiculturalisme, les 20 années d’application de la Charte canadienne, etc.

    À compter du 1er mai, en partenariat avec le réseau de télévision CHUM, le CDN va rassembler une base de données sur les spécialistes de certains sujets qui concernent les minorités afin d’aider les médias à rendre compte de la diversité dans leurs domaines respectifs.

    Le CDN continue à penser que les tâches que nous entreprenons dans ce domaine jouent un rôle fondamental pour renforcer la cohésion sociale du Canada.

    Je vais maintenant passer la parole au professeur Lumb.

À  +-(1015)  

+-

    M. Lionel Lumb (professeur, membre, Communications and Diversity Network): Merci de me donner ici la possibilité d’évoquer un sujet qui est au coeur de cette société canadienne remarquable, passionnante et en pleine évolution.

    Nous avons le plaisir de constater qu’il n’est pas besoin d’aller à l’étranger pour expérimenter la richesse des autres cultures, étant donné qu’elles sont tellement nombreuses chez nous. Les conversations ordinaires au sein d’une société aussi variée sont un enseignement quotidien extraordinaire. Lorsque tant de cultures se frottent constamment les unes aux autres, il est normal qu’il y ait des frictions et certaines tensions. Elles sont généralement minimes et il est facile d’y remédier en faisant preuve de cette fameuse tolérance canadienne et d’un peu d’humanité. L’un des grands outils qui permet de faciliter cette compréhension est la télévision, cet outil de communication qui pénètre dans tous les foyers, qui fait partie de la vie des gens et qui est suffisamment puissant pour influer sur leur conception des pays lointains comme de leurs voisins.

    Nous félicitons le CRTC de se faire de plus en plus l’avocat de la diversité en matière de radiodiffusion. Il a eu raison d’encourager les radiodiffuseurs à se doter de programmes visant à accroître la diversité au sein de leurs organisations et dans la façon dont ils représentent la société sur les ondes. Il est indispensable que la population canadienne voit sur ses écrans de télévision le Canada tel qu’il existe dans nos écoles, sur les lieux de travail, dans les hôpitaux, dans les centres d’achat et les centres culturels et dans les quartiers.

    Les immigrants d’il y a 20 ou 30 ans qui ont changé la face du Canada se sont désormais intégrés à notre société et ils ont parfaitement le droit de se voir dans les émissions télévisées de grande écoute. Toutefois, la télévision n’évolue pas aussi vite que la société de notre pays. Il y a certains signes encourageants. Les radiodiffuseurs s’engagent, avec un entrain renouvelé, en faveur de la diversité. Ils ont pris cet engagement ces derniers mois en se dotant de codes sur la diversité précisant les objectifs à atteindre sur le plan de la gestion interne comme dans les émissions diffusées sur les ondes. Auparavant déjà, certaines grandes stations avaient d’ailleurs fait d’importants progrès dans un domaine, celui des émissions d’information et d’actualité. Les journalistes, les présentateurs et les commentateurs représentent bien au sein du personnel toutes les couches de la société canadienne.

    Ceux qui ont été engagés au cours des années 80 étaient des pionniers talentueux dont la présence a encouragé l’embauche récente de nouveaux professionnels appartenant à diverses cultures et s’exprimant avec talent sur les ondes. Les écoles de journalisme—j’enseigne dans l’une d’elles—inscrivent des étudiants appartenant à des cultures bien plus variées qu’auparavant, et l’on part du principe que si l’on engage certains d’entre eux, d’autres vont venir.

    Les radiodiffuseurs reconnaissent qu’ils n’obtiennent pas autant de succès en coulisse, au niveau de la gestion, car les vents du changement ont plus de mal à se faire sentir. Ils savent néanmoins qu’il leur faut faire place au changement dans les postes de haute direction, et ils le reconnaissent. Ils savent aussi qu’il leur faut faire appel sur les ondes à une plus grande diversité de spécialistes et de débatteurs appartenant au grand public, de façon à ce que l’on voie de nouveaux visages et à ce que l’on exprime d’autres points de vue sur l’écran.

    C’est au niveau des séries dramatiques et des spectacles que ce manque de visibilité est le plus flagrant. Dans ce domaine, les médias à vocation ethnique diffusent à leurs téléspectateurs des émissions spécialisées en leur apportant le confort de la langue et de leurs coutumes, mais ce sont les médias à vocation générale qui ont la possibilité, l'assise et les moyens financiers de faire en sorte que nous puissions nous refléter ensemble et comprendre les nombreuses cultures qui font l’originalité du Canada.

    Les radiodiffuseurs ne créent tout simplement pas suffisamment d’émissions faites véritablement par le peuple et pour le peuple en tenant compte des nombreuses cultures qui composent aujourd’hui la magnifique mosaïque de villes comme Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary, Ottawa et bien d’autres encore.

    Il faut que les radiodiffuseurs privés se posent sérieusement la question de savoir si les séries dramatiques et les émissions de spectacle canadiennes reflètent véritablement la société. Je peux leur dire que ce n’est pas le cas.

    Quant au radiodiffuseur public, il convient de signaler certains progrès. Lorsque la série dramatique phare de CBC, Da Vinci’s Inquest, a démarré—je crois que c’était il y a quatre ans—les seules minorités visibles qui y étaient représentées, ainsi que l’a déclaré un observateur, c’était les prostituées autochtones. Ce n’est plus le cas. Des personnages complémentaires sont venus s’ajouter de manière permanente à cette série de façon à mieux illustrer ou refléter le caractère multiculturel de Vancouver.

    La CBC a par ailleurs diffusé récemment une émission de deux heures appelée Jenna, dont le personnage principal est un journaliste du sud de l’Asie qui lutte contre la criminalité. Ce fut une belle réussite. L’émission-pilote était originale, dynamique et intéressante, et l’on aurait pu facilement en faire une série. CBC a plutôt choisi de diffuser une série policière plus classique du nom de Tom Stone. Il s’agit là aussi d’une série intéressante et dynamique, mais qui est plus classique et moins originale que Jenna, et qui est loin de refléter comme cette dernière la société canadienne actuelle.

    Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, deux pays dont les séries télévisées sont largement importées par les chaînes canadiennes, les séries dramatiques et les émissions de spectacle télévisées sont au coeur de la représentation nationale. Leurs productions reflètent bien, par conséquent, le caractère multiculturel de ces pays. Ces émissions, qu’apprécient nombre de Canadiens, nous montrent bien à quel point le Canada est à la traîne.

À  +-(1020)  

    Le CRTC a récemment demandé aux radiodiffuseurs privés qu’ils lui proposent une stratégie de recherche permettant de mesurer à la base les progrès réalisés par la profession pour améliorer la représentation des minorités et des Autochtones. Ce projet doit s’étendre aussi à Radio-Canada. Tant que l’on n’aura pas instauré un mécanisme de mesure des progrès effectués en matière de diversité sur les ondes, les radiodiffuseurs continueront à se donner des excuses pour sous-représenter la composition multiculturelle et la réalité autochtone du Canada.

    Nous recommandons instamment que l’enquête effectuée à la base sur la diversité dans les actualités, les émissions d’information, les séries dramatiques et les spectacles télévisés, tel que le préconise le CRTC, soit menée à bien par les radiodiffuseurs. En l’absence de cette étude, nous ne saurons pas dans cinq ans s’il y a eu une amélioration.

    Nous recommandons par ailleurs que lorsque les radiodiffuseurs comparaîtront devant le CRTC ou dans le cadre d’autres audiences, les groupes ethniques, communautaire ou autres qui comparaissent pour faire entendre leur point de vue puissent bénéficier de crédits indépendants.

[Français]

+-

    M. Reuben Friedman (membre, Communications and Diversity Network): Merci. Il me fait grand plaisir de vous adresser la parole aujourd'hui.

    Pour moi, l'élément à considérer est le changement de la situation globale dans laquelle on se trouve. Les médias se trouvent maintenant dans le contexte de la mondialisation, dans le contexte de l'Internet, dans un contexte où chaque individu a plus de pouvoir aujourd'hui, en termes de communication, qu'un État en avait voilà 100 ans.

[Traduction]

    Internet est désormais le support que choisissent de préférence tous ceux qui accordent un grand prix à la possibilité pour l’individu d’obtenir et de communiquer de l’information. La radiodiffusion continue à avoir un rôle important à jouer en représentant une société qui nous renvoie à ce que nous considérons comme notre identité en tant que Canadiens. Il est important, à cet égard, d’avoir des produits de qualité et de faire en sorte que les Canadiens de toute origine et de toute provenance aient la possibilité de s’exprimer et de se voir à l’écran.

    Il y a quelqu’un qui a dit: «Construisez, et les gens viendront». Je suis tout à fait convaincu que si l’on donne aux Canadiens la possibilité de faire usage de leur talent, de produire des émissions de qualité et de les diffuser, le public va les regarder. Il est important, par conséquent, d’insister sur ce que nous pouvons vraiment changer. Le CRTC doit donc continuer à mettre l’accent sur les possibilités offertes aux artistes, aux producteurs et aux metteurs en scène canadiens, mais il doit aussi exiger que ces professionnels rendent compte de l’intégralité de la société canadienne. Nous ne voulons pas que certaines personnes seulement puissent bénéficier de ces possibilités; nous pensons que tout le monde doit pouvoir en profiter.

    Enfin, il est important d’examiner la possibilité d’instaurer des mécanismes visant à promouvoir les échanges. La radiodiffusion est un bon moyen de stimuler les idées et de créer une impression générale, mais on se forme tout aussi bien une opinion en réagissant face à ce que l’on voit effectivement. L’image peut entraîner la compréhension mais aussi créer des malentendus. Il est donc important que lorsqu’une image ou une émission télévisée sollicite l’opinion, nous disposions de mécanismes pour que les Canadiens puissent échanger leurs points de vue, communiquer l’information et en arriver à une compréhension commune de ce qui a été vu et diffusé.

    Merci.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Nous allons maintenant passer la parole à M. Bestall.

+-

    M. Patrick Bestall (président, Christian Communications Consultants): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, des copies de ce mémoire et de ces annexes ont été mises à la disposition du comité.

    En compagnie de l’un de mes adjoints, Don Brooks, je vous remercie de prendre le temps d’écouter nos graves préoccupations concernant la mutation de la radiodiffusion au Canada sous la pression des exigences spéciales d’équilibre que nous avons imposées à chacun des radiodiffuseurs religieux.

    Cette fin de semaine, avant de rédiger ce mémoire, j’ai dû répondre pour différentes raisons à quatre appels téléphoniques, ce qui m’a donné la possibilité d’exposer les raisons pour lesquelles je me rendais à Ottawa et à quel point Sheila Copps nous a rendu service en annonçant la tenue de ces audiences et en nous donnant l’occasion de nous plaindre devant un tiers de la politique religieuse du CRTC. Je ne devrais peut-être pas parler de «tiers» ici; disons simplement «une oreille attentive indépendante du CRTC». J’ai relevé avec intérêt les observations spontanées que m’ont faites chacun de mes interlocuteurs.

    Il y a d’abord ma chère tante de Calgary, qui reconnaît bien volontiers n’être pas très chrétienne, mais qui surnomme elle-même la bonne vieille fée. Il lui arrive d’écouter les émissions religieuses à la radio le dimanche matin. Elle m’a immédiatement rétorqué: «Tu fais bien. Dis-leur qu’il serait temps que l’on diffuse des émissions religieuses canadiennes sur les ondes. Je n’arrive pas à croire que dans un pays de cette taille, il me faille écouter un évangéliste baptiste venu du sud. Je ne pense pas qu’il y ait un seul adepte de cette religion à Calgary».

    À London, John, mon ami qui m'accompagne souvent à l’église, qui est justement baptiste mais pas du sud, m’a déclaré immédiatement «Je pense qu’ils ont tout simplement peur de laisser passer sur les ondes des choses avec lesquelles ils ne sont pas d’accord». John aime bien appeler les animateurs de ligne ouvertes.

    À Toronto, j’ai parlé à ma mère, qui a justement été la première au monde à animer une émission à ligne ouverte en 1953 à St. Thomas, en Ontario, devançant d’au moins cinq ans les émissions-débats dont on a tant parlé à New York. Elle m’a déconseillé de parler des stations de radio baptistes, catholiques, musulmanes et autres, précisant: «Je ne veux pas savoir si elles existent aux É.-U. ou même en Russie, c’est un trop grand pas à franchir pour le Canada». Après avoir animé pendant des années des émissions-débats, elle sait tout le mal que doit se donner un animateur radio pour englober le mieux possible tous les points de vue de manière socialement acceptable sans qu’il soit nécessaire de recourir à la réglementation ou à des moyens de contrôle. Elle a ajouté que si l’on autorisait la création de stations de radio chrétiennes, pas simplement des stations musicales, mais des stations présentant des débats intéressants à l’intention des chrétiens de toute obédience, elle pourrait alors faire la preuve que le CRTC n’a rien à craindre de l’exposé continuel du même point de vue religieux et qu’il nous faudrait peut-être réenvisager à l’avenir d’accorder des stations spécialisées aux membres d’une même confession.

    Le quatrième appel, je l'ai fait à mon mécanicien, qui se moquait pas mal de ce que j’avais à dire.

    Je pense que l’avis de ces quatre personnes était bien davantage qu’une simple opinion personnelle.

    Laissez-moi vous lire le titre de certains articles que j’ai fait figurer dans mon mémoire et qui ont été rédigés par différents chroniqueurs de journaux. On a pu lire, dans le Hamilton Spectator: «L’interventionnisme du CRTC est à son comble dans la dernière décision Crossroads». Cet article est paru lors de l’autorisation définitive de Crossroads Television. Dans le London Free Press le titre: «Les radiodiffuseurs chrétiens sont toujours maltraités». Il y a eu encore un autre titre: «On a perdu le sens de l’équilibre dans des médias protégés et contrôlés». On a vu paraître encore d’autres articles après la décision prise par le CRTC d’exclure le réseau de télévision catholique Mother Angelica des canaux que peuvent recevoir les abonnés normaux.

    Nous attirons l’attention sur un malaise au sein de la radiodiffusion canadienne que tout le monde, sauf le CRTC, peut facilement ressentir. Je relève que les demandeurs de licences de radio et de télévision dans le cadre des politiques religieuses actuelles sont restés assez silencieux sur le sujet, éventuellement parce qu’ils ne veulent pas faire de vagues.

    Tout cela ayant été dit dans ce préambule assez inopiné, je vais rapidement exposer les éléments de preuve que je vous ai promis dans la lettre que j’ai fait parvenir en juin à votre comité.

    Tout d’abord, si l’on veut apprécier l’évolution de la radiodiffusion canadienne comparativement à ce qui se passe dans d’autres pays, il suffit de jeter un rapide coup d’oeil sur la diversité des programmes chrétiens qui sont florissants aux États-Unis pour s’apercevoir qu’il y a quelque chose qui ne va pas bien au Canada. Je vous renvoie au graphique que je vous ai joint.

    Il ne s'agit pas de nous comparer systématiquement à notre voisin, mais je vous fais cependant remarquer qu’il y a aux États-Unis autant de stations de radio diffusant des émissions d’information et de débat chrétiennes qu’il y a de stations de musique contemporaine chrétiennes, sans compter toutes les stations spécialisées dans les prêches et les enseignements religieux. Au Canada, cependant, toutes nos nouvelles stations que l’on qualifie de chrétiennes ne sont que des stations musicales chrétiennes qui passent à 90 p. 100 de la musique contemporaine. Seules font exception les stations de radio AM qui existent depuis des dizaines d’années et qui diffusent toute une gamme d’émissions parlées à l’intention des chrétiens, plus quelques stations confessionnelles de proximité de très faible puissance.

    Cela s’explique par le fait que le CRTC a mis bien trop d’obstacles financiers sur la voie de la création d’émissions d’information ou de débat chrétiennes à la radio. Je le sais par expérience en tant que producteur d’émissions avant que le Christian Institute of Broadcasting se transforme en Christian Communications Consultant. Nous avons pu constater qu’il était plus facile de faire passer le compte rendu d’une émission chrétienne sur une station non confessionnelle que sur une station de musique chrétienne parce que la première n’avait pas à se préoccuper de la nécessité de maintenir un certain équilibre. Cet équilibre était déjà apporté par le reste des émissions.

À  +-(1030)  

    Je connais toutes les réserves que font les jeunes radiodiffuseurs chrétiens dynamiques face aux émissions d’information et de débat après leur avoir parlé en ma qualité de consultant et les avoir entendus lors de conférences sur les médias. Ce sont les mêmes préventions qui s’appliquent aux émissions religieuses à la télévision. Je suis bien gentil en disant qu’elles s’y «appliquent»; je pourrais dire qu’elles les «pervertissent», étant donné que ces radiodiffuseurs sont manipulés par la politique du CRTC, qui les amène à diffuser des émissions qu’ils n’avaient jamais prévues à l’origine.

