HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 7 mai 2002
¿ | 0910 |
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)) |
M. Bernard Courtois (conseiller exécutif, Bell Canada Entreprises et Bell Canada; chef de la stratégie, Bell Canada) |
M. Alain Gourd (vice-président exécutif de groupe, Services généraux, Bell Globemedia Inc.) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
M. Alain Gourd |
¿ | 0925 |
Mme Sheridan Scott (chef des affaires réglementaires, Bell Canada) |
¿ | 0930 |
M. Bernard Courtois |
¿ | 0935 |
Le président |
M. Abbott |
M. Bernard Courtois |
Mme Sheridan Scott |
¿ | 0940 |
M. Jim Abbott |
Mme Sheridan Scott |
M. Bernard Courtois |
M. Jim Abbott |
M. Bernard Courtois |
M. Jim Abbott |
M. Bernard Courtois |
¿ | 0945 |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
¿ | 0950 |
M. Alain Gourd |
Mme Christiane Gagnon |
¿ | 0955 |
M. Alain Gourd |
Le président |
M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.) |
À | 1000 |
M. Bernard Courtois |
M. Dennis Mills |
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.) |
M. Bernard Courtois |
À | 1005 |
Mme Sarmite Bulte |
M. Alain Gourd |
À | 1010 |
M. Bernard Courtois |
Mme Sheridan Scott |
À | 1015 |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
M. Bernard Courtois |
À | 1020 |
Mme Wendy Lill |
M. Bernard Courtois |
M. Alain Gourd |
À | 1025 |
Mme Wendy Lill |
M. Alain Gourd |
Le président |
M. Bernard Courtois |
Mme Sheridan Scott |
À | 1030 |
Le président |
M. Alain Gourd |
Le président |
M. Bernard Courtois |
Le président |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein (commissaire à la concurrence, Bureau de la concurrence) |
À | 1040 |
À | 1045 |
À | 1050 |
Le président |
M. Jim Abbott |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Jim Abbott |
À | 1055 |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Jim Abbott |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Jim Abbott |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Jim Abbott |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Gaston Jorré (sous-commissaire principal de la concurrence, Direction générale des fusionnements, Bureau de la concurrence) |
Á | 1100 |
Mme Christiane Gagnon |
M. Gaston Jorré |
Mme Christiane Gagnon |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
M. Dennis Mills |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Dennis Mills |
M. Konrad von Finckenstein |
Á | 1105 |
M. Dennis Mills |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Dennis Mills |
M. Gaston Jorré |
M. Dennis Mills |
M. Gaston Jorré |
M. Dennis Mills |
M. Gaston Jorré |
M. Dennis Mills |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Dennis Mills |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Dennis Mills |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Dennis Mills |
Á | 1110 |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Dennis Mills |
Mme Sarmite Bulte |
M. Konrad von Finckenstein |
Mme Sarmite Bulte |
M. Konrad von Finckenstein |
Á | 1115 |
Mme Wendy Lill |
M. Konrad von Finckenstein |
Mme Wendy Lill |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
M. Jim Abbott |
Á | 1120 |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Jim Abbott |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Abbott |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
Mme Christiane Gagnon |
Á | 1125 |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein |
Á | 1130 |
Le président |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
M. Jim Abbott |
M. Konrad von Finckenstein |
M. Jim Abbott |
M. Konrad von Finckenstein |
Le président |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 7 mai 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte. Le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit aujourd'hui pour poursuivre son étude de l'état du système de radiodiffusion canadien.
Je tiens à faire savoir à nos invités que certains de nos membres participent à d'autres comités et se joindront à nous sous peu.
Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui une grande entreprise canadienne dont l'activité touche de près au sujet qui nous occupe, Bell Canada Enterprises, ou BCE.
[Français]
Nous sommes heureux d'accueillir M. Bernard Courtois, conseiller exécutif, Mme Sheridan Scott, chef des affaires réglementaires, et M. Alain Gourd, vice-président exécutif de Bell Globemedia. À vous, monsieur Courtois.
M. Bernard Courtois (conseiller exécutif, Bell Canada Entreprises et Bell Canada; chef de la stratégie, Bell Canada): Merci, monsieur le président, membres du comité. Comme vous venez de le noter, je m'appelle Bernard Courtois et je suis accompagné de Mme Sheridan Scott, de Bell Canada et de M. Alain Gourd, de Bell Globemedia. Nous vous remercions d'avoir invité les Entreprises Bell Canada à comparaître devant vous aujourd'hui.
BCE est la première entreprise de communications au Canada et occupe une position importante, tant dans le secteur des télécommunications que dans celui de la radiodiffusion. Nous fournissons aux Canadiens à la fois la connectivité, par l'entremise de la Société de Portefeuille Bell Canada, et le contenu, au moyen de Bell Globemedia.
BCE a adopté une stratégie qui la force à innover, à l'échelle de l'entreprise, en se réinventant à titre d'entreprise de communications de pointe. Les capacités de communication dont s'est dotée BCE ont pour but de lui permettre de façonner les industries du divertissement, de l'information et des communications de l'avenir, pour que le contenu canadien soit un succès commercial. BCE veut, d'une part, offrir de nouveaux choix et assurer la liaison entre les médias canadiens: télévision, médias imprimés et interactivité, afin que la programmation canadienne puisse résister à la poussée déferlante des émissions de divertissement et d'information américaines.
[Traduction]
À l'heure actuelle, trois forces importantes façonnent les changements dans le marché des communications: la numérisation, la concurrence et la mondialisation. Il nous faut y faire face si nous voulons assurer la pertinence et l'efficacité continues du cadre de réglementation de la radiodiffusion au Canada, et réaliser les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion qui le sous-tend.
Aujourd'hui, BCE souhaite faire part aux membres du comité de son point de vue sur un certain nombre de questions essentielles et je demanderais à Alain de commencer par la plus importante: le contenu canadien.
[Français]
M. Alain Gourd (vice-président exécutif de groupe, Services généraux, Bell Globemedia Inc.): Comme l'ont constaté les membres du comité, l'industrie de la radiodiffusion a subi de profonds bouleversements depuis quelques années. La télévision conventionnelle n'en continue pas moins d'être le moteur du financement et la principale vitrine de la programmation canadienne originale, qui est d'une grande importance culturelle.
Les radiodiffuseurs utilisent depuis des années la programmation populaire américaine pour subventionner ce genre de contenu canadien. Les émissions américaines sont toutefois de plus en plus chères, et le modèle économique traditionnel est en voie de s'effondrer. Nous avons, à CTV, élaboré une stratégie afin d'assurer le succès de la programmation canadienne, en particulier chez nous, et cela à partir des bases jetées par la politique télévisuelle du Canada à partir de laquelle nous nous efforçons de créer une programmation canadienne de plus en plus populaire et, disons le mot, rentable.
[Traduction]
Les principaux volets de notre stratégie sont les suivants: une attitude gagnante; l'accent mis sur la création de superproductions canadiennes; d'importants investissements dans la programmation canadienne, notamment dans des émissions dramatiques; le développement d'un système canadien de vedettariat; et l'utilisation d'un grand nombre de plates-formes médias.
[Français]
D'abord, il y a une question d'attitude. Là, il faut regarder du côté du Québec, où les émissions dramatiques en français connaissent un succès considérable, recueillant de larges auditoires et se situant au coeur de l'expérience télévisuelle. Il nous faut cultiver, à mon sens, au Canada anglais, cette mentalité voulant que les produits de chez nous peuvent être les meilleurs.
Nous savons que CTV possède le talent et le savoir-faire pour engendrer le succès. Par exemple, avec 15 heures et demie par semaine de programmation locale, diffusée d'abord par les stations sources de CTV de l'Atlantique au Pacifique, de Halifax à Vancouver, nous croyons comprendre les Canadiens. Dans tous les marchés que nous desservons, nous avons l'émission de nouvelles de fin de soirée la mieux cotée, sauf à Vancouver, où nous sommes passés du quatrième au deuxième rang après notre récente affiliation. Sur un plan national, CTV a également reçu trois années de suite, au Gala des Prix Gémeaux, un Prix Canada pour la télévision reflétant la diversité canadienne pour des documentaires réalisés non seulement à Toronto, mais aussi à nos bureaux régionaux de Halifax et de Vancouver.
Nos émissions dramatiques reçoivent souvent l'éloge des critiques. Par exemple, notre film sur le Dr Lucille Teasdale, coproduit avec TVA, a remporté cinq Prix Gémeaux. Mais il nous faut davantage de succès de ce genre.
¿ (0915)
[Traduction]
Vient s'ajouter à l'attitude gagnante le deuxième volet de notre stratégie qui est de concentrer nos efforts sur les superproductions. La vision de CTV en matière de programmation prioritaire consiste à investir de fortes sommes dans les émissions dramatiques et les documentaires. Ce sont les deux genres sur lesquels nous mettons principalement l'accent. CTV part d'un principe fort simple: plus nous décochons de flèches dans cette direction, plus nous raffinons notre technique et plus nous avons des chances d'atteindre la cible. La politique télévisuelle du Canada nous permet de nous concentrer sur ces genres et cela donne déjà des résultats impressionnants.
Si vous vous reportez aux diapos, vous verrez qu'au cours des huit premiers mois de la saison de télévision actuelle, c'est-à-dire depuis septembre 2001, CTV a produit et diffusé 7 des 10 ou 11 émissions spéciales de facture canadienne ayant récolté les plus fortes cotes d'écoute. Pour chacune de ces émissions, les chiffres variaient entre 1,5 million et 1 million de téléspectateurs.
Ainsi, nous avons non seulement attiré de larges auditoires pour ces productions, pour l'histoire de Jonathan Wamback ou encore celle de Matthew Shepherd, mais nous les avons aussi mises à l'horaire à presque tous les jours de la semaine aux heures de grande écoute.
Ces réussites s'expliquent bien sûr par le troisième volet de notre stratégie qui consiste à investir des sommes substantielles. Le budget annuel de CTV pour le contenu canadien est le plus élevé de tous les radiodiffuseurs privés. Premièrement, nous avons fortement concentré les 230 millions de dollars de bénéfices promis lorsque BCE a fait l'acquisition de CTV. Au total, 92 p. 100 de ces sommes iront directement à l'écran, avec quelque 80 millions de dollars consacrés aux seules émissions dramatiques. Plus nous développerons et diffuserons d'émissions canadiennes originales, plus nous aurons des chances de créer des superproductions canadiennes.
L'an dernier, CTV a investi un total de 359 millions de dollars dans la programmation canadienne, sur les 473 millions de dollars dépensés par BCE pendant la même année en contenu canadien. Au cours des cinq prochaines années, BCE compte investir quelque 3 milliards de dollars dans le contenu canadien.
Le volet investissement est donc important. Mais, comme on l'a vu au Canada français, le quatrième volet consiste à développer un système de vedettariat canadien. L'industrie du divertissement au Québec nous a montré l'importance de vedettes locales pour attirer de vastes auditoires: depuis Mike Bullard jusqu'à e Talk que CTV diffuse le samedi, en passant par Lisa LaFlamme, de Canada AM, et Vicki Gabereau, autant de personnalités qui, conjuguées aux chaînes de télévision spécialisées les plus écoutées, contribuent au système de vedettariat.
Le dernier volet de notre stratégie est de tirer profit de toutes les plates-formes médias, depuis la télévision conventionnelle et spécialisée jusqu'aux médias écrits, en passant par Internet, pour développer des vedettes et attirer de larges auditoires pour les émissions canadiennes. Les exemples multimédias apparaissant sur la vidéo que nous allons vous présenter dans un moment illustrent ce qu'il est possible de faire avec les troisième et quatrième volets de notre stratégie.
¿ (0920)
[Présentation vidéo]
M. Alain Gourd: Vous ayant montré quelques exemples de ce que nous faisons, parlons de la façon dont vous, les membres du comité, pouvez appuyer cette approche.
À notre avis, le rôle du gouvernement consiste à créer un climat propice au succès. Nous ne réclamons pas la création de nouveaux programmes d'aide. En premier lieu, nous vous demandons simplement d'appuyer la politique télévisuelle du Canada, établie récemment par le CRTC et qui a déjà des répercussions positives. Elle représente la meilleure chance pour CTV et les autres radiodiffuseurs canadiens de créer un modèle de programmation canadienne économiquement viable en nous permettant de bâtir sur nos forces respectives. Il nous sera impossible de le faire si les règles changent sans cesse.
Deuxièmement, le Fonds canadien de télévision est essentiel à la qualité de la programmation et il requiert donc un financement stable qui doit, au minimum, être maintenu à son niveau actuel.
Troisièmement, il y a deux façons dont vous pouvez nous aider à accroître nos investissements dans la programmation canadienne. D'autres groupes avant nous ont décrit les droits de licence excessifs versés par les radiodiffuseurs, ainsi que les raisons pour lesquelles ils sont injustes. Ces fonds seraient mieux utilisés pour améliorer la programmation canadienne des radiodiffuseurs.
Les radiodiffuseurs cherchent aussi à obtenir des modifications à la loi afin de leur permettre de diffuser de la publicité sur les produits pharmaceutiques. Les Canadiens devraient avoir accès à des informations canadiennes concernant de tels produits, dans le cadre tout d'abord d'un projet-pilote. Nous croyons aussi que les radiodiffuseurs devraient utiliser ces recettes nouvelles pour accroître leur programmation dramatique canadienne et nous en prenons l'engagement devant vous ici même aujourd'hui.
Quatrièmement, les efforts du côté des droits d'auteur doivent se poursuivre afin de s'assurer que la loi demeure à jour avec les nombreuses façons nouvelles dont les produits de création, y compris la vidéo, apparaissent sur le marché.
Finalement, comme vous pouvez le constater tous les jours dans les articles publiés par le Globe and Mail au sujet des programmes de CTV ou des projets de BCE, personne ne dicte aux journalistes quoi écrire. Ils peuvent parfois être nos plus sévères critiques. L'indépendance éditoriale est primordiale si on veut offrir des reportages justes et équilibrés.
En deux mots, nous pensons que l'indépendance éditoriale est bonne pour les affaires. Elle est essentielle à notre crédibilité et nous croyons que le marché récompensera les entreprises sensibles à ce que veulent les consommateurs. CTV maintient pour ses activités télévisuelles une structure de gestion et de présentation distincte et indépendante de celle du Globe and Mail.
CTV a établi un énoncé de politiques qui explique en détail ses engagements en ce sens et nous avons mis sur pied un comité de surveillance impartial pour recevoir les plaintes. Ce comité présentera un rapport annuel au CRTC. Nous avons préparé des messages d'intérêt public pour faire connaître ce processus par l'entremise de nos stations Bell Globemedia, dans le cadre d'une campagne de diffusion d'une valeur d'un million de dollars.
Et maintenant Sheridan Scott va nous entretenir de la question connexe de la pluralité des voix.
¿ (0925)
[Français]
Mme Sheridan Scott (chef des affaires réglementaires, Bell Canada): Merci, Alain.
Bonjour.
Certains commanditaires ont dit craindre que le nombre de radiodiffuseurs canadiens susceptibles de faire entendre des points de vues différents sur des questions d'intérêt public ne diminue. La vérité est tout autre. Une étude des faits démontre qu'il y a eu une augmentation significative du nombre de radiodiffuseurs indépendants offrant aux Canadiens une pluralité de voix en matière d'émissions de nouvelles et d'affaires publiques.