    Je terminerai à en vous présentant la jurisprudence récente du Canada et des États-Unis, qui offre un solide démenti à la politique du CRTC. Les exigences d’équilibre que nous avons au Canada sont qualifiées de doctrine de l’équité aux É.-U., mais les tribunaux des États-Unis ont eu du mal à juger cette politique équitable, et les exigences de la Federal Communications Commission ont dû finalement être abandonnées après une série d’appels. Au Canada, les tribunaux provinciaux ont jugé que les politiques du CRTC n’étaient pas naturellement adaptées à notre société. Ils refusent de poursuivre lorsqu’on accuse les téléspectateurs de choisir leurs propres serveurs de télévision par satellite. Voici ce qu’a déclaré un juge de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse:

    «Je crois savoir que Cuba impose des sanctions sévères aux citoyens qui cherchent à recevoir des émissions de radio et de télévision en provenance de sources internationales. Ce genre d’intervention est de toute évidence incompatible avec la liberté de parole et toutes les autres formes de libertés qui nous paraissent normales dans notre pays.»

    Laissez-moi vous dire que le CRTC va à l’encontre de l’avis de mes amis et de ma famille, des journalistes, des chrétiens qui travaillent dans le domaine de la radiodiffusion, des tribunaux et du reste du monde, si l’on excepte les régimes dictatoriaux. Je n’ai pas besoin de prendre ici des précautions oratoires parce que je n’ai aucun intérêt personnel en cause et n’ai présenté aucune demande au CRTC.

    Je vous remercie encore d’avoir su m’écouter.

+-

    M. Don Brooks (consultant, Christian Communications Consultants): Je vais donner quelques précisions à la suite de l’exposé d’introduction fait par Patrick Bestall.

    Le Canada est un pays multiculturel et nous pouvons en être fiers. C’est justement cette juxtaposition de nationalités vivant en harmonie sur notre territoire qui fait que nous sommes bien acceptés pratiquement dans le monde entier. Nous sommes si obnubilés par cette mosaïque culturelle que nous avons oublié que le multiculturalisme implique nécessairement une majorité. La majorité au Canada plonge ses racines dans notre histoire; celle des croyances et des principes chrétiens. Ce sont ces croyances et ces principes qui ont fait le Canada et qui l’ont rendu tel qu’il est aujourd’hui.

    Angus Reid, à la demande de Crossroads Christian Communications, a procédé à l’une des enquêtes les plus significatives sur les convictions religieuses de la population canadienne ces 10 dernières années. On en a retiré des informations utiles et essentielles sur la nature des croyances religieuses au Canada. Le sondage nous révèle que 86 p. 100 de la population croit en Dieu. En outre, les deux tiers des Canadiens, soit 66 p. 100, font à l’occasion leur prière, et 29 p. 100 prient tous les jours; 54 p. 100 des Canadiens lisent au moins de temps en temps la bible ou d’autres textes religieux. Les gens qui lisent quotidiennement la bible, soit 8 p. 100 de la population, sont bien plus nombreux que ceux qui lisent les journaux nationaux canadiens et bien plus nombreux que les téléspectateurs qui regardent tous les jours les nouvelles de Radio-Canada à l’heure de pointe ou les actualités du soir de CTV.

    Ce sondage nous révèle par ailleurs que le Canada reste l’un des pays chrétiens les plus uniformément religieux dans le monde. Seuls les États-Unis, l’Italie et l’Espagne, ces deux derniers pays étant avant tout de confession catholique, sont classés avant le Canada. Quatre-vingt-trois pour cent des Canadiens se réclament d’une Église ou d’une confession chrétienne. Les non-chrétiens en provenance de l’orient composent 3 p. 100 de la population, et les juifs 1 p. 100. Tous les autres groupes religieux représentent moins de 0,1 p. 100 de la population adulte au Canada. Les 13 p. 100 restants n’ont aucune affiliation religieuse.

    Ce sondage a permis de conclure que le Canada était une nation chrétienne et que la radiodiffusion axée sur une seule religion n’irait pas à l’encontre des convictions religieuses du Canada.

    La chrétienté a apporté à notre société les hôpitaux, qui remontent pour l’essentiel au Moyen-Âge, de même que les universités—en outre, la plupart des grandes universités du monde ont été créées par des chrétiens dans des buts chrétiens; l’alphabétisation et l’éducation des masses; le capitalisme et la libre entreprise; le gouvernement représentatif, notamment dans la société américaine; les libertés civiles; l’abolition de l’esclavage, dans l’antiquité comme dans les temps modernes; la science moderne; l’amélioration de la situation de la femme; le renforcement des principes de justice; la codification et l’écriture de nombreuses langues dans le monde; enfin, le développement des arts et de la musique et l’inspiration des grandes oeuvres d’art. On pourrait en citer bien d’autres, mais ce qui précède suffit à notre propos.

    Une excellente brochure intitulée The Saints Among Us a été publiée par George Gallup Jr. et Timothy Jones pour nous montrer toute l’influence de la foi de notre société. Les avantages que retire la société des saints que l’on retrouve parmi nous doivent être énormes. Comme nous l’avons relevé précédemment, 73 p. 100 des croyants affirment passer beaucoup de temps à aider les gens dans le besoin alors que ce pourcentage tombe à 42 p. 100 pour ceux qui ne se considèrent absolument pas religieux.

    On peut voir à la page 41 les résultats de l’étude d’un échantillon représentatif de 1 052 personnes à l’échelle nationale. On s'aperçoit que systématiquement, sur les six questions portant sur le niveau d’engagement, les saints et les super saints surclassent les personnes qui ne sont pas des saintes ainsi que celles qui n’ont aucun engagement spirituel. Les chrétiens continuent à avoir une conscience sociale au-dessus de la moyenne.

    D’aucuns pourraient prétendre que la chrétienté est responsable des morts, de l’oppression, des guerres et du fanatisme religieux sans contrôle. Il convient de faire la distinction suivante. Ces abus de la doctrine chrétienne ne sont pas conformes à la doctrine en soi. Le communisme social a d’ailleurs causé plus de morts en raison des purges effectuées lors du dernier siècle que tout ce qu’a pu faire la chrétienté. Tout ce qui a été fait au nom du Christ n’a pas été sanctionné par Lui, et les enseignements du Christ nous montrent bien que l’on a mal agi. Ces tragédies s’expliquent par le fait que l’on a nié ou détourné les enseignements de la bible plutôt que de les suivre.

À  +-(1035)  

    Je conclurai sur cette dernière observation. À la suite de l’attaque du 11 septembre, le président de Fox TV News aurait déclaré: «Lorsqu’on essaye de présenter les deux points de vue au nom de l’équilibre, on perd de vue la différence entre le bien et le mal».

    Je vous signale en passant que Fox TV News obtient de meilleures cotes d’écoute que CNN, même si CNN est diffusé dans neuf millions de foyers de plus aux États-Unis.

    Je vous remercie de m’avoir écoutés.

+-

    Le président: Bien, je suis heureux de savoir qu’il y a des saints et des super saints parmi nous.

    Je vais maintenant donner la parole à Bruce Clemenger, de l’Alliance évangélique du Canada.

+-

    M. Bruce Clemenger (directeur, Centre for Faith and Public Life, Alliance évangélique du Canada): Je vous remercie.

    L’Alliance évangélique du Canada est une association nationale de congrégations protestantes et d’organisations chrétiennes. L’AEC a pris part à différentes audiences du CRTC sur les émissions religieuses et la violence à la télévision.

    Pour préparer cette intervention, nous avons envoyé un questionnaire à environ 15 000 personnes. Nous avons reçu pour l’instant plus de 3 000 réponses. C’est un taux de réponse de 20 p. 100. Nous continuons à recevoir quelque 200 à 300 réponses par jour. Nous avons jusqu’à présent dépouillé plus de 1 000 réponses, que je commenterai dans mon exposé. Nous avons l’intention de rédiger un mémoire qui fera état des résultats définitifs de notre enquête, et nous le ferons parvenir à la greffière pour qu’il soit distribué aux membres du comité.

    Dans cet exposé, je vais évoquer trois questions: le traitement de la religion dans le système canadien de radiodiffusion; les émissions religieuses; enfin, la violence et le contenu sexuel. Je prétends que la religion fait partie intégrante de la société canadienne et doit être reflétée dans le système canadien de radiodiffusion, que les émissions religieuses ont réussi au Canada à répondre aux besoins et aux aspirations de toute une couche de la population canadienne et ont présidé au développement d’émissions purement canadiennes et d’une industrie musicale s’y rattachant, et enfin que les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion sont remis en cause par la violence et le contenu sexuel des émissions au Canada.

    Pour ce qui est des émissions religieuses, je relève pour commencer que la Loi sur la radiodiffusion, tout en faisant référence au tissu culturel et social du Canada ainsi qu’à la dualité linguistique et au caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne, ne parle pas de la religion. D’ailleurs, le principe même des émissions religieuses est traité par le CRTC aux termes d’un article évoquant la nécessité d’offrir au public la possibilité raisonnable d’avoir accès à l’expression de différents points de vue sur des questions d’intérêt public.

    Cette façon de traiter la religion est importante pour trois raisons. Tout d’abord, cette omission fait que l’on ne reconnaît pas le rôle important que joue effectivement la religion dans la vie des Canadiens. En second lieu, on peut interpréter ce silence à propos de la religion comme l'indication que la religion doit être considérée comme un élément secondaire de la culture ou de la race, ou qu’elle ne joue pas un rôle significatif dans la mosaïque canadienne. En troisième lieu, le CRTC considère la religion comme un sujet controversé auquel il convient donc d’appliquer des restrictions.

    La population canadienne est profondément religieuse. Un sondage Ipsos-Reid effectué en 2000 nous révèle que 84 p. 100 des Canadiens croient en Dieu et que 67 p. 100 affirment que leur foi religieuse est importante dans leur vie quotidienne.

    Lorsqu’on parle d’émissions religieuses, on évoque quelque chose de plus important que le fait d’écouter ou de voir les émissions préférées d’une minorité. La religion n’est pas un simple passe-temps; c’est une dimension tout à fait exceptionnelle de l’expérience humaine. Les croyances religieuses déterminent les grands engagements que l’on prend dans sa vie. Elles impliquent que l’on va mener sa vie en fonction de ses convictions profondes concernant le sens et la valeur de la vie.

    Dans le domaine des croyances et de la pratique religieuse, le système canadien de radiodiffusion n’a pas, à mon avis, rempli son mandat législatif, qui est de «répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens».

    Le 8 juin 1988, un sondage effectué par le groupe Angus Reid nous a révélé que 65 p. 100 des personnes qui vont toutes les semaines à l’église estiment «que les médias rendent très mal compte de la foi et de la religion et que cette question ne bénéficie pas de toute l’attention qu’elle mérite».

    Certes, la Loi sur la radiodiffusion fait la promotion de l’étude de la diversité raciale et ethnique, mais des limites strictes sont fixées en matière de religion. Pourquoi ne se propose-t-on pas d’étudier précisément la question de la religion? Certains préfèrent considérer la religion comme un dérivé de la culture ou du caractère ethnique, alors que pourtant les croyances religieuses transcendent les frontières ethniques et culturelles.

    La confusion entre la religion, le caractère ethnique et la culture fausse la compréhension de notre monde. Ainsi, les comptes rendus récents du conflit du Moyen-Orient omettent régulièrement de faire la distinction entre la race, la culture, la politique et la religion pour expliquer les facteurs à l’origine de la violence.

    Nous recommandons que vous envisagiez d’employer le terme de «religion» dans certaines dispositions de la loi.

    La plupart des émissions religieuses portent sur les répercussions éthiques et politiques de la religion. Nous comprenons que c’est un sujet qu’il convient d’aborder et nous nous félicitons, par exemple, du fait que CTV a annoncé récemment l’engagement de journalistes spécialisés dans la foi et l’éthique. Lorsqu’on évoque des sujets liés à la religion, il est important de pouvoir compter sur des spécialistes qui comprennent les croyances dont ils sont chargés de rendre compte. Cela permet d’éviter les préjugés.

    Si c’est là toutefois tout ce qu’on diffuse au sujet de la religion, les Canadiens ne seront exposés qu’à une frange étroite de la vie religieuse. L’ignorance de la religion et les préjugés s’appliquant aux personnes qui ont la foi sont pernicieux et entraînent des malentendus. Une plus grande ouverture envers les radiodiffuseurs religieux et davantage d’émissions religieuses régleraient ce problème.

    Nous relevons, de ce point de vue, que le radiodiffuseur public canadien, la SRC, produit très peu d’émissions religieuses. En effet, 75,5 p. 100 des personnes ayant répondu à notre sondage déclarent que la SRC ne passe pas suffisamment d’émissions religieuses à la télévision. La radio de la SRC obtient un taux de réponse un peu plus favorable, mais pourtant 62 p. 100 des répondants estiment que la quantité d’émissions n’est pas suffisante.

À  +-(1040)  

    L’incompréhension de la religion et, pour reprendre certaines observations faites tout à l’heure, le fait que l’on travestisse la foi des gens dans les émissions de télévision, sont des facteurs qui contribuent aussi à cette situation. Une étude menée en 1997 a permis de conclure que chaque fois qu’un personnage dévot était représenté sous un jour positif, il y en avait 10 qui l’étaient sous un jour négatif. Parmi les répondants à notre enquête, 69,8 p. 100 ont déclaré que les évangélistes étaient rarement ou jamais représentés dans les médias.

    Nous estimons qu’il est nécessaire de programmer davantage d’émissions religieuses à la radio et à la télévision, et de le faire davantage dans le cadre des services de base. Nous considérons par ailleurs que l’un des objectifs du système de radiodiffusion devrait être de représenter d’une façon qui soit juste les personnes qui ont la foi.

    En ce qui a trait au traitement accordé aux radiodiffuseurs religieux, la religion a été considérée par le CRTC comme un sujet d’intérêt public et elle est donc traitée différemment des autres questions. Nous craignons que cette conception des émissions religieuses parte du principe que la religion est source d’intolérance et qu’elle est toujours, dans toutes ses dimensions, un sujet d’intérêt et de controverse publique. C’est cette conception de la religion qui a influé sur la politique actuelle touchant la radiodiffusion des émissions religieuses.

    Par conséquent, même si la Loi sur la radiodiffusion exige en soi que le système de radiodiffusion soit équilibré dans l’expression des sujets d’intérêt public, le CRTC exige que les radiodiffuseurs religieux eux-mêmes apportent cette diversité. Tout contenu religieux étant considéré comme un sujet d’intérêt public, les radiodiffuseurs religieux doivent s’engager, aux termes de leur licence, à diffuser une part de leurs émissions au sujet d’autres religions et, s’il n’y en a pas, à les produire eux-mêmes. Cette exigence d’équilibre est imposée même si les radiodiffuseurs commerciaux ou communautaires opérant sur le même marché contribuent à maintenir cet équilibre. Les radiodiffuseurs religieux se voient donc imposer un fardeau réglementaire et financier contrairement aux autres. Certes, il peut y avoir des raisons pour exiger un équilibre, mais cette exigence ne devrait pas s’appuyer sur un point de vue faussé ou trop étroit de la religion.

    La radiodiffusion des émissions religieuses offre un certain nombre d’avantages. Depuis que le CRTC octroie des licences à des stations de radiodiffusion n’appartenant qu’à une seule religion, les médias chrétiens au Canada ont contribué positivement à enrichir la vie des Canadiens. Les stations de radio et de télévision chrétiennes répondent à un véritable besoin du marché. En effet, 95,1 p. 100 des personnes ayant répondu à l'enquête nous signalent qu’il est important ou très important pour elles d’avoir accès à une station de radio ou de télévision chrétienne.

    Au départ, ce ne sont pas seulement les chrétiens qui écoutent la radio chrétienne. La radio CHIM-FM de Timmins nous indique qu’environ 30 p. 100 de ses auditeurs ne sont pas chrétiens.

    Les radiodiffuseurs canadiens qui programment des artistes canadiens ont un succès international. La radio CHRI-FM d’Ottawa s’est lancée le 26 août 1999 dans une retransmission sonore en temps réel sur Internet à l’échelle mondiale. Au début de l’an 2000, selon un sondage effectué en direct par Musicforce.com auprès de 180 stations, elle se situait au sixième rang des stations chrétiennes les plus populaires dans le monde.

    D’un autre côté, la télévision chrétienne au Canada sert de plate-forme de lancement pour de nombreux artistes. CTS, à Hamilton, nous signale qu’environ 95 p. 100 des artistes qui entrent dans ses studios font pour la première fois de la télévision.

    Nous nous félicitons, par conséquent, que le CRTC ait décidé d’accorder des licences aux radiodiffuseurs religieux. Nous sommes favorables à cette évolution et nous considérons qu’il faut que le CRTC continue à oeuvrer dans ce sens et à accorder des licences aux radiodiffuseurs religieux pour se conformer au mandat confié par la Loi sur la radiodiffusion.

    Pendant les deux minutes qui vont suivre, je vais vous parler de la violence et du contenu sexuel. Le principe qui sous-tend la Loi sur la radiodiffusion veut que le système de radiodiffusion soit possédé et contrôlé au Canada par des Canadiens. Selon un sondage effectué en 1993 par Environics, plus de huit Canadiens sur dix s’accordent à dire que la télévision ne transmet pas de bons idéaux aux jeunes. Nous sommes préoccupés par la représentation de la violence, qui fait de la personne humaine un objet et qui s’attaque à la dignité humaine. Une exposition à la violence gratuite peut désensibiliser les gens, notamment les enfants, face aux effets de la violence. Elle peut donner un sentiment d’impuissance et causer des craintes.

    Nous avons en commun le devoir de protéger la société contre la déshumanisation et la peur que cela entraîne. Il a été prouvé que la violence dans les médias était pernicieuse pour la société, notamment pour les enfants qui y sont exposés. Une récente étude publiée dans Science permet de conclure que plus les enfants regardent la télévision, plus ils risquent d’être violents et plus ils font état d’un comportement antisocial. Cette triste constatation confirme les conclusions des études scientifiques précédemment examinées par le CRTC, qui nous révèlent que la violence à la télévision est un facteur de risque pour les comportements antisociaux et les tendances agressives.

    Nous comprenons la nécessité de la liberté d’expression au sein de la société canadienne mais, aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, le système canadien de radiodiffusion ne doit pas servir de support à des émissions qui portent préjudice à la population canadienne, et plus particulièrement aux enfants.

    Nous sommes préoccupés par ailleurs par l’ampleur du contenu sexuel véhiculé par les émissions radiodiffusées au Canada. Le contenu sexuel, les images, la description des activités sexuelles, notamment lorsque l’accent est mis sur la dimension sexuelle de la nature humaine à l’exclusion de toute autre caractéristique, font de l’activité sexuée un objet et faussent l’opinion qu’a l’auditoire des gens et de leurs valeurs. La représentation d’un contenu sexuel sans aucune référence aux risques ou aux responsabilités éventuelles qui découlent de l’activité sexuelle est irréaliste, trompeuse et préjudiciable. Il en résulte des risques pour la santé ainsi que des conséquences sur le développement de relations adultes et stables. J’ai ici un certain nombre de statistiques, que je vais laisser de côté, concernant l’ampleur du contenu sexuel.

À  +-(1045)  

    Sur les questions de contenu, le CRTC a choisi d’encourager l’industrie à s’autoréglementer. L’Association canadienne des radiodiffuseurs a institué le Conseil canadien des normes de la radiodiffusion chargé d’administrer un code d’application volontaire sur la violence et sur la représentation des rôles sexuels. Le code sur la violence interdit toute violence gratuite et restreint le type de violence que l’on peut diffuser dans les émissions réservées aux enfants. Le code sur la représentation des rôles sexuels insiste sur l’équilibre entre la représentation des hommes et des femmes, et pas particulièrement sur un contenu en particulier.

    Nombre de Canadiens continuent à se sentir agressés par les scènes de violence et le contenu sexuel à la télévision. On constate que 83,6 p. 100 des personnes ayant répondu à notre enquête, se sentaient agressées par les scènes de violence à la télévision et 19,9 p. 100 l’étaient aussi à l’occasion. Pour ce qui est des images sexuelles, 75,9 p. 100 se sentaient souvent agressées et 13,3 p. 100 l’étaient à l’occasion.

    Si le contenu des émissions, particulièrement aux heures de grande écoute, agresse les téléspectateurs, on ne tient donc pas compte des intérêts de la population canadienne. Si les émissions portent préjudice à la population canadienne, notamment aux enfants, on enfreint par conséquent les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion.

    Le CCNR a fixé des plages horaires. Les émissions à contenu adulte ne peuvent pas être diffusées entre 18 heures et 21 heures, lorsque de nombreux enfants risquent d’être devant l’écran. Alors que 85 p. 100 des personnes interrogées sont d’accord avec le principe de plages horaires interdites, seules 7,7 p. 100 considèrent que le seuil de 21 heures est bien choisi; 22 p. 100 proposent 22 heures et 38 p. 100 23 heures. Le facteur déterminant de la durée des plages horaires interdites est celui de l’intérêt des enfants. On n’est pourtant pas parvenu, à notre avis, à ce consensus.

    C’est ainsi que les radiodiffuseurs du Québec ont fait passer le film Strip Tease à 20 heures. Le CCNR a jugé que le radiodiffuseur n’avait pas transgressé l’interdiction étant donné que ce film n’était pas destiné à des téléspectateurs adultes. Les nombreuses scènes de nu dans ce film, que le cinéaste avait voulu sexuelles, ne comportaient aucun contenu sexuel aux yeux du CCNR, et ce film restait par conséquent suffisamment innocent pour être vu en famille.

    On s’est aussi efforcé de réglementer le contenu en recourant aux puces antiviolence, les parents pouvant ainsi contrôler les émissions, qu’elles émanent ou non de radiodiffuseurs canadiens. Toutefois, on estime que même aujourd’hui 200 000 foyers canadiens seulement ont des télévisions équipées de cette technologie.

    Nous reconnaissons que les parents sont les premiers responsables du soin et de l’éducation de leurs enfants. Le CRTC l’a reconnu en déclarant qu’il convenait de leur fournir l’information et les outils nécessaires afin qu’ils puissent choisir les émissions adaptées à leurs familles. Il est utile de mettre au point un système de classification national qui serve les intérêts des Canadiens ainsi que des techniques permettant à la population de contrôler les émissions.

    Nous sommes d’accord pour dire que l’industrie a un rôle à jouer. Nous préférons les codes d’application volontaire à une réglementation du gouvernement, mais nous nous demandons si les codes actuels sont bien efficaces. Aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, cependant, le système de radiodiffusion, et par là le gouvernement et le CRTC, est aussi responsable. Lorsqu’un préjudice est causé, des restrictions s’imposent et il est justifié de limiter l’accès à des émissions dangereuses. C’est d’autant plus vrai lorsque des personnes vulnérables, notamment les enfants, subissent un préjudice motivé par le profit.

    Je conclurai en disant qu’en raison des effets pernicieux sur les enfants et les adultes de la représentation de la violence et du contenu sexuel, il convient de revoir le mode actuel de réglementation du contenu de manière à faire respecter l’esprit de la Loi sur la radiodiffusion.

    Je vous remercie de m’avoir donné la possibilité de comparaître devant vous ce matin.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Madame Mock, vous êtes la dernière. Vous avez la parole.

[Français]

+-

    Mme Karen Mock (directrice exécutive, Fondation canadienne des relations raciales): Merci.

    La Fondation canadienne des relations raciales se réjouit de cette occasion qui lui est donnée de présenter un mémoire au Comité permanent du patrimoine canadien et de participer ainsi à la table ronde sur la diversité culturelle dans le cadre du processus d'examen de l'état du système canadien de radiodiffusion. Ce mémoire est conforme à notre mission et à notre mandat.

[Traduction]

+-

     Les membres du comité ont une copie de notre mémoire dans les deux langues, et je vais m’exprimer dans celle où je me sens le plus à l’aise. Nous vous avons aussi remis un document décrivant la mission et le mandat à l’origine de la fondation.

    Étant donné que nous n’avons pas beaucoup de temps, je vais m’efforcer de vous donner les grandes lignes de notre mémoire et nous passerons ensuite aux questions.

    Comme vous le savez, la Fondation canadienne des relations raciales, instituée en partie à la suite de l’Entente de redressement des Canadiens japonais, a été créée en vue de promouvoir l’harmonie raciale et la compréhension entre les cultures, et de contribuer à éliminer le racisme. Cette fondation a pour mandat de renseigner tous les Canadiens sur le passé raciste du Canada et d’aider les différents organismes et sociétés à combattre le racisme sous toutes ses formes grâce à ses travaux de recherche et à des stratégies concrètes.

    Les statuts de la fondation prévoient que ses bureaux sont situés à Toronto, mais ses activités et son mandat sont d’envergure nationale. Nous sommes une société d’État qui agit indépendamment du gouvernement fédéral. La fondation possède un statut d’oeuvre de bienfaisance et entretient d’étroites relations, ce qui implique de nombreuses consultations, avec les organismes non gouvernementaux oeuvrant dans le domaine des droits de la personne et de la lutte contre le racisme, ainsi qu’avec d’autres partenaires des secteurs publics et privés.

    Nous sommes en train de développer nos services et de tirer parti de nos connaissances, notamment en matière d’éducation du public, de formation, d’élaboration de lignes directrices et de mise en application de programmes faisant valoir le changement institutionnel en faveur de la diversité culturelle et de l’élimination du racisme systémique.

    Nous participons à cette table ronde en tant que partie intéressée ayant pour mandat d’influer sur les politiques publiques et de s’assurer qu’elles sont représentatives de la société canadienne, qu’elles n’alimentent pas les préjugés et, par-dessus tout, qu’elles ne souscrivent ni au racisme ni à la discrimination raciale.

    Nous sommes en faveur de la création d’un cadre de travail et d’une structure visant à consolider un système de radiodiffusion favorisant la diversité culturelle et les principes antiracistes. Notre mémoire se veut un moyen de contribuer à l’établissement des fondations antiracistes nécessaires à un système de radiodiffusion désirant refléter la diversité culturelle canadienne. Il porte, par conséquent, sur des questions particulières aux relations raciales et à la lutte contre le racisme dans les organes médiatiques et ceux de la radiodiffusion, sur le rôle des différents organismes communautaires canadiens de radiodiffusion, et sur la responsabilité du système de radiodiffusion canadien de refléter à juste titre le «caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne», comme le précise effectivement la Loi de 1991 sur la radiodiffusion.

    En tant que Canadiens, nous pouvons certainement être fiers d’avoir été le premier pays, dans le cadre de notre politique de radiodiffusion reflétant la diversité linguistique et culturelle du Canada à la suite des audiences de 1984, mais qui a été instituée en fait 1985, à avoir adopté une telle politique visant à englober tout le monde et à garantir la diversité culturelle. On en voit certains effets à l’heure actuelle au niveau provincial, local et régional, mais nous n’avons pas encore de véritable cadre national en la matière.

    Je tiens à mettre l’accent sur deux questions principales: la sous-représentation actuelle des minorités raciales et des Autochtones dans les systèmes public et privé de radiodiffusion, et l’inaptitude du système de radiodiffusion actuel à prévenir la représentation erronée de ces groupes et de ces individus au mépris des lois actuelles régissant la protection des droits de la personne.

    Sur ces deux grandes questions se greffent des problèmes de nature systémique: il y a d’abord la concentration des médias combinée au soutien sans cesse et croissant accordé aux radiodiffuseurs communautaires; en second lieu, le défaut de reconnaître que les radiodiffuseurs communautaires contribuent de façon importante et essentielle à la diversité culturelle et ethnique de la programmation; troisièmement, le défaut d’inclure des membres des minorités raciales ou des peuples autochtones dans tout l’éventail des emplois liés à la radiodiffusion; quatrièmement, une structure de réglementation incomplète n’ayant pas mis en place les mesures nécessaires à la prévention de la sous-représentation et de la représentation erronée des groupes culturels et des minorités raciales.

À  +-(1055)  

    Même si l'on a mis en place une loi et des articles de loi pour garantir la diversité, il en résulte un système qui, au mieux, ne parvient pas à refléter la diversité complète des communautés culturelles et ethniques du Canada et, au pire, contribue à propager des représentations racistes et stéréotypées.

    Sur la question de la diversité culturelle, je vais vous citer ce qu'a déclaré Lorna Roth dans un article récent du Canadian Journal of Communication: «La répartition du pouvoir est inégale entre ceux qui parlent d'ethnicité et ceux dont on parle.»

    Il n'est pas suffisant, par exemple, de reléguer la programmation à contenu ethnique ou multiculturel aux entreprises communautaires de câblodistribution et aux canaux spécialisés. Ces éléments doivent être entièrement intégrés à toutes les programmations, de sorte que lorsque les Canadiens décident de regarder la télévision, ils sont assurés que tous les radiodiffuseurs autorisés à émettre au Canada leur offriront une représentation culturelle diversifiée réfléchissant justement la démocratie canadienne.

    Le principal défi du comité permanent du patrimoine canadien consistera à déterminer un processus incitant les radiodiffuseurs à découvrir des façons novatrices de tenir compte de la diversité culturelle à tous les paliers du système de radiodiffusion et à les mettre en application. Ce défi occasionnera inévitablement l'atténuement de l'influence et des répercussions de la mondialisation et de la privatisation du système de radiodiffusion et la reconnaissance de l'importance particulière des fonds publics nécessaires pour favoriser la spécificité du système canadien de radiodiffusion.

    Selon nous, les tendances actuelles en matière de radiodiffusion communautaire, en particulier, notamment en langue tierce, doivent être explorées davantage.

    Nous tenons à appuyer certaines des recommandations faites par des intervenants qui nous ont précédés. Ainsi, la Vancouver Association of Chinese Canadians a évoqué l'érosion de la radiodiffusion communautaire. Elle considère que cette érosion porte atteinte aux objectifs de diversité culturelle adoptés par un système de radiodiffusion tentant de satisfaire les besoins des Canadiens des différentes communautés.

    Il est important de reconnaître, par exemple, que les paramètres servant à déterminer la qualité marchande et, par conséquent, la programmation des radiodiffuseurs commerciaux, ignorent de nombreuses communautés ethniques et, en particulier, la communauté noire. En d'autres mots, il est plus difficile de cerner les habitudes d'achat des membres de la communauté noire, que celles d'une communauté plus monotype. La programmation s'adressant à un auditoire noir est par conséquent rare ou non existante. Réciproquement, il s'agit d'un secteur important n'ayant pas les moyens d'accéder à la radiodiffusion commerciale.

    La recommandation de l'Office national du film, qui propose un nouveau volet public pour contrer la sous-représentation vaut la peine d'être explorée. Le principe d'accès, non seulement de l'auditoire, mais également celui des producteurs responsables du contenu, doit également être envisagé par les programmes fédéraux faisant la promotion de la diversité culturelle.

    En 2001, la Fondation canadienne des relations raciales a mené des consultations auprès d'un échantillon représentatif d'organismes communautaires travaillant avec des membres des minorités raciales et des Autochtones. À partir de ces discussions, nous avons formulé un éventail de recommandations en vue d'un plan d'action politique antiraciste d'envergure mondiale.

    Je tiens à préciser que je vais remettre à la greffière, pour les besoins du personnel de recherche, tous les documents de la Fondation auxquels je vais me référer, dans lesquels on peut trouver un certain nombre de statistiques ainsi que des recommandations très précises touchant les travaux du Comité permanent à cette époque.

    L'une des recommandations porte sur la nécessité de formation en matière de compétences culturelles et sur l'importance d'accroître la capacité en ressources humaines du point de vue de la diversité culturelle et de la lutte contre le racisme, et de prendre des dispositions afin, et je cite: «que le gouvernement fédéral s'engage à établir des instituts nationaux chargés d'offrir une formation efficace et pertinente sur la compétence culturelle et l'antiracisme aux professionnels travaillant dans la fonction publique, aux éducateurs, aux professionnels de la santé, aux journalistes, aux membres des organes législatif et judiciaire du gouvernement».

Á  +-(1100)  

    Nous tenons à souligner toute l'importance, dans le secteur de la radiodiffusion, dans les écoles de journalisme et dans les stages de formation des employés de la radiodiffusion, d'une telle forme de sensibilisation à la diversité culturelle et à la lutte contre le racisme.

+-

    Le président: Il reste plusieurs pages à votre mémoire, et je constate que vous êtes restée très près de votre texte. Vous pourriez peut-être nous donner les grandes lignes de vos recommandations pour que nous ayons le temps de vous poser des questions.

+-

    Mme Karen Mock: Oui, je vais passer aux grandes lignes de nos recommandations.

    Nous nous penchons sur trois domaines en particulier: l'équité d'emploi à l'intérieur des secteurs public et privé réglementés par le gouvernement fédéral; le racisme dans les médias; enfin, les industries, les sociétés et les organismes culturels.

    La loi sur l'équité en matière d'emploi est désormais en place dans les grandes organisations mais son application, à notre avis, ne donne pas tous les résultats auxquels on est en droit de s'attendre. Le comité permanent aurait intérêt à passer en revue le rapport du groupe de travail sur la participation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale intitulé Faire place au changement dans la fonction publique fédérale pour connaître la façon d'apporter des modifications efficaces à cet égard dans le secteur de la radiodiffusion.

    Pour ce qui est des industries, des sociétés et des organismes culturels, les sociétés canadiennes de la Couronne, figurant au portefeuille du ministère du Patrimoine canadien, jouent un rôle particulièrement important dans la réalisation du mandat relatif à la diversité culturelle. Radio-Canada, l'Office national du film, Téléfilm Canada, le Conseil des arts du Canada et le CRTC sont des organismes ayant contribué de façon considérable à faire avancer les objectifs de la diversité culturelle et la représentation dans le domaine de la radiodiffusion canadienne, même si nous regrettons que les progrès réalisés ne soient pas encore alignés sur les changements démographiques des communautés canadiennes.

    Nous recommandons, par conséquent, qu'un soutien accru soit accordé à ces sociétés et organismes et que des mesures concrètes soient prises afin d'augmenter le financement des activités favorisant l'avancement de la diversité culturelle par l'entremise de la représentation des minorités raciales et des Autochtones à tous les échelons du système canadien de radiodiffusion.

    Nous accordons bien entendu notre appui à une société de radiodiffusion canadienne forte et subventionnée par l'État ainsi qu'à une radiodiffusion communautaire et à la création d'une infrastructure favorisant sa viabilité.

    Je vais vous résumer les recommandations s'appliquant au CRTC en particulier. Aux termes de l'alinéa 3(1)d)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion, nous avons instauré une radiodiffusion multiculturelle, multiraciale et autochtone, tant au niveau des émissions que des possibilités d'emploi. Le CRTC a un rôle fondamental à jouer au niveau de la réglementation pour s'assurer que les radiodiffuseurs appliquent effectivement ces dispositions. Toutefois, le CRTC est-il bien équipé à l'heure actuelle pour garantir cette application?