[Traduction]
Par exemple, le marché de la télévision à Toronto a connu une importante croissance du nombre de canaux différents offrant des émissions d'information. À l'époque de la Commission Kent, en 1982, moins d'une douzaine de fournisseurs canadiens offraient une telle programmation. Il y avait CBC et deux de ses affiliées privées, deux affiliées de CTV, de même que des stations canadiennes exploitées par CHUM, Global, CHCH et TVO, et un service ethnoculturel, CFMT. Radio-Canada, ainsi que trois réseaux américains, ABC, NBC et CBS, étaient également présents sur le marché.
En 2002, le nombre de sources d'émissions de nouvelles et d'affaires publiques a considérablement augmenté. Les données compilées par le CRTC indiquent qu'à Toronto, par exemple, les consommateurs peuvent choisir parmi une vaste gamme de services, offerts tant par les cablôdistributeurs que par les SRD. Ils continuent d'avoir accès à CTV, CBC/SRC, CHUM, Global, TVO et CFMT, et ils peuvent aussi synthoniser une nouvelle station de télévision conventionnelle anglophone, Crossroads Television, en plus d'une nouvelle station francophone du groupe TVA. Le Conseil a aussi émis récemment deux nouvelles licences conventionnelles à Rogers et à Craig pour la région de Toronto.
Les consommateurs ont également accès à une large sélection de services canadiens de télévision spécialisée desservant différents créneaux de marché en matière d'émissions de nouvelles et d'affaires publiques. Les Torontois ont ainsi accès, à tout moment du jour ou de la nuit, à des nouvelles en continu de toutes sortes, fournies par Newsworld, CTV Newsnet, CPAC et Cable Pulse 24. Ils ont accès à des nouvelles économiques spécialisées avec ROBTv et à des nouvelles du sport avec TSN, SportsNet et The Score. Des services comme Telelatino, Fairchild et AsianTV offrent des émissions de nouvelles destinées aux communautés culturelles. Enfin, les Torontois ont le point de vue des peuples autochtones du Canada avec le canal APTN.
Les consommateurs canadiens ont aussi accès à de nouveaux services de télévision conventionnelle en provenance des États-Unis, comme les affiliées de Fox Network et de deux autres réseaux relativement récents, Warner Brothers et United Paramount. Ils peuvent également choisir parmi des services spécialisés étrangers comme CNN, CNN Headline News et CNBC, ainsi que d'autres services internationaux comme la BBC, la Deutch Welle et TV5. De moins d'une douzaine de voix différentes il y a 20 ans, on en compte maintenant plus du double.
¿ (0930)
[Français]
On peut constater une progression similaire dans les grands marchés francophones et dans les marchés anglophones moins importants.
À Montréal, par exemple, trois groupes de propriété différente offraient des émissions de nouvelles et d'affaires publiques en français en 1982. Ce nombre est passé à huit en 2002. Si l'on observe des marchés anglophones plus petits comme celui de Halifax, on voit qu'il y avait six voix indépendantes en matière de nouvelles et d'affaires publiques en 1976, dont trois canadiennes. En 2002, ce nombre est passé à plus de 15 pour les seules émissions de nouvelles et d'affaires publiques canadiennes, tandis que le nombre de voix étrangères dépasse la dizaine.
Quand on ajoute la vaste sélection de nouveaux services spécialisés numériques lancés à l'automne de 2001, la radio, les journaux et la diversité de plus en plus grande de voix accessibles par Internet, la gamme de sources indépendantes est vraiment impressionnante.
J'aimerais maintenant ajouter quelques mots au sujet du CRTC.
[Traduction]
Compte tenu des changements continus et accélérés dans l'industrie des communications en ce moment, nous sommes d'avis qu'une réforme des procédures ou des structures du CRTC s'impose. Ainsi, le CRTC devrait être structuré de façon à favoriser l'élaboration et l'application d'une politique de radiodiffusion nationale cohérente, et à lui permettre de fonctionner de manière plus efficace et efficiente.
À cette fin, BCE soumet aux membres du comité les trois recommandations suivantes: réduire le nombre de conseillers et éliminer la désignation de conseiller régional, tout en continuant de tenir compte des sensibilités régionales; clarifier le mandat du CRTC en ce qui concerne les questions de concurrence, soit au moyen d'une directive du Cabinet ou par l'entremise de modifications à la loi; et, enfin, harmoniser les pouvoirs et les procédures dont le Conseil dispose en matière de radiodiffusion et de télécommunications.
Bernard va maintenant conclure avec quelques mots au sujet de la propriété étrangère.
[Français]
M. Bernard Courtois: BCE est consciente de la tendance mondiale favorisant une libéralisation des échanges commerciaux et une diminution des obstacles à l'investissement, y compris l'assouplissement des restrictions concernant la propriété étrangère.
BCE appuie une telle tendance dans le cadre de négociations internationales, pourvu que le Canada en retire des avantages en retour. BCE croit toutefois qu'il demeure nécessaire que ce soit des Canadiens qui contrôlent les entreprises de radiodiffusion, tant au niveau de la programmation que de la distribution. Il est une politique fondamentale et de longue date au Canada que la propriété et le contrôle du système canadien de radiodiffusion soient entre les mains des Canadiens.
Sous ce régime, le système canadien de radiodiffusion a connu beaucoup de succès, offrant aux Canadiens l'accès à une vaste gamme de choix de programmation, tout en assurant une place aux voix d'ici et en favorisant le développement et le succès des créateurs canadiens et de leurs produits.
[Traduction]
BCE croit aussi que les entreprises de câblodistribution, tout comme celles de radiodiffusion par satellite, sont correctement définies comme étant des «entreprises de radiodiffusion» en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, plutôt que des «entreprises de télécommunications». Il y a une différence fondamentale entre les deux activités.
La Loi sur les télécommunications décrit une entreprise de télécommunications en faisant appel à la notion de «common carrier». Cette notion ancienne régit depuis longtemps le secteur des télécommunications. Par définition, une telle entreprise ne choisit pas le contenu qu'elle transporte. Ce choix relève du client et l'entreprise doit transmettre ce que le client choisit qu'elle transmette, sans discrimination.
Une entreprise de distribution de radiodiffusion, comme une entreprise de radiodiffusion par satellite ou de câblodistribution, fait tout le contraire. Elle ne répond pas aux critères du «common carrier». Par exemple, elle choisit, moyennant certaines restrictions, d'offrir certains canaux de télévision et de radio, et pas d'autres. Elle choisit l'endroit où certains canaux sont placés dans son alignement. Et elle choisit, encore là moyennant certaines restrictions, comment les canaux sont regroupés en forfaits pour que les abonnés y aient accès. Ces décisions ont d'importantes répercussions sur ce que les Canadiens voient et entendent.
¿ (0935)
[Français]
Merci, monsieur le président, de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Courtois, monsieur Gourd et madame Scott, de nous avoir fait une présentation très claire et appuyée de diapositives et de photos qui donnent des exemples assez clairs de ce que vous voulez énoncer ici.
[Traduction]
Nous vous sommes très reconnaissants pour cet exposé dans les deux langues où vous nous avez présenté, de façon extrêmement franche et claire, votre point de vue et vos recommandations en ce qui concerne le CRTC, la propriété étrangère ainsi que d'autres questions. Nous vous en remercions.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Merci.
Je tiens moi aussi à vous remercier de votre présence ici aujourd'hui. Vous nous donnez ainsi l'occasion de discuter d'un certain nombre de questions importantes avec les principaux dirigeants de votre entreprise.
Il y a tellement de questions qui me viennent à l'esprit en ce qui concerne la convergence, les satellites et tout le reste. Je vais en aborder deux ou trois seulement, et je suis sûr que les autres députés vous interrogeront sur un certain nombre d'autres questions.
Je vois que votre vice-président et principal conseiller juridique de Bell ExpressVu, Ian Gavaghan, est cité à la page 6 du National Post d'aujourd'hui. Il parle des marchands de satellites. Je ne suis pas avocat, soit dit en passant, mais j'ai tout de même appris certaines choses. Je suis conscient de l'injonction visant l'application de la loi en ce qui concerne précisément la contestation au regard de la Charte, mais je pense bien que nous pouvons discuter librement du jugement en tant que tel.
J'ai reçu un avis juridique, et je vais vous lire la partie du jugement que je trouve la plus pertinente en l'occurrence. C'est le juge Frank Iacobucci qui parle:
Le législateur entendait interdire de manière absolue aux résidents du Canada de décoder des signaux d'abonnement encodés. La seule exception à cette interdiction est le cas où l'intéressé a obtenu l'autorisation de le faire du distributeur détenant au Canada les droits requis pour transmettre le signal concerné et en permettre le décodage. |
Il ne s'agit là que d'un tout petit extrait des propos du juge, mais c'est l'extrait le plus pertinent.
D'après l'avis juridique que j'ai reçu, le jugement précise essentiellement que le législateur entendait interdire de manière absolue aux résidents du Canada de décoder des signaux d'abonnement encodés, sauf s'il s'agit de signaux qu'ils reçoivent d'un fournisseur titulaire de licence comme vous. Il n'est donc pas du tout question de poursuivre les commerçants qui vendent le matériel de décodage.
Autrement dit, la décision du juge est très explicite: elle vise à interdire de manière absolue aux résidents canadiens de décoder des signaux d'abonnement encodés.
On peut, bien sûr, affirmer que les gens n'auraient pas ce matériel s'il n'y avait pas quelqu'un pour le leur vendre, tout comme on peut chercher des poils sur les oeufs, mais cela n'a vraiment rien à voir avec l'argument juridique, n'est-ce pas?
En tant que représentants de Bell, seriez-vous donc d'accord avec cet avis juridique que j'ai reçu selon lequel la décision ne saurait être appliquée au Canada que contre des résidents canadiens qui décodent des signaux d'abonnement encodés?
M. Bernard Courtois: Non, ce n'est pas là notre position. Sheridan va vous expliquer notre point de vue à ce sujet.
Mme Sheridan Scott: D'après moi, monsieur Abbott, il y a plusieurs dispositions de la Loi sur la radiocommunication qui pourraient être invoquées ici et en vertu desquelles des poursuites pourraient être intentées contre un certain nombre de parties, dont ceux qui vendent le matériel en question. On pourrait également poursuivre les propriétaires du matériel, mais je ne crois pas que ce soit là l'intention.
¿ (0940)
M. Jim Abbott: Si vous me permettez, est-ce qu'il me manque des éléments d'information? Le juge a-t-il dit que l'interdiction visait aussi les commerçants?
Mme Sheridan Scott: Le juge précise, selon moi, l'interprétation de la loi qu'il convient de privilégier. Je crois que deux interprétations lui avaient été soumises, l'une étant une interdiction absolue sauf autorisation contraire, l'autre étant qu'une certaine sous-catégorie de personnes pourrait légalement offrir le service. C'est la première interprétation que le juge a retenue, celle d'une interdiction complète.
Ainsi, la possibilité de recevoir des services d'un distributeur ayant été autorisé aux États-Unis à transmettre des signaux aux États-Unis ne suffit pas pour justifier que ce distributeur puisse offrir ses services à des Canadiens au Canada.
À la lumière de cette interprétation, celle de l'interdiction complète qu'a retenue le juge, selon laquelle on ne peut recevoir le service que de ceux qui font partie de la catégorie exemptée, c'est-à-dire ceux qui détiennent les droits, tant les droits de distribution au pays en vertu du droit d'auteur que les droits de licence des SRD, on peut ensuite voir, d'après la Loi sur la radiocommunication, qui se trouverait à violer la loi.
Je crois que, à cet égard, il y aurait trois ou quatre groupes dont on pourrait dire qu'ils violent la loi, notamment ceux qui décodent eux-mêmes les signaux dans leur foyer, mais aussi ceux qui fournissent le matériel nécessaire à celui qui veut décoder chez lui des signaux d'abonnement. Les commerçants seraient donc de ce nombre.
M. Bernard Courtois: Je crois que, dans sa décision, monsieur le juge Iacobucci se prononçait sur la question dont il avait été saisi, à savoir si la loi était claire. Il ne se prononçait pas sur la question de savoir si l'interdiction visait les utilisateurs de ces décodeurs ou ceux qui les vendent; il statuait simplement sur la question de savoir si la loi prévoit clairement une interdiction. C'est dans ce sens-là qu'il faut comprendre sa décision.
M. Jim Abbott: Au risque de donner l'impression de vouloir m'engager dans un débat, je dirais que, si le juge avait opté pour l'interprétation que vous nous donnez, il aurait pu statuer: je ne peux que conclure que le législateur avait l'intention d'interdire de manière absolue aux résidents canadiens et à ceux qui vendent le matériel permettant de décoder les signaux d'abonnement...
Ce n'est pourtant pas ce qu'il a dit. Il a simplement dit «aux résidents canadiens», et c'est là, en toute déférence, que nous avons une assez importante divergence d'opinions.
M. Bernard Courtois: Évidemment, ce sera aux tribunaux d'en décider. Nous ne le contestons pas. Nous voulons simplement dire qu'il nous semble suffisant que la loi évoque explicitement la possibilité de poursuites contre ceux qui commettent l'infraction en vendant des décodeurs. Ce sont eux qui exposent les clients à un risque. La loi est formelle: ils commettent une infraction. On a fait valoir au juge et au tribunal qu'il était légitime de décoder les signaux et le juge a dit que la loi ne disait pas cela, qu'elle ne disait pas qu'il était légitime de décoder les signaux.
M. Jim Abbott: Parlons de convergence. Étant donné qu'AOL Time Warner vient tout juste de perdre 54 milliards de dollars, ou quelque chose de cet ordre, et que BCE a dû également relever ses propres défis—vous me direz qu'ils ne sont pas nécessairement liés à la convergence—ne seriez-vous pas prêts à dire qu'il est encore trop tôt pour affirmer que la convergence va porter fruit? Cinquante-quatre milliards de dollars, c'est de l'argent.
M. Bernard Courtois: En effet. En fait, le mot «convergence» suscite beaucoup de confusion. Il recouvre des phénomènes très différents, mais tout à fait fondamentaux. Il y a convergence parce que tout est numérisé, parce que tout est transmis sur Internet et diffusé sur différents réseaux utilisant différents appareils, et il y a convergence des intervenants qui, autrefois, relevaient de secteurs d'activité distincts.
Dans le cas d'AOL Time Warner, on procède à la radiation de l'écart d'acquisition favorable réalisée quand AOL a fait l'acquisition de Time Warner. C'est une radiation d'écart d'acquisition favorable, et non une perte d'exploitation.
Dans notre cas, nous considérons que notre stratégie de mise en commun d'actifs pour participer au produit de la croissance de notre entreprise est en train de donner des résultats très tangibles. Cette convergence, qui devrait plaire au comité, qui porte sur l'élément de contenu de notre activité, est une nouvelle forme de convergence, qui prendra sans doute quelques années avant d'engendrer de nouveaux revenus substantiels.
Nous avons déjà obtenu des revenus très substantiels et de bons résultats financiers quand nous avons devancé nos concurrents internationaux en combinant les transmissions mobiles et les transmissions par câble, en diffusant sur Internet, en passant à Internet à haute vitesse, en ouvrant des portails Internet.