    Nous recommandons, à l'instar de ce qu'on fait d'autres intervenants, que l'on élabore des plans et des rapports annuels touchant la diversité des émissions et la participation de la collectivité. Nous insistons en particulier sur la nécessité d'effectuer des recherches sur la représentation des minorités raciales et des Autochtones dans le domaine de la radiodiffusion, et de procéder à une analyse de la représentation sur l'écran des minorités raciales des Autochtones ainsi que de leurs communautés.

    On a parlé à maintes reprises de sous-représentation, mais les décideurs veulent des chiffres concrets. J'ai communiqué à la greffière, je l'ai mentionné dans le mémoire, certaines statistiques sur l'inégalité d'accès et certains témoignages émanant de producteurs et de directeurs d'émissions travaillant au sein des organismes de radiodiffusion qui parlent de pression environnante, de la marginalisation et même de l'impression de harcèlement que l'on ressent parfois.

    Nous appuyons aussi la recommandation portant sur la création d'un bureau de lutte contre le racisme et la discrimination au sein du CRTC et nous serions heureux de participer à cette opération. Comme on l'a indiqué lors de la séance précédente, nous appuyons la disposition du projet de loi S-7 visant à mettre des fonds d'intervention à la disposition des groupements communautaires.

    En conclusion, nous estimons que le gouvernement fédéral doit faire en sorte que les différentes communautés, et plus particulièrement celles qui traditionnellement ont des difficultés d'accès, puissent avoir accès aux ondes et aux chaînes publiques. C'est bien difficile étant donné la concentration et la convergence qui a lieu au sein des médias à l'heure actuelle. Nous souhaitons un renforcement de la Loi sur la concurrence pour assurer la diversité de la représentation.

Á  +-(1105)  

    Nous incitons le gouvernement à offrir une protection aux chaînes communautaires dans le cadre de son obligation d'assurer la réglementation et d'empêcher la création de ce genre de monopoles. Nous réclamons par ailleurs que l'on appuie la création de chaînes communautaires financées intégralement par des droits sur la radiodiffusion et la câblodiffusion.

    Je sais qu'il y aurait bien d'autres points à aborder, notamment pour comprendre le racisme qui, malheureusement, perdure au sein de notre système. C'est un langage qui paraîtra peut-être dur à ceux qui ne définissent pas le racisme sous toutes ses forces, mais la garantie donnée par la loi qu'il convient de refléter toute la diversité de la société canadienne et l'ensemble du contenu canadien sur la voie des ondes exige par ailleurs que l'on s'intéresse à la question de près et qu'on ne se contente pas d'appliquer la loi mais que l'on adopte des mesures réglementaires et que l'on oblige à rendre des comptes pour s'assurer que ces dispositions sont bien appliquées.

    Je vous remercie de nous avoir donné la possibilité d'intervenir et nous sommes tout disposés à vous donner des renseignements complémentaires sur la question.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Madame Gagnon.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Je voudrais parler de vos mémoires, dans lesquels vous abordez différents aspects de la question.

    M. Friedman, je crois, a précisé que le CRTC avait demandé qu'une recherche soit faite afin de déterminer si on arrivait mieux qu'avant à refléter la diversité canadienne.

    À cet égard, j'aimerais savoir si la recherche a déjà été réalisée, qui en a défrayé le coût, et à qui le CRTC l'a commandée.

+-

    M. Reuben Friedman: Je crois que ce sont mes collègues qui ont soulevé la question. M. Rasalingam peut probablement répondre à la question.

[Traduction]

    Qui a été engagé pour effectuer la recherche du CRTC concernant la représentativité et la diversité culturelle?

Á  +-(1110)  

+-

    M. Raj Rasalingam: Je vous remercie de cette question.

    Essentiellement, le CRTC a demandé à l'Association canadienne des radiodiffuseurs de faire une recherche de base. Le mandat de cette étude se trouve sur le site Web du CRTC et il est bien précis. D'après ce que nous avons compris, l'Association canadienne des radiodiffuseurs a soumis un projet initial au CRTC concernant la façon dont elle se proposait d'effectuer la recherche. Ce document n'a pas encore été rendu public. Nous croyons savoir qu'il est en train d'être examiné par les services internes. Nous serons mieux à même de faire un commentaire une fois qu'il sera rendu public. Voilà donc où en est la recherche.

[Français]

+-

    M. Reuben Friedman: J'aimerais ajouter qu'il s'agit d'une étude sur la représentation de la diversité culturelle et non pas d'une étude sur l'équité en matière d'emploi.

+-

    Mme Christiane Gagnon: J'avais compris de quel type de recherche il s'agissait. D'ailleurs, pour répondre à Mme Karen Mock, j'aimerais préciser qu'un comité de la Chambre des communes qui traite d'équité en matière d'emploi, dans le cadre de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, siège présentement. J'ignore si vous avez soumis des recommandations à ce comité, mais il s'agit certainement du bon endroit pour le faire.

    Il est bon de nous sensibiliser à cette question, mais il reste qu'elle relève de la ministre Bradshaw. Avez-vous témoigné devant ce comité?

[Traduction]

+-

    Mme Karen Mock: Pas personnellement. Je viens d'entrer dans mes fonctions de directeur exécutif. Toutefois, la Fondation canadienne des relations raciales n'a pas manqué de communiquer ses recherches et de fournir de nombreuses informations sur la question au ministère du Patrimoine canadien et elle appuie, bien entendu, les projets d'équité en matière d'emploi.

    Nous tenons toutefois, à souligner à l'intention de votre comité toute l'importance du CRTC et des autres responsables de la réglementation d'application de la Loi sur la radiodiffusion. Si l'on ne fait pas respecter la diversité au niveau de l'emploi dans le secteur de la radiodiffusion, cela signifie qu'il y a une discrimination entraînée par le système de radiodiffusion. Il est donc important que l'on en tienne compte dans la réglementation d'application et dans la supervision de la loi.

+-

    Le président: Mme Gagnon vous a indiqué, je pense, qu'en plus d'intervenir auprès du ministère du Patrimoine canadien, on peut penser aussi au nouveau comité spécial de la Chambre présidé par le ministre Bradshaw. Ce comité siège de manière générale sur les questions d'équité salariale dans tous les secteurs d'activité, et il serait peut-être bon que vous lui fassiez parvenir une lettre et un mémoire.

    Madame Gagnon.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Il faudrait que cela se fasse rapidement, de préférence avant le 25 ou 27 avril. Vous pouvez quand même envoyer un mémoire.

    J'aimerais revenir sur la présence de la religion dans les différentes émissions de radio et de télévision. Vous avez dit que le multiculturalisme nous faisait comprendre qu'il y a une culture prépondérante qui reflète une dominance chrétienne. Je ne sais pas si j'ai bien compris vos propos. Ne croyez-vous pas que cette dominance chrétienne exclut les autres confessions et ne reflète pas la diversité des religions et des cultures? N'est-ce pas discriminatoire envers les autres? Comment faire un équilibre entre les différentes confessions qui existent au Canada? Je n'ai pas noté tous les chiffres que vous avez mentionnés, mais dire que l'on représente 86 p. 100, cela pourrait faire que les autres confessions se sentent exclues. Comment pourrait-on dire qu'on donne 50 p. 100 aux chrétiens, 20 p. 100 aux musulmans, etc.? Est-ce que tout ça ne serait pas un peu complexe?

Á  +-(1115)  

[Traduction]

+-

    M. Don Brooks: Il se pourrait très bien que ça devienne un peu complexe. Dans mon intervention, je pars du principe que la religion chrétienne est prépondérante au Canada et que si l'on décidait de ne présenter aucune émission chrétienne, on oublierait la nécessité de représenter un segment important de notre population.

    Je ne veux absolument pas dire par là que les autres religions ne doivent pas être représentées. Je dis simplement que parmi la majorité, il y a une forte prépondérance chrétienne et qu'il faut au moins que cette religion soit représentée sur les ondes.

    Allez-y, Patrick.

+-

    M. Patrick Bestall: J'aimerais vous répondre sur ce point.

    La chrétienté a tout d'abord fait la démonstration qu'elle était tout à fait multiculturelle et multiraciale en raison de son expansion dans le monde et de la diversité de ses formes. Don a bien répondu en faisant remarquer que les religions chrétiennes sont sous-représentées dans notre réseau de radiodiffusion.

    Nous tenons surtout à faire remarquer que la politique du CRTC ne tient pas pleinement compte de la contribution de la religion et, pour ce qui nous concerne au Canada, de la chrétienté. Elle en a peur. Je tiens à vous citer l'avis minoritaire de six des quatorze commissaires. En l'écoutant, j'en ai compris toute l'importance. C'est pourquoi Don et Bruce vous ont exposé de façon si détaillée les merveilleuses caractéristiques de la chrétienté, parce que nous servons d'antidote.

    Je vais vous en citer quelques paragraphes. Six des quatorze commissaires qui ont formulé notre politique religieuse se sont exprimés dans les termes suivants:

    «En demandant que le principe de l'équilibre s'applique à chacun des titulaires de licence, nous ne voulons pas faire de l'équilibre un but en soi.»

    J'insiste sur ce qui vient ensuite:

    «Si nous nous refusons à accorder une licence à un service qui ne préconise pas l'équilibre, c'est avant tout parce que le fait d'être exposé constamment et systématiquement à une pensée unique peut avoir un effet destructeur sur la société canadienne.»

    Je n'arrive pas à y croire.

    «Nous sommes très frappés de l'intolérance sociale, culturelle et raciale qui accompagne souvent l'intolérance religieuse. Il suffit de prendre l'exemple de la Bosnie, du Moyen-Orient, de l'Inde, de l'Irlande du Nord, de l'Afrique, etc.»

    On nous donne ces exemples pour nous montrer à quel point il est dangereux de s'exposer à une foi unique. On nous dit ensuite:

    «Nous considérons que si l'on supprime les exigences d'équilibre dans les émissions religieuses librement diffusées sur les ondes, on va promouvoir l'intolérance religieuse, culturelle et raciale au Canada et affaiblir le tissu culturel, politique, social et économique de notre pays.»

    Un tel raisonnement nous paraît inadmissible. Certes, il existe des abus, mais il faut voir d'un autre côté—il faut toujours considérer l'envers de la médaille—tout le bien qu'ont pu faire les «grands saints». C'est pourquoi nous avons voulu vous les représenter. Les personnes très religieuses dans la Chrétienté, et je crois que c'est aussi le cas des autres religions, font preuve d'une grande tolérance envers tous les gens, quelle que soit leur couleur, leur race ou leur origine culturelle. Nous tenons donc essentiellement à réfuter cet avis de la minorité, qui exerce de toute évidence une grande influence sur le CRTC, en raison justement de la façon dont elle s'exprime.

+-

    Le président: Monsieur Clemenger, poursuivez maintenant.

    Madame Gagnon, nous reviendrons à vous.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Ça va. Je reviendrai.

[Traduction]

+-

    Le président: Rapidement, donc, monsieur Clemenger.

+-

    M. Bruce Clemenger: Notre mémoire n'avait pas une portée exclusivement chrétienne, même si nous avons indiqué que nous étions uniquement des radiodiffuseurs chrétiens, mais il s'agissait de dire que la religion en soi était sous-représentée. Lorsqu'on voit tout le dynamisme des communautés religieuses au Canada et la foi profonde que l'on retrouve dans notre population, en majorité chrétienne, mais il y a aussi des communautés musulmanes, sikhs et hindoues qui sont florissantes... En tant que congrégation évangélique, nous travaillons souvent au sein de coalitions avec des Musulmans, des Sikhs, des Hindous et différents groupes religieux sur des questions d'intérêts communs. Il y a donc une merveilleuse diversité, qui ne se reflète pas, cependant, dans nos émissions télévisées.

    Considérez simplement les émissions télévisées les plus populaires et demandez-vous combien d'entre elles mettent effectivement en scène des personnes ayant une foi profonde et solide. C'est un élément qui manque et qui pourtant joue un rôle prépondérant dans la société canadienne. Nous nous demandons par conséquent pourquoi la religion est en soi sous-représentée. Est-ce que nous avons cette peur que la religion puisse être mauvaise ou dangereuse, de sorte qu'il nous faille nous en écarter et la reléguer au domaine privé? Je pense que ce n'est pas la bonne façon de procéder. Nous avons besoin de nous engager dans la voie opposée et d'examiner et d'honorer la diversité; penchons-nous sur ce que peut nous apporter la véritable foi religieuse, ne la ramenons pas à de simples considérations politiques ou éthiques et faisons place davantage à la diversité sur nos ondes.

Á  +-(1120)  

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Madame Mock, croyez-vous que cela aura un impact positif sur la représentation de la diversité quand on considère le point de vue chrétien? Est-ce que cela pourrait représenter une ouverture aux autres cultures et religions?

[Traduction]

+-

    Mme Karen Mock: J'ai l'impression, après avoir personnellement examiné le traitement qu'en font les médias et le traitement privilégié qui lui est actuellement conféré, que le point de vue chrétien n'est pas absent des ondes à l'heure actuelle. Nous adoptons en fait une démarche que l'on a qualifié parfois d'eurocentrique et parfois de politique régie par une culture dominante lorsqu'on considère l'ensemble des émissions radiodiffusées. Tel que j'analyse la situation, il ne me serait certainement jamais venu à l'idée que le point de vue chrétien ou les émissions qualifiées de chrétiennes puissent être absentes des ondes à l'heure actuelle.

    Nous oublions de nous interroger sur la véritable représentation des différentes couches de la population dans les médias. À l'heure actuelle, même si, comme vos statistiques l'indiquent, il y a éventuellement une majorité de Chrétiens dans notre pays, nous sommes tenus, pour représenter toutes les couches de la société canadienne, non pas tant de les représenter en fonction de leur importance numérique au sein de la population, mais plutôt de faire en sorte que tous les Canadiens puissent se voir refléter par ce média. De ce point de vue, les Chrétiens peuvent effectivement voir à l'heure actuelle des émissions reflétant leur identité.

+-

    Le président: Madame Lill.

+-

    Mme Wendy Lill: Je vous remercie.

    J'aimerais poser quelques questions dans le domaine de l'équité dans l'emploi ainsi que sur le principe de la création d'un bureau de lutte contre le racisme et la discrimination au sein du CRTC.

    Je trouve bien triste pour notre groupe de femmes députées au sein du Parlement que l'on ait appris récemment que les femmes qui travaillaient à Radio-Canada étaient moins payées que leurs homologues masculins. C'est décourageant pour un certain nombre de raisons, mais surtout parce qu'il s'agit là d'une société d'État et que l'on s'attend à ce que le gouvernement fédéral soit en pointe pour ce qui est de l'équité en matière d'emploi et l'abandon de ces barrières invisibles. Pourtant, il y a toutes sortes de problèmes qu'il convient de régler.

    Il est difficile de bien appréhender ce qu'il faut faire à l'heure actuelle étant donné que personne ne semble être à la hauteur. M. Rasalingam nous a signalé que le CRTC avait demandé aux radiodiffuseurs publics de lui indiquer des méthodes de mesure des progrès effectués sur les ondes en matière de diversité, ce qui apparaît comme une autoréglementation. Est-ce la façon de procéder? Je vous avoue franchement que je ne crois pas beaucoup à cette méthode. J'aimerais savoir si vous avez en ce moment à l'esprit un modèle qui permettrait, à votre avis, d'améliorer la représentativité sur les ondes.

    Nous sommes allés visiter en coulisses bien des salles de nouvelles dans notre pays, et je dois vous avouer que je n'ai pas vraiment vu d'environnement de travail multiethnique. J'ai en fait entendu des gens nous dire que ça ne marchait pas, que rien ne se faisait. Comment y parvenir, par conséquent?

    Je crois bien que l'autoréglementation n'est pas la bonne méthode. Je vous laisserai maintenant le soin de commenter.

+-

    M. Raj Rasalingam: Merci de nous avoir posé cette question. Je vais simplement préciser ce que je vous ai dit tout à l'heure.

    La démarche du CRTC résultait d'une directive de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, impliquant les radiodiffuseurs privés, et l'on a cherché à savoir ce que l'on voyait et qui l'on voyait sur nos écrans. Le mandat ne portait pas sur l'équité dans l'emploi.

    Pour ce qui est de l'équité en matière d'emploi, c'est le mandat de la Commission canadienne des droits de la personne. Notre réseau estime que les radiodiffuseurs canadiens ont tout à gagner à intégrer au réseau de la radiodiffusion les nouvelles communautés qui prennent de l'importance. Rappelez-vous, à la fin de vos études secondaires, lorsque la photo de fin d'année est apparue. Si vous n'aviez pas figuré sur la photo, est-ce que vous l'auriez achetée? C'est cette analogie que je veux vous faire comprendre.

    En matière d'équité dans l'emploi, l'une des grandes difficultés que nous avons rencontrées au cours de nos recherches, c'est que les radiodiffuseurs—et je parle des radiodiffuseurs privés, pas de Radio-Canada—ont passé des accords syndicaux qui déterminent les politiques d'embauche. Est-ce qu'il doit y avoir des politiques distinctes? C'st une question que je pose au professeur Lionel Lumb, qui a travaillé à la fois avec les radiodiffuseurs publics et les radiodiffuseurs privés.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Lionel Lumb: Je vais m'efforcer de répondre à la deuxième partie de votre question. Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est plus difficile lorsqu'on fait appel à l'autoréglementation. Je vous renverrai aux années 80, lorsque le CRTC a procédé lui-même à une recherche de base. À ses frais, soit avec l'argent du gouvernement, il a entrepris d'établir une représentation selon les sexes sur les ondes et en coulisses. Nous considérons que c'est une enquête fondamentale de ce type qui doit être faite cette fois-ci par l'Association canadienne des radiodiffuseurs, à la demande du CRTC.

    Par ailleurs, je me souviens bien, personnellement, puisque j'ai travaillé à Radio-Canada au cours des années 80, et à CTV avant ça, que chaque fois que nous avions un comité d'embauche, une personne chargée des ressources humaines siégeait avec les autres membres du comité pour leur rappeler que lorsqu'il y avait deux candidats, un homme et une femme, également qualifiés, selon les principes de l'action positive, il convenait de choisir la femme. C'est ce qui est souvent arrivé. Il a fallu adopter ce genre de règlement, si vous voulez, pour changer les méthodes d'embauche selon les sexes. Je suis convaincu personnellement qu'il conviendrait de mettre en place un système de ce genre pour l'embauche des personnes appartenant à d'autres minorités.

    Il y a eu un certain redressement—pas aux plus hauts niveaux, mais un certain redressement—dans les sociétés d'État comme Radio-Canada en raison de l'existence de règlements de ce type. La situation n'est pas parfaite. Si l'on compare actuellement les radiodiffuseurs publics et privés, je ne pense pas que le radiodiffuseur public fasse aussi bien que les radiodiffuseurs privés sur la question de l'égalité des sexes. Ni les uns, ni les autres, ne font un très bon travail sur la question de la diversité aux plus hauts niveaux de la gestion.

+-

    Mme Wendy Lill: Je dois en convenir avec vous et je veux évoquer avec vous un instant cette idée consistant à enregistrer ce que nous voyons et qui nous voyons sur les ondes. À l'heure actuelle, on nous demande de nous pencher sur le projet de loi S-7, un projet de loi qui va permettre aux groupes, à tous vos groupes, de procéder en fait à des recherches de fond permettant d'apporter une information de qualité au CRTC concernant la façon dont le monde vous apparaît. Cette démarche se heurte en fait à différentes formes d'opposition, l'une d'entre elles étant celle de l'ACR, qui estime qu'en réalité le travail a déjà été fait et que cela ne ferait que nous gêner dans notre action.

    J'aimerais que chacun d'entre vous me dise pour quelle raison il estime que ce projet de loi S-7 est vraiment important et qu'il convient véritablement d'aider en ce moment les intervenants à présenter leur dossier devant le CRTC pour que ce dernier puisse prendre de meilleures décisions.

Á  +-(1130)  

+-

    Mme Karen Mock: Disons qu'ainsi, pour reprendre une expression éculée, on fait en sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Il y a de petites organisations de la base qui sont en mesure de faire de bonnes recherches et d'intervenir sur des points importants et de manière judicieuse devant des comités comme le vôtre, mais il faut de l'argent. Bien entendu, l'Association canadienne des radiodiffuseurs ou tout autre organisme, lorsqu'il se présente devant le CRTC, a certainement les moyens de bien étayer son dossier. Nous savons aussi que nombre d'organisations dans d'autres domaines—lorsque, par exemple, elles peuvent faire appel au programme de contestation judiciaire—ont su présenter efficacement leurs dossiers et les défendre avec force en s'appuyant sur des recherches de qualité. Elles ont vraiment réussi à faire la différence en tant que parties civiles ou qu'amies de la cour, si l'on peut s'exprimer ainsi. En faisant en sorte que les règles soient les mêmes pour tous, on ferait par ailleurs un travail important en s'assurant que toutes les voix peuvent se faire entendre dans le secteur de la radiodiffusion.

+-

    M. Lionel Lumb: J'ajouterai que les membres de l'ACR s'engagent effectivement dans cette voie en programmant la diversité, en se dotant de plans internes renforçant la diversité en matière de radiodiffusion. Dans le cadre d'audiences qui se tiennent à l'échelle du pays, ils se mettent effectivement à la disposition de différents groupements communautaires.

    Ce que nous voulons dire par là, à mon avis, c'est que l'on reconnaît qu'il est très important que ces groupes puissent faire connaître leur point de vue. Dans la mesure où les radiodiffuseurs font preuve de bonne volonté et sont prêts à changer, il faut les y encourager.

+-

    M. Raj Rasalingam: Je dois ajouter à ce sujet que notre organisation a pu constater que bien des communautés avaient des préoccupations précises en matière de radiodiffusion, mais qu'elles n'étaient même pas au courant de la procédure suivie par le CRTC et qu'elles ne connaissaient même pas l'existence du conseil et des mécanismes susceptibles de favoriser un changement. Il y a là en fait un énorme travail d'éducation à faire pour que l'on connaisse les mécanismes permettant de déposer une plainte.

    Je pense qu'il nous faut même prendre un certain recul en revenant sur le fait que cet organisme existe et que c'est l'un des cadres de réglementation auxquels on peut recourir. Nous affirmons qu'il convient de faire bien davantage de publicité à ce sujet. Nous avons les meilleurs réseaux de radiodiffusion pour le faire et c'est une démarche qui doit être effectuée rapidement pour que les organisations communautaires et autres puissent présenter ces demandes.

    Il y a aussi la question des frais de déplacement. Ça reviendrait plus ou moins à demander aux électeurs de vos circonscriptions de venir systématiquement à Ottawa pour faire connaître leurs préoccupations. Vous seriez les premiers à convenir que leurs préoccupations et les vôtres pourraient difficilement être exprimées dans ce cadre étant donné la durée et la nature des déplacements. C'est notre point de vue.

+-

    Le président: Monsieur Cuzner.

+-

    M. Rodger Cuzner (Bras d'Or--Cape Breton, Lib.): Je pense que cette question s'adresse au professeur Lumb. L'information présentée aujourd'hui ne manquait pas d'être utile. Elle ouvre la porte à d'autres questions et d'autres préoccupations qui débordent évidemment du domaine de la radiodiffusion, mais nous nous efforcerons de nous en tenir à notre étude.

    Je pense que vous avez bien raison de faire remarquer que nos émissions d'actualité ont bien évolué. Je regarde les émissions de sport. TSN a réalisé effectivement d'énormes progrès ces dernières années afin de mieux représenter la mosaïque ou le tissu social canadiens.

    Vous avez évoqué un certain nombre d'émissions américaines. Lorsque je considère les émissions diffusées aux États-Unis—même si je n'ai pas beaucoup l'occasion de regarder la télévision—je constate que dans Seinfeld, Friends, Drew Carey et Frasier, se sont avant tout des Blancs qui sont représentés. Prenez Will and Grace et peut-être Ellen, on peut voir que la question de l'homophobie a été abordée, mais on ne voit pas vraiment de véritables réussites.

    Quels réseaux ou, plus précisément, quelles émissions peut-on citer en exemple? Quelles sont les réussites dont on peut se targuer?

Á  +-(1135)  

+-

    M. Lionel Lumb: Je crois qu'il faut se tourner vers la Grande-Bretagne, même s'il y a peut-être des communautés dans ce pays pour vous dire que l'on n'en fait pas assez. Toutefois, dans une série que l'on peut voir sur TV Ontario, ou parfois sur CBC, ou encore sur PBS—c'est une chaîne américaine diffusée chez nous—on peut voir des personnages appartenant à différentes communautés culturelles jouer un grand rôle. Ils ont un véritable rôle. Ils ne se contentent pas de donner quelques répliques ici et là; ce sont des personnages importants dans le déroulement de telle ou telle série.

    On peut citer par exemple, il y a quelques années, la série télévisée Traffik, au sujet de la drogue importée du Pakistan. La BBC s'est déplacée pour cela au Pakistan, en Allemagne, en Grande-Bretagne. La durée de diffusion de cette série était de six heures, je crois, et elle a obtenu sa plus grande consécration lorsque Hollywood en a fait un film dont on a retenu la candidature pour les Oscars. Ce n'est qu'un exemple. Toutefois, dans des feuilletons télévisés comme A Touch of Frost, par exemple, on voit apparaître des personnages importants, semblables à ceux que l'on peut voir dans la vie réelle. Ce sont des médecins, des avocats, des conseillers de la Reine, des députés, des enseignants—il y en a de toutes sortes. Ils apparaissent tels qu'on les retrouve dans la réalité.

    Je pense que c'est ce qui nous manque le plus au Canada. Nous n'avons pas de personnages... Ainsi, dans notre ville, nous avons une industrie de la haute technologie. Il n'y a pas que des Blancs qui travaillent dans ce secteur. Avez-vous déjà vu dans une émission une entreprise dont le vice-président n'est pas blanc? Ça ne se voit jamais. Pourtant, il y a bien des vice-présidents qui ne sont pas blancs dans le secteur de la haute technologie de notre ville, et peut-être même un président ou deux dont je n'ai pas connaissance. Le Conseil national de recherches du Canada emploie des quantités de gens venus du monde entier. Au sein du gouvernement, à l'ACDI, dans nos propres ministères, à l'université, ces personnes sont nombreuses, et pourtant on ne les voit pas dans nos émissions télévisées.

    CTV diffuse une émission appelée The Associates. Il y a là six jeunes avocats, et l'un d'entre eux est noir. C'est un progrès.

+-

    M. Rodger Cuzner: Je repense à la télévision que nous avions au cours des années 70, avec des émissions comme Sandford and Son. On voyait plus de gens de couleur à l'époque à la télévision américaine. Nous en faisions probablement un peu plus avec des émissions comme All in the Family et Archie Bunker, qui de toute évidence était un réactionnaire et un raciste. En le voyant passer à la télévision, on se rendait bien compte, à mon avis, à quel point de telles opinions étaient ridicules, ce qui faisait beaucoup pour faire avancer la bonne cause.

    Vous avez évoqué Da Vinci's Inquest en disant qu'au départ cette émission ne reflétait pas vraiment le point de vue de la collectivité de Vancouver. Est-ce que l'on a eu recours à certains procédés pour faire progresser cette émission? Qu'est-ce qui l'a amenée à progresser? Est-ce qu'on l'a incitée à le faire ou est-ce qu'elle a tout simplement évolué?

+-

    M. Lionel Lumb: Je ne sais pas si ça a joué un rôle, mais je crois qu'il y a eu des plaintes dès le départ au sujet de cette émission, parce que les gens se sont rendu compte qu'il s'agissait d'une série phare de CBC et qu'il fallait faire face à cette situation. La série a évolué, c'est indéniable. En la regardant aujourd'hui, vous constatez que chaque semaine on voit réapparaître des gens qui reflètent effectivement jusqu'à un certain point la réalité de Vancouver, qui est une ville très multiraciale.

    J'ai parlé de la série Jenna, diffusée par CBC, très intéressante à maints égards, mais surtout en raison de ses caractéristiques exotiques, en ce sens que je n'ai jamais vu un tel nombre d'acteurs non blancs apparaissant dans une même émission. C'était tout à fait étonnant. Il n'y avait pas seulement les acteurs, mais les scénarios étaient particulièrement intéressants, parce que rien n'était jamais prévisible.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Rodger Cuzner: Pour en revenir à Da Vinci's Inquest, cette évolution n'aurait pas pu se faire en recourant à une procédure formelle mise en place par les réseaux ou par les producteurs. C'était...

+-

    M. Lionel Lumb: Les responsables ont entendu évidemment les critiques de Pearson-Shoyama. Ils ont aussi entendu, bien sûr, les critiques d'autres groupes. Je vous dirai d'ailleurs une chose: par le passé, à CBC, certaines propositions de scénarios ont été renvoyées aux producteurs au motif qu'il n'y avait aucune raison que tous les personnages soient blancs, ce qui amenait alors à retenir un ou deux personnages appartenant en fait à différents groupes ethniques.

    Ce que je veux souligner aussi, c'est que les directeurs chargés de la distribution... Une actrice noire m'a dit qu'en 40 ans de métier elle n'avait jamais rencontré un régisseur chargé de la distribution qui ne soit pas blanc, elle a fait cette déclaration lors du colloque Pearson-Shoyama, et j'imagine donc qu'elle n'a pas pu inventer la chose. Elle joue régulièrement dans un feuilleton télévisé américain qui passe chez nous, et en 40 ans elle n'a jamais rencontré au Canada un régisseur chargé de la distribution qui ne soit pas blanc.

    C'est un exemple qui nous montre bien à mon avis que les choses doivent changer. C'est au niveau de l'ensemble des gens de talent—auteurs, régisseurs chargés de la distribution, metteurs en scène, producteurs—qu'il faut apporter de véritables changements en coulisses pour que l'on puisse mieux accepter le principe selon lequel, sur le devant de la scène... C'est ce qui s'est passé pour les actualités. Je sais bien qu'en coulisses, dans le secteur des actualités, la situation n'est pas aussi bonne que sur les ondes, que ce soit à CTV News, à Newsworld ou à la SRC comme à CTV. En coulisses, les résultats ne sont pas aussi bons, mais il y a eu au moins un mécanisme qui nous a amené à chercher des gens, et c'est ce qu'il faudrait faire aussi dans les séries dramatiques et dans les émissions de spectacle.

    Est-ce que les talents existent? Oui, bien entendu. Toutefois, certains acteurs doivent aller aux États-Unis pour trouver un rôle.

+-

    M. Rodger Cuzner: J'ai une question à poser à Mme Mock.

    Vous avez défini plusieurs solutions novatrices pour améliorer les possibilités qui s'offrent. J'aimerais que vous nous parliez davantage de l'une d'entre elles, soit celle des stages professionnels organisés à l'intention des membres de toute une série de professions, les fonctionnaires, les juges et, bien entendu, les responsables des décisions dans le monde de la radiodiffusion.

    Je me pose deux questions à ce sujet. J'aime cette idée, mais comment comptez-vous faire participer ces gens—en les encourageant simplement, ou par d'autres moyens—et comment va-t-on financer un tel programme? Comment, selon vous, va-t-on pouvoir procéder au financement d'un tel projet?

+-

    Mme Karen Mock: Vous me demandez comment on pourra faire participer les gens et si l'on va simplement les encourager à le faire, mais nous espérons qu'avant même d'entrer en fonction, au niveau des écoles professionnelles, on ne se contentera pas de les encourager et on leur dispensera effectivement des cours. En fait, ces cours existent dans certains domaines. Ils sont assez inégaux, mais certains d'entre eux pourraient servir de modèle pour les stages professionnels.

    Dans le domaine public, en matière de radiodiffusion publique, par exemple, ce pourrait être les conseils d'administration et le gouvernement lui-même qui dispensent ce genre de formation rendue effectivement obligatoire, appuyés par les différents ministères chargés de la question. On pourrait tirer parti d'une organisation comme la nôtre, qui se charge effectivement de concevoir ces modules et être en mesure d'offrir une aide et de mettre en contact des spécialistes dans tout le pays pour effectuer ce travail et élaborer des normes.

    Si nous avons proposé la création d'un service de lutte contre la discrimination et le racisme à l'intérieur même du CRTC, c'est parce qu'une organisation de ce type pourrait se servir de ses fonds pour demander au gouvernement qu'il appuie davantage ce genre d'initiative. Si nous prenons vraiment la chose au sérieux, alors la mise en place de l'équité en matière d'emploi et du respect de la diversité culturelle dans tous les organismes et tous les services... Nous ne pouvons pas nous contenter de belles paroles et il faut donc qu'il y ait certaines formes d'incitation. La formation comme les encouragements doivent être efficaces. Il ne s'agit donc pas de faire honte aux gens et de les mettre en porte-à-faux, mais de leur démontrer que c'est une bonne façon de faire des affaires.

    Nous n'y parviendrons pas, cependant, si les organismes de réglementation ne comprennent pas vraiment en quoi consiste le racisme et la discrimination entraînées par le système sous toutes ses formes, s'ils ne sont pas en mesure de le nommer et de dire ensuite «Votre organisation ne se conforme pas aux règles. Par conséquent, à titre obligatoire ou pour vous obliger à vous y conformer, voici ce que vous devez faire.»

    C'est une chose que de recourir tout simplement à la censure, c'en est une autre que de donner un peu plus de mordant à la loi.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: J'ai bien peur qu'il nous faille en finir là. Nous avons deux autres groupes à entendre.

    Je tiens à vous remercier de votre témoignage et d'avoir soulevé des questions qui appellent à la réflexion. Merci; nous avons apprécié votre venue.

    Je vais demander à M. Clark ainsi qu'à Paul Fitzgerald, qui représentent le Congrès Iberoaméricain, de s'approcher. Je n'ai pas prévu plus de dix minutes pour nous permettre de vous poser des questions et je vous demanderai donc de rester concis dans vos exposés pour nous donner le temps de vous interroger.

    Nous allons commencer par M. Clark.

+-

    M. Joe Clark (témoignage à titre personnel): Bonjour, et merci de m'avoir invité à témoigner devant votre comité. J'ai d'ailleurs témoigné il y a 12 ans devant le même genre de groupe, la dernière fois que l'on a révisé la Loi sur la radiodiffusion. Je me souviens que Mme Finestone était membre du comité à l'époque.

    Je vais tout d'abord me présenter. Je suis journaliste, auteur et consultant en matière d'accessibilité à Toronto. Voilà près de 25 ans que je travaille dans le domaine des possibilités d'accès offertes aux personnes handicapées. Ainsi, je suis le sous-titrage à la télévision depuis la fin des années 70, avant même que l'on ait inventé le sous-titrage codé pour malentendants.