Si vous comparez nos résultats à la situation qui serait la nôtre si nous n'avions pas procédé à ce changement, vous constatez, comme le montre cette diapo, qu'aux États-Unis les entreprises les plus proches de Bell Canada sont les compagnies locales de téléphone. Elles sont demeurées des compagnies de téléphone. Elles ne se sont pas risquées dans les nouveaux domaines où nous avons combiné nos activités dans une perspective de croissance. Elles se bornent à ce qui était autrefois notre unique activité, c'est-à-dire la téléphonie par câble métallique, qui est actuellement en déclin constant.
En effet, les revenus de l'interurbain diminuent sur le marché d'environ 7 p. 100 par an depuis des années. Les appels locaux commencent eux aussi à décliner. En 2001, pour la première fois depuis les années 30, Bell a enregistré une réduction des lignes téléphoniques. Au premier trimestre, selon les résultats que nous avons publiés il y a 15 jours, nous constatons encore une réduction des lignes téléphoniques. C'est désormais une tendance permanente.
Si nous n'avions pas investi massivement dans de nouveaux secteurs de croissance, nous ferions face à un déclin et, pour nous en sortir, il faudrait essayer d'investir massivement dans de nouveaux secteurs. Il faut s'y prendre des années à l'avance pour obtenir des résultats. Comme nous avons commencé en 1996 avec ExpressVu, en 1998-1999 avec Bell Nexia, Sympatico et Sympatico Haute Vitesse, nos activités commerciales à bande large nous rapportent maintenant 1 milliard de dollars de revenus annuels. La télévision par satellite et Internet, notamment à haute vitesse, nous rapportent 500 millions de dollars annuellement. Quant à la téléphonie mobile, c'est quelques milliards supplémentaires. Sans ces activités, nos résultats seraient bien différents.
Nous allons vous distribuer tout à l'heure une diapo où apparaît un petit point jaune indiquant les revenus de BCE... Et pour l'excédent brut d'exploitation, on voit le seul résultat positif par rapport à nos plus proches concurrents, qui sont les grosses compagnies téléphoniques américaines comme SBC, Verizon et Bell South. Elles sont en déclin et nous sommes en croissance, car nous avons amorcé le mouvement il y a plusieurs années.
Les revenus de convergence que nous allons obtenir en amalgamant Bell Globe Media, le Globe and Mail, CTV et Sympatico-Lycos à nos actifs de télécommunications vont faire procurer des centaines de millions de revenus d'ici quelques années. Mais il a bien fallu commencer.
Notre stratégie se révèle non seulement très fructueuse pour nous—nous n'avions pas d'autre choix pour parvenir à la croissance—mais je pense que c'est également un signe positif pour l'ensemble de notre industrie qui, comme vous le savez, est actuellement en difficulté sur les marchés financiers. Nous avons au moins montré qu'on peut se tirer très bien d'affaire dans les nouveaux secteurs.
¿ (0945)
Le président: Je vous redonnerai la parole plus tard, monsieur Abbott.
À vous, madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci pour votre présentation.
J'aimerais parler de l'inquiétude de la population et de celle des acteurs, artisans et journalistes qui travaillent et qui vivent dans le domaine des médias d'information. Je voudrais aussi aborder la question des normes qu'on devrait appliquer en matière de déontologie. Plusieurs journalistes et autres personnes nous ont fait part d'inquiétudes reliées à la convergence, la concurrence et la commercialisation des produits dans le domaine de la radiodiffusion. Il y a des intérêts différents. On fusionne des entreprises qui ont des intérêts diversifiés en ce qui a trait à leurs objectifs de commercialisation et, par le fait même, de rentabilité.
Pour assurer qu'il y ait une certaine éthique quant au contenu diffusé ou interprété, quel genre de balises pourrait-on adopter dans ces différentes entreprises? Quelqu'un a suggéré que les ombudsmans pourraient jouer un rôle. Prenons l'exemple suivant: les dirigeants de BCE décident que tels et tels sujets devraient être abordés parce qu'il est rentable pour l'entreprise d'en parler et que ça fait mousser la vente d'un produit donné. Un journaliste, lui, veut justement faire la critique de ce produit parce que ce dernier va à l'encontre de l'intérêt public. Avec un type d'entreprise comme Bell Globemedia, comment peut-on, dans une telle situation, s'assurer que le public ait accès à de l'information exacte?
Je pense qu'il va falloir faire face à ce problème. On a entendu parler de quelques événements qui nous portent à croire que... Vous dites que ça va bien au Globe and Mail et que M. Thomson a gardé son esprit d'indépendance. Pour ce qui est de la famille Asper, c'est une autre histoire. De toute façon, la question ne se résume pas au fait qu'une famille soit plus ou moins ouverte, et l'autre plus ou moins fermée. Je pense qu'il va falloir adopter un cadre qui nous permettra de prendre des mesures si le public ou les journalistes se sentent lésés à l'intérieur d'une entreprise telle que la vôtre, même si cette dernière est essentielle et que certaines de ses actions visent à répondre à la concurrence.
¿ (0950)
M. Alain Gourd: Différents modèles auraient pu être examinés et pourraient encore être examinés, comme celui d'un ombudsman. La question a été apportée de façon très vigoureuse par diverses parties, dont les syndicats, devant le CRTC, lors des renouvellements de permis de Quebecor, CTV-Bell Globemedia et Global. Le CRTC a décidé de suivre un modèle qui existait déjà lors de la première acquisition de TQS par M. Péladeau, père. À cette époque, un comité consultatif avait été mis en place et il y avait eu une séparation, au niveau de la cueillette des nouvelles, entre l'imprimé et la télévision.
Lors des trois renouvellements de permis en question, le CRTC a donc, dans les décisions renouvelant les licences, proposé un modèle différent. Il a proposé aux différentes entreprises d'avoir leur propre comité de surveillance de l'indépendance des salles de nouvelles télévisuelles par rapport aux imprimés, ou encore d'avoir un modèle industriel avec le Conseil canadien des normes de la radiotélévision.
Dans le cas de CTV, nous avons choisi avec vigueur et rapidité de mettre en place cette structure proposée par le CRTC, qui est d'abord, au niveau des principes, une déclaration de principes et pratiques et, au niveau de la structure, le comité de surveillance. Ce dernier est dans notre cas présidé par Mme Gail Scott, ancienne conseillère au CRTC et ancienne journaliste très connue, M. Daniel Lamarre, ancien président de TVA, et du côté de l'Ouest canadien, M. Jon Festinger, qui est un avocat bien connu dans le domaine de la radiodiffusion et des communications. Ces trois personnes-là ne mettraient jamais leur crédibilité en cause en ne surveillant pas vigoureusement l'indépendance des salles de nouvelles télévisuelles.
En plus d'être pour nous une question de structure et de CRTC, c'est absolument notre philosophie. On croit qu'il est essentiel que la station CJOH ici et la station CFCF, à Montréal, puissent refléter le point de vue de leurs téléspectateurs, même si elles ne traitent pas de la même façon la même nouvelle, l'une dans une perspective montréalaise et l'autre dans la perspective Ottawa. C'est la même chose pour le Globe and Mail. On pense que leur crédibilité auprès de leurs auditeurs est quelque chose d'absolument essentiel pour le succès de ces entreprises. En effet, si les auditeurs commencent à soupçonner qu'il y a de la manipulation en arrière, ils vont passer à un autre média et les cotes d'écoute vont tomber. Dans les faits, comme je l'ai dit un peu plus tôt, par exemple, le Globe and Mail ne se gêne pas pour nous critiquer, et c'est bien. Lorsqu'on a annoncé la création du comité de surveillance des salles de nouvelles, l'événement a été couvert par le Toronto Star et ne l'a pas été par le Globe and Mail, et c'est bien ainsi. La nouvelle leur est présentée et ils prennent leur décision.
Ma conclusion, au terme de longs développements, et je m'en excuse, est que le nouveau modèle ayant été mis en place il y a moins d'un an, on devrait lui laisser quelques années pour faire ses preuves, pour voir s'il fonctionne ou pas. Plus tard, après ces quelques années, on pourra voir s'il y a lieu d'envisager d'autres modèles lorsque nous retournerons tous devant le CRTC pour faire rapport sur ses activités.
Mme Christiane Gagnon: Merci. Dans un autre ordre d'idées, on sait que la télévision publique est complémentaire à la télévision privée. J'aimerais avoir un peu d'information sur le Fonds canadien de télévision et le fait que Radio-Canada est en compétition avec vous, tout en recevant déjà un financement public. Cette situation me semble un peu inéquitable. Dans un tel cas, pour certaines émissions du style téléséries, par exemple, la télévision publique a un net avantage sur l'industrie privée.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la complémentarité et savoir en quoi Radio-Canada télévision est votre compétiteur, non seulement par rapport aux fonds mais aussi par rapport à d'autres aspects de la question, dont la complémentarité. Puisqu'on examine aussi la mission de Radio-Canada, il faut tenir compte de l'opinion des gens lorsqu'ils disent qu'on devrait revoir certains types d'émissions et que la programmation de la télévision n'est plus le reflet de la mission de Radio-Canada. Cette critique nous vient tant du public que d'autres témoins qu'on a rencontrés partout au Canada. Puisque vous êtes dans l'industrie privée, vous devez connaître un peu mieux les rouages.
¿ (0955)
M. Alain Gourd: Dans une existence antérieure, j'ai eu la chance d'être affilié à Radio-Canada pendant sept ans et de représenter les affiliés francophones au Comité consultatif national de Radio-Canada et ses affiliés.
Dans cette perspective, je suis pour ma part convaincu que Radio-Canada et CBC sont complémentaires du secteur privé. Il est certain que ce sont des concurrents en matière de cotes d'écoute, par exemple, comme le sont également TVOntario et Télé-Québec.
Cela étant dit, ils ont une mission définie. En outre, on a récemment fait quelques ajustements au Fonds canadien de télévision, et on devrait, selon moi, leur donner le temps de se manifester et voir quels résultats viendront de ce côté-là. En ce qui nous concerne, nous sommes sereins face à cette situation.
J'aimerais aussi souligner le fait que dans un pays comme le Canada, que ce soit sur le marché anglophone ou francophone, on est en concurrence dans un domaine un jour et on établit des partenariats dans un autre domaine le lendemain. Nous nous réjouissons de plusieurs partenariats, entre autres avec CBC, avec qui on a établi un partenariat dans le cadre des Olympiques, avec Radio-Canada français, dans le cadre de la Formule 1, ainsi qu'avec COGECO et TQS. Nous avons un partenariat avec les stations francophones affiliées à Radio-Canada, à Trois-Rivières, Sherbrooke et Chicoutimi.
À mon avis, c'est la façon canadienne et québécoise de faire les choses; plutôt que d'être blanc ou noir, avec le mal d'un côté et le bien de l'autre, il faut être un peu plus nuancé. On peut dire qu'il arrive à Radio-Canada de commettre des abus, lorsqu'elle achète des droits, par exemple, mais que dans d'autres domaines, il y a de la place pour des partenariats. Sans généraliser, on peut critiquer un point ici, mais reconnaître la valeur d'autre chose dans un autre domaine, et on peut même s'associer.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mills.
M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.): Je voudrais dire aux témoins que je suis sidéré de l'emprise de leur compagnie sur la mentalité même de nos concitoyens. Quand je suis arrivé sur la Colline du Parlement il y a bien des années, j'ai lu un ouvrage intitulé Wire Wars, qui traitait de la capacité de l'entreprise Bell d'infléchir la gestion des affaires publiques. Je constate aujourd'hui que cette capacité est extraordinaire, comme en atteste ce qu'a fait votre équipe pour les prix Juno. C'était un véritable chef-d'oeuvre, une production de premier ordre.
Mes craintes viennent de mon expérience, il y a trois ans environ, avec l'une de vos unités appelée CTV SportsNet, dont j'ai rencontré l'un des dirigeants. Je venais de présider un comité parlementaire qui s'était consacré à l'importance du sport amateur au Canada. Votre chaîne de télévision avait un contrat avec la Ligue canadienne de hockey, qui regroupe les grandes ligues de hockey junior majeur du Canada, et elle devait présenter à l'écran une cinquantaine de parties sur les 400 que devaient disputer les équipes de cette ligue.
Une autre station, qui ne fait pas partie des vôtres, Headline Sports, voulait présenter un plus grand nombre de ces parties de hockey amateur sans entrer en concurrence avec CTV SportsNet, qui n'en subirait pas une perte monétaire; il s'agissait simplement de montrer davantage de sport amateur sur une autre chaîne. J'ai eu beaucoup de mal à faire comprendre à votre compagnie que sa responsabilité publique était en jeu et que ses gains n'en seraient nullement pénalisés. Elle a fait preuve d'une très grande inertie. En fait, je l'ai invitée à se présenter avec moi devant votre conseil d'administration, j'ai perdu et c'est très bien.
Lorsque nous avons des objectifs concernant les affaires publiques, que nous voulons défendre en tant que parlementaires pour représenter nos électeurs, à qui faut-il s'adresser au sein de BCE? Y a-t-il un mécanisme dont on peut se prévaloir quand on veut obtenir un changement d'attitude ou de sensibilité?
À (1000)
M. Bernard Courtois: Je dois reconnaître qu'il est parfois difficile, pour ceux qui ont quelque chose à nous dire, de trouver la bonne porte et la bonne façon de présenter sa cause. C'est un défi qui se pose depuis des années, et qui existait même lorsque nous n'étions pas encore présents dans un aussi grand nombre de secteurs.
Il existe ici à Ottawa un service qui assure la liaison avec les parlementaires et qui pourrait vous aider à retrouver votre chemin au sein de la société. Nous sommes très sensibles à l'intérêt public, mais nos services commerciaux sont tous déterminés à obtenir à tout prix de bons résultats mensuels, et il faut parfois aider les gens de l'extérieur à retrouver leur chemin au sein de l'organisation.
M. Dennis Mills: Merci.
Je n'ai rien d'autre, monsieur le président.
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup.
Je suis arrivée en retard et je n'ai pas entendu votre exposé, vous voudrez bien m'en excuser, mais je l'ai quand même parcouru brièvement. J'aimerais vous entretenir sur quelques sujets, notamment du fonds de la télévision.
Je suis tout à fait favorable au Fonds canadien de télévision, qu'on appelle FCT. C'est une institution très importante. Or, je sais qu'il est notoirement surutilisé. D'après les renseignements que j'ai obtenus—par ouï-dire, il est vrai—les stations comme les vôtres qui accordent des droits de licence à des productions, en particulier dans le cadre de Téléfilm, sous forme de fonds propres, grâce à leur part d'auditoire, réussissent à faire produire des émissions. En revanche, les émissions des chaînes spécialisées—et je vois que vous avez vous-même évoqué leur importance—ont du mal à se faire produire.
Vous dites que vous contribueriez davantage à la production en y consacrant les droits de licence excessifs que vous versez en publicité sur les produits pharmaceutiques. Pouvez-vous nous assurer que cet argent est effectivement consacré à la programmation? Je parle non pas simplement de vous, mais de l'ensemble des télédiffuseurs.
En fait, c'est toute la question de la programmation selon les règles du CRTC et de l'évolution des priorités en programmation, puisque les dramatiques doivent céder la place à autre chose. Comment est-ce que...? Vous avez beaucoup parlé des dramatiques. Vous êtes très fier de vos dramatiques. J'ai parmi mes électeurs une première entreprise en ce domaine, Tapestry Films, qui a produit Tagged: The Jonathan Wamback Story et je connais donc très bien ce domaine.
Si nous réduisons les droits de licence, comment s'assurer que les fonds ne profitent pas uniquement à des télédiffuseurs comme vous, qui ont déjà ce qu'on appelle des parts d'auditoire au titre des fonds propres de Téléfilm? Comment faire en sorte que le fonds ne soit pas surutilisé? Vous dites que les règles changent constamment. Qu'est-ce que cela signifie?
Sauf erreur de ma part, la publicité des produits pharmaceutiques ne pose pas problème uniquement pour la télédiffusion, elle fait l'objet d'un conflit permanent avec Santé Canada. Pouvez-vous faire le point sur cette question?
Ensuite, j'aimerais revenir à vos propos concernant le CRTC et à l'harmonisation des pouvoirs et des procédures du Conseil en matière de radiodiffusion et de télécommunications. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
Je voudrais aussi vous poser la question suivante: notre gouvernement devrait-il envisager d'intégrer la radiodiffusion et les télécommunications au sein d'un même ministère, au lieu...? Lorsque je suis arrivée, M. Abbott posait des questions concernant la Loi sur les télécommunications, qui relève d'Industrie Canada. Nous parlons ici de la Loi sur la radiodiffusion, mais il semble que le droit d'auteur soit un domaine de juridiction conjointe. Je crois comprendre que si nous n'avons pas encore de règlement sur le droit d'auteur, c'est parce que les ministères de l'Industrie et du Patrimoine s'en occupent conjointement. Qu'en pensez-vous?
Enfin, vous dites qu'il faudrait préciser le mandat du CRTC sur les questions de concurrence, soit par une directive du Cabinet, soit par une modification de la législation. Pourriez-vous nous donner également quelques détails à ce sujet?
M. Bernard Courtois: Je vais commencer par la question de la structure gouvernementale. Faut-il un seul ministère ou deux? Notre opinion à ce sujet est un peu ambivalente. En effet, il fut un temps où nous avions un ministère des communications qui s'occupait à la fois de la radiodiffusion et des télécommunications, mais il s'est avéré que les télécommunications sont devenues un secteur d'activité très important, doté d'effectifs considérables, qui rapporte beaucoup d'argent et qui pose de nombreuses questions complexes et plus ou moins ésotériques. L'industrie des télécommunications dans son ensemble a jugé qu'il était plus difficile d'assurer sa visibilité au sein d'un ministère qui devait aussi s'occuper de diverses questions intéressant plus directement les Canadiens, comme la radiodiffusion, la culture, etc.
Je dois dire que pour l'instant, la formule des deux ministères nous semble très satisfaisante. Elle facilite les choses pour tout le monde. Un changement fondamental des institutions nous semblerait inquiétant. Actuellement, les choses se passent très bien et nous ne voyons pas la nécessité d'y apporter des changements.
Vous avez abordé un certain nombre d'autres sujets. J'aimerais demander à Alain de répondre sur le Fonds canadien de télévision, puis j'inviterais Sheridan à parler du CRTC. Peut-être aura-t-elle ainsi l'occasion de faire un peu de publicité pour le Fonds Bell.
À (1005)
Mme Sarmite Bulte: Puis-je demander à M. Gourd, en sa qualité d'ancien sous-ministre, de se prononcer sur la question de la radiodiffusion et des télécommunications?
M. Alain Gourd: Personnellement, j'estime que ce sont les résultats qui comptent. La nostalgie est dangereuse et j'aurais tort de me dire qu'étant donné mes antécédents de sous-ministre des Communications, il faudrait maintenant faire revivre le passé.
Ce qui est essentiel, c'est que les industries des communications soient gérées dans un souci de coopération. Chacun peut avoir ses préférences pratiques: soit que l'on réunisse toutes ces industries au sein d'une même structure, soit que l'on veille à faire collaborer les deux ministères qui vont gérer les deux aspects des industries des communications. Bernard a bien indiqué que pour l'instant, nous avons tant de défis à relever, tant de pain sur la planche qu'il serait très dangereux de vouloir procéder à des changements structurels au lieu de veiller à la coordination.
Paradoxalement, au Fonds canadien de télévision, c'est le succès qui pose problème. Il y a beaucoup de créateurs, de producteurs, de scénarios proposés, si bien que le Fonds est surexploité. Personnellement, je préfère les nouvelles formules; il faut faire ce qu'a fait BCE de l'engagement d'avantage net de CTV quand il a fait l'acquisition de cette chaîne. Si nous avions exigé que l'engagement d'avantage net de 230 millions de dollars fasse l'objet d'un versement de contrepartie du Fonds canadien de télévision, nous aurions siphonné ce fonds et nous l'aurions considérablement perturbé.
Nous avons donc adopté la formule du guichet unique qui permettait à un producteur de s'adresser à CTV et d'utiliser l'avantage net, avec la possibilité facultative de solliciter également le Fonds.
Si j'établis ce lien entre les droits de licence excessifs et les produits pharmaceutiques, c'est parce que j'estime que ces revenus doivent être réorientés vers la production de dramatiques. Voilà le point de vue de CTV. Nous pensons qu'il faut en faire profiter les producteurs indépendants plutôt que d'établir une énorme capacité de production à l'interne. Nous pensons aussi que le producteur ne devrait pas être obligé d'aller chercher de l'argent au FCT, mais qu'il devrait lui être loisible de le faire, selon l'argent disponible au FCT et selon la solidité de son dossier de financement. Nous pensons que les revenus de la publicité sur les produits pharmaceutiques devraient être réorientés vers les dramatiques, vers les producteurs indépendants, et que le recours au FCT devrait rester facultatif.
Évidemment, la proposition concernant la publicité sur les produits pharmaceutiques est liée à la gestion de la santé dans ce pays. Mais il faut rappeler une fois de plus que lorsque l'on allume son téléviseur... Même à Amos, en Abitibi, où je suis né, on voit beaucoup de publicité sur les produits pharmaceutiques qui provient des services de programmation des États-Unis. On la voit chez nous. Reste donc à savoir si nous voulons que les Canadiens reçoivent une information canadienne sur ces produits, ou si l'on préfère s'en remettre à l'information provenant de nos voisins du Sud.
Évidemment, on pourrait procéder à une consultation plutôt que de passer directement au changement et après la consultation, faire comme on le fait en Europe, c'est-à-dire réaliser un projet- pilote pour tester l'hypothèse de départ et voir si le changement a une incidence réelle sur les prix. Est-il vrai que cette publicité va faire augmenter les prix? Est-il vrai qu'elle va créer une perturbation, parce que le patient pourra aller chez son médecin et décider de prendre tel médicament plutôt que tel autre?
Nous ne le croyons pas, mais on peut consulter et procéder à un projet-pilote échelonné sur une certaine période, comme on le fait en Europe. On pourra alors évaluer la situation.
Je relis rapidement mes notes, mais je crois n'avoir rien oublié.
À (1010)
M. Bernard Courtois: Sheridan va répondre aux questions sur le CRTC.
Mme Sheridan Scott: Merci beaucoup, Bernard.
Notre proposition d'harmonisation des règles du CRTC, qui deviendraient ainsi semblables pour les télécommunications et pour la radiodiffusion, est fondée sur l'observation suivante: actuellement, la procédure du CRTC n'est pas la même de part et d'autre. Elle relève de deux mesures législatives différentes qui ne sont pas toujours en harmonie.
Du côté de la radiodiffusion, le CRTC ne dispose que d'instruments relativement rudimentaires vis-à-vis des titulaires de licence. Il a le pouvoir d'octroyer une licence, qui est émise pour une période maximale de sept ans. Il peut l'assortir de conditions, mais ces conditions ne pourront pas être modifiées avant cinq ans. Il peut accorder un renouvellement à court terme, ce qui assure une certaine souplesse, mais ce n'est jamais qu'une mesure à court terme. Voilà tout ce dont il dispose pour régler les problèmes qui peuvent lui être soumis. Il a le pouvoir de prendre des règlements, mais c'est une procédure très lourde lorsqu'il s'agit de gérer l'industrie de la radiodiffusion. Finalement, il peut tenir une audience et émettre une ordonnance de faire.
Cette procédure peut elle aussi se révéler assez lourde. Récemment, Québécor a fait l'objet de plaintes parce qu'il refusait à ses concurrents l'accès au câblage intérieur des immeubles résidentiels. Les fournisseurs de programmation concurrents de Québécor veulent avoir accès au câblage intérieur de ces immeubles. Québécor s'est séparé de ses câblages intérieurs, les a confiés à une filiale distincte et prétend maintenant qu'ils ne relèvent plus de la juridiction du CRTC. Le Conseil a réagi assez rapidement, mais il va encore falloir tenir une audience, avec toutes les exigences de préavis, puis prendre le temps de rédiger une décision.
Du côté des télécommunications, le CRTC bénéficie d'une grande souplesse. Il peut émettre des ordonnances pour faire appliquer la politique énoncée à l'article 7 de la Loi sur les télécommunications. Évidemment, il respecte toujours les règles de la justice naturelle, mais il peut agir plus finement lorsqu'il doit résoudre un problème spécifique. À notre avis, le Conseil bénéficierait d'une plus grande souplesse s'il pouvait aussi utiliser des ordonnances en matière de télécommunications.
Par ailleurs, les pouvoirs du Conseil en matière de convocation de témoins, de production de documents, de confidentialité et tout le reste dans le contexte de la tenue d'une audience publique sont énoncés dans la loi. Il a aussi des pouvoirs qu'il exerce aux termes de ses propres règles, mais la Loi sur les télécommunications est très précise quant à l'étendue des pouvoirs du Conseil en matière de convocation de témoins, de confidentialité, etc.
Nous proposons simplement de réunir ces pouvoirs qui, actuellement, sont éparpillés un peu partout de façon que tout le monde sache clairement que les pouvoirs du Conseil sont les mêmes aux termes de la Loi sur les télécommunications qu'aux termes de la Loi sur la radiodiffusion. Je crois savoir que le Parlement a du reste l'intention de le faire en ce qui concerne la convocation des témoins et les décisions sur la confidentialité.
À propos du CRTC, nous demandons par conséquent qu'on harmonise les deux côtés de son domaine de juridiction.
En ce qui concerne les relations entre le CRTC et le Tribunal de la concurrence, nous faisons simplement remarquer qu'il semble y avoir un certain chevauchement dans leurs activités. Leurs mandats sont légèrement différents. Le CRTC a un mandat spécialisé, qui porte sur les télécommunications et la radiodiffusion. Le commissaire à la concurrence s'occupe plus généralement de questions de concurrence.
Nous considérons que lorsque le CRTC est indiscutablement compétent pour trancher une affaire, par exemple pour émettre de nouvelles licences à la suite d'une acquisition, c'est lui qui doit intervenir. Il devrait pouvoir émettre une licence afin de réaliser les objectifs de la Loi sur les télécommunications. C'est à lui de l'accorder ou de la refuser.
Dans le régime législatif actuel, les acquisitions et les fusions sont également assujetties à la compétence du Tribunal de la concurrence, et ce conflit de compétences est présentement en instance. Faudrait-il envisager une compétence conjointe, par exemple, dans le cas d'Astral, qui a demandé au CRTC une licence d'exploitation de 17 stations de radio au Québec? Le CRTC a donné son accord, et le commissaire à la concurrence a demandé que l'affaire soit renvoyée devant le tribunal. C'est manifestement un cas de risque antérieur pour Astral, qui bien qu'ayant reçu une licence du CRTC, doit maintenant ester en justice sur des questions concernant la Loi sur la concurrence.
Nous considérons qu'en l'espèce, il faut affirmer la compétence exclusive du CRTC en matière de radiodiffusion. Le commissaire à la concurrence est habilité par la loi à comparaître devant le CRTC pour y présenter ses arguments. À notre avis, il est parfaitement concevable qu'il vienne s'exprimer s'il estime que cette opération risque d'affaiblir la concurrence. Le CRTC entendra ses arguments et en tiendra compte au moment de rendre sa décision quant à la pertinence de l'opération par rapport aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.
À (1015)
Je vais prendre quelques instants pour faire la publicité du Fonds Bell. On parlait tout à l'heure des stations conventionnelles qui essaient d'obtenir du financement; j'ai pensé que celles qui en sollicitent auprès du Fonds Bell présentent un cas intéressant. Ce Fonds a été créé en 1997 pour proposer du financement à ceux qui veulent produire du contenu destiné aussi bien aux médias traditionnels qu'aux nouveaux médias. Leur demande doit concerner les deux. Il s'agit de favoriser cette forme de conversion de synergie entre deux catégories de programmation.
Les chaînes spécialisées, qui s'orientent vers un créneau particulier, comme les émissions pour enfants, les sports et les documentaires, sont parfaitement positionnées pour créer du contenu destiné à Internet. Nous constatons qu'un très grand nombre de services spécialisés sollicitent du financement. Notre fonds leur offre une possibilité supplémentaire lorsqu'ils sont encore à la recherche de financement pour leurs projets après avoir obtenu celui du FCT.
Merci.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.
Au quatrième paragraphe de votre sommaire exécutif, vous dites: «Selon la vision de BCE, la convergence accrue de médias traditionnellement distincts ne doit pas réduire la radiodiffusion canadienne en une voix unique, mais favoriser la percée d'une variété de voix canadiennes par les découvertes technologiques et par des modèles de fonctionnement innovateurs et efficaces.»
J'aimerais que vous apportiez au comité la preuve du bien-fondé de cette affirmation. À vrai dire, au cours de nos voyages, nous avons entendu de nombreux téléspectateurs, dans différentes régions, se plaindre de la disparition de leurs télédiffuseurs. CTV supprime des stations, et les entreprises nouvelles réduisent leurs effectifs. Nous avons entendu le point de vue des téléspectateurs et le vôtre. Il serait bon que vous nous soumettiez quelques faits concrets concernant la percée d'une multiplicité de voix canadiennes qui résulterait de votre regroupement. Pouvez-vous nous donner cette information? Je suppose que vous n'avez pas cela sous la main.
Vous avez parlé de l'élimination des postes de conseiller régional au CRTC. Partout au Canada, les gens se plaignent de ce que le CRTC est trop centralisé et trop axé sur l'industrie, et que la télévision ne présente pas un portrait équitable de la réalité des différentes régions du pays. Je me demande bien ce que donnerait la suppression de ces postes.
Enfin, nous avons rendu visite à Astral Media l'autre jour. André Bureau nous a dit des choses intéressantes concernant la propriété réciproque. J'aimerais avoir votre avis sur l'affirmation suivante: «Nous demandons instamment aux décideurs politiques de reconnaître qu'un changement»—dans la propriété—«apporté à un niveau de la politique»—à propos des EDR—«aura immanquablement des conséquences pour les autres objectifs de la politique. C'est pourquoi ma société préconise un mécanisme qui empêchera un non-Canadien qui prend le contrôle d'une EDR d'acquérir ou de garder un intérêt dans un service canadien de programmation. C'est ce qu'on peut appeler une interdiction de la propriété réciproque».
J'aimerais avoir votre avis sur ce point de vue d'Astral.
M. Bernard Courtois: Je vais d'abord répondre à la dernière question. Ainsi que je l'ai expliqué lors de mon exposé, nous exploitons des entreprises de distribution de radiodiffusion, qui font concurrence aux services de câblodistribution et services câblés. J'ai aussi reconnu que nous prenons des décisions différentes de celles des entreprises de télécommunications du genre «common carrier». Nous faisons des choix qui influent considérablement sur ce que les Canadiens peuvent voir et entendre.