    J'ai rédigé une dizaine d'articles sur le sous-titrage, la description sonore et d'autres sujets connexes. Je vais publier un livre sur les possibilités d'accès à Internet qui s'intitule Building Accessible Websites, édité par New Riders Publishing. Il devrait sortir en juin. J'ai fait un certain nombre de conférences dans le domaine du sous-titrage et des messages sonores.

    On a écrit dans l'Atlantic Monthly que j'étais «Le roi du sous-titrage codé pour malentendants» alors que Silent News, le mensuel des malentendants, m'a qualifié de «Ralph Nader de la profession du sous-titrage» et «l'une des terreurs de la profession du sous-titrage», même si je préfère me qualifier moi-même de «mouche du coche».

    J'ai une quantité d'informations sur l'accessibilité sur mon site Web, joeclark.org/access. Je fais un peu de consultation sur l'accessibilité. C'est un domaine que je ne fais qu'aborder. Je viens de terminer un projet avec un grand radiodiffuseur canadien sur la question du sous-titrage vidéo en direct.

    Avant de commencer, définissons les deux notions touchant à l'accessibilité. Vous êtes probablement tous familiarisés avec le «sous-titrage», une technique d'accessibilité s'adressant aux téléspectateurs sourds et malentendants ou bien à tous ceux qui aiment le sous-titrage. Ce sont des transcriptions visibles et écrites d'un dialogue et d'autres effets sonores utiles dans une émission de télévision.

    La technique d'accès s'adressant aux aveugles et aux personnes mal voyantes est la «description sonore», en anglais audio description, qui fait intervenir un narrateur distinct lisant un scénario préparé avec soin et qui décrit à voix haute la scène que l'on peut voir à l'écran et dont la bande sonore ne peut pas donner une idée.

    Passons maintenant aux questions de fond.

    Lançons tout de suite un pavé dans la mare. La Loi sur la radiodiffusion, dans sa rédaction actuelle, est inconstitutionnelle et elle autorise une discrimination illégitime contre les personnes handicapées au sein du réseau de la radiodiffusion. Elle est par ailleurs incohérente.

    Considérons les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion. L'alinéa 3(1)p) dispose: «Le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d'une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des besoins.» Pourtant, au même article, le sous-alinéa 3(1)d)(iii) nous précise que le système canadien de radiodiffusion doit, dans ses émissions, «répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l'égalité sur le plan des droits».

    La question est donc de savoir comment refléter des aspirations des hommes, des femmes et des enfants au Canada, y compris en ce qui a trait aux droits à l'égalité, à partir du moment où cette notion d'égalité dépend du bon vouloir du radiodiffuseur. En réalité, l'expression «au fur et à mesure de la disponibilité des besoins» signifie que tout dépend dans quelle mesure les radiodiffuseurs sont disposés à payer.

    Dans la pratique, quel que soit le secteur, l'accessibilité a tendance à coûter de l'argent. Dans les autres domaines liés aux inégalités, il n'en coûte pas plus et pas moins à un détaillant, par exemple, de ne pas faire de discrimination contre les Juifs ou les Noirs qui fréquentent son établissement. Dans le domaine de l'emploi, d'un autre côté, la nécessité de tenir compte des besoins des minorités religieuses ou des handicapés peut effectivement coûter de l'argent. Ce sont là des cas très peu fréquents.

    De manière générale, le principe de l'égalité ne va coûter de l'argent que pour ce qui est des handicapés, parce que la façon de traiter les handicaps est qualitativement différente des autres formes d'égalité.

    Si l'on dit, par conséquent, à l'alinéa 3(1)p) de la Loi sur la radiodiffusion que l'accessibilité doit dépendre des ressources disponibles, j'aimerais que quelqu'un m'explique pourquoi nous avons toujours des ressources pour créer de nouvelles chaînes de télévision. N'est-il pas étrange qu'en 2001, le CRTC ait pu délivrer plus de 200 licences de chaînes thématiques numériques des catégories un et deux dans un pays de 30 millions d'habitants? N'est-il pas étrange qu'il y ait suffisamment d'argent au sein du réseau de la radiodiffusion pour lancer de tout nouveaux réseaux alors qu'il n'y en a pas en fait pour rendre accessible ceux qui existent déjà?

    De plus, si l'on en croit le témoignage de certains grands radiodiffuseurs privés, ces derniers réalisent déjà des bénéfices pour le seul sous-titrage, sans même prendre en compte pour l'instant la description sonore. Sur le réseau de Global Television, par exemple, Mme Browne a déclaré lors des audiences du CRTC...en fait, les bénéfices tirés du sous-titrage codé pour malentendants sont environ de 1 million de dollars sur 5 millions de dollars. Global Television fait un profit de 20 p. 100 sur le sous-titrage. Nous n'avons pas de sous-titrage 24 heures par jour sur Global. Il n'y a pratiquement pas de description sonore sur Global. Est-ce que cela pose un problème?

    CTV reconnaît de son côté, même si ce réseau ne fournit pas des chiffres exacts, qu'il réalise lui aussi des bénéfices sur le sous-titrage.

Á  +-(1150)  

    L'idée selon laquelle l'accessibilité doit dépendre des ressources disponibles a été rendue caduque par l'évolution de la situation. Il y a toujours eu de l'argent disponible. Le problème, c'est que les radiodiffuseurs n'ont pas vraiment envie de payer.

    N'oubliez pas le terme de «publique» dans l'expression télévision publique au Canada. Elle appartient à tout le monde et non pas aux quatre ou cinq grandes sociétés qui possèdent la plupart des licences de télévision de catégorie A au Canada. Si la télédiffusion appartient à la population canadienne, tout le monde doit pouvoir recevoir et comprendre les émissions. Que l'on soit aveugle, sourd ou autre, il faut que chacun puisse tirer profit des émissions parce que c'est sa propriété.

    Du point de vue purement financier, le problème est particulièrement d'actualité. Une personne aveugle ou sourde qui paie la transmission par câble ou la télévision par satellite verse le même montant qu'une personne non handicapée alors qu'elle n'a pas le même accès à toutes les émissions. Il s'agit là au départ d'une discrimination.

    Le CRTC est en fait à l'origine de toutes les difficultés en la matière. Voilà près de 20 ans que je le houspille à ce sujet. Il en est toujours au même point.

    L'ensemble du mécanisme des licences, en matière d'accessibilité, encourage tout simplement à la discrimination. On peut considérer la relation entre le CRTC et les radiodiffuseurs comme une vieille entente entre amis sans qu'il y ait une collusion déclarée. Ce n'est pas nécessaire. Tout le monde semble partir à la base du principe qu'il faut faire un peu de sous-titrage et quelques descriptions sonores à l'intention des aveugles. Dans la pratique, il s'agit de ne rien faire qui risque de remettre en cause l'objectif principal du réseau, qui est de gagner de l'argent. Après tout, il n'y a qu'une poignée de radiodiffuseurs publics au Canada, presque tous étant privés. Privé, c'est dans ce cas un euphémisme qui veut dire que l'on cherche à gagner de l'argent.

    Le problème, bien entendu, c'est que le sous-titrage et la description sonore coûtent de l'argent. Plus le responsable de la réglementation exige des sous-titrages et des descriptions sonores, moins les radiodiffuseurs font de profits.

    Aucune mesure n'exige que l'on fasse respecter les dispositions en matière d'accessibilité, telles qu'elles existent même dans le réseau canadien de radiodiffusion. Vous ne risquez rien en tant que radiodiffuseur si vous ne respectez pas les exigences de sous-titrage ou de description sonore. On n'a jamais vu un radiodiffuseur être vraiment sanctionné pour ne pas avoir fait de sous-titrage ou de description sonore. Ça ne se fait tout simplement pas.

    Les sous-titrages et les descriptions sonores sont considérés comme des compléments facultatifs au sein du réseau canadien de radiodiffusion. Il convient de signaler que pour les téléspectateurs non handicapés, les images ou les sons ne sont pas jugés facultatifs. Par contre, les techniques d'accessibilité s'adressant aux sourds, aux malentendants, aux aveugles ou aux handicapés visuels sont jugées non essentielles ou facultatives.

    Il faut aussi tenir compte du fait qu'il y a un gros problème de qualité dans les sous-titrages et les descriptions sonores au Canada. La Loi sur la radiodiffusion exige des émissions de qualité dans tous les autres domaines. Les sous-titrages au Canada ont toujours été de piètre qualité. Ça ne fait qu'empirer, à une exception près. Laissez-moi vous donner quelques précisions à ce sujet.

    La qualité des sous-titrages au Canada est l'inverse de celle des États-Unis. Pour ce qui est du sous-titrage en temps réel des émissions télévisées en direct, comme on peut en voir à l'émission Newsworld de CBC, par exemple, le Canada a toujours disposé de bons ou même d'excellents sous-titrages. Nous avons un personnel bien formé chez nous.

    Aux États-Unis, le sous-titrage en temps réel est tout au plus passable pour différentes raisons historiques. Par contre, le sous-titrage des émissions préenregistrées, des nombreuses séries télévisées comme celles que l'on aime regarder tous les soirs, est excellent aux États-Unis depuis vingt ans.

    Au Canada, le sous-titrage des émissions préenregistrées est assez catastrophique depuis vingt ans. Il n'y a eu pratiquement aucune amélioration dans le domaine du sous-titrage et des émissions préenregistrées au Canada. En fait, la qualité est en chute libre depuis dix ans parce que la plupart des services de postproduction se lancent dans le sous-titrage. Pour eux, le sous-titrage est littéral: on se contente de transcrire. On fait appel, pour ce faire, à une secrétaire qui transcrit sommairement l'émission et qui fait apparaître les sous-titres. On considère qu'il s'agit là d'une bonne façon de sous-titrer aux termes des exigences du CRTC.

    Ce n'est pas vraiment mon avis. Nous pourrions nous asseoir et je vous montrerais la même émission sous-titrée par des Canadiens et par des Américains. Prenons l'exemple de Degrassi High et de Degrassi Junior High. Après un ou deux épisodes, vous allez sortir de là en étant d'accord avec moi pour dire que les Canadiens font n'importe quoi comparativement aux Américains. Cette différence s'explique par le fait qu'il n'y a pas de normes de sous-titrage au Canada. Il n'y a bien évidemment aucune norme s'appliquant aux descriptions sonores.

    Nous savons que l'Association canadienne des radiodiffuseurs s'efforce d'élaborer une norme canadienne sur le sous-titrage. Avec un peu de chance, je vais rencontrer cet après-midi des représentants de l'ACR pour en parler.

    J'ai bien peur que cette norme de sous-titrage, à laquelle n'ont collaboré jusqu'à présent que les radiodiffuseurs en place, les fournisseurs de services de sous-titrage existants et un ou deux représentants des sourds ne feront qu'entériner toutes les mauvaises habitudes qui nous ont été imposées ces vingt dernières années au Canada. Au lieu de faire du mauvais sous-titrage à la sauvette, on va maintenant l'ériger en système. C'est une question de ressources humaines. De nos jours, le sous-titrage est effectué avant tout par du personnel sous-payé.

Á  +-(1155)  

    Il est tout à fait possible de gagner 30 000 $ par an en faisant du sous-titrage, mais c'est le bout du monde. Ce sont généralement des jeunes sortis tout juste de l'université qui font ce travail, principalement des femmes qui n'ont pas beaucoup d'expérience de la vie. C'est un gros inconvénient lorsqu'il s'agit de transcrire une émission. C'est l'essentiel lorsqu'il faut faire du sous-titrage. Nous devons former jusqu'à un certain point du personnel pour améliorer la qualité des sous-titrages. Dans l'état actuel des choses, le sous-titrage, tel qu'il est effectué au Canada, est différent de celui des États-Unis, mais n'est certainement pas meilleur.

    La situation empire. Nous refaisons l'histoire du sous-titrage canadien dans le nouveau domaine de la description sonore. Le CRTC et les radiodiffuseurs prétendent depuis 14 ans que la description sonore est une technique nouvelle potentiellement intéressante que l'on pourrait bien voir arriver un jour. En réalité, PBS fait aux États-Unis de la description sonore sur les ondes toutes les semaines depuis 1988. PBS n'est pas si riche que ça. Si elle réussit à le faire, les radiodiffuseurs canadiens peuvent certainement eux aussi y parvenir.

    L'année dernière, enfin, le CRTC a fini par se rendre compte de la réalité et s'est mis à demander aux radiodiffuseurs de diffuser des émissions avec description sonore à l'intention des aveugles et des malvoyants au Canada. Global et CTV sont les seuls titulaires de licences qui sont tenus de fournir une description sonore. TVA et Vision, par exemple, sont deux autres radiodiffuseurs censés devoir le faire. Les titulaires des licences de télévision locale contestées de Toronto et d'Hamilton doivent aussi fournir une description sonore, mais on peut difficilement dire que cette exigence soit gravée dans le marbre, n'est-ce pas?

    On a multiplié les erreurs depuis plus de 20 ans. Je suis intervenu dans le cadre des audiences de renouvellement d'un certain nombre de licences au Canada, aux États-Unis et en Australie pour essayer de remettre l'industrie dans le droit chemin en la matière. De manière générale, les responsables ont fait preuve d'un manque de volonté lorsqu'il s'agissait d'améliorer la situation. Dans la situation actuelle, la plupart des émissions canadiennes ne peuvent être vues par les téléspectateurs handicapés. L'accès n'est donc pas le même pour tous. Cela signifie que nous enfreignons la Constitution.

    Les solutions que je préconise sont celles que vont recommander tous les sourds, les malentendants, les aveugles ou les malvoyants. Elles sont assez draconiennes, mais ce sont celles dont on a besoin. Il s'agit de sous-titrer l'intégralité des émissions diffusées en anglais et en français, 24 heures par jour. Le sous-titrage intégral dans les autres langues est possible si l'on surmonte certains obstacles techniques. On pourrait prévoir à ce titre un allongement du délai de mise en service.

    Parallèlement, les aveugles et les malvoyants au Canada valent autant que les sourds et les malentendants—ni plus, ni moins—mais voilà 14 ans que le système de radiodiffusion ne tient pas compte de leurs intérêts. L'accessibilité exige que l'on fasse la transcription sonore de l'intégralité des émissions en anglais et en français, 24 heures par jour.

    Et voilà; c'était l'exposé en dix minutes sur l'accessibilité au Canada. Je vais maintenant laisser la parole à M. Fitzgerald et nous pourrons répondre ensuite à vos questions.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Je vous remercie. Vous avez soulevé un problème très important, monsieur Clark. Nous vous en sommes reconnaissants.

    Monsieur Fitzgerald.

+-

    Paul Fitzgerald (vice-président et conseiller juridique, Congrès Iberoaméricain): Merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous.

[Français]

    Je vais faire mes remarques en anglais, mais il me fera aussi plaisir de répondre aux questions qui me seront adressées en français.

[Traduction]

    Je représente ici le Congrès Iberoaméricain du Canada, une organisation de Canadiens hispanophones. J'ai cru devoir venir vous expliquer les raisons pour lesquelles 99 p. 100 des Latino-américains qui regardent aujourd'hui la télévision au Canada passent par le marché gris.

    Reportez-vous au 30 octobre 1995. Alors que les Québécois s'apprêtaient à voter au référendum, les sondages nous disaient que le résultat était trop indécis pour qu'on puisse se prononcer à l'avance. Imaginez que vous vous soyez trouvés en Europe ou en Amérique latine ce jour-là. Combien de temps vous aurait-il fallu pour obtenir un compte rendu fiable des résultats?

    Les Latino-américains du Canada savent bien à quel point il est angoissant de ne pas savoir. Le 12 octobre à 2 heures du matin, le président du Venezuela, Hugo Chavez, a été obligé de se démettre de ses fonctions. À cette heure-là, Newsworld diffusait Play, la CBC le nouveau magazine en direct des arts et des spectacles, et CNN rediffusait l'émission Moneyline de Lou Dobbs. Les Latino-américains abonnés à Dish Latino ou à DirecTV Para Todos sur le marché gris pouvaient assister aux événements en direct par l'intermédiaire de CNN en espagnol ou de la télévision vénézuélienne.

    Ces dernières semaines, il y a eu une tentative d'assassinat du candidat à la présidence en Colombie, la première visite d'un président américain au Pérou et au Salvador et un débat au Mexique sur le dossier des droits de la personne à Cuba. Aucune de ces questions n'a bénéficié d'un véritable intérêt de la part de l'oligarchie des médias canadiens.

    Lorsque j'habitais en Russie, je suivais l'actualité canadienne grâce à la radio sur ondes courtes. Aujourd'hui, les Latino-américains du Canada font la même chose avec la télévision par satellite des É.-U. Grâce au marché gris, ils peuvent facilement s'abonner à 26 chaînes de langue espagnole afin de voir des émissions dans leur langue maternelle et de suivre ce qui se passe dans le pays où ils sont nés. Pour cette raison, les réseaux de télévision par satellite aux É.-U. sont commercialisés très ouvertement dans la communauté latine. Les vendeurs ont des sites Internet et passent des pleines pages de publicité dans les journaux communautaires. Vous trouverez ces publicités dans ma trousse d'information. On trouve l'équipement nécessaire dans de nombreux bars et restaurants de langue espagnole. Ils sont vendus dans les sous-sols d'église après la messe du dimanche et sont offerts en prix dans les tombolas.