Nous estimons aussi que si des gens de New York ou de Los Angeles les faisaient à notre place, ils feraient probablement affaire avec des gens qu'ils connaissent sur les plans professionnel et personnel. Entre connaissances, les gens se rendent service et se renvoient l'ascenseur et préfèrent rester entre eux pour faire des affaires. On imagine sans peine qu'un Canadien de St. John's, Toronto ou Vancouver ne serait même pas reçu pour présenter une proposition à une chaîne spécialisée.
C'est pour cela, à mon avis, que dans le cas où on déréglementerait la télédistribution, M. Bureau pense qu'il faut empêcher tout lien, soit direct, soit indirect, entre ces gens, et même une convergence au salon. J'entends par là, le fait pour une entreprise de distribution de radiodiffusion, de posséder en plus une entreprise de production, de contenu, car cela contreviendrait à l'interdiction.
Il y a beaucoup...nous le sentons bien. Vous savez, les programmeurs nous disent être inquiets de la façon dont ils sont traités par une entreprise comme ExpressVu. De notre côté, étant donné nos antécédents, notre esprit est ouvert, nous sommes prêts à discuter.
Cela dit, nous savons qu'il y a des préoccupations. Les gens nous disent qu'on ne peut réglementer ce genre de comportement. C'est pourquoi, si vous tenez à ce que des Canadiens contrôlent cette partie de l'industrie, on ne peut vraiment pas permettre que des étrangers s'en saisissent.
À (1020)
Mme Wendy Lill: Vous êtes d'accord avec l'interdiction de la propriété réciproque, c'est-à-dire la propriété d'une entreprise de distribution et d'une autre de production...
M. Bernard Courtois: Non. Nous appuyons cependant les gens qui s'inquiètent de la possibilité que la propriété des intérêts canadiens échappe à ces derniers.
Le Canada compte en fait un certain nombre d'entreprises s'efforçant de faire pour les Canadiens ce qu'on essaie de faire ailleurs dans le monde, c'est-à-dire concevoir de nouveaux services et de nouvelles capacités. Comme Alain l'a expliqué, l'avenir de l'ensemble du système dépend peut-être d'une programmation plus rentable, plus forte. Or si l'on veut y arriver, dans un monde où les auditoires sont de plus en plus fragmentés, où de plus en plus d'intervenants vont aux États-Unis pour y acheter des droits et où il faut plus d'efforts, plus de ressources et davantage de compétences et d'argent pour réussir dans ce nouvel environnement, il faut rejeter cette interdiction de la propriété réciproque, sans quoi on priverait le Canada de son avenir.
À notre avis, dans ce genre de marché, si l'on veut bien desservir la clientèle, il est préférable de laisser deux, trois ou quatre entreprises canadiennes se livrer à une vigoureuse concurrence entre elles.
Je vais maintenant passer à l'autre question, à laquelle Alain va peut-être répondre, à savoir comment une entreprise comme Bell Globemedia fait face à certaines réalités économiques inévitables dans sa situation, mais comment en même temps notre entreprise peut se doter de principes exemplaires, qui maintiendront la diversité et l'indépendance journalistique.
M. Alain Gourd: Pour ce qui est de la diversité des voix canadiennes, très brièvement, j'y vois trois aspects. Premièrement, nous avons souligné le fait qu'aujourd'hui, dans l'ensemble de la radiodiffusion au Canada, il y a beaucoup plus de voix qu'en 1982. Nous serons d'ailleurs heureux de déposer notre documentation à l'appui à ce sujet, ainsi que vous nous l'avez proposé, et comme l'a fait Sheridan. On pourra y voir l'évolution des 20 dernières années, dans le plus grand nombre de marchés possible, en plus des trois que nous avons évoqués aujourd'hui.
Il y a aussi la diversité des voix à l'interne, c'est-à-dire au sein d'entreprises de radiodiffusion acquises puis regroupées sous la même société. Nous avons adopté notre orientation et nos principes, qui accordent la pleine autonomie à nos entreprises, leur permettant ainsi de choisir leurs sujets comme elles l'entendent, non seulement parce que cela s'imposait sur la plan de l'intérêt public, mais aussi parce que c'était justifié sur le plan des besoins des spectateurs. Cela peut donner lieu à une couverture différente de l'actualité selon l'entreprise.
Ainsi par exemple, le lendemain de la remise des prix Juno, notre journal télévisé a précisé que la diffusion de l'événement avait eu lieu sur les ondes de CTV, tandis que le Globe and Mail s'est contenté de mentionner les prix de manière générale, et cela convient tout à fait.
Encore une fois, nous allons vous fournir des renseignements supplémentaires avec exemples à l'appui.
Pour en venir maintenant au troisième aspect, c'est peut-être celui sur lequel portait avant tout votre question. Il s'agit de savoir si l'acquisition de diverses entreprises de radiodiffusion et les fusions augmentent l'expression des diverses voix canadiennes, si elles sont sans incidence sur elle, ou si au contraire leur effet est négatif.
Encore une fois, j'aimerais brièvement évoquer des cas où un groupe élargi a été en mesure de faire entendre de nouvelles voix. Ici, je pense spontanément au lancement par CTV de la chaîne d'actualités Newsnet, qui donnait un point de vue différent de celui de Newsworld, où la perspective était plus générale, tandis que Newsnet donnait plutôt les manchettes.
Nous comptons également Le Canal Nouvelles, en français, qui a été lancé par Québécor, initiative qui a aussi nécessité des ressources pour la maintenir.
Je songe aussi à la conception de nouveaux sites Internet à forte concentration en actualités, qu'il s'agisse de nouvelles d'intérêt national ou local.
Ici encore, par souci de cohérence, et en réponse à votre invitation, je vais déposer des documents plus systématiques auprès de la greffière du comité, et qui donneront des exemples de ces nouvelles voix, à qui notre groupe a donné les moyens de s'exprimer au cours des dernières années.
À (1025)
Mme Wendy Lill: Peut-être pourriez-vous parler aussi des voix qu'on a supprimées dans des régions comme le nord de l'Ontario, probablement parce qu'il ne s'agit pas là d'un marché prospère. J'ignore quelle est votre politique par rapport aux régions éloignées de notre pays, mais elle ne semble pas exister pour vous.
M. Alain Gourd: Volontiers, bien que je reconnaisse que la situation des régions éloignées est difficile.
La baisse de l'écoute des stations conventionnelles entraîne certaines pressions, auxquelles s'ajoute l'impact accru des services de radiodiffusion directe dans ces régions, par opposition à ce qu'on observe dans des villes comme Ottawa ou Toronto. De telles pressions réduisent notre capacité de financer l'expression des voix locales. Ici, je serai très bref, quitte à vous fournir des renseignements plus étoffés par écrit comme vous nous l'avez demandé, mais nous nous sommes efforcés de recourir à la technologie numérique pour continuer à assurer l'expression des voix locales, que ce soit dans la région de l'Atlantique ou dans le nord-est de l'Ontario, en affectant le plus de ressources possible à la couverture de l'actualité et aux reportages, plutôt que de disposer de services de production complets dans chacune des localités.
Dans une région comme l'Atlantique, par exemple, nous nous efforçons donc de créer un modèle en vertu duquel les installations de production sont centralisées en un lieu mais les journalistes répartis un peu partout pour couvrir l'actualité. Dans le nord-est de l'Ontario, nous comptons encore 43 employés affectés au service des actualités, y compris 26 reporters. J'ajoute que notre entreprise est la seule chaîne de télévision à y avoir des représentants. Qu'il s'agisse donc de la région de l'Atlantique ou du nord-est de l'Ontario, nous nous engageons à fournir 15,5 heures de programmation régionale et locale. De plus, dans chacune des collectivités, nous diffusons une tranche locale qui portera exclusivement sur elle et ne se sera pas reproduite ailleurs.
Madame Lill, je reconnais cependant que la couverture est difficile dans ces marchés. Cela dit, nous nous sommes engagés à utiliser tous les moyens de la technologie moderne à notre disposition pour administrer et maintenir les émissions locales dans la collectivité, en dépit des coûts que cela représente.
Le président: Le second groupe de témoins est arrivé, et nous devions l'entendre à partir de 10 h 30, je pense donc que nous devrions clore la première partie.
Auparavant, j'aimerais poser deux très brèves questions.
Vous avez préconisé la réduction du nombre de conseillers du CRTC. À ma connaissance, à l'heure actuelle, il y en a jusqu'à 13 à temps plein et six à temps partiel. Avez-vous des propositions précises à nous faire?
M. Bernard Courtois: Oui, et Sheridan va vous en parler.
Mme Sheridan Scott: J'aimerais peut-être aborder d'abord la question de la désignation de conseillers régionaux, car cela fait partie intégrante de notre recommandation.
Nous avons proposé qu'on réduise le nombre des conseillers. Il y en a 13 et six. Nous estimons qu'il faudrait supprimer les six postes de conseiller à temps partiel. De toute façon, ils ne sont plus occupés. On ne se sert plus du pouvoir de nommer des membres à temps partiel. À notre avis, il est préférable de pouvoir compter sur des conseillers à plein temps au sein du CRTC pour qu'ils puissent bien étudier les questions dont ils sont saisis.
Nous sommes aussi d'avis qu'avec 13 membres, il est difficile d'arriver à une prise de décision efficace et efficiente, et aussi de maintenir une perspective nationale sur les questions. Nous préférerions donc qu'il y ait entre cinq et sept conseillers. Cela suffirait pour refléter les perspectives régionales de notre pays.
Pour revenir maintenant à la question posée par Mme Lill, il nous paraît extrêmement important d'aller chercher des conseillers dans toutes les régions de notre pays, mais en revanche, le fait de désigner leurs fonctions comme régionales donne l'impression qu'ils sont en quelque sorte des ambassadeurs de leurs régions, et qu'ils sont moins habilités à se prononcer sur des enjeux qui pourraient porter sur d'autres régions. Nous pensons que dans sa prise de décision, le Conseil bénéficie de l'apport de toutes les régions pour créer une politique nationale de radiodiffusion. Par conséquent, nous sommes favorables à un conseil plus petit, mieux centré, mais à un conseil qui continuera à recruter ses membres dans toutes les régions du pays, dans le but d'élaborer des politiques nationales.
À (1030)
Le président: Nous avons entendu des témoins des régions, y compris la semaine dernière, quand nous nous trouvions dans la région atlantique. Au sujet de l'accès à des fonds comme le FCT et d'autres, les gens des régions que nous avons entendus nous ont dit que les grandes entreprises y ont principalement accès en premier en raison de leur poids. Ainsi par exemple, ils nous ont cité le cas d'une grande entreprise qui utilisait un satellite dans la région pour avoir accès aux fonds, à l'exclusion des petites entreprises du même endroit. Ce sont les petites entreprises elles-mêmes qui nous l'ont dit. Qu'en pensez-vous?
M. Alain Gourd: En principe, nous estimons essentiel que les créateurs de l'extérieur de Toronto, et de l'extérieur de Montréal dans le cas du marché francophone, puissent eux aussi nous faire bénéficier de leurs talents. Nous nous sommes d'appliquer ce principe dans la pratique, et d'ailleurs si vous vous reportez aux récentes productions que nous avons diffusées, vous remarquerez que bon nombre d'entre elles sont le fruit du travail effectué dans certains de nos bureaux régionaux.
Toujours au nom du même principe, à nos yeux il est extrêmement important que le FCT ainsi que Téléfilm favorisent un nombre important de productions régionales.
Quant à la question à savoir s'il faut imposer des contingents, comme 20 p. 100 de la Colombie-Britannique, ou 25 p. 100 des Prairies, cela ne nous paraît pas pratique, parce qu'ils pourraient varier d'une année à l'autre. Cela dit, nos représentants du secteur privé au sein du FCT devraient certainement empêcher que, grâce à des manoeuvres, on obtienne à la dérobée ce qui n'est pas souhaitable de façon directe.
Nous sommes donc d'accord avec une telle démarche, sans pour autant proposer des règles rigides susceptibles de modifier le fonctionnement du FCT.
Le président: Malheureusement, notre temps est arrivé à son terme. Nous vous remercions beaucoup d'être venus.
Monsieur Courtois, monsieur Gourd et madame Scott, si vous avez d'autres renseignements à fournir aux députés qui vous ont posé des questions ou si vous voulez nous communiquer d'autres informations sur certaines questions spécifiques, nous vous saurions gré de prendre contact avec la greffière. Cela nous aiderait beaucoup.
M. Bernard Courtois: Certainement, monsieur le président, et merci beaucoup ainsi qu'aux autres membres du comité de nous avoir permis de comparaître ce matin.
Le président: Merci d'être venus.
À (1033)
À (1037)
Le président: Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir un témoin très important du Bureau de la concurrence en la personne de M. Konrad von Finckenstein, commissaire à la concurrence; M. Gaston Jorré, premier vice-commissaire à la concurrence, Direction des fusions; et M. Gwillym Allen, économiste en chef et conseiller politique au Bureau de la concurrence.
Monsieur von Finckenstein, la parole est à vous.
M. Konrad von Finckenstein (commissaire à la concurrence, Bureau de la concurrence): Merci, monsieur le président.
Merci de nous donner cette occasion de participer à votre processus de consultation publique sur le système canadien de radiodiffusion.
J'ai cru comprendre que notre mémoire écrit a été distribué aux membres du comité. Aujourd'hui, je donnerai un bref aperçu de nos recommandations et je brosserai une toile de fond du Bureau de la concurrence.
[Français]
Comme commissaire de la concurrence, je suis responsable de l'administration et de la mise en application de la Loi sur la concurrence et des trois lois établissant des exigences en matière d'étiquetage: la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux, la Loi sur l'étiquetage des textiles et la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation.
La Loi sur la concurrence est une loi fédérale d'application générale à l'économie canadienne. La loi régit, à quelques exceptions près, tous les agissements commerciaux au Canada et elle contient des dispositions criminelles et non criminelles. Elle vise à promouvoir la concurrence dans les marchés en arrêtant les pratiques anticoncurrentielles.
L'objectif ultime est de sauvegarder et de protéger le système concurrentiel au lieu de protéger des concurrents individuels. Le mandat du Bureau de la concurrence est explicite. Nous nous efforçons d'assurer que le Canada ait un marché concurrentiel et que tous les Canadiens et Canadiennes profitent des avantages de prix concurrentiels, d'un choix de produits et de services de qualité.
À (1040)
[Traduction]
En règle générale, notre travail peut être divisé en cinq principaux domaines. Premièrement, grâce à l'éducation du public, nous informons les entreprises sur ce qu'elles peuvent faire et ce qu'elles ne peuvent pas faire. Nous nous assurons aussi que les consommateurs ont l'information adéquate dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées.
Deuxièmement, nous examinons les fusionnements avant qu'ils n'aient lieu pour faire en sorte qu'ils ne mèneront pas à une diminution sensible de la concurrence. Nos Lignes directrices pour l'application de la loi: Fusionnements fournissent un cadre de travail simple et unifié pour évaluer l'impact vraisemblable des fusionnements sur la concurrence au Canada. Elles facilitent aussi la planification des entreprises en donnant aux intervenants l'approche utilisée par le Bureau de la concurrence lors de l'examen des transactions de fusionnements.
[Français]
Troisièmement, nous pouvons choisir entre trois options pour corriger les agissements anticoncurrentiels, qui peuvent comprendre la fixation des prix, le truquage d'offres et la publicité trompeuse afin d'obtenir des marchés. Les voici: la persuasion, par exemple lettres d'avertissement, visites, entrevues; la mise en application, au moyen d'injonctions, d'ordonnances par consentement et...[Note de la rédaction: inaudible]...de codes volontaires; finalement, la poursuite dans les cas d'infraction à la loi.
Quatrièmement, nous jouons aussi le rôle important d'arbitre du marché en traçant une ligne entre une conduite anticoncurrentielle et une concurrence vigoureuse.
Finalement, nous profitons de toutes les occasions pour promouvoir une plus grande concurrence. Nous avons un droit statuaire de faire des interventions et des représentations de façon indépendante en ce qui concerne la concurrence. C'est à ce titre que je suis devant vous aujourd'hui.
[Traduction]
Tout au long de son travail, le Bureau s'attache à cinq principes qui sont la base de notre façon d'appliquer notre mandat: le premier principe est l'équité; nous essayons d'obtenir un juste équilibre entre des intérêts opposés dans nos décisions; par la transparence, nous voulons que l'on comprenne ce que nous faisons et la manière dont nous le faisons ainsi que nos raisons; la diligence, parce que nous savons que les délais lors de prise de décisions peuvent coûter de l'argent aux entreprises et c'est pourquoi nous essayons de procéder aussi vite que possible; la prévisibilité, parce que nous pensons qu'il ne doit pas y avoir de surprises et que les gens devraient savoir comment nous procédons; enfin, la confidentialité, parce que pour exécuter notre travail, nous devons avoir accès à des renseignements confidentiels fournis par les entreprises qui doivent savoir que ces renseignements seront protégés.
Je vais maintenant passer à notre mémoire lui-même.
[Français]
En annonçant le lancement d'une étude concernant le système canadien de radiodiffusion, votre comité permanent répond à un urgent besoin de réviser certains aspects de la Loi sur la radiodiffusion.
Selon ce que nous comprenons, afin de déterminer si la loi demeure un instrument efficace dans un environnement où les communications évoluent rapidement, vous examinez la direction actuelle et celle à venir du système afin de déterminer si les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion demeurent pertinents et appropriés ou si de nouveaux objectifs devraient être adoptés, et comment les objectifs clés d'une politique publique concernant le système de radiodiffusion peuvent être mieux atteints grâce à un cadre de travail législatif et réglementaire.
Le Bureau de la concurrence s'intéresse vivement au secteur de la radiodiffusion. Selon nous, un secteur de la radiodiffusion concurrentiel est vital pour la croissance économique et la prospérité de notre marché intérieur et pour augmenter la compétitivité du Canada à l'étranger.
[Traduction]
Notre mémoire traite de quatre grands thèmes identifiés dans votre mandat: considérations contextuelles, la diversité des cultures, politique de radiodiffusion et propriété étrangère. Pour ce qui est du contexte, le Bureau est intéressé à examiner et intervenir dans la mesure où la concurrence et les mécanismes du marché ont déjà atteint, ou pourraient en toute confiance atteindre les objectifs importants de la Loi sur la radiodiffusion. À cette fin, nous avons examiné et fait des recommandations concernant les objectifs de la politique de radiodiffusion, le modèle réglementaire actuel et son environnement et nous proposons des changements législatifs et réglementaires.
Nous croyons que le système réglementaire actuel a connu beaucoup de succès et que les Canadiennes et les Canadiens profitent actuellement d'un très bon accès à des prix raisonnables. Ils ont un vaste choix de services de programmation canadiens et internationaux en plus d'une variété de technologies de distribution.
Toutefois, malgré les succès passés, le modèle réglementaire actuel deviendra de plus en plus difficile à assurer étant donné un environnement des communications en évolution. Le Bureau s'attend à ce que d'ici cinq à dix ans, le système subisse des pressions substantielles à cause de l'arrivée de la technologie à large bande en ligne, diffusant au Canada une programmation non canadienne qui n'est pas réglementée, de la popularité grandissante de la technologie de nouveaux médias et des services comme le courrier électronique, le partage de fichiers de consommateur à consommateur ainsi que les appareils d'enregistrement vidéo maison, de la fragmentation continuelle et de la possible réduction de téléspectateurs.
À la lumière de ces importantes pressions dans un environnement en changement, nous avons fait trois recommandations.
Premièrement, inclure, dans le cadre de la politique canadienne de réglementation et de radiodiffusion, l'objectif de réglementer, lorsque c'est nécessaire, de façon efficace et de viser uniquement la réalisation des objectifs culturels de la loi; l'objectif d'augmenter la confiance dans les forces du marché pour l'approvisionnement des services et des émissions à diffuser au Canada; l'objectif d'améliorer l'efficacité et la compétitivité des services canadiens de radiodiffusion, à l'échelle locale, nationale et internationale.
Le Bureau croit que l'ajout de ces objectifs à la politique de radiodiffusion canadienne et à la politique de réglementation aidera à assurer que le système de radiodiffusion peut continuer à atteindre ses principaux objectifs historiques culturels, c'est-à-dire le maintien et l'augmentation du contenu canadien.
Deuxièmement, nous estimons qu'il faut clarifier le mandat du CRTC pour préciser qu'il a la responsabilité de préserver la diversité des voix au sein des services canadiens de radiodiffusion. D'autre part, le CRTC devrait se pencher uniquement sur l'impact qu'auront les fusionnements sur les valeurs culturelles et la diversités des voix lors de la révision des transactions relatives à la radiodiffusion.
La première clarification porte sur l'importance de préserver la diversité des voix dans le contexte d'un environnement en évolution en ce qui concerne la concentration des médias. Beaucoup d'observateurs ont exprimé ouvertement des inquiétudes voulant que la concentration des médias toucherait négativement le marché des idées. L'incidence de la concentration des médias sur la diversité des voix n'est pas abordée dans le cadre de la Loi sur la concurrence. Néanmoins, cette question est soulevée au Bureau par nos intervenants et, elle soulève de graves problèmes dont on devrait traiter dans une société ouverte et démocratique. Le mandat du CRTC devrait établir clairement qu'il est responsable de préserver la diversité des voix à l'intérieur du système canadien de radiodiffusion et son règlement devrait être cohérent. C'est aussi d'encourager le libre échange des idées.
La diversité des voix n'est pas une question de concurrence économique et, par conséquent, elle ne relève pas du mandat du Bureau. La culture canadienne est solidement fondée sur un gouvernement démocratique qui à son tour a besoin de la diversité des voix pour être à la hauteur de ses idéaux. Pour ces raisons, nous voyons le maintien de la diversité des voix comme un allié naturel du mandat du CRTC qui est de maintenir et d'améliorer la culture canadienne.
La seconde clarification porte sur le mandat du CRTC concernant les transactions en matière de radiodiffusion. Actuellement, le CRTC et le Bureau de la concurrence ont le pouvoir de réviser et d'approuver certaines transactions. Nous sommes en faveur d'une division claire des responsabilités et des compétences. La Loi sur la concurrence fournit certains critères d'analyse que le Bureau applique à tous les examens de fusionnement, incluant ceux qui impliquent des entreprises médiatiques. Nous continuerons d'examiner les implications commerciales des transactions de radiodiffusion et leurs effets concurrentiels sur le marché.
À (1045)
Le CRTC ne devrait pas examiner de transactions dans le domaine de la radiodiffusion en fonction de la rentabilité commerciale. L'examen du CRTC devrait se concentrer uniquement sur l'impact que le fusionnement proposé aurait sur l'atteinte des principaux objectifs culturels: la production et la distribution du contenu canadien et, selon nous, son corollaire logique, le maintien de la diversité des voix.
[Français]
Finalement, comme mesure additionnelle pour favoriser les forces du marché, le bureau recommande que les niveaux d'investissement étranger pour les entreprises de radiodiffusion demeurent cohérents avec ceux qui s'appliquent aux entreprises de télécommunications. Selon nous, il n'y a pas de distinction entre l'acheminement des signaux téléphoniques et l'acheminement des signaux de radiodiffusion. Par conséquent, en ces temps de convergence, les transporteurs de chaque signal devraient profiter du même accès aux capitaux et être liés par les mêmes règles de propriété. Cette approche assurera que les entreprises de radiodiffusion ne subissent pas un désavantage concurrentiel injuste face aux entreprises de télécommunications, qui peuvent aussi participer directement ou indirectement à la distribution du contenu.
[Traduction]
En terminant, le mémoire du Bureau propose diverses mesures afin de réduire la portée de la réglementation et d'augmenter la confiance dans les forces du marché et en même temps faciliter les principaux objectifs culturels sous-jacents à la Loi sur la radiodiffusion.
Nous espérons que ces commentaires aideront le comité à déterminer les changements à apporter au système canadien de radiodiffusion. Monsieur le président, je suis maintenant prêt à répondre à vos questions et à celles des membres du comité.
À (1050)
Le président: Merci beaucoup, monsieur le commissaire.
Comme ce fut évident dans l'exposé précédent de BCE et de beaucoup d'autres témoins, toute la question du CRTC et du Bureau de la concurrence et de leur relation mutuelle, est très importante dans le contexte de notre étude. Je vous suis reconnaissant de nous avoir donné votre point de vue sur cette relation dans le contexte du système de radiodiffusion.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Je tiens aussi à vous remercier de votre exposé.
J'ai trouvé intéressant que vous mentionniez en passant, vers la fin de vos observations, le problème de la viabilité commerciale. Dans ma circonscription de Cranbrook, le radiodiffuseur AM existant, qui est simplement un radiodiffuseur ordinaire, a essayé il y a quelques années d'obtenir une station FM pour l'Ouest et a maintenant réussi à le faire. Ce sont les deux seules stations commerciales auxquelles viendrait s'ajouter Radio-Canada dans la région pour vous donner une idée de l'ampleur du marché. Une des raisons pour lesquelles le permis pour la station FM dans l'Ouest a été retardé et que le CRTC jugeait qu'il n'y avait pas le marché voulu, qu'elle ne pourrait pas survivre etc., etc., ce qui s'est révélé totalement faux lorsque le radiodiffuseur a réussi à l'emporter sur le CRTC.
Je comprends bien ce que vous dites mais j'ai un peu de mal à essayer de rationaliser ce que vous recommandez, même si je suis d'accord, quand vous parlez de réduire la portée de la réglementation. Si je me reporte à votre première recommandation, au paragraphe 30(b) «favoriser davantage le jeu du libre marché pour choisir les services et les émissions à diffuser au Canada», j'ai du mal à concilier cela avec la question générale du contenu canadien. Vous y avez fait allusion mais il me semble que si nous voulons nous en tenir au jeu du libre marché pour assurer les services de radiodiffusion à tous les Canadiens, c'est par définition presque contraire à ce que vous dites. Nous pensons d'autre part qu'il faudrait compter un peu sur...
Pourriez-vous m'expliquer un petit peu ce que vous voulez dire exactement?
M. Konrad von Finckenstein: Ce que je veux dire, c'est que le CRTC et le gouvernement devraient préciser les objectifs culturels que l'on vise et essentiellement établir un cadre. Toutefois, dans ce cadre, il faut laisser libre cours au jeu du marché... Dans votre exemple du radiodiffuseur qui réussira ou non, le laisser prendre des risques. On fixe des règles et on laisse jouer le marché.
Je crois que vous avez entendu l'ACR. Elle propose par exemple quelque chose qu'elle appelle «suprématie du règlement» plutôt que... Quel que soit le règlement, par exemple, si c'est 50 p. 100 des canaux du réseau câblé qui doit être canadien, très bien. Si c'est le règlement, et si l'on pense que c'est nécessaire pour favoriser la culture canadienne, soit. Mais laissons ensuite le public choisir les canaux qu'il veut. Laissons les gens libres après cette première barre.
Essentiellement, que le particulier, le consommateur, décide ce qu'il veut regarder. Que le marché décide des canaux qui seront offerts, etc. L'organisme de réglementation se contenterait de s'assurer quel pourcentage de ce qui est offert doit être canadien. Le consommateur pourra choisir d'une façon comme de l'autre. Que le marché décide.
Nous essayons en fait de combiner le meilleur des deux mondes. Nous comprenons très bien que la culture canadienne est un objectif principal, devrait être protégée et favorisée. Mais il faut le faire d'une façon qui minimise l'incidence sur le marché de façon à ce que les forces créatives du marché puissent opérer dans le cadre de la réglementation adoptée.
M. Jim Abbott: Encore une petite question car c'est essentiel pour que je comprenne bien. Votre conseil n'entrerait pas dans les discussions concernant cet objectif qui consisterait à arrêter un règlement concernant le contenu.
À (1055)
M. Konrad von Finckenstein: Non. Cela n'a rien à voir avec nous.
M. Jim Abbott: D'accord.
Considérant le marché de Vancouver, que je connais vaguement. Il y a CKNW, qui est une chaîne AM consacrée exclusivement aux nouvelles. Si je ne m'abuse, le CRTC peut décider que sur ce marché, cette chaîne aura l'exclusivité pour les nouvelles au AM et que personne d'autre ne pourra le faire. Il décide que ce sera du rock léger ou que ça doit être western ou quelque chose du genre.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Konrad von Finckenstein: Je n'ai rien à dire sur le marché de Vancouver ni sur tout autre marché, simplement sur le marché en général. Dans notre mémoire, par exemple, ce que nous disons au point 27, c'est que l'on pourrait peut-être examiner les divers règlements qui existent comme ceux qui protègent, par exemple, le genre pour voir s'ils satisfont réellement aux besoins indiqués. Sont-ils nécessaires pour favoriser le contenu canadien? Pourquoi est-il nécessaire de protéger le genre pour favoriser le contenu canadien? C'est une question qui devrait être examinée.
De notre point de vue, nous jugeons que ce n'est pas nécessaire...du point de vue purement de la concurrence. Je comprends qu'il peut y avoir d'autres considérations mais du point de vue purement économique, laissons le producteur produire le canal qu'il veut et diriger la station de radio qu'il veut et le consommateur décider ce qu'il veut entendre. À la condition que l'on offre suffisamment de contenu canadien, je pense que le consommateur devrait pouvoir choisir ce qu'il veut entendre sans que l'on impose à chaque station le genre de choses qu'elle doit diffuser.
M. Jim Abbott: Enfin, dans une circonscription rurale comme la mienne, qui se trouve en montagne et où la radio FM ne va pas très loin, on peut avoir une, deux ou trois stations de radio. Par exemple, dans une petite localité comme Golden, qui compte quelque 3 500 habitants, il y a à l'heure actuelle une station de radio.
Le Bureau de la concurrence estime-t-il que si quelqu'un veut ouvrir une autre station de radio, qui ne dérangerait personne pour ce qui est des fréquences radio, du fait de la géographie de la région, il devrait être possible d'autoriser une deuxième ou une troisième station de radio sur ce marché même s'il est aussi limité?
M. Konrad von Finckenstein: Tout à fait. J'estime que c'est à l'entrepreneur de prendre les risques qu'il veut et aux auditeurs de décider s'ils veulent écouter la nouvelle station ou pas.
M. Jim Abbott: D'accord, merci.
Le président: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Merci.
Tout à l'heure, les dirigeants de BCE nous ont dit qu'il fallait préciser le rôle du CRTC par rapport au rôle du Bureau de la concurrence. Le CRTC a une spécialité propre qui est la Loi sur la radiodiffusion. Étant donné que la radiodiffusion est un secteur très spécifique, quand vous prenez une décision allant à l'encontre d'une décision prise par le CRTC, est-ce que les personnes qui analysent les cas, en particulier celui qui a été soulevé ce matin, les regardent par la lorgnette de la concurrence générale ou tiennent compte des spécificités du secteur de la radiodiffusion?