    Les Latino-américains ne sont pas les seuls à agir ainsi. On retrouve les mêmes pratiques et la même présence des vendeurs dans les communautés arabes, grecques et russes. Dans tout le Canada, les communautés ethniques disent toutes la même chose: si les câblodiffuseurs et les sociétés de télévision par satellite du Canada ne veulent pas nous servir dans notre langue, nous allons acheter ces services ailleurs. On enregistre le même comportement au sud du 49e parallèle, certains Américains s'abonnant à Bell ExpressVu pour avoir accès aux chaînes de télévision canadienne, à la télévision en langue française et aux matchs de hockey.

    Sur le marché gris canadien, les clients utilisent les services de vendeurs pour donner une adresse postale fictive aux États-Unis afin que la société de télévision par satellite américaine ait une adresse valide aux É.-U. qu'elle puisse faire figurer dans ses dossiers. Cette compagnie de télévision par satellite américaine facture ensuite directement ses clients canadiens sur leur carte de crédit. Là encore, tout cela est répertorié dans notre trousse d'information.

    Contrairement à ce qui se passe sur le marché noir, l'abonné canadien paie exactement le même prix que l'abonné des États-Unis pour le même service. Le montant à payer, soit 35 $ par mois pour avoir 26 chaînes, étant raisonnable, il n'y a pratiquement pas de marché noir au sein de la communauté hispanophone du Canada. De plus, étant donné que le service local de Bell ExpressVu permet de voir 40 chaînes pour 10,95 $ seulement, soit à moins d'un tiers du prix, le marché gris latino-américain n'est pas vraiment en concurrence avec ExpressVu ou Star Choice.

    Les opposants au marché gris et aux services par satellite allèguent souvent que les Canadiens ne sont pas l'auditoire visé par Dish Network ou DirecTV lorsque ces derniers diffusent au Canada. C'est vrai, bien sûr, mais il ne faut pas oublier que lorsqu'un Canadien communique son numéro de carte de crédit, par l'intermédiaire d'un vendeur, à DirecTV ou à Dish Network, le fournisseur de télévision par satellite aux États-Unis sait, grâce à ce numéro de carte de crédit et à l'adresse à laquelle est envoyée la facture, que ce client habite au Canada. En acceptant de traiter avec des Canadiens, ou avec des Américains dans le cas de Bell ExpressVu, la société de transmission par satellite passe un contrat avec un résident situé hors du pays, ce qui l'englobe dans l'auditoire visé. Autrement dit, si vous payez la transmission, vous faites partie de l'auditoire visé.

    Comme dans l'application de bien d'autres principes juridiques, le principal élément ici, c'est que l'argent va du téléspectateur au détenteur des droits de propriété. Il est important de bien le comprendre. Les propriétaires des différentes stations ont des droits de propriété intellectuelle liés au contenu de leurs émissions et il faut qu'ils donnent leur consentement pour que quelqu'un puisse voir ces émissions. Inévitablement, comme je viens de le dire, ce consentement est souvent déduit du fait que l'argent a été payé.

    Il y a deux types de chaînes diffusant des émissions programmées sur le marché gris hispanophone. Il y a des stations locales installées par exemple au Mexique ou à Miami, et il y a des chaînes uniquement câblodiffusées, comme A&E.

  +-(1205)  

    Dans le premier cas, la société américaine de transmission par satellite reprend la transmission locale et la diffuse à l'échelle du pays, de même Bell ExpressVu diffuse la chaîne A d'Edmonton dans tout le Canada. Généralement, ces stations sont bien contentes d'être diffusées à l'échelle du pays. Le seul problème se pose en fait lorsque la diffusion des émissions de cette chaîne éloignée empiète sur le marché d'une télévision locale, mais cet inconvénient n'existe pas au Canada.

    Dans le deuxième cas, la chaîne câblodiffusée de langue espagnole est vendue aux abonnés à l'intérieur d'un bouquet de chaînes diverses. Les recettes des chaînes câblodiffusées de langue espagnole augmentent avec ce nombre d'abonnés. Dans les deux cas, étant donné qu'elles sont dans l'impossibilité de faire diffuser leurs émissions sur le marché canadien et, par conséquent, de tirer des recettes de leur programmation, les chaînes câblodiffusées de langue espagnole sont prêtes à changer leur fusil d'épaule et à considérer le Canada comme faisant partie intégrante d'un marché intérieur élargi aux États-Unis.

    Prenons le cas de TV CHILE. Le 14 décembre 2000, dans la décision 2 722, le CRTC a concédé à TV CHILE Canada une licence de télévision spécialisée de catégorie 2 lui permettant, sans l'y obliger, de faire diffuser ses émissions au Canada par satellite ou par la voie de la câblodiffusion.

    Étant donné que le recensement de 1996 nous révèle que seulement 142 000 Canadiens parlent espagnol dans leur foyer, il n'est pas très surprenant qu'aucune société de transmission par satellite ou qu'aucun câblodiffuseur canadien exprime le moindre intérêt pour la diffusion des émissions de TV CHILE au Canada. Dans le cas de TV CHILE, nous avons donc une société qui possède une licence lui permettant de diffuser ses émissions au Canada mais, en l'absence d'un distributeur, ses émissions ne peuvent pas être rentables sur ce marché. Autrement dit, à moins qu'elle puisse diffuser ses émissions au Canada, les droits de propriété intellectuelle de TV CHILE sont sans valeur sur ce marché.

    Face à cette triste réalité et compte tenu du fait qu'elle retire de l'argent des téléspectateurs canadiens en raison du fait que ses émissions sont diffusées sur le marché gris, TV CHILE ne s'est pas plainte de la violation de ses droits de propriété intellectuelle sur le marché gris.

    TV CHILE n'est pas la seule. HTV, une chaîne entièrement musicale de langue espagnole, possède elle aussi une licence de catégorie 2 du CRTC. Comme TV CHILE, HTV n'a pas de distributeur potentiel au Canada. En grande partie, si les autres chaînes de langue espagnole n'ont pas de licence de catégorie 2, c'est uniquement parce qu'elles n'ont pas demandé à en avoir.

    Il faut que les membres du comité sachent que le CRTC a pour politique d'accorder des licences de catégorie 2 à tous les demandeurs qui répondent aux critères de base et qui ne concurrencent pas directement un service existant. Toutes les chaînes hispanophones diffusées sur le marché gris répondent aux critères de base.

    Étant donné que les licences de la catégorie 2 ne garantissent pas la diffusion des émissions, nombre de chaînes de langue étrangère, qui se heurtent à la perspective de devoir trouver un distributeur canadien, ne cherchent même pas à obtenir une licence. Sur les marchés gris de la communauté hispanophone et d'autres groupes ethniques, il y a trois ingrédients essentiels: un groupe de clients prêts à payer un service légal et souvent autorisé par le CRTC, mais qui n'est pas diffusé au Canada; un groupe de stations qui produisent leurs propres émissions, qui sont propriétaires de leur contenu et qui souhaitent les voir diffusées au Canada, mais qui n'ont pas les moyens de le faire; enfin, des sociétés de transmission par satellite, qui facturent des frais d'inscription mensuels sur les cartes de crédit des téléspectateurs canadiens et qui paient les stations de télévision étrangères qui sont propriétaires du contenu.

    Les critiques de cette solution allèguent qu'elle porte préjudice aux sociétés canadiennes de câblodiffusion numérique et de transmission par satellite. Toutefois, si ces stations veulent s'attirer la clientèle du monde hispanique, il leur suffit de faire place à un certain nombre de chaînes hispanophones parmi les 500 canaux qu'elles diffusent. À l'heure actuelle, quatre stations étrangères de langue espagnole possèdent une licence de catégorie 2 du CRTC, mais aucune d'entre elles n'est distribuée par satellite dans notre pays.

    Il est tout simplement plus avantageux financièrement de transmettre des parties de hockey que des chaînes ethniques, et le congrès le comprend parfaitement. Nous ne voulons pas dicter aux sociétés canadiennes de câblodiffusion et de transmission par satellite quelles chaînes elles doivent diffuser. Parallèlement, nous considérons qu'il ne devrait pas être illégal de regarder des chaînes pour lesquelles on est prêt à payer, notamment lorsque la société qui reçoit les paiements sait que ses clients sont canadiens et qu'elle retransmet les droits d'auteur, et alors que personne d'autre au Canada ne diffuse ces émissions dans notre pays. Nous faisons la même analyse pour les francophones qui habitent aux États-Unis. Ils devraient pouvoir se servir de Bell ExpressVu pour pouvoir accéder à TVA, Radio-Québec, TVQ et Radio-Canada. Toutes ces chaînes devraient elles aussi pouvoir être mises à la disposition des francophones qui habitent aux États-Unis.

    Le 2 mars 2002, l'honorable Sheila Copps, la ministre du Patrimoine canadien, a déclaré qu'elle avait l'intention de rendre illégal le marché gris. Une telle décision prise par notre gouvernement pourrait éventuellement enfreindre les dispositions de l'alinéa 2b) de la Charte, entraînant un bouleversement complet de nos lois et restreignant plus que jamais nos libertés fondamentales.

  +-(1210)  

    Il n'a jamais été illégal au Canada de s'abonner à un journal ou à une revue étrangère, d'importer ou de lire un livre étranger non pornographique, d'écouter les stations de radio étrangères au moyen des ondes courtes ou d'Internet, de regarder les chaînes de télévision des États-Unis sans aucun filtrage à l'aide d'antennes posées sur le toit, comme cela se fait tous les jours dans les localités frontalières, de regarder les chaînes de télévision étrangères que captent librement les grosses antennes paraboliques que l'on voit dans nos campagnes, ou enfin de regarder les chaînes de télévision étrangères sur Internet.

    Notre congrès espère qu'en faisant ses recommandations, votre comité reconnaîtra et fera respecter le droit pour les minorités ethniques du Canada de s'abonner à des chaînes de télévision étrangères diffusant dans leur langue maternelle, par l'intermédiaire du marché gris.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Monsieur Fitzgerald, vous nous avez fait connaître très clairement votre position, et nous apprécions votre franchise et la clarté de votre mémoire.

    Je vais maintenant demander à Mme Gagnon de poser les premières questions.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Clark, lors de notre tournée sur la Loi sur la radiodiffusion, j'ai parlé avec des représentants du radiodiffuseur public Radio-Canada et je leur ai mentionné la question du sous-titrage. Je leur ai dit que la partie francophone n'avait pas le même pourcentage de sous-titres que la partie anglophone et je me suis fait expliquer certaines réalités: le marché américain étant plus développé que le marché francophone--je pense à la France--, le pourcentage de sous-titres est moins élevé au Québec et dans la partie francophone du Canada hors Québec. Ils m'ont dit qu'ils avaient fait beaucoup d'efforts pour augmenter la disponibilité des émissions avec sous-titrage.

    Une collègue du Bloc québécois a justement déposé un projet de loi afin que le sous-titrage soit plus disponible pour les malentendants.

    Pensez-vous que la télévision publique fait plus d'efforts que les radiodiffuseurs privés à cet égard? Quel type d'effort pourrait-il y avoir compte tenu des données dont m'ont fait part les représentants de Radio-Canada?

[Traduction]

+-

    M. Joe Clark: Je vous remercie.

    Je m'attendais effectivement à ce que l'on me pose des questions sur le sous-titrage en français. Il y en a, évidemment, deux sortes: le sous-titrage en temps réel, qui est la transcription sténographique d'émissions diffusées en direct, et le sous-titrage des émissions préenregistrées. L'obstacle technique concerne le sous-titrage en temps réel, même si c'est simplement une question de perception.

    Les radiodiffuseurs de langue française prétendent depuis pratiquement dix ans qu'il est difficile, voire impossible, de sous-titrer les émissions diffusées en direct en français. En fait, depuis le milieu des années 90, deux systèmes différents ont été mis au point pour sous-titrer en temps réel, à l'aide de matériel prévu pour l'anglais, les émissions diffusées en français.

    Vous ne savez peut-être pas que pour faire du sous-titrage en temps réel, on utilise des claviers spécialement prévus pour la sténographie judiciaire, qui ne comportent que 24 touches. Ils font environ huit pouces de largeur et six pouces de hauteur. Il faut appuyer sur plusieurs touches à la fois pour produire une seule syllabe ou une phrase tout entière.

    Il n'existe pas de matériel en français pour faire de la sténographie judiciaire en temps réel, ni d'ailleurs n'importe quel type de sténographie. Faisant preuve d'ingéniosité, certains fabricants de matériel américains et canadiens ont adapté la phonologie française sur le matériel anglais. On a fait d'ailleurs la même chose aux États-Unis pour ce qui est de la langue espagnole. Il est possible de faire du sous-titrage en temps réel en espagnol à l'aide du matériel prévu pour l'anglais.

    Quoi qu'il en soit, depuis le milieu des années 1990, il existe deux systèmes différents qui permettent de le faire sur le matériel prévu pour l'anglais. L'un d'entre eux a été mis au point par une société de sous-titrage canadienne, Waite & Associates. Je dois dire que cette société a fait un excellent travail et que tous les accents peuvent être transcrits à l'aide des caractères du décodeur de sous-titrage. Le travail a été très bien fait.

    Le système concurrent a été mis au point par la société Radio-Canada. Naturellement, il faut un système concurrent puisque l'on est au Canada. Il faut bien se faire la concurrence sur le sous-titrage, n'est-ce pas? Techniquement, c'est un système inférieur. La seule lettre accentuée dont on dispose est le «é» minuscule, alors qu'il est techniquement possible de transcrire beaucoup plus d'accents que cela. Les radiodiffuseurs de langue française ont mis tous leurs oeufs dans ce panier.

    Il y a une grande pénurie de sous-titreurs en temps réel qualifiés en français dans le monde étant donné que le système est nouveau. Après tout, il a été élaboré à partir du matériel prévu pour l'anglais. Il existe des spécialistes en France et quelques-uns au Québec. Il n'y en a pas suffisamment.

    Contrairement à ce qui se passe pour l'anglais, il n'existe pas en français de bons programmes de formation en sténographie mécanographique. Le Canada a de très bons programmes de formation en sténographie judiciaire pour ce qui est de l'anglais, mais pas en ce qui a trait au français.

    Sur le plan technique, deux systèmes coexistent. Le premier existe encore. Personne ne l'emploie au Canada. Les droits ont été restitués au partenaire américain qui a contribué à le développer, Cheetah International captioning en Californie. Il le garde sous la main et peut toujours le revendre à un radiodiffuseur. Le système de Radio-Canada est aussi disponible. Sur le plan technique, le problème a été résolu. Il faut maintenant former suffisamment de sténographes judiciaires.

    J'ajouterai une dernière chose. La qualité du sous-titrage sténographique en temps réel en français, après six ou sept ans d'essai, est actuellement bien meilleure que ce qui se faisait en anglais la première année. On a tout simplement du mal à s'adapter à la langue française. Il y a des raisons linguistiques à cela.

    J'ai une licence universitaire en linguistique et je peux donc vous en parler en toute connaissance de cause. Vous savez que la phrase française compte davantage de mots relativement plus longs qu'en anglais. Il faut faire les accords en genre et en nombre. Il faut tenir compte de tout cela lorsqu'on fait la dactylographie sur le clavier. C'est encore pire qu'en espagnol. Il y a des contraintes linguistiques intrinsèques, qui peuvent être surmontées cependant. Le sous-titrage en anglais n'est pas facile non plus, mais nous y sommes parvenus.

    Il semble que la solution soit de former davantage de spécialistes du sous-titrage en temps réel en français.

    Vous pouvez aussi me poser des questions sur le sous-titrage des émissions préenregistrées en français si vous le voulez. Je peux aussi vous répondre sur ce point. Je pense que vous faisiez allusion aux émissions en direct.

  +-(1215)  

+-

    Le président: Comment se fait-il que vos réponses ne sont pas plus courtes, monsieur Clark?

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: J'ai une autre question. Vous parlez de la technologie pour les malentendants, mais aussi pour les personnes aveugles. Quel genre de technologie faudrait-il pour répondre aux besoins des personnes aveugles? À ce moment-là, il faut sans doute faire appel à la voix, mais j'ai un peu de difficulté à voir ce qu'on pourrait développer pour mieux vous servir.

[Traduction]

+-

    M. Joe Clark: Sur le plan du matériel, il y a deux façons de dispenser un service accessible à la télévision. Closed et open en anglais—«ouvert» et «codé» en français. C'est le sous-titrage codé que l'on rencontre presque toujours. Il est intégré au signal de transmission télévisée et il faut un décodeur de sous-titrage pour le faire apparaître. Le sous-titrage ouvert est celui que tout le monde voit. Il fait partie intégrante de l'image. Vous pouvez faire le même parallèle dans le domaine de la description sonore. Presque toutes les descriptions sonores que l'on trouve sur les ondes dans le monde sont codées. Il faut brancher le son correspondant. Cela se fait par l'intermédiaire de ce que l'on appelle le SCÉS, le second canal d'émissions sonores, qui figure dans toute émission de télévision. Il vous faut donc brancher votre appareil de télévision, ou plus vraisemblablement votre magnétophone, sur la seconde piste audio, la SPA, qui vous permet alors d'entendre les descriptions sonores complémentaires.

    Il est plus onéreux pour les radiodiffuseurs d'installer le matériel permettant de diffuser sur la seconde piste audio mais, une fois qu'on l'a installé, il n'en coûte pas plus cher pour tourner une heure d'émission comportant une description sonore. Il n'y a pas de différence de coût au niveau de l'appareillage en anglais et en français. Une fois que l'on a fait passer en régie l'intégralité de l'émission sur la seconde piste audio, c'est fait pour toujours, quelle que soit la langue ou la description sonore transmise par la SPA.

+-

    Mme Wendy Lill: Je vous remercie tous deux de vos exposés. Je considère que vous venez d'évoquer des questions dont l'intérêt est fondamental pour nos collectivités, et qui pourtant sont souvent passées sous silence. On en parle, désormais, et je m'en félicite.

    J'ai une petite question à poser à chacun d'entre vous.

    Monsieur Fitzgerald, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il ne devrait pas être illégal de regarder des émissions dans sa langue maternelle. Je me demande si vous ne pourriez pas faire à notre comité une recommandation que nous pourrions reprendre pour réaffirmer nos engagements en faveur des émissions ethniques, que ce soit dans la Loi sur la radiodiffusion elle-même ou dans tout autre texte. Je vais maintenant poser la question s'adressant à M. Clark et vous pourrez ensuite tous deux me répondre.

    Je pense qu'il est essentiel que nous présentions une recommandation très ferme sur la question des sous-titrages codés ou des sous-titrages accompagnés d'une description sonore. J'estime que les personnes handicapées sont des citoyens comme les autres et qu'il faut par conséquent qu'ils puissent regarder la télévision et s'insérer dans le cadre du système de radiodiffusion.

    Avez-vous une idée du coût du sous-titrage intégral, 24 heures sur 24, et d'une description sonore intégrale pour notre système de radiodiffusion? En effet, c'est l'obstacle qu'il nous faut surmonter lorsque nous faisons ce genre de recommandation.

    J'aimerais bien que vous puissiez répondre à ces deux questions.

  +-(1220)  

+-

    Paul Fitzgerald: Il y a essentiellement deux façons de procéder. La communauté hispanophone du Canada serait en faveur de l'une ou l'autre d'entre elles. D'une part, on pourrait autoriser la diffusion au Canada des chaînes en langue étrangère en provenance d'un autre pays par l'intermédiaire du marché gris. Nous ne parlons pas ici d'HBO ou d'autres stations de ce type; il s'agit là de créneaux spécialisés. Laissons-les diffuser chez nous en nous entendant par la même occasion avec les États-Unis pour que les émissions en langue française puissent aussi être diffusées aux États-Unis.

    Lorsque vous examinez en fait la situation des deux côtés de la frontière, vous pouvez voir que la trousse d'information que je vous ai remise en anglais recense des sites Internet sur lesquels les francophones demandent à voir la télévision en français dans des États comme la Californie ou la Floride. Le problème se pose des deux côtés de la frontière.

    Donc, soit vous accordez une niche à ces chaînes de langue étrangère en recourant au marché gris et en autorisant les téléspectateurs à s'abonner, soit on prévoit une «diffusion obligatoire». Autrement dit, vous accordez à ces chaînes ethniques une licence de catégorie 1 parce que, dans le cadre d'une licence de catégorie 2, la transmission n'est que facultative.

    Il y a environ 140 000 Latino-américains dans notre pays. C'est peut-être un peu plus aujourd'hui. Il est impensable qu'un radiodiffuseur puisse mettre 26 chaînes à leur disposition. Il est tout simplement impossible que ça se fasse. Si vous rendez la diffusion «impérative», vous dictez alors aux sociétés de distribution par satellite ce qu'elles doivent faire.

    Dans la pratique, je peux vous dire que si vous regardez les 26 chaînes hispanophones, vous n'allez pas voir chaque fois la même chose. Je reçois chez moi Bell ExpressVu. Sur les 40 chaînes de Bell, on peut voir sept fois Law and Order le mercredi soir en passant d'une chaîne à l'autre. Je ne suis pas sûr que les téléspectateurs canadiens bénéficient d'une véritable diversité. C'est cette diversité que recherchent les communautés ethniques. Nous n'en bénéficions pas.

    Ce que l'on peut reprocher entre autre au CRTC, c'est qu'il ne s'est pas occupé s'il accordait vraiment des licences à une communauté hispanophone voulant regarder des émissions en espagnol au Canada. Si vous considérez la liste de ceux qui ont demandé à bénéficier d'une licence de catégorie 2 du CRTC, vous pouvez voir qu'il y a le représentant de Radio Italia à Toronto.

    La communauté hispanophone au Canada n'est pas suffisamment bien organisée pour lancer sa propre chaîne. Nous demandons par conséquent que l'on s'inspire du modèle de la télévision Deutsche Welle d'Allemagne. C'est une chaîne de télévision allemande qui n'est pas filtrée. Il n'est pas nécessaire de faire partie de la communauté canadienne allemande de Winnipeg pour produire des émissions; elle est diffusée comme tout le reste. Il suffit de la regarder pour avoir des nouvelles d'Allemagne. Nous aimerions pouvoir bénéficier de cette forme de diffusion «impérative», ou alors pouvoir passer légalement par le marché gris des chaînes ethniques diffusant à la fois aux États-Unis et au Canada.

+-

    Mme Wendy Lill: Monsieur Clark.

+-

    M. Joe Clark: La seule objection que l'on fait lorsqu'on parle de l'accessibilité est celle des coûts, ce qui commence à me lasser. Dans le domaine des droits de la personne, il est possible de faire valoir pour sa défense un fardeau ou des difficultés indus. Il est donc possible de se défendre contre une allégation de discrimination ou d'inégalité de traitement en alléguant que cela entraînerait des difficultés incomparablement trop élevées. On ne peut certainement pas le prétendre dans le cas du système canadien de radiodiffusion. Les entreprises croulent sous les liquidités. Elles gagnent énormément d'argent.

    J'ai évoqué le cas de deux radiodiffuseurs privés qui font des profits en sous-titrant. Pour répondre toutefois à votre question sur le fond, pour faire un sous-titrage de qualité de toutes les émissions en anglais et en français sans se contenter de plaquer n'importe quoi sur les émissions télévisées, il en coûterait des dizaines et des dizaines de millions de dollars par an et il faudrait se doter d'énormes moyens de sous-titrage. C'est toutefois le minimum indispensable si l'on veut fournir des émissions de qualité aux sourds et aux malentendants.

    La description sonore exige bien plus de personnel encore et coûterait dix fois plus encore que le sous-titrage. C'est toutefois ce genre de description sonore bien rédigée et parfaitement conçue que l'on retrouve actuellement au Canada dans des émissions dramatiques comme The Associates, Cold Squad, Psi Factor et autres. C'est une procédure onéreuse qui prend beaucoup de temps.

    Toutes les émissions diffusées au Canada ne sont pas comme cela cependant. Il y a de nombreuses émissions d'actualité, par exemple, qui pourraient être rendues accessibles grâce à une description sonore si l'on se contentait simplement de lire ce qui est écrit à l'écran. Lorsqu'on indique un numéro de téléphone et que le commentateur des nouvelles ne le donne pas, il est bien facile de lui demander de le lire. Si ce numéro est écrit sur l'écran, il doit être lu à voix haute. Une telle façon de procéder oblige à repenser la façon dont on diffuse les nouvelles, mais ça ne coûte pas d'argent en fait.

    Pour répondre à votre question sur le plan historique, la situation s'explique par le fait que le CRTC et les radiodiffuseurs, au sein d'un réseau où ils se connaissent tous, sont toujours partis du principe qu'il n'était pas nécessaire de gaspiller de l'argent au service des sourds, et encore moins des aveugles, parce que c'était trop compliqué.

    La Constitution ne prévoit aucun moyen de défense alléguant l'ampleur des difficultés, contrairement à ce que l'on peut voir, par exemple, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Même si c'était le cas, ce serait inapplicable ici, tout simplement parce que les radiodiffuseurs canadiens disposent de l'argent nécessaire.

  +-(1225)  

+-

    Le président: Monsieur Hearn.

+-

    M. Loyola Hearn: Merci, monsieur le président. J'aimerais poser rapidement deux questions à M. Fitzgerald.

    Lorsque vous nous parlez des chaînes hispanophones, j'imagine que cela s'applique aussi à d'autres minorités dans notre pays, dont certaines comptent probablement un plus grand nombre de membres que les gens de langue espagnole.

+-

    Paul Fitzgerald: Nous représentons plus précisément la communauté hispanophone. Si elle est ici aujourd'hui, c'est tout simplement parce qu'un groupe de personnes dans un bar hispanophone qui regardaient un match entre le Honduras et le Salvador ont eu vent de vos audiences et m'ont demandé de venir étant donné que je suis avocat et que je parle anglais.

    Les Arabes de notre ville ne sont pas là. Pourquoi cette absence? Parce qu'ils ne savent pas que vous tenez ces audiences. Il y a un groupe appelé ART. Il y a quelque 14 chaînes de télévision arabes que les membres de ce groupe souhaitent absolument voir. Si vous regardez les journaux arabes, vous pouvez voir qu'il y a des annonces partout.

    Il suffit d'aller dans les dépanneurs dont la clientèle ne parle par anglais et de prendre un de ces journaux placés en entrant, tout près de la porte, au-dessous des revues qui font la réclame des voitures d'occasion. Retirez du dessous de cette pile de revues un journal arabe, coréen, polonais, russe, allemand ou hongrois et vous y verrez, à la page quatre, d'énormes annonces publicitaires. Regardez au dos du journal d'Ottawa en espagnol, on ne peut pas faire plus gros, en effet. Les malvoyants m'excuseront, mais j'imagine qu'ils verront eux-mêmes immédiatement de quoi il s'agit. Les caractères sont énormes.

    Dans toutes ces communautés ethniques, les activités du marché gris sont bien présentes, qu'il s'agisse des Arabes, des Chinois, des Portugais ou des Hindous. Les seuls qui ne se plaignent pas sont les Cantonais, parce qu'ils disposent de la chaîne de télévision Fairchild à Vancouver ainsi qu'une ou deux communautés sud-asiatiques. Bell ExpressVu transmet d'assez bonnes émissions dans les langues sud-asiatiques.

    Sinon, quelle que soit la communauté concernée, il suffit d'aller consulter les sites Internet sur les réseaux de transmission par satellite aux États-Unis pour voir toute une série de chaînes disponibles. Sur Bell, on ne voit que CTV. Je crois que c'est à peu près la même situation pour toutes les communautés ethniques et nous les appuyons.

+-

    M. Loyola Hearn: Vous savez, je crois que c'est la première fois en dix ans, et peut-être plus maintenant, que l'on réexamine la Loi sur la radiodiffusion. Les temps ont donc bien changé. Notre pays n'a pas manqué d'évoluer. Si nous voulons encourager les gens à immigrer dans notre grand pays, nous devons leur faciliter la vie au maximum, et c'est certainement un des moyens de le faire.

    J'ai rapidement une question à poser à M. Clark. J'ai presque oublié votre nom—je plaisante; vous ne me rappelez absolument pas l'autre Clark.

    Vous nous dites que l'on peut gagner de l'argent en faisant du sous-titrage et pourtant qu'on ne le fait que dans certaines émissions bien précises. Je me demande si ces bénéfices s'expliquent simplement par le fait que l'on choisit des émissions bien précises. Si l'on sous-titrait toutes les émissions, est-ce que l'on ferait les mêmes bénéfices? Au contraire, est-ce que c'est toujours la même histoire qui fait que l'on passe des publicités dans certaines émissions lorsque l'on sait que l'on va faire des ventes alors que ce ne serait pas rentable si on le faisait dans toutes les émissions?

    Savez-vous s'il en est ainsi? Est-ce que ces sociétés, privées ou publiques, nous disent qu'elles réalisent des bénéfices sur le sous-titrage parce qu'elles ne sous-titrent que certaines émissions bien déterminées? Si elles devaient le faire pour toutes, est-ce que ce serait rentable, ou y aurait-il des pertes?

  -(1230)  

+-

    M. Joe Clark: Laissez-moi vous expliquer comment fonctionne toute cette opération du sous-titrage commandité. C'est d'ailleurs en fait au petit bonheur la chance.

    Pour sous-titrer une émission il en coûte 100 $, 900 $ ou 1 000 $, tout dépend de celui qui fait le sous-titrage. Nombre d'émissions américaines sont transmises par satellite alors qu'elles sont déjà sous-titrées; le coût du sous-titrage est donc nul.

    Les radiodiffuseurs n'abordent pas la question des commandites en matière de sous-titrage de la même façon qu'aux États-Unis. Aux États-Unis, si un sous-titrage est commandité, cela signifie véritablement que l'on paie pour le sous-titrage et l'on peut voir dans les sous-titres: «Sous-titrage commandité par Toyota», par William Wrigley Jr. Company Foundation, ou toute autre société ayant effectivement payé le sous-titrage. Il est intégré à l'émission et les sous-titres sont inscrits pour toujours.

    Les Canadiens ont choisi de faire oralement de petites annonces publicitaires indiquant «Sous-titrage codé commandité par...», suivies du nom du commanditaire. Ces courtes séquences de sous-titrage codé durent de 10 à 15 secondes. Certaines d'entre elles sont assez intelligentes, environ 25 p. 100 d'entre elles ne sont pas elles-mêmes sous-titrées. Selon ce principe, le radiodiffuseur se contente d'appliquer son tarif normal correspondant aux 10 ou 15 secondes en qualifiant cela de sous-titrage commandité et déclare avoir utilisé cet argent pour payer le sous-titrage alors que celui-ci est soit gratuit, dans le cas de nombre d'émissions américaines diffusées par satellite, soit peu coûteux, s'il s'agit d'un sous-titrage effectué en temps réel, qui coûte actuellement environ 145 $ par heure d'émission, soit à peu près rien, ou très peu, si l'on s'est arrangé pour obtenir sous licence le sous-titrage américain ou si l'on a recours à un sous-titrage plus onéreux, mais qui reste très peu qualifié, en provenance des fournisseurs canadiens.

    Ce que les radiodiffuseurs canadiens qualifient de sous-titrage commandité est en fait de la publicité sous un nom déguisé. Par conséquent, ce que vous nous dites, que les émissions vraiment populaires gagnent tout l'argent, n'est pas vrai en fait. Ce n'est pas linéaire. Il est possible que les tarifs pratiqués par les différents radiodiffuseurs soient moins élevés dans la journée qu'en soirée. Cela vient simplement confirmer le fait que nous parlons ici de publicité et non pas de sous-titrage commandité.

    C'est par ce moyen que CTV et Global ont réussi à faire des bénéfices sur le sous-titrage. Autrement dit, ils font d'un côté la liste de toutes leurs dépenses liées à la production des sous-titrages et, de l'autre, celle de toutes les recettes tirées de ces séquences de publicité sous-titrée à la télévision, et ils en concluent sur cette base que c'est rentable.

    Ce qui est bien étonnant, cependant, c'est que la qualité des sous-titrages ne réussit jamais à s'améliorer. On ne les voit pas recourir à des techniques de sous-titrage plus onéreuses comme les sous-titres qui apparaissent et disparaissent dans des bulles séparées plutôt que de faire du sous-titrage en temps réel—cette dernière technique est moins onéreuse que la première—et on ne les voit pas réinjecter non plus les bénéfices tirés du sous-titrage dans des techniques d'accessibilité s'adressant par exemple aux aveugles et aux malvoyants.

    Tout au long de cette évolution, pendant vingt ans, le sous-titrage et maintenant la description sonore ont été considérés comme une corvée monotone et dérangeante que l'on cherche à éviter. Il n'est pas question de concevoir une émission sous-titrée dans son intégralité et l'on se refuse à payer cette technique au départ. Toutefois, le CRTC n'est pas trop exigeant. Il demande seulement que l'on fasse quelques sous-titrages, pas beaucoup, que l'on dispose les sous-titres un peu au hasard, en payant le moins d'argent possible, dans la plupart des cas, et tout le monde est content.

    M. Loyola Hearn: Je vous remercie.

+-

    Le président: Monsieur Clark, je vous remercie de ces renseignements, qui nous seront très utiles. Nos attachés de recherche pourraient bien vous consulter à l'occasion, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

+-

    M. Joe Clark: En fait, je m'apprête à vous remettre un mémoire étonnant et même stupéfiant, qui vous donnera davantage de détails que vous pouvez imaginer. Je sais par expérience que dans une réunion comme celle-ci, tout le monde écoute si l'on fait un exposé improvisé, mais chacun se met à lire le mémoire si on en a fourni un. J'ai donc décidé de procéder dans un autre ordre. Mais effectivement, je vous donnerai toutes sortes de renseignements et je suis prêt à répondre éventuellement à vos questions.

+-

    Le président: Très bien, je vous remercie.

    Monsieur Fitzgerald, vous allez peut-être rencontrer aujourd'hui d'autres groupes qui souhaitent avoir un avocat sachant parler anglais. Vous ferez peut-être école.

+-

    M. Paul Fiztgerald: Je vous remercie. Vous avez mon numéro. Si votre attaché de recherche souhaite un complément d'information, nous avons beaucoup de documents et nous chercherons à lui donner satisfaction. Nous nous ferons un plaisir de vous renseigner.

-

    Le président: Je vous remercie de votre comparution, qui nous fut très utile.

    La séance est levée.