M. Konrad von Finckenstein: Quand nous faisons un examen d'un fusionnement, nous utilisons nos gens du bureau et nous engageons des experts. Dans le cas d'un fusionnement dans le domaine de la radiodiffusion, nous engageons évidemment des experts pour nous aider. Notre analyse porte seulement sur les aspects concurrentiels et sur l'impact du fusionnement dans le marché en termes de publicité.
M. Jorré est en charge de la Direction des fusionnements et il pourrait vous expliquer la situation.
M. Gaston Jorré (sous-commissaire principal de la concurrence, Direction générale des fusionnements, Bureau de la concurrence): La loi est une loi d'application générale et notre méthode d'analyse est la même. Évidemment, les faits varient énormément d'un secteur à l'autre, et il est donc nécessaire d'appliquer l'analyse dans le contexte du secteur.
Comme le commissaire l'expliquait, on est obligés de trouver des experts des industries pour comprendre l'effet des fusionnements dans les industries. Mais l'analyse tend toujours vers la même question: est-ce qu'il y aura une réduction substantielle de la concurrence? Dans la radiodiffusion, la question qui se pose le plus souvent est celle des effets dans les marchés publicitaires.
Á (1100)
Mme Christiane Gagnon: Quand vous donnez un avis contraire à celui du CRTC, lequel l'emporte? Est-ce celui du CRTC? Dans le cas qui a été cité ce matin, est-ce le CRTC ou le Bureau de la concurrence qui a préséance?
M. Gaston Jorré: Il y a deux aspects à cela. Premièrement, il ne s'agit pas de décisions contradictoires. Il y a deux lois différentes ayant deux objectifs différents. Il faut nécessairement appliquer chacune des lois à la situation. Quand quelqu'un construit une usine, l'usine doit se conformer aux règles de l'environnement, au Code du bâtiment et aux règles de zonage de la municipalité. Il faut que la compagnie soit capable de se conformer à toutes les lois pour son usine. C'est exactement la même chose dans le cas de la radiodiffusion. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une contradiction. Il s'agit d'examens différents dans des buts différents.
Donc, nous faisons notre processus normal d'analyse. Nous prenons les faits de l'industrie et nous arrivons à notre conclusion. Le CRTC a des buts beaucoup plus larges, y compris la culture canadienne, et il analyse cela différemment.
Sur la question de la préséance, il n'y a pas de préséance. Les deux lois s'appliquent de la même façon que les règles de l'environnement et le Code du bâtiment s'appliquent à quelqu'un qui veut construire une usine.
Mme Christiane Gagnon: En ce qui concerne la perception des fusions, les gens nous disent que c'est contraire à la concurrence et ont l'impression que le but des fusions qui ont cours ici, au Canada, est de se préparer pour le marché américain, alors qu'au contraire, on nous dit qu'ici, au Canada, il va y avoir des duopoles et qu'à ce moment-là, les petits acteurs auront beaucoup plus de difficulté à participer à l'univers de la radiodiffusion.
Donc, on dit qu'ici, au Canada, cela ne permet pas une concurrence saine et souhaitable, mais que cela va préparer les compagnies à faire leur entrée sur le marché extérieur, surtout le marché américain, dans le contexte de la radiodiffusion.
M. Konrad von Finckenstein: Nous entendons cet argument dans beaucoup de domaines. Franchement, nous ne l'acceptons pas du tout. Si une compagnie n'est pas compétitive sur le marché canadien, je doute qu'elle puisse l'être sur le marché nord-américain. On doit avoir une certaine masse critique avant de pouvoir entrer sur le marché américain. Le résultat sera celui d'un monopole ou d'un duopole au Canada, soit un manque de concurrence, mais pas une entrée sur le marché américain. Cela s'applique dans tous les domaines, particulièrement dans celui de la radiodiffusion.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mills.
M. Dennis Mills: Merci, monsieur le président.
Monsieur le commissaire, vous avez dit que vous examinez les fusionnements avant qu'ils ne se fassent. Est-ce que c'est vraiment ce que vous vouliez dire?
M. Konrad von Finckenstein: On examine les fusionnements lorsqu'ils dépassent un certain seuil de 400 millions de dollars après fusionnement. Ou si la cible est supérieure à 35 millions de dollars, nous devons en être avisés.
Nous examinons donc un fusionnement ex ante, avant qu'il n'ait lieu. Normalement, le fusionnement ne se fait pas tant que nous ne l'avons pas approuvé, même si certains peuvent décider de prendre le risque de le faire. C'est toutefois très rare.
Pour les fusionnements en deçà de ce seuil, nous n'avons pas à être avisés. Si nous ne sommes pas au courant, ils peuvent se faire. Nous avons, en vertu de la loi, trois ans après le fusionnement pour demander à un tribunal de dissoudre un fusionnement, si nous estimons qu'il a mené à une diminution sensible de la concurrence.
M. Dennis Mills: Vous avez parlé de votre responsabilité en ce qui concerne les pratiques anti-concurrentielles. Pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer au comité la différence entre concurrence créative et pratiques anti-concurrentielles?
M. Konrad von Finckenstein: Oui. Vous avez mis le doigt sur l'une des tâches les plus difficiles du bureau. Manifestement, on veut maintenir une concurrence vigoureuse. Dans une situation de concurrence vigoureuse, une entreprise est florissante et son concurrent ne l'est pas. Par ailleurs, il y a dans la loi des dispositions précises pour contrer ce que l'on appelle l'abus de position dominante, c'est-à-dire les activités anti-concurrentielles. Essentiellement, il s'agit de déterminer si une activité s'inscrit dans une logique d'entreprise. L'activité a-t-elle un sens?
Prenons le cas d'une situation d'abus de position dominante dans laquelle une entreprise domine déjà le marché. Si elle s'avise de vendre son produit à perte, on peut se demander pourquoi? L'entreprise a déjà une large part du marché. Agit-elle ainsi pour grossir sa part? Non, ce n'est pas nécessaire parce qu'elle est déjà en position dominante. Elle le fait pour évincer une autre entreprise. C'est un comportement anti-concurrentiel.
Si toutefois, l'entreprise lance un nouveau programme, un nouveau programme de fidélisation, où qu'elle offre certains rabais ou de nouveaux services, ce peut-être très efficace et augmenter sa part du marché—merveilleux. C'est à cela que rime la concurrence. De fait, l'entreprise fait prospérer le marché, en offrant un nouveau produit, et elle peut ainsi attirer de nouveaux clients. Voilà la différence entre une atteinte à la concurrence et le respect de la concurrence.
Les choses ne se démarquent pas de façon claire. C'est une zone grise et il faut voir des choses au cas par cas. Il faut examiner chaque cas. Il faut voir comment le marché réagit, les attitudes, la capacité des intervenants à l'influencer.
Á (1105)
M. Dennis Mills: Monsieur le commissaire, je suis ravi que vous ayez dit que c'est une zone grise parce que plus j'étudie cette Loi sur la concurrence, plus je la trouve obscure.
M. Konrad von Finckenstein: Cela explique bien pourquoi j'ai des cheveux gris.
M. Dennis Mills: Mon objectif au cours du reste de ma carrière parlementaire est de comprendre à quoi rime cette loi et le rôle du bureau. Tout ce que je regrette, c'est de ne pas avoir commencé plus tôt.
Monsieur Joré, à propos de la méthode d'analyse, vous dites faire parfois appel à des experts du secteur quand vous faites l'analyse de certains dossiers. Comment veillez-vous à ce que ces experts soient indépendants des intéressés que vous analysez?
M. Gaston Jorré: Évidemment, on ne peut pas embaucher quelqu'un qui travaille pour une des parties. Il faut vérifier qui...
M. Dennis Mills: Comment procédez-vous à la vérification?
M. Gaston Jorré: On regarde l'expérience des candidats, leurs compétences et leur curriculum vitae. Nous analysons tout cela pour voir si le candidat connaît bien le domaine ou s'il y a possibilité de difficultés à cause de sa subjectivité.
M. Dennis Mills: Y aurait-il une difficulté si vous découvriez que l'expert retenu avait des relations d'affaires de longue date avec la partie en position dominante dans la fusion? Cela vous inquiéterait-il?
M. Gaston Jorré: Tout dépend de la situation, mais ce pourrait être une difficulté. Dans un petit pays, il arrive que dans certains domaines, on ne puisse compter que sur un nombre limité d'experts, ce qui nous force parfois à chercher à l'étranger. Dans certains domaines, nous pouvons compter sur un grand nombre d'experts. Il faut voir....
M. Dennis Mills: Ainsi, vous n'hésitez pas à chercher des experts à l'étranger quand le nombre d'experts dans certaines industries est limité, n'est-ce pas?
M. Konrad von Finckenstein: Vous semblez avoir l'impression que nous ne recourons qu'à un seul expert. Il arrive que nous faisions appel à plusieurs.
M. Dennis Mills: Non, j'ai dit «experts».
M. Konrad von Finckenstein: Suivant la complexité du dossier, on peut faire appel à plusieurs experts. Ils peuvent être canadiens, étrangers, ou l'un et l'autre. Notre but est d'obtenir les gens les plus versés dans le domaine.
M. Dennis Mills: Pendant que vous procédez à ces démarches, à qui le Bureau de la concurrence doit-il rendre des comptes? Quand vous atteignez la zone grise, pour utiliser votre expression, s'il y a une contestation, si des gens veulent mettre en cause votre méthodologie ou votre méthode d'analyse, à qui s'adresse-t-il? Qui vous conteste?
M. Konrad von Finckenstein: Il faut se rappeler que nous n'avons pas le pouvoir de prendre des décisions mais tout simplement de contester. Si nous décrétons qu'une fusion aboutit à une réduction substantielle de la concurrence, ou qu'une activité est anti-concurrentielle, alors que la partie qui conteste le nie, nous devons nous adresser au Tribunal de la concurrence qui est constitué de juges, d'économistes et de gens d'affaires, et nous devons défendre l'affaire devant lui, en établissant les faits, etc. Et c'est le tribunal qui prend la décision, pas nous.
M. Dennis Mills: Monsieur le président, ce sera ma dernière question.
Les députés, et de façon plus importante, les ministres, doivent se conformer à des lignes directrices sur le conflit d'intérêts. Vos collaborateurs, ou encore les gens que vous embauchez pour procéder à ces analyses, doivent-ils se conformer à des lignes directrices sur le conflit d'intérêts imposées par le Bureau de la concurrence?
Á (1110)
M. Konrad von Finckenstein: Je ne sais pas quelles sont les leurs, quelles sont leurs limites, mais je sais quelles sont les nôtres. Nous imposons des lignes directrices à nos employés, aux avocats que nous embauchons, aux économistes également et nous y adhérons avant d'embaucher quelqu'un.
M. Dennis Mills: Sont-elles publiques?
M. Konrad von Finckenstein: Oui.
M. Dennis Mills: À la bonne heure.
Merci, monsieur le président.
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: Merci beaucoup.
Moi aussi je voudrais poursuivre dans la même veine que Mme Gagnon. Vous savez qu'une des recommandations de BCE était qu'on apporte des précisions au mandat du CRTC concernant les questions de concurrence, soit sous forme de directives du cabinet ou de modifications législatives.
Je comprends bien que vous ne puissiez pas discuter de l'affaire Astral en l'occurrence, mais je voudrais savoir si en fait vous estimez... Surveillez-vous l'évolution des affaires qui sont instruites par le CRTC? J'ai cru comprendre d'après ce qu'a dit Mme Scott que vous pouvez en fait témoigner devant le CRTC si vous voyez une difficulté dans l'affaire instruite, même si il y a une différence entre les objectifs culturels et les objectifs commerciaux, comme vous l'avez précisé ce matin. Attendez-vous que le CRTC ait rendu une décision? Encore une fois, je ne connais pas les tenants et les aboutissants, notamment dans l'affaire Astral, mais pourquoi n'auriez-vous pas comparu en temps utile et pris ces décisions?
Monsieur Jorré, vous avez pesé vos mots quand il a été question de précédent ou de priorité dans votre réponse à Mme Gagnon. Selon moi, les dispositions de la Loi sur la concurrence se doivent d'être de première importance actuellement dans une décision du CRTC. Est-ce que je me trompe?
M. Konrad von Finckenstein: Commençons par la question de la dualité de régime en l'occurrence. Deux lois s'appliquent, la Loi sur la concurrence et la Loi sur la radiodiffusion, et il faut une approbation en vertu des deux lois. C'est le même exemple que celui qu'a utilisé M. Jorré—la construction d'une maison exige un permis de construction, mais il se peut qu'il faille un permis pour des considérations écologiques, s'il n'y a pas d'égouts, etc. La construction d'une maison peut exiger l'obtention de divers permis.
Il y a quelques années, nous avons signé un accord d'interface avec le CRTC. Le texte se trouve sur notre site Internet et sur celui du CRTC. Il précise clairement que dans le cas de l'examen d'une fusion, la juridiction est parallèle. Toute transaction doit respecter les lois exécutées par deux organisations.
Nous avons tâché d'expliquer clairement à nos clients, aux intervenants—et au CRTC—que les deux sont essentiellement nécessaires. Il n'y a pas de préséance. Rien ne peut aller de l'avant sans l'approbation des deux organisations. Le CRTC analyse les situations du point de vue de son mandat, le maintien à la promotion de la culture canadienne. Quant à nous, nous nous demandons si la transaction va réduire substantiellement la concurrence. C'est ce qu'exigent actuellement les deux lois et c'est ce que nous devons faire.
Cela dit, je ne sais pas ce que Bell Canada propose, mais il y a d'autres secteurs. Prenez celui des banques, par exemple. Nous avons une responsabilité à cet égard. Le BSIF en a une également. Le ministre des Finances, également. L'article 94 de notre loi dispose que le ministre des Finances peut attester qu'une fusion sert l'intérêt national et il peut essentiellement nous interdire d'exercer notre mandat d'examen. Le ministre ne l'a jamais fait mais techniquement, il en a le pouvoir.
Manifestement, dans une situation précise, pour une raison quelconque— la santé du Système financier canadien, etc.—où on estime si important... Le Parlement a jugé nécessaire de prévoir ce genre de mécanisme de dérogation qui figure dans la Loi sur les banques. Un tel mécanisme ne figure pas dans la Loi sur la radiodiffusion.
Le Parlement pourrait très bien inclure une interdiction dans la loi, s'il le souhaitait, affirmant que la culture peut, dans certains cas, supplanter la concurrence. Si c'était le cas, je ne m'en émouvrais pas. Je ne suis pas un tel fanatique de la concurrence. J'affirme toutefois que les lois actuelles prévoient un double d'examen et une double approbation.
Mme Sarmite Bulte: Revenons si vous le voulez à l'exemple des banques. Reprenez-moi si je me trompe mais il y a quelques années, vous avez présenté un rapport avant que l'on propose la fusion des banques, avant que le ministre ne soit appelé à décider. Est-ce que je me trompe? Ce pouvoir du ministre des Finances n'intervient qu'une fois votre examen terminé, n'est-ce pas?
M. Konrad von Finckenstein: Dans le cas des banques, nous devons donner notre approbation et le ministre des Finances également. En l'occurrence, nous avons fait une évaluation préliminaire en signalant les difficultés. Le BSIF a fait de même. Le ministre des Finances a déclaré qu'il y avait trop de problèmes, et qu'il était inutile de poursuivre.
Toutefois, nous étions tout à fait prêts à passer à l'étape suivante, à aborder les questions de concurrence. Le ministre aurait toutefois pu écarter nos conclusions s'il avait estimé dans le cas du CRTC que les intérêts nationaux étaient des intérêts culturels très différents du souci de maintien de la concurrence. Il faut une double approbation dans ce cas-là, comme dans ce cas-ci.
Le président: Madame Lill.
Á (1115)
Mme Wendy Lill: Merci d'être venu.
Le mois dernier, le comité a entendu le témoignage de Casey Anderson de AOL qui nous a assuré que le marché lui-même comportait les incitatifs nécessaires à la production d'un contenu canadien, et qu'il était tout simplement inutile de recourir à des règlements sur le contenu ou à d'autres instruments. Dans cette optique, nous devons tous compter sur le marché pour garantir que la voix des Canadiens va se faire entendre.
Je sais que vos objectifs sont économiques et non culturels. Nous savons également que les conglomérats de multimédia piaffent actuellement souhaitant entrer sur le marché canadien pour des raisons de rentabilité. Je pense que nous serions très naïfs de croire qu'ils veulent le faire parce qu'ils souhaitent vraiment propager la culture canadienne.
Puisque vous êtes d'ici, pouvez-vous nous dire comment vous interprétez ce genre d'affirmation de la part de ce qui est sans doute le plus gros conglomérat médiatique du monde? Comment allez-vous réagir quand ils vont frapper à votre porte? Quand ils vont frapper à la porte du CRTC? À quoi cela rime-t-il?
M. Konrad von Finckenstein: Je n'ai pas préconisé quoi que ce soit dans ce sens. Je n'ai jamais évoqué la possibilité qu'on se débarrasse de la protection de la culture canadienne, ou du souci de la promouvoir, etc. Votre rôle en tant que législateurs est de porter des jugements de valeur. Il faut se demander si la culture canadienne nous tient à coeur, si c'est une chose que nous voulons protéger et promouvoir? Je pense que les Canadiens se sont prononcés clairement là-dessus. Ils y sont favorables.
Nous disons tout simplement que ce faisant, il ne faut pas entraver les forces du marché dans la mesure où cela n'est pas nécessaire. Il faut laisser les forces du marché canadien établir les règles aboutissant à une protection appropriée du contenu canadien, et compter sur un organisme comme le CRTC pour imposer la culture canadienne.
Cela ne veut pas dire qu'il faut aller jusqu'à ce que M. Abbott a soulevé dans son exemple à propos de la protection du genre. Je pense que la protection du genre n'a rien à voir avec la culture canadienne. Laissons les Canadiens décider de ce qu'ils regarderont. Veillons à ce qu'il y ait des chaînes parmi lesquelles ils puissent choisir, s'ils le souhaitent.
Mme Wendy Lill: À les entendre, la BCE et la CanWest Global et toutes les autres grosses entreprises, il leur faut amplifier leurs activités pour créer le contenu, pour être compétitif sur le plan international. Il me semble qu'ils évoquent là des décisions de rentabilité qu'ils estiment devoir être respectées. Selon moi, c'est diamétralement opposé à la protection de cet objectif culturel.
Le cas de AOL relève de la conjecture mais chaque fois quelqu'un vous parle des impératifs du marché, il me semble que vous serez toujours porté à aller dans ce sens, plutôt que dans le sens culturel, dans la mesure où vous concevez votre mandat comme un mandat financier.
J'essaie de voir comment nous pouvons veiller à ne pas perdre notre équilibre.
M. Konrad von Finckenstein: Vous avez tout à fait raison. C'est une question d'équilibre. D'où la double approbation. Voilà pourquoi le CRTC existe, son mandat étant de protéger et promouvoir la culture canadienne. Le projet de loi contient un mandat. Nous sommes les gardiens de la concurrence. Il faut équilibrer les deux.
Dans notre mémoire, nous soutenons qu'il serait peut-être souhaitable de rééquilibrer les choses en quelque sorte. Nous pensons que l'on n'a pas permis aux forces du marché de jouer avec assez de liberté dans les limites prévues pour protéger la culture canadienne de sorte que l'on puisse tirer les avantages que procurent les forces du marché, sans pour autant renoncer à la nécessité de protéger, de promouvoir et d'imposer la culture canadienne.
Le président: Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Le week-end dernier, si je ne m'abuse, la question du marché gris des satellites a été tranchée. L'extrait le plus éloquent de la décision rendue par le juge est le suivant:
Le Parlement voulait créer une entrave infranchissable interdisant aux résidents canadiens de décoder des signaux codés. Une seule exception à cette interdiction: le cas où on obtient l'autorisation auprès d'un distributeur détenant au Canada les droits nécessaires sur le plan légal pour transmettre le signal et accorder l'autorisation exigée. |
Certains Canadiens estiment que les règlements visant à restreindre la capacité des résidents canadiens à décoder des signaux codés sont anticoncurrentiels. Avez-vous quelque chose à répondre à cela?
Á (1120)
M. Konrad von Finckenstein: Nous avons choisi de réglementer la radiodiffusion suivant un régime qui interdit à qui que ce soit de radiodiffuser au Canada à moins de détenir une licence à cet effet. En même temps, si vous êtes au Canada, vous ne devez capter que des signaux en provenance des détenteurs de licences au Canada.
Comme vous le savez, il y a toute la question des droits accordés par la Charte, mais je vais laisser cela de côté pour l'instant.
C'est le système de réglementation que nous avons établi. Tout cadre réglementaire entrave jusqu'à un certain point le libre jeu des forces du marché et restreint la concurrence. Mais nous ne cessons de le faire dans l'intérêt d'un bon gouvernement, d'une meilleure répartition de la richesse, pour l'atteinte d'objectifs sociaux, que sais-je encore. L'astuce est de toujours le faire de façon minime, de ne faire que ce qui est nécessaire pour garantir la structure de base. Puisque nous savons que les forces du marché sont en règle générale le moyen le plus efficace de répartir les ressources, laissons-les jouer de la meilleure façon possible.
M. Jim Abbott: J'y reviens, pour en arriver à une conclusion précise. En tant que commissaire, vous dites que cette restriction, d'un point de vue strictement concurrentiel, est une restriction que vous n'avez pas contestée, n'est-ce pas?
M. Konrad von Finckenstein: Absolument. Le spectre étant limité, il faut s'adapter, et nous avons établi un système pour la répartition de ce spectre.
M. Jim Abbott: Dans votre mémoire, à partir du point 14 et jusqu'aux recommandations, vous discutez des nouveaux services médiatiques. Cela comprend le service par satellite du marché gris, et vous parlez d'un plan de financement. S'agit-il tout simplement d'observations ou êtes-vous parvenu à une sorte de conclusion à cet égard?
À la lecture, j'ai été frappé en constatant que vous affirmez qu'à votre avis il y a une limite réelle à ce que l'on peut réglementer dans le champ des nouveaux médias. Est-ce que je me trompe?
M. Konrad von Finckenstein: Nous avons essayé d'expliquer les pressions qui s'exercent sur le système. Elles sont nombreuses et énormes, et il faut faire quelque chose. Jusqu'à présent, notre système de radiodiffusion s'est révélé prospère mais étant donné ces changements colossaux, et les pressions qui les accompagnent, il est temps de repenser toute la situation et de faire quelque chose.
On peut dire que les politiques actuelles vont être supplantées par la technologie. Si on peut allumer son ordinateur et voir tout ce que l'on souhaite en direct et en temps réel, les fournisseurs qui vous offriront ce que vous voulez, vont être foison, et ils vont tout à fait contourner le cadre de réglementation, et par conséquent le CRTC. Ce n'est qu'une question de temps. Deux ans, cinq ans ou dix ans? Je ne sais pas mais sachant que cela se prépare, nous devrions nous prémunir et essayer de voir comment y faire face.
[Français]
Le président: Madame Gagnon, avez-vous une question?
Mme Christiane Gagnon: Oui. Étant donné que vous êtes dans le domaine de la concurrence et que la propriété étrangère, du moins selon certains acteurs, pourrait amener une meilleure concurrence entre les produits et une ouverture des signaux par satellite, comme vous l'avez dit tout à l'heure, souhaiteriez-vous qu'on hausse le barème pour la propriété étrangère? Certains disent que ce serait très néfaste pour le contenu canadien et que les Américains pourraient entrer avec leurs productions sans égard aux quotas, mais si la concurrence était aussi ouverte et si vous étiez en faveur de cela, que faudrait-il faire pour protéger le contenu canadien?
Á (1125)
M. Konrad von Finckenstein: Comme commissaire à la concurrence, nous sommes en général contre les restrictions sur la propriété étrangère parce qu'elles résultent toujours en une distorsion de la concurrence pure. Cependant, nous reconnaissons que de telles restrictions sont nécessaires dans quelques domaines. Nous avons maintenant des restrictions dans les deux domaines, dans celui de la radiodiffusion et dans celui des télécommunications.
Nous disons dans notre soumission que si vous changez le niveau de la participation étrangère, la même chose doit être faite pour la distribution des signaux de radiodiffusion et pour la distribution des signaux téléphoniques, parce que le signal est le même. Pour nous, il ne devrait pas y avoir de différence entre les deux. Mais est-ce qu'on va changer cela ou non? C'est une chose que le gouvernement doit décider. Évidemment, c'était autrefois une question d'équilibre: l'équilibre entre le but de la concurrence que l'on veut atteindre, et la possibilité de perdre notre identité nationale et notre culture parce que ces compagnies peuvent devenir complètement étrangères.
Franchement, tout ce que je puis dire sur le sujet, c'est que s'il y a un changement, il sera fondamental que le même changement soit fait pour l'acheminement des signaux de radiodiffusion et pour l'acheminement des signaux téléphoniques.
Mme Christiane Gagnon: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur le commissaire, vous avez parlé d'un accord d'interface entre vous-même et le CRTC. Je suppose que ce n'est pas un texte réglementaire mais tout simplement un protocole d'entente entre les deux commissions, n'est-ce pas?
M. Konrad von Finckenstein: C'est cela.
Le président: Serait-il possible d'en obtenir copie pour notre service de recherche?
M. Konrad von Finckenstein: Volontiers. Je peux vous la donner maintenant. Je l'ai ici dans mon classeur. C'est un document que nous avons préparé avec le CRTC afin que nos administrés comprennent comment les deux organisations s'imbriquaient.
Le président: À quant cela remonte-t-il, monsieur le commissaire?
M. Konrad von Finckenstein: À 1999.
Le président: Avez-vous constaté qu'il a permis d'aplanir certaines divergences d'opinion entre vos organisations et qu'il a abouti à une conclusion intégrée là où vous aviez d'éventuelles divergences, pour ainsi dire?
M. Konrad von Finckenstein: Ce n'était pas le but. Nous cherchions tout simplement à renseigner nos administrés sur le fonctionnement de nos organisations. Il est entendu que nous pouvons aboutir à des conclusions différentes selon le domaine—par exemple, les fusions. Ainsi, on y dit précisément que dans la mesure où le conseil s'abstient ou exempte, la Loi sur la concurrence s'applique. Dans la mesure où il n'y a plus de cadre réglementaire fixé par le CRTC à certains égards—l'interurbain, par exemple—, le conseil s'abstient mais la Loi sur la concurrence s'applique. Si quelqu'un veut porter plainte, il faut qu'il s'adresse à nous et nous ferons enquête avec poursuites au besoin.
Ainsi, il s'agissait de faire oeuvre éducative, d'apporter des précisions, et je pense que ce document est utile à cet égard. Il n'a pas permis d'aplanir d'éventuelles divergences d'opinion concernant nos diverses fonctions, ou encore nos conclusions.
Á (1130)
Le président: Êtes-vous présent lors des audiences du CRTC, plus particulièrement lorsqu'il s'agit de cas de convergence de propriété, etc.? En revanche, le CRTC suit-il vos audiences? Dans la pratique, comment cela se passe-t-il lors des audiences du CRTC qui peuvent avoir une incidence sur votre tâche et vice versa?
M. Konrad von Finckenstein: Dans son rôle de concepteur de la politique, par exemple, le CRTC se penche actuellement sur toute la question du régime du plafond des prix pour le téléphone, etc. Nous avons présenté un mémoire au Conseil signalant qu'au moment où on prendrait cette grave décision de revoir le plafond des prix, il y aurait certains enjeux à prendre en considération...et nous expliquons comment on peut imposer les objectifs de concurrence en prenant certaines mesures.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, la loi nous donne le droit de témoigner devant les décideurs, droit que nous exerçons et nous présentons des mémoires à intervalles réguliers. Nous ne nous sommes pas entendus dans ces cas-là; nous n'avons que le droit de contester. Quand nous contestons, le cas d'une fusion ou encore les activités d'une entreprise, nous nous adressons au Tribunal de la concurrence. En pratique, le CRTC pourrait intervenir alors. Que je sache, il ne l'a jamais fait.
Je suppose que le CRTC suit nos activités. Nous essayons d'entretenir de bonnes communications avec le conseil et de partager nos connaissances afin de nous renseigner mutuellement. Toutefois, essentiellement, il s'agit de deux démarches distinctes et parallèles.
Le président: Oui, monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: J'ai une dernière brève question. Elle concerne Internet. Nous parlions tout à l'heure de nouveaux médias et des défis qu'ils poseront lors des révisions de la Loi sur la radiodiffusion. À votre avis, la définition de radiodiffusion devrait-elle inclure la reconnaissance ou plus précisément la programmation Internet?
M. Konrad von Finckenstein: Non. Le CRTC a tenu des audiences sur l'opportunité de réglementer Internet, etc., et nous avons présenté des mémoires. Nous ne pensons pas que ce soit techniquement possible d'établir un régime que l'on ne peut pas faire respecter me semble inefficace.
Cela dit, au fur et à mesure que de nouvelles formes médiatiques vont se concrétiser, avec l'intervention de l'Internet, dans la mesure où la réglementation sera possible et pourra aller dans le sens de l'objectif clef du CRTC, la promotion de la culture canadienne, rien n'empêche le CRTC de s'en occuper. Toutefois, il serait prématuré de se prononcer car nous ne savons pas quelle sera l'évolution technologique et dans quelle mesure nous serons capables de la réglementer.
M. Jim Abbott: Ainsi, vous êtes du même avis que moi. Même si nous pouvons imposer des interdictions comme nous l'entendons aux abonnés canadiens de la câblodistribution ou du satellite, des interdictions ou des contrôles sur Internet, tel que nous le connaissons, sont sans doute impossibles, n'est-ce pas?
M. Konrad von Finckenstein: Vous êtes beaucoup plus avancé que moi sur le plan des connaissances techniques, mais si je ne m'abuse, actuellement c'est impossible. Cela ne veut pas dire que nous ne pourrons pas le faire à l'avenir.
Le président: Monsieur le commissaire, nous vous sommes très reconnaissants d'être venu aujourd'hui accompagné de vos collaborateurs. Je me permets de vous demander d'accepter que de temps à autre notre équipe de recherche, souhaitant des renseignements supplémentaires, fasse appel aux membres de votre équipe pour obtenir des documents.
M. Konrad von Finckenstein: Nous vous aiderons volontiers.
Le président: Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. Votre témoignage nous sera extrêmement utile.
La séance est levée